CITI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
STANDING COMMITTEE ON CITIZENSHIP AND IMMIGRATION
COMITÉ PERMANENT DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 18 mars 1998
[Traduction]
Le président (M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.)): La séance est ouverte.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions la recommandation 155 du rapport du groupe consultatif sur la révision de la législation intitulé Au-delà des chiffres: l'immigration de demain au Canada, traitant particulièrement de détention et d'ordonnances d'expulsion.
• 1535
Nous avons la grande chance aujourd'hui de recevoir des
témoins du Conseil canadien pour les réfugiés. Je vais vous
demander de vous présenter. L'ordre qui figure sur ma feuille est
probablement celui qui convient le mieux.
Janet, vous représentez...?
Mme Janet Dench (directrice générale, Conseil canadien pour les réfugiés): Le Conseil canadien pour les réfugiés.
Le président: Et Ladane Affi, vous êtes avec elle?
Mme Ladane Affi (membre du bureau directeur, Conseil canadien pour les réfugiés): Oui.
Le président: Et Rivka Augenfeld?
[Français]
Mme Rivka Augenfeld (présidente, Table de concertation de Montréal pour les réfugiés): Je suis de la Table de concertation des organismes de Montréal pour les réfugiés.
[Traduction]
Glynis Williams, de Montréal, m'accompagne aujourd'hui.
Le président: Et de Toronto?
M. Fred Franklin (membre, Toronto Refugee Affairs Council): Je m'appelle Fred Franklin et je représente le TRAC; je suis accompagné de Mme Joan Simalchik, qui est l'auteur du rapport sur la détention.
Le président: Ensuite, du Comité inter-églises pour les réfugiés, nous recevons Tom Clark et Gloria Nafziger.
Donc, très bien. Voilà l'ordre dans lequel je vous demanderai de présenter vos exposés.
Mme Dorma Grant (membre, Comité des réfugiés de la First Baptist Church): Vous n'avez pas cité le cinquième groupe.
Le président: Oh, je suis désolé. Dorma Grant représente le Comité des réfugiés de la First Baptist Church. Merci beaucoup. D'où venez-vous?
Mme Dorma Grant: Je suis de Kingston.
Le président: Je devrais m'en souvenir. J'ai reçu des lettres de vous.
[Français]
Mme Rivka Augenfeld: Monsieur le président, nous nous sommes entendus ensemble pour prendre quelques minutes, avec votre permission, afin de clarifier les règles du processus de cette rencontre. Nous aimerions vous suggérer un ordre de présentation différent de celui que vous avez retenu. Nous aimerions que les groupes nationaux soient entendus avant les groupes locaux, ce qui veut dire d'abord le Conseil canadien pour les réfugiés, l'Inter-Church Committee for Refugees, la Table de concertation de Montréal pour les réfugiés, TRAC et ensuite le groupe de Kingston. C'est une suggestion que vous allez accepter, nous l'espérons; il nous semble plus logique de passer du niveau national au niveau local.
Deuxièmement, nous aimerions clarifier avec vous et tous les membres du comité ce que nous attendons de cette rencontre. Nous avons accepté de tenir une table ronde au lieu de suivre le processus habituel par lequel chaque groupe se présente et répond aux questions individuellement. Cette fois-ci, nous allons tous faire nos présentations à la suite et après discuter avec vous. Nous souhaitons que ce soit fructueux.
Ce qu'on nous a dit également, lorsqu'on nous a demandé d'accepter cette formule complètement différente de ce qu'on fait depuis plusieurs années, c'est que nous aurions plus de temps à notre disposition que la période normalement allouée à chaque groupe. On nous a dit que nous pouvions compter aller jusqu'à 18 heures et avoir la chance de discuter.
Nous ne sommes pas des groupes individuels, monsieur le président, mais des regroupements, des coalitions de centaines de membres répartis dans tout le Canada, des groupes qui font toutes sortes de travaux pour les réfugiés et auprès d'eux, et pour la défense des droits. Nous espérons que cela sera pris en considération. Nous avons bien des choses à partager avec vous.
Nous vous suggérons aussi que ce ne soit pas la réunion...
[Traduction]
Le président: Bien, d'accord.
[Français]
Mme Rivka Augenfeld: Laissez-moi finir, monsieur le président, je vous en prie très respectueusement. Nous voulons éclaircir certains points pour être sûrs qu'on se comprenne bien. Nous vous demanderions, puisqu'on vient de nous dire que nous disposons de moins de temps que prévu, de trouver une façon de prolonger les présentations à un moment approprié, parce que nous avons des choses à partager avec vous de même que des suggestions d'autres groupes ou des documents qui vous seront utiles. C'est donc dans cette intention que nous nous nous présentons ensemble. Nous nous sommes préparés afin que les discussions soient le plus fructueuses possible.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
En premier lieu, je voudrais demander à tous les gens qui vont faire un exposé de voter à main levée au sujet de la première proposition, celle qui concerne l'ordre des interventions. Êtes-vous tous d'accord avec l'ordre proposé? Oui.
Pour ce qui est de la deuxième recommandation, c'est exactement ce que nous avons l'intention de faire. Nous vous demanderons de présenter vos renseignements dans l'ordre que vous avez établi, puis nous aurons une discussion ouverte. Je demanderai à un membre du Comité de commencer, puis chacun pourra intervenir. Si nous arrivons à un sujet, un thème ou un concept sur lequel nous travaillons, je demanderai à ceux qui veulent dire quelque chose à ce sujet à ce moment-là de la table ronde de se manifester. Si un membre du Comité souhaite alors faire une remarque ou poser une question au sujet de ce concept, il faut frapper le fer quand il est chaud. N'attendez pas une demi-heure pour revenir sur la question.
• 1540
Avez-vous compris? D'accord. La table ronde est ouverte.
Oui, monsieur Ménard.
[Français]
M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Monsieur le président, pour que les choses soient tout à fait claires pour nos témoins, j'aimerais rappeler que nous devons aller voter à 17 heures ou 17 h 15. Est-ce que je me trompe?
[Traduction]
Le président: Nous réglerons ce problème à un moment donné, monsieur Ménard.
[Français]
M. Réal Ménard: Nous pourrons revenir si nous n'avons pas terminé, mais nous devrons aller voter.
[Traduction]
Le président: Je suis très impatient de commencer avec ce groupe, parce qu'il y a là beaucoup de gens merveilleux.
Qui va commencer?
Mme Janet Dench: Je m'appelle Janet Dench et je représente le Conseil canadien pour les réfugiés.
Nous avons préparé un mémoire à l'intention du Comité. Malheureusement, il n'est pas possible de vous en donner plus qu'un avant-goût en cinq minutes, mais j'espère que vous pourrez le lire à loisir.
Nous commençons par des commentaires généraux. La détention et l'expulsion constituent un aspect déplaisant, mais nécessaire, de l'application de la Loi sur l'immigration. Le CCR ne s'y oppose pas. Nous pensons toutefois que les politiques et pratiques concernant la détention et les expulsions doivent être conformes aux principes d'équité, de respect des droits et de dignité.
Les gens qui sont au Canada sans statut sont parmi les plus vulnérables dans notre société. Ils ont peu de droits et des moyens limités de les faire valoir. Ils sont souvent isolés, sans amis ni famille. Ils ne sont généralement pas au courant des protections que leur offrent les règles et les institutions canadiennes.
Vu cette vulnérabilité inhérente, il est essentiel que le système offre des mesures de protection adéquates pour faire en sorte que les droits des non-citoyens soient protégés correctement. Ce qui me préoccupe est que, quand on discute de la détention et des expulsions, on entend beaucoup parler de la vulnérabilité du système et très peu de celle des gens qui sont dans ce système.
Il est vrai que certaines personnes en abusent. Elles trouvent ses points faibles et les exploitent. Toutefois, le souci de prévenir ces abus ne doit pas nous faire perdre de vue que nous devons également empêcher les abus émanant du système. Nous devons veiller à ne pas construire un système sur la base du fait que certains en abusent. Les mesures dont nous disposons devraient certainement nous permettre de faire face à ce problème, mais elles doivent également garantir la protection des droits et de la dignité de tous.
Nous avons des commentaires au sujet des propositions contenues dans le rapport sur la révision de la législation. Nous sommes heureux que ce rapport reconnaisse le problème que pose actuellement le caractère apparemment arbitraire des décisions relatives à la détention. La solution qu'il propose consiste toutefois à élaborer des critères de détention transparents et codifiés afin d'éviter les décisions arbitraires et de rendre inutile le système actuel d'examen de la détention devant un décideur indépendant. Nous ne pouvons pas partager l'avis des auteurs sur la transparence des critères proposés. Au contraire, nous y voyons une liste de critères qui peuvent prêter à toutes sortes de conflits et d'interprétations.
Le droit à la liberté est un droit humain fondamental. Nous ne pouvons pas accepter un système qui proposerait la perte de la liberté comme moyen de dissuasion contre le non-respect des règles.
Je vais sauter certains passages pour vous parler de ce que nous considérons comme des conditions nécessaires pour que les expulsions soient équitables. Tant que nous ne pouvons pas être sûrs que le système protège de façon adéquate les gens qui doivent être protégés et qu'il fait preuve de compassion à leur égard, la crédibilité des expulsions nous paraît contestable. Pour qu'une expulsion soit équitable, il faut disposer de systèmes équitables pour déterminer qui doit être expulsé.
Nous donnons une liste détaillée des sortes de protection qui nous paraissent devoir être en place avant de pouvoir prendre la décision d'expulser quelqu'un.
Nous énumérons divers problèmes que posent les expulsions. En bref, le premier concerne les expulsions éclairs, ce qui se produit quand des gens sont expulsés sans aucun avis préalable et sans pouvoir faire leurs bagages, prendre congé de leurs familles et de leurs amis ou régler leurs affaires d'une façon ou d'une autre.
Deuxièmement, certaines techniques d'exécution sont excessives, notamment l'utilisation de menottes et de fers, même pour les gens qui n'ont commis aucune violence ou se montrent coopératifs.
Troisièmement, nous soulevons les questions touchant l'atteinte à la confidentialité, lorsque la CCI informe le pays de destination que la personne est expulsée du Canada.
Dans l'ensemble, nos préoccupations concernent la culture des agents d'exécution, qui manifestent trop souvent une attitude cynique et irrespectueuse envers les gens avec qui ils traitent. Du point de vue des ONG, la confiance envers la direction de l'exécution a été compromise par certains incidents intervenus ces dernières années.
• 1545
Un problème fondamental peut être l'absence d'un système clair
de reddition de comptes. Les agents d'immigration sont les seuls
fonctionnaires canadiennes autorisés à procéder à des arrestations
qui ne font l'objet d'aucun contrôle indépendant. Lorsque des
allégations sont présentées au sujet d'abus commis par ces agents,
il n'y a aucun mécanisme extérieur pour faire enquête. Il existe un
besoin pressant pour un tel mécanisme afin que des mesures de
correction puissent être prises en cas de comportement inacceptable
ou, par contre, que les agents concernés puissent être lavés de
tout soupçon s'ils ont été accusés à tort.
Nous avons une série de recommandations au sujet des expulsions que je vous recommande de lire. Je vais passer directement aux questions concernant la détention.
Nos préoccupations au sujet de la détention concernent principalement deux domaines: la prise de décision en matière de détention et de libération, d'une part, et les conditions de détention.
Dans la première catégorie, nous soulevons des questions concernant la détention des personnes qui demandent le statut de réfugiés, la détention des mineurs, la détention à long terme, la détention des gens contre lesquels on n'envisage aucune mesure d'application dans un avenir prévisible, et le fait qu'il y a d'importantes différences entre les régions en ce qui concerne les décisions relatives à la détention.
Pour ce qui est de nos préoccupations au sujet des conditions, je citerai les difficultés d'accès imposées aux visiteurs, aux ONG, aux avocats et aux membres de la famille; la non-disponibilité de l'aide juridique; la détention de mineurs dans des centres pour adultes, le manque d'accès à l'éducation pour les mineurs; l'absence de soins médicaux satisfaisants; la détention dans des centres de détention criminelle; l'absence d'installations adéquates pour les femmes, l'absence de mesures permettant aux membres d'une famille de passer du temps ensemble; et, finalement, l'usage excessif de dispositifs comme les menottes ou les fers, y compris pour les gens qui se sont montrés coopératifs.
Nous avons également une série de recommandations à ce sujet. Nous citons, en annexe au mémoire, une longue résolution que nous avons adoptée en 1994, qui inclut toute une série de recommandations relatives à la détention.
Merci.
Le président: Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer à...
Mme Gloria Nafziger (présidente, Comité inter-églises pour les réfugiés): Au Comité inter-églises pour les réfugiés. Je m'appelle Gloria Nafziger et je parle au nom de ce comité.
Le président: Très bien.
Mme Gloria Nafziger: Je voudrais remercier beaucoup le Comité de nous donner l'occasion de comparaître devant lui cet après-midi. Nous sommes convaincus que les comités permanents du Parlement sont un élément très important du système qui garantit nos droits au sein de la société démocratique. Nous vous remercions beaucoup de nous donner l'occasion de nous faire entendre ici afin que nos commentaires soient consignés et fassent l'objet de questions et d'une évaluation appropriées.
Je vous préciserai que le CIER est une coalition de 10 organismes religieux canadiens qui a été fondée en 1980. Nous avons notamment pour mandat de surveiller la situation des réfugiés dans le monde et les réactions du Canada, ainsi que d'élaborer pour l'ensemble de nos églises une analyse, des points de vue, des rapports et des mémoires en ce qui concerne la protection et la réinstallation des réfugiés et des groupes apparentés de non-citoyens.
Je voudrais attirer votre attention sur le fait que les commentaires que je vais présenter sont fortement axés sur nos recommandations et conclusions finales. Il est très difficile d'évaluer la portée de ces recommandations et conclusions si on ne se rend pas compte qu'elles ne sont pas tombées du ciel. Nous nous sommes appuyés sur un vaste travail préalable pour déterminer les points de vue que nous pouvons vous présenter et les conclusions qui sont les nôtres. Le bref exposé que nous faisons cet après-midi ne peut guère rendre justice à toutes les recherches et tout le travail que nous avons consacrés au fil des ans à divers cas personnels.
Nous venons ici pour faire part de nos préoccupations concernant les déportations et les expulsions en nous fondant sur l'expérience que nous avons acquise auprès de personnes en chair et en os que nous avons aidées au fil des ans. Nous citons dans notre mémoire plusieurs exemples de cas qui sont actuellement en instance devant la Commission interaméricaine des droits de l'homme et le Comité des Nations Unies sur la torture. Ces deux organismes ont demandé au Canada de ne pas expulser ou déporter plusieurs personnes pendant que leur cas était en examen. Le Canada n'a pas tenu compte de ces requêtes.
Le CIER a soumis certaines affaires aux organismes internationaux. Je voudrais attirer votre attention sur le fait que nous ne faisons cela qu'en dernier ressort. Nous essayons d'abord de trouver une façon de régler les problèmes devant les tribunaux canadiens, mais, jusqu'à présent, ils n'ont pas répondu à nos attentes.
• 1550
Nous constatons qu'à l'heure actuelle, le Canada déporte des
gens malgré des requêtes formelles d'organismes internationaux qui
lui demandent de ne pas le faire, et que les recours administratifs
et juridiques du Canada n'ont pas permis des interventions
adéquates pour ces gens-là.
Il y a une raison pour laquelle nous pensons que la législation canadienne devrait être fondée sur les droits de la personne. Nous pensons que la déportation est une affaire internationale. Les traités internationaux sur les droits humains constituent la base la plus juste pour se prononcer sur les déportations.
Les organismes internationaux basent leurs points de vue sur l'étude de toute une gamme de plaintes concernant des affaires concrètes. La qualité de la jurisprudence des organismes créés en application d'un traité se compare avantageusement à celle des tribunaux nationaux des pays occidentaux.
La déportation elle-même peut s'avérer difficile quand le pays d'accueil décide de ne pas coopérer. On court moins le risque d'un manque de coopération quand on applique une approche internationale objective.
Les pays comme le Canada se servent de la non-application des traités sur les droits humains comme moyen de pression pour remédier aux problèmes qui se posent à l'étranger en matière de droits de la personne et qui amènent des gens à devenir demandeurs d'asile. Au Canada, nous devons montrer que nous respectons ces mêmes traités; sinon, nous ne pouvons plus exercer de pressions comme nous avons essayé de le faire face à certains problèmes à l'étranger, et le Canada subit une perte de sa crédibilité au plan international.
Nous recommandons certains principes en matière de changement. Il faut faire en sorte que les mesures de protection concernant l'expulsion et la détention soient conformes aux obligations internationales du Canada en vertu des traités relatifs aux droits humains. À cette fin, nous recommandons que le Canada fasse référence aux traités internationaux dans ses lois. Nos lois doivent également faire référence à la jurisprudence concernant les droits issus de ces traités. Le Canada doit chercher à assurer un traitement uniforme aux non-citoyens et aux Canadiens lorsque des droits comparables sont en jeu comme la liberté, les droits de la famille et la protection contre la mort ou la torture.
En ce qui concerne l'expulsion, en nous appuyant sur les études réalisées, nous pensons qu'il faut un recours juridique simple. Il doit être bref et simple, répondre à la définition de «recours en justice», suspendre l'expulsion en attendant la décision définitive, déterminer si un droit particulier a ou non été enfreint et prévoir une réparation.
En ce qui concerne ces principes, nous voudrions recommander qu'il existe un tribunal indépendant et impartial pouvant entendre les motifs pour lesquels un demandeur d'asile ou du statut de réfugié ou tout autre non-citoyen ne devrait pas être expulsé. Il faut qu'il y ait des critères juridiques clairs et objectifs d'une rigueur raisonnable compte tenu de l'ensemble des droits de la personne à protéger. Il faut permettre l'accès aux tribunaux, jusqu'au plus haut d'entre eux si nécessaire. Enfin, l'expulsion doit être suspendue tant que le cas n'est pas définitivement réglé. Nous aimerions signaler que les demandeurs d'asile n'ont actuellement accès à rien de tout cela.
En ce qui concerne la détention, nous recommanderions que les critères et les procédures de détention et de libération des non-citoyens respectent, au minimum, les mêmes exigences que celles qui s'appliquent pour les Canadiens pouvant être privés de leurs droits à la liberté en vertu d'une infraction pénale. Les conditions de détention doivent être conformes aux normes internationales et correspondre au moins à celles qui s'appliquent aux Canadiens.
En ce qui concerne l'application, notre conclusion est qu'un mécanisme indépendant d'enquête publique au moins comparable à celui qui est prévu pour les plaintes contre la police soit créé. Il devrait s'agir d'un mécanisme spécial comme un ombudsman travaillant dans le contexte d'un organisme de défense des droits de la personne comme la Commission canadienne des droits de la personne.
En conclusion, les procédures canadiennes actuelles d'expulsion ne sont pas conformes aux points de vue représentés par les traités internationaux relatifs aux droits humains. D'après ces traités, les mesures nécessaires pour faire respecter les droits internationaux qu'ils garantissent sont d'application obligatoire. Les exigences stipulées par ces traités en ce qui concerne l'expulsion ont été étudiées et sont connues. Des suggestions ont été faites au sujet de façons raisonnables de respecter les exigences internationales en matière de droits humains. Tant du point de vue de la justice que de l'aspect pratique, il est sensé d'adopter une démarche fondée sur les droits humains internationaux.
Merci.
Le président: Merci. À qui le tour?
[Français]
Mme Rivka Augenfeld: Monsieur le président, la Table de concertation de Montréal pour les réfugiés a participé au cours des dernières années à toutes les consultations imaginables qui se sont tenues sous les divers gouvernements, que ce soient des consultations parlementaires ou des consultations spéciales. Nous vous recommandons de consulter, sur la question qui nous occupe, le rapport du Comité parlementaire de 1986, le rapport de M. Tassé et tous les autres rapports qui ont été faits sur le sujet.
Nous vous félicitons aussi d'avoir pris le temps nécessaire pour tenir des audiences sur le sujet; nous espérons pouvoir poursuivre pendant tout le temps nécessaire pour étudier ces questions à fond, afin d'en arriver éventuellement à des recommandations claires et approfondies sur ces questions de justice fondamentale.
Le reste de la présentation sera fait par Mme Glynis Williams parce que, parmi nos membres, il y en a qui ont une expertise particulièrement axée sur le sujet à l'ordre du jour.
[Traduction]
Le président: Merci, très bien.
La révérende Glynis Williams (Table de concertation de Montréal pour les réfugiés): Merci beaucoup.
J'ai un mémoire écrit. Je vais simplement en lire certaines parties. Je suis désolée de ne pas l'avoir distribué avant. Je vais demander à mon collègue de le faire.
Comme la révision de la législation le dit à juste titre, on critique généralement le caractère arbitraire et extrêmement discrétionnaire des décisions concernant la détention. Le rapport ajoute que le nouveau cadre législatif limiterait la discrétion en matière de détention.
La recommandation 122 énonce les critères présidant à l'accord du statut provisoire et elle a été délibérément rédigée en termes positifs, de telle façon que ce statut soit accordé si la personne est susceptible de se présenter...
M. Réal Ménard: Les interprètes ont beaucoup de mal à suivre.
Mme Maria Minna (Beaches—East York, Lib.): Elle va trop vite. Ralentissez.
La révérende Glynis Williams: C'est que j'ai seulement trois minutes.
La recommandation 122 énonce les critères présidant à l'octroi du statut provisoire et elle a été délibérément rédigée en termes positifs, de telle façon que ce statut soit accordé si la personne est susceptible de se présenter pour son renvoi du Canada au besoin.
En d'autres termes, cela veut dire qu'on considère qu'une personne ne se montre pas coopérative si elle refuse de signer un document exigeant les documents de voyage de son pays d'origine, le pays dont elle croit apparemment qu'il n'est pas disposé ou apte à la protéger.
On ne sait pas comment une personne devrait répondre de façon appropriée quand on lui demande si elle est prête à retourner dans son pays, si nécessaire. Comment une Algérienne doit-elle répondre quand on lui demande si elle est prête à retourner en Algérie, si nécessaire? Si elle dit non, elle n'est pas coopérative. Et si elle dit oui, cela n'indique-t-il pas qu'elle n'a peut-être pas si peur que ça, ou qu'elle ne craint pas d'être persécutée et que, donc, elle n'a pas besoin d'être protégée par le Canada?
L'emploi du terme «susceptible» est inquiétant. Il est toutefois tout à fait vraisemblable que de nombreuses personnes seront susceptibles d'être placées en détention si l'intention qui préside à cette recommandation est maintenue.
Une suggestion opportune figure dans le préambule aux recommandations 120 à 125, c'est la demande d'un meilleur accès à des téléphones, à des conseillers et aux organisations non gouvernementales.
À Montréal, les ONG entretiennent des rapports relativement bons avec les agents régionaux de la CCI, ce qui nous permet d'effectuer des visites le dimanche et d'avoir droit à des visites avec moins de restrictions pendant la semaine, mais seulement si nous connaissons les noms des personnes détenues. Nous sommes cependant conscients qu'on pourrait faire encore beaucoup plus.
Certains seront peut-être étonnés de savoir que les représentants de l'ONG, dont moi, ont convaincu des gens de ne pas demander le statut de réfugié ou de laisser tomber leur demande quand leur situation justifiait nettement un tel conseil. La protection de l'intégrité du système est un objectif mutuel.
De nombreux aspects du rapport reflètent une réelle préoccupation au sujet des coûts. D'après des estimations modestes, la détention coûte 150 $ par personne, y compris les enfants. Un homme que nous avons aidé a été détenu pendant 14 mois avant d'être finalement libéré, et il est aujourd'hui citoyen canadien. Ces 14 mois ont coûté aux contribuables au moins 59 000 $, et cet homme n'a jamais été considéré comme une menace pour la sécurité et il respectait les règles. Ce que cela lui a coûté du point de vue affectif est, bien entendu, impossible à calculer.
J'ai encore deux brefs commentaires. Un petit nombre de gens qui cherchent la protection du Canada courront de plus en plus de risques de se retrouver sans patrie. Les lois sur la nationalité des républiques de l'ex-Union soviétique refusent la citoyenneté à certaines personnes, même si elles sont nées dans leur territoire. De vaines tentatives d'obtenir des documents de voyage pour pouvoir procéder à une expulsion n'ont pas empêché le Canada de renvoyer des gens avec des certificats de voyage pour un aller simple.
Dans un cas dont nous nous sommes occupés ultérieurement, un homme a été renvoyé à Varsovie, puis Moscou, avant de revenir à Montréal, où il s'est retrouvé en détention. Il avait été accusé d'avoir détruit le seul document d'identité qu'il possédait. Les agents de l'immigration d'ici ont remis ce document entre les mains du personnel de bord avec la consigne de le remettre directement aux autorités russes. Celles-ci ont refusé de le laisser entrer dans le pays puisqu'il n'avait jamais vécu en Russie.
• 1600
Nous ne pouvions pas l'expulser, et il avait des amis qui
étaient prêts à se porter garants de lui pour qu'il soit libéré,
mais il est resté en détention. Là encore, en utilisant la même
estimation modeste, chaque mois coûte 4 500 $ aux contribuables.
La recommandation 87 stipule que la Loi sur la protection devrait définir des critères d'asile tenant compte des obligations du Canada en vertu de la Convention de 1951 et des considérations virtuelles de droits de la personne et d'ordre humanitaire. Voici notre proposition: le Canada devrait contribuer à la réduction du nombre de personnes apatrides en protégeant celles qui le sont, comme l'homme que je viens de mentionner. Même s'il y a peu de personnes au Canada à qui cette disposition viendra en aide, elles en retireront un avantage appréciable.
Une dernière observation concerne la façon dont le public voit cela et sa confiance dans le système. Les églises ont, à cet égard, une préoccupation en commun avec le gouvernement.
Dans le cadre de mon travail, on m'invite régulièrement à rencontrer des groupes religieux ou à prêcher dans des paroisses au sujet des réfugiés. On me dit trop souvent ensuite des choses comme «Je n'avais aucune idée que c'était comme ça.»
Le rapport parle des hypothèses qui ont cours au sujet de l'immigration et qui sont non fondées et fausses, mais finissent par atteindre les proportions d'un mythe. Il souligne également qu'il faut consacrer beaucoup plus d'efforts et diffuser beaucoup plus d'information pour réfuter un mythe que pour en créer un.
En toute déférence, je suis d'avis que le recours à la détention à grande échelle recommandé dans le rapport nourrira le mythe selon lequel les réfugiés sont des criminels et des profiteurs qui exploitent notre générosité.
Le Centre de détention de Laval, près de Montréal, ressemble à une prison. Il est blotti derrière le vieux pénitencier de Saint-Vincent de Paul, avec de nombreuses caméras de surveillance à l'intérieur et à l'extérieur et une clôture en grillage avec du fil de fer barbelé sur le dessus, ce qui donne l'impression que les détenus sont une menace pour notre pays. Ceux qui nous paraissent réellement poser un problème, nous les envoyons dans de vraies prisons. Des images comme celles-ci contribuent au mythe de la criminalité.
Je veux terminer en vous racontant une anecdote. Là encore, il faudra que vous me pardonniez de vous sermonner. Pour le Vendredi saint, l'année dernière, j'avais été invitée à me joindre à quatre églises de West Island, à Montréal, qui organisaient leur défilé annuel dans le quartier pour commémorer l'événement chrétien qu'est la crucifixion de Jésus. On m'avait demandé de prononcer le sermon. J'ai parlé de Tunda, un jeune homme du Congo, du Zaïre, qui était arrivé à l'aéroport de Mirabel avec un passeport canadien qui ne lui appartenait pas.
À son passage à Paris, il avait été menacé par les autorités locales: si on le laissait embarquer et qu'il arrivait à Montréal et demandait le statut de réfugié, il serait immédiatement refoulé vers Paris, d'où on le renverrait à Kinshasa. Il était terrifié.
Il est donc arrivé à Mirabel et a affirmé avec insistance que ce document était bien le sien. On ne l'a pas cru, et il a été placé en détention. Tunda avait de bonnes raisons de croire que les autorités françaises avaient dit la vérité. Sa soeur avait demandé le statut de réfugié en Belgique l'année précédente, et elle avait été détenue, refoulée et s'était retrouvée en prison à Kinshasa.
Tunda ne connaissait personne, et il était perdu. Son seul crime était d'avoir utilisé un faux document à son arrivée ici et d'avoir cru les autorités françaises. Une ordonnance d'expulsion a été prononcée contre lui, lui refusant l'accès au système des réfugiés et autorisant son expulsion du Canada dès que possible. C'est seulement à cause des moratoires qu'il est encore ici. Aujourd'hui, son cas a été soumis à la Cour fédérale.
Dans le monde des réfugiés, le crime de Tunda n'est pas un crime. Il croyait qu'utiliser un faux document était sa seule porte de sortie. Comme il n'avait pas dit le mot magique, «réfugié», au bon moment, il était exclu du système conçu pour le protéger. Tunda était innocent, et nous l'avons mis derrière des barreaux et nous l'avons menacé de le renvoyer au Zaïre au pire moment de la crise qu'a connue ce pays.
Jésus aussi était un homme innocent des accusations portées contre lui. Dans son cas, c'est le chef du gouvernement envoyé par Rome qui a plaidé en sa faveur en vain. Le reste, bien sûr, appartient à l'histoire.
Tunda et Jésus ont quelque chose d'autre en commun. Leur sort n'est ni unique ni inhabituel. La crucifixion était le supplice des pauvres. Des centaines de gens sont morts sur la même colline que Jésus, et l'histoire de Tunda n'est pas unique, sinon peut-être le fait qu'il a été pris en faute.
La centaine de gens qui ont entendu cette anecdote l'année dernière ne font pas confiance au système. Pour eux, ce système est conçu pour accueillir et protéger les persécutés, les exclus et les trahit. Le Canada peut faire mieux que cela.
Le président: Merci beaucoup.
Qui est le suivant? Est-ce M. Franklin? Allez-y.
M. Fred Franklin: Je suis ici aujourd'hui, puisque nous parlons de détention et d'expulsion, pour nous rappeler que le titre, Au-delà des chiffres, veut dire que chacun de ces chiffres a un visage humain.
• 1605
Je suis coordonnateur du comité de détention du TRAC, le
Toronto Refugee Affairs Council. Je suis accompagné de Joan
Simalchik, à qui nous avons confié la réalisation d'une étude sur
les circonstances et les conséquences de la détention au Celebrity
Inn pendant une période de deux ans. J'espère que certaines des
questions lui seront adressées ou que vous pourrez lui donner la
parole brièvement après mon intervention.
Le Toronto Refugee Affairs Council est une organisation qui regroupe 24 agences communautaires s'occupant de la protection et de la réinstallation des réfugiés et qui a aussi un comité de détention nous permettant d'aborder les problèmes qui se posent dans ce domaine en en ayant une connaissance directe.
À la différence d'autres organisations, nous n'avons ni secrétaire ni bureau; nous sommes une organisation bénévole. Notre information n'est donc pas aussi structurée que les exposés que vous avez entendus, mais nous sommes fortement en faveur de tout ce que nous avons entendu. Nous avons constaté les mêmes choses au Celebrity Inn.
En tant que membre du comité Quaker sur les prisons et la justice... C'est un comité qui s'occupe des services correctionnels. Il rend les réfugiés célèbres dans les prisons grâce à nos programmes hebdomadaires pour détenus qui ont commencé il y a quinze ans. Même à l'époque, j'étais frappé par le caractère arbitraire que le système semblait avoir—c'est-à-dire la détermination de qui se retrouvait en prison et de qui n'y allait pas. N'importe quel détenu canadien a beaucoup plus de droits et est beaucoup mieux protégé qu'un demandeur d'asile. Depuis lors, je me suis occupé de plus en plus des questions de détention et de déportation, étant donné que je connais à la fois les prisons et l'immigration.
Le mémoire que nous vous présentons se base sur la réalité vécue par les gens qui sont directement concernés par les politiques que vous avez été chargés d'examiner. À la différence des auteurs de ces politiques, nous rencontrons les détenus en personne et nous pouvons lire la peur dans leurs yeux. Vous avez entendu l'histoire de certains d'entre eux. Beaucoup sont victimes de procédures qu'ils ne comprennent pas complètement et ne peuvent pas contrôler. Nous voyons des gens forcés à la détention au Celebrity Inn. C'est, bien entendu, ce qui explique le titre que notre recherchiste a donné à son rapport. Les gens se retrouvent-là et disent: «Est-ce le Canada, pour qu'une telle chose m'arrive?»
Nous vous prions donc instamment de ne pas considérer le scénario le plus pessimiste comme la norme pour la nouvelle loi. L'interprétation de la protection qui y figure est énoncée en termes très négatifs et présente le scénario le plus pessimiste.
Nous avons vu des détentions initiales imposées en vertu de soupçons exagérés qui se sont ensuite révélés sans fondement. Les gens étaient détenus à leur arrivée. Il faut alors au moins deux semaines pour les faire sortir, même s'il s'agit d'un simple malentendu stupide.
De nombreux cas difficiles seraient réglés beaucoup plus rapidement et de façon plus juste si des conseils compétents et une aide juridique étaient disponibles dans les centres de détention et les prisons. C'est une des principales sources de frustration. Nous voyons constamment des gens qui s'adressent à nous et dont la situation a mal tourné et s'est détériorée parce qu'ils n'ont pas eu l'aide d'un avocat ou ont été mal conseillés. Et même si cela n'a rien à voir avec la procédure législative, il est de notre devoir de faire en sorte que, quand nous détenons des gens, nous leur offrions des conseils et les services d'un avocat.
En outre, comment peut-on s'attendre à ce qu'un détenu placé dans une telle situation coopère et respecte les règles? Le comité de révision parle de respect ou de non-respect des règles. Nous constatons souvent qu'une personne ne peut pas respecter les règles ou signer un document si elle ne comprend pas ce qui se passe et n'a pas été correctement conseillée.
De ce fait, les gens doivent souvent rester en prison, ou ceux qui sont au Celebrity Inn cessent de collaborer, parce qu'ils refusent de signer une demande de passeport pour un pays dans lequel ils ont une peur mortelle de retourner. Alors, on considère qu'ils refusent de collaborer, et on peut les envoyer en prison à cause de cela.
• 1610
Dans tous les secteurs de la vie, il y a des gens qui essaient
de manipuler les lois à leur avantage. Si des soupçons de
malhonnêteté ou d'intention criminelle régissaient toutes les
relations sociales, la vie normale serait bien triste pour nous
tous.
Dans notre mémoire, nous appuyons ce que nous considérons comme des précautions raisonnables, et nous devons nous opposer aux mesures qui constituent un harcèlement.
Depuis 1985, et à nouveau au cours des années 90, les défenseurs des droits des réfugiés se sont opposés à ce qu'on passe les menottes à tous les détenus. Je me rappelle un rapport présenté en 1985 devant un comité permanent comme celui-ci, dans lequel certaines des mêmes objections étaient soulevées. Rivka Augenfeld était intervenue. Rien n'a changé à cet égard, et il est maintenant courant qu'on passe des menottes, et même des fers, aux détenus qu'on amène des audiences. J'ai vu mettre les menottes à des mères devant leurs enfants; ils perdaient complètement la tête quand ils voyaient cela.
Comme je l'ai déjà mentionné, pour ce qui est de la détention et de l'expulsion, nous sommes tout à fait au courant que des normes et des conventions internationales, dont le Canada est signataire, s'appliquent à toutes les formes de protection au Canada, comme elles s'appliquent à n'importe qui. Elles concernent notamment les conditions de détention, le traitement des prisonniers et des détenus et leur expulsion, nous en avons entendu parler. Nous constatons qu'on ne tient fréquemment pas compte de ces normes. Par exemple, on expulse des gens en les exposant à l'injustice et à des traitements cruels malgré les demandes de supplément d'enquête présentées par des groupes de protection des droits de la personne.
Un homme vient juste d'être déporté alors que la Commission interaméricaine des droits de l'homme avait demandé de suspendre cette déportation parce qu'elle voulait examiner l'affaire. Il est parti il y a quelques jours. Je l'ai rencontré en prison, et j'ai été stupéfait par cela. Le Canada devrait tenir compte de ces choses-là.
Je ferai juste une observation plus générale. Tous les immigrants et réfugiés, y compris nombre de ceux qui sont détenus immédiatement, sont des citoyens canadiens potentiels. Leur expérience du Canada commence dès leur première rencontre avec un agent. J'ai vu beaucoup de gens dégoûtés par ce qui leur arrive à l'aéroport, etc., et quand ils se retrouvent détenus suite à cette procédure arbitraire.
Je voudrais citer ce qui figure sur le certificat de citoyenneté canadienne: ils doivent «défendre les principes de démocratie, liberté et compassion.» Alors les lois et les pratiques dont ils font l'expérience doivent refléter les mêmes valeurs. Ce certificat m'a été remis par un homme sauvé de la prison il y a plusieurs années. Il lui a fallu trois ans et demi pour effectuer toutes les formalités. C'était tout à fait un réfugié authentique. Il a été mis en prison. Il a fallu faire des efforts énormes pour qu'il obtienne le statut d'immigrant reçu, et finalement il m'a montré cela. Il est enclin au pardon, mais il est vrai que nous devons défendre pour tous les Canadiens ces principes de démocratie, de liberté et de compassion auxquels nous demandons aux gens de souscrire.
Le président: Merci, monsieur Franklin.
Je suppose que tous les groupes ont déjà présenté leur exposé.
Une voix: Il y en a encore un.
Le président: Oh, encore un. Je suis désolé, Dorma, vous avez raison. Je vous ai oubliée tout à l'heure, et je viens encore de vous oublier.
Mme Dorma Grant: Je viens du Comité spécial des réfugiés de la First Baptist Church de Kingston, en Ontario. Nous sommes un groupe de huit personnes qui nous intéressons aux cas des réfugiés qui viennent à notre connaissance, et nous les suivons jusqu'au bout.
Il y a quelques années, nous avons rencontré en prison un jeune homme qui allait être déporté en Iran. Suite à cela, nous avons commencé à nous intéresser à la façon dont se déroulent l'immigration et la déportation.
Nous nous inquiétons, bien entendu, au sujet des réfugiés au sens de la Convention qui sont renvoyés dans leur pays d'origine ou replacés dans des situations où ils risquent d'être emprisonnés, torturés, voire tués.
• 1615
Pour nous, il y a six choses différentes qui sont à l'origine
de ces problèmes. Je peux les commenter, ainsi que les solutions
proposées pour ces problèmes dont nous avons discuté dans notre
groupe et que j'aimerais vous présenter aujourd'hui.
Pour commencer, l'origine du problème est que nous avons une loi qui permet au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration de condamner tout non-citoyen du Canada parce qu'il représente un danger pour la population canadienne simplement sur la base de son opinion personnelle. Cela se passe sans procès, ni même audience, et sans droit d'appel. La personne est ensuite déportée sans qu'on se soucie des conséquences que cela aura probablement pour elle.
Deuxièmement, les contestations dont cette loi fait l'objet parce qu'elle viole la Charte canadienne des droits et libertés n'ont pas encore donné lieu à des précédents contraignants empêchant de l'utiliser pour renvoyer dans leur pays d'origine les personnes reconnues comme réfugiées en vertu de la Convention.
Troisièmement, bien que le Canada soit signataire de la Convention des Nations Unies de 1987 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, de la Convention des Nations Unies sur les réfugiés de 1951 et de la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations Unies, celles-ci ont seulement au Canada un statut moral et non pas légal. En conséquence, elles peuvent être violées impunément par les fonctionnaires de Citoyenneté et Immigration.
Quatrièmement, les hauts fonctionnaires de Citoyenneté et Immigration Canada semblent appuyer une politique de tolérance zéro envers les non-citoyens qui ont maille à partir avec la loi. Le ministre les appuie et, comme le disait quelqu'un qui a déjà quitté ce ministère, la haute direction fait fortement pression pour qu'on déporte toute personne qu'on peut faire tomber sous le coup des lignes directrices.
Cinquièmement, la population canadienne ne sait pas que le Canada remet régulièrement des résidents du Canada entre les mains de leurs ennemis mortels. Beaucoup sont emprisonnés et torturés, et certains sont exécutés.
Sixièmement, une partie importante de la population canadienne est maintenant contre les immigrants et les réfugiés. C'est cette partie de la population que semblent écouter nos politiciens.
Les solutions que notre groupe aimerait présenter ici aujourd'hui sont les suivantes:
Abrogez la loi qui autorise le ministre de Citoyenneté et de l'Immigration à déporter des non-citoyens parce qu'à son avis, ils constituent un danger pour la population au Canada. Remplacez-la par une loi exigeant qu'une telle accusation soit prouvée devant un tribunal en utilisant des procédures et des normes de preuves semblables à celles qu'on utilise quand quelqu'un est accusé d'être un repris de justice.
Faites en sorte que le Code criminel du Canada considère comme un délit grave la déportation, la tentative de déportation ou l'aide à la déportation de tout non-citoyen qui a de fortes chances d'être, de ce fait, emprisonné, torturé ou exécuté.
Ceux qui sont accusés de crimes graves dans leur pays d'origine peuvent être extradés si on peut s'attendre à ce qu'ils reçoivent un jugement équitable et soient emprisonnés sans être torturés. Des protections légales sont prévues pour les procédures d'extradition, mais pas pour la déportation à l'heure actuelle.
Il faudrait imposer une sanction grave en cas de déportation d'un non-citoyen quand le fonctionnaire responsable de cette déportation devrait raisonnablement avoir su qu'il risquait de l'exposer à l'emprisonnement, la torture ou la mort. La négligence criminelle ou l'homicide involontaire coupable pourraient être des chefs d'accusation appropriés.
Rendez les dispositions de la Convention des Nations Unies de 1987 contre la torture et autres peines out traitements cruels, inhumains ou dégradants, de la Convention des Nations Unies de 1951 sur les réfugiés et de la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations Unies légalement contraignantes pour le gouvernement du Canada.
Par exemple, l'article 3 de la Convention des Nations Unies de 1987 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants stipule que:
-
Aucun Etat partie n'expulsera, ne refoulera, ni n'extradera une
personne vers un autre Etat où il y a des motifs sérieux de croire
qu'elle risque d'être soumise à la torture.
-
Pour déterminer s'il y a de tels motifs, les autorités compétentes
tiendront compte de toutes les considérations pertinentes, y
compris, le cas échéant, de l'existence, dans l'Etat intéressé,
d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme,
graves, flagrantes ou massives.
Les violations de l'article 3 commises par le Canada ne sont ni rares ni mineures. Elles ne semblent pas être dues à l'ignorance de nos fonctionnaires quand au sort probable de la personne déportée, puisque, dans de nombreux cas, cette personne n'est pas un demandeur de statut de réfugié, mais un réfugié reconnu comme tel en vertu de la Convention des Nations Unies et accepté à ce titre par le Canada, qui est entré au Canada avec le consentement de notre gouvernement et a vécu au Canada comme résident permanent avant d'être renvoyé dans le pays dont il s'était initialement enfui pour des raisons jugées tout à fait satisfaisantes par le HCR.
Le président: Merci, madame Grant. Je réserverai pour la fin de la séance mes commentaires au sujet de ce que vous avez dit sur les politiciens.
Nous allons commencer notre table ronde avec le député du Parti réformiste, M. Reynolds.
Vous comprenez tous comment nous allons procéder. Je vais demander aux membres du Comité et aux personnes qui leur répondent de bien vouloir se concentrer sur le concept présenté, en évitant de parler de tout à la fois et d'en aborder 15 autres qui n'ont aucun rapport avec lui, à moins que ce soit absolument essentiel pour la discussion de ce concept.
Allez-y, John.
M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): Puis-je invoquer le Règlement, s'il vous plaît?
Le président: Oui. En quoi consiste votre rappel au Règlement?
[Français]
M. Jacques Saada: Une dame a fait une étude extrêmement intéressante et importante sur le sujet qui nous préoccupe aujourd'hui. Est-ce qu'on pourrait lui accorder au moins une ou deux minutes pour connaître l'essentiel de ce qu'elle aurait à nous dire? Je pense que cela pourrait alimenter le débat.
[Traduction]
Le président: Quel est votre nom, s'il vous plaît?
Mme Joan Simalchik (recherchiste, Toronto Refugee Affairs Committee): Je m'appelle Joan Simalchik et je suis l'auteure de ce rapport que je pense que vous êtes nombreux à avoir.
Le président: Oui.
Mme Joan Simalchik: D'accord. Merci.
Le président: Tous les autres membres du Comité ont ce document? Très bien.
Allez-y, Joan Simalchik.
Mme Joan Simalchik: Je ferai trois brefs commentaires à ce sujet. Ce rapport contient 14 recommandations réellement spécifiques.
Je dirai, pour commencer, que, de façon générale, nombre des choses que j'ai découvertes au cours de mes recherches ne sont pas nouvelles. Il y a eu en particulier un rapport publié par Roger Tassé en février 1996 qui incluait d'importantes recommandations très spécifiques, notamment la création d'un code de déontologie pour le personnel s'occupant des détentions et des expulsions, la détermination de critères au sujet des pays où des risques pourraient exister pour les personnes qui y seraient déportées et, troisièmement, la réalisation d'un examen indépendant de la politique et des plaintes concernant la détention et les expulsions.
Jusqu'à présent, rien de cela n'a été mis en oeuvre. Ma première recommandation est donc de mettre en oeuvre immédiatement les recommandations présentées par M. Tassé il y a deux ans et de ne pas toujours tout reprendre depuis le commencement.
La deuxième chose, que vous avez entendu mentionner à de nombreuses reprises aujourd'hui, est le fait qu'actuellement, la Loi sur l'immigration ne limite pas l'utilisation des pouvoirs discrétionnaires. Là encore, la recommandation est d'établir des directives plus précises.
Mon étude a porté en réalité sur ce qui se passe au Celebrity Inn à Toronto, mais j'ai également eu l'occasion d'examiner la situation à Montréal—et vous avez entendu Glynis en parler—ainsi qu'à Vancouver.
Je signalerai que la discrétion est si grande que les conditions de détention et le nombre de gens détenus varient énormément d'un endroit à l'autre. À Vancouver et Montréal, il y a, parmi les détenus, très peu de gens qui ont demandé le statut de réfugié. Il y en a dont la demande a été refusée. Mais, à Toronto, il y a toujours 30 p. 100 d'entre eux qui ont présenté une demande. Ils n'ont pas vécu au Canada, mais ont été arrêtés dès leur arrivée à la frontière. C'est la seule expérience qu'ils ont de notre pays. Une telle variation d'un endroit à l'autre est un exemple de l'absence de normes quant à l'usage des pouvoirs discrétionnaires.
Un autre exemple est qu'à Toronto, en 1995 et 1996, le nombre de détenus avait atteint un total de 175. À cause de la situation budgétaire, le nombre de détenus ne peut dépasser la centaine. Lors de mon enquête et de mes entrevues avec le personnel de l'immigration, j'ai essayé de déterminer ce que cela avait comme conséquences. Il y a, en une année, 75 personnes qui ne sont pas détenues mais qui l'auraient été si elles étaient arrivées au Canada l'année précédente ou si on les avait trouvées au Canada.
Apparemment, les nouvelles dispositions budgétaires n'entraînent pas de problèmes particuliers, mais cela m'amène à demander en vertu de quels critères objectifs ces gens sont détenus et si cela dépend des crédits disponibles. Si on réduit encore le budget, y aura-t-il moins de détenus à Toronto, et y en aura-t-il plus si le budget est augmenté? Il devrait probablement y avoir quelque chose d'un peu plus objectif que cela.
• 1625
Un autre problème qui se produit, et qui me paraît très
important, est que, parmi l'ensemble des détenus, les demandeurs du
statut de réfugié et les gens dont on a refusé la demande ont
tendance à se trouver noyés dans l'ensemble du groupe. Il y a des
détenus qui sont restés plus longtemps que ne le permet leur visa
de visiteur, qui ont traversé et retraversé la frontière à de
nombreuses reprises.
Il y a beaucoup d'immigrants dans le monde aujourd'hui; ce ne sont pas tous des réfugiés. Au sein de cette population, une fois que les gens sont détenus, ils ont tendance à perdre leur identité en tant que réfugiés et, pour l'immigration, dans le cadre du système et de la procédure, ils sont considérés simplement comme des gens sans statut. Eux-mêmes ne savent souvent pas du tout où ils en sont parce que la procédure est très complexe. Une fois qu'ils sont dans ce genre de situation, il est très difficile de déterminer qui ils sont. Certains l'ont parfois constaté ici aussi. Il y a des gens qu'on expulse du Canada et qui ne savent pas si on a rejeté leur demande de statut de réfugié, s'ils ont fait une demande de révision de leur cas. Ils ne savent pas si on a répondu à leur demande. Il règne une confusion totale, et ils perdent leur identité.
Une autre recommandation à cet égard est donc que les réfugiés soient traités de façon distincte dans le système. En fait, ces gens ne figurent même pas sur les listes de l'immigration ou bien leur statut d'immigration n'y est pas indiqué, mais il est fait mention de qui est responsable pour leur déportation. Nous ne savons pas si quelqu'un a demandé le statut de réfugié, si sa demande a été rejetée ou si c'est un visiteur qui est resté trop longtemps, mais nous savons qu'American Airlines doit assumer le coût de son expulsion. Je pense qu'il faudrait indiquer la catégorie d'immigration et que les réfugiés devraient avoir un statut distinct et se voir offrir toutes les possibilités.
Ma troisième observation concerne les différences entre les conditions de détention d'un endroit à l'autre. Vous avez entendu Glynis décrire l'installation de Montréal. Celle de Toronto est un motel à proximité de l'aéroport, un endroit miteux qui s'appelle le Celebrity Inn, entouré de fil de fer barbelé. Ce n'est vraiment pas une installation qui convient pour les gens qui sont détenus à long terme. La détention des réfugiés étant censée être à court terme, les conditions qui y règnent sont réellement différentes de celles des prisons. Elles ne sont donc même pas adéquates. L'aération n'est pas adéquate dans ce Celebrity Inn. Il n'y a pas grand chose qu'on puisse faire à ce sujet.
En ce moment, il y a 15 personnes qui sont là depuis plus de six mois; il y en a une qui y est depuis près de trois ans. Elles ne sont pas autorisées à recevoir des visites des membres de leurs familles ou de leurs amis, si elles en ont, à part à travers le plexiglass. Rien n'est prévu pour leur éducation ou leurs loisirs. Elles n'ont pas accès à des services religieux, si bien que les gens qui sont là ne peuvent pas participer aux grandes fêtes de leur confession.
Ce qui est particulièrement important est la prestation de soins de santé, ce dont il faut réellement s'occuper immédiatement. Il faut que le personnel médical, les médecins et les infirmières qui sont engagés par le ministère de l'Immigration possèdent certaines qualifications et répondent à certaines conditions, il faut qu'ils aient une expérience de la communication interculturelle ainsi qu'une expérience transculturelle.
Il y a deux ans, un diabétique est mort au Celebrity Inn. Le diagnostic a été établi après sa mort. Une enquête a été faite, mais elle n'a donné lieu à aucun changement fondamental.
Il y a encore des problèmes graves qu'il faut régler, notamment le fait que certains détenus ont été persécutés, torturés; on ne tient aucunement compte de cela et on ne leur offre aucun accès à des services et à des soins de santé. Ce serait la troisième recommandation.
Le président: Merci beaucoup.
Mme Maria Minna: J'invoque le Règlement, monsieur le président. Je vous prie d'excuser cette interruption, mais je voulais simplement préciser quelque chose au sujet du commentaire concernant M. Tassé et le fait que rien n'a été fait. Je sais que, d'ici quelques jours, le ministère devrait publier un rapport contenant les tableaux sur les recommandations; beaucoup de travail a été fait. Vous n'avez peut-être pas vu ce rapport, mais vous le verrez quand il sera publié.
Mme Joan Simalchik: Nous n'en avons pas encore entendu parler, je serai donc très contente. J'espère qu'il inclut le code d'éthique, parce que les entrevues que j'ai...
M. Réal Ménard: Ce n'est pas un rappel au Règlement.
Mme Joan Simalchik: Puis-je préciser quelque chose?
Le président: Non, ça va.
Monsieur Reynolds, je vous en prie.
M. John Reynolds (West Vancouver—Sunshine Coast, Réf.): Merci, monsieur le président. Nous serons également heureux de voir ce rapport.
Quelqu'un peut-il me dire combien il y a de détenus en tout temps, et combien il y a d'adultes, d'enfants?
La révérende Glynis Williams: Le chiffre moyen se situait l'année dernière autour de 25, et il est monté à 50, mais c'est parfois moins. À Montréal, les femmes et les enfants sont détenus dans un endroit séparé, et il y a toujours là des femmes et des enfants, mais considérablement moins que d'hommes.
M. John Reynolds: Quelqu'un a mentionné qu'on met des menottes et des fers aux femmes qui sont là et qu'on amène à une réunion. Est-ce la façon normale de procéder?
La révérende Glynis Williams: Selon mon expérience, oui.
M. John Reynolds: Aux enfants aussi, ou simplement à la mère?
La révérende Glynis Williams: Non, simplement à la mère.
M. John Reynolds: Donc, si le père est aussi là, on mettrait des menottes et des fers à la mère et au père, et les enfants les accompagneraient là où ils vont?
La révérende Glynis Williams: Oui.
M. John Reynolds: Quelqu'un a dit qu'il faudrait un recours légal simple et a mentionné le mot «tribunal». Y a-t-il une raison quelconque pour laquelle il faut que ce soit un tribunal et non pas un juge seul, pas quelqu'un nommé pour des raisons politiques mais une personne ayant reçu une formation juridique qui serait nommée par la justice pour être un juge de ce genre? Y a-t-il une raison quelconque en vertu de laquelle il ne pourrait pas y en avoir un au lieu de trois?
M. Tom Clark (coordonnateur, Comité inter-églises pour les réfugiés): Il n'y a aucune raison pour laquelle il ne pourrait pas y avoir simplement un juge. Dans notre Comité inter-églises pour les réfugiés, nous avons essayé de voir quelles sont les normes internationales. Nous avons essayé de le faire de façon objective, et nous reprenons les formulations que nous avons trouvées. Il est clair que, quelle que soit la formule choisie, il faut qu'on puisse considérer cela comme un tribunal, et nous pensons qu'en droit canadien, un tribunal normal ferait l'affaire.
Je suppose qu'on aurait normalement un tribunal avec des fonctionnaires en première ligne, puis une section d'appel avec des commissaires, le tout étant appuyé par une section d'appel de la Cour fédérale. Nous pensons que c'est le genre de chose qui conviendrait, surtout parce que nous pensons à ce principe du droit international en matière de droits de la personne: on essaie de traiter les étrangers et les non-citoyens de la même façon que nous traiterions des Canadiens. Donc, si c'est le genre de système que nous avons, c'est ce qu'on leur offrirait.
M. John Reynolds: Donc, s'il faut passer par le système normal avec une possibilité de recours et que la demande est finalement rejetée, la décision définitive incombe à un juge indépendant nommé par la justice.
M. Tom Clark: À notre avis, plusieurs questions se posent. Il faut décider, en fin de compte, si nous pouvons ou non déporter cette personne. Et si un droit important est en jeu, il faut avoir accès aux tribunaux pour qu'ils s'en occupent. C'est ce que nous disons. Le tribunal peut dire que les conditions ne sont pas remplies et qu'il ne veut pas être saisi de l'affaire, mais il faut pouvoir la porter à son intention.
M. John Reynolds: Cela vous convient donc dans la mesure où la décision est prise par un juge indépendant.
M. Tom Clark: Oui.
M. John Reynolds: Monsieur le président, allez-y.
Le président: Madame Bulte, voulez-vous continuer sur le même sujet?
Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Madame Dench, je comprends pourquoi vous insistez sur l'importance d'une procédure équitable et du respect des droits. Toutefois, une des choses que j'ai constatées dans ma propre circonscription est qu'il y a des gens qui viennent ici et que le système n'a pas traités correctement. Ils sont encore là dix ans après, je ne sais pas pourquoi. Ils ont suivi toute la procédure et n'ont pas été reconnus comme réfugiés, mais les procédures se succèdent, puis intervient l'ordonnance d'expulsion. Que faire avec cette personne qui est là depuis dix ans?
Une des choses que je recommande réellement dans le cadre de cette enquête est le fait que la procédure doit être rapide. Qu'arrive-t-il à ces gens qui ont été autorisés... et qui ont respecté toutes les règles? Nous ne parlons pas des cas d'actes criminels. Si on fait appel chaque fois auprès de la Cour suprême du Canada, on ne règle pas le fait que ces gens devraient avoir droit à une décision rapide. C'est certainement ce que dit cette révision de la législation. On ne peut pas laisser des gens rester ici et s'intégrer à notre société; il faut aussi les aider financièrement pendant dix ans. Comment régler cette question? C'est une question importante, parce qu'il y a des gens qui sont ici depuis toujours.
M. Tom Clark: Permettez-moi de vous donner une réponse. Si nous étions en France et que la personne soit dans le pays depuis l'âge de six ans, elle ne serait pas expulsée. Si elle était là depuis dix ans, elle ne serait pas expulsée.
Mme Sarmite Bulte: En vertu de quoi?
M. Tom Clark: Simplement en vertu du fait qu'elle serait devenue de facto membre de la société. C'est seulement une partie de la réponse. Ce sont des critères qui ont été adoptés par le Conseil des ministres de l'Europe à la suite d'un de ces procès internationaux engagés contre la France. Soit dit en passant, en France, la décision du tribunal doit être respectée, alors que ce n'est pas le cas au Canada, donc, bien entendu, nous violons ces principes.
• 1635
Deuxièmement, quand on dit qu'on s'adresse à un tribunal, on
ne parle pas d'un grand nombre d'endroits. Lorsque la première
plainte a été présentée à un organisme international, le Canada
s'est défendu en disant que toute personne pouvait porter toute
décision prise par un agent de l'immigration devant la Cour
fédérale et qu'il fallait qu'elle l'ait fait pour épuiser les
recours nationaux et que, à tout moment pendant son séjour au
Canada, cette personne pouvait, en payant 500 $, lancer un nouvel
appel pour raisons humanitaires, et que la décision à ce sujet
pouvait être entendue en appel par la Cour fédérale.
Je ne pense donc pas que proposer quelque chose de plus juste revient nécessairement à proposer quelque chose de plus complexe et traînant plus en longueur que ce que nous avons maintenant. Les cours supérieures sont tout à fait en mesure d'examiner une affaire et de décider si elle est ou non fondée. Malheureusement, à l'heure actuelle, la Cour fédérale n'a pas tendance à reconnaître qu'une plainte est fondée, même si c'est vrai, mais c'est un autre problème dont vous n'êtes pas saisi.
Le président: Merci beaucoup.
Je voudrais ramener la discussion à la période de détention. Nous avons parlé du traitement. Ceux d'entre vous qui ont visité un centre de détention peuvent-ils nous dire dans quelles conditions y vivent les enfants et les hommes? Certains d'entre vous y sont-ils allés?
Mme Rivka Augenfeld: Certains y vont toutes les semaines. Certains d'entre nous y vont de temps en temps. Certains d'entre nous sont allés dans plusieurs centres de détention quand ils ont été déplacés d'un hôtel ou un motel à ce qui est maintenant une prison. Et je peux vous assurer que Glynis enjolivait les choses quand elle a décrit cette prison. C'est un endroit effrayant à voir si on essaie de se mettre à la place de quelqu'un qui y arrive pour la première fois.
Le problème est que les gens sont maintenus en détention dans des conditions qui ne respectent même pas les normes minimales de certaines prisons où sont incarcérés des criminels. Les gens se retrouvent pendant des mois sans aucune installation de loisir ou d'éducation. À Montréal, il y a des services religieux, mais à Toronto, il n'y en a pas, et ils ont maintenant séparé les femmes et les enfants.
Votre comité pourrait se procurer un rapport rédigé par deux agents d'immigration suite à une plainte présentée par une avocate au nom de ses deux clients. La directrice régionale a chargé deux de ses employés de faire un rapport sur ces plaintes. L'importance de beaucoup des évaluations et des plaintes précises a été minimisée, mais les clients ont profité de cette occasion pour dire qu'ils étaient là depuis un an.
Soit dit en passant, je ne sais pas si vous vous rendez compte qu'on appelle cela un centre de prévention de l'immigration. Ce n'est pas un centre de détention, mais un centre de prévention. À vous de voir ce que cela signifie exactement. De même, les commissionnaires qui s'en occupent—il y a quelques agents d'immigration, mais le centre est géré par des commissionnaires qui sont très mal payés et se comportent de façon très arbitraire.
Ce rapport est excellent. Je vais le remettre au greffier; il a 50 pages et a été rédigé en anglais par deux agents d'immigration en des termes clairs et simples qu'une profane comme moi comprend facilement. Ils examinent notamment les actes arbitraires, les procédures et les plaintes concernant ces actes arbitraires. Un garde vous permet de faire quelque chose, et vous le faites, puis le garde suivant arrive et s'emporte contre vous parce que vous faites la chose que le premier garde vous a autorisé à faire. Je vais simplement vous en lire deux paragraphes:
-
Il existe de nombreuses procédures écrites. Néanmoins, certaines
procédures et certains principes opérationnels ne sont pas
respectés, sont incomplets, ne sont pas clairement définis ou
doivent être mis à jour. C'est peut-être à cause de ces problèmes
que certains ont affirmé que les gardes ne ménagent pas leurs
efforts pour inventer des règles absurdes en les harcelant et en
inventant de toute pièce de prétendues infractions.
D'après les responsables de ces commissionnaires, le CCC, au centre, le guide opérationnel n'est pas remis aux nouveaux employés. Pourquoi? Parce qu'il doit être mis à jour. Donc on ne leur donne rien. Le guide ne vaut rien, mais comme il n'y a pas de nouveau guide, il n'ont rien du tout.
-
Toutefois, le CCC n'a présenté aucune recommandation au ministère
au sujet des procédures mentionnées dans le guide. Il y a
actuellement deux séries de directives, celles qui sont déterminées
par l'immigration et les pratiques codifiées par le CCC.
Ils présentent ensuite des recommandations. Ils donnent un exemple qui correspond à ce qu'a dit M. Reynolds au sujet des femmes:
-
Le CCC s'est permis de modifier certaines procédures clairement
établies dans les principes opérationnels. Par exemple, ils ont
décidé unilatéralement que les gardiennes ne pouvaient pas
patrouiller les locaux où habitent les hommes alors que des
gardiens continuent de patrouiller les locaux où habitent les
femmes.
Cela a donné lieu à de nombreuses plaintes.
-
Cette décision a été prise à la suite d'une plainte et n'a pas été
portée à l'attention des agents d'immigration.
Donc, suite à une plainte, il n'y a plus de femmes dans les locaux des hommes, mais il y avait certainement des hommes qui se promenaient dans les locaux des femmes—des femmes de nombreux pays différents, des femmes très prudes.
• 1640
Je m'en tiendrai là, mais je vous recommande la lecture de ce
rapport. Je vous recommande également un rapport qui a été rédigé
suite à une autre plainte concernant toute la question des
Algériens détenus à Montréal pendant des mois et des décisions
arbitraires qui ont été prises.
Un groupe appelé La Coalition pour le respect des droits humains, qui a demandé à être entendu par votre comité—et je vous recommande de les entendre—a présenté une plainte, suite à laquelle la directrice régionale de l'immigration a chargé deux fonctionnaires en retraite—des bureaucrates—de rédiger un deuxième rapport. Il peut être très intéressant pour votre comité en ce qui concerne l'examen de toute la question des procédures arbitraires de détention et de déportation.
Le président: Merci beaucoup.
Y a-t-il d'autres commentaires ou d'autres questions au sujet de ce dont nous parlons maintenant? Monsieur Ménard.
[Français]
M. Réal Ménard: J'ai quelques questions sur ce point. Quand nous avons reçu les fonctionnaires, c'était un peu comme si cette réalité n'existait pas. Je pense que vous avez la responsabilité de nous aider à la comprendre en détail et pas seulement dans ses aspects généraux.
Je reviens sur l'exposé que Mme Janet Dench a fait. Elle nous dit qu'au fond, les principes de justice naturelle ne sont pas respectés, dans le sens où les gens n'ont pas accès à un avocat, n'ont pas accès à un loisir, ne peuvent pas se faire entendre par des mécanismes d'appel et sont détenus sans trop savoir pourquoi. Est-ce bien le message général que vous nous transmettez?
On pourrait le synthétiser en disant que les principes de justice naturelle, ce qui a une signification dans le domaine du droit, ne sont pas respectés. Je comprends que c'est là le message général que vous nous communiquez. Parlez-nous spécifiquement de l'accès qu'ont les gens à un avocat, parce que c'est par cela que doit débuter tout le processus.
J'aurais aussi une sous-question: avez-vous une idée des personnes qui sont détenues? C'est la première question que je pose: quel est le profil des gens qui sont détenus? Est-ce que ce sont des gens qui se trouvent ici sans visa? Est-ce que ce sont des gens entrés illégalement au pays? Répondez, s'il vous plaît, d'abord à ces deux questions, et j'en aurai deux autres après.
Mme Janet Dench: En ce qui concerne les principes de justice fondamentale, c'est pour nous une règle générale que tout le processus doit les respecter, que ce soit relativement au renvoi ou à la détention. Ce qui nous préoccupe le plus, dans le mode de fonctionnement actuel, c'est l'arbitraire dont on fait preuve dans la prise de décisions par rapport à la détention.
En ce qui concerne l'accès à un avocat, cela dépend beaucoup des régions. Cela varie d'une province à l'autre, selon que les personnes ont accès à l'aide juridique ou non.
Il y a aussi la question de l'accessibilité matérielle. Ce qui nous préoccupe, dans le cas de Montréal, c'est que le centre de détention est très éloigné de la ville et des avocats. Il y a très peu d'avocats qui sont prêts à se déplacer pour aller au centre de détention. Ainsi, même si les personnes ont l'argent nécessaire pour payer les services d'un avocat, en pratique, elles vont avoir beaucoup de difficulté à se les procurer.
M. Réal Ménard: Me permettez-vous de vous demander un éclaircissement? Quand quelqu'un est détenu, cela veut dire que, normalement, quelqu'un d'autre en a la responsabilité administrative. Êtes-vous en train de nous dire qu'une personne peut être incarcérée deux, trois ou même quatre ans sans jamais voir sa famille? Quelles sont les interactions qu'elle a avec l'appareil administratif ou l'appareil judiciaire?
Ce que je veux comprendre, c'est comment cela est possible. Si quelqu'un est incarcéré, c'est qu'une décision a été rendue, en cours de processus, relativement à un manquement. Si une personne a été incarcérée, c'est que quelqu'un en a pris la responsabilité. Quelqu'un doit sans doute suivre son dossier. Vous nous dites que même si les gens demandent à voir un avocat ou demandent où en est leur dossier dans la filière normale du processus, ils n'ont aucun recours pour se faire entendre.
Mme Janet Dench: C'est vrai que certaines personnes sont détenues depuis très longtemps. Ce n'est pas la majorité des cas. Ce qui nous préoccupe, c'est que la détention, en vertu de la Loi sur l'immigration, est considérée comme beaucoup moins grave que la détention d'une personne accusée d'un crime, par exemple.
• 1645
Pour nous, ce qui est fondamental, c'est que la
personne est privée de sa liberté. Que ce soit dans un
centre d'immigration ou dans une prison, la différence
n'est pas grande. Donc, ce que nous demandons, c'est
qu'on offre aux personnes détenues en vertu de la Loi
sur l'immigration au moins les mêmes garanties qu'à
quelqu'un qui est emprisonné en vertu du Code
criminel.
M. Réal Ménard: Mais qui est son interlocuteur? On ne parle plus d'agent d'immigration. À qui cette personne-là est-elle référée lorsqu'elle est détenue?
Mme Janet Dench: La deuxième partie de votre question porte sur qui est responsable du dossier. Normalement, la première décision de mettre quelqu'un en détention revient à l'agent d'immigration. Maintenant, la personne qui est détenue doit être vue par un arbitre dans les 48 heures suivant la mise en détention. Parfois, ce peut être l'arbitre qui demande la détention la première fois mais, le plus souvent, c'est l'agent d'immigration qui le fait.
M. Réal Ménard: Ce que vous nous dites est très important. La décision est prise par l'agent d'immigration, donc au deuxième niveau. Ensuite, vous dites qu'elle peut aussi être prise au moment de l'arbitrage. Est-ce que vous considérez l'arbitrage comme un premier recours?
Mme Janet Dench: C'est à tout le moins un décideur indépendant. Il va écouter ce que l'agent d'immigration a à dire, c'est-à-dire pourquoi il décide que la personne doit être détenue. Il entend aussi la personne concernée ou son avocat. Là, au moins, on a une révision de la décision sur la détention, ce qui est beaucoup mieux que ce qui est proposé dans le rapport du groupe consultatif, soit un système où il n'existerait aucun recours de cette sorte.
Maintenant, en ce qui concerne les décisions, si l'arbitre accepte la recommandation de l'agent d'immigration et maintient la détention, la personne va avoir une révision de détention. Ça se fait tous les mois. Ce qui arrive souvent, c'est qu'on entend une personne détenue depuis longtemps tous les 30 jours. On répète les mêmes choses et on maintient la décision. Donc, la personne a théoriquement une chance d'être libérée, mais elle ne le sera pas parce qu'on ne fait que répéter les mêmes arguments.
M. Réal Ménard: Une dernière question, autrement le président va s'impatienter contre moi, malgré l'amitié qu'il me voue. Si un détenu de l'un des centres de Montréal, de Toronto ou d'ailleurs demande d'avoir accès à un service religieux, à un ministre du culte ou à je ne sais trop quoi, a-t-il un moyen de se faire entendre? Est-ce que quelqu'un a la responsabilité d'acheminer sa requête?
Je veux bien admettre que la Cour suprême a rendu une décision obligeant de reconnaître les mêmes libertés à tous les citoyens canadiens. Si vous nous citez des cas concrets de violation de ces droits, il nous faudra reconvoquer les fonctionnaires pour obtenir plus d'information.
Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.): Les citoyens canadiens.
M. Réal Ménard: Pas les citoyens canadiens, mais les gens qui sont sur le territoire doivent être traités ainsi. À titre d'ancienne commissaire, vous le savez sûrement.
[Traduction]
Le président: Ces préoccupations sont légitimes. Y a-t-il parmi les témoins quelqu'un qui veut participer à cette discussion?
[Français]
La révérende Glynis Williams: Je pense que cela dépend de l'endroit où vous êtes. Si vous êtes à Montréal, vous êtes plus chanceux que si vous êtes à Toronto. Mais il se pose quand même des problèmes à Montréal. C'est parce que les détenus ne savent pas que nous existons. Avec la Loi sur la protection des renseignements personnels, c'est très difficile. Les agents d'immigration ne nous donnent pas à nous, les ONG, les noms des personnes détenues.
Nous sommes chanceux, comme je l'ai dit, en ce sens que tous les dimanches après-midi, nous pouvons circuler dans les salles communautaires. Là, les bénévoles comme nous peuvent visiter les gens et leur demander pour quelle raison ils se trouvent là et quel est leur problème. Parfois, les gens nous disent qu'ils ne le savent pas, qu'ils ne comprennent pas ce qui se passe, qu'ils sont en visite, qu'ils sont arrivés de la veille et ne comprennent rien à leur situation.
À part cela, nous avons la possibilité d'offrir des services religieux si nous sommes en mesure de le faire. Mais c'est vraiment arbitraire. Cela dépend de la situation.
• 1650
On peut en discuter longtemps. On pourrait en dire
beaucoup plus sur cette question, mais je pense qu'on
devrait laisser la parole à d'autres.
[Traduction]
M. Fred Franklin: Il y a une chose que nous devons éclaircir. Nous parlons de centres de prévention, de centres de détention et, parfois, de prisons.
En premier lieu, nous avons essayé de voir s'il y avait des services d'aumônerie dans le centre de détention de l'immigration, mais il faut que ce soit organisé et financé, et cela ne s'est pas fait. Ce qui est disponible, c'est l'étude de la Bible.
Si quelqu'un arrive à utiliser un téléphone pour appeler un prêtre, ce prêtre peut venir le voir, mais il doit prendre des dispositions à l'avance. Il faut donc arriver à trouver comment cela se fait. Si vous vous présentez simplement sur les lieux en disant que vous voulez voir telle ou telle personne, on ne vous laissera peut-être pas entrer. Il faut prendre des dispositions à l'avance.
Il y a donc un manque d'organisation. Cela tient en partie au fait que les ONG n'ont pas pu le faire, mais le ministère de l'Immigration n'a pas non plus fait le moindre effort pour en tenir compte.
Dans les prisons, il y a généralement en moyenne un aumônier pour 200 prisonniers. C'est donc une règle. Donc, si quelqu'un est détenu dans une prison, il peut s'adresser à un aumônier et assister à des services religieux normaux. Mais ce n'est pas le cas dans les hôtels de détention.
Mme Gloria Nafziger: Je veux revenir à ce qu'on a dit au sujet de l'accès aux avocats dans les centres de détention et d'immigration.
Théoriquement, cet accès est prévu, mais ce qui se passe dans la pratique est tout à fait différent. Ce qui est difficile, tout au moins à Toronto, est d'avoir des avocats pour représenter les personnes qui sont en détention pour l'immigration. Elles peuvent ou non bénéficier de l'aide juridique, mais même si c'est le cas, comme elles sont détenues, les possibilités qu'elles ont de trouver un avocat pour les représenter sont extrêmement limitées.
À Toronto, la faculté de droit d'Osgoode Hall a l'habitude d'envoyer des étudiants dans les centres d'immigration parce qu'elle n'arrivait pas à trouver des avocats dûment qualifiés pour aller aider les gens qui sont détenus. Les gens qui sont dans des établissements pénaux ou incarcérés avant leur procès du fait d'accusations criminelles ont au moins accès à un avocat commis d'office, mais il n'existe rien de tel pour les gens détenus pour l'immigration.
Le président: Merci.
M. Tom Clark: Je voudrais simplement ajouter quelque chose au sujet de la justice naturelle et des recours. Cela fait suite à ce qu'a dit Gloria.
Nous avons annexé à notre document de travail sur la détention une comparaison entre les dispositions du Code criminel et celles de la Loi sur l'immigration qui concernent la détention. Pour revenir à ce qui nous intéresse, si tout le monde est d'avis qu'il faut traiter les non-citoyens comme les citoyens—comme vous l'avez très bien dit, il s'agit de savoir si, au Canada, la même Charte s'applique à tout le monde—, la différence entre la façon dont les gens sont traités par l'immigration et ce qui arrive à ceux contre lesquels une accusation est portée en vertu du Code criminel constitue-t-elle une distinction qu'on pourrait qualifier de discrimination?
Ce qui nous préoccupe est que l'écart est assez important, et j'inviterai les membres du Comité à examiner cela pour faire une comparaison. La justice applique des dispositions très détaillées du Code criminel, qui privilégient manifestement la libération, et la Loi sur l'immigration prévoit l'intervention d'un arbitre.
Actuellement, à Toronto, un juge de la cour provinciale, quelqu'un qui fait partie d'un tribunal constitué conformément à la Constitution, a accordé l'habeas corpus à quelqu'un dont l'arbitre de l'immigration continue de refuser la libération. Voilà la situation bizarre dans laquelle se trouve la justice chez nous.
Merci.
Le président: Oui.
Mme Rivka Augenfeld: J'ai une petite observation à faire.
J'espère que les fonctionnaires vous ont dit que les agents d'immigration ont des pouvoirs qui dépassent ceux de tous les policiers ou soldats de notre pays. Aucun policier ne peut arrêter quelqu'un parce qu'il pense qu'il ne va pas se présenter au tribunal la semaine suivante. Le cas échéant, on émet un mandat d'arrêt, mais on ne peut pas dire que Untel ne va pas se présenter la semaine prochaine, aller chez lui, l'arrêter alors qu'il est encore en pyjama et l'emmener dans un centre de détention.
Bien sûr, l'affaire doit être examinée par un arbitre, mais ce genre de soupçon, de comportement, de traitement, la façon dont on parle aux gens... Quoi qu'on fasse avec des gens, ce sont des êtres humains et ils ont leur dignité.
• 1655
En fin de compte, je pense que nous en parlons à beaucoup de
gens. Je parle à des groupes de policiers. J'ai pris la parole
devant le Collège de la Défense nationale du Canada plusieurs
années de suite et j'ai expliqué aux militaires qu'ils ne disposent
pas de ces pouvoirs et que s'ils faisaient une chose de ce genre,
on pourrait les accuser d'infraction à leur code de déontologie,
qui prévoit une procédure d'examen. Nous n'avons jamais réussi à
déterminer s'il y a quelque chose comme cela qui s'applique aux
agents d'immigration.
Je pense qu'il est donc dans l'intérêt de tout le monde, y compris des agents d'immigration, d'avoir un code ou des critères ou des procédures qu'ils soient tenus de respecter. À notre avis, toutes les recommandations du rapport Trempe concernant la reddition de comptes, la présentation de rapports, les statistiques, les données et la transparence sont excellentes; elles ont été présentées à de nombreuses reprises, et nous pensons qu'elles contribueraient dans une large mesure à régler certains de ces problèmes.
Pour la plupart des choses dont nous avons parlé, il n'y a pas besoin de nouvelle loi ou de nouveau règlement. C'est la pratique administrative qui est tellement arbitraire. Elle change d'une heure à l'autre et d'une ville à l'autre. Et nous avons l'impression qu'on peut remédier à beaucoup de ces problèmes. Il n'y a pas besoin d'attendre qu'une nouvelle loi soit adoptée dans deux ou trois ans ou quatre ans.
Le président: Et comme c'est un domaine très dynamique, qui change tout le temps, c'est très frustrant. Vous avez abordé de très bonnes questions. Nous pensions avoir l'affaire bien en main, et d'un seul coup, on se rend compte qu'on ne sait rien de la situation. Elle vient de prendre un tour différent.
Madame Hardy, si vous voulez encore parler de la détention, puis nous passerons à l'autre côté.
Madame Folco, monsieur Saada et monsieur McKay, voulez-vous tous poser des questions sur ce sujet ou voulez-vous passer à autre chose?
M. John Reynolds: M. Clark a fait un commentaire et je voudrais demander...
Le président: Je lui ai déjà donné l'occasion de le faire.
M. John Reynolds: Je voulais simplement lui demander d'ajouter quelque chose à...
Le président: Non.
Allez-y, madame Hardy.
Mme Louise Hardy (Yukon, NPD): J'ai quelques questions au sujet de l'arbitraire. Ce que vous avez décrit me paraît très choquant, parce qu'on dirait plus un camp de concentration qu'une prison, puisque les gens n'ont absolument aucun droit.
L'arbitraire confère un pouvoir, si bien qu'on a le cas de quelqu'un en détention pendant six ans et demi, et il y a aussi M. Sami Durgun qui n'a même pas attendu cinq ans pour ce qu'il cherchait à obtenir. Cela veut-il dire que tout le système fonctionne à sa façon en ne tenant compte aucun compte du genre de justice qui s'appliquerait à nous?
Mme Rivka Augenfeld: En un mot, oui.
Mme Janet Dench: Je voudrais faire un commentaire au sujet de l'arbitraire, qui est, me semble-t-il, d'après nous tous, à l'origine du problème.
Il est intéressant d'examiner les lignes directrices sur la détention qui ont été publiées par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié la semaine dernière, suite à des plaintes émanant du Conseil canadien pour les réfugiés. Nous nous étions plaints du fait que les arbitres semblent trop souvent accepter simplement les arguments présentés par les agents d'immigration sans vraiment peser le pour et le contre.
Nous nous réjouissons donc que la Commission ait adopté des lignes directrices, mais nous trouvons néanmoins préoccupant qu'elles soient assez limitées. Il y est question de la détention à long terme, qui est une question très importante, mais pas de la première décision relative à la détention. Donc, quand une personne a été placée en détention seulement quelques jours auparavant, la première révision qui a lieu quand elle se présente devant l'arbitre—nous pensons qu'il faut aussi des lignes directrices pour cela, parce que c'est souvent au moment de cette première décision sur la détention que le problème commence.
J'imagine que la Commission de l'immigration et du statut de réfugié va probablement vous parler de ces lignes directrices, si elle ne l'a pas encore fait.
Mme Louise Hardy: Les familles sont-elles séparées? Sépare-t-on les maris, les femmes et les enfants aussi?
Le président: Madame Folco.
[Français]
Mme Raymonde Folco: Tout d'abord, je voudrais féliciter tout le monde parce que je sais à quel point vous êtes présents auprès de ces personnes, auprès des réfugiés qui sont incarcérés. Je connais personnellement le travail que vous accomplissez. Donc, un grand mot de félicitations.
Votre présentation, je pense, a apporté aux membres de ce comité un exposé beaucoup plus approfondi, beaucoup plus complet que ce que nous avons reçu jusqu'à date. Vous savez sans doute qu'on a reçu plusieurs fonctionnaires du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration qui nous ont donné des réponses approximatives, des réponses vagues, sans statistiques aucunes. Je suis très contente de vous entendre dire des choses très concrètes, très réelles et qui, dois-je dire aux personnes avec qui je travaille à ce comité, sont des choses qui sont vraies, à ma connaissance. J'insiste là-dessus.
• 1700
J'aurais aussi un commentaire à faire sur le centre de
détention de Saint-Vincent-de-Paul qui se trouve à
Laval. C'est dans la circonscription où je m'étais
portée candidate aux élections de 1993. Donc, il se
trouve que je connais bien ce centre de détention, qui
était une prison qu'on a décidé de fermer parce
qu'elle était tellement vétuste.
Donc, elle n'est pas suffisamment bonne comme centre d'incarcération pour des gens qui ont été trouvés coupables de crimes, mais elle est suffisamment bonne pour qu'on y mette les gens dont on a parlé cet après-midi. C'est quand même un point extrêmement important qu'il faut souligner.
J'aurais quand même une question. Oui, monsieur le président, j'ai quand même une question. Elle concerne ces personnes qui sont incarcérées et qui le restent pendant des semaines, des mois ou autres. La personne arrive et n'a aucun document. Pourtant, à un moment donné il faudra la relâcher. Qu'est-ce qui fait que cette personne est relâchée? Si elle n'a pas de documents en arrivant, les chances qu'elle n'ait pas de documents trois mois plus tard ou un an plus tard sont quand même assez bonnes. Alors, qu'est-ce qui se passe? Qu'est-ce qui est fait pour qu'on puisse relâcher ces personnes-là?
Mme Rivka Augenfeld: Ce ne sont pas nécessairement des personnes sans documents qui sont détenues.
Mme Raymonde Folco: C'est pourquoi je voudrais avoir des exemples.
Mme Rivka Augenfeld: Je pense que Joan ou Glynis peuvent vous en parler. Ce ne sont pas nécessairement des personnes sans documents. Pour différentes raisons, Immigration Canada juge que certaines personnes ne doivent pas se présenter une autre fois ou constituent un danger pour le public. Ce sont les deux raisons principales. Il y a toutes sortes de personnes, de toutes catégories. C'est qu'il faut séparer les gens qui sont mis en détention au moment de leur arrivée et qui seront éventuellement relâchés en cours de processus de ceux qui demeurent détenus durant tout le processus. Il faut savoir qu'on peut rester en détention durant tout le processus, y compris durant l'étude de sa demande de réfugié. C'est rare, mais cela peut arriver.
Ensuite, vous avez des gens qui sont mis en détention parce qu'on veut les déporter. Toutefois, il arrive que cette tentative ne marche pas. Parfois les gens ont des documents, mais leur pays ne leur permet pas de rentrer chez eux. Ou encore, il arrive que la personne, pour de très bonnes raisons, ne veut pas faire de demande de passeport. Elle a d'autre documents et on sait qui elle est, mais elle ne peut pas ou ne veut pas signer les documents parce qu'elle craint pour sa vie.
Il y a donc toutes sortes de situations possibles. Ce sont parfois simplement des raisonnements que les agents d'immigration se répètent, comme le disait Janet. Je pense que Glynis peut vous parler du cas de ce monsieur devenu citoyen après avoir passé 13 mois en détention. C'est un cas très révélateur. Elle peut vous raconter comment cela se passe, mois après mois, devant l'arbitre.
Mme Raymonde Folco: Je dois ajouter un mot, monsieur le président. Ce ne sera pas long. Lorsque Mme Mawani, la présidente de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, était présente, je lui ai suggéré d'inviter les membres de ce comité à aller à une audience. Je sais que plusieurs des membres de ce comité l'ont fait. Je pense aussi qu'il serait intéressant que les membres de ce comité aillent visiter un centre de détention de leur région. Il n'est pas nécessaire que ce soit celui de Saint-Vincent-de-Paul. Ce peut être n'importe où ailleurs. Ils pourront vraiment voir comment se passent ces choses. M. Reynolds nous disait qu'il serait intéressant d'aller rencontrer des gens à un poste de douanes. Je suis d'accord, mais voyons aussi d'autres endroits. Merci.
[Traduction]
Le président: M. Saada.
[Français]
M. Jacques Saada: Merci, monsieur le président. J'ai deux commentaires très rapides et une question aussi très brève.
Le premier commentaire fait suite à la question légitime que M. Reynolds avait posée sur le nombre. On n'arrive pas à le déterminer, mais je pense qu'au fond, ce n'est pas très important; à partir du moment où on a un cas comme celui-là, il est de trop, à mon sens.
Le second point, c'est qu'à partir du moment où ces gens sont sur le territoire du Canada, par cohérence, pour notre propre cohérence, il conviendrait de considérer qu'ils doivent bénéficier d'un traitement équitable sur le plan des principes, un traitement comparable à celui qu'on réserve à tous les citoyens canadiens, à toutes les personnes qui résident sur le territoire du pays.
Il y a une très courte question qui me vient à l'esprit. Madame Williams, je pense que c'est vous qui avez fait allusion au fait que les détenus avaient de grandes difficultés à avoir accès à un avocat. Cela a été repris, je pense, par plusieurs personnes.
• 1705
Est-ce que les détenus
ont accès à des organismes comme les vôtres? Est-ce
qu'on les met en contact avec vous de façon
systématique? Est-ce que, par exemple, quand quelqu'un
est détenu, on lui fournit automatiquement une liste
des organismes comme les vôtres qui devraient au moins
pouvoir les aider? C'est bien beau de donner accès à
un avocat, mais comme ils ne connaissent pas le
pays et les gens, ils ne pourront
pas très bien s'en sortir. Donc, je
vous demande si cela se fait. J'aimerais le savoir. Si
cela ne se fait pas, pourquoi? Quel rôle
envisagez-vous de jouer dans cette espèce de transition
extrêmement difficile?
La révérende Glynis Williams: La réponse est non. Ils n'ont pas de liste des organismes comme le mien. Je vais continuer en anglais, si vous me le permettez.
[Traduction]
Je vais vous dire exactement ce qui se passe à Montréal. Nous avons de la chance, parce que, le dimanche après-midi, des bénévoles peuvent rendre visite aux détenus dans les espaces communs. Mais, en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, nous avons seulement accès aux espaces communs, et ce droit semble nous être retiré périodiquement. Il faut alors revenir à la charge et discuter avec le fonctionnaire: «Nous avions le droit de le faire la semaine dernière. Que s'est-il passé?» Par exemple, nous ne pouvons pas entrer dans la section des femmes.
À un moment donné, nous pouvions aller dans les salles de télévision, où la plupart des gens se trouvent. Ils s'ennuient. Il n'y a rien à faire dans ces endroits-là. Maintenant, nous ne pouvons plus y aller. Nous devons, en quelque sorte, nous placer devant la fenêtre et leur faire signe pour voir s'ils veulent sortir.
Ils ne savent pas qui nous sommes. Nous devons d'abord leur expliquer que nous ne travaillons pas pour l'immigration. Nous ne faisons pas de publicité. Même s'il se trouve que nous sommes un groupe confessionnel, ce n'est pas la raison de notre présence. Nous sommes là pour voir qui est détenu et pourquoi. Ont-ils accès à des gens qui parlent leur langue? Ont-ils accès à un avocat?
Malheureusement, il semble que certains des avocats qui y vont et leur rendent visite le plus souvent soient ceux qui prennent de l'argent et ensuite ne font pas ce qu'ils ont dit qu'ils allaient faire. Nous essayons de suivre les cas de ce genre.
Il est gênant que les choses ne soient pas claires. À notre avis, les organisations comme la nôtre devraient bénéficier d'un accès régulier et facile. Si les gens ne veulent pas nous rencontrer, c'est tout à fait acceptable, bien entendu. Mais il faut qu'ils sachent que nous existons et que nous avons la possibilité de leur rendre visite facilement.
Nous passons aussi beaucoup de temps dans les salles d'attente avant d'avoir accès aux installations, et ensuite nous devons passer par le détecteur de métaux chaque semaine, et il y a toutes sortes d'autres formalités qu'on trouverait dans les établissements pénaux. Mais ce ne sont pas des criminels. Voilà ce que nous tenons à répéter.
Je pense qu'on n'a pas répondu tout à l'heure à la question au sujet du profil des personnes détenues. Là encore, je pense que cela dépend. C'est très différent selon l'endroit.
Je suis très contente de vous entendre dire que nous ne devrions pas simplement nous soucier du nombre de personnes détenues. Ce sont des êtres humains.
Hier, j'ai passé plus de trois heures à l'examen du cas de deux visiteurs qui étaient arrivés avec des billets de retour et 1 500 $ américains; dans la salle d'attente, il y avait deux personnes qui les attendaient et qui étaient au courant de leur arrivée. Ils ont un emploi en Israël, et ils sont toujours détenus. Il se peut fort bien qu'on les renvoie sans qu'ils aient vu quoi que ce soit de Montréal. On leur a mis les menottes pour les transférer. Pendant six heures, on les a privés de nourriture et d'eau alors qu'ils en avaient fait la demande et qu'ils étaient prêts à payer. En outre, ils disent qu'on les a traités de façon brutale.
Nous ne pouvons pas vérifier ce qu'il en est, mais le fait est, tout simplement, que ce sont des visiteurs. Quels que soient les critères qu'on utilise pour déterminer qui on considère comme un visiteur légitime qui va vraisemblablement retourner chez lui, ils semblent avoir tout ce qu'on pourrait considérer comme normal—un emploi, des contacts familiaux, suffisamment d'argent, un billet de retour, ils sont entrés et sortis de plusieurs pays occidentaux et d'autres pays européens sans avoir demandé le statut de réfugié. On les met en détention parce qu'on les soupçonne de n'être pas réellement des visiteurs.
C'est seulement un exemple.
M. Jacques Saada: Je voudrais dire une dernière chose. À mon avis, les questions que vous nous présentez sont énormes. Elles sont monumentales, elles vont très loin. Je ne pense pas qu'on puisse régler rapidement tout cela en même temps. Je pense qu'il faut être très pragmatique.
• 1710
Que pourrait-on prendre comme mesure très simple, concrète,
immédiate qui ne nécessiterait pas de modification de la loi ou de
changement massif à l'ensemble du système? Que pourrait-on faire
pour améliorer la situation avant de faire quelque chose de plus
approfondi?
Mme Rivka Augenfeld: Il y a toutes ces recommandations. Il y a le rapport Tassé. Je suis également très contente que Mme Minna ait dit que quelque chose allait être publié, mais nous n'étions pas au courant. Nous savons ce qu'on nous dit. À notre avis, deux ans, c'est beaucoup pour répondre à un rapport, et nous devons dire que certaines des choses qui étaient dans le rapport Tassé figuraient dans le rapport Davis-Waldman, tout cela depuis que le gouvernement actuel est au pouvoir.
Il y a des choses qui datent de 1986. Il y a le rapport du coroner de Toronto.
On pourrait apporter des changements administratifs. Un code de déontologie ferait l'affaire, vous savez. On pourrait instituer la reddition de comptes. Certaines de ces choses sont moins coûteuses. Nous nous soucions tous des coûts. Je pense que Glynis a dit que ce que nous faisons coûte beaucoup d'argent aux contribuables et, en fin de compte, on constate après coup que ce n'était pas nécessaire. Je pense que Janet voudrait ajouter quelque chose.
Mme Janet Dench: Oui—c'est une autre question dont nous sommes censés parler. Comme vous le savez peut-être, le ministère est en train de préparer une politique sur la détention qui est censée donner des consignes plus précises aux agents qui prennent des décisions à ce sujet. Cette politique devait être publiée en septembre 1996. Elle a été retirée à l'époque pour faire l'objet de nouvelles discussions, et nous attendons encore son adoption. Nous espérons qu'une politique énergique et claire pourrait contribuer à remédier au caractère arbitraire des décisions relatives à la détention. Une chose simple serait donc de faire en sorte qu'on instaure une politique ferme.
Je voudrais également mentionner quelque chose de différent à la suite des commentaires de Glynis au sujet de l'accès des ONG; je pense qu'on pourrait rendre le système beaucoup plus humain si on institutionnalisait la liberté d'accès pour les ONG, en concluant peut-être un contrat avec certaines d'entre elles pour qu'elles se rendent régulièrement dans des centres de détention.
Le président: John.
M. John Reynolds: Monsieur le président, j'ai une question pour M. Clark, pour lui donner l'occasion de donner plus de détails.
Je voudrais simplement dire également à M. Saada que je suis d'accord avec lui: si un innocent est détenu, c'est déjà trop. Si nous posons des questions pour avoir des chiffres, c'est pour savoir ce que cela nous coûte. En dehors du coût humain, il y a le coût pour le gouvernement, et si nous pouvons éliminer la nécessité de détenir des personnes innocentes, c'est une façon de présenter cela politiquement. Voilà pourquoi j'ai posé cette question.
Monsieur Clark, vous avez parlé du fait qu'on n'avait pas tenu compte d'une décision judiciaire. Pouvez-vous nous donner plus de détails à ce sujet?
M. Tom Clark: Cela semble être tout simplement un fait. Il s'agit d'une affaire d'extradition, et nous n'en avons pas parlé, mais l'immigration et l'extradition ont tendance à se rejoindre, et il ne semble pas y avoir de coordination.
Il s'agit d'un homme, accusé d'un meurtre, qui a demandé le statut de réfugié. Il s'appelle Pacificador; d'après tout le monde, il n'est pas très sympathique. Mais cela fait plus de six ans qu'il est dans la prison de Don, une prison à court terme pour les délinquants, pendant que le gouvernement envisage de l'extrader, et, bien entendu, son extradition cause des problèmes.
Pour finir, son avocat a demandé un habeas corpus à un juge de la Division générale de la Cour provinciale de l'Ontario—celui-là même qui avait dit au départ qu'il fallait l'incarcérer en attendant son extradition, un juge qui me paraît conservateur, j'ai donc été étonné par le résultat final. Le juge a dit qu'il fallait le libérer. L'arbitre de l'immigration l'a fait rester à la prison de Don en vertu de la Loi sur l'immigration, et il y est encore. Je me contente de vous signaler les faits.
M. John Reynolds: Le juge n'a donc pas prononcé une ordonnance, mais plutôt recommandé sa libération?
M. Tom Clark: Je n'ai pas d'autres détails.
M. John Reynolds: Il paraîtrait étrange qu'un juge puisse prononcer une ordonnance dont un arbitre ne tiendrait pas compte.
M. Tom Clark: Oui, cela me paraît aussi étrange.
Le président: D'accord. John McKay.
M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Merci, monsieur le président.
Tout le monde semble être très largement d'accord pour dire qu'il faut apporter des modifications au système et que les gens y restent beaucoup trop longtemps, quels que soient les critères sur lesquels on se base, que l'on souhaite qu'on bloque tous les gens à l'aéroport ou qu'on veuille les laisser séjourner indéfiniment. C'est, dans une large mesure, la durée qui fait problème.
• 1715
À l'heure actuelle, nous avons ce système kafkaïen qui vous
fait aller à gauche, à droite, avec toutes sortes de possibilités
d'appel et d'examens humanitaires, etc.
Ce que j'aimerais que vous, les témoins, me disiez est quelle est la partie la plus absurde du système? Que pourrait-on laisser tomber? Est-ce la procédure d'appel? Est-ce les motifs humanitaires? Est-ce l'examen des risques? Comment peut-on comprimer le système pour pouvoir régler les choses rapidement?
Mme Gloria Nafziger: Vous avez mentionné la procédure d'appel en même temps que toutes les autres—la CDNRSRC et les motifs humanitaires—, mais ce que vous négligez est qu'il n'y a pas de véritable appel sur le fond de l'affaire.
Une voix: Pour les réfugiés.
Mme Gloria Nafziger: Pour les réfugiés.
S'il y avait un véritable appel sur le fond de l'affaire, il n'y aurait pas besoin de revenir sur certaines questions lors des appels ultérieurs et des procédures relatives à la CDNRSRC et aux motifs humanitaires. Il faut qu'il y ait une procédure d'appel pour pouvoir régler toutes ces choses-là à un moment donné, et il n'y en a pas actuellement.
Beaucoup d'autres procédures qui entrent en jeu maintenant ne seraient pas nécessaires. Si on crée la possibilité de faire appel sur le bien-fondé de l'affaire, la crédibilité et les questions de fond, on élimine un grand nombre de ces autres problèmes.
M. John McKay: À votre avis, l'examen des risques, la détermination du statut de réfugié et les questions d'ordre humanitaire, est-ce que tout cela pourrait être réglé en même temps, au même endroit, lors de la même audition?
Mme Gloria Nafziger: La détermination du statut est une question à part. Il faut qu'une décision claire soit prise à ce sujet. Elle doit l'être isolément et porter sur...
M. Tom Clark: Le statut.
Mme Gloria Nafziger: ...le statut. Il faut savoir quel est ce statut. Une fois celui-ci déterminé, il faut alors prendre toutes les autres décisions au sujet de l'examen du risque. On peut établir que, d'après la définition, cette personne n'est pas réfugiée, mais quand on passe aux procédures ultérieures relatives à l'examen du risque, on pourrait conclure qu'il serait en fait risqué de renvoyer cette personne dans son pays d'origine.
M. John McKay: Mais j'aimerais savoir si on peut tenir cette audience le même jour, au même endroit, avec le même arbitre? Y a-t-il une raison de fond pour laquelle on ne peut pas le faire?
Mme Rivka Augenfeld: L'appel doit avoir lieu séparément.
M. John McKay: Je ne parle pas de l'appel, je parle de... Il s'agit de trois choses. Elles entrent toujours en jeu, et cela rend le système absurde. Il y a la détermination du statut de réfugié, l'examen des risques et l'examen humanitaire. On peut être exposé à toutes sortes de choses dans ce système avant d'arriver aux appels—laissons tomber les appels pour le moment. Rien que dans ce domaine, disons, on pourrait être renvoyé à droite et à gauche pendant 18 mois ou même deux ou trois ans. Ce que je vous demande, à vous qui traitez avec ce système tous les jours, c'est où est le problème?
Mme Rivka Augenfeld: Il y a notamment les ressources. On parle constamment des ressources. Si vous voulez que ça marche, il faut investir des ressources là où on en a besoin et au moment où on en a besoin et se dire que ce n'est qu'une difficulté passagère, parce qu'en fin de compte, cela permettra de faire des économies au lieu de vous forcer à dépenser plus.
Si vous examinez tous les mémoires que nous avons présentés au fil des ans, et certains d'entre nous s'occupent de ce genre d'affaires—mais pas des affaires qui rapportent, j'attends encore le premier chèque—depuis longtemps, nous recommandons constamment un système équitable mais juste, un système efficace. Aucun d'entre nous n'a jamais recommandé que tout traîne en longueur. Nous sommes convaincus qu'il vaut mieux pour les réfugiés que les choses se fassent vite, sans que ce soit au détriment de la justice, et cela vaut mieux pour ceux à qui on refusera ce statut. C'est mieux pour nous tous.
Pour y parvenir, il faut un système répondant à ces exigences. Nous sommes convaincus que c'est possible, si on dispose des ressources nécessaires et s'il existe une volonté politique de le faire. Si cette volonté politique existe, c'est possible. Si cette volonté politique peut faire comprendre à la volonté bureaucratique que, pour faire ce qu'il faut, c'est la volonté politique qui doit l'emporter, il est possible que quelque chose se passe. Nous avons déjà vu cela arriver par le passé.
Toutefois, si on n'investit pas les ressources là où elles sont nécessaires, nous avons alors une définition du risque qui nous paraît inappropriée—et si vous m'invitez à nouveau, je reviendrai vous en parler—et on utilise une définition inadéquate pour mettre très longtemps à refuser pratiquement tout le monde. Alors, à quoi sert-il de prendre des mois et des mois, avec une définition qui n'a aucun sens, pour refuser environ 96 p. 100 des demandes?
Cela ne nous paraît pas très bien. Nous avons proposé d'autres options, mais toutes les options... Et nous pouvons vous dire qu'en tant qu'ONG agissant sur le terrain, nous voyons les choses de façon très concrète. Nous pouvons vous présenter beaucoup de suggestions très pratiques que nous avons présentées au fil des ans. Nombre des propositions que nous avons faites au fil des ans auraient allégé la procédure et diminué les coûts.
• 1720
Peut-être qu'en fin de compte, certaines des choses que nous
disons convaincront assez de gens et qu'une partie de nos
recommandations seront appliquées, mais vous avez raison; cela
prend très longtemps et cela coûte très cher.
Janet pourrait probablement...
M. John McKay: Je ne m'intéresse pas à la question des ressources. Je ne veux pas me lancer dans un débat opposant la volonté politique et la volonté bureaucratique.
Mme Rivka Augenfeld: Mais Janet pourrait répondre à la question.
M. John McKay: Ce qui m'intéresse, c'est savoir, en principe, s'il y a quoi que ce soit qui empêche de concevoir une procédure de détermination du statut de réfugié qui, en tout, prenne six mois, du début à la fin, sans tenir compte de la question des appels?
Mme Janet Dench: En toute déférence, je pense que tous les groupes ici présents sont intervenus auprès du ministre dans le cadre de la révision de la législation. Nous avons également à ce moment-là soulevé des questions concernant la détention et les expulsions. On nous a dit que ce comité allait s'en occuper.
On a accordé très peu de temps à cette étude. Je pense qu'il est important que nous ne digressions pas, parce qu'il y a beaucoup de choses que nous aimerions dire à ce sujet. Nous pouvons parler du système de détermination du statut de réfugié, si vous le voulez, mais je ne pense pas que cela nous ferait beaucoup avancer à propos de la détention et des expulsions.
M. John McKay: Vous avez raison.
Le président: Joan.
Mme Joan Simalchik: Pour ce qui est d'une solution rapide, il y a deux choses. Certaines des personnes qui sont maintenues en détention depuis longtemps sont celles dont la demande de statut de réfugié a été rejetée et qui ne peuvent pas obtenir de document de voyage du pays où on devrait les renvoyer. Il n'y a aucune coopération.
Une autre chose est le renvoi dans les pays où le Canada pense que les conditions sont dangereuses—par exemple, l'Algérie. À l'heure actuelle, les gens qui sont dans cette situation sont gardés en détention pendant, parfois, des périodes pouvant aller jusqu'à 15 mois. C'est le délai arbitraire au bout duquel on finit par se rendre compte qu'il faut les libérer—ils le sont, au bout de 12 ou 15 mois. Mais tout le monde sait—c'est tacitement établi—qu'ils finiront par être libérés.
À notre avis, il serait plus facile d'avoir un système qui prenne moins de temps. Si on sait qu'ils vont être libérés au bout de 15 mois, pourquoi pas au bout de 4 ou 6? De même, quand les gens sont libérés, ils ne le sont pas arbitrairement. On impose généralement des conditions à leur libération, sous forme de garantie et autres. Il y a donc moyen de le faire. Parfois, il serait plus sensé de le faire assez tôt au lieu d'attendre plus longtemps.
Le président: Bonne remarque.
Très bien, Maria.
Mme Maria Minna: Pour revenir à toute cette question de la détention, y a-t-il des raisons acceptables qui la justifient, à votre avis? J'aimerais vraiment le savoir. Je pense qu'il est important d'examiner cela concrètement. À votre avis, quelle bonne raison peut-il y avoir pour placer quelqu'un en détention? Y en a-t-il? Je pense que c'est une bonne question, pour essayer de voir par où commencer.
En outre, comment peut-on prouver cela? Quelle procédure acceptable y aurait-il pour prouver, en fait, que c'est une raison qui justifie qu'on place cette personne en détention? Je pense que le fardeau de la preuve, en quelque sorte, est important.
L'autre chose est, bien entendu, la question de la représentation de quelqu'un par un avocat et des choses de ce genre, et la façon dont cela fonctionne. Vous pourriez peut-être d'abord répondre à cela, parce que j'aurai ensuite une autre question au sujet du statut provisoire, que nous n'avons pas abordé mais qui me paraît être un gros élément du rapport dont nous sommes saisis. Je voudrais traiter de cette question.
Je pense que c'est important. Nous avons parlé des conditions de détention. Je comprends cela. Comme vous venez de le dire, nous avons mentionné que c'est comme une porte tournante—ils entrent et sortent. Je comprends cela.
J'aimerais parler très concrètement de ce que seraient, à votre avis, des conditions et des procédures acceptables.
M. Tom Clark: Je vais vous dire ce qui serait idéal plutôt qu'acceptable.
Comme je le disais, je pense que nous devrions nous inspirer de ce que nous faisons pour les Canadiens. C'est très simple. C'est dans le Code criminel. Si quelqu'un constitue un danger pour le public ou ne se présente pas au tribunal, ce sont des motifs légitimes.
Le problème ne concerne donc pas les motifs, mais la façon dont on les applique. Si le même juge qui les a appliqués à quelqu'un qui avait été mis en accusation devait rendre une décision à propos de certains cas de personnes détenues par les services d'immigration, ces gens-là seraient libérés.
Il est certain que, s'il y avait le même genre de lignes directrices détaillées dans la législation... Malgré la discrétion dont, à notre avis, disposent les juges, ils semblent en avoir beaucoup moins qu'un arbitre de l'immigration. Le Code criminel indique de façon très précise la démarche à suivre pour procéder à une libération. Je ne pense donc pas que nous soyons en désaccord au sujet des motifs de détention.
• 1725
Je pense que la préoccupation qui a été exprimée tout à
l'heure au sujet de l'identité est fortement liée à la notion selon
laquelle une personne peut être détenue si elle constitue un danger
pour le public ou ne se présente pas à une audience à cause de
problèmes ou de préoccupations légitimes concernant son identité.
L'identité ne constitue pas en elle-même un motif légitime.
Mme Maria Minna: Le gouvernement devrait pouvoir prouver que la personne ne va pas se présenter en utilisant des procédures équitables.
M. Tom Clark: C'est ce qui est dit dans le Code criminel.
Mme Maria Minna: Je pense qu'il est important que cela soit clair. Je faisais le rapprochement, mais je voulais que ce soit clair.
Mme Gloria Nafziger: C'est exact.
Il y a un autre sujet qu'on ne peut pas traiter rapidement, il faudrait tout un après-midi rien que pour cela; il s'agit des attestations de sécurité concernant les personnes qui sont considérées comme un danger pour le public, la façon dont ces attestations sont établies et la capacité des personnes concernées à comprendre ce qu'on leur reproche afin qu'elles puissent trouver une façon de se défendre et de chercher à prouver qu'elles peuvent être libérées. C'est une question très complexe.
Il y a le cas de M. Suresh, un Tamoul—c'est probablement une affaire bien connue—qui illustre bien ces préoccupations. Je pense que toute la question des attestations de sécurité—la façon dont on les utilise, la mesure dans laquelle quelqu'un a le droit de savoir de quoi on l'accuse—est une chose très importante. Là encore, cela montre qu'il faut plus d'ouverture, de transparence et des procédures équitables. Ce serait le cas si on appliquait le Code criminel, mais pas pour l'immigration.
Mme Maria Minna: Mon autre question concerne en partie ce que nous examinons et en partie ce dont il est question dans le rapport. J'ai vu certaines recommandations—j'ai un avantage sur mes collègues parce que je m'occupe de cela depuis déjà quelques semaines—au sujet du statut provisoire et de la possibilité de le perdre ou de ne pas le perdre. Êtes-vous en faveur de la notion de statut provisoire et, si non, pourquoi? Sous quelle forme le propose-t-on? Je pense qu'il est important d'examiner cela. C'est une des principales parties du rapport, et je pense que c'est important. Cela concerne également la détention, parce que si on perd ce statut...
Mme Janet Dench: Je pense que ce qui nous plaît à propos du statut provisoire est qu'il permet aux gens qui attendent qu'une décision soit prise à leur sujet d'obtenir une sorte de statut reconnu par les différentes autorités. Nous aimerions qu'il y ait quelque chose de ce genre, parce que les gens dont le cas est en instance, qu'il s'agisse de la détermination du statut de réfugié ou de n'importe quelle autre procédure d'immigration, attendent souvent qu'une décision soit prise.
Ils peuvent avoir certains droits concernant des services comme les services sociaux, les services de santé et les services d'éducation, mais il est souvent très difficile de faire reconnaître ces droits. Il faut passer un temps infini à se battre pour les faire valoir, parce que les diverses autorités concernées ne savent pas quoi faire avec cette personne qui a une sorte de statut provisoire.
C'est le côté positif. Toutefois, nous ne sommes plus du tout d'accord avec ce qui est proposé dans le rapport en ce qui concerne l'idée selon laquelle ceux qui n'ont pas ce statut provisoire—et il est très facile de le perdre d'après ce qui figure dans le rapport—n'ont plus aucun droit, y compris le droit fondamental à la liberté. Nous ne pouvons pas accepter que des gens, quel que soit leur statut au Canada, ne jouissent pas des droits fondamentaux de la personne. Fondamentalement, leur statut est celui d'êtres humains, et il faut le respecter.
Le président: Madame Augustine.
Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je tiens également à vous féliciter non seulement pour le travail que vous faites, mais également pour votre connaissance des problèmes et pour le fait que vous êtes parvenus à nous exposer si clairement la situation. Il me semble que, lors de toute discussion à ce sujet, surtout quand on parle de l'arbitraire, il faut examiner les profils des personnes détenues et le processus en cause.
Personne n'a rien dit à propos de la race, de la couleur ou du pays d'origine. Il me semble que, dans le contexte canadien, cela semble être presque une farce. On pourrait rester ici et parler des décisions arbitraires et des procédures d'arrestation, des menottes, et de toutes ces choses dont nous parlons, sans mentionner le profil des personnes qui font souvent l'objet de ces mesures.
• 1730
Quelqu'un parmi vous a-t-il jamais étudié le profil de ces
gens en fonction de leur sexe, de leur race, de leur couleur et de
leur pays d'origine? Quand vous vous rendez dans les centres,
constatez-vous qu'il y a des gens d'une certaine partie ou région
du monde ou qui appartiennent à une certaine race ou qui ont une
certaine couleur...? Quelle incidence cela a-t-il sur cette
discussion?
Mme Joan Simalchik: Je serai très brève.
J'en suis aux deux dernières années de mon étude à Toronto. Ce qui m'a frappée le plus est que si on compare le Celebrity Inn et ce qu'il y a de l'autre côté d'Airport Road, près de l'aéroport Pearson, où il y a des gens appartenant à de multiples cultures, la grande majorité des gens qui sont au Celebrity Inn sont des gens de couleur.
Mme Jean Augustine: C'est là que les conditions sont les pires?
Mme Joan Simalchik: Oui. Ces gens viennent surtout d'Asie du Sud et d'Afrique. Auparavant, ils étaient plutôt d'Amérique latine. Il y en a encore quelques-uns, et il y en a un certain nombre du Moyen-Orient et d'Iran.
Le président: Merci beaucoup. Je suis désolé, mais je dois maintenant vous interrompre.
Nous devons décider rapidement si le Comité veut ou non revenir. À 13 h 45, nous devons voter; le vote est tout au moins convoqué pour 13 h 45. Nous n'aurons peut-être pas fini de voter avant 18 h 55. Cela veut dire que nous ne pourrions pas revenir ici avant 18 h 20 ou 18 h 25. Je pense donc...
M. Jacques Saada: J'invoque le Règlement, monsieur le président. J'ai l'impression qu'il y aura peut-être beaucoup plus que simplement un vote.
Le président: Oh.
Mme Sarmite Bulte: C'est un vote par appel nominal, il y en aura donc deux.
Le président: Oh, il y en a deux. Donc, cela va prendre un bon moment.
Je voudrais donc remercier les témoins. Je suis réellement impressionné par ces renseignements. Nous travaillons sur le squelette depuis un certain temps, mais vous venez maintenant d'y ajouter la chair et de lui donner un peu de vie. Nous commençons à comprendre comment tout cela fonctionne et où il y a des articulations fragiles et d'autres points faibles. Merci beaucoup.
Mme Rivka Augenfeld: J'aimerais vous remercier beaucoup pour cette discussion. Nous avons à peine abordé la déportation en tant que telle, et je comprends vos limitations, mais j'aimerais vous suggérer... C'est une idée personnelle et je n'en ai pas parlé avec mes collègues, mais nous aimerions rencontrer les députés des villes dont nous venons ou, si vous le voulez, revenir pour parler de la déportation.
À notre avis, c'est une question extraordinairement difficile, complexe et importante. Nous renvoyons des gens dans des endroits où ils sont exposés à de grandes difficultés et de graves dangers, et nous violons certaines de nos obligations internationales quand nous le faisons.
Nous ne pouvons pas aborder tout cela ici, mais si le Comité voulait se diviser et rencontrer certains d'entre nous, pour autant que ce qui en ressort soit ensuite communiqué au Comité dans son ensemble, ce serait une bonne façon de procéder. D'autres groupes pourraient également vous parler de ces questions.
Le président: Oui, merci beaucoup. Je vous en suis certainement reconnaissant. Il faut vraiment que nous examinions cela de façon très...
M. John Reynolds: Je voudrais simplement dire que je tiens à vous remercier pour toute cette documentation. Quand nous aurons eu l'occasion de l'examiner, nous aurons peut-être d'autres questions et, à ce moment-là, nous pourrions...
Le président: Oui. Laissez-nous le temps de lire les documents que vous nous avez remis ainsi que les deux rapports que vous avez mentionnés aujourd'hui. Le greffier et les recherchistes vont nous en obtenir des exemplaires. Vous serez disponibles d'un moment à l'autre, je le sais. Merci beaucoup d'être venus.
Avant de lever la séance, je signalerai aux membres du Comité qu'il n'y aura pas de réunion demain. J'aimerais que tous les membres fassent la fête cette fin de semaine, parce que M. McKay vient enfin d'atteindre l'âge de 39 ans. J'aimerais que vous célébriez tous cela avec lui.
La séance est levée.