CITI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON CITIZENSHIP AND IMMIGRATION
COMITÉ PERMANENT DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 25 mars 1999
Le président (M. Rey D. Pagtakhan (Winnipeg-Nord—St. Paul, Lib.)): Je déclare ouverte la séance du comité permanent.
Nous avons devant nous l'ordre de renvoi, la poursuite de l'examen du projet de loi C-63, Loi concernant la citoyenneté canadienne.
Nous allons entendre ce matin des représentants de B'nai Brith Canada, M. David Matas, avocat principal honoraire et M. Rubin Friedman, directeur des relations gouvernementales.
Monsieur Matas, voulez-vous présenter vos observations, ou plutôt monsieur Friedman, excusez-moi.
M. Rubin Friedman (directeur des relations gouvernementales, B'nai Brith Canada): Je voulais simplement remercier le comité de nous avoir invité à présenter des observations. Le B'nai Brith Canada Institute for International Affairs s'intéresse à la question des criminels de guerre depuis des années, tout d'abord aux personnes soupçonnées d'être des criminels de guerre nazis et de façon plus générale, à ce qui touche le tribunal pénal international et à tous les criminels de guerre se trouvant au Canada.
J'aimerais mentionner que David est notre avocat principal honoraire qui nous a représentés devant la Commission Deschênes et dans d'autres dossiers concernant des criminels de guerre. C'est un homme qui est très respecté et reconnu pour son expérience et son expertise sur la question des criminels de guerre. J'aimerais inviter David à vous présenter notre mémoire.
M. David Matas (avocat principal honoraire, B'nai Brith Canada): Merci.
Nous voulions examiner les dispositions du projet de loi C-63 qui traitent de la révocation de la citoyenneté parce que le B'nai Brith a une longue expérience de ce sujet. Nous suivons de très près les affaires judiciaires qui concernaient les criminels de guerre nazis et les auteurs de crimes contre l'humanité qui ont débouché sur la révocation de la citoyenneté.
D'une façon générale, nous poursuivons deux objectifs: l'établissement d'un système équitable et efficace. Nous ne voulons pas que l'on puisse abuser du système pour demeurer au Canada indéfiniment mais nous voulons également que le système soit équitable; il s'agit en effet de personnes qui ont gravement violé les principes fondamentaux de la justice dans le passé mais nous voulons qu'on leur rende la justice qu'ils ont refusée à leurs victimes et affirmer nos valeurs en les opposant aux leurs.
Nous estimons que le système actuel ne répond pas vraiment à ces objectifs. Il n'est pas très efficace et il n'est pas toujours non plus équitable. Lorsque l'on examine le projet de loi C-63, on constate que ces problèmes n'ont pas été résolus et dans certains cas, qu'ils ont même été aggravés. Nous proposons huit recommandations, que nous allons passer en revue. Je dois signaler que nous sommes en train de préparer un mémoire plus détaillé qui sera distribué aux membres du comité dans les deux langues, lorsque sa version finale sera arrêtée. Les recommandations ne changeront pas.
Tout d'abord, nous proposons que la section de première instance de la Cour fédérale ait le pouvoir de révoquer la citoyenneté. À l'heure actuelle, c'est le gouverneur en conseil qui peut révoquer la citoyenneté. Lorsque le tribunal s'est prononcé, il faut ensuite saisir le cabinet. Cette étape prend parfois beaucoup de temps et elle n'apporte pas grand-chose. Elle ne protège vraiment ni le public ni la personne concernée. C'est pourquoi nous proposons de l'abolir.
Deuxièmement, nous aimerions que l'on fusionne les différents mécanismes de sorte que la personne qui est renvoyée du Canada n'ait pas à passer par la procédure de révocation de la citoyenneté pour ensuite suivre la procédure d'immigration, alors que, dans les deux cas, la question est identique et qu'il y a deux séries de tribunaux qui examinent cette même question. Nous aimerions que le juge de la section de première instance de la Cour fédérale ait le pouvoir non seulement de retirer la citoyenneté mais également, en même temps et au cours de la même instance, celui d'ordonner l'expulsion de la personne visée. Il y aurait donc une seule instance au lieu de trois ou quatre, comme c'est le cas actuellement, pour aboutir au même résultat.
• 0915
Notre troisième recommandation serait d'élargir les motifs de
révocation de la citoyenneté. À l'heure actuelle, la citoyenneté
est révoquée lorsque la personne est entrée au Canada à la suite
d'une fraude, d'une fausse déclaration ou encore en dissimulant des
faits essentiels. Nous aimerions également que la citoyenneté
puisse être retirée aux criminels de guerre ou aux auteurs de
crimes contre l'humanité. Nous utilisons l'expression
«participation à des persécutions». Elle existe déjà en droit
américain pour la déportation, ce qu'on a appelé l'amendement
Holtzman, et nous aimerions l'utiliser pour la révocation de la
citoyenneté. Dans certains cas, cela donnerait une autre corde à
l'arc de la poursuite, ou une autre flèche, qui pourrait invoquer
l'un ou l'autre motif, et non pas le seul motif existant
actuellement.
La quatrième recommandation est de réunir les instances de citoyenneté et d'immigration avec l'instance pénale. À l'heure actuelle, il n'existe pas de recours pénal efficace mais je crois savoir que le gouvernement va présenter au Parlement un projet de loi qui créerait un recours pénal et nous verrons peut-être, au moins pour ce qui est des criminels de guerre contemporains, des poursuites pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Si cela se produit effectivement, nous aimerions que le juge du tribunal pénal qui déclare l'accusé coupable de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité ait le pouvoir de révoquer la citoyenneté du condamné et d'ordonner sa déportation en même temps, et au cours de la même instance. Là encore, nous cherchons à fusionner ces différentes instances.
Même en l'absence d'une telle fusion, nous proposons qu'en cas de condamnation pénale, et c'est une forme atténuée de fusion, le seul fait d'enregistrer cette condamnation dans une instance de la Cour de la citoyenneté ou une instance de la Cour fédérale en vue d'obtenir la révocation de la citoyenneté soit un motif suffisant pour accorder cette mesure. Il ne devrait pas être nécessaire de prouver encore une fois les mêmes faits. Là encore, nous tenons pour acquis que notre première recommandation permettant la révocation de la citoyenneté pour participation à des persécutions sera retenue.
La sixième recommandation concerne les règles de preuve. À l'heure actuelle, dans les instances d'immigration, une personne peut être expulsée lorsqu'il existe des preuves qu'un arbitre estime être dignes de foi, fiables ou susceptibles de fonder la décision du tribunal. Dans une instance relative à la citoyenneté, tout comme dans les instances pénales, il faut appliquer des règles de preuve formelles, ce qui entraîne parfois le rejet de l'accusation pour des questions de pure forme. Nous estimons que, pour ce genre d'affaires au moins, les règles de preuve qu'il conviendrait d'utiliser sont celles de l'immigration et qu'il faudrait les utiliser pour toutes ces instances, à savoir l'instance de citoyenneté, l'instance pénale, et l'instance d'immigration. Je le répète, le tribunal devrait avoir le pouvoir de fonder sa décision sur n'importe quel élément de preuve qu'il estime digne de foi ou fiable et susceptible de fonder sa décision. Nous aimerions voir une clause de ce genre dans le projet de loi C-63.
Ces recommandations portent principalement sur ce que j'ai appelé l'aspect efficacité mais nous voulons présenter quelques observations qui traitent de l'équité. La première est l'absence d'appel. La décision de la section de première instance de la Cour fédérale n'est pas susceptible d'appel, que ce soit selon les règles actuelles ou selon le projet de loi C-63. Cela veut dire qu'il est impossible de corriger les erreurs de droit éventuellement commises. Il peut exister des divergences entre différents juges de la section de première instance, sans que celles-ci puissent être aplanies. Il n'est pas possible d'obtenir une décision définitive sur la réponse correcte à apporter aux points de droits tranchés par les juges de première instance.
Nous pensons que l'appel ne devrait pas être automatique mais avec permission, de façon à éviter les appels frivoles. Mais il faudrait un mécanisme d'appel. Bien entendu, la possibilité de faire appel n'avantage pas toujours la personne concernée. Elle pourrait également avantager la Couronne parce qu'il lui arrive parfois de ne pas obtenir gain de cause, et parfois à tort. Un appel permettrait de corriger ces cas-là.
Enfin, et cela touche également l'équité, le projet de loi C-63 contient une disposition qui ne figure pas dans le droit actuel et qui permet au ministre de retirer la citoyenneté quand celle-ci a été obtenue sous le couvert d'une fausse identité. Cela revient à sanctionner la fraude, les fausses déclarations et la dissimulation de faits essentiels mais c'est une sanction non judiciaire. C'est une sanction administrative. C'est un pouvoir qui est donné au ministre et il n'est pas nécessaire de saisir les tribunaux.
• 0920
Nous estimons que ces affaires devraient soumises aux
tribunaux. Elles ne devraient pas être tranchées par un oukase ou
un diktat administratif. Il est vrai que la décision du ministre
peut faire l'objet d'une demande de contrôle judiciaire, mais dans
ce cas, le tribunal n'examine pas les faits. C'est le ministre qui
établit les faits et le tribunal examine uniquement si le ministre
a commis une erreur de droit. Dans certains cas, cela n'est pas
suffisant parce qu'il arrive que les questions de fait soient fort
complexes.
Voilà donc nos recommandations qui rendraient, d'après nous, le processus de révocation plus équitable et plus efficace.
Voilà mes commentaires d'introduction.
Le président: Merci, monsieur Matas.
Nous allons maintenant commencer par M. Benoit pour dix minutes.
M. Leon E. Benoit (Lakeland, Réf.): Merci, monsieur le président.
Messieurs, bonjour. Vous avez mentionné qu'il n'existait pas de mécanisme d'appel, qu'il devrait y en avoir un mais que celui-ci ne devrait pas être automatique. Pourriez-vous préciser un peu ce que vous voulez dire par là? Qui serait alors chargé de déterminer qui pourra faire appel et qui ne le pourra pas?
M. David Matas: Le système d'appel avec permission existe déjà dans la Loi sur l'immigration pour toutes les affaires d'immigration. Je suis avocat d'immigration, en particulier pour les réfugiés à Winnipeg, et j'utilise constamment ce type d'appel. En fait, les tribunaux le connaissent bien.
Essentiellement, il faut présenter une demande écrite au tribunal qui décide ensuite s'il y a lieu d'entendre l'appel en se fondant sur la demande écrite. Le critère appliqué ici est celui de l'existence d'une question sérieuse. Si l'appel soulève une question sérieuse, le tribunal accorde la permission; dans le cas contraire, il la refuse. Les chiffres indiquent que la permission est accordée dans environ 12 p. 100 des cas. C'est le chiffre que j'ai entendu récemment. Cela évite que quelqu'un interjette appel parce qu'il veut simplement rester au Canada mais qu'il n'a pas de bonnes raisons de le demander. Ce processus prend environ six mois. J'estime que cela n'est pas une période trop longue, puisqu'elle permettrait de reconnaître un droit qui me paraît important.
M. Leon Benoit: Certaines de vos recommandations visent à rationaliser le système et à éviter tous ces appels et retards que l'on retrouve dans le système actuel. Pourtant, avec vos dernières recommandations, vous proposez de mettre sur pied un mécanisme d'appel, qui risque de ralentir encore les choses, et de retirer au ministre le pouvoir de révoquer la citoyenneté pour le confier aux tribunaux. Est-ce bien cela?
M. David Matas: Cela me paraît exact. C'est ce que j'ai dit dans mes observations, nous voulons un système qui soit à la fois équitable et efficace. Si nous voulions simplement éjecter les gens le plus rapidement possible, nous pourrions choisir un système qui serait très efficace mais qui ne serait pas équitable. Nous proposons de rationaliser ces premières étapes parce qu'à l'heure actuelle, le système comporte de nombreuses étapes qui n'apportent pas grand-chose, ni pour la protection des personnes concernées, ni pour celle du public. Elles ralentissent les choses. J'aimerais supprimer toutes ces étapes.
Cela dépend du nombre des instances que vous êtes prêt à fusionner. En fusionnant plusieurs étapes, on pourrait retrancher plusieurs années au processus et, je le reconnais, les recommandations que nous avons présentées à la fin ajouteraient quelques mois à ce processus; nous estimons cependant qu'en acceptant ces recommandations, cela renforcerait sensiblement l'équité du processus. Ce temps ne serait pas perdu, alors que c'est ce qui se passe actuellement.
M. Leon Benoit: Cela me paraît tout à fait logique. Vos recommandations me paraissent très intéressantes.
Pour ce qui est de retirer au ministre le pouvoir de révoquer la citoyenneté lorsque celui-ci a jugé que la personne avait remis au moment de sa demande de faux documents ou fourni de faux renseignements, pourquoi voulez-vous supprimer ce pouvoir? Cela me semble un pouvoir raisonnable, et il me paraît raisonnable dans ces circonstances d'accorder ce pouvoir au ministre.
M. David Matas: Tout d'abord, cela crée deux mécanismes. Il est déjà possible de faire révoquer par les tribunaux la citoyenneté d'une personne qui l'a obtenue en utilisant une fausse identité, parce que c'est ce que dit le droit actuellement et cela ne changera pas. On peut révoquer la citoyenneté dans les cas de fraude, de fausse déclaration, et de dissimulation de faits essentiels. Il est évident que le fait de se présenter sous une fausse identité serait visé par ces motifs. Il y a donc un aspect qui relève déjà des tribunaux qui est remis entre les mains du ministre. En outre, si l'on examine bien ce que cela dit, on constate qu'il n'est pas nécessaire que la personne ait utilisé une fausse identité. Il suffit que le ministre soit convaincu que c'est ce qu'a fait cette personne. Le contrôle judiciaire ne permet donc pas de déterminer si la personne concernée a effectivement utilisé une fausse identité mais plutôt s'il était raisonnable pour le ministre d'en arriver à la conclusion à laquelle il est arrivé, même s'il a ce faisant commis une erreur.
Ce genre d'affaires peut également soulever des questions de fait. Prenez, par exemple, le cas d'Albert Rauka. Bien évidemment, je ne vais pas défendre Albert Rauka, qui a commis des massacres en Lituanie; il a été déclaré responsable d'avoir causé la mort de 11 500 personnes. Il est venu au Canada. Il a changé une lettre de son nom, qui est passé de Rauca à Rauka. Si ce pouvoir existait, le ministre aurait pu l'utiliser pour lui supprimer sa citoyenneté, et cela aurait suffi. Je ne suis pas convaincu que cela aurait été juste pour Rauka. Je pense qu'il faut être équitable envers toutes ces personnes, quels que soient les crimes qui leur sont imputés. Était-ce vraiment une fausse identité? A-t-il changé cette lettre pour dissimuler son identité ou était-ce simplement une autre façon d'épeler son nom? Ce sont là des questions juridiques qui devraient être tranchées par un tribunal.
M. Leon Benoit: Si vous prenez le cas des immigrants dans ma région, vous constaterez qu'il y a beaucoup d'Ukrainiens et de Polonais et qu'il est bien souvent arrivé que l'on modifie leur nom de famille lorsqu'ils ont été enregistrés. On pourrait sans doute supprimer la citoyenneté à une bonne moitié d'entre eux. En fait, on a commis beaucoup d'erreurs en enregistrant leurs noms, et je comprends donc très bien ce que vous voulez dire.
Ne pourrait-on pas régler ce genre de situation en définissant dans la loi elle-même les cas où le ministre peut utiliser ce pouvoir de révocation au lieu de le supprimer carrément? L'aspect de ce projet de loi qui me paraît constituer un grave problème est qu'une bonne partie de sa portée doit être définie par règlement et qu'il n'est pas nécessaire que ces règlements soient approuvés par le Parlement. Ces règlements font parfois l'objet d'un examen mais il n'est pas nécessaire de suivre la procédure législative et le Parlement n'a donc pas le pouvoir de rejeter ou d'accepter ces règlements. Il me semble que ce projet de loi est tellement vague qu'on ne sait pas très bien ce qu'il veut dire. Ce sont des règlements qui vont préciser la portée exacte de ce projet de loi.
M. David Matas: Je serais tout à fait en faveur de cette solution dans certains domaines. S'il y a une disposition qui me rend tout à fait perplexe parce que je ne vois pas à quoi elle sert vraiment, c'est l'article 30. Cette disposition permet au ministre d'annuler une décision lorsque celle-ci semble comporter une erreur importante. Elle vise sans doute les erreurs matérielles. On veut sans doute viser les cas où l'on voulait donner la citoyenneté à Daniel Tremblay et qu'on l'a donnée en fait à Daniel Labelle. On a envoyé la lettre mais pas encore le certificat. On veut pouvoir dire, excusez-nous, nous avons envoyé la mauvaise lettre, sans avoir à passer devant un tribunal. C'est sans doute la raison d'être de cette disposition mais elle est tellement vague que je n'en suis pas certain. J'aimerais que cela soit précisé.
L'article 18 traite de plusieurs aspects. Il traite de la fausse identité et de la citoyenneté qui a été obtenue en violation de l'article 28. Je n'ai pas parlé de la citoyenneté accordée en violation de l'article 28 parce que c'est une question distincte. Je ne sais pas très bien si l'on devrait en traiter ici. Cela me semble se rapporter davantage au fait d'avoir ou non des antécédents criminels. La personne qui a dissimulé ses antécédents criminels et qui a ensuite obtenu sa citoyenneté au Canada de cette façon devrait peut-être se voir appliquer une procédure distincte. Je n'ai pas vraiment examiné cette question. Mais lorsqu'il s'agit de fausse identité, cela me paraît identique à la fraude, aux fausses déclarations ou à la dissimulation de faits essentiels.
Ces questions me paraissent complexes. Elles soulèvent des questions de fait litigieuses. Il existe déjà un mécanisme juridique. Pourquoi en créer un autre? Le mécanisme juridique existant est plus équitable, pourquoi ne pas s'en servir?
M. Leon Benoit: Le règlement que le ministre et son ministère vont adopter pourrait-il en fait écarter l'application des règles habituelles? Pourraient-ils, par le biais d'un règlement, soustraire ces cas aux mécanismes juridiques habituels?
M. David Matas: Non. Il existe un principe juridique voulant qu'un règlement doit être intra vires, c'est-à-dire conforme à la loi. Mais s'il n'est pas conforme aux pouvoirs réglementaires attribués par la loi en question, il peut être annulé par les tribunaux.
M. Leon Benoit: Vous ne pensez donc pas que l'on pourrait utiliser cet article pour contourner le mécanisme juridique habituel?
Je comprends cela mais avec un règlement, on peut indiquer qu'un certain article de la loi a un sens très différent de celui que l'on pensait au départ ou lui donner une justification tout à fait différente.
M. David Matas: En théorie, si cette disposition était adoptée telle quelle, il ne serait pas nécessaire de l'utiliser. Étant donné qu'il existe deux mécanismes, le ministre pourrait toujours utiliser l'autre. Ce serait notre position si ce projet de loi était adopté. Nous aimerions voir cette disposition supprimée, mais si elle est adoptée, nous estimons que l'on ne devrait pas l'utiliser et lui préférer l'autre mécanisme existant.
Le président: Merci, monsieur Benoit.
M. Ménard a la parole.
[Français]
M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Bonjour et bienvenue. J'étais certain de la qualité de votre présentation; vous ne m'avez jamais déçu toutes les fois que vous avez comparu devant notre comité.
Je voudrais vous demander de faire un commentaire sur un élément de bilan. La ministre de la Justice a annoncé, il y a un an ou un an et demi, différents éléments permettant de répondre aux demandes que vous avez faites dans le passé concernant les criminels de guerre. Pourriez-vous nous faire part de votre appréciation du travail fait au ministère de la Justice en lien avec celui de la Citoyenneté et de l'Immigration concernant les mesures annoncées? Je poserai deux ou trois questions techniques par la suite. Il serait intéressant d'avoir votre appréciation à ce moment-ci.
[Traduction]
M. David Matas: Je dirais que, dans l'ensemble, il y a eu des progrès; le gouvernement a en effet affecté de l'argent et du personnel à cette tâche, des sommes importantes, en particulier pour les criminels de guerre contemporains. Les affaires procèdent à un rythme plus soutenu qu'auparavant et il y en a un certain nombre qui sont devant les tribunaux. Dans l'ensemble, le bilan est positif.
Pour ce qui est de l'unité des crimes de guerre, il semble qu'elle fonctionne bien mais nous avons fait il y a des années, et cela remonte à la Commission Deschênes, des demandes et des propositions qui, pour la plupart, n'ont jamais été mises en oeuvre. La plupart des propositions que nous vous présentons aujourd'hui ont déjà été transmises au gouvernement il y a des années et nous sommes déçus de voir qu'elles n'ont pas été reprises. Si l'on veut faire le bilan de l'action du gouvernement dans ce domaine, il faut, je crois, également tenir compte de cet aspect.
Nous proposons depuis des années la fusion des instances. Nous proposons depuis des années que la participation à des persécutions constitue un motif de révocation de la citoyenneté. Ces mesures ne se retrouvent pas ici.
C'est la même chose avec la réforme de l'immigration. Nous en sommes encore à l'étape d'un livre blanc. Il n'y a pas de projet de loi. Certaines de nos propositions sont peut-être trop détaillées pour figurer dans un livre blanc mais là encore, dans le domaine de l'immigration, les propositions que nous présentons depuis des années n'ont pas été retenues.
Je pourrais passer à d'autres domaines, le droit pénal, la communication des dossiers, par exemple. Nous attendons toujours que l'on modifie le droit pénal. Nous n'avons toujours pas obtenu la divulgation des dossiers, pas seulement au public mais aux forces policières, comme nous le souhaitons.
Les résultats sont très inégaux. Dans l'ensemble, la situation est bien meilleure aujourd'hui qu'elle ne l'était il y a cinq ou dix ans, mais même lorsque les choses vont bien, il y a toujours le fait que nous avons tellement attendu que des affaires qui auraient débouché il y a dix, vingt ou trente ans ne seront jamais soumises aux tribunaux parce que les témoins sont décédés, les témoins qui auraient parlé de l'aspect immigration ou les témoins oculaires.
[Français]
M. Réal Ménard: Je veux revenir sur votre troisième recommandation, qui est d'élargir les motifs de révocation de la citoyenneté pour cause de participation à un crime de guerre ou à des actes de persécution. Est-ce que je vous cite bien en disant que c'était aussi une recommandation de la commission Deschênes?
[Traduction]
M. David Matas: Je ne me souviens pas qu'il ait effectivement recommandé cela.
M. Réal Ménard: Alors, vous êtes convaincus que cela devrait être un motif pour révoquer la citoyenneté et vous désirez que le projet de loi soit ainsi libellé. Avez-vous eu l'occasion de faire des représentations auprès des fonctionnaires du ministère, et quelles raisons ont-ils fait valoir pour ne pas inclure ces motifs-là?
[Traduction]
M. David Matas: Oui, nous l'avons présenté. Nous n'avons jamais reçu de refus ni d'explication. La réponse a toujours été oui, cela est intéressant et nous allons voir cela. Aujourd'hui encore, c'est la réponse qu'on nous donne. J'ai parlé à plusieurs fonctionnaires et c'est ce qu'ils me répondent, c'est une proposition intéressante qu'ils aimeraient approfondir avec nous, etc.
Ce que je peux dire, c'est que le gouvernement n'a toujours pas décidé d'inclure cela mais du moins, d'après ce que je comprends, il n'a pas écarté carrément cette possibilité.
[Français]
M. Réal Ménard: Quelque chose m'étonne dans vos recommandations. Vous semblez vouloir restreindre la possibilité d'une intervention directe de la ministre dans le processus de révocation de la citoyenneté. En règle générale, je suis favorable au principe voulant qu'il faille s'adresser aux tribunaux et que les règles de justice naturelle s'appliquent, comme la possibilité d'être entendu, d'être représenté par un avocat, etc., mais n'y a-t-il pas certaines circonstances où il peut être plus rapide et rassurant que la ministre ait la possibilité de révoquer la citoyenneté?
Si demain on apprenait qu'un criminel de guerre très important était en territoire canadien et qu'un mouvement d'opinion publique se créait pour exercer des pressions afin qu'on agisse très rapidement, il serait bon que la ministre puisse révoquer la citoyenneté. Ce processus pourrait être plus rapide que celui des tribunaux, qui dure des semaines, des mois, voire des années. Si la ministre pouvait intervenir, le processus serait plus rapide si le mouvement d'opinion publique persistait et qu'il y avait un bon lobbying. Partagez-vous ce point de vue?
[Traduction]
M. David Matas: Non. Je crois qu'il faut toujours avoir à l'esprit le contexte dans lequel se pose la question des criminels de guerre. Ces massacres sont commis au cours de périodes de grande agitation politique, les perpétrateurs trouvent toujours le moyen de justifier leurs crimes et ils ont des partisans qui justifient leurs crimes également; il y a des groupes qui les appuient. C'est pourquoi il est important d'opposer la justice à cette politisation.
Si cette décision devient une décision politique, elle n'aura pas la même légitimité, en particulier pour les partisans des auteurs de massacres, qui vont nier ou justifier les crimes d'une façon ou d'une autre. Face à ces crimes, nous essayons de faire régner la justice mais cela ne peut se faire de façon convaincante en utilisant un processus politique, il faut avoir recours à un processus juridique.
Pensez à ce qui s'est produit en Grande-Bretagne, avec l'affaire Pinochet. Le gouvernement voulait que l'on agisse de façon aussi équitable que possible. L'affaire a été entendue par les tribunaux, elle a même été entendue une nouvelle fois pour être sûr que le processus était aussi équitable que possible, pour toutes les personnes concernées. Ce n'est pourtant pas le désir de se débarrasser de Pinochet qui manquait en Grande-Bretagne. C'est le genre de légitimité que nous recherchons ici, et celle-ci ne peut venir que d'un processus judiciaire.
Il est vrai que le ministre peut prendre une ordonnance plus rapidement, mais en fin de compte cela entraînera davantage de problèmes que cela n'en résoudra, parce que cela va nuire à l'acceptation de la décision prise.
[Français]
M. Réal Ménard: Je suis d'accord avec vous dans l'ensemble, mais il me semble qu'on se prive d'un processus qui nous permettrait ultimement d'atteindre la justice en n'envisageant pas la possibilité d'une intervention ministérielle dans certains cas d'espèce très spécifiques. Quand la ministre rend une décision, elle le fait sur la base d'un dossier et de certains éléments d'appréciation. Il n'y a pas de biogenèse.
• 0940
Je comprends votre point de vue
et je veux que vous compreniez bien que je
suis attaché au fait que les choses doivent se faire
d'abord par un processus judiciaire, mais il
me semble dangereux, en bout de ligne, de priver
totalement la ministre de la possibilité de
révoquer la citoyenneté.
[Traduction]
Le président: Monsieur Matas.
M. David Matas: Vous pensez à un cas très clair où il n'y a aucun doute et où les faits sont évidents. Je dirais que dans ce cas, si l'affaire était soumise aux tribunaux, cela irait assez vite parce que nous proposons une procédure où l'on passe d'abord par les tribunaux mais sans aller ensuite devant le conseil des ministres, et où, en cas d'appel, ce serait un appel avec permission, de sorte que, dans ce genre de cas, la permission ne serait pas accordée. De toute façon, je ne suis même pas sûr que cela irait plus vite. La décision initiale serait prise plus rapidement mais il serait toujours possible de présenter une demande de contrôle judiciaire.
Il s'agit de la Loi sur la citoyenneté et non pas de la Loi sur l'immigration. La Loi sur la citoyenneté reconnaît le droit de présenter une demande de contrôle judiciaire, il n'est pas nécessaire de demander la permission de le faire. Il faudrait donc aller de toute façon devant les tribunaux. En outre, selon la Loi sur la citoyenneté, après la demande judiciaire, on peut saisir la cour d'appel, c'est un appel de droit et non pas sur permission. On peut ensuite aller à la Cour suprême avec une permission. Avec votre proposition, la première étape se déroule rapidement, mais il y en a ensuite trois autres, et en fin de compte, cela prendra plus de temps que la procédure que nous proposons ou celle qu'envisage la loi aux articles 16 et 17.
L'article 18 permet d'obtenir une décision rapide mais inéquitable avec ensuite trois étapes devant la Cour fédérale et la Cour suprême, ce qui pourrait prendre des années et ne permet même pas d'examiner directement la décision initiale parce que ces cours ne peuvent examiner les faits, cela au lieu d'une décision judiciaire prise en une seule étape, qui sera plus équitable, avec une possibilité d'appel, mais qui prendra finalement moins de temps.
Le président: Merci, monsieur Ménard.
Monsieur Telegdi, vous avez la parole.
M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je me demande si vous pouvez dire, monsieur Matas, comment le Canada se compare-t-il aux autres pays pour ce qui est du renvoi des criminels de guerre?
M. David Matas: Nous soutenons mal la comparaison avec les États-Unis pour ce qui est des criminels de guerre nazis. Les États-Unis ont commencé à s'attaquer à ce problème dix ans avant nous à peu près et leur gouvernement procède de façon systématique. Les chiffres sont beaucoup plus élevés et le gouvernement a fait des choses que nous nous refusons à faire. Par exemple, ils font des vérifications croisées. Nous avons demandé que l'on permette aux forces policières d'effectuer des vérifications croisées. Il y a même des banques de données auxquelles les policiers n'ont pas accès, comme les listes des bénéficiaires de pension de vieillesse. La GRC ne peut pas examiner ces listes, dans lesquelles figure pourtant certainement le nom de criminels de guerre nazis. Nous avons proposé un projet de loi qui permettrait de le faire mais le Commissaire à la protection de la vie privée s'y est opposé.
Cela ne s'est donc pas fait. La GRC ne peut faire des vérifications croisées, alors que cela se fait aux États-Unis. Il y a cet Américain, Steve Rambam, qui a fait des recoupements et des vérifications en se servant d'annuaires téléphoniques et qui a retrouvé toutes sortes de noms. C'est un Américain et il a été interviewé à l'émission 60 Minutes; voilà le genre de choses que les Américains font et que nous ne faisons pas.
Le résultat est qu'aux États-Unis, les demandes d'expulsion ne sont pas contestées. Le système est tellement efficace que les gens savent qu'ils vont être poursuivis et ils ne se donnent même plus la peine de contester les demandes d'expulsion. Cela s'est également produit parfois ici, mais pas de façon systématique. Il y a beaucoup de gens qui se défendent devant les tribunaux même s'ils n'ont pas beaucoup d'arguments à faire valoir, ils savent que le système est lent et qu'il leur permet de gagner du temps.
Pour ce qui est de l'Europe continentale, c'est là que les crimes ont été commis et il y a donc davantage de poursuites et de déportations. L'Australie et le Royaume-Uni ont une expérience très semblable à la nôtre, leur système de poursuites n'est pas non plus très efficace. Il y a un procès qui se poursuit actuellement au Royaume-Uni.
Je dirais que, dans l'ensemble, le Canada n'est pas le meilleur ni le pire des pays, et qu'il se situe dans la moyenne.
M. Andrew Telegdi: Lorsque nous parlons de criminels de guerre, je pense à l'affaire de My Lai dans le cas des États-Unis, et à la Somalie dans celui du Canada. Je ne suis pas sûr qu'aucun de ces deux pays n'ait réagi de façon efficace à ces situations. C'est un problème très réel. Je viens de Kitchener—Waterloo. Il y a pas mal de gens qui sont venus d'Europe de l'Est au cours des années. Dans cette région, un Canadien sur six est né à l'étranger. Il est très délicat de s'en prendre à la citoyenneté des gens.
Comment l'État d'Israël se compare-t-il avec nous pour ce qui est des déportations et de ce genre de situation?
M. David Matas: Je ne connais pas très bien la situation juridique en Israël, mais je sais qu'ils ont poursuivi Eichmann. Il a été condamné et exécuté. Ils ont poursuivi Demjanjuk mais il a été acquitté. Les Israéliens appliquent des principes de droit civil en matière d'extradition et de déportation. Ils préfèrent juger eux-mêmes les criminels qui se trouvent dans leur pays plutôt que de les extrader pour qu'ils soient jugés à l'étranger, ce qui a soulevé certaines difficultés avec les fugitifs. Cette question a été examinée par les tribunaux.
Comme vous pouvez facilement vous l'imaginer, il n'y a pas beaucoup de criminels de guerre nazis qui essaient de se cacher en Israël; le problème n'a donc pas la même ampleur qu'au Canada.
M. Andrew Telegdi: Non, je comprends. Je sais également qu'il y a beaucoup de gens qui se sont réfugiés en Israël au cours des ans. Lorsqu'on fuit une dictature, et qu'il faut quitter ce pays rapidement, il est très facile de commettre des crimes selon les lois du pays dont vous vous enfuyez, même si c'est une dictature. Ce genre de problème ne se pose guère maintenant mais cela est arrivé dans le passé. Dans le cas de l'Union soviétique, comment pouvait-on se fier aux preuves fournies par cet État? On pouvait se poser la même question dans le cas de la Hongrie, puisqu'il était de toute façon illégal de quitter ce pays. Maintenant que le rideau de fer a disparu, les problèmes ont énormément changé, mais ils se sont posés à un moment donné.
M. David Matas: Lorsque nous parlons de criminels de guerre ou d'auteurs de crimes contre l'humanité, nous ne parlons pas de gens qui n'ont pas respecté les lois régissant le déplacement des nationaux. Nous parlons de gens qui ont violé des normes internationales en matière de droits de la personne. Nous ne parlons pas non plus d'utiliser des éléments de preuve fournis par un régime totalitaire. Nous parlons de tribunaux qui apprécient eux-mêmes ces éléments de preuve. Les éléments de preuve obtenus dans un pays étranger sont présentés à des tribunaux canadiens conformément aux critères canadiens. Lorsque les tribunaux doivent se prononcer sur une demande de révocation de citoyenneté, ils examinent eux-mêmes les éléments de preuve et entendent eux-mêmes les témoins, ils lisent eux-mêmes tous les documents. Il leur est arrivé d'écarter des preuves qui leur ont été présentées, parce qu'ils les ont jugées peu dignes de foi. C'est le système canadien. Ce n'est pas un système étranger, pour ce qui est des règles de preuve.
M. Andrew Telegdi: Non, mais bien souvent, la source de ces preuves n'est pas crédible. C'est ce que j'essayais de dire.
M. David Matas: Il y a des témoins qui mentent. Cela peut toujours arriver. Nous nous fions aux juges canadiens pour qu'ils démêlent les mensonges de la vérité.
M. Andrew Telegdi: Monsieur Matas, vous avez peut-être été surpris par ma question mais ce n'est pas ce que je voulais; je sais très bien que c'est une question à laquelle vous et le B'nai Brith ont beaucoup réfléchi.
Je me demande si vous pourriez me situer le Canada par rapport aux autres pays qui reçoivent un bon nombre de réfugiés et d'immigrants, si vous avez d'autres éléments à ajouter là-dessus.
M. David Matas: Cela me convient mais ce qu'il faut viser, je crois, ce n'est pas bien se classer par rapport aux autres mais faire ce qu'il faut faire. Si en faisant ce qu'il faut faire nous nous trouvons loin devant les autres, ce n'est pas une raison pour ne pas le faire.
M. Andrew Telegdi: Monsieur Matas, si vous me le permettez, vous pourriez peut-être signaler les éléments qui existent dans d'autres pays et dont le Canada pourrait profiter. Si vous pouviez mentionner quels sont les meilleurs éléments que l'on retrouve dans ces divers pays, nous pourrions peut-être les adopter pour améliorer notre système.
M. David Matas: Je peux vous dire, par exemple, qu'on retrouve aux États-Unis un excellent élément, c'est le fait qu'ils ont commencé à prendre des mesures dans ce domaine dix ans avant le Canada; il est maintenant trop tard pour changer quoi que ce soit. Nous ne pourrons pas modifier le fait que nous avons pris du retard. Cela ne peut certainement pas se corriger en adoptant un projet de loi.
• 0950
Lorsque l'on modifie les règles législatives, cela se fait
dans un contexte juridique, dans une certaine tradition juridique
en utilisant un certain vocabulaire juridique. La rédaction des
lois n'est pas un exercice comparatif, où il s'agit de regrouper
des éléments provenant de divers pays. Il faut examiner ce qui
s'est fait ici, ce qui a donné de bons résultats et le conserver,
ce qui n'a pas donné de bons résultats et l'écarter.
En fait, dans cette proposition, je me suis inspiré d'un élément qui a bien fonctionné aux États-Unis, la notion de participation à des persécutions. C'est un élément de l'expérience américaine qui a donné d'excellents résultats. Je pourrais peut- être vous en parler davantage, vous expliquer pourquoi cela a fonctionné aux États-Unis et pourquoi cela pourrait être utile ici. Je suis tout à fait disposé à vous en parler.
M. Andrew Telegdi: Merci.
Le président: Merci.
Monsieur Martin et ensuite madame Augustine.
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci, monsieur Matas, pour vos remarques particulièrement éclairantes, pénétrantes et utiles. J'ai pris beaucoup de notes et j'ai hâte de voir votre rapport.
Je ne sais si les gens d'ici connaissent la réputation dont jouit M. Matas pour quelqu'un qui vit à Winnipeg. Nous le voyons souvent à la télévision. C'est une autorité dans ce domaine.
Je voudrais parler tout d'abord de votre attitude généreuse; vous voulez que l'on applique aux criminels de guerre que nous voulons déporter des règles beaucoup plus respectueuses de la justice que celles qu'ils ont appliquées aux personnes qu'ils persécutaient. Cela me paraît tout à fait admirable et vous êtes revenu sur cet aspect avec M. Telegdi.
Vos commentaires sur l'élargissement des motifs de révocation m'ont intéressé. Je me demande si vous pourriez en dire davantage. Quels sont les autres motifs que l'on pourrait ajouter à cette liste, et plus précisément, pensez-vous que l'on devrait inclure la propagande haineuse au Canada?
M. David Matas: La situation qui nous intéresse concerne toujours des faits qui sont antérieurs à l'attribution de la citoyenneté. On ne peut jamais perdre sa citoyenneté pour des actes commis par la suite.
Si quelqu'un faisait de la propagande haineuse au Canada, le gouvernement pourrait normalement intenter des poursuites et cette personne serait alors visée par l'article 28, et le cas serait réglé. J'espère que cela serait visé par le droit actuel.
Nous nous occupons principalement des personnes qui ont commis des crimes à l'étranger.
La participation à des persécutions les crimes de guerre ou les crimes contre l'humanité englobent la propagande haineuse. Je vous rappelle le cas de Julius Streicher qui a été jugé par le tribunal du Nuremberg; il a été déclaré coupable, condamné à mort et exécuté pour la seule raison qu'il avait fait de la propagande haineuse, l'incitation au génocide. Selon la jurisprudence pénale internationale, la propagande haineuse fait donc partie de cette catégorie et je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'adopter une disposition législative particulière à ce sujet. Je crois que la disposition générale dont nous parlons engloberait ce cas-là.
M. Pat Martin: Je vois.
Je veux être certain de bien comprendre une des choses que vous avez affirmées au sujet des pouvoirs du ministre de retirer la citoyenneté dans les cas de fraude... Vous dites qu'en cas de contrôle judiciaire de la décision du ministre, le tribunal ne serait pas en mesure d'examiner les faits de l'affaire puisqu'il devrait se contenter de déterminer si le ministre avait le pouvoir de prendre cette décision. Ce genre de demande ne permet pas d'examiner l'affaire au fond. Est-ce bien exact?
M. David Matas: Tout à fait. C'est l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale qui régit les demandes de contrôle judiciaire. Selon cette disposition, la Cour fédérale peut annuler une décision qui a fait l'objet d'une demande de contrôle judiciaire, si l'auteur de la décision n'avait pas le pouvoir de la prendre, s'il a commis une erreur de droit, s'il n'a pas respecté la justice naturelle, ou si la décision est abusive ou arbitraire ou ne tient pas compte des éléments de preuve présentés.
De sorte que si le ministre a commis une erreur de fait abusive et qu'il est apparent qu'il voulait simplement déporter cette personne même si les faits étaient en sa faveur, le tribunal pourrait intervenir. Mais dans le cas d'une simple erreur de jugement, le tribunal dirait: «Ce n'est pas à nous de nous prononcer sur les faits. Pourvu que le ministre soit convaincu de l'existence de certains faits, la loi l'autorise à prendre cette décision, et ce n'est pas nous qui allons la prendre, parce que la loi ne nous en a pas donné le pouvoir; ce pouvoir appartient au ministre.»
M. Pat Martin: Autrement dit, le ministre a le droit de se tromper.
M. David Matas: Le ministre a le droit de se tromper et c'est d'ailleurs même ce qu'a soutenu le gouvernement.
M. Pat Martin: Il y a un aspect qui a été soulevé à propos du projet de loi C-63, c'est la révocation de la citoyenneté de l'enfant adulte d'un citoyen vivant à l'étranger. Lorsqu'il atteint l'âge de 28 ans, cette personne perd sa citoyenneté si elle n'a pas passé un certain nombre d'années au Canada. Quel serait le statut de cette personne après la révocation de sa citoyenneté? Serait- elle apatride ou aurait-elle droit automatiquement au statut de résident permanent? Cela concerne le cas d'un enfant qui viendrait résider au Canada et qui atteindrait l'âge de 28 ans ici. Qu'est-ce qui arriverait, d'après vous, à cette personne?
M. David Matas: Comme vous pouvez le constater, nous n'avons pas traité cet aspect dans notre mémoire.
Je connais bien les autres modifications de la loi qui ont été proposées parce que je fais également partie de l'exécutif de la section du droit de l'immigration du Barreau du Canada. Cette section a préparé un mémoire; j'en ai lu certaines versions et j'ai pris connaissance des questions qui étaient soulevées. Si vous me le permettez, au lieu d'essayer de vous répondre, je vais laisser ce sujet aux représentants du Barreau du Canada et ils vont vous en parler lorsqu'ils comparaîtront devant le comité et ils le feront beaucoup mieux que moi.
M. Pat Martin: Très bien, parfait.
Le président: Merci, monsieur Martin.
Madame Augustine.
Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Merci, monsieur le président.
Il est toujours intéressant de vous écouter, monsieur Matas.
Je vais vous parler de quelque chose qui me concerne plus directement. Une bonne partie de mes électeurs s'inquiètent vivement de la révocation de la citoyenneté en cas de participation à des crimes de guerre, de crimes contre l'humanité, par exemple.
Pourriez-vous reprendre vos observations initiales au sujet des règles de preuve, de la crédibilité et de la fiabilité du processus?
M. David Matas: Oui, avec plaisir.
Actuellement, il existe plusieurs autorités qui traitent de la même question en utilisant des normes de preuve différentes. Pour ce qui est de l'instance d'immigration, la norme de preuve est la présence de preuves crédibles ou fiables pouvant justifier la décision, crédibles ou fiables pour le juge. Cela évite au juge d'immigration ou à l'arbitre d'avoir à utiliser les règles de preuve judiciaires, qui peuvent parfois soulever des problèmes, dans ce domaine en particulier.
Je vous rappelle l'affaire Pawlowski, qui avait été accusé de crime de guerre au Canada, une affaire pénale qui remonte à l'époque où nous intentions des poursuites. Les personnes qui témoignaient contre lui étaient toutes âgées et elles n'étaient pas en mesure de se rendre au Canada. C'était un procès devant jury. La poursuite a proposé de présenter au jury un enregistrement des témoignages sur ruban magnétoscopique. Cela permettrait le contre- interrogatoire. Les avocats de la défense auraient eu la possibilité d'entendre ces témoignages, d'interroger et de contre- interroger les témoins avec le juge, tout cela sur place; ensuite, les enregistrements auraient été présentés au jury. Le juge a déclaré que cela ne suffisait pas, il fallait que ces personnes témoignent en personne. Il n'a pas autorisé la présentation en preuve de l'enregistrement de ces témoignages.
Les accusations ont été retirées parce que sans ces témoins, la poursuite ne pouvait rien faire. Cette poursuite a été abandonnée à cause de la façon dont les règles de preuve ont été appliquées. S'il avait existé une règle comme celle que nous proposons, cette personne aurait pu être poursuivie. Elle aurait peut-être été acquittée ou condamnée mais au moins ce n'est pas une simple règle de preuve qui aurait mis dès le départ un terme au procès. C'est à ce genre d'affaires que nous pensons.
Bien entendu, ce genre de crimes est très différent des crimes habituels où quelqu'un dévalise une banque et il y a beaucoup de gens dans la rue qui ont vu la scène. Il s'agit plutôt de situations où tous les habitants d'un village ont été tués, ou les documents incriminants ont été brûlés, et où l'on utilise des déclarations faites par des personnes qui sont mortes il y a des années. Bien évidemment, les règles de preuve existent pour fournir aux tribunaux les meilleures preuves possibles, mais parfois il ne reste que des fragments de ces preuves. Je ne dis pas qu'il faut condamner les gens en se fondant uniquement sur ces preuves, mais il faudrait au moins laisser le décideur en prendre connaissance.
Mme Jean Augustine: Comment concilier ces fragments de preuve, le fait d'avoir été un bon citoyen pendant une cinquantaine d'années, le fait d'avoir vécu au Canada sans avoir fait quoi que ce soit qui puisse être appelé criminel, comment concilier tout cela? Je cherche un moyen de parler avec mes électeurs de toute cette question de la crédibilité et de la fiabilité des preuves, du fait d'avoir vécu au Canada pendant x années; ce sont des personnes qui se sont parfois comportées de façon exemplaire dans ce pays et de l'autre côté, il y a des bribes d'information; certaines communautés estiment que le système est très répressif et inéquitable.
M. David Matas: Bien évidemment, je pense qu'il vous faut tenir compte des deux choses. Il faut faire preuve d'impartialité, ce que je me suis forcé de faire, et il faut s'assurer que le système est équitable et que les gens ne sont pas condamnés injustement.
Je ne pense pas toutefois que l'on puisse tenir compte de la conduite lors de l'examen du dossier. Il vous faut apprécier les éléments de preuve pour pouvoir en arriver à une conclusion. Si vous avez conclu que telle personne a commis un crime contre l'humanité, je pense qu'il vous faut bien voir ce que cela représente. Le Canada est une parcelle de l'humanité; il n'est pas coupé de ce qui l'entoure. Un crime contre l'humanité, c'est un crime contre les Canadiens. Ce n'est pas un crime commis à l'encontre de quelqu'un d'autre dont on n'a pas à se préoccuper. Il ne doit pas y avoir d'immunité pour ce genre de crimes. Il ne peut y avoir prescription dans ce cas.
La bonne conduite d'une personne qui a commis un crime horrible peut influer sur la peine prononcée dans un procès pénal. Cette personne pourra se voir infliger une peine moins lourde. Toutefois, elle n'a pas à être prise en compte lorsqu'il s'agit de se prononcer sur l'innocence ou la culpabilité d'une personne. Que cette personne se soit bien conduit par la suite ne change pas le fait qu'elle a commis un acte criminel auparavant. Cela ne fait pas d'un coupable un innocent. Chaque fois que l'on parle de crime contre l'humanité, ce qui est fondamental c'est qu'il n'y a pas d'immunité, pas de prescription pour ce genre de crimes et que l'on ne peut pas les pardonner. Ils peuvent être pardonnés au moment du prononcé de la peine mais... Disons que «pardonner» n'est pas le bon mot; on ne peut pas les oublier. On ne peut pas oublier ce genre de crimes sous le seul prétexte que les intéressés se comportent bien par la suite.
Le président: Merci, monsieur Matas.
Monsieur Benoit.
M. Leon Benoit: Je n'ai en fait pas d'autres questions à poser.
Le président: Je vais donc donner la parole à Mme Leung.
Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je tiens tout d'abord à faire observer, monsieur Matas, que votre organisation est renommée et qu'elle fait un magnifique travail.
Ma question ne se rapporte pas à l'immigration au sens strict. Si vous en jugez par votre expérience, est-ce qu'il y a eu une diminution ou une augmentation de la discrimination raciale au cours des 10 dernières années? Je suis originaire de Vancouver, où votre groupement fait un excellent travail, mais il y a toujours bien des problèmes sous-jacents et des incidents qui continuent à se produire.
M. David Matas: Si vous me le permettez, je vais demander à Rubin de vous répondre sur ce point, parce qu'il travaille en collaboration avec B'nai Brith.
Mme Sophia Leung: Allez-y.
Le président: Monsieur Friedman.
M. Rubin Friedman: Tout ce que nous pouvons dire, c'est que l'environnement dans lequel nous opérons change constamment et de plus en plus. Nous nous réunissons aujourd'hui au sujet du traitement devant être accordé aux criminels de guerre éventuels. Au même moment, on est en train de bombarder le Kosovo en Yougoslavie en raison des agissements de l'État serbe au Kosovo. Les deux choses se produisent en même temps. Il est probable que nous allons accueillir au cours des prochaines années des gens qui fuient le lieu des combats. L'arrivée de criminels n'est donc pas prêt de s'interrompre.
• 1005
Pour ce qui est de la situation canadienne, il nous faut bien
comprendre que tout ce qui se passe désormais dans le monde se sait
immédiatement au Canada, ce qui n'était pas aussi vrai il y a dix
ans. Chacun des groupes qui a des raisons de détester une certaine
minorité peut faire passer son message sur Internet. L'information
sur Internet nous est transmise instantanément au Canada. Des
rumeurs selon lesquelles Monica Lewinsky était un agent du Mossad
ont été imprimées dans un journal arabe du Caire et, en quelques
jours, tout le monde en parlait ici à Ottawa.
Nous devons comprendre que lorsque nous parlons par exemple de crimes contre l'humanité ou de la haine au Canada, les choses sont intimement liées. Nous ne pouvons pas nous isoler et constituer un îlot nord-américain complètement séparé du reste du monde. Tout ce qui se passe ailleurs dans le monde va se répercuter chez nous. Ce qui se passe chez nous va se répercuter dans le reste du monde.
Le président: Avez-vous d'autres questions à poser, madame Leung?
Mme Sophia Leung: Non, c'est tout.
Le président: Vous voulez ajouter quelque chose à votre commentaire?
M. Rubin Friedman: Oui, une petite chose.
Il n'y a donc pas nécessairement une recrudescence des pensées racistes, mais il est certain que les gens ont de plus en plus la possibilité d'exprimer des sentiments négatifs et de dire ou de faire éventuellement quelque chose de peu recommandable parce que, je le répète, tout ce qui se passe se répercute ici, au Canada.
Je suis donc inquiet pour l'avenir de ce point de vue et c'est pourquoi il nous faut au Canada insister continuellement sur la nécessité de lutter contre la haine et de nous assurer que le débat public ne tombe pas au niveau que l'on a pu voir et qui a mené à d'horribles crimes ailleurs dans le monde.
Le président: Je vous remercie.
Une dernière question, très rapidement, monsieur Telegdi.
M. Andrew Telegdi: Monsieur Friedman, pour reprendre ce qui a été dit tout à l'heure, que pourra faire notre pays s'il accueille par exemple des ressortissants de l'ancienne Yougoslavie, où il y a trois communautés distinctes qui ont des griefs historiques... chaque point de vue étant j'imagine justifié selon le moment où on se place dans l'histoire. Une fois que ces ressortissants se retrouveront au Canada, que va pouvoir faire notre pays pour qu'ils changent leur comportement et pour leur faire savoir que ce genre d'activité est inacceptable chez nous? C'est la première chose.
Le président: Excusez-moi, monsieur Telegdi, mais j'aimerais que vous m'expliquiez en quoi votre question se rapporte au projet de loi sur la citoyenneté.
M. Andrew Telegdi: Bien sûr. Comment des gens qui nous arrivent de pays dans lesquels ils luttent constamment contre d'autres factions vont pouvoir devenir soudainement chez nous de bons citoyens?
Le président: Vous pouvez répondre, monsieur Friedman.
M. Rubin Friedman: Je pense qu'il nous faut mettre l'accent sur notre démocratie, ses institutions et le respect qui est traditionnel dans nos débats publics. Nous devons insister sur cette caractéristique, en imposer le respect et la faire respecter par tous.
M. David Matas: Je dirais qu'effectivement cela se rapporte tout à fait à cette législation parce que je considère que dans celle-ci et dans d'autres il nous faut insister sur les valeurs qui ont tellement manqué dans ces autres pays: que nous n'acceptons pas les discours de haine, les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité. Notre réponse, ce ne doit pas être le cercle vicieux des crimes revanchards ou des discours haineux; notre réponse doit être fondée sur la justice: dire que notre droit ne permet pas d'agir ainsi, que l'on a droit à un juste procès, que l'on pourra présenter tous les éléments de preuve nécessaires, qu'il y aura une possibilité d'appel et qu'en cas d'échec la personne concernée perdra sa citoyenneté, sera expulsée ou envoyée en prison, selon la loi qui s'applique.
Le président: Monsieur Matas, est-ce que tout cela fait partie de ce que l'on appelle les valeurs démocratiques?
M. David Matas: Sans aucun doute. La règle de droit fait partie des valeurs démocratiques.
M. Andrew Telegdi: Monsieur le président, nous en avons eu un exemple récemment lorsque des gens sont venus manifester avec des griefs très légitimes. Toutefois, ce qui a gêné à mon avis bien des gens au Canada, c'est le fait qu'ils étaient prêts à transgresser les règles du droit pour se faire entendre.
• 1010
Il est évident qu'à partir du moment où notre pays est un
refuge pour des gens qui nous viennent de régions du monde en proie
aux dissensions, il nous faut alors d'une façon ou d'une autre
faire bien comprendre à la population canadienne que chez nous ces
activités ne sont pas acceptables parce que sinon le Canada serait
placé dans une bien mauvaise posture étant donné les nombreux
clivages que comporte notre pays.
M. David Matas: C'est donc pourquoi je considère en fait qu'il est si important que la loi soit bien appliquée dans ce domaine particulier afin que les gens sachent que c'est un moyen de recours et de réparation et que lorsqu'ils sont en face d'un criminel de guerre comme, par exemple... Je pense que vous avez mentionné les Kurdes. Si les Kurdes constatent la présence au Canada d'un Turc coupable d'un crime de guerre, ils peuvent s'adresser aux tribunaux et ces derniers agiront en conséquence. Ils n'ont pas le sentiment d'avoir à recourir à des moyens extérieurs à la justice.
M. Andrew Telegdi: Monsieur Matas, je ne pense pas qu'ils avaient...
Le président: Monsieur Telegdi, si vous me permettez... Nous avons déjà dépassé le temps qui nous était imparti. Il ne nous reste que 45 minutes pour le prochain témoin. Je pense qu'il nous faut terminer ici nos questions.
M. Andrew Telegdi: Si vous me permettez de terminer, je ne parlais pas nécessairement des gens qui sont mis en présence d'un criminel de guerre. Je parle de quelqu'un qui est en colère en raison de ce qui s'est passé ailleurs et qui veut témoigner de sa colère.
M. Rubin Friedman: Très rapidement...
Le président: Je suis désolé, monsieur Friedman.
M. Rubin Friedman: Bon, très bien.
Le président: J'aimerais en finir ici, parce que nous avons un autre témoin qui nous attend.
M. Rubin Friedman: Faites, je vous en prie.
Le président: J'ai deux questions à vous poser. Je vous pose la question et vous pourrez peut-être par la suite faire parvenir votre réponse au comité.
À titre de précision, lorsqu'on parle de «crimes contre l'humanité» ou de «crimes de guerre», veut-on dire par là qu'une fois l'accusé reconnu coupable de ces infractions, il est passible d'une révocation, ou que de simples poursuites au titre de ces infractions suffisent à justifier une révocation? En fait, monsieur Matas, vous pourriez peut-être me répondre rapidement par oui ou par non à cette question.
M. David Matas: Les deux sont possibles. En cas de condamnation, la révocation sera automatique sans autre forme de procès. S'il n'y a pas de condamnation, on ne pourra procéder qu'en matière de citoyenneté.
Le président: Je vous remercie.
Nous vous remercions tous les deux de votre exposé. Nous aurions aimé pouvoir disposer de plus de temps, mais nous sommes tenus par les impératifs de l'horaire. Au nom du comité, je vous remercie tous les deux.
M. Rubin Friedman: Merci.
M. David Matas: Merci.
Le président: Si vous avez d'autres documents à nous faire parvenir, le comité sera heureux d'en prendre connaissance.
M. David Matas: Nous n'y manquerons pas. Je vous remercie.
Le président: Nous accueillons maintenant M. Aimers, de la Ligue monarchiste du Canada. Il est président du bureau du dominion.
Monsieur Aimers, vous pouvez passer à votre exposé.
M. John Aimers (président, Bureau du dominion, Ligue monarchiste du Canada): Merci, monsieur le président.
Je suis heureux de la possibilité qui m'est offerte aujourd'hui de comparaître devant votre comité au nom des 18 000 membres de la Ligue monarchiste du Canada et de nombreux Canadiens qui ont la ferme conviction que la monarchie est l'une des institutions fondamentales du Canada.
Le président: Excusez-moi. Un petit instant.
Mme Jean Augustine: Nous ne voudrions pas que M. Ménard manque le moindre de vos propos.
M. Réal Ménard: Madame Augustine, vous avez raison. Vous connaissez mon ouverture d'esprit.
Mme Jean Augustine: Oui, bien sûr.
M. Réal Ménard: Et j'aimerais occuper une plus grande place dans votre vie.
Mme Jean Augustine: En effet.
Le président: Monsieur Aimers, vous pouvez poursuivre.
M. John Aimers: Bien. Je disais que je me félicite de la possibilité qui m'est offerte de comparaître devant votre comité au nom de la Ligue monarchiste du Canada et de tous ceux qui sont convaincus du rôle que joue la monarchie au sein des institutions démocratiques de notre pays.
La documentation remise aux députés et au public au sujet du nouveau serment de citoyenneté laisse entendre que le nouveau serment qui est proposé est une version modernisée qui reflète mieux les valeurs des Canadiens.
Nous avons un certain nombre de préoccupations. On nous a fait savoir que nous avions gagné la principale bataille et que puisque la Reine restait mentionnée dans le serment de citoyenneté, pourquoi vouloir aller plus loin? Nous sommes convaincus cependant que ce nouveau serment comporte certaines formules sur lesquelles nous voulons attirer l'attention du comité, à commencer peut-être par le fait qu'il ne s'agit pas ici d'un serment, comme on le connaissait au Canada, mais d'un engagement.
• 1015
Il me semble que les membres du comité devraient se poser la
question, à laquelle je n'ai pas réussi à avoir une réponse, de
savoir pour quelle raison nous adoptions une nomenclature
américaine en nous «engageant» désormais à faire preuve de fidélité
et d'allégeance plutôt que de jurer ou d'affirmer cette fidélité
conformément à ce que dictent les principes religieux de chacun. Au
minimum, il me semble que d'une certaine manière nous rabaissons
implicitement l'importance de ce moment qui doit amener nos
nouveaux concitoyens à se joindre à notre grande famille sous la
protection de la monarchie canadienne, qui est en fait le symbole
de l'État canadien.
Nous considérons aussi de manière générale que l'ancien serment avait un sens juridique précis et qu'il était formulé comme il se doit au futur. Toute personne comparaissant devant un juge de la citoyenneté, tel était alors son titre, déclarait qu'elle assumerait certaines responsabilités, de même que les députés, les jurés, les témoins et d'autres personnes prêtent serment et proclament au futur leur intention de faire quelque chose. La formulation au présent du nouveau serment nous apparaît quelque peu étrange. C'est peut-être juste une question de grammaire. De manière générale, il nous apparaît néanmoins que la formulation vaguement fraternelle du nouveau serment reflète peut-être les valeurs d'aujourd'hui, mais ne lui confère pas nécessairement un sens précis et compris par tous. Voilà quelques-uns des points que je voudrais évoquer très brièvement ce matin.
Il y a évidemment une première préoccupation. Certains de nos membres les plus intransigeants nous disent que l'on a fait passer la Reine au second plan. Pour ma part, je m'inquiète moins de la place qu'occupe implicitement la Reine par rapport au Canada. Le nouveau serment qui est proposé est formulé ainsi: «Je promets fidélité et allégeance au Canada et à Sa Majesté...», ce qui laisse entendre que ce sont là des éléments séparés et distincts. Nous avons fait savoir au comité qu'il y aurait une formulation bien plus conforme à la réalité constitutionnelle du Canada... que l'on cherche ou non à imposer un changement dans la réalité, que l'on y soit favorable ou non, la question n'est pas là. D'ailleurs, la ministre a déclaré qu'elle ne voulait pas que l'on prenne prétexte de ce projet de loi pour débattre du rôle de la monarchie, débat qu'elle juge prématuré, si je comprends bien.
Toutefois, il n'y a aucune distinction en droit, dans notre constitution, entre la Reine et le Canada. La Reine est l'émanation—la Couronne est l'émanation de l'État canadien. Laisser entendre que le Canada et la Reine sont des éléments distincts sur le menu qui vous est proposé me fait penser à un canadianisme à la carte au sein duquel chacun peut choisir les éléments de la citoyenneté, de notre constitution ou de notre droit qui lui conviennent.
Nous considérons que si l'on ajoutait ces simples mots «et donc» on éliminerait facilement toute confusion, réelle ou implicite. Nous souhaiterions bien évidemment que la formule soit: «fidélité et allégeance à Sa Majesté, et donc au Canada». Mais on peut tout aussi bien justifier la formule: «au Canada, et donc à Sa Majesté.» Je ne suis absolument pas intransigeant sur ce point en particulier. Il m'apparaît cependant qu'il faut que le lien soit bien clair et que l'on ne doit pas faire une distinction implicite entre les deux dans la mesure où nous sommes une monarchie constitutionnelle. Il y a là une relation de cause à effet.
En second lieu, que signifie fidélité et allégeance au Canada, se demande-t-on? Je pense que tout le monde dans cette pièce, et j'imagine presque tout le monde qui au Canada croit en ce pays va se dire fidèle ou affectivement lié au Canada. Je dirais que même dans cette pièce, notre interprétation de ce qu'est le Canada diverge considérablement. Chacun d'entre nous a sa propre conception du Canada.
Je n'ai pas besoin d'apprendre aux membres du comité que lorsque la formulation législative est imprécise, il y a un risque de dérapage, de malentendu, la possibilité, même si elle est ténue dans ce cas, que les tribunaux soient appelés à interpréter une formulation jugée insuffisamment précise telle qu'elle a été donnée par le Parlement. C'est pour moi un danger, surtout dans un serment qui doit être très clair et qui est l'aboutissement d'un processus de formation et d'assimilation au sein de la grande famille canadienne, et que chacun de nos concitoyens doit être en mesure de prononcer, non seulement avec fierté, mais en lui donnant une signification précise.
• 1020
Le terme «Canada» a toutes sortes de significations dans notre
pays si l'on prête ce serment, ou sinon cela signifie que tout le
monde prête ce serment en faisant la réserve mentale suivante; «Je
considère que le Canada englobe tout le monde et toute chose dans
ce pays, sauf certaines choses que je méprise, avec lesquelles je
ne suis pas d'accord ou que je juge indignes du Canada». Voilà qui
ne se prête pas à une signification précise et comprise par tous.
Troisièmement, on agite un chiffon rouge en abandonnant dans le serment actuel de citoyenneté la formulation «ses héritiers et successeurs». Le gouvernement nous a dit, lors de ses séances d'information, que cela n'avait aucune conséquence légale et que la fidélité envers la souveraine, que Dieu lui prête vie, se transmettra automatiquement à Charles et à William lorsque viendra leur tour. C'est peut-être vrai en droit, mais le fait d'abandonner purement et simplement une formulation qui se trouvait dans l'ancien serment de citoyenneté et qui ne se retrouve plus dans le nouveau laisse entendre aux simples citoyens que l'on cherche quelque excuse et que ceux qui ont conçu ce serment ont quelques doutes sur le fait qu'il y aura des héritiers et des successeurs.
Si la ministre ne veut pas engager le débat sur la monarchie en se référant à ce point particulier, il me paraît clair, en vertu de notre tradition et de notre réalité constitutionnelle, la reine est morte, vive le roi, qu'il nous faut prendre acte de cette continuité en reprenant la formulation «héritiers et successeurs» dans le nouveau serment, ou engagement.
Quatrièmement, il y a la question de la nomenclature, qui va interpeller, je l'espèce, tous les membres, qu'ils soient monarchistes, républicains ou indifférents. La formulation du serment proposé: «Sa Majesté Elizabeth Deux, Reine du Canada» est tout simplement une nouveauté pour quiconque traite quotidiennement des questions de la Couronne. On parle de Sa Majesté la Reine, de Sa Majesté la Reine Elizabeth II, Reine du Canada; d'Elizabeth II, Reine du Canada; mais cette formulation: «Sa Majesté Elizabeth Deux, Reine du Canada» est tout simplement sur le plan stylistique et protocolaire une nouveauté.
Lorsque j'ai posé la question au ministère, on m'a répondu que la formulation avait été approuvée par certains responsables de Rideau Hall, je crois. Je n'ai pas réussi à trouver quelqu'un pour me dire qu'il l'avait entérinée. Il est possible que ce soit un malentendu. J'espère que votre comité réussira à éclaircir la chose. Nous avons proposé une formulation différente. S'il faut vraiment éviter de répéter deux fois le terme «Reine» dans le serment—et je comprends que les rédacteurs ont voulu que ce nouveau serment reste court—pourquoi ne pas dire tout simplement «Elizabeth II, Reine du Canada»? C'est une formulation bien plus actuelle du titre de la souveraine.
Cinquièmement, il y a un sujet de préoccupation concernant le respect des droits et des libertés de notre pays et la défense des valeurs démocratiques. Je pense que c'est vous, monsieur le président, qui avez demandé au dernier témoin s'il considérait que la règle de droit et certaines autres considérations étaient englobées dans l'expression «valeurs démocratiques». Là encore je vous répète que dans cette salle et bien évidemment dans l'ensemble du pays, nombre de Canadiens interprètent différemment les valeurs démocratiques. La liste très restrictive qui figure dans la Charte n'englobe certainement pas l'ensemble des valeurs démocratiques telles que nous les comprenons. Là encore, cela nous ramène à la question de la précision du sens: les serments doivent avoir un sens précis et déboucher sur des conséquences précises lorsqu'on ne les respecte pas.
Ainsi, l'une des valeurs démocratiques définies dans la Charte est la durée de la législature. Certes, c'est une question importante, mais elle n'est certainement au coeur de ce qui constitue pour nous la règle de droit, comme vous l'avez indiqué, monsieur le président, et les autres composantes de ce que nous considérons tous comme étant les valeurs démocratiques. Au moment où nos tribunaux sont naturellement amenés, en vertu de la Charte—je parle de dire le droit dans mon mémoire mais d'aucuns diront de faire le droit—à s'impliquer bien davantage dans l'opération qui consiste à dire le droit, à le modifier et à établir les règles de droit, il est particulièrement important de ne pas laisser entendre que nos concitoyens, pas plus que nous, ne sont tenus d'appuyer ou de défendre toutes les valeurs que les tribunaux peuvent avoir dégagées en interprétant des lois controversées.
• 1025
Les proclamations, en vertu desquelles les lois que le
Parlement adopte entrent en vigueur, exigent que notre population
respectueuse des lois en prenne acte et agisse en conséquence.
Autrement dit, nul n'est censé ignorer la loi—ce n'est pas un
moyen de défense—et chacun doit lui obéir. Toutefois, la notion
selon laquelle il convient d'appuyer une loi donnée, qui après tout
n'est souvent que l'aboutissement d'une procédure controversée et
hautement politique et peut être modifiée ou abrogée par la suite
par ce même Parlement ou au terme d'une autre législature, ne plaît
pas beaucoup à nombre de ceux qui ont pris connaissance du nouveau
serment proposé.
Enfin, toutes les questions que j'ai portées à votre attention dans ce court exposé ainsi que dans le mémoire que je vous ai distribué n'auront probablement pas une très grande importance ni une véritable signification si la nouvelle loi et si ce nouveau serment ne s'accompagnent pas d'une éducation du public. Voilà longtemps que nous considérons que le grand problème dans notre pays, qu'il s'agisse de la monarchie ou de l'une quelconque de nos institutions fondamentales, c'est l'immense désintéressement des Canadiens, qu'ils soient immigrants récents ou qu'ils vivent ici depuis des générations, vis-à-vis de nos institutions fondamentales et de ce que l'on a pu appeler l'esprit civique.
Nous avons fait savoir au ministère—et il y aura peut-être ici des députés pour reprendre à leur compte cette demande présentée à la ministre au cas où l'idée leur paraîtrait bonne—qu'il y avait de nombreux bénévoles au sein des associations loyalistes et je suis sûr dans bien d'autres composantes de la famille canadienne, qui considéreraient comme un honneur de se mettre au service du Canada en suivant une formation d'éducateurs bénévoles au profit de leurs futurs concitoyens canadiens pour s'assurer qu'au minimum tous nos nouveaux citoyens sachent bien comment le Canada se gouverne—sans faire de la propagande, juste des faits—comment fonctionne notre gouvernement et pour quelle raison nous jouissons de cette liberté et de cette prospérité en fonction de la règle de droit.
On a vaguement laissé entendre que les nouveaux commissaires pourraient éventuellement jouer une partie de ce rôle au sein de la collectivité mais il n'en reste pas moins que rien n'indique précisément dans la loi qu'ils seront les éducateurs de nos nouveaux concitoyens.
Le président: Je propose que l'on en finisse ici avec les exposés et que l'on passe aux questions de M. Benoit.
M. Leon Benoit: Merci, monsieur le président.
Bonjour, monsieur Aimers.
M. John Aimers: Bonjour.
M. Leon Benoit: Vous semblez vous inquiéter beaucoup au sujet du serment. Je me demande si vous avez pris part à la procédure de consultation organisée par la ministre lors de l'élaboration de ce serment.
M. John Aimers: Oui, effectivement, monsieur Benoit.
M. Leon Benoit: Quand avez-vous pris part à la procédure?
M. John Aimers: Tout au long des dix dernières années, depuis que David Crombie a été nommé ministre et que l'on a commencé à parler d'abandonner la référence à la Reine dans le serment, nous faisons régulièrement des interventions auprès du ministère, des ministres successifs, des députés et du public sur cette question.
En août, les fonctionnaires du ministère nous ont informés de l'éventuel contenu du projet de loi. Nous avons eu la possibilité à ce moment-là d'intervenir. Par la suite, j'ai fait parvenir un compte rendu de notre position à la ministre.
M. Leon Benoit: Avez-vous pris connaissance d'une première rédaction du serment en août?
M. John Aimers: Ce n'était pas une première rédaction du serment, mais une ébauche des idées de la ministre.
M. Leon Benoit: Vous avez donc pu faire part de vos préoccupations avant la rédaction du serment. Avez-vous contacté la ministre par lettre ou de toute autre manière avant cette date afin de lui faire connaître votre point de vue au sujet du serment? En août, est-ce qu'un responsable du ministère est venu vous dire: «Nous envisageons d'aller dans ce sens. Qu'en dites-vous?»
M. John Aimers: Tout ce qui était sûr pour nous en août c'est que la ministre avait décidé de conserver la mention de la Reine dans le serment. Le responsable nous a dit qu'elle jugeait la question du serment si importante qu'elle se chargeait elle-même de le rédiger en compagnie d'un ou deux fonctionnaires seulement. C'est tout ce qu'il a pu nous dire sur ce point précis, qui bien évidemment est au coeur de nos préoccupations concernant cette législation.
M. Leon Benoit: Le ministère vous a dit que la ministre jugeait la question si importante qu'elle rédigeait elle-même le serment.
M. John Aimers: Effectivement.
M. Leon Benoit: Il n'y a donc pas eu de mécanisme de consultation publique menant à la rédaction de ce serment. Il n'y a pas eu de réunions publiques. La population canadienne n'a pas été ouvertement invitée à faire part de ses idées à la ministre au sujet de ce serment.
M. John Aimers: Je ne pense pas que ce soit tout à fait exact. Immédiatement après son assermentation en tant que ministre, la ministre a déclaré à Rideau Hall qu'elle se demandait s'il fallait conserver la mention de la Reine dans le serment. Par la suite, des discussions se sont instaurées. Le ministère a déclaré que de nouveaux serments étaient envisagés. Il a d'ailleurs rendu public deux ou trois propositions qui avaient été faites. Je pense que l'une d'entre elles provenait du fameux groupe de poètes qui s'était retiré quelque part en Colombie-Britannique et qui avait composé un serment très poétique. Le résultat de ces efforts devait faire l'objet à ce moment-là d'un préambule à la législation, mais la question a été abandonnée par la suite.
M. Leon Benoit: Quel a été le mécanisme de consultation publique instauré?
M. John Aimers: À ce moment-là, lorsque le ministère a rendu publics un certain nombre de ces projets de serment, la ministre ou ses fonctionnaires ont déclaré qu'ils seraient heureux de recevoir d'autres propositions des Canadiens. On en a d'ailleurs assez parlé dans la presse. Je me souviens qu'à l'époque l'Ottawa Citizen a demandé à différentes organisations, dont la nôtre, de faire part de leurs idées. De ce point de vue, il y a eu une certaine consultation au sujet de ce serment.
M. Leon Benoit: C'est donc passé par les médias. C'était quand? En août?
M. John Aimers: Non, je dirais que c'était l'année avant le dépôt de la législation, on a donc probablement commencé en décembre 1997.
M. Leon Benoit: Bien, je vous remercie.
Le président: Monsieur Ménard.
[Français]
M. Réal Ménard: Si je disais que j'adhère totalement au symbole qui sous-tend vos recommandations, je serais évidemment assez loin de la vérité. Je suis d'accord pour dire qu'un serment est important et que les symboles le sont davantage dans la promotion du type de société dans lequel on veut vivre.
Pourquoi croyez-vous qu'il faut faire explicitement allusion à Sa Majesté la reine Élizabeth II? Quelle en est la raison fondamentale? Vous êtes un militant. La Ligue monarchiste a des membres et vous vous donnez la peine de comparaître devant nous ce matin. Vous y croyez donc beaucoup et j'aimerais que vous nous fassiez part de vos convictions quant à la nécessité de faire allusion à Élizabeth II. Vous êtes le deuxième monarchiste que je rencontre dans ma vie; j'ai rencontré le premier alors que j'avais 18 ans et j'en ai maintenant 36. J'en rencontre un à tous les 18 ans.
[Traduction]
Mme Jean Augustine: Vous êtes pourtant avec moi tout le temps.
M. John Aimers: Monsieur Ménard, je vais essayer de vous répondre brièvement.
Je pense qu'il y a une raison pour laquelle la population canadienne tient tant à sa monarchie et dans tous ses serments jure fidélité à Sa Majesté la Reine. La Reine est le symbole vivant et la personnification du régime de gouvernement ayant présidé à la création du Canada, régime qui garantit l'application de la règle du droit qui fait que vous et moi sommes tous deux égaux dans cette chambre et avons tous les deux le droit de parler librement et d'être entendus; qui a toujours garanti les droits des minorités du Canada, l'impartialité, l'équité et la justice; qui nous rend bien distinct des États-Unis et qui donne une autre justification à notre nation; qui couronne notre système en montrant à chacun qu'il est important, même au sein d'une société très impersonnelle parce que notre fidélité va en fin de compte à une autre personne, un autre être humain, et non pas à un symbole ou à une abstraction; enfin et surtout, qui refuse le pouvoir ultime à ceux qui aimeraient bien le posséder.
La Reine représente un palier d'autorité neutre, indifférent—au bon sens du terme—qui nous permet de nous diviser sur les questions du jour dont vous débattez vigoureusement, vous et vos collègues, tout en symbolisant et en garantissant à un autre niveau tout ce qui dans notre pays est immuable et ne change pas même lorsqu'on élit un autre gouvernement ou lorsque différents ministres adoptent des politiques différentes. Voilà en gros de quoi il s'agit.
[Français]
M. Réal Ménard: Je comprends la continuité qui est incarnée dans le système monarchique. Je comprends moins bien la référence que vous faites à la démocratie. Vous savez que la reine n'est jamais venue à la Chambre des communes. Elle va au Sénat mais non à la Chambre des communes. Pourriez-vous me donner des éléments qui me permettraient de comprendre comment la Reine pourrait, dans un éventuel serment d'allégeance, symboliser une référence démocratique? Historiquement, on m'a dit que l'établissement du Parlement à Westminster avait été un don d'une abbaye et que c'est ce qu'il représente dans le monde occidental.
Récemment, j'ai invité Daniel Latouche, un professeur à l'Université McGill, à venir parler de la démocratie devant notre caucus. Il nous a expliqué que la raison de la gauche, de la droite, d'un président, etc. faisait appel à des références religieuses venant de Westminster. Mais j'avoue ne pas bien comprendre comment la reine peut symboliser la démocratie. Je comprends qu'elle symbolise la continuité, le respect et l'allégeance de la nation envers une personne, mais il faudrait que vous m'expliquiez davantage comment elle peut symboliser la démocratie dans un serment comme celui que propose la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration.
M. John Aimers: Monsieur Ménard, je pense que la meilleure façon de vous répondre est de dire que la démocratie n'est pas infaillible, de même que toutes les institutions humaines, n'est-ce pas? Elle s'appuie sur des hommes et des femmes qui ne sont pas infaillibles, qui font de leur mieux et qui parfois manquent d'honneur, de convictions ou de détermination tout en possédant tous les défauts et toutes les faiblesses humaines que nous avons tous. La Couronne garantit ou contribue à garantir la démocratie au Canada—comme dans les autres royaumes de la souveraine—en faisant en sorte qu'il y ait un niveau d'autorité distinct qui n'ait aucune visée en soi, contrairement à ce que font inévitablement les politiciens. Voilà ce que j'ai fait pour vous et j'espère que vous voterez pour moi, c'est le côté partisan et politique, si vous voulez, de nos institutions démocratiques au Canada.
La Couronne représente ce qui ne change pas ou ce qui, nous l'espérons, ne changera jamais, le respect de la règle de droit figurant parmi les grands principes de même que la souveraineté nationale et d'ailleurs la souveraineté provinciale. En refusant le pouvoir ultime à ceux qui aimeraient s'en emparer, elle garantit qu'un dictateur d'opérette ne pourra jamais faire ses quatre volontés ici au Canada, parce que nous disposons de la Couronne pour empêcher que cela se produise. Bien sûr, nous n'envisageons pas ce genre de choses au Canada, mais c'est la grande force de la Couronne d'exclure cette possibilité, qui est bien présente dans bien d'autres nations du globe.
Sur le plan de la souveraineté, c'est après tout votre propre M. Lévesque, le premier ministre du Québec de l'époque, qui s'est joint à ses neuf homologues provinciaux en 1978 pour rejeter le projet de loi C-60 de M. Trudeau, qui aurait émasculé la monarchie. C'est M. Lévesque qui a déclaré que tout système fédéral avait besoin d'un arbitre neutre. Au Canada, c'est la Couronne. Lisez l'ouvrage fascinant de David Smith The Invisible Crown, et vous verrez que cet arbitrage était à mon avis au coeur du raisonnement de M. Lévesque lorsqu'il a jugé bon d'appuyer la monarchie en 1978.
[Français]
M. Réal Ménard: Vos propos sur M. Lévesque me réconcilient un peu avec la monarchie. Vous croyez donc, et je le dis sans dérision, à la supériorité d'un système monarchique. Si un éventuel Québec souverain devenait une monarchie, est-ce que l'idée de la souveraineté vous serait plus acceptable?
[Traduction]
M. John Aimers: Monsieur Ménard, j'espère que le peuple québécois continuera pendant longtemps à vivre au Canada, la Couronne du Québec et celle du Canada garantissant la place particulière et en fait la réalité de la nation francophone au Canada, en évitant qu'elle devienne une curiosité folklorique perdue au sein d'une immense nation et d'une économie continentale, comme cela s'est passé pour la Louisiane.
[Français]
M. Réal Ménard: Si Sa Majesté la reine Elizabeth II était présente, elle dirait que vous ne répondez pas à ma question.
M. John Aimers: Si Sa Majesté était ici, monsieur, elle dirait que c'est une question hypothétique à laquelle elle ne peut pas répondre.
[Traduction]
Le président: J'ai du mal à voir ici où est la pertinence. Quoi qu'il en soit, tant que le dernier mot n'a pas été dit, je ne peux en juger.
Avez-vous terminé, monsieur Ménard?
[Français]
M. Réal Ménard: Oui.
[Traduction]
Le président: Madame Sophia Leung.
Mme Sophia Leung: Merci, monsieur le président.
J'ai bien aimé votre exposé.
Nous savons tous que les néo-Canadiens arrivent ici avec leurs traditions et leurs croyances culturelles de sorte qu'il leur faut éventuellement du temps et des efforts pour pleinement accepter toute notion nouvelle telle que le symbole de la monarchie. Avez- vous des propositions précises à nous faire pour qu'ils comprennent mieux cette notion de monarchie ou même pour les inciter à l'accepter?
M. John Aimers: Madame Leung, je pense qu'il ressort de notre mémoire et de mon exposé ici que la meilleure façon d'insuffler ce que l'on peut appeler un esprit civique, qui nous rende fiers de notre nation et de tout ce qui la compose, des institutions de notre nation, serait de faire en sorte que les futurs concitoyens des néo-Canadiens s'engagent à faire de l'éducation civique. Il faut s'organiser pour tirer parti des associations loyalistes et des autres groupements de bénévoles. Il faut exiger que les néo- Canadiens suivent un cours d'éducation civique d'une certaine durée pendant l'année qui suit leur prestation de serment lorsqu'ils se joignent à notre famille nationale. Ce serait, disons, un cours qui les familiariserait avec la Couronne, le Parlement, le système judiciaire, les grands fondements, les éléments essentiels de la façon de se gouverner au Canada. Une fois qu'ils se seraient joints à notre famille nationale et qu'ils disposeraient de cette information de base, ils seraient libres alors de se prononcer comme ils le veulent sur la valeur de ces symboles et de ces éléments de notre Constitution.
• 1040
Trop souvent, les gens s'informent aujourd'hui au sujet de
toutes sortes d'institutions par l'intermédiaire des rumeurs, des
sous-entendus et des commérages, des dernières nouvelles données à
la télévision américaine ou de l'Internet. Je pense que le plus
utile serait que le ministère et le Parlement rendent obligatoire
cette étape de formation. Ils n'auraient pas besoin pour cela de
créer une nouvelle administration lourde et onéreuse. Il suffirait
de faire appel aux talents et à la volonté des personnes ayant déjà
la citoyenneté canadienne, qui rendraient une partie de ce qu'elles
doivent à notre pays en contribuant à éduquer leurs nouveaux
concitoyens.
Mme Sophia Leung: Êtes-vous prêt à prendre part bénévolement à cette tâche?
M. John Aimers: Sans hésitation.
Mme Sophia Leung: L'avez-vous déjà fait auparavant?
M. John Aimers: Pour le moment, nous ne sommes pas impliqués. Nous faisons porter nos efforts d'éducation sur les jeunes dans les écoles, par l'intermédiaire d'un programme de boîtes rouges calquées sur les tribunes rouges de la Reine, que je pourrais vous décrire à un moment donné. Toutefois, nous ne sommes pas directement impliqués pour l'instant auprès des tribunaux de la citoyenneté.
Mme Sophia Leung: Juste une dernière question. Au sujet du serment, je pense qu'il y a eu d'autres propositions depuis le couronnement de la Reine Elizabeth II. Il se peut qu'il y ait aussi d'autres successeurs à l'avenir. La proposition consiste à ajouter éventuellement le nom de ces successeurs à son nom. Est-ce que ça vous paraît acceptable?
M. John Aimers: Nous avons des idées bien arrêtées à ce sujet, madame Leung. Tout le principe de la monarchie est fondé sur la continuité. En retirant ces mots, on laisse planer un certain doute sur cette continuité. Si les rédacteurs de ce serment nous disent que l'on agit ainsi parce que le Canada est une monarchie, il est indéniable que nous devrions exprimer cette notion de continuité dans un serment.
Le président: Merci, madame Leung.
À la suite de cette discussion, la présidence aimerait vous poser très rapidement une ou deux questions. Si le comité était d'accord pour ne rien changer au serment tel qu'il a été rédigé, souhaiteriez-vous qu'on le retire ou est-ce que votre deuxième choix serait qu'on l'adopte en l'état?
M. John Aimers: Si je vous comprends bien, monsieur le président, voulez-vous dire par là qu'il faudrait conserver le serment actuel, tel qu'il existe aujourd'hui?
Le président: Non, celui qui est rédigé dans le projet de loi.
M. John Aimers: S'il fallait choisir entre le serment actuel et le nouveau serment?
Le président: Non, entre le serment tel qu'il a été rédigé et pas de serment du tout.
M. John Aimers: Nous considérons qu'il faut qu'il y ait un serment. Il s'agit ici d'une demi-mesure. Il faut qu'il y ait une cérémonie officielle à la fin de cette période de formation des nouveaux citoyens.
Le président: Non, je tiens à ce que cela soit précisé. On me dit que de nombreux pays, l'Allemagne, la France, la Suisse, la Belgique et le Mexique, par exemple, n'exigent pas que leurs niveaux citoyens prêtent serment. Je tenais à ce que cela vous soit dit bien clairement.
Concernant votre question au sujet du temps utilisé dans le serment, il n'y a pas de futur. Bien entendu ce futur peut aussi traduire une détermination et n'a pas seulement une valeur de temps. Cela dit, je regarde ici le serment et sa formulation est la suivante «Dorénavant». Cela englobe à la fois le présent et l'avenir et répond donc à vos préoccupations concernant le temps utilisé. C'est bien ça?
M. John Aimers: On peut le prétendre, monsieur le président. Par contre, on peut lire un peu plus loin, par exemple: «Je m'engage à respecter les droits et libertés de notre pays». Je ne veux pas chercher la petite bête, mais la personne concernée n'est pas encore canadienne au moment considéré. Vous ne dites pas «Je respecterai les droits et libertés du Canada» mais «Je m'engage à respecter notre pays». Ce n'est pas encore tout à fait son pays. Vous comprenez mon objection? Il n'en fait pas encore tout à fait partie. Ce sera peut-être dans dix secondes, mais la personne concernée n'est pas encore citoyenne du Canada.
Le président: Mais il s'agit d'un serment de citoyenneté. Autrement dit, tout cela devient opérant une fois que l'on est citoyen.
M. John Aimers: En effet.
Le président: Par conséquent, que vous le prononciez instantanément ou dix secondes avant de devenir citoyen, ce serment quant au fond devient opérant une fois que vous avez acquis la citoyenneté. Je pense que c'est une chose entendue.
M. John Aimers: Je suis d'accord avec vous. Je faisais simplement remarquer que l'on avait apporté un changement à ce qui avait toujours été fait au Canada, si je comprends bien—je ne suis pas avocat—et qui consistait à formuler les serments au futur. Je donnais simplement cet exemple pour illustrer certaines réserves que nous faisons au sujet de la rédaction de ce serment en particulier.
Le président: Je pense qu'un témoin précédent a mentionné que cela faisait uniquement partie d'une cérémonie ou d'une exigence légale. Comment le concevez-vous tel que c'est rédigé dans le projet de loi?
M. John Aimers: Nous le concevons à la fois comme une exigence légale et l'aboutissement d'une étape de formation qui débouche sur une cérémonie au cours de laquelle la personne concernée, après avoir fait un examen de conscience et avoir appris ce que signifiait être canadien, ratifie la décision qu'elle a prise lors d'une cérémonie publique et est acceptée au sein de la famille canadienne. Nous y voyons un aboutissement, à la fois sur le plan juridique et sur le plan formel.
Le président: Je vous remercie. J'ai quelques autres questions à vous poser, mais je vais les remettre à plus tard, tout simplement parce que le greffier me dit qu'il va y avoir un vote dans une quinzaine de minutes et que M. Benoit veut porter à l'attention du comité une question relative à notre calendrier. Je vous remercie donc au nom du comité.
M. John Aimers: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci.
Je demande aux membres du comité de ne pas se séparer parce que M. Benoit a une question à poser au sujet des témoins. C'est bien ça, monsieur Benoit?
M. Leon Benoit: En fait, je veux soulever deux questions. La première se rapporte aux témoins. Trois groupes de témoins que nous avons contactés se sont montrés préoccupés par le fait qu'on ne leur avait donné qu'un jour et demi de préavis avant la date de leur comparution et que cela ne leur laissait tout simplement pas le temps de se préparer. Ils s'en sont inquiétés parce qu'à leur avis cela revenait à les empêcher de venir témoigner du fait de leur impossibilité de se préparer à temps. Je considère qu'il nous faut donner un préavis raisonnable à ces groupes pour qu'ils puissent se préparer et comparaître plus tard, s'ils...
Le président: En tant que président, je peux vous garantir que ce n'est pas ainsi que nous agissons. J'en ai d'ailleurs parlé avec le greffier en présence du personnel de recherche et nous avons convenu que si ces groupes étaient dans l'impossibilité de comparaître à la date fixée, il est bien entendu exclu qu'ils soient rayés de la liste.
M. Leon Benoit: Ce message ne leur a pas été transmis, parce que nous avons rencontré ces trois différents groupes, et deux qui...
Le président: Je vous remercie d'avoir évoqué la question pour que nous puissions au moins les rassurer sur ce point.
M. Leon Benoit: Donc, on va les convoquer à nouveau.
Le président: Oui, bien sûr.
M. Leon Benoit: C'est parfait.
J'ai par ailleurs relevé à deux reprises lors de la séance d'aujourd'hui que vous avez évoqué la pertinence de l'intervention. Dans un des cas, celui de M. Telegdi, cette pertinence m'est apparue évidente et j'ai été bien surpris que vous puissiez même évoquer la question. Par ailleurs, il nous arrive à l'occasion de nous lancer dans une série de questions dont la pertinence n'est pas toujours apparente au début, et j'aimerais...
Le président: Permettez-moi de vous interrompre. Le président a l'obligation aux termes de notre règlement de veiller à ce que nos propos soient pertinents compte tenu de l'ordre du jour que nous avons adopté. Il faut alors que j'en sois convaincu; je dois user de mon pouvoir d'appréciation. Je vous le dirai très carrément: c'est la raison pour laquelle je pose la question lorsque les propos ne me paraissent pas pertinents. Je ne me suis pas prononcé sur la chose. Par conséquent, lorsqu'on peut penser que c'est pertinent et lorsqu'on me fait comprendre que les propos peuvent être le moindrement pertinents, je les accepte. À titre d'exemple, lorsque par le passé vous avez reconnu vous-même que votre déclaration n'était pas pertinente mais que vous n'en aviez cure, ce qui signifie...
M. Leon Benoit: Non, je n'ai jamais dit ça. Relisez le hansard, vous verrez que je n'ai absolument pas dit ça.
Le président: Bien. Nous relirons les bleus, parce que c'est ce que j'ai entendu. Il n'en reste donc pas moins que pour moi rien ne permet d'évaluer la pertinence, parce que vous avez vous-même reconnu l'absence de pertinence. Si ce n'est pas dans les bleus, je...
M. Leon Benoit: Non, ça n'y figure pas. Relisez-les, et vous verrez que ce n'est pas ce que j'ai dit.
Le président: Mais parallèlement, M. McNally, qui a utilisé le même document, parce qu'il a fait preuve d'imagination...
M. Leon Benoit: Parce qu'il a justifié la pertinence. Par ailleurs, je ne pense pas que nous devrions avoir à justifier la pertinence lorsqu'il y a... Je considère qu'il est important que le président nous accorde une grande latitude et laisse à chacun la possibilité de suivre le cours de ses questions, la pertinence finissant par apparaître évidente dans la plupart des cas.
Le président: Lorsque sur un point donné un député évoque la question de la pertinence, j'ai l'obligation de prendre en compte ce rappel au Règlement. Si les propos manquent de pertinence, j'ai le devoir de les déclarer irrecevables. C'est ce que dicte notre Règlement et notre procédure. Si je ne le faisais pas, je ne respecterais pas notre procédure et vous seriez le premier à me le reprocher. En effet, il se peut qu'un jour vous soyez vous-même appelé à évoquer la question.
M. Leon Benoit: Je ne suis absolument pas d'accord. Le problème à mon avis, c'est que vous préjugez de la pertinence et celle-ci, je vous le répète, n'est pas toujours évidente au début d'une série de questions.
Le président: Vous vous souviendrez...
Mme Jean Augustine: Monsieur le président...
Le président: Laissez-moi terminer mes observations, et je vous donnerai ensuite la parole, madame Augustine.
Lorsque Mme Folco a soulevé la question de la pertinence, j'ai déclaré que le rappel au Règlement était prématuré parce que je n'avais pas entendu la totalité de votre intervention.
Madame Augustine.
Mme Jean Augustine: Je vais essayer de mettre fin au débat en disant que le président a le devoir de clarifier la question et la discussion et, lorsqu'il met en cause la pertinence, il oblige l'auteur de la question à répondre et à se justifier. Je pense donc qu'il faut que le président ait cette possibilité et que le député puisse défendre sa position ou la pertinence de la question. J'estime donc que cela fait partie du jeu normal de vos responsabilités. Il m'apparaît donc qu'il est légitime et conforme à votre rôle de poser la question de la pertinence et de donner aux intéressés la possibilité de contester votre intervention et de justifier leurs propos.
Le président: Cela dit, vous pourriez peut-être en reparler plus tard mais étant donné que l'on va voter, j'aimerais que les députés puissent se rendre à la chambre. Toutefois, si vous voulez en reparler, nous pouvons inscrire la question à l'ordre du jour, éventuellement après notre étude du projet de loi.
Le président lève la séance.