Passer au contenu
;

CITI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON CITIZENSHIP AND IMMIGRATION

COMITÉ PERMANENT DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 2 décembre 1997

• 0908

[Traduction]

Le président (M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.)): Bonjour tout le monde. La séance est ouverte. Nous avons quorum, nous pouvons commencer tout de suite.

Nous avons le grand plaisir de recevoir ce matin plusieurs personnes de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Après l'exposé, nous passerons tout de suite aux questions. Nous allons suivre notre procédure normale, comme nous l'avons fait par le passé.

La présidente est Mme Mawani. Je crois qu'elle a un exposé à nous faire.

Mme Nurjehan Mawani (présidente, Commission de l'immigration et du statut de réfugié): Merci beaucoup. Permettez-moi d'abord de vous présenter mes collaborateurs. Ils m'accompagnaient la dernière fois aussi: Paul Thibault, Philip Palmer et Evelyn Levine.

• 0910

Je tiens à ce que vous sachiez combien je suis heureuse d'être des vôtres aujourd'hui. Vous avez fort bien choisi ce moment pour nous recevoir étant donné que s'ouvre aujourd'hui la conférence sur les mines terrestres, qui est un autre grand défi humanitaire de notre époque.

J'ai lu la transcription de mon témoignage du 23 octobre 1997 devant le comité, et je suis donc au fait des préoccupations et des observations qui ont été exprimées par le comité.

[Français]

Aujourd'hui, je répondrai à plusieurs de vos questions et commentaires tout au long de ma présentation. Lors de notre dernière rencontre, mes collègues vous ont décrit le mandat et le procédé de la Commission et les indicateurs clés ayant trait à notre délai de traitement, nos arrérages, etc.

[Traduction]

Mon exposé d'aujourd'hui portera sur notre contexte, les initiatives que nous avons entreprises pour améliorer nos formalités ainsi que sur notre rapport de rendement et notre budget des dépenses 1997-1998. De temps à autre, je me reporterai à la documentation qui vous a été remise. J'imagine que vous avez tous cette documentation en main. Ce n'est que quelques pages.

J'aimerais commencer en vous disant que c'est pour moi un grand honneur que de présider le plus grand tribunal administratif du Canada et de coordonner un processus décisionnel exigeant qui influence la vie d'un très grand nombre de personnes et celle de leurs familles, d'une part, et la sécurité et le bon ordre de la société canadienne, d'autre part.

Tout est question d'équilibre dans notre système. Nous devons constamment rechercher le juste équilibre entre des objectifs concurrents, à savoir protéger ceux qui doivent l'être et garantir la sécurité des frontières canadiennes, tout en nous assurant qu'il y a équilibre entre des valeurs qui semblent parfois polarisées, par exemple l'efficience et l'équité.

Permettez-moi de vous donner une idée des complexités qui entrent en jeu ici. Du point de vue législatif, la Commission d'immigration et du statut de réfugié, comme vous le savez, a été fondée en 1989. Son mandat est unique, et c'est l'un des plus grands défis humanitaires que doit relever un tribunal canadien. Comme je l'ai mentionné plus tôt, la nature de l'arbitrage à la Commission nous oblige à mettre en oeuvre ces principes établis que sont l'équité et l'équilibre, et à coordonner la réalisation d'objectifs législatifs concurrents.

En outre, la complexité des cas individuels s'est accrue, comme me l'a appris l'expérience que j'ai acquise au fil de plusieurs années, tant à titre de décideur que d'administratrice. Par exemple, les demandeurs sont toujours plus nombreux aujourd'hui, et depuis quelques années, ils fuient les effets de la guerre civile et non la misère de la Guerre froide comme par le passé. D'où un nombre toujours plus grand à nos portes de demandeurs sans documents ou dont les documents présentent des lacunes.

Ce qui nous pose aussi des problèmes supplémentaires dans la mesure où il faut nous assurer que ceux qui demandent notre protection ne se sont pas prêtés à des actes de persécution dans leur pays d'origine. Dans les cas de guerre civile tout particulièrement, il y a régulièrement alternance entre le persécuté et le persécuteur. En outre, l'éclatement de l'Union soviétique et l'émergence de plusieurs États autonomes en conséquence n'ont fait qu'ajouter à la complexité de notre processus.

Alors que par le passé nos membres n'avaient surtout qu'à décider si le demandeur méritait le statut de réfugié au sens de la convention, ils doivent aujourd'hui établir tout d'abord l'identité du demandeur. Autrement dit, la personne qui est devant nous est- elle bien la personne qu'elle prétend être? Mais 60 p. 100 des demandeurs que nous recevons n'ont pas de documents ou n'ont que des documents incomplets.

Notre position sur les demandeurs sans documents ou dont les documents sont incomplets, qui a été émise à titre consultatif à l'intention des décideurs pour les aider dans de tels cas, a été rendue publique en mars 1997 et visait à relever ce défi. Nous admettons que ce défi demeure, et nous allons nous employer à le relever en collaboration avec plusieurs partenaires.

• 0915

Le processus de détermination pour de telles demandes exige un examen plus attentif. Il y faut plus de coordination. Il faut aussi des décideurs et des collaborateurs aguerris et spécialisés. Nous ne pouvons pas ici utiliser autant nos formalités accélérées, d'où une diminution dans le nombre de décisions résultant de ce processus.

Au bout du compte, nous revenons à la question de l'équilibre. Il nous faut expédier le traitement des cas sans pour autant compromettre la sécurité des Canadiens et l'intégrité du système. À mon avis, monsieur le président, c'est là le défi le plus important qui attend tous les systèmes de détermination du statut de réfugié au monde.

Qu'avons-nous fait ici? Nous avons mis en place ce que nous appelons le programme de recherche propre au demandeur. Cela fait partie des initiatives de collecte d'informations que nous avons entreprises de concert avec le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration et d'autres organismes.

Par exemple, ce service de recherche que nous avons établi a traité 2 640 demandes depuis octobre 1995, c'est-à-dire 120 par mois. À l'heure actuelle, le délai de traitement pour une telle demande est de 48 heures.

De même, nous sommes en train de négocier deux autres accords avec les États-Unis et d'autres pays. Encore là, cela nous permettra d'obtenir davantage d'informations propres aux réfugiés. Nous avons collecté beaucoup d'informations propres aux divers pays, mais il s'agit ici d'obtenir ces informations sans compromettre la sécurité du demandeur et celle de sa famille.

C'est une initiative très importante. Mais nous ne pouvons pas agir seuls. Nous devons collaborer avec d'autres organismes. Et cela enrichit nos formalités d'audience.

J'espère donc que ce très bref aperçu vous permettra de comprendre pourquoi plusieurs experts ont dit que le processus décisionnel de la Commission constitue l'une des formes d'arbitrage les plus difficiles qui soit. Ils ont même dit que le travail de commissaire est plus difficile que celui du juge dans une affaire civile.

Que signifie cela pour nous? Cela signifie que la Commission doit évoluer pour s'adapter rapidement à toutes ces complexités, cependant la Loi sur l'immigration, qui constitue le cadre législatif de la Commission, a déjà 20 ans. Comme la ministre de la Citoyenneté et le l'Immigration l'a dit à votre comité, la trentaine de modifications qu'on a apportées à la loi depuis 1978 ont créé tout un labyrinthe législatif.

L'examen de la Loi sur l'immigration qui a été entreprise par la ministre vise à maîtriser cette situation. Elle a déjà décrit ce projet à votre comité.

La Commission de l'immigration et du statut de réfugié, au niveau de ses décideurs, voit à l'administration de la partie centrale du continuum du programme d'immigration et du statut de réfugié qui s'amorce dès qu'une personne fait une demande à l'étranger ou se présente à un port d'entrée. Ce continuum se termine lorsqu'on accorde à cette personne la résidence permanente ou lorsqu'on l'expulse du Canada. Nous nous occupons donc de la partie centrale du programme.

Vous le voyez à la page 1, le Canada ne reçoit qu'une partie relativement petite des réfugiés du monde. Vous voyez ici que nous ne recevons que 28 315 réfugiés sur un total de 26 millions de personnes identifiées par les Nations Unies. Cela comprend les réfugiés et les autres personnes qui sont dans des situations semblables.

La page 2 vous dit combien de personnes ont reçu la résidence permanente au Canada en 1996. Comme vous pouvez le voir, les réfugiés comptent pour 13 p. 100 des 225 313 personnes qui ont reçu la résidence permanente en 1996. Très souvent on ne fait pas la distinction entre les personnes qui ont été reconnues comme réfugiés à l'étranger par le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration et celle à qui la Commission a reconnu ce statut au Canada.

• 0920

La Commission, comme les membres du comité le savent, n'accorde le statut de réfugié qu'aux demandeurs présents au Canada, c'est le processus intérieur. Ce processus intérieur a été établi pour permettre au Canada de s'acquitter de ses obligations internationales en vertu de la Convention de Genève.

La sélection des réfugiés à l'étranger est faite par les fonctionnaires dans le respect de la tradition humanitaire du Canada, et non parce qu'il existe des obligations internationales en vertu de la Convention de Genève.

[Français]

La page 3, où on indique que 28 315 réfugiés sont devenus résidants permanents au Canada en 1996, illustre le rapatriement de ces réfugiés selon leur mode de sélection. Moins de la moitié, soit 49 p. 100, sont reconnus comme réfugiés au Canada; 28 p. 100 sont pris en charge par le gouvernement; 11 p. 100 sont parrainés par le secteur privé.

[Traduction]

Le pourcentage d'acceptation des réfugiés admis au Canada, c'est-à-dire ceux dont nous sommes responsables, est passé de 62 p. 100 en 1994-1995 à 38 p. 100 aujourd'hui.

Nous savons combien il est important de rendre des décisions uniformes. Nous suivons de près les écarts régionaux dans les pourcentages d'acceptation pour les demandeurs de certains pays d'immigration importants. Pour ce faire, nous avons mis en place plusieurs initiatives. Nous sommes en train de combler ces écarts. Mais j'ai la certitude que vous comprendrez que cela ne peut pas se faire du jour au lendemain étant donné la lourde charge de travail que nous avons et le fait que la détermination se fait au cas par cas. Mais nous sommes dans la bonne voie. Je tiens à assurer au comité que nous surveillons la situation de très près.

Quelques mots maintenant sur certains de nos défis. Dans le continuum du programme d'immigration et du statut de réfugié, la Commission doit s'occuper des personnes qui lui sont renvoyées. Ce n'est pas nous qui choisissons les réfugiés. Le nombre de cas que nous devons traiter pendant l'année est fonction des tendances migratoires internationales, de l'arrivée massive et inattendue de demandeurs, de la vitesse du processus de sélection et du processus de renvoi. Il y a de plus en plus de facteurs qui influencent la rapidité avec laquelle la Commission traite ces cas. Nous avons déjà fait état de la nécessité d'établir l'identité du demandeur ainsi que le bien-fondé de sa demande, ce qui allonge nos formalités d'audience.

[Français]

La page 4 vous décrit le milieu juridique de la CISR. Les décisions rendues par la Commission doivent être conformes au cadre législatif établi, au droit international tel qu'intégré dans le droit canadien et aux principes directeurs, par exemple, du Haut commissariat pour les réfugiés, de la Charte des droits et libertés et des décisions de la Cour fédérale et de la Cour suprême.

Celles-ci accordent les droits suivants aux revendicateurs: le droit de faire examiner séparément leur revendication de statut de réfugié, le droit d'être représentés par un conseiller, le droit à des services d'interprétation, ainsi que le droit de produire des éléments de preuves, d'interroger des témoins et de présenter des observations.

[Traduction]

Toute décision de la Commission peut, si la permission est accordée, être soumise à l'examen de la Cour fédérale. Une fois que la Commission a rendu sa décision, c'est le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration qui est responsable du traitement de la demande ou de l'appel, qui débouche soit sur l'exclusion ou l'octroi de la résidence permanente.

• 0925

En conséquence, pour contrôler, mesurer et améliorer son rendement, la Commission a pris des engagements importants envers le Parlement dans deux secteurs clés. Nous avons établi des objectifs de rendement pour réduire le nombre de cas en suspens et accélérer le temps de traitement dans nos deux divisions d'ici mars de l'an 2000. Nous nous attendons à ce que la Section du statut de réfugié puisse réduire son temps de traitement d'ici septembre 1998.

Même si nous nous sommes toujours efforcés d'être plus efficients, le principe de la qualité et de l'excellence continue d'inspirer toutes les activités de la Commission étant donné la nature de nos décisions. Au fil des ans, la Cour fédérale du Canada a confirmé la qualité de nos décisions. Par exemple, il est rare que la cour annule nos décisions. À notre Section du statut de réfugié, moins de 1 p. 100 des 23 000 décisions prises sont renversées ou annulées. À notre Section d'appel, moins de 1 p. 100 des 3 500 décisions que nous prenons sont renversées ou annulées. À la Section de l'arbitrage, nos états de service sont encore meilleurs; c'est 0,02 p. 100 des 16 000 décisions qui sont annulées.

C'est d'autant plus important si l'on considère le nombre de décisions que nous avons à prendre chaque année, à savoir près de 43 000 décisions, chacune touchant la vie, la liberté et la sécurité des personnes concernées ainsi que l'intérêt de la société canadienne.

Donc, nos décisions doivent leur qualité à plusieurs initiatives, dont le programme de formation unique et exhaustif que nous continuons d'offrir à nos commissaires, l'établissement de normes de rendement à leur intention, et le savoir que nous réunissons grâce à la mise en commun de pratiques optimales non seulement au Canada mais aussi avec les organismes internationaux responsables de l'accueil des réfugiés. En conséquence, la productivité de nos commissaires s'est accrue et la qualité de leurs décisions a été non seulement maintenue mais élevée.

Parlons maintenant des initiatives d'amélioration.

[Français]

Afin de remplir notre mandat dans un milieu très complexe, nous avons mis en oeuvre plusieurs projets d'amélioration, en commençant par le modèle d'une commission d'enquête spécialisée. Les améliorations qui ont contribué le plus à l'avancement de nos travaux sont décrites dans notre rapport sur le rendement pour la période qui se termine le 31 mars 1997.

[Traduction]

Il est question de la gestion du portefeuille à la page 5.

[Français]

De nombreux intervenants ont contribué à l'évolution et à la bonne marche du Programme de l'immigration et des réfugiés au Canada, y compris le ministère et les agences du gouvernement, par exemple CIC, le ministère de la Justice, la GRC, les provinces, l'aide juridique, les services sociaux et de santé, les avocats et les consultants, les organisations non gouvernementales, l'association internationale et l'autre groupe international.

[Traduction]

Il est essentiel que la Commission maintienne des relations de travail fructueuses avec tous les grands intervenants du portefeuille de l'immigration. Dans ce contexte, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié et le CIC ont signé un accord cadre en décembre 1996 qui vise à accroître la mise en commun des informations et à profiter des possibilités que cela donne.

Le même accord prévoit la mise en place d'accords secondaires portant sur des questions propres à la gestion du portefeuille, et je suis heureuse de faire savoir au comité qu'il y a deux semaines, la Commission et le CIC ont conclu deux accords auxiliaires à l'ECA concernant le partage des informations et la coordination des priorités.

• 0930

Pour ce qui est de notre collaboration avec les organisations non gouvernementales et les avocats, j'ai également le plaisir de vous apprendre que nous avons créé un comité consultatif sur les pratiques et procédures. Ce groupe national se réunit régulièrement pour collaborer avec les divers intervenants du processus.

De même, étant donné le caractère global de notre travail, nous savons que les mouvements de réfugiés et d'immigration constituent un phénomène international, et nous avons décidé de jouer un rôle actif dans l'organisation internationale des magistrats chargés du droit des réfugiés. J'ai également le plaisir de vous dire que le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés et le Conseil de l'Europe ont donné une forte impulsion à cette initiative.

Comme vous le verrez à la page 6, le processus décisionnel de la Commission incombe à trois sections: la Section du statut de réfugié, la Section d'appel de l'immigration et la Section de l'arbitrage. On a tendance à accorder davantage d'importance à la Section du statut de réfugié étant donné la nature de son travail et le fait que plus de la moitié des décisions se prennent à ce niveau.

Dans notre rapport de rendement et dans notre document sur nos plans et priorités, nous décrivons les améliorations que nous avons apportées au fonctionnement de toutes nos sections. Parmi les plus importantes, on compte: des améliorations au processus de détermination du statut de réfugié lui-même; une gestion des cas plus dynamique; la création d'équipes spécialisées; la restructuration de la Commission; des audiences accélérées; des audiences présidées par un seul commissaire, qui ne peuvent avoir lieu qu'avec le consentement des parties; les décisions rendues de vive voix; des décisions prises plus rapidement; l'application accrue des principes directeurs; les observations; des instructions plus précises à l'intention des parties que nous entendons; les conférences pré-audience; les vidéoconférences; les mécanismes de règlement des différends; et l'établissement plus rapide du calendrier.

En réponse à une question de l'un des députés la dernière fois—Mme Folco avait une question sur les demandeurs algériens—je suis heureuse de vous dire que la Commission envisage d'utiliser son processus accéléré pour procéder à des audiences en groupe pour certains pays.

Également à Montréal, nous envisageons de mettre sur pied un projet pilote qui nous permettra de procéder, dans tous les cas, à une entrevue initiale dans les 60 jours.

Nous avons également répondu à une autre question de Mme Folco concernant le nombre de personnes qui se présentent devant la Commission et qui ont un casier judiciaire. Je crois savoir que cette lettre a été transmise au comité.

Lors de notre dernier témoignage, certains membres du comité ont exprimé leur intérêt pour le processus de détention du Canada. La Section de l'arbitrage, qui s'occupe des détentions, a procédé à 9 356 examens de la détention en 1996-1997, et a formulé une nouvelle série de principes directeurs concernant les pouvoirs qu'ont les arbitres d'ordonner la détention. Ces principes directeurs entreront en vigueur l'an prochain et aideront les arbitres, je pense, à exercer leur discrétion dans ce domaine très difficile.

Il est dit dans le tout premier principe directeur que le droit canadien, tout comme le droit international, considère la détention préventive comme une mesure exceptionnelle. On énonce ensuite les motifs de détention. Il est question de la détention de longue durée, de ce qui constitue un danger pour le public, des solutions de rechange à la détention et de la question de la preuve et de la procédure. En vertu de la loi, il n'y a que deux motifs de détention, si la personne constitue un danger pour le public ou si l'on a des motifs raisonnables de croire que la personne ne se présentera pas à l'audience.

En conclusion, monsieur le président, dans les deux documents de reddition de comptes dont votre comité est saisi aujourd'hui, vous noterez que la Commission pratique une gestion financière saine et s'engage à respecter les priorités du gouvernement en matière de réduction des coûts. Notre rapport de rendement, par exemple, indique que nous avons réduit le coût de traitement des cas dans nos sections.

• 0935

Plutôt que de vous citer ces chiffres, permettez-moi de vous mener tout de suite à la page 11 de notre rapport de rendement, où il est question de la réduction du nombre de demandes de statut de réfugié à la section compétente. Il y a une baisse de 20 p. 100. Le coût à la section d'appel a baissé de 6 p. 100—c'est à la page 13- -et nous avons d'autres informations ici sur la section de l'arbitrage.

Toutes nos initiatives émanent de l'énoncé de vision de la Commission, que vous trouverez à la page 7 du document qui vous a été remis, et qui vous a été expliqué, je le sais, par nos fonctionnaires la dernière fois qu'ils étaient ici. Voilà donc la vision de l'avenir qu'à la Commission. Nous entendons concrétiser cette vision en nous servant de nos forces, de notre compétence et de notre expérience. Comme vous et tous les Canadiens, nous tenons à préserver l'intégrité de notre processus et de notre système.

Les trois attentes au niveau du rendement dans notre rapport de rendement contenaient les mots «excellence», «leadership» et «innovation». Ces mots renferment également les idées essentielles de notre énoncé de vision. Ce sont, monsieur le président, les principes directeurs qui inspireront la Commission au moment où elle s'apprête à changer, à s'améliorer et à rendre davantage de comptes tout en respectant ces principes que sont l'intégrité, l'équité et l'efficience.

Merci beaucoup.

Le président: Merci. Vous aviez là beaucoup d'informations.

Nous allons passer aux questions. Tout d'abord du côté de l'opposition. Monsieur McNally, s'il vous plaît.

M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, Réf.): Merci, monsieur le président.

Je vous remercie pour cet exposé.

Vous dites que 60 p. 100 de vos clients présentent des documents insuffisants ou n'ont aucun document. Cela suscite des préoccupations, sans aucun doute. Je sais que nous avons reçu des appels à notre bureau au sujet de victimes de la persécution ou de persécuteurs qui se retrouvent ici dans la même collectivité. Je me demande quelles mesures le ministère a prises pour maîtriser ce genre de situation. À notre dernière rencontre, on nous a parlé de documents qu'on détruisait à bord des avions ou qu'on passait à d'autres personnes, et on a mentionné d'autres faits du même genre. Savez-vous ce que l'on fait pour remédier à cela?

Mme Nurjehan Mawani: Permettez-moi d'abord de vous parler des initiatives qui ne relèvent que de la Commission d'immigration et du statut de réfugié. Je vous parlerai ensuite des initiatives conjointes que nous avons avec le ministère et des autres initiatives que nous espérons mettre de l'avant.

Comme je l'ai dit dans mon allocution liminaire, la Commission est intervenue ici en rendant publique sa position sur les demandeurs sans document ou ayant des documents insuffisants. Dans cet énoncé, nous avons défini les diverses procédures, les questions relatives à la preuve, et relatives aux autres types de preuve autres que les documents, qui peuvent et doivent être obtenus dans ces circonstances. Cela requiert évidemment une technique d'interrogation différente, et c'est pourquoi la formation est très importante.

Par ailleurs, nous nous assurons d'avoir—autant que possible—toutes les informations documentaires qu'on peut trouver sur le pays d'immigration d'où vient le demandeur: information sur la personne, les détails du profil; la situation non pas seulement du pays dans son ensemble—mais des groupes particuliers qui se retrouvent dans ce pays. Je vous dirais que nous avons des informations très pointues dans ces domaines.

En outre, le ministère envisage de prendre certaines initiatives dans ce domaine, et je pense que le groupe d'examen législatif mis sur pied par la ministre portera son attention, j'imagine, surtout sur cette question, étant donné que cela représente 60 p. 100 de notre clientèle. Nous attendons avec impatience les recommandations qui seront formulées.

M. Grand McNally: Merci.

Au sujet de votre technique d'interrogation, est-ce à dire que le ministère envisage une approche contradictoire? Est-ce qu'on vous a dit cela, mais ce n'est pas le cas maintenant?

Mme Nurjehan Mawani: De quelle approche s'agit-il?

M. Grand McNally: D'une approche contradictoire. Nous en avons parlé brièvement aussi la dernière fois, je pense.

Mme Nurjehan Mawani: Je vais demander à notre avocat général de répondre à votre question.

M. Philip Palmer (avocat général, Commission d'immigration et du statut de réfugié): À l'heure où nous nous parlons, il n'existe aucun plan visant à transformer notre processus non contradictoire en un processus contradictoire. Mais vous devez savoir que dans tous les cas où il y a soupçon de criminalité, particulièrement s'il s'agit de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité, ces informations sont communiquées à la ministre. D'ailleurs, nous nous attendons à ce que la ministre intervienne, et alors s'enclenche un processus relativement contradictoire pour ce qui est de la criminalité et de l'exclusion potentielle du statut de réfugié au sens de la Convention.

• 0940

M. Grand McNally: Merci. Pardonnez-moi de vous interrompre.

Je songeais à un cas particulier dont j'ai eu connaissance dans ma propre circonscription. Il s'agissait d'une personne qui, de toute évidence, n'avait pas révélé tous ses antécédents, et nous nous sommes retrouvés devant ce cas où le persécuteur comme le persécuté vivaient dans la même collectivité. Si, dès le départ, l'approche ou le processus, la sélection initiale, avait été peut-être un peu plus contradictoire face à cette personne, au moment voulu, nous ne nous retrouverions pas dans cette situation aujourd'hui.

Êtes-vous en train de me dire que rien ne se fait de ce côté?

M. Philip Palmer: Pour ce qui est de la Commission d'immigration et du statut de réfugié elle-même et de ses procédures dans la salle d'audience, non, on ne planifie aucun changement.

Nous constatons qu'en fait, ce qui influence le plus la décision de la Commission, ce n'est pas la technique d'interrogation et ce n'est pas la question de savoir non plus s'il s'agit d'une stricte relation contradictoire, mais c'est vraiment la qualité des informations que nous pouvons obtenir.

Très souvent, notre problème, et celui du ministère, tient à ce qu'il est très difficile d'obtenir des informations au moment où la personne entre au Canada, ou même dans les mois qui précèdent l'audience de la Commission. Ce n'est parfois qu'après que la personne a obtenu le statut de réfugié, en ayant dissimulé son passé, qu'un membre de la collectivité reconnaît le faux réfugié, le dénonce et communique les informations qu'il a de telle manière qu'elles peuvent être confirmées par les autorités canadiennes. Je crains qu'un processus contradictoire ne puisse pas révéler de pareilles choses.

M. Grand McNally: D'accord.

Mme Nurjehan Mawani: Chose certaine, je ne veux pas que le comité ait l'impression que nous nous sentons impuissants dans de telles circonstances parce que ce n'est pas le cas. Avec la spécialisation par pays, la spécialisation par équipe dont dispose maintenant la Commission, et, comme l'a dit M. Palmer, avec les informations que la Commission réunit maintenant, nous pouvons déterminer l'identité du demandeur dans certains cas même sans document.

Vous devez comprendre qu'il nous faut plus de temps pour faire cela parce qu'il nous faut procéder à des interrogations, nous devons nous assurer que ce que la personne nous dit correspond à ce que nous savons de la situation du pays, de son groupe particulier, et il faut que nous sachions qui sont les persécuteurs et qui sont les victimes... Nous avons une assez bonne idée pour ce qui est de... Je dirais que nous avons plus qu'une certaine idée; nous disposons de connaissances spécialisées ici. C'est l'une des raisons pour lesquelles le processus devient plus complexe, mais c'est la raison pour laquelle nous avons besoin de décideurs expérimentés et bien formés, et c'est pourquoi nous allons continuer de travailler dans ce sens.

Le président: C'est au tour de Mme Minna.

Mme Maria Minna (Beaches—East York, Lib.): Madame Mawani, j'aimerais revenir à ce que vous avez dit plus tôt au sujet du pourcentage d'acceptation et d'approbation. En 1994-1995, il était de 62 p. 100, avez-vous dit, et il est maintenant de 38 p. 100; c'est une baisse de 24 p. 100. Comment expliquez-vous une chute aussi brutale dans le pourcentage d'acceptation? Ou s'agit-il d'approbation? Donne-t-on des instructions différentes aux arbitres, est-ce qu'on leur dit de serrer la vis, et est-ce qu'il y a des personnes qui devraient être approuvées et qui ne le sont pas? Qu'est-ce qui se passe?

Mme Nurjehan Mawani: Je tiens à vous assurer d'entrée de jeu que nous ne donnons pas de telles instructions à nos décideurs. Je crois qu'il intervient ici une combinaison de divers facteurs.

D'abord, même si certains pays d'immigration sont demeurés les mêmes, le profil des demandeurs de ces pays évolue. Ce n'est pas inhabituel. Par exemple, lorsqu'il y a guerre civile ou des hostilités quelconques à l'intérieur d'un pays, on a tendance à recevoir le premier groupe de personnes qui a fui tout de suite; suit un autre groupe qui, à mon avis, court de très grands dangers; et l'on reçoit ensuite des gens qui veulent fuir pour une foule de raisons et qui par conséquent ne correspondent peut-être pas au profil...

Mme Maria Minna: Pouvez-vous me donner un exemple? Est-ce que la Somalie, par exemple, correspond à cette description?

• 0945

Mme Nurjehan Mawani: Absolument. Par exemple, on a déjà vu une baisse du nombre de Somaliens qui demandent le statut de réfugié. Voyez les pourcentages d'acceptation de certains pays d'immigration importants, on constate que les pourcentages ont baissé. C'est entre autres parce que la situation a évolué dans ces pays. La situation dans ces pays est explosive, c'est vrai, mais les conditions changent, et je pense que cela en dit long sur certains de ces pays qui se trouvaient dans une situation épouvantable il y a quelques années et qui connaissent maintenant une légère amélioration. Je pense que notre système est en mesure de réagir à cela parce que nous disposons des informations qui nous permettent de prendre les décisions voulues.

Deuxièmement, cela ne s'est pas produit d'une façon aussi marquée que pourraient le laisser supposer ces chiffres. En 1994- 1995, le pourcentage était de 62 p. 100 alors qu'en 1997-1998, il est de 38 p. 100. Dans l'intervalle, le pourcentage a diminué, mais progressivement. Il s'agit du pourcentage actuel.

Je dois également reconnaître qu'en 1994-1995, nous avons accueilli un grand nombre de nouveaux commissaires. Il faut un certain temps aux nouveaux commissaires pour acquérir de l'expérience. Avec l'expérience, je dirais que les commissaires sont mieux en mesure d'examiner les revendications. Je suis persuadée que lorsqu'on est tout à fait nouveau, on veut s'assurer d'accorder le bénéfice du doute à la personne qui se trouve devant soi.

Je ne veux pas dire que nous n'accordons pas maintenant le bénéfice du doute, mais avec l'expérience, nous devenons de meilleurs décideurs. Si cela signifie que le pourcentage d'acceptation est plus élevé, eh bien, soit. Si cela signifie un pourcentage d'acceptation plus faible, eh bien, là encore, soit. C'est la nature même de ce que nous faisons.

Mme Maria Minna: Vous avez certainement les pourcentages pour les cinq années précédentes et non seulement pour 1994-1995. J'aimerais pouvoir distinguer la tendance, savoir si la tendance était à la baisse ou non, si elle se maintenait, pour soudainement diminuer. Vos explications sur les changements survenus au pays sont intéressantes, mais j'aimerais avoir les données pour plus d'un an pour cerner la tendance et mieux comprendre ce qui se passe.

Mme Nurjehan Mawani: Oui, monsieur le président, nous serions heureux de fournir ces données.

Mme Maria Minna: À la page 14, au sujet des demandeurs non munis des documents voulus... vous avez mentionné précédemment la rédaction d'une observation, mais on dit également ici que pour résoudre ce problème, on a prévu la rédaction d'une observation, et d'un avis de pratique et la formation améliorée des commissaires. Pourriez-vous nous en dire plus long à ce sujet et nous expliquer ce que vous faites au juste? Vous avez dit quelques mots au sujet des observations, mais qu'en est-il de la formation et des avis de pratique?

Mme Nurjehan Mawani: Avec plaisir. Je vais demander à notre avocat général de commencer.

M. Philip Palmer: L'avis de pratique est en fait un avis aux demandeurs et à leurs avocats dont le but est de leur faire savoir à quoi la Commission s'attend, ce qu'elle exige normalement des demandeurs. Dans le cas des demandeurs non munis des documents voulus, nous les prévenons par cet avis que nous nous attendons à ce qu'ils fournissent d'autres preuves d'identité: qu'ils confirment qui ils sont et à quel groupe ils appartiennent, leur nationalité ou, s'ils prétendent être victimes de persécution en raison de leur affiliation tribale ou de leur appartenance à un clan, qu'ils le démontrent, sinon directement—dans de nombreux pays, les preuves documentaires font souvent défaut—par d'autres moyens sous forme de preuves à l'appui, de témoignages des aînés de la communauté ou d'autres moyens de cette nature.

En ce qui concerne la formation, nous montrons les commissaires quels autres éléments de preuves sont acceptables et comment examiner ces preuves, comment les évaluer afin de déterminer si elles sont fiables. Nous encourageons également les commissaires à se fier à leur expérience au fur et à mesure qu'ils prennent connaissance des conditions dans un pays et à poser des questions, par exemple sur des sujets d'assimilation culturelle.

Si une personne appartient à un certain clan ou à un certain pays, alors elle connaît certaines choses, elle a vécu certaines expériences communes qui peuvent l'aider à établir son identité. Si elle ne fait pas partie de ce groupe, de ce clan, de cette nation, alors elle ne répondra probablement pas correctement aux questions qu'on lui posera. Même si le processus est non contradictoire, il permet d'aller au fond des choses et de déterminer l'identité réelle ou tout au moins l'appartenance à un groupe culturel national particulier.

• 0950

Le président: Monsieur Reynolds.

M. John Reynolds (West Vancouver—Sunshine Coast, Réf.): Merci.

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Excusez-moi, mais il ne peut y avoir une deuxième question du Parti réformiste avant que le Bloc québécois soit intervenu. Personne n'est intervenu pour le Bloc québécois.

[Traduction]

Le président: Vous aurez votre tour.

[Français]

M. Réal Ménard: Mais vous avez comme...

[Traduction]

Le président: Oui, vous aurez votre tour.

Monsieur Reynolds.

M. John Reynolds: Je vais le laisser passer. S'il veut avoir son tour maintenant, c'est parfait.

Le président: Très bien.

M. John Reynolds: Je vous en prie.

[Français]

M. Réal Ménard: Vous avez commencé par le Parti réformiste.

[Traduction]

Le président: Non, quiconque indique son intention de poser des questions...

[Français]

M. Réal Ménard: Je l'ai indiqué.

[Traduction]

Le président: ...est inscrit dans l'ordre. C'est donc ce que j'ai fait. Je tiens une liste.

M. Reynolds était le premier suivi de M. McNally, mais ce dernier doit partir tôt donc il est passé en premier et ensuite j'ai donné la parole à M. Reynolds.

Monsieur Reynolds, lui cédez-vous vos cinq minutes?

M. John Reynolds: Tout à fait.

Le président: Et ce sera votre tour ensuite.

M. John Reynolds: Parfait.

Le président: Très bien, cinq minutes.

[Français]

M. Réal Ménard: J'aimerais vous poser quatre questions.

D'abord, j'aimerais que vous fassiez voir aux membres du comité le processus administratif qui est le vôtre, à partir du moment où une demande est déposée pour la revendication du statut. J'aimerais que vous nous fassiez voir les principales étapes qui sont enclenchées. Je vais vous poser mes quatre questions pour m'assurer qu'on se comprenne bien.

Deuxièmement, je sais que vous êtes le plus important tribunal administratif au pays. Évidemment, cela veut dire un certain nombre de choses pour vous. Cependant, vous savez qu'il y a des critiques très nombreuses qui se sont élevées par rapport au retard ou à l'accumulation des cas. J'ai lu dans votre rapport que des mesures de correction avaient été prises et j'aimerais que vous puissiez nous faire le point en ce qui a trait aux demandes en traitement pour le Québec, puisque vous avez fait l'objet de représentations très précises de la part de certaines autorités au Québec. J'aimerais que vous puissiez nous faire le point à ce sujet.

Troisièmement, vous avez parlé dans votre exposé d'un processus accéléré pour certains pays, mais vous n'avez pas donné beaucoup de détails. J'apprécierais que vous puissiez y revenir. Quels sont ces pays? Pouvez-vous nous dire ce que cela veut dire exactement, en détail, pour qu'on puisse mieux comprendre?

Quatrièmement, vous savez que ce comité est très préoccupé par toute la question des criminels de guerre. Mon collègue du Parti réformiste en a parlé. J'ai lu dans le rapport de M. Gordon qu'il y a un lien très intime qui existe entre le travail de votre Commission et l'accueil qu'on fait aux criminels de guerre sur le territoire canadien. J'aimerais que vous nous parliez de ce lien-là.

J'ai aussi lu que dans 90 p. 100 des cas qui vont devant les tribunaux, vous gagnez vos causes et qu'il est possible, en raison de la spécificité de la Convention de Genève, à son alinéa 1Fa), d'expulser des gens pour ce motif-là. J'aimerais que vous puissiez nous parler de tout cela en détail.

Ce sont mes quatre questions. Elles sont complexes, je le sais, mais il n'y a rien de simple dans la vie.

[Traduction]

Mme Nurjehan Mawani: Merci. Je vais commencer la réponse et ensuite je demanderai à notre directeur exécutif et à notre avocat général de continuer.

Commençons par la première question, celle du traitement. Au départ, la revendication du statut de réfugié présentée au Canada est adressée au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. Quelqu'un se présente au pays et revendique le statut de réfugié. Le ministère détermine la recevabilité de la demande. Essentiellement, c'est la responsabilité du ministère de déterminer si la demande est recevable et de la transmettre à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Nous ne pouvons donc pas intervenir tant que la revendication ne nous a pas été transmise.

Cela fait, la personne dispose de 28 jours pour remplir le formulaire de données personnelles. À l'heure actuelle, nous constatons que très peu de personnes qui revendiquent le statut de réfugié remplissent ce formulaire dans les délais et nous commençons à exiger de façon plus appuyée qu'elles le fassent.

Lorsque nous disposons de l'information, les agents de la commission examinent la revendication pour ensuite la faire suivre, selon le pays d'origine de la personne, à une équipe spécialisée sur ce pays ou cette région. L'équipe comprend des décideurs, des agents et d'autres membres du personnel qui vont s'occuper de réunir la documentation. On fixe alors une date d'audience.

• 0955

Il y a deux processus d'examen de la revendication. Dans un cas, si le pays d'origine en est un pour lequel le pourcentage d'acceptation est élevé parce que nous savons que c'est un pays d'où viennent de nombreux réfugiés, nous utilisons le processus accéléré. Essentiellement, l'agent examine le dossier et décide s'il y a lieu d'accélérer l'examen de la demande. L'agent prévient le commissaire si la demande répond aux critères du processus accéléré, et c'est le commissaire qui décide s'il y a lieu ou non d'accélérer l'examen de la demande. Il y a ensuite rencontre entre l'agent et le demandeur. Cette entrevue dure environ 45 minutes. L'agent d'examen des revendications a déjà réuni beaucoup de données de base à cette étape.

Pour répondre en même temps à une autre question, comme je l'ai dit dans mon exposé, effectivement le pourcentage de demandes traitées par le processus accéléré a diminué, et ce dans la plupart des régions, bien que nous puissions probablement vous fournir des chiffres précis sur des pays particuliers, si cela vous intéresse.

Les autres demandes font l'objet d'une audience, car tous ont droit à être entendus même si la demande doit être rejetée. Les audiences se tiennent dans ce cas devant deux commissaires, ou un commissaire si les parties en conviennent. Le projet de loi sur les audiences par un seul commissaire n'a pas été adopté et par conséquent, il faut prévoir une audience devant deux commissaires. Toutefois, il est à noter que nous avons obtenu des avocats qu'ils acceptent qu'un seul commissaire préside dans environ 25 p. 100 des cas.

À l'audience, on entend l'affaire. L'agent de la Commission joue un rôle important, car bien que le processus soit non contradictoire, c'est à l'agent qu'il incombe de contester l'information. Ce rôle de contestation existe dans tout le régime.

Cela fait, on rend la décision. Nous encourageons de plus en plus les commissaires à donner leur décision oralement, immédiatement à la fin de l'audience, si possible. C'est ce que nous faisons de plus en plus et nous allons ainsi réduire les retards dans la préparation des motifs de décision.

À la fin de ce processus, le statut de réfugié est accordé ou refusé. Une fois le statut de réfugié accordé, le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration intervient et se charge de la procédure relative au droit d'établissement.

Si la demande est rejetée, il y a des recours au ministère même. Il y aura peut-être très bientôt quelques changements à cette procédure. Il y a d'ailleurs déjà eu des changements: l'examen après le rejet de la demande et l'examen pour raison d'ordre humanitaire. Ensuite, il y a également un appel à la Cour fédérale pour obtenir une révision judiciaire. Après la Commission, une autre instance est saisie du dossier.

[Français]

M. Réal Ménard: Puis-je vous poser une question? Vous avez dit plus tôt que vous accueilliez de plus en plus de réfugiés en provenance de pays où il y a des guerres civiles. On convient qu'on est dans une période de turbulence et qu'il y a plusieurs foyers de tension dans le monde. Comment le processus accéléré peut-il être moins important alors qu'on est dans une période où il y a de plus en plus de foyers de tension et de guerres civiles?

Par exemple, pour ce qui est de la question des criminels de guerre, c'est toujours avec consternation que j'apprends qu'il y a seulement cinq pays qui sont identifiés, alors qu'il y a pourtant plusieurs autres foyers de tension et plusieurs autres pays qui commettent des sévices et qui font des violations très, très importantes au chapitre des droits de la personne. N'y a-t-il pas une contradiction entre le non-recours au processus accéléré et la conjoncture internationale?

[Traduction]

Mme Nurjehan Mawani: Vous avez parfaitement raison lorsque vous dites que la situation internationale est telle qu'il y a de plus en plus de guerres civiles. Toutefois, dans ces circonstances, tous ne parviennent pas à venir au Canada. Par conséquent, nous traitons toujours les demandes des personnes qui parviennent au Canada.

Nous constatons que dans les cas de grandes guerres civiles à l'heure actuelle, la plupart des victimes se réfugient dans des pays limitrophes. Si vous regardez les grands déplacements au Rwanda et au Zaïre actuellement, les réfugiés se rendent en Tanzanie, au Zaïre, etc. Ces personnes ne parviennent en Europe et au Canada, c'est certain.

• 1000

Oui, je reconnais qu'à première vue, il semblerait y avoir contradiction entre le nombre de personne qui profitent du processus accéléré et le fait que je dis que nous avons de plus en plus de victimes de guerres civiles. Toutefois, nous constatons également que c'est essentiellement parce que les gens se présentent sans document en provenance de plusieurs de ces pays où règne la guerre civile, ou encore sans documentation crédible. Il devient alors plus difficile de traiter ces demandes dans le cadre du processus accéléré.

Nous sommes aussi très conscients du fait que la société canadienne se préoccupe, à titre, de la question des criminels de guerre et de ceux qui ont commis des crimes contre l'humanité. Malheureusement, nous savons que la guerre civile produit ce genre de choses aussi. Nous devons donc y porter une attention toute particulière.

Le président: Madame Bulte.

Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Merci, monsieur le président.

Merci beaucoup de votre exposé. Ma principale question était la même que celle de Mme Minna, car j'aimerais moi aussi voir les chiffres sur le nombre de demandeurs de statut de réfugié dont la revendication a été rejetée. Je crains qu'il n'y ait là une tendance.

J'ai quelques questions aussi en ce qui concerne les appels. Vous avez déclaré que le nombre d'appels qui sont accueillis est très faible. Quel pourcentage des appels est accueilli?

Mme Nurjehan Mawani: Le nombre d'appels en Cour fédérale?

Mme Sarmite Bulte: Oui.

Mme Nurjehan Mawani: Près de 70 p. 100 des appels sont rejetés par la Cour fédérale. Si vous tenez compte d'un pourcentage d'acceptation de 39 ou 40 p. 100, le reste—pas tous, mais un grand pourcentage—font l'objet d'un appel à la Cour fédérale.

Mme Sarmite Bulte: Peut-être M. Palmer pourra-t-il répondre à cette question.

Au nombre de ces appels, s'agit-il de l'autorisation d'interjeter appel pour obtenir une révision judiciaire ou s'agit- il des révisions judiciaires?

M. Philip Palmer: Soixante-dix pour cent des demandeurs rejetés cherchent à obtenir une révision judiciaire. Normalement, au cours d'une année, 300 décisions font l'objet d'une révision. De celles-ci, normalement, environ un tiers des décisions qui font l'objet d'une révision judiciaire sont annulées.

Mme Sarmite Bulte: Les motifs d'appels sont très limités, n'est-ce pas?

M. Philip Palmer: Ils sont limités. On peut vérifier les erreurs de droit ou de juridiction, de même que les atteintes à la justice naturelle. Heureusement, nous sommes assez bons dans ces domaines. Il n'y a pas d'appel quant au bien fondé de la décision.

Mme Sarmite Bulte: D'accord.

Pouvez-vous me dire quels sont les rapports entre la Commission et la catégorie des demandeurs non reconnus, et quel pourcentage ces demandeurs représentent-ils dans la procédure qui suit la détermination... ou quel est le rapport entre les deux?

Mme Nurjehan Mawani: Je n'ai pas les chiffres ici, mais je pourrai vous les fournir. Pour autant que je me souvienne, ce pourcentage est très faible. Le nombre des dossiers acceptés après la détermination est tout à fait infime.

Mme Sarmite Bulte: Mais quels sont vos rapports avec la procédure postérieure à la détermination? Vous avez dit qu'après la procédure... ou peut-être avez-vous dit implicitement que c'était soit le droit d'établissement, soit l'expulsion. Mais il y a cette autre procédure.

Mme Nurjehan Mawani: Oui. Pour l'essentiel, la Commission n'intervient plus dans cette procédure. Le contrôle postérieur à la détermination est assuré par des fonctionnaires du ministère. C'est là une responsabilité de Citoyenneté et Immigration. Le critère appliqué est un peu différent. Nous avons ici affaire à quelqu'un qui relève de la définition du réfugié au sens de la convention, mais on procède à ce qu'on appelle une évaluation du risque plus généralisé—il s'agit de savoir si la situation de la personne est telle qu'elle ne peut être expulsée du pays.

Mme Sarmite Bulte: On applique donc un ensemble de critères tout à fait différent.

Mme Nurjehan Mawani: Oui.

Mme Sarmite Bulte: D'accord.

Merci, monsieur le président.

Le président: Monsieur Reynolds.

M. John Reynolds: Merci, monsieur le président.

Aux termes d'une modification de la Loi sur l'immigration qui est entrée en vigueur en 1993, une personne reconnue comme réfugiée au sens de la Convention ne peut obtenir de résidence permanente au Canada si elle n'a pas de passeport valide, de documents de voyage ou de papiers d'identité. Néanmoins, cette personne peut demander le droit d'établissement cinq après avoir été accueillie au Canada.

• 1005

À titre de comparaison, que fait-on, dans les autres pays, de ces personnes qui n'ont pas de papiers d'identité? Par exemple, comment procède-t-on aux États-Unis et en Australie?

Mme Nurjehan Mawani: Je ne peux pas vous fournir de réponse complète. Je crois que c'est l'un des sujets que doit traiter le Comité de révision législative constitué par le ministre. Il a eu l'occasion d'étudier les autres régimes. D'après les rencontres et les entretiens que j'ai eus avec des organismes étrangers, je sais qu'ils se heurtent à un problème très semblable. On reconnaît partout que lorsque des gens fuient un pays en proie à la guerre civile, ils n'ont pas la possibilité de s'adresser aux services gouvernementaux pour demander un document de voyage ou un passeport.

Comme vous le savez, il existe un gigantesque marché des faux papiers. Ceux qui en profitent sont nombreux et gagnent des fortunes. C'est un phénomène de dimension mondiale. Nous travaillons tous très fort pour y faire face. Je sais que par l'intermédiaire d'organismes intergouvernementaux, notre ministère y travaille également par la négociation et la consultation. Nous considérons également le problème dans la perspective de l'Association internationale des juges du droit des réfugiés qui vient d'être constituée. C'est l'un des problèmes essentiels auquel nous devons tous faire face.

M. John Reynolds: Pouvez-vous vous engager à nous fournir une réponse écrite?

Mme Nurjehan Mawani: Nous pouvons certainement nous engager à vous fournir davantage d'information à ce sujet.

M. John Reynolds: Vous avez dit que vos taux d'acceptation sont passés de 62 à 38 p. 100. D'après vous, pourquoi y a-t-il une évolution dans ce sens? Par ailleurs, d'après les chiffres dont vous parlez, 62 p. 100 des demandes sont rejetées, ce qui représente des milliers de cas; qu'advient-il de tous ces gens? Mes collègues vous ont demandé combien il y avait d'appels. Or, 1 p. 100 seulement des appels sont accueillis. Il reste 13 000 ou 14 000 demandes qui sont rejetées. Peut-on assurer aux Canadiens que les gens dont la demande est rejetée quittent effectivement le pays dans des délais raisonnables?

Mme Nurjehan Mawani: Tout d'abord, j'aimerais apporter une précision. Nous acceptons 38 ou 39 p. 100 des demandes, mais cela ne veut pas dire que toutes les autres sont rejetées. Je le signale, car près de 25 p. 100 des demandes qui nous sont soumises sont ensuite abandonnées ou retirées. Elles ne font pas toutes l'objet d'une procédure complète. Notre inventaire peut paraître énorme, mais une fois que les demandes ont été traitées, il a diminué d'environ 25 p. 100.

Deuxièmement—et Mme Minna a également posé une question à ce sujet—, je voudrais vous indiquer quelle a été l'évolution du taux d'acceptation. En 1989-1990, lors de la création de cette commission, le taux d'acceptation était de 83 p. 100. L'année suivante, en 1991, il était de 77 p. 100. Ensuite, en 1991-1992, il est passé à 63 p. 100. En 1992-1993, il était de 58 p. 100. En 1993-1994, il était de 48 p. 100. En 1994-1995, il était de 62 p. 100. En 1995-1996, il était de 54 p. 100. En 1996-1997, il était de 41 p. 100; en 1997-1998, il était de 39 p. 100. Vous voyez donc, je l'espère... et nous nous ferons un plaisir de vous donner tout cela par écrit.

Pour répondre à votre question concernant ce que deviennent les personnes dont la demande est rejetée, nous avons déjà signalé qu'elles peuvent demander un contrôle postérieur à la détermination—il est vrai que peu de demandes sont acceptées à l'occasion de cette procédure—ainsi qu'un examen pour des motifs humanitaires et de compassion. En définitive, le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration est chargé des expulsions.

Comme je l'ai dit dans ma déclaration d'ouverture, nous sommes au milieu du processus. Nous ne faisons pas la vérification initiale d'admissibilité, et nous ne nous occupons pas du droit d'établissement ni des expulsions. Je vous suggère d'adresser cette question au ministère.

M. John Reynolds: Donc, vous ne savez pas quel pourcentage des cas que vous rejetez reste au Canada ou fait l'objet d'une expulsion?

Mme Nurjehan Mawani: Non, nous ne le savons pas.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Reynolds.

M. John Reynolds: Mon temps est-il écoulé?

Le président: Non. Vous avez d'autres questions? Posez-les.

M. John Reynolds: Certainement. J'en ai beaucoup.

Vous dites que votre travail est parfois plus difficile que celui d'un juge. Vous avez signalé également, à quelques reprises, que la formation était très importante et qu'elle durait longtemps.

• 1010

Je m'inquiète de voir que l'on passe de deux personnes à une, alors que la décision à prendre est déterminante pour la vie de certaines personnes, puisqu'on leur reconnaît ou on leur refuse le droit de rester au Canada. Comment pourrait-on donner aux Canadiens l'assurance que les membres de la Commission, qui sont nommés par les autorités politiques, sont bien formés avant de se trouver en mesure de prendre de telles décisions? Que pensez-vous de la possibilité que les nominations à la Commission se fassent sur le même modèle que celles des juges, qu'il s'agisse donc de nominations judiciaires et non de nominations politiques?

Mme Nurjehan Mawani: Je voudrais faire un certain nombre de commentaires. Tout d'abord, nous avons un excellent programme de formation. Je suis certain que ce cours de formation est l'un des meilleurs qu'on puisse trouver. On nous invite même régulièrement à donner des cours de formation à des juges et à des décideurs dans d'autres parties du monde. Malheureusement, nous ne pouvons accéder à ces demandes, car nous avons déjà beaucoup à faire pour former nos propres décideurs.

En ce qui concerne les nominations, la procédure en place n'est pas très différente de celle des nominations judiciaires. En mars 1995, l'ancien ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a constitué un comité consultatif indépendant chargé de l'aider, et l'actuelle ministre a fait appel à ce comité lorsqu'elle a étudié la liste, publiée dans la Gazette du Canada, des candidats qualifiés qui ont présenté une demande. Ces demandes sont étudiées par un comité. Les candidats sont interviewés. On vérifie leurs références. C'est une procédure très complète. Finalement, le comité soumet une liste de noms à l'étude du ministre et du gouverneur en conseil.

Je considère que cette procédure a renforcé la qualification des membres de la Commission. Notre défi est de bien les former. Nous y consacrons des ressources importantes. Il faut près d'un an pour qu'un membre de la Commission soit opérationnel et atteigne le niveau maximal de productivité et de qualité. C'est pourquoi il est essentiel pour nous de disposer d'un groupe important de commissaires. Nous investissons beaucoup dans leur formation.

Le président: Monsieur Mahoney.

M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Merci beaucoup.

J'aurais quelques questions à poser concernant la façon dont le système est perçu dans l'opinion publique. Les députés ont bien du mal à répondre aux gens qui croient que n'importe qui peut s'installer ici. J'assistais récemment à une réunion de mon conseil régional qui s'est pratiquement transformée en bataille d'invectives, certains disant que les étrangers étaient accueillis ici sans papiers d'identité, qu'à la descente de l'avion, ils demandaient le statut de réfugié, revendiquaient des droits, une protection, des chèques de bien-être et un logement. Ils ont même prétendu qu'on leur donnait les clés d'une Audi.

Il est très difficile de discuter de ces questions avec un conseil local chargé d'assumer une lourde facture de bien-être social, qu'il s'efforce constamment de refiler à la ministre... Il est très difficile de répondre à ces questions. Est-ce la réalité, ou une simple impression?

Mme Nurjehan Mawani: C'est un peu les deux. Mais la réalité, c'est que nous avons renforcé notre processus initial de tri. À mon avis, cela ne fait aucun doute.

Nous n'avons pas toutes les réponses. Je sais que le comité de révision législative va étudier cette question. Comment procède-t-on à ce tri initial? Lorsque je parle du système, je ne veux pas parler seulement de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Que ce soit le ministère ou nous, il faut que tout le monde en soit bien conscient. Comment faire pour obtenir toute l'information et faire un tri efficace sans pour autant imposer des attentes interminables aux points d'entrée? C'est ce souci d'équilibre qui irrite des millions de gens.

Vous connaissez les chiffres aussi bien que moi. Le Canada accueille chaque année entre 40 millions et 45 millions de personnes relevant de différentes catégories. Une bonne partie d'entre elles sont évidemment des visiteurs. À la frontière canado- américaine, on compte de 20 millions à 25 millions de passages chaque année. Vous voyez donc, d'après ces chiffres, que nous sommes dans une situation où cet équilibre est indispensable.

• 1015

Cela étant dit, le cas des personnes qui se présentent à un point d'entrée sans papiers d'identité et déclarent vouloir présenter une demande de statut de réfugié pose effectivement un problème. Mais nous n'avons pas pour mandat de le résoudre et nous ne sommes pas en mesure de le faire. C'est pourquoi j'applaudis l'initiative de la ministre qui a demandé une révision de la législation, car la loi date de 20 ans, et la situation a beaucoup évolué.

M. Steve Mahoney: Vous parlez des personnes qui arrivent ici sans papiers d'identité, qui fuient une guerre civile et ne possèdent pratiquement rien d'autre que les vêtements qu'ils portent. Je comprends qu'ils n'aient pas de papiers d'identité, mais il y a eu aussi la controverse avec la république tchèque— même si je ne veux pas accuser spécifiquement ce pays—où on a diffusé une émission de télévision et soudain, on assiste à des arrivées massives de personnes qui souvent n'ont pas de papiers d'identité. Ces gens-là ne fuient pas une guerre civile. Ils fuient la discrimination, je suppose, et les difficultés dans leur pays.

La véritable question qu'on me pose concerne davantage la définition du réfugié à partir de critères reposant sur le bon sens. Je connais très peu de Canadiens qui souhaiteraient que l'on refuse une demande légitime de statut de réfugié. Et ceux que je connais, je préférerais ne pas les connaître. Je ne pense pas que cela pose un véritable problème dans notre pays. Mais les gens ont l'impression de voir arriver ici des étrangers qui ne sont pas de véritables réfugiés et qui, dès leur arrivée, revendiquent des droits au nom de notre Constitution... Je ne sais pas si vous pouvez me préciser les délais, mais on a l'impression qu'il peut s'écouler un ou deux ans avant qu'une demande de statut de réfugié soit rejetée. Ensuite, on invoque la procédure d'appel pour gagner du temps et dans l'intervalle, les requérants vivent aux dépend des contribuables canadiens. Voilà ce qu'on me dit dans ma circonscription, et je ne sais pas comment répondre.

Mme Nurjehan Mawani: Je vais essayer de répondre.

Tout d'abord, parlons de la situation des tziganes tchèques. En réalité, les gens de cette catégorie arrivent au Canada avec des papiers. Ce n'est donc pas un problème dans leur cas.

Le problème des tziganes, c'est de savoir si ce qu'ils craignent constitue véritablement une persécution. En définitive, ce n'est pas ce que le public canadien considère comme de la persécution, mais c'est de la persécution au sens de la Convention internationale et selon l'interprétation qu'en donnent nos tribunaux.

Nous ne fonctionnons pas en vase clos. Nos tribunaux interprètent la Loi sur l'immigration pour nous, et il est question de persécution. Nous devons donc en tenir compte.

Quant à la durée de la procédure, je suis d'accord avec vous: elle est trop longue. Nous devons prendre des initiatives pour la raccourcir, du moins aux étapes qui nous concernent. Nous travaillons en étroite collaboration avec le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration grâce à l'entente-cadre administrative dont j'ai parlé, en particulier celle que nous avons signée il y a deux semaines, où il est question de coordination des priorités, de façon que tous les éléments du système travaillent à l'unisson en fonction des mêmes priorités dans le traitement des demandes.

Donc effectivement, je reconnais qu'il faut raccourcir la procédure. Nous nous sommes engagés à le faire. Nous pensons pouvoir vous présenter des résultats à ce sujet lors de notre prochaine comparution.

Le président: Monsieur Obhrai.

M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Réf.): Merci, madame Mawani, de vous présenter devant nous.

À vous écouter, je pense qu'effectivement, le système et la procédure mis en place nous semblent très réconfortants, mais la réalité est bien différente, comme l'a dit mon collègue d'en face et vous en avez parlé.

Ma préoccupation—et je voudrais poser deux ou trois questions à ce sujet—c'est que notre système d'immigration prévoit que toute personne qui arrive au Canada, que ce soit en tant que visiteur, homme d'affaires ou autre, est réputée venir au Canada pour demander le droit de résidence permanente. C'est un principe sous-entendu de notre politique d'immigration.

• 1020

Nous disons à tous les étrangers que, lorsqu'ils viennent au Canada, nous ne nous attendons pas à ce qu'ils repartent. En conséquence, on rejette des demandes de statut de visiteur parce que si l'individu en question arrive ici avec un visa de visiteur, les chances qu'il reparte sont à près nulles. Il va contourner le système et s'installer au Canada. Son cas relève de votre compétence, car il arrive ici en tant que visiteur et demande le statut de réfugié. Nous savons qu'il n'est pas un véritable réfugié, car il arrive ici avec un visa de visiteur et ne fuit aucune persécution dans son pays.

Le problème, c'est cette idée voulant que toute personne qui arrive ici puisse demander et obtenir le statut de réfugié. Vous nous dites que cela crée un malaise, à cause duquel on refuse les demandes de visiteurs de bonne foi qui veulent venir au Canada.

Ma deuxième question concerne la Commission, les nominations et la formation dont vous venez de parler. D'une année sur l'autre, on constate que les nominations sont toujours de nature politique; vous aurez beau dire le contraire. Vous avez dit que c'est un organisme consultatif indépendant et que les candidats doivent passer des entrevues. On les soumet à toutes sortes de formalités pour donner l'impression qu'ils sont qualifiés pour siéger à la Commission du statut de réfugié.

Mais la question reste posée et je lisais la semaine dernière que ceux qui obtiennent un poste à la Commission ont généralement brigué des fonctions politiques quelconques ou ont travaillé pour un parti. Les Canadiens en viennent à se demander si ces gens-là sont qualifiés pour prendre ces décisions. Ils ont obtenu leur poste grâce à leurs relations politiques.

Ensuite, pour justifier le système, on leur donne un an de formation. Cette année de formation coûte encore de l'argent. À chaque nouveau gouvernement, on inscrit de nouveaux candidats à ce cours de formation. Tout cela coûte cher. Vous venez de dire qu'il faut un an pour former un commissaire. Que se passe-t-il dans l'intervalle? Les requérants continuent d'arriver.

M. Palmer a dit deux choses qui m'inquiètent à propos de la formation. Il a dit qu'on laisse aux membres de la Commission une certaine latitude et qu'ils peuvent faire appel à leur jugement et à leur expérience pour prendre des décisions. Voilà une autre source de problèmes. Ils ont été nommés grâce à leurs relations politiques, et on leur laisse une certaine latitude.

Ensuite, M. Palmer dit qu'on les laisse prendre des décisions en fonction de leur bagage culturel. Le Canada a la chance de compter parmi ses citoyens des gens qui viennent de toutes les parties du monde; quelle proportion de Canadiens ayant un bagage culturel particulier a-t-on l'intention de nommer à la Commission?

Comme vous le savez, le vérificateur général est sur le point de publier son rapport dont le chapitre 25 est consacré à la procédure de la Commission. Avez-vous tenu compte de ces recommandations dans votre rapport?

Le président: Je ne veux pas de réponse fondée sur des hypothèses politiques. Tenez-vous en aux faits et à la réalité de la situation. Est-ce que je peux compter sur vous?

Mme Nurjehan Mawani: Merci beaucoup.

M. Deepak Obhrai: J'ai une objection à formuler. Je pensais qu'on pouvait poser n'importe quelle question en comité. N'est-ce pas à cela que sert le comité?

Le président: Vous pouvez poser des questions concernant la loi, le rapport de rendement, les chiffres sur le déficit que nous avons reçus et l'information présentée par nos témoins, mais pas sur des hypothèses contestables.

M. Deepak Obhrai: Je ne fais pas d'hypothèses. Ce sont les...

Le président: Je sais. Je comprends ce que vous essayez de faire et j'aimerais mettre un terme à cette discussion. Je m'en occuperai plus tard.

• 1025

Veuillez répondre, s'il vous plaît.

Mme Nurjehan Mawani: Merci. Je répondrai tout d'abord à la question concernant l'expérience dont les membres de la Commission peuvent tirer parti.

Ce à quoi M. Palmer a fait référence est ce qu'on appelle les connaissances spécialisées. Une commission comme la nôtre est un organisme d'experts. Elle s'occupe de personnes et de renseignements provenant des régions de différents pays. Au bout d'un certain temps, chaque membre se spécialise en tant que décideur, et l'institution acquiert une expertise dont les décideurs profitent. Voilà ce que voulait dire M. Palmer en parlant de connaissances spécialisées.

En ce qui concerne la diversité, vous avez tout à fait raison. Notre Commission est tout à fait représentative de la diversité du Canada. Cela me semble important. Elle profite d'expériences très diverses pour s'acquitter de cette tâche importante au nom des Canadiens.

En ce qui concerne les candidats nommés à la Commission, j'affirme que tous les candidats qui sont nommés sont qualifiés. Ils sont qualifiés en fonction de critères précis. Je fais partie du comité, et je n'hésite pas à vous dire que ce comité prend ses responsabilités très au sérieux. On publie le profil de chaque candidat et la description de fonctions. Comme je l'ai dit, le candidat passe une entrevue et on vérifie ses références. On dresse enfin une liste de candidats. La procédure est donc semblable à celle des nominations judiciaires. En définitive, c'est au gouvernement de procéder aux nominations à partir de cette liste; il s'est engagé à s'en tenir à la liste, il l'a toujours fait depuis la constitution du comité. La liste donne toute l'information nécessaire sans entrer dans les détails.

En ce qui concerne les visas des visiteurs et leurs implications pour nous, tout d'abord, je ne peux pas me prononcer sur votre affirmation concernant le nombre de demandes rejetées. Je ne sais pas combien de demandes sont rejetées. Il faudrait poser cette question au ministère. Quant aux conséquences des demandes des visiteurs sur notre travail, il est vrai qu'un certain nombre de personnes revendiquent le statut de réfugié une fois qu'ils sont entrés au Canada dans différentes circonstances, notamment, c'est vrai, en tant que visiteurs.

Mais je puis également vous assurer que lorsque nous traitons les demandes de statut de réfugié, nous posons des questions très précises sur les raisons pour lesquelles la personne est arrivée au Canada en tant que visiteur et a décidé de présenter une demande de statut de réfugié. Nous essayons de déterminer quand la personne a changé d'avis et a décidé de convertir son statut de visiteur en statut de réfugié. Il est souvent possible d'obtenir un visa pour venir au Canada en tant que visiteur, alors qu'on ne peut pas présenter de demande de statut de réfugié dans une mission diplomatique ni ailleurs.

Il serait sans doute utile de signaler que le processus de sélection des réfugiés à l'étranger est légèrement différent de la sélection effectuée au Canada. À l'étranger, on tient compte du fait que la personne court un risque et aussi qu'elle pourra s'établir rapidement au Canada. C'est le double critère du risque et de l'immigration. Ceux qui présentent leur demande de statut au Canada relèvent de la Convention de Genève, et on leur applique des critères légèrement différents. Il est donc tout à fait possible qu'un visiteur souhaite changer de statut. Cela ne signifie nullement qu'il va obtenir le statut de réfugié. Mais je peux vous assurer qu'on en tient parfaitement compte dans la détermination.

Le président: Madame Folco.

[Français]

Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.): J'ai plusieurs questions et je me demande si je pourrais en poser quelques-unes maintenant et revenir lors d'un deuxième tour, à la fin du processus.

[Traduction]

Le président: Nous allons avoir une deuxième ronde de questions. Essayez de vous en tenir à la limite de cinq minutes, et évitez de poser cinq, six ou sept questions.

Mme Raymonde Folco: Je ne le ferai pas, mais j'aimerais pouvoir intervenir lors de la deuxième ronde.

Le président: D'accord. Merci.

[Français]

Mme Raymonde Folco: Bonjour, madame Mawani, et bonjour à tout le monde. J'ai grand plaisir à vous revoir ce matin. Les commentaires que je vais faire, comme vous le savez, sont en partie dus au fait que j'ai vécu ce processus pendant quelque temps, comme membre de la Commission. Je dois vous féliciter avant de critiquer, parce que selon mon expérience, dans le quotidien, la Commission fait un travail absolument superbe, et je tiens à le dire devant tout le monde ici. Malheureusement, tout le monde autour de la table ne connaît pas ce processus dans les détails.

• 1030

Je me demandais s'il ne serait pas utile d'inviter des membres de ce comité à venir vivre ce processus dans les divers centres, que à Toronto, Montréal, Vancouver ou ailleurs. Je pense qu'en vivant ce processus de façon concrète, les membres de ce comité comprendraient beaucoup mieux ce que vous et M. Palmer avez dit. En écoutant d'autres personnes autour de la table, je me rends compte qu'il y a un manque d'information et que ce manque d'information va très loin.

Je dirais qu'en ce qui a trait au nombre de revendicateurs qui s'adressent au Canada pour demander le statut de réfugié, il me semble que le gouvernement du Canada ou la Commission devrait prendre l'initiative d'aller dans certains pays où nous savons qu'il y a des abus flagrants. On l'a vécu à la Commission et nous avons vu des émissions à la télévision.

Par exemple, on a vu des agences de voyage donner ouvertement des visas, des documents, de l'information sur la Commission et sa façon de fonctionner. Je parle d'une émission que j'ai vue à Radio-Canada qui portait sur l'Inde ou au Pakistan, où on voyait que l'agence de voyage était complètement ouverte et donnait toute l'information possible et impossible.

Je me demande s'il ne serait pas possible que la Commission prenne l'initiative d'aller dans ces pays et de donner aux populations l'information de façon plus générale, que ce soit à la radio ou dans les journaux. Il y a des gens qui veulent venir ici et qui, à notre avis, ne sont pas des réfugiés au sens de la définition de «réfugié». On devrait leur donner une information leur disant que le Canada n'est pas un pays ouvert à tout le monde. C'est le grand nombre de personnes qui, par le passé, sont arrivées du Chili ou d'autres pays qui a fait en sorte que la Commission a accumulé ce backlog, comme on dit. Il me semble qu'il faut se pencher sur le problème, non seulement au moment de l'arrivée de ces personnes, mais même au moment de leur départ. C'est une des suggestions que j'aurais à faire. La deuxième avait trait à l'invitation.

Je vous parle de mon expérience personnelle, bien entendu, mais je me suis rendu compte—et je n'étais pas la seule—que même lorsque les membres de la Commission rendaient une décision négative, cette décision était transmise au ministère, et nous rencontrions souvent dans la rue, six mois ou un an plus tard, des gens qu'on avait refusés comme réfugiés.

On avait souvent l'impression, à la Commission, que même si on donnait les motifs des décisions négatives, ces décisions étaient renversées—j'utilise le terme «à bon escient»—par le ministère. Il y aurait bien des choses à dire là-dessus.

Troisièmement, nous parlerons de la perception qu'ont de la Commission M. Mahoney et d'autres députés de l'autre côté de la table. Il me semble qu'il y a—et là je me permettrai de critiquer la Commission—un manque d'information flagrant, tant à l'interne qu'à l'externe. Il me semble que la Commission n'est pas suffisamment bien connue du public, et je crois que la responsabilité de cette lacune est celle de la Commission. Elle devrait bien faire connaître son travail, et souvent, aux membres du grand public.

Si nous avons souvent des questions par rapport aux criminels de guerre, par rapport à l'impression qu'a le public que tout le monde entre au Canada et qu'on laisse faire ces gens une fois qu'ils sont entrés, c'est qu'il n'y a pas suffisamment d'information qui vient de la Commission. Ce que je viens de dire à trait à l'externe.

• 1035

À l'interne également, et là je vous parle en connaissance de cause, les membres ne sont pas toujours suffisamment renseignés sur les bonnes initiatives que vous avez proposées, par exemple sur la question du commentary dont vous avez parlé plus tôt, le rapport Gordon.

Je pense que ce serait une bonne initiative pour les membres qui prennent leur travail à coeur et pour ceux d'entre nous ici, au comité, qui ne comprennent pas cela. C'est vraiment dommage parce que les membres prennent beaucoup à coeur leur travail et font un excellent travail, pour la plupart d'entre eux, et je pense qu'il serait bon qu'ils aient accès à plus d'information.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup, madame Folco, pour toutes vos propositions.

Nous allons maintenant passer à M. Earle.

M. Gordon Earle (Halifax-Ouest, NPD): Merci. Vous m'excuserez d'être arrivé en retard, mais j'avais une autre réunion, et j'espère que vous me pardonnerez.

Tout d'abord, j'aimerais revenir sur un thème déjà abordé de ce côté-ci, celui des décisions prises par un seul commissaire. Vous avez dit tout à l'heure que la loi à ce sujet n'était pas encore entrée en vigueur, mais il semble que la Commission s'oriente vers cette solution. Vous avez également parlé tout à l'heure du vaste effort de formation, mais vous avez signalé que les décisions étaient quelque peu différentes selon qu'elles étaient rendues par un nouveau venu ou par un commissaire plus expérimenté.

N'y aurait-il donc pas avantage à maintenir la formule du tribunal de deux commissaires, où l'on peut associer un commissaire plus expérimenté à un nouveau venu? On aurait ainsi des décisions plus équilibrées et plus justes, car les requérants mettent leur vie en jeu lorsqu'ils se présentent à ces audiences.

La personne appelée à rendre seule une décision peut être de mauvaise humeur ce jour-là et rendre de ce fait une décision défavorable, alors que deux personnes... comme on disait autrefois, deux têtes valent mieux qu'une. Avec deux personnes, la décision sera plus équilibrée, en particulier si l'un des deux est un nouveau venu dépourvu d'expérience.

Mme Nurjehan Mawani: Merci beaucoup. Tout d'abord, je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que ce sont là des décisions très importantes et que leur qualité est essentielle.

En ce qui concerne les décisions confiées à un seul commissaire plutôt qu'à un tribunal de deux commissaires, compte tenu de l'exigence de qualité, je pense que vous avez raison. Il est toujours utile d'avoir un mentor lorsqu'on arrive à la Commission, et c'est ce que nous essayons de faire actuellement. C'est pourquoi nous n'envisageons de passer de deux personnes à une que de façon progressive. Actuellement, 25 p. 100 des décisions sont prises par un seul commissaire.

Deux ou trois choses très importantes pourraient nous amener à passer en toute confiance à l'étape des audiences devant un seul membre de la Commission. Il y a d'abord la qualité des nominations à la Commission. C'est un facteur clé. Il y a ensuite la nature de la formation qui leur est dispensée.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, je crois que le processus des nominations est bon et que le programme de formation que nous avons mis au point au fil des ans est excellent. Il a fait ses preuves.

J'ai dit tout à l'heure que les nouveaux membres n'avaient pas beaucoup d'expérience, mais je parlais alors d'une époque où la Commission n'avait elle-même pas beaucoup d'expérience dans ce domaine, du moins pas autant qu'aujourd'hui. Je puis vous assurer que les personnes qui sont nommées à la Commission aujourd'hui peuvent compter sur une expérience institutionnelle beaucoup plus grande qu'il y a dix ou même deux ou trois ans.

Notre organisme est encore jeune, mais je crois que c'est cette compétence, cette formation ainsi que la qualité des personnes qui y sont nommées qui m'amènent à penser que les cas d'immigration pourront être soumis à un seul membre. N'oublions pas que la loi permettra toujours au président de la Commission de constituer un comité de plusieurs membres s'il le juge bon. C'est une soupape de sécurité.

M. Gordon Earle: Très bien.

Passons à vos prévisions budgétaires. À la page 7, à la rubrique Plans et Priorités par activité, je constate que les dépenses prévues pour la gestion et les services généraux en 1996- 1997 s'élèvent à 24,8 millions de dollars et, en 1997-1998, à 26,9 millions de dollars. Ces dépenses retombent à 24,4 millions de dollars pendant les deux années subséquentes. Qu'est-ce qui explique l'augmentation de ces dépenses en 1997-1998?

Mme Nurjehan Mawani: Je vais demander au directeur administratif de répondre à la question.

• 1040

M. Paul Thibault (directeur administratif, Commission de l'immigration et du statut de réfugié): Pourriez-vous me rappeler le numéro de la page des prévisions budgétaires?

M. Gordon Earle: C'est à la page 7 du document, à la rubrique Plans et Priorités. Les dépenses prévues pour la gestion et les services généraux augmentent en 1997-1998 et retombent ensuite en 1998-1999 et en 1999-2000 à environ 2 millions de dollars.

M. Paul Thibault: La raison qui explique cette augmentation est que nous comptons faire cette année certains investissements en technologie de l'information. C'est ce que reflète cette augmentation. Nous devons faire des investissements importants dans ce domaine.

M. Gordon Earle: S'agit-il des 500 000 dollars à la rubrique Capital? Une certaine somme est également prévue à la rubrique Fonctionnement.

M. Paul Thibault: Une partie seulement de la somme inscrite à la rubrique Capital servira à faire des investissements dans le domaine de la technologie de l'information.

M. Gordon Earle: À la page suivante, on lit que la Commission se compose cette année de 20 membres et que vous comptez porter ce nombre à 28 pendant la période de planification de trois ans.

M. Paul Thibault: En effet.

M. Gordon Earle: À la page précédente, on indique que les appels en matière d'immigration justifient 71 ETP. Cela comprend-t-il le personnel de soutien?

M. Paul Thibault: Oui. Il s'agit des fonctionnaires qui aident les membres de la Commission dans leur travail.

M. Gordon Earle: On ne nous a pas beaucoup parlé des mesures qui ont été prises pour s'assurer que les femmes ayant été victimes de mauvais traitements et de violence peuvent être considérées comme des réfugiées. A-t-on pris des mesures à cet égard?

Mme Nurjehan Mawani: Certainement. Comme certains d'entre vous le savent, la Commission a émis des lignes directrices portant sur les requérantes craignant d'être persécutées en raison de leur sexe. Ces lignes directrices remontent à mars 1993. Elles sont donc en vigueur depuis plus de quatre ans et demi et constituent une mesure très importante tant au Canada qu'à l'échelle internationale.

M. Gordon Earle: Ces lignes directrices portent-elles fruit?

Mme Nurjehan Mawani: La qualité des décisions rendues le confirme. En effet, les dossiers de certaines requérantes, qui auraient peut-être été refusés par le passé—et j'insiste sur le mot «peut-être»—sont maintenant acceptés. D'autres pays ont suivi l'exemple du Canada, comme l'Australie et les États-Unis.

Le président: Madame Leung.

Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Je vous souhaite la bienvenue. Je viens de Vancouver et suis heureuse de rencontrer une autre Vancouveroise.

Mme Nurjehan Mawani: Je vous remercie.

Mme Sophia Leung: J'ai trois questions à poser. J'aimerais d'abord savoir combien de temps il faut en moyenne pour traiter une demande de revendication du statut de réfugié, car cela varie et certains cas ont suscité beaucoup d'intérêt dans la presse en Colombie-Britannique. Je songe en particulier au cas d'une famille nombreuse qui a dû chercher refuge dans une église. Ce genre de cas est-il très inhabituel?

Cela m'amène à ma deuxième question. Qui est chargé de subvenir aux besoins des réfugiés et de leur donner une instruction adéquate? Est-ce la Commission ou le Ministère?

J'aimerais aussi vous poser une question au sujet des membres de la Commission. On a reconduit le mandat de certains d'entre eux, mais y a-t-il une limite à la durée d'un mandat? Quelle est la procédure? Il est normal que des membres compétents demeurent en fonction, mais il y en a certains dont le mandat ne devrait pas être reconduit.

Enfin, j'aimerais vous parler d'un entretien que j'ai eu dernièrement avec un diplomate chinois. Revenons en 1988, au moment du massacre de la Place Tiananmen. Les étudiants chinois au Canada étaient alors très nombreux et ils ont allégué faire l'objet de persécution. Vous avez dit quelques mots au sujet de la définition de persécution. Le diplomate chinois m'a dit que son gouvernement jugeait la mesure tout à fait inutile. Le gouvernement a financé les études de ces étudiants—je ne fais que répéter ce qu'on m'a dit—parce qu'ils étaient parmi les meilleurs du pays. Pendant des années, le gouvernement chinois s'est occupé de leur instruction puis il les a laissés tomber et les a autorisés à revenir.

• 1045

Je me suis rendu compte tout récemment que cette question était une source de friction entre nos deux pays. Qu'avez-vous à nous dire à ce sujet? Les étudiants revendiquaient le statut de réfugiés, et la Commission le leur a accordé.

Mme Maria Minna: Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Je comprends ce que cherche à faire ma collègue. Malheureusement, ce n'est pas la Commission qui établit la politique du gouvernement. La Commission est simplement chargée d'étudier les cas dont elle est saisie. Ces cas sont étudiés individuellement. Ce que le gouvernement de la Chine dit donc au sujet des étudiants qui ont obtenu le statut de réfugié au Canada importe donc peu.

Mme Sophia Leung: Je me suis peut-être mal exprimée. Je sais qu'on a accordé le statut de réfugié à ces étudiants, mais j'aimerais savoir comment vous définissez un réfugié.

Mme Nurjehan Mawani: Vous avez raison. Permettez-moi d'essayer de répondre aussi rapidement que possible à vos questions.

Mme Sophia Leung: Je vous remercie.

Mme Nurjehan Mawani: Vous avez posé une question au sujet du mandat des membres de la Commission. La loi fixe à sept ans la durée maximale d'un mandat. Les membres sont habituellement nommés pour une période allant de deux à cinq ans et leur mandat peut ensuite être reconduit. À l'heure actuelle, le mandat d'un membre peut être reconduit autant de fois qu'on le veut, et ce, pour une durée de deux à cinq ans.

Dernièrement—et j'en suis très heureuse—les nominations ont été faites pour une durée plus longue et les mandats ont été aussi reconduits pour une durée plus longue. Cela facilite notre travail.

Quant au cas auquel vous avez fait allusion et qui concerne la Colombie-Britannique, il s'agit d'un cas inhabituel et je dirais même d'un cas rare. Compte tenu du nombre de demandes que nous traitons, vous conviendrez avec moi qu'il est très rare qu'une église ait eu à intervenir. C'est très inhabituel.

Vous avez soulevé un point très important au sujet des délais de traitement de demandes. Nous nous préoccupons aussi de cette question. À l'heure actuelle, la commission met 14 mois à traiter une demande de revendication du statut de réfugié. Comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est trop long. J'ai aussi essayé de vous expliquer pourquoi ce délai est si long et je vous ai aussi parlé des mesures que nous avons prises pour le réduire, en collaboration avec le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration ainsi que d'autres ministères visés.

Il faut évidemment que le nombre de cas soit stable. Nous avons du mal à faire face à une augmentation soudaine du nombre de cas que nous avons à traiter et il nous faut alors pouvoir compter sur des commissaires expérimentés.

Nous avons pris un certain nombre de mesures qui, je n'en doute pas, nous permettront de réduire le délai des traitements des demandes. J'espère que je pourrai vous le confirmer la prochaine fois que je comparaîtrai devant vous.

Le président: Monsieur Reynolds.

Chaque intervenant ne dispose que de trois minutes pour poser sa question. Évitez les longs préambules, je vous prie. Allez droit au but.

M. John Reynolds: La semaine dernière, j'ai reçu une télécopie du service de police de Vancouver qui montrait qu'il y avait eu 32 arrestations le 21 novembre. J'ai depuis lors appris que ce nombre d'arrestations est normal dans cette ville. On arrête sans doute entre 60 et 65 personnes par jour dans cette ville, mais la moitié d'entre elles réclament le statut d'immigrant reçu ou le statut de réfugié.

La Commission sait-elle si ces personnes ont été arrêtées au Canada et si elles ont été accusées d'un crime qu'elles auraient commis ici depuis leur arrivée.

J'aimerais aussi vous poser la question suivante avant que vous ne partiez. On me dit qu'environ 12 500 personnes sont entrées au Canada par la frontière américaine et ont réclamé le statut de réfugié. Pourquoi acceptons-nous qu'une personne passe par les tiers pays sûrs? Pourquoi ne pas simplement les renvoyer aux États- Unis et leur dire de présenter une demande à l'un de nos bureaux que ce soit à Seattle, à New York ou à Los Angeles. Au lieu de leur permettre d'entrer au Canada où ils ont droit à l'aide sociale et à l'aide médicale?

• 1050

Voilà mes deux questions.

Mme Nurjehan Mawani: Je vous remercie. Pour ce qui est des personnes qui franchissent la frontière canado-américaine, tout dépend de leur statut aux États-Unis. Vos chiffres sont exacts. Entre 25 et 30 p. 100 des demandeurs du statut de réfugié entrent au pays par les États-Unis.

Il incombe au gouvernement de négocier un accord avec les États-Unis. Je crois que le ministère vous a parlé des efforts qui ont été déployés pour en arriver à un tel accord. Nous ne pouvons pas vraiment renvoyer quelqu'un aux États-Unis jusqu'à ce que cet accord ait été signé et que les États-Unis fassent partie de la liste des tiers pays sûrs. Pour l'instant, cette liste n'existe pas.

Quant à savoir si on nous met au courant des accusations qui pourraient avoir été portées contre un demandeur du statut de réfugié, je vous assure que nous pouvons obtenir cette information. Nous n'avons cependant pas nos propres services d'enquêteur. Il incombe cependant au ministère de nous transmettre cette information.

Je vous rappelle cependant qu'il y a présomption d'innocence jusqu'à preuve du contraire. Nous ne pouvons donc pas traiter des accusations comme des condamnations.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Je ne veux pas m'étendre longuement sur la Commission du statut de réfugié. Je sais que vous faites face à des dilemmes moraux et juridiques auxquels un rabbin n'aimerait pas faire face. Je vais vous expliquer ce que j'entends par là.

Pour faire suite à la question de M. Reynolds, je crois comprendre que vous devez examiner le cas d'environ 7 500 personnes par année. De ces 7 500 personnes, environ 5 000 sont expulsées, 35 p. 100 en raison d'activités criminelles. Autrement dit, un peu moins de 1 p. 100 de l'ensemble des immigrants et des réfugiés sont expulsés pour avoir commis un crime. Est-ce juste?

Mme Nurjehan Mawani: Je ne suis pas en mesure de vous confirmer ce chiffre. C'est une question que vous devriez plutôt poser au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration.

M. John McKay: Très bien. On me dit que les avocats ont tellement à se plaindre de votre ministère ces jours-ci qu'ils font plus de demandes d'accès à l'information. Est-ce vrai?

Mme Nurjehan Mawani: Je suis surprise d'apprendre qu'ils ont tant à se plaindre de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié car je pensais que par l'intermédiaire du Comité consultatif sur les pratiques et les procédures—je pense que vous n'étiez pas ici lorsque j'en ai parlé—créé il y a trois ans et qui comptaient des membres de l'Association du barreau canadien et des organismes non gouvernementaux, nous avions établi une bonne relation de travail avec eux.

M. John McKay: Les demandes d'accès à l'information vous concernant ont-elles augmenté en flèche?

Mme Nurjehan Mawani: Je ne pourrais pas vous le dire à brûle- pourpoint. Je ne pense pas qu'elles ont augmenté en flèche, mais je pourrais m'en assurer. On ne m'a certainement pas signalé quoi que ce soit d'inhabituel à ce sujet.

M. John McKay: Ce n'est pas ce qu'on me dit. Qu'en est-il de votre mécanisme de règlement exécutoire des différends? Avez-vous prévu ce genre de mécanisme?

Mme Nurjehan Mawani: Nous nous occupons activement de la gestion des cas, ce qui fait partie de tout bon mécanisme de règlement des différends.

M. John McKay: Cela vous aide-t-il à réduire le délai pour le traitement des demandes?

Mme Nurjehan Mawani: Oui. Nous avons mis en oeuvre cette approche à la Section des appels et cela a porté fruit. Nous songeons maintenant à nous doter d'un mécanisme de règlement des différends plus officiel dans l'année qui vient, en collaboration avec le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, le ministère de la Justice et les milieux juridiques. J'en ai déjà parlé au comité.

Le président: Madame Girard-Bujold.

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): J'aurais une seule question à vous poser. Vous avez au ministère un programme qui s'appelle «Femmes en péril». Je ne sais pas si cela vous dit quelque chose. C'est au sujet du statut de réfugié et des considérations reliées au sexe.

Dans le passé, le Comité permanent de la citoyenneté et l'immigration a fait des recommandations pour modifier ce programme afin qu'il respecte mieux ses objectifs. Est-ce que votre ministère a donné suite à cela?

• 1055

Également, ce comité a recommandé que le traitement des requérantes qui veulent rester au Canada pour des raisons humanitaires fasse l'objet d'une révision pour que les directives soient mieux adaptées et plus sensibles aux conditions reliées au sexe. A-t-on fait quelque chose dans ce domaine-là?

[Traduction]

Mme Nurjehan Mawani: Le programme des femmes à risque auquel vos avez fait allusion n'est pas un programme de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, mais un programme du ministère.

Il s'agit d'un très bon programme. Les critères établis dans le cadre de ce programme diffèrent aussi quelque peu des critères normaux. Il faut que la personne soit à risque, mais il faut aussi qu'elle puisse s'installer au Canada. Il s'agit souvent de cas de femmes ayant beaucoup d'enfants qui se trouvent dans des situations très difficiles.

Je pense qu'il vaudrait mieux poser des questions détaillées au sujet de ce programme aux représentants du ministère. Je suis très heureuse et fière de pouvoir vous dire que les mesures prises par la Commission en ce qui touche la persécution liée au sexe ont vraiment porté fruit.

Le président: Je m'excuse, mais je dois vous interrompre.

Je vous remercie beaucoup. La séance, qui a duré deux heures, a été très instructive. Je regrette madame de devoir vous interrompre.

Monsieur Ménard, on me dit que vous avez un avis de motion à nous transmettre. Monsieur Ménard, nous devons quitter la salle dans trois minutes parce qu'un autre comité siège ici.

[Français]

M. Réal Ménard: Monsieur le président, je vous lis la motion. J'en donne préavis, et vous la faites traduire. D'accord?

Donc, je propose que, pour le bon fonctionnement des travaux du comité, des règles de fonctionnement plus strictes soient adoptées. Chaque parti devrait disposer de dix minutes lors d'un premier tour et de cinq minutes lors d'un deuxième tour. L'ordre d'intervention proposé des partis politiques est le suivant: le Parti réformiste, le Bloc québécois, le gouvernement, le Nouveau parti démocratique et le Parti progressiste-conservateur.

Je voudrais qu'on en discute, monsieur le président, parce qu'il y a un problème dans la façon dont vous répartissez le temps. On va en discuter à la prochaine séance.

[Traduction]

Le président: Je vous remercie beaucoup. La séance est levée.