CITI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON CITIZENSHIP AND IMMIGRATION
COMITÉ PERMANENT DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 11 février 1998
[Traduction]
Le président (M. Stan Dromisky) (Thunder Bay—Atikokan, Lib.)): Je souhaite la bienvenue à tout monde et je déclare la séance ouverte.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le comité entreprend l'étude du chapitre 25 du rapport de décembre 1997 du vérificateur général du Canada, en l'occurrence le chapitre intitulé «Citoyenneté et Immigration Canada et la Commission de l'immigration et du statut de réfugié—Le traitement des revendications du statut de réfugié» et le retrait des revendications rejetées des réfugiés.
Nous avons la chance cet après-midi d'accueillir deux témoins très distingués, compétents et au courant, en l'occurrence le vérificateur général adjoint, Richard Flageole, et Serge Gaudet, directeur principal, Opérations de vérification.
Messieurs, je vous cède la parole et je demande à celui qui parlera en premier de commencer. Ensuite, comme d'habitude et comme vous le savez très bien, nous vous poserons des questions. Merci beaucoup.
M. Richard Flageole (vérificateur général adjoint, Bureau du vérificateur général du Canada): Merci de vos aimables paroles, monsieur le président.
J'ai d'abord une très brève déclaration d'ouverture à faire, après quoi nous répondrons volontiers aux questions des membres du comité. Si vous me le permettez, je vais donc faire ma déclaration d'ouverture.
Le président: Oui.
M. Richard Flageole: Je tiens tout d'abord à vous remercier de nous donner l'occasion de discuter du chapitre 25 de notre rapport de décembre 1997.
Comme vous le savez, le premier rôle du Bureau du vérificateur général du Canada consiste à servir le Parlement. Si je le mentionne, c'est pour souligner le caractère indépendant de nos vérifications et examens. Notre objectif consiste à fournir au Parlement information, assurance et avis objectifs.
Comme le prévoit le Règlement de la Chambre des communes, nos rapports sont envoyés au Comité des comptes publics. Cependant, nous accueillons favorablement toute demande d'information de la part de comités et de sous-comités parlementaires comme le vôtre.
Nous sommes ici aujourd'hui pour vous présenter les résultats de notre vérification du traitement des revendications du statut de réfugié. Ainsi que vous nous l'avez demandé, nous porterons une attention particulière aux questions liées au traitement des cas des revendicateurs non reconnus.
Monsieur le président, dans l'ensemble, nous avons constaté que le système actuel donne des résultats décevants. Nous nous inquiétons particulièrement du volume de cas en arriéré, des longs délais de traitement, tant à la Commission qu'au ministère, et des difficultés à effectuer les renvois.
Au 31 mars 1997, environ 37 500 personnes attendaient une décision du ministère ou de la Commission liée à leur revendication. Nous avons estimé qu'une revendication peut assurer un séjour au pays pour une période moyenne de plus de deux ans et demi.
En ce qui touche plus particulièrement le cas des revendicateurs non reconnus, à la fin de notre vérification, CIC pouvait confirmer le départ de seulement 4 300 des 19 900 personnes qui auraient dû quitter le pays. Le faible taux de succès à retourner ceux qui n'ont pas besoin de protection nourrit une perception qu'il est plus facile d'immigrer au Canada par le moyen de la revendication du statut de réfugié que par les programmes prévus d'immigration.
Pour préserver l'intégrité du programme d'immigration, les mesures de renvoi doivent être mises à exécution, et ce, rapidement. Voilà le message que nous avions communiqué dans notre rapport de 1990 et que nous répétons dans le rapport de 1997.
[Français]
Ceux qui ne sont pas reconnus comme réfugiés par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié devraient normalement quitter le Canada peu de temps après avoir fait l'objet de cette décision. Toutefois, les dossiers suivent un cheminement lent et complexe et plusieurs cas demeurent non résolus. Les revendicateurs non reconnus comme réfugiés ont généralement droit à une seconde évaluation quant à leurs besoins de protection, celle fondée sur les risques de retour. Cette évaluation ajoute au délai de traitement et comporte des ambiguïtés qui suscitent des questions sur son fondement. Enfin, les délais font en sorte que les revendicateurs s'installent et créent des liens dans la société canadienne. Il devient donc très difficile de renvoyer ces personnes après un certain temps. Certains demandent la résidence permanente sur la base de considérations humanitaires.
• 1540
Nous n'avons pas effectué une vérification en
profondeur de la fonction de renvoi. Nous avons
toutefois tenté de déterminer les facteurs qui
expliquent la difficulté du ministère de procéder
rapidement au renvoi. Parmi ces facteurs, nous avons
noté les délais encourus entre les décisions de la CISR
et les décisions liées aux mécanismes de révision
supplémentaires, ainsi que le fait que certains pays
tardent à émettre des documents de voyage à leurs
citoyens ou même refusent de le faire. Outre ces
facteurs, on note que plusieurs individus tardent à
quitter le pays ou échappent carrément à l'emprise du
ministère.
À ce chapitre, nous avons observé que CIC dispose d'informations insuffisantes pour gérer adéquatement les renvois. Par exemple, le ministère ne connaît pas avec exactitude le nombre de personnes prêtes au renvoi. Le manque de coordination et d'information de gestion affecte l'efficacité de la mise en oeuvre des renvois.
Comme nous l'avons souligné dans notre rapport, il y a des limites aux améliorations qui peuvent être apportées au rendement du système actuel. Nos choix de société influencent de façon significative ce rendement. L'examen par votre comité des questions liées à la détention et au renvoi devra tenir compte de cette réalité. Il s'agira sans aucun doute d'une tâche complexe et délicate.
En 1995-1996, le ministère a procédé à un examen du contexte opérationnel ainsi que des règles et des méthodes se rapportant aux renvois d'individus en vertu de la Loi sur l'immigration. Le comité voudra peut-être interroger le ministère sur le suivi donné au rapport découlant de cet examen. De plus, il voudra peut-être approfondir la stratégie que poursuit le ministère en matière de renvoi et s'enquérir des résultats attendus et obtenus.
[Traduction]
Monsieur le président, dans mes propos, j'ai mis l'accent, tel qu'il nous avait été demandé, sur la section de notre chapitre qui touche au traitement des cas des revendicateurs non reconnus comme réfugiés. Il ne faut toutefois pas oublier notre évaluation d'ensemble. Une révision majeure du processus s'avère nécessaire. C'est toute l'infrastructure de coordination et de contrôle des activités qui doit être améliorée. Le processus doit accorder rapidement la protection aux personnes qui en ont vraiment besoin et dissuader celles qui ne méritent pas ou qui ne requièrent pas la protection du Canada de revendiquer le statut de réfugié. Nous espérons avoir l'occasion de venir en discuter davantage avec vous.
Monsieur le président, voilà qui conclut mon commentaire d'introduction. Nous serons heureux de répondre aux questions de votre comité.
Le président: Merci. Nous passons maintenant aux questions, et nous commencerons par M. Reynolds, du côté de l'opposition.
M. John Reynolds (West Vancouver—Sunshine Coast, Réf.): Merci, monsieur le président.
À mon avis, l'absence d'un système électronique de dépistage des revendicateurs non reconnus constitue l'une des faiblesses les plus graves du système de renvoi. Avez-vous l'impression que le ministère a abandonné l'idée d'instaurer un système national de dépistage électronique, et les systèmes que les régions ont mis sur pied peuvent-ils communiquer entre eux?
Il s'agit en réalité de deux questions.
M. Serge Gaudet (directeur principal, Opérations de vérification, Bureau du vérificateur général du Canada): La réponse à la première question est: oui, le ministère mettait au point un nouveau système électronique pour garder la trace de ceux qui doivent être renvoyés, et, comme nous le signalons dans notre rapport, le projet a été arrêté ou annulé à cause des compressions budgétaires et du fait que le ministère avait d'autres priorités. Ce que nous signalons, c'est qu'il faudrait vraiment avoir toutes sortes de renseignements au sujet de ces renvois, notamment pour savoir où sont les revendicateurs. La réponse est donc oui.
M. John Reynolds: Combien le ministère a-t-il dépensé jusqu'ici? Je sais qu'il avait mis le programme sur pied. Personne ne sait vraiment si le coût de la mise sur pied de ce système était de 2 millions de dollars, de 20 millions de dollars ou de 60 millions de dollars. Combien le ministère avait-il dépensé avant d'annuler ce programme et combien devrait-il encore dépenser pour le mettre au point?
M. Serge Gaudet: Nous n'avons pas obtenu ces renseignements. Le fait est que le programme a été annulé à peu près à l'époque où nous publiions notre rapport, en octobre. Notre vérification était déjà terminée à l'époque.
M. John Reynolds: Est-ce une chose que le vérificateur général examinerait? Si un ministère dépense de l'argent pour instaurer un système de dépistage et que les resquilleurs coûtent quelque 300 millions de dollars par année seulement en prestations de bien-être social, le vérificateur général voudra-t-il lors d'une prochaine vérification voir combien ce système de dépistage coûte et combien il pourrait économiser?
M. Serge Gaudet: Tout à fait. Le Bureau a déjà présenté de nombreux rapports sur le développement des systèmes, surtout pour les systèmes financiers du gouvernement. Nous considérons maintenant que cette question mérite un examen.
M. John Reynolds: Excellent.
Pour ce qui est de la communication entre les régions, je sais que quand je vais à l'aéroport de Vancouver, on a parfois du mal à faire la communication entre les États-Unis et le Canada et entre les ordinateurs à la frontière et ceux qui sont à l'aéroport de Vancouver. Les bureaux du ministère peuvent-ils facilement communiquer entre eux d'un bout à l'autre du pays et entreposer des renseignements? Si quelqu'un arrive illégalement au Canada à Toronto et que vous l'expulsiez, et qu'il arrive ensuite en Colombie-Britannique, existe-t-il une façon de s'en apercevoir?
M. Serge Gaudet: Il y a plus d'une dimension à votre question. D'abord, si quelqu'un demande d'entrer au Canada comme réfugié, par exemple, ce dossier est envoyé à la GRC, qui vérifie s'il y a eu une demande précédente. Ensuite, les renseignements sont versés au SSOBL, le système interne du ministère, pour que celui-ci puisse garder la trace des revendicateurs.
Mais il y a aussi la question des deux services. Il y a la Commission de l'immigration et du statut de réfugié et il y a Citoyenneté et Immigration. Je sais qu'une chose qu'on voulait améliorer grâce au nouveau système d'application dont vous avez parlé tantôt, c'était l'échange d'informations entre les deux services. J'ignore où on en est pour l'instant.
Il existe effectivement une capacité d'échange de renseignements au ministère, mais nous avons aussi constaté qu'il y avait beaucoup d'aide de la part des régions, ce qui complique les choses, parce que les renseignements ne sont pas tous versés au SSOBL.
M. John Reynolds: Le vérificateur général pourrait-il jeter un coup d'oeil non pas seulement sur ce qui se passe au ministère... Dans un tel cas, Citoyenneté et Immigration travaille de concert avec la GRC. Les services policiers de Montréal, de Toronto et de Vancouver sont aux prises avec un grave problème. Ne pourrait-on pas coordonner tous les systèmes?
Je me suis promené dans les rues de Vancouver il y a quelque temps, et les policiers m'ont dit qu'ils avaient arrêté quelqu'un d'un autre pays qui avait pour 1 700 $ de cocaïne dans la bouche. Il était au Canada depuis neuf jours et avait revendiqué le statut de réfugié. La police n'en prend même pas note. Cela ne vaut pas la peine d'arrêter cet individu, parce que cela n'aboutirait à rien en Colombie-Britannique, d'après les policiers. Ils l'ont donc simplement relâché. Il n'y a cependant aucun dossier qui fasse mention de cet incident, même pas la demande de revendication du statut de réfugié, ce qui veut dire que l'on ne saura même pas qu'il a été mêlé à une activité criminelle quelconque quand on examinera sa demande.
Il serait intéressant de savoir combien d'argent on pourrait économiser si l'on réussissait à coordonner les activités policières et autres pour que nous sachions ce qui se passe dans notre pays. Je voudrais savoir si c'est une chose que vous pouvez examiner à votre bureau.
M. Serge Gaudet: C'est certainement une question qui nous intéresse, et nous signalons d'ailleurs dans notre recommandation qu'il devrait y avoir plus de collaboration entre tous les services. Il faut d'abord obtenir des renseignements pour que tout le monde sache où tout le monde est et à quelle étape du processus se trouve un revendicateur particulier.
M. John Reynolds: Merci beaucoup.
Le président: Est-ce tout?
M. John Reynolds: Oui.
Le président: Très bien. Nous allons maintenant passer à Mme Folco.
[Français]
Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.): Merci, monsieur le président.
M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Ce n'est pas ce qu'on avait voté la dernière fois.
[Traduction]
Le président: Vous serez le suivant.
Allez-y, madame Folco.
[Français]
Mme Raymonde Folco: Mes deux questions s'adressent soit à M. Gaudet, soit à M. Flageole. J'ai lu d'autres rapports, à part le vôtre, sur la question de ce qu'on appelle en anglais «personal risk of serious harm». Dans ces cas, le revendicateur a déjà été refusé par la Commission et sa demande va au ministère, où on évalue ce concept de «personal risk».
La Commission pourrait-elle avoir deux paliers d'évaluation? C'est-à-dire qu'elle évaluerait si la personne est véritablement un réfugié et, en même temps ou à un temps ultérieur, elle pourrait évaluer s'il y a un risque personnel pour cette personne à rentrer dans son propre pays. J'aimerais avoir votre réponse là-dessus.
• 1550
Ma deuxième question porte sur ce qu'on appelle «tarmac
application». Si je comprends bien, au moment
où la personne qui s'est vu refuser le statut de réfugié est prête à
partir, au moment où elle est quasiment dans l'avion, elle peut à
ce moment précis faire une demande d'immigration.
Je ne pense pas que cet élément paraisse dans votre rapport. J'aimerais vous entendre là-dessus. Merci.
M. Richard Flageole: En ce qui touche la première partie, je crois qu'on fait allusion à l'évaluation des risques de retour qui est effectuée par le ministère à la suite d'une décision négative de la CISR. Actuellement, on parle d'un délai moyen d'environ sept mois. Cette revue qui est faite par le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration prolonge d'environ sept mois le séjour de ces personnes-là.
Dans le chapitre, on a soulevé certaines questions quant au bien-fondé de cette revue. On a noté quand même un certain nombre d'ambiguïtés. Ce qu'on avait fait à la CISR n'était pas nécessairement clair. Une possibilité serait de faire cette évaluation de façon quasi simultanée. Si on fait allusion au rapport qui a été présenté par le comité sur la revue de la loi, je crois qu'on proposait de combiner un petit peu ces deux revues. C'est certainement une option qui réduirait de façon importante le délai de traitement des cas.
En ce qui touche la deuxième question, lorsque vous mentionnez qu'on fait une demande d'immigration, parlez-vous d'une demande en raison de considérations humanitaires?
Mme Raymonde Folco: Écoutez, je vais vous lire la phrase exacte:
[Traduction]
-
Une personne peut refuser de quitter le pays et être assujettie à
un mécanisme d'application de la loi. Une personne faisant face à
un renvoi imminent peut demander le statut d'immigrant reçu aux
termes du paragraphe 114(2)
... il s'agit, je pense, du parrainage...
-
c'est-à-dire une demande de dernière minute.
[Français]
Cela ne vous dit rien?
M. Serge Gaudet: Au paragraphe 114(2), c'est vraiment une question humanitaire. C'est pourquoi on disait que cette demande pouvait être faite à n'importe quel moment dans le processus et aussi souvent qu'on le voulait. Si la personne ayant fait une demande pour des raisons humanitaires, par exemple en raison de violence contre sa personne ou de persécution, a fait l'objet d'un refus, sa demande pourra être revue à la lumière d'autres considérations, comme le temps qu'elle a passé au Canada, les liens qu'elle a créés ou le fait qu'elle a des enfants. Elle pourrait demander à demeurer au Canada en raison de ces choses.
Mme Raymonde Folco: «Tarmac», pour moi, veut dire que c'est sur le terrain, avant qu'on monte dans l'avion. Cela veut dire que la personne peut faire sa demande juste avant de monter les marches pour aller dans l'avion. J'aimerais connaître votre opinion là-dessus. Est-ce quelque chose que vous avez étudié et avez-vous fait une évaluation de cet élément tardif, d'une demande à la toute dernière minute?
M. Richard Flageole: Comme M. Gaudet le disait, la loi prévoit qu'une personne peut en tout temps faire une demande sur la base de considérations humanitaires. C'est certain qu'une personne peut se servir de cette disposition à la dernière minute pour retarder son renvoi ou faire une demande de résidence.
La majorité des cas qu'on a examinés nous ont révélé que, même si on peut faire cette demande-là en tout temps, les gens passent d'abord à la CISR. S'ils obtiennent une décision négative, ils vont ensuite à l'évaluation des risques de retour et, s'ils ont une réponse négative à ce moment-là, ils invoquent la disposition portant sur les raisons humanitaires. C'est la séquence qui est suivie dans une bonne proportion de cas.
Quant à nous, on a aussi soulevé un certain nombre de questions vis-à-vis de la rigueur de ce processus. C'est certain qu'on revient à une question de temps. S'il y a une période de temps relativement longue qui s'écoule entre les différentes décisions, il y a peut-être des circonstances qui peuvent changer, d'autres facteurs qui peuvent être amenés sur le tapis.
Par contre, combiner toutes ces évaluations, les faire dans une période de temps très courte contribuerait certainement à accélérer le processus au complet.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Ménard, vous avez 10 minutes.
[Français]
M. Réal Ménard: D'abord, vous avez fait un constat assez troublant pour les parlementaires.
• 1555
Dans le fond, vous nous dites que le
processus tel qu'il existe n'est pas efficace et
coûte 100 millions de dollars aux provinces les plus
concernées, c'est-à-dire les provinces du centre qui
accueillent plus de 50 p. 100 des réfugiés.
Je sais bien que vous n'êtes pas là pour élaborer des politiques gouvernementales, mais vous avez eu le plaisir de jeter un coup d'oeil assez approfondi sur le processus. Mettons-nous dans la situation où on est à l'aéroport. Il y a un réfugié qui arrive et il est vu d'abord par Immigration Canada. Il n'est pas encore vu par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Il a des papiers et on le renvoie ensuite à un agent qui lui fera remplir une fiche de renseignements personnels, et c'est à partir de ce moment-là que la CISR intervient.
Une fois qu'il a rempli la fiche de renseignements personnels, on va déterminer si sa demande est suffisamment fondée pour qu'il reste et, après cela, c'est tout le processus qui est enclenché. À votre avis, qu'est-ce qui fait qu'on ne réussit pas, depuis la réforme introduite par les conservateurs, à juguler le backlash? Dans le fond, c'est quand même aberrant qu'un processus qui devrait prendre trois ou quatre semaines s'il était bien rodé...
Dans le rapport du Groupe consultatif pour la révision de la législation sur l'immigration, le rapport Trempe, on disait qu'il serait souhaitable de tendre vers un délai de six semaines. À votre avis, est-ce parce que le personnel fait trop de rotation ou parce qu'il y a vraiment un problème dans la façon dont c'est séquencé, ou si c'est parce que c'est inévitable, compte tenu qu'on voit des gens qui n'ont pas de papiers et qui ont des problèmes d'identification? Si vous étiez en instance de décision et que vous aviez à nous donner un facteur prépondérant, qu'est-ce que vous nous répondriez?
J'aurai ensuite deux autres questions.
M. Serge Gaudet: Si j'avais seulement une chose à vous dire, je dirais qu'une réforme du système est nécessaire. Cela étant dit, on examine chacune des étapes du processus et, à chacune des étapes, on a trouvé des difficultés majeures. À la première étape du processus, les gens arrivent sans documents; 60 p. 100 des gens arrivent sans documents. On ne peut penser que cela ira bien en ce qui a trait aux renvois et à la prise de décisions éclairées par les commissaires si on ne sait pas à l'avance qui ils sont et si leur histoire est crédible.
M. Réal Ménard: Cela n'est pas à la portée du législateur, parce que cela relève de la nature de la clientèle. Il n'y a aucune façon, à moins que vous ayez réfléchi sur des façons en ce qui a trait aux gens qui viennent du Sri Lanka ou du Bangladesh... Il faut travailler avec ce type de clientèle. Diriez-vous que la cause première est que les gens n'ont pas de papiers?
M. Serge Gaudet: Les problèmes relatifs à la recevabilité sont parmi les problèmes importants. Si vous parlez seulement au point de vue législatif, il y a toute la question de la coopération avec les autres pays. On avait soulevé cela en 1990, je crois, et on est revenu avec cela en 1997. Les ententes bilatérales avec les autres pays fourniraient l'occasion d'aider à ce niveau, peu importe que les individus viennent des États-Unis ou d'Australie. À ce moment-là, on pourrait partager la responsabilité du traitement. Cela aiderait, si vous parlez simplement de la loi. En ce qui a trait à la CISR, toute la question de la disponibilité des gens est importante.
M. Réal Ménard: D'accord. Prenons-les un par un, si vous permettez, pour qu'on comprenne bien les détails. M. Pérusse et son équipe, que vous avez rencontrés à Montréal, je crois, ont établi un processus plus rapide pour les gens qui ont des papiers. Si ce processus rapide était accéléré, pensez-vous que les résultats pourraient nous permettre de juguler l'arrérage? Vous savez qu'il y a un projet pilote à Montréal? M. Pérusse et son équipe ont travaillé très fort pour l'implanter.
M. Serge Gaudet: La question du processus accéléré est très délicate. Notre objectif en ce qui a trait à la question des réfugiés est de protéger ceux qui ont besoin d'être protégés. En ce qui a trait à la question d'un processus accéléré, on a vu, comme vous l'avez dit, une diminution de l'utilisation de ce mécanisme. À Montréal, on l'utilise plus qu'ailleurs. Ailleurs, on a une certaine crainte à l'utiliser. C'est certain qu'il y a un potentiel à ce niveau-là, mais cela dépend du processus qu'on utilise pour protéger ceux qui ont besoin d'être entendus, de raconter leur histoire.
M. Réal Ménard: D'accord. J'ai deux autres questions rapides.
Une des dimensions très originales de votre rapport, c'est que vous nous dites clairement ce qu'on comprenait intuitivement depuis des années à la CISR, qui est le plus haut et le plus grand tribunal du pays. Donc, c'est administratif. Il y a deux hiérarchies qui s'affrontent: une hiérarchie de fonctionnaires et une hiérarchie politique. Vous avez jeté un regard extrêmement dur, cruel et même dévastateur à certains égards sur la formation. Vous nous avez dit ici que la formation n'est pas nécessairement toujours adéquate et que pour qu'une personne soit productive, il s'écoule quasiment un an entre le moment où elle est nommée et le moment où elle peut commencer véritablement à auditionner des cas.
Si on allait vers une agence spécialisée, où des fonctionnaires de carrière auditioneraient tous les cas, il n'y aurait plus de nominations. Les gens seraient là pour une période assez longue et s'y connaîtraient en droit international et en matière de droits de la personne. Avez-vous le sentiment que cela rendrait le processus plus efficace? Parlez-nous de l'affrontement des deux hiérarchies. Ne soyez pas timide.
M. Serge Gaudet: C'est certain que toute la question de la nomination des commissaires a suscité un débat un peu partout dans les médias, etc. Je pense que le ministre, en mettant sur pied le comité de sélection pour la nomination des commissaires, avait en tête d'améliorer l'indépendance—il a fait cela en 1995 ou 1994—et la compétence de ceux qui sont là. Donc, on a quand même énoncé des critères pour aller chercher des commissaires compétents qui peuvent être un atout dans le système.
On a noté certaines améliorations qui pourraient être faites. Le système est tout nouveau et certaines améliorations sont en train d'être faites.
La formation est certainement importante. On a noté qu'ils donnent une bonne formation. Ils mettent beaucoup l'accent là-dessus parce qu'ils savent que les individus doivent rapidement performer devant les gens. Heureusement qu'il y a pour le moment deux individus qui siègent lors d'une audience, parce que cela permet, dans une certaine mesure, à ceux qui sont nouveaux de...
M. Réal Ménard: Si je me rappelle bien, mais peut-être que je me trompe de rapport, vous avez conclu que vous vous êtes d'abord inquiétés du taux de roulement. Vous nous avez dit qu'il y avait beaucoup de gens qui circulaient, que les gens ne restaient pas et qu'il en coûtait 91 000 $ pour former une personne qui va rendre des décisions. Vous vous êtes inquiétés finalement du fait qu'il fallait un délai assez considérable avant d'être fonctionnel.
M. Serge Gaudet: Je ne pense pas que c'était une inquiétude. C'était un fait de la vie. Il faut de 8 à 12 mois à un commissaire pour bien comprendre comment cela fonctionne.
On a assisté à des audiences et on a vu comment cela pouvait être compliqué, à un moment donné, de comprendre les situations dans un pays. Si l'individu n'a pas de papiers, on doit très bien comprendre la situation dans son pays. Donc, beaucoup de formation doit être faite à cet égard. La personne doit comprendre comment les autres ont pris leur décision, à partir de quels critères ils ont pris leur décision. C'est une tâche qui prend beaucoup de temps.
M. Réal Ménard: Avez-vous eu le plaisir d'interviewer Michael Hamelin d'Alliance Québec?
M. Serge Gaudet: Non.
M. Réal Ménard: Parfait. Merci.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup, monsieur Ménard.
Madame Augustine.
Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Merci, monsieur le président.
Merci d'être venus aujourd'hui pour répondre à certaines de nos questions.
Ma question est en deux volets. D'abord, j'ai été étonnée d'entendre que le rapport de 1997 ne fait état que d'une faible amélioration par rapport à 1990. Je me demandais ce qui a pu se produire pendant cette période de sept ans pour empêcher le service de donner suite aux recommandations que vous aviez formulées en 1990 et qui auraient pu améliorer la situation en 1997.
Ma deuxième question porte sur la question du renvoi et sur les stratégies utilisées jusqu'ici par le ministère, par exemple le recours au cautionnement en espèces, l'échange de renseignements avec d'autres pays, etc. Dans quelle mesure ces stratégies aident- elles à résoudre les problèmes des documents de voyage et à faciliter les renvois?
M. Richard Flageole: Je répondrai d'abord à la première question. J'étais vérificateur principal chargé de la vérification de 1990, et je peux donc facilement établir un parallèle entre les deux vérifications. En 1990, nous examinions un processus relativement nouveau qui avait été instauré le 1er janvier 1989 et qui ne fonctionnait donc que depuis 12 ou 15 mois. À l'époque, nous avions noté que le système accusait déjà un retard. Certains des problèmes s'étaient déjà manifestés à la fin de 1990. Le ministère a ensuite apporté certains changements à la loi, surtout en 1992 et en 1994.
Les problèmes que nous avons relevés sont donc vraiment fondamentaux, et, pour élaborer sur ce que disait M. Gaudet, nous avons constaté des problèmes à chaque étape du processus. M. Gaudet a parlé de ceux qui se présentent sans documents, mais il importe de comprendre que les lignes aériennes sont assujetties à des contrôles relativement stricts. La plupart des députés ont déjà voyagé à l'étranger et savent très bien que, lorsque vous montez à bord d'un avion, on vous demande de présenter votre passeport. Vous avez à tout le moins un billet d'avion, et il est donc raisonnable de supposer qu'une bonne partie de ceux qui arrivent sans documents avaient des documents de voyage quand ils sont montés à bord de l'avion. Une fois rendus au Canada, les documents ont disparu.
Il serait peut-être possible d'apporter des solutions à ces problèmes, puisqu'on envisage de modifier la loi. Le problème de la contrebande est très réel. Ce serait peut-être une occasion rêvée de revoir le régime de sanctions.
À la Commission du statut de réfugié, nous avons notamment constaté que le roulement des membres nous pose de très graves problèmes. Comme l'a mentionné M. Gaudet, un délai de six à douze mois est normal, mais quand il faut compter en moyenne deux ans pour qu'une nomination soit faite, je crois que c'est aller au- devant des problèmes. Nous devons repartir à zéro. S'agissant d'un renvoi, nous avons constaté une situation quasi identique en 1990. Il y avait à cela de nombreuses raisons. Il y avait une question de stratégie, un problème de ressources au ministère, et une question de priorités.
Nous avons notamment remarqué que la proportion de renvois des demandeurs du statut de réfugié et de personnes ne revendiquant pas le statut de réfugié est bien différente en 1996-1997 de ce qu'elle était en 1991-1992. Il y avait davantage de renvois de demandeurs de statut en 1991-1992; par contraste, nous renvoyons davantage de personnes ne demandant pas le statut. Cela reflète la priorité du ministère, qui concentre maintenant ses ressources aux renvois de criminels plutôt qu'aux renvois de demandeurs du statut de réfugié qui ont été déboutés. C'est peut-être un choix parfaitement valable, mais étant donné le niveau des ressources du ministère, de telles réaffectations des ressources sont inévitables.
Voilà donc les principaux problèmes que nous avons constatés. Quant aux résultats, la situation reste quasiment inchangée par rapport à ce qu'elle était il y a sept ans. Voilà pourquoi nous croyons qu'il s'agit vraisemblablement d'un problème structurel plutôt que d'un simple problème de gestion. Voilà pourquoi nous demandons, dans le chapitre idoine, une révision d'ensemble de toute la procédure.
M. Serge Gaudet: En réponse à la question sur la stratégie de renvoi, je dirais que celle-ci comporte, comme vous l'avez mentionné, un certain nombre d'initiatives. C'est difficile, puisque nous n'avons pas un rapport d'étape global sur l'ensemble de la stratégie... La stratégie de renvoi remonte à 1994, et on y a apporté quelques ajustements, mais elle prévoit néanmoins une meilleure coopération. Si nous voulons améliorer le système il nous faudra certainement compter sur une meilleure coopération avec le ministère, avec la CISR et avec les autres pays.
Si nous voulons améliorer le système, il est important de raccourcir les délais dans la procédure de renvoi: il faut que les décisions se prennent plus rapidement. Je ne suis pas certain qu'il en soit question dans la stratégie. Le fait que les gens n'aient pas de documents de voyage... je sais que l'on tente d'améliorer cet aspect et de renforcer la coopération avec d'autres pays afin qu'ils leur fournissent ces documents. Ce serait déjà une nette amélioration.
• 1610
Pour pouvoir proposer une solution globale, il nous faudrait
avoir une meilleure idée des mesures de renvoi prises dans le cadre
de la stratégie et de ce qui a été fait jusqu'à maintenant, afin
que nous puissions déterminer si ces mesures ont été suffisantes et
comment nous pourrions les améliorer. J'ai pu constater en 1994 que
de nombreuses bonnes initiatives avaient été prises.
Le président: Merci.
Nous passons maintenant à Steve Mahoney.
M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Mes questions porteront sur la procédure d'appel.
Pour autant que je puisse en juger, il existe trois motifs d'appel. Le premier concerne l'évaluation du risque. Le deuxième motif est d'ordre humanitaire et de compassion, et cet appel peut être interjeté tout au long de la procédure. Je ne sais pas si pareil appel peut être interjeté plus d'une fois au cours de la procédure, mais je crois que oui. Il y a ensuite la possibilité d'une révision judiciaire. Bref, il y a trois motifs d'en appeler d'une ordonnance d'expulsion, par exemple.
Cela me paraît étrange que nous ayons prévu une procédure d'appel pour des motifs d'ordre humanitaire ou pour des raisons de compassion, puisqu'il me semble qu'ils sont la raison d'être même de toute la procédure. On peut supposer que les réfugiés réclament ce statut parce qu'ils craignent pour leur vie et leur sécurité ou pour celles de leurs êtres chers, qu'ils craignent la torture ou autre chose de ce genre. J'aurais cru que l'appel initial serait interjeté pour des motifs de compassion ou d'ordre humanitaire, et cela me semble donc redondant.
S'il y a un commentaire qui m'est fait régulièrement, c'est qu'il y a trop ou pas assez de possibilités d'interjeter appel là où une décision ferme pourrait être prise dans un sens ou dans l'autre.
Nous avons appris par les médias de Toronto l'existence de cas de jeunes étudiants qui sont ici depuis plusieurs années et qui réussissent très bien dans leurs études. Ce sont de merveilleux citoyens à tous égards, et il me semble que n'importe quel Canadien souhaiterait qu'ils puissent rester ici. Or, on les retourne dans leur pays d'origine. Tout cela prend des années et implique de nombreuses procédures.
Il me semble que nous devons trouver un meilleur équilibre. Je ne sais pas si vous avez des suggestions à me faire à cet égard. Nous ne voulons pas arbitrairement priver quiconque de son droit d'appel. Ce sont des vies humaines dont nous parlons, et nous demandons à certaines personnes de prendre des décisions qui pourraient avoir de graves conséquences. Nous voulons donc qu'il y ait des possibilités raisonnables dans la prise d'une décision.
Par ailleurs, il me semble que si un tribunal d'appel prend une décision tout en sachant que quelqu'un d'autre peut aisément l'annuler, alors cela atténue quelque peu la pression et entraîne des dysfonctionnements dans le système.
J'ai mentionné au moins trois motifs d'appel, et il en existe sans doute d'autres, et j'imagine même qu'il est possible d'interjeter appel d'une décision judiciaire. Ainsi, c'est interminable, et tout cela coûte énormément d'argent aux contribuables. Ce qui est pire encore, c'est d'obliger une personne à vivre dans l'incertitude en lui laissant la possibilité de s'établir dans son nouveau pays, puis de prononcer le renvoi, et ensuite à la dernière minute d'accorder un sursis en raison de l'intervention des médias, qui constituent un autre tribunal d'appel, celui de l'opinion publique, je suppose.
Ainsi, une fois la décision prise, il existe probablement une demi-douzaine de motifs pour interjeter appel, et, à mon avis, cela ne fait que reporter le moment où une décision équitable est rendue à l'endroit de ces personnes.
Je sais que j'ai glissé une question dans tout cela, et vous pourrez sans doute la trouver. Je pourrais peut-être vous demander si vous êtes d'accord—ça, c'est une bonne question. Avez-vous analysé la procédure d'appel, et mes commentaires vous inspirent-ils une réplique? Avez-vous une idée de la façon d'améliorer la procédure?
M. Richard Flageole: Vous posez une question d'importance fondamentale. C'est ainsi qu'est structurée la procédure à l'heure actuelle et c'est ainsi que fonctionne la Loi sur l'immigration.
Nous posons des questions au sujet des multiples possibilités d'appel, et quand nous disons «appel» je crois qu'il est important de comprendre qu'aucun appel ne peut être interjeté sur une question de fond dans le cadre de cette procédure. Si vous vous présentez devant la Commission du statut de réfugié et que votre demande est rejetée, vous pouvez interjeter appel à la Cour fédérale, mais c'est un appel de la procédure plutôt que de la décision. La Cour fédérale peut renvoyer l'affaire à la Commission du statut de réfugié, qui devra reprendre le dossier à zéro. Il n'est pas question d'annuler la décision de la Commission.
Après un refus de la Commission, le demandeur devient un cas d'immigration. Le demandeur cesse d'être un cas nécessitant une protection et se retrouve exactement dans la même situation que toute autre personne au Canada qui souhaite revendiquer un statut quelconque en vertu de la Loi sur l'immigration. Il y a une évaluation des dangers que pourrait entraîner le renvoi et il y a un appel pour des motifs humanitaires ou de compassion. Il est important de noter que la Commission du statut de réfugié rend sa décision en fonction de la Convention de Genève, de sorte qu'il peut y avoir des cas où une personne craindrait un danger qui n'est pas nécessairement mentionné dans la Convention de Genève.
Voilà toute la procédure qu'il faudrait réexaminer. Dans notre rapport, nous disons très clairement qu'il faudrait revoir toute la procédure. Il existe certainement de nombreuses façons d'atteindre le même objectif, à savoir accorder aux intéressés une audition juste et équitable tout en le faisant plus rapidement. Il y a certainement moyen de regrouper certaines étapes et de permettre l'atteinte des mêmes résultats, mais dans un délai beaucoup plus court.
Le président: Monsieur Mahoney.
M. Steve Mahoney: Je veux seulement poser une très brève question complémentaire, si vous me le permettez.
Le président: Certainement, allez-y.
M. Steve Mahoney: Pensez-vous qu'il conviendrait de combiner la question des considérations humanitaires dans un seul processus d'appel, dont feraient partie à la fois l'examen du risque pour la personne et des considérations humanitaires?
Je remarque que vous parlez également de la nécessité de former des agents dans le domaine du fondement sur la base des considérations humanitaires. À mon avis, il semble plutôt difficile de former des gens dans ce domaine.
Quoi qu'il en soit, ne serait-il pas plus normal d'avoir un seul processus d'appel, qui inclurait l'examen des risques pour la personne fondé sur la base des considérations humanitaires, pour terminer ensuite par un examen judiciaire?
M. Richard Flageole: C'est une option, mais je répète qu'il y a ici une question absolument fondamentale. La Commission du statut de réfugié, telle qu'elle est actuellement conçue, s'occupe d'appliquer la Convention de Genève. On pourrait envisager d'élargir la question de la protection pour inclure des facteurs autres que ceux que prévoit actuellement la Convention de Genève. Dans ce cas, l'organisme en question pourrait examiner toutes les questions en même temps et prendre une décision. Il faudrait peut- être qu'il y ait ensuite un processus d'appel fondé sur des questions de fond. Ce serait peut-être une manière de procéder.
La Commission, je le répète, examine pour l'instant l'application de la Convention de Genève, et ensuite nous examinons tout autre facteur justifiant qu'on ne renvoie pas la personne concernée dans son pays. C'est une question très fondamentale qu'il faut examiner.
Le président: Monsieur McNally.
M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, Réf.): Merci, monsieur le président.
Je dois d'abord dire qu'il pourrait être difficile pour nous de nous concentrer seulement sur cette recommandation, étant donné qu'il y en a 172. Je sais également que certaines des choses dont vous parlez dans votre rapport sont mentionnées également dans cet examen législatif.
Vous avez mentionné tout à l'heure qu'il s'agit à votre avis davantage d'un problème structurel que d'un problème de gestion, et vous y avez fait allusion dans l'ensemble de votre rapport. Je vous demande surtout si vous pensez que l'affectation de ressources à une étape préalable, par exemple au point d'entré des réfugiés au Canada, serait une bonne façon de réaffecter les ressources. Vous avez parlé tantôt des documents de voyage qui disparaissent en route. Pourrait-on réaffecter nos ressources à l'examen des documents des gens qui débarquent d'un avion, peut-être? Serait-ce une solution, au lieu d'affecter des ressources à la dernière étape du processus, ce que nous semblons faire actuellement? Pensez-vous que ce serait une bonne idée?
M. Serge Gaudet: Il y a deux choses dans ce que vous dites. Premièrement, il y a l'absence de documents de voyage. Je ne pense pas qu'un processus au tout début serait une solution. Il y a également une autre question, et il s'agit de savoir ce que nous sommes prêts à faire à ce sujet. Sommes-nous prêts à ralentir tout le processus d'arrivée et de débarquement des voyageurs, en vérifiant les papiers de tous ceux qui descendent d'un avion? C'est difficile de prendre une telle décision. C'est donc un problème.
Dans notre rapport, nous mettons l'accent sur la réception d'information le plus tôt possible. Il est évident que des gens n'ont parfois pas de passeport ou de document de citoyenneté, par exemple. Nous estimons important de recueillir sur papier les renseignements pertinents le plus tôt possible et que des agents qui sont au courant des conditions dans le pays posent des questions le plus tôt possible. Je pense que c'est très important. En fin de compte, lorsque se tient l'audience, trois mois plus tard, nous disposons alors de meilleures informations pour évaluer la revendication.
M. Richard Flageole: Je pourrais peut-être ajouter quelque chose, monsieur le président.
Tous les problèmes qui se présentent au début seront multipliés par trois, quatre ou cinq à la fin. Je pense que vous soulevez une question très fondamentale. Si nous examinons les cas de renvois, je répète que tout ce que nous faisons au début aura un grand impact à la fin. Je pense que votre comité doit être prudent et ne pas essayer de résoudre ces problèmes isolément.
Le système de détermination du statut de réfugié est fait de toute une série d'événements. Il importe donc de l'envisager dans son ensemble. Par conséquent, si nous pouvons resserrer les mécanismes de contrôle dès le départ, cela influera énormément sur notre capacité d'effectuer les renvois à la fin du processus.
Il s'agit de décider où nous allons dépenser. Ce sont aussi des choix que nous devons faire à titre de société. Sommes-nous prêts à renvoyer des gens qui arrivent à l'aéroport Pearson sans documents? Certains pays le font. C'est la société qui doit choisir. Nous devons accepter que certains arriveront sans documents. Si vous fuyez votre pays pour des raisons politiques ou autres, vous n'allez sans doute pas vous présenter à l'ambassade pour demander un passeport.
C'est une situation très délicate que les parlementaires doivent envisager.
M. Grant McNally: Je ne voudrais certes pas que l'on renvoie des revendicateurs immédiatement, mais, comme vous l'avez dit, la solution serait de faire le nécessaire plus rapidement ou d'accélérer le processus et d'abréger les délais après la date d'arrivée. Vous en parlez dans votre rapport et vous l'avez répété aujourd'hui.
Selon vous, quelle serait la meilleure façon de donner suite aux principales recommandations de votre rapport et de les traduire en activités pratiques et concrètes pour le ministère? Vous en avez mentionné quelques-unes, mais je voudrais savoir ce qui serait, d'après vous, la meilleure façon d'instaurer ces recommandations sur le plan pratique.
Je crois que l'on parlait dans le rapport d'accorder une espèce de statut provisoire aux revendicateurs qui remettent leurs documents de voyage à leur arrivée. Je ne sais pas si vous avez lu cela ou si vous pensez que c'est une bonne idée. D'après vous, quelle serait la meilleure solution?
M. Richard Flageole: Je pense que vous faites allusion au rapport Trempe. À mon avis, ce n'est pas à notre bureau de dire au gouvernement comment il doit procéder exactement.
Il y a certaines possibilités. Nous avons examiné le rapport du comité d'examen législatif, qui propose certaines solutions intéressantes. Là aussi, il faudra faire des choix.
• 1625
Notre principale recommandation au gouvernement serait sans
doute de ne surtout pas essayer de rapiécer le système actuel. Il
l'a été en 1992 et en 1994. Il y a eu quelques petits incendies.
Nous avons simplement essayé de les éteindre. Ce que nous disons
maintenant, c'est qu'il faut essayer de prévenir les incendies.
Nous croyons qu'il faudrait réexaminer tout le processus du début à la fin, et je répète que c'est une suite d'événements. Il est extrêmement important d'envisager le processus dans son ensemble, de voir qui sont les intervenants, comment les responsabilités sont partagées dans le système, quel est le rôle de Citoyenneté et Immigration et quel est le rôle de la Commission du statut de réfugié. Là aussi, il y a diverses possibilités.
Vous pouvez maintenant envisager un certain nombre de possibilités en fonction du rapport. La ministre a annoncé des consultations publiques d'ici deux mois. Ce ne sera pas facile de réparer le système. À mon avis, les parlementaires et le ministère auront tout un défi à relever pour mettre au point un système approprié.
Voilà tout ce que je peux dire sur la situation dans son ensemble.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Saada.
[Français]
M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): J'aurais une petite question bien rapide. Je remarque, dans les chiffres que vous citez, qu'au 31 mars 1997, sur 37 500 revendications, environ la moitié avaient mérité un renvoi et, de cette moitié, à peine un quart avaient fait l'objet d'un renvoi réel.
Dans le système dans lequel on vit, des modifications ont été faites en cours de route. C'est ce que vous avez appelé du «patchwork», je crois. A-t-on une idée de l'historique de ces chiffres-là? Autrement dit, a-t-on vu une évolution de ces chiffres-là entre 1990, lors du dépôt de votre premier rapport, et 1997, en tenant compte de ces modifications en cours de route? Avons-nous aujourd'hui un peu les mêmes pourcentages qu'en 1990, par exemple? Je parle de chiffres bruts et de pourcentages.
M. Richard Flageole: En 1990, on avait à peu près les mêmes proportions. On parlait d'environ 25 à 30 p. 100, si je me rappelle bien, dans les années 1990-1991, et les raisons sont sensiblement les mêmes. C'est certain qu'il y a une question de temps. C'est un élément qui est vraiment critique. Si on prend deux ans et demi à trois ans pour prendre une décision, il devient extrêmement difficile de renvoyer ces gens-là.
C'est un fait de la vie. Donc, il est essentiel qu'on soit capable de prendre une décision beaucoup plus rapidement qu'on ne le fait actuellement. Le problème des documents de voyage existait aussi il y a quelques années et, encore une fois, les gens arrivent ici sans documents. Donc, c'est nous qui devons faire les démarches auprès de ces pays pour obtenir des documents afin de pouvoir les renvoyer. Dans certains cas, les demandeurs collaborent très peu. Dans d'autres cas, on a des refus clairs des pays en question, qui ne veulent pas recevoir leurs ressortissants. À ce moment-là, cela devient une question de relations internationales.
Il y a certaines conditions dans des pays qui font qu'il est impossible de renvoyer ces gens-là. Si on a des guerres civiles, etc., c'est une raison quand même importante. Il y a aussi une bonne proportion de gens qui disparaissent dans le système. On a mentionné plus tôt le manque d'information du ministère; on ne suit pas ces gens-là, on ne sait pas où ils sont. Il y a eu un bon nombre de questions qui ont été posées sur la question de la détention.
Encore une fois, c'est un choix de société. C'est certain que si on prolonge la détention, on pourra peut-être augmenter le taux de succès des renvois. Par contre, il y a des coûts monétaires à cela, ainsi que des aspects humanitaires et sociaux dont il faut tenir compte.
On a aussi mentionné la priorité du ministère, compte tenu des ressources dont il dispose. Donc, on déplace des ressources d'un endroit à un autre. Il n'y a pas vraiment eu d'augmentation de l'ensemble des ressources consacrées à cela. Ce pourrait être intéressant de voir ce qu'une augmentation des ressources pourrait faire économiser dans d'autres secteurs. Souvent, on a tendance à analyser les coûts en isolation; on dit que les renvois coûtent cher, mais on oublie que si on les faisait plus rapidement, on économiserait dans d'autres domaines.
• 1630
Plus tôt, un membre du comité a fait
allusion aux coûts encourus par les
provinces en assistance sociale pour ces gens-là, etc.
C'est certain que si on accélérait le traitement des
demandes et les renvois, il y aurait des
économies possibles. Donc, c'est une
question d'essayer d'équilibrer la quantité de
ressources à investir et les bénéfices qu'on
pourrait en retirer.
M. Jacques Saada: Vous avez fait allusion au fait que les gens, pour monter à bord d'avion, avaient besoin d'un titre de transport, d'un passeport ou quelque chose comme cela. Nous avons un problème à l'arrivée. Ces titres de transport ou ces passeports ont pu disparaître, ce qui crée certains problèmes et explique certains retards.
Le droit international, à votre avis, pourrait-il permettre des ententes avec les sociétés de transport de façon à ce qu'on puisse remettre ces titres de passage directement aux autorités de bord et aux autorités du pays d'accueil plutôt que de prendre le risque qu'ils disparaissent en cours de route? Est-ce envisageable? Est-ce possible?
M. Richard Flageole: Je ne suis pas avocat en droit international, monsieur le président, mais je crois que les lois canadiennes et les ententes entre le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration et les transporteurs pourraient très bien faire en sorte que cela pourrait se faire.
Actuellement, la loi prévoit des amendes pour les transporteurs qui amènent des gens sans documents au Canada. Ce serait une option. Il y a des gens qui ont dit que cela causerait des délais. Les gens arrivent ici et ils ont hâte de débarquer de l'avion. Mais ce serait certainement une possibilité qui pourrait être explorée, et je ne crois pas qu'il y ait vraiment d'obstacles en droit international à faire ce genre de choses, du moment que les lois canadiennes permettent de le faire.
M. Jacques Saada: Merci beaucoup.
[Traduction]
Le président: Monsieur Ménard.
M. Steve Mahoney: Monsieur le président, puis-je faire une mise au point?
Le président: Oui.
M. Steve Mahoney: Le coût de l'aide sociale, du moins en Ontario, où c'est probablement le coût le plus important, n'est pas assumé par le gouvernement provincial, mais plutôt par les municipalités. Je tenais à bien le préciser.
Le président: Merci du renseignement.
Monsieur Ménard.
[Français]
M. Réal Ménard: Je voudrais revenir à une affirmation de votre rapport, à la page 18, au premier paragraphe. On sait qu'il y a des problèmes systémiques, des problèmes de ressources. Vous appelez de tous vos voeux une révision en profondeur et je pense que c'est un message qui doit être entendu par la plupart des députés ici présents.
Cependant, je sais aussi qu'il y a une attitude qui peut être changée chez des fonctionnaires ou les personnes en service. Entre autres, vous dites qu'à certains bureaux et points frontaliers, on ne questionne pratiquement plus les revendicateurs sur les circonstances de leur demande; on se limite à leur demander de remplir des formulaires de renseignements.
Donc, vous me dites qu'il y aurait peut-être moyen, lorsqu'on est en présence d'un revendicateur, d'obtenir une information de meilleure qualité. Est-ce que je vous comprends bien en interprétant cela comme cela? Vous pourriez peut-être nous parler davantage de l'enquête que vous avez conduite en lien avec cette affirmation-là.
M. Serge Gaudet: Vous avez raison, c'est certainement un aspect qu'il faut améliorer. Au point d'entrée, il ne s'agit pas simplement de faire remplir un questionnaire et ensuite d'envoyer cela à la CISR. Je crois qu'il y a des questions importantes à poser selon chacun des cas, selon le pays d'origine de l'individu.
Cela étant dit, lorsqu'on a fait notre vérification, on a visité certains ports d'entrée. Par exemple, à Toronto, à Pearson, on a adopté un nouveau modèle. À l'arrivée, comme tous les autres, les gens sont accueillis par des agents des douanes, puis envoyés à des agents d'immigration. On prend leurs empreintes digitales et leur photo, on leur remet un certain document qu'ils doivent apporter au terminal 3 à Toronto et ensuite on accepte leur demande, qui est envoyée à la CISR.
On a noté qu'il n'y avait presque pas d'entrevues avec les revendicateurs du statut de réfugié On ne leur demande pas pourquoi ils sont venus, de quelle façon ils sont venus, ce qu'ils veulent dire au juste lorsqu'il affirment avoir été persécutés, etc. Cela se fait par écrit, et on se dit qu'avec l'entrevue, on avait peut-être un peu plus d'information.
M. Réal Ménard: Je ne veux pas vous amener à prendre position sur l'élaboration de politiques gouvernementales, car je sais que ce n'est pas votre rôle, mais souscrivez-vous à l'analyse voulant qu'une des façons de régler cet arriéré qui n'est jamais jugulé serait de créer une agence spécialisée? S'il y avait une agence spécialisée, avec une hiérarchie de fonctionnaires de carrière qui seraient formés en droit international et connaîtraient bien les droits de la personne, le processus serait-il plus diligent, selon vous? Serait-ce une façon efficace d'envisager les réformes? Comprenez-vous ma question? Je ne veux pas vous mettre les mots dans la bouche.
M. Serge Gaudet: Non, non. On a dit qu'il fallait suffisamment de personnes pour décider et qu'il fallait des personnes d'expérience. On dit qu'avec des mandats de deux ans et demi et des taux de roulement comme ceux qu'on a vus, on mine... On se retrouve avec une organisation qui n'a peut-être pas assez d'expérience pour être productive.
On a dit que le taux de productivité était de 50 p. 100 dans certains cas. C'est très difficile et c'est cela qui retarde le système. Il faut donc des décideurs en nombre suffisant, et cela aux endroits appropriés. Ce n'est pas simplement une question de total. Il y a des masses de réfugiés qui arrivent à certains endroits, et il faut que le système permette qu'on réponde à ces arrivants au moment opportun.
M. Réal Ménard: Dans le processus d'audience, une fois que la fiche de renseignements a été remplie et qu'on est un petit peu plus loin dans le processus, y aurait-il possibilité d'aller encore plus rapidement et d'auditionner avec un seul commissaire? J'imagine que vous nous invitez à comprendre que cela permettrait d'aller encore plus rapidement, parce qu'il y a encore, je crois, beaucoup d'audiences qui se font avec trois commissaires.
M. Serge Gaudet: Deux commissaires.
M. Réal Ménard: Deux commissaires et l'agent qui a suivi la revendication, donc trois personnes.
M. Serge Gaudet. C'est une mesure qui a été demandée; on attend la décision du gouvernement. Si on siégeait à un commissaire, on accélérerait les décisions, mais on ne réduirait pas de moitié les délais dans l'ensemble. Il y a quand même toute la question de la formation et de la coordination de tout cela. Mais cela améliorerait certainement le processus au point de vue de rapidité. Naturellement, il faut faire des ajustements pour maintenir la qualité du système.
M. Réal Ménard: Vous avez réalisé des entrevues et vous nous avez fait voir clairement qu'il y a, dans le fond, une confrontation plus ou moins larvée entre les fonctionnaires et les commissaires, étant entendu qu'il y a peut-être deux logiques et même deux loyautés. Le rapport avec l'organisation n'est pas le même.
Quant aux commissaires, c'est un problème qui est lié à des nominations politiques sur lequel vous n'avez pas à vous prononcer dans ce cadre-ci. Quant aux fonctionnaires, que pouvez-vous nous dire de ce que vous comprenez de leur motivation dans la façon dont ils envisagent leur rôle dans cette organisation-là?
M. Serge Gaudet: La Commission a beaucoup travaillé à identifier et clarifier les rôles. Je pense qu'ils en parlent dans leur rapport. Un sondage de la Commission a déterminé que certains s'opposent à certaines questions. C'est un peu facile à comprendre, en ce sens que certains commissaires sont là pendant deux ou trois ans. Eux, finalement, aident les commissaires à préparer l'audience et, en cours d'audience, ils leur fournissent de l'information. Ils voient donc défiler devant eux un grand nombre de commissaires avec peu d'expérience. À un moment donné, on peut avoir l'impression—c'est ce qu'ils nous ont dit—qu'il y a de la frustration à ce niveau-là. Avec des décideurs d'expérience, il s'établit, à un certain moment donné, des liens de confiance, etc. Il est difficile d'établir ce genre de lien lorsque les personnes auxquelles vous vous rapportez sont là pour de courtes périodes de temps seulement.
M. Réal Ménard: Une dernière question.
[Traduction]
Le président: Monsieur Obhrai.
[Français]
M. Réal Ménard: Plus tôt, vous avez permis à...
[Traduction]
Le président: Monsieur Obhrai.
[Français]
M. Réal Ménard: Quel mauvais président.
[Traduction]
M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Réf.): Merci beaucoup d'être venus. J'ai raté votre exposé, mais j'ai lu les documents, et je voudrais vous poser quelques questions d'ordre général.
Pouvez-vous nous donner une idée, et j'ignore si vous êtes vraiment en mesure de le faire, du genre de demandes qui sont refusées? Pourquoi ces demandes échouent-elles? Comment peut-on se rendre compte très rapidement qu'une revendication du statut de réfugié sera refusée? Le problème peut se manifester tout au début du processus, comme vous l'avez dit vous-mêmes, si l'on n'arrange pas le processus dès le début. D'après votre vérification, quelles sont les principales raisons pour lesquelles les revendications du statut de réfugié sont rejetées?
M. Serge Gaudet: Monsieur le président, s'il y a des revendicateurs du statut de réfugié qui sont refusés, c'est parce qu'ils ne correspondent pas à la définition de la convention. Les membres de la Commission jugent que le revendicateur n'est pas persécuté à cause de sa race, de sa nationalité, de sa religion ou de son appartenance à un groupe social particulier ou de ses opinions politiques. C'est pour cela que les demandes sont rejetées.
M. Deepak Obhrai: Quand la question de la criminalité entre-t- elle en ligne de compte, c'est-à-dire quand examine-t-on les casiers judiciaires? Cela ne se fait pas tout de suite.
M. Richard Flageole: Il y a deux étapes dans le processus. La loi contient une stipulation relative à l'admissibilité. Quand quelqu'un arrive à l'aéroport de Dorval et revendique le statut de réfugié, on doit voir s'il est admissible à revendiquer ce statut conformément aux dispositions de la Loi sur l'immigration.
Le fait d'avoir commis des crimes graves serait une raison de ne pas être admissible. Si vous avez commis des crimes graves, votre dossier ne sera pas renvoyé à la Commission du statut de réfugié. En vertu de la Loi sur l'immigration, vous n'êtes tout simplement pas admissible à revendiquer le statut de réfugié.
M. Deepak Obhrai: Mais vous venez de signaler que, quand vous êtes allé à l'aéroport de Toronto pour votre vérification, vous avez constaté qu'il n'y avait pas d'entrevue. Il suffit à quelqu'un d'arriver et, s'il a présenté une revendication, il sera admis, peu importe qu'il ait un casier judiciaire ou non. Il faut ensuite deux ans et demi pour s'en débarrasser. Comme vous venez de le dire, dans la plupart des autres pays il sera refusé. Nous avons donc un système qui permet à cette personne d'entrer dans le pays. C'est exact? Est-ce un problème grave?
M. Richard Flageole: Ce que nous avons appris, c'est que l'on fait une vérification du casier judiciaire quand quelqu'un arrive au Canada. Les agents d'immigration se renseignent, et le dossier est renvoyé à la GRC, mais l'on vérifie de toute façon si le revendicateur a un casier judiciaire au Canada.
M. Deepak Obhrai: La vérification est-elle faite à l'aéroport ou peu de temps après son départ?
M. Richard Flageole: La GRC vérifie dans des délais relativement courts. Elle a les empreintes digitales du revendicateur. Mais je répète qu'il s'agit surtout de casiers judiciaires au Canada. Si le revendicateur n'est jamais venu au Canada auparavant, il n'aura certainement pas de casier judiciaire au Canada.
M. Deepak Obhrai: En effet.
M. Richard Flageole: Le revendicateur devient admissible et doit passer par tout le processus. Les vérifications de sécurité se font surtout à la fin du processus, quand les revendicateurs demandent le statut d'immigrant reçu. À ce moment-là, on fait une enquête de sécurité approfondie. C'est à ce moment-là que le Service canadien du renseignement de sécurité entre en jeu. On vérifie aussi au niveau international. S'il y a un problème, le processus est arrêté. C'est le genre de situation que nous...
M. Deepak Obhrai: Mais d'après votre propre rapport, ce n'est que deux ans et demi plus tard.
M. Richard Flageole: Oui.
M. Deepak Obhrai: La situation peut avoir changé entre-temps, et il se peut que le revendicateur ne puisse pas retourner dans son pays d'origine. Son pays risque de le refuser.
M. Richard Flageole: C'est possible.
M. Deepak Obhrai: Avez-vous constaté, dans votre vérification, que c'était un grand problème? Parmi les revendicateurs non reconnus, y avait-il une forte proportion d'éléments criminels dans l'arriéré de deux ans et demi que nous avons, soit parmi les 30 000 dont vous avez parlé?
M. Richard Flageole: Il est extrêmement difficile de le savoir, puisque ceux qui ne sont pas reconnus comme réfugiés ne feront jamais l'objet de cet examen de sécurité, puisqu'ils ne demanderont pas à devenir résident permanent. Ce ne sont que ceux que nous acceptons qui suivent cette procédure. S'ils essuient un refus, en théorie ils sont partis ou devraient être expulsés. Ils se cachent peut-être toujours au Canada, mais ils ne suivront pas cette procédure d'évaluation. Il est donc extrêmement difficile de savoir s'il y a des criminels dangereux parmi les revendicateurs non reconnus comme réfugiés.
M. Deepak Obhrai: Il y a donc un problème, puisque, comme je l'ai lu dans votre rapport, si une personne arrive en disant qu'elle a un casier judiciaire, on la refuse, mais elle peut rester au pays pendant deux ans et demi. Vous avez également parlé d'un arriéré de 30 000 personnes. Certains disparaissent dans le système. On pourrait donc probablement dire qu'il y a un problème grave de ce côté-là, non?
M. Richard Flageole: On peut soupçonner que c'est parfois le cas, mais, je le répète, nous ne pouvons le savoir, faute de renseignements.
M. Deepak Obhrai: Vous êtes un vérificateur général adjoint et vous devez sans doute faire preuve de rectitude politique. Pas moi. À mon avis, la Commission du statut de réfugié est envahie par des commissaires nommés qui sont en fait des politiciens, comme c'est le cas de personnes nommées, de plus en plus nombreuses, qui travaillent de leur mieux pour obtenir les votes leur permettant d'obtenir un poste. La Commission que nous avons ne fait donc pas vraiment son travail.
Comment cela concorde-t-il avec nos lois selon lesquelles la Cour suprême a affirmé qu'un revendicateur du statut de réfugié doit être traité dans le respect de la Charte des droits?
Nous avons donc des gens nommés, puis le tribunal, soit tout le système, qui, comme l'a dit la Cour suprême, doit respecter la Charte des droits. Est-ce que ce n'est pas une des causes de l'arriéré?
M. Richard Flageole: Je ne pense pas que mon bureau ait émis des commentaires au sujet de la compétence de ces gens. Nous avons soulevé une question fondamentale, comme le disait M. Gaudet au sujet de la nécessité d'avoir un nombre suffisant de décideurs. Ces gens doivent être compétents et doivent avoir reçu une formation. Je ne crois pas que le processus de nomination ait quoi que ce soit à voir avec la compétence de ces gens. Le système judiciaire est un très bon exemple de personnes nommées par décret qui sont très compétentes et très respectées.
Je ne pense pas qu'il s'agit de savoir s'il nous faut un organisme distinct ou garder le système actuel. Ce qu'il faut, c'est un système où les gens ont les compétences nécessaires pour faire le travail.
Je le répète, il y a le problème clé du roulement. On ne trouve pas à la sortie de l'université des gens spécialisés en détermination du statut de réfugié. Il faut les former. Il faut développer ces ressources. Il est donc très important que les gens restent en poste pour une période suffisante pour qu'il y ait en tout temps un nombre suffisant de décideurs compétents au sein de l'organisation, que ce soit un conseil, une agence distincte ou tout autre modèle.
Je ne pense pas que le problème soit la nomination.
Le président: Merci d'avoir clarifié cette question. C'est une bonne réponse.
Madame Folco.
Mme Raymonde Folco: Si vous le permettez, monsieur le président, j'aimerais répondre à certains commentaires exprimés par l'un des membres du comité. Je vous fournirai peut-être des éclaircissements.
C'est au sujet du revendicateur du statut de réfugié dont la Commission pense qu'il pourrait avoir été un criminel dans son propre pays ou dans l'un des pays qu'il a traversés avant d'arriver au Canada. Il a peut-être un casier judiciaire quelque part. La Commission invite alors un représentant du ministre de l'Immigration à suivre l'audience et à fournir des preuves. Ce représentant du ministre de l'Immigration devient alors l'une des personnes qui fournissent des preuves au commissaire. Je tenais à le dire, parce que le vérificateur général a fait allusion à une procédure, mais il y a cet autre élément: pendant l'audience, quelqu'un peut représenter le ministre de l'Immigration et apporter des preuves.
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Je voulais apporter une autre clarification au sujet de la
Charte des droits. Il y a un service important à la Commission où
sont rédigées les décisions: le service de l'examen judiciaire.
Chaque fois qu'un membre de la Commission refuse le statut de
réfugié à un revendicateur, il doit donner les raisons de son
refus. Ces raisons sont envoyées à un service. Il y en a un à
Montréal, un autre à Toronto et un autre à Vancouver. Partout où il
y a une commission, il y a un service judiciaire qui relie ces
décisions et qui propose d'ajouter ou d'enlever quelque chose,
parce que cela ne respecte pas la Charte des droits ou la
Convention de Genève.
Je pense qu'il est important de comprendre cet élément du fonctionnement de la Commission. Ces gens-là ne sont pas nommés, formés, puis laissés à eux-mêmes. Il y a un ensemble de contrôles stricts au sein de la Commission, appliqués en tout temps et portant sur les décisions rendues.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Nous terminons ainsi nos deux rondes de questions. J'apprécie beaucoup les questions qui ont été posées ainsi que les commentaires formulés par nos deux témoins.
Je signale aux membres du comité qu'il n'y aura pas de séance demain, simplement parce que nous n'avons pu rassembler le genre de témoins que nous souhaitions entendre, parce qu'ils sont très occupés et ont d'autres engagements. Mais à partir de mercredi prochain, nos séances seront très chargées. Nous avons confirmé la présence de toutes les personnes que nous souhaitons voir à court terme, à partir de mercredi prochain, le 18 février, à 15 h 30.
Au sujet du comité directeur, vous recevrez un avis demain, probablement, au sujet de la prochaine séance. Il faudrait qu'elle ait lieu le plus tôt possible, au début de la semaine, certainement avant mercredi. Il y a beaucoup de renseignements très importants dont nous devons traiter.
J'aimerais dire autre chose pour clarifier le processus en cours. J'ai rencontré la ministre aujourd'hui, et nous nous sommes entendus sur le fait qu'une fois terminé le processus ministériel... La ministre va se déplacer et recueillir toute l'information nécessaire pour elle-même et pour son bureau et examiner cette information en plus de celle dont elle dispose déjà, soit des milliers et des milliers de documents qu'on accumule depuis déjà longtemps. Le ministère sait quels sont les problèmes. Il va faire des recommandations, choisir une orientation et présenter des propositions.
Ces propositions seront présentées non seulement à notre comité, mais aussi à la population canadienne. Nous aurons l'occasion d'examiner ces positions, ces réactions et ces orientations du gouvernement ainsi que les mesures proposées.
Cela signifie qu'il nous faudra faire venir de nombreux témoins en très peu de temps pour connaître leurs réactions aux propositions. Il se pourrait aussi, très probablement, enfin espérons-le, que nous voyagions nous-mêmes pour écouter les gens de diverses collectivités, pour connaître leurs réactions à la position proposée par le gouvernement au sujet des recommandations qui ont été présentées par la troïka du comité d'examen.
Voilà donc essentiellement les projets de notre comité pour de nombreux mois à venir.
La séance est levée.