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CITI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON CITIZENSHIP AND IMMIGRATION

COMITÉ PERMANENT DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 28 avril 1999

• 1537

[Traduction]

Le président (M. Rey Pagtakhan (Winnipeg-Nord—St. Paul, Lib.)): La séance est ouverte.

Avec la permission du comité, un photographe de la Chambre des communes voudrait prendre quelques photographies avant que nous entreprenions nos travaux, simplement afin de consigner un volet de nos activités à la Chambre.

M. Leon E. Benoit (Lakeland, Réf.): De toute façon, je proposerais que nos délibérations soient toujours mises sur pellicule, c'est ainsi qu'on devrait procéder.

• 1537




• 1539

Le président: Merci.

Maintenant nous passons aux travaux du comité. Conformément à un ordre de renvoi de la Chambre, nous continuons l'examen du projet de loi C-63, Loi concernant la citoyenneté canadienne.

Nous accueillons encore une fois des fonctionnaires du ministère. Nous vous remercions tous. Je crois que M. Fyffe nous fera un bref exposé.

Vous avez la parole, monsieur Fyffe. Nous avons pris connaissance des noms de vos collaborateurs, donc c'est chose faite.

M. Greg Fyffe (sous-ministre adjoint, Développement des politiques et programmes, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): Merci beaucoup, monsieur le président. Nous sommes contents d'avoir l'occasion de comparaître devant le comité afin de répondre aux questions des députés et surtout de répondre à certaines questions qui ont été soulevées par les témoins.

M. Sabourin est l'expert au sein de notre ministère en ce qui concerne la loi actuelle sur la citoyenneté et le projet de loi. Il sera en mesure de répondre à la plupart des questions détaillées au sujet du projet de loi sur la citoyenneté. Il est accompagné de plusieurs collègues dont vous avez les noms, comme vous l'avez souligné.

Joan Atkinson est la directrice générale de la sélection et elle sera en mesure de répondre aux questions concernant l'adoption qui ont été soulevées à plusieurs reprises, si ma mémoire est bonne.

• 1540

Monsieur le président, j'aimerais d'abord souligner certaines constatations émanant de vos délibérations en ce qui concerne les liens très importants qui existent entre la Loi sur la citoyenneté et les modifications proposées à la loi et aux politiques canadiennes en matière d'immigration. Ces deux textes législatifs ensemble constituent la fondation législative de la politique en matière d'immigration et de la citoyenneté, et il est essentiel que les deux s'alignent aux mêmes principes dans la rédaction. Nous faisons tout notre possible pour s'assurer que c'est le cas. Il y a un chevauchement considérable dans le personnel affecté à ces deux textes législatifs, et les deux ressortent du secteur des politiques et programmes, dont je suis le chef.

On travaille sur le projet de loi concernant la citoyenneté depuis quelque temps déjà, et plusieurs de ces dispositions ont été commentées par des comités parlementaires. Certaines questions soulevées par le projet de loi, notamment la définition de «résidence» et le rôle des juges de la citoyenneté, doivent être le sujet de textes législatifs bientôt.

Nous sommes rendus à une étape différente dans l'élaboration des modifications à la Loi concernant l'immigration, qui est une loi extrêmement complexe. On a terminé la consultation au sujet du rapport du Groupe consultatif sur la révision de la législation et au sujet d'un document rendu public par le ministre au mois de janvier dernier, intitulé De solides assises pour le XXIe siècle. Les travaux d'élaboration de politiques découlant de la consultation sont rendus à une étape avancée. La consultation nous a été extrêmement utile dans la mise au point des propositions. Bien sûr, lors de la consultation, nous avons reçu des commentaires au sujet de la citoyenneté.

Cependant, il reste beaucoup à faire afin de finaliser les projets de politique avant de procéder à la rédaction. Je voudrais aussi souligner que, lors de la révision en profondeur de la Loi sur l'immigration en 1976, il a fallu deux ans de travaux additionnels avant que le projet de loi soit bel et bien promulgué.

La Loi concernant la citoyenneté canadienne ainsi que les modifications à la loi et aux politiques concernant l'immigration mettront en valeur les mêmes principes. Ils établiront un continuum de la citoyenneté, qui permettra de progresser du statut temporaire, s'il y a lieu, à la citoyenneté en passant par la résidence permanente, avec des exigences différentes à chaque étape.

Notre action tient compte des impératifs de l'économie mondiale, dont plusieurs témoins ont fait mention. Les deux démarches mettront en valeur l'obligation de l'immigrant prospectif de fournir des renseignements véridiques dans sa demande, tout en admettant la possibilité d'une erreur commise par inadvertance.

Nous voulons être mieux en mesure d'évincer les criminels qui veulent venir au Canada et obtenir la citoyenneté alors qu'ils n'ont pas démontré qu'ils pouvaient obéir aux lois du pays. Nous reconnaissons que la politique d'immigration et de citoyenneté doit assurer un juste équilibre en ouvrant la porte aux nouveaux arrivants de toutes origines, en assurant une procédure équitable, mais en tenant compte également de l'intérêt national, de la protection du public, des objectifs humanitaires et de l'efficacité administrative.

Le projet de loi à l'étude représente l'aboutissement des efforts que déploient depuis des années le gouvernement, les fonctionnaires et les parlementaires. De nombreuses consultations ont eu lieu, y compris celles de 1994 sur la politique d'immigration et de citoyenneté, les commentaires sur la citoyenneté qui ont été faits au cours des consultations du Groupe consultatif sur la révision législative et, bien entendu, dans le cadre des travaux de ce comité.

La loi actuelle sur la citoyenneté est entrée en vigueur en 1977. Depuis, il y a eu de nombreux changements sur la scène mondiale et au Canada. Ces dispositions ont également été assujetties à la Charte et donc à l'examen des tribunaux. Cet examen de la loi débouche sur des changements précis que nous devons apporter et nous oblige également à formuler des propositions législatives en étant parfaitement conscients des problèmes qui peuvent se poser à l'avenir dans le contexte de la Charte. Le comité n'ignore pas qu'il n'est pas si simple de se tenir au courant des possibilités d'interprétation judiciaire qui pourront survenir.

Je voudrais dire quelques mots au sujet de certaines questions qui ont été soulevées devant le comité. Nous reviendrons certainement sur la plupart d'entre elles et plusieurs autres lorsque nous passerons aux questions. Je n'essaie pas de tout couvrir; je voudrais seulement aborder un ou deux aspects qui ont été soulevés.

De nombreux témoins ont parlé de la suppression de la disposition qui permettait à un requérant de compter dans la période de résidence requise pour la citoyenneté le temps qu'il avait passé au Canada avant d'obtenir sa résidence permanente, jusqu'à concurrence de six mois, autrement dit, la moitié de la période d'un an imputable. Cela à partir du principe que les attentes du futur citoyen et du Canada diffèrent d'une étape à l'autre.

Un visiteur, un étudiant ou un travailleur temporaire a demandé sciemment un statut temporaire et à ce stade, il n'a pris aucun engagement envers le Canada, pas plus que le Canada n'a vraiment évalué la contribution potentielle qu'il peut faire à la société canadienne.

• 1545

Un revendicateur du statut de réfugié se trouve dans une situation analogue mais légèrement différente en ce sens qu'il désire obtenir la résidence permanente au Canada. On peut toutefois considérer qu'on ne peut pas attendre raisonnablement de lui un engagement total avant qu'on ne se soit prononcé sur son cas.

Les personnes qui ont un statut temporaire peuvent résider et travailler au Canada, mais sans s'engager autant qu'un résident permanent à comprendre la culture canadienne ou le système politique canadien ou à apprendre l'une des deux langues officielles du Canada. En fait, les cours de langue pour adultes ne sont pas offerts aux personnes qui n'ont pas obtenu la résidence permanente.

Une fois la résidence permanente obtenue, les candidats à la citoyenneté possèdent déjà la plupart des droits des citoyens, sauf le droit de vote et la protection contre une expulsion du pays dans certaines circonstances, par exemple s'ils commettent un acte criminel. Le Canada reconnaît toutefois que le résident permanent peut sortir du pays pendant une longue période sans pour autant renoncer à son engagement envers la citoyenneté ou, du point de vue du Canada, sans que le pays n'ait vraiment comblé toutes les attentes d'un futur citoyen.

En remplissant les conditions requises pour obtenir la citoyenneté, pour devenir membre à part entière de la grande famille canadienne, les immigrants doivent avoir démontré, en résidant ici, en maîtrisant, dans la plupart des cas, l'une des deux langues officielles et en faisant l'acquisition de connaissances sur le Canada, en respectant les lois du pays et surtout, en faisant consciemment ce choix, qu'ils sont prêts à devenir citoyens. Nous croyons cette progression vers la citoyenneté nécessaire pour souligner l'importance de la citoyenneté canadienne.

De plus, il est très difficile d'établir et d'administrer des exceptions à ce principe. Ce ne sont pas les problèmes pratiques qui préoccupent le plus les personnes qui ont comparu devant le comité pas plus, sans doute, que le comité lui-même, mais il est assez difficile de décider quelles sont les personnes qui peuvent se faire créditer la période qu'elles ont passée au Canada avant d'obtenir la résidence permanente.

Dans ce contexte, nous jugeons qu'il convient de ne plus accorder de crédits pour le temps passé au Canada avant qu'une personne ne présente une demande de statut de résident permanent ou qu'elle ne reçoive ce statut.

D'aucuns s'inquiètent des circonstances entourant la décision de refuser d'accorder la citoyenneté canadienne. La disposition sur l'intérêt public est l'article 21. Il est normal qu'on s'inquiète un peu de la situation, mais cette disposition ne serait utilisée que dans des circonstances extraordinaires lorsqu'on jugerait qu'en accordant la citoyenneté canadienne à un particulier, on jetterait le discrédit sur la citoyenneté même. C'est en fait au gouverneur en conseil qu'il appartient de prendre une telle décision et la personne touchée pourra toujours faire des observations.

Cette disposition pourrait être utilisée dans le cas d'un criminel notoire qui pourrait dans les circonstances ordinaires être admissible à la citoyenneté canadienne, ou dans le cas d'une personne qui refuse par exemple de reconnaître que l'holocauste a eu lieu. Il est fort peu probable que ceux qui se trouvent dans de telles circonstances voudront s'exposer au processus d'examen qui entoure le processus de citoyenneté. Ainsi, nous ne croyons pas qu'il faudra avoir recours à cette disposition très souvent, mais nous jugions cependant qu'il serait important que ce pouvoir existe pour qu'on puisse y avoir recours dans les rares circonstances qui le dicteraient.

Certains témoins ont également signalé que l'interprète ne pourrait pas offrir ses services lors des questions sur les connaissances du candidat sur le Canada, tel que prévu dans le projet de loi. Mes collègues seront heureux de répondre à vos questions là-dessus, mais j'aimerais signaler tout de suite que ceux qui sont âgés de 60 ans et plus ne sont pas assujettis aux critères sur les connaissances linguistiques et les connaissances générales sur le Canada. De plus—et je suis convaincu que vous voudrez en savoir plus long—le test est conçu de sorte qu'on puisse y répondre dans les termes les plus simples, et tous les renseignements qu'on veut obtenir pour ces questions figurent dans les brochures remises aux requérants bien à l'avance pour qu'ils aient le temps d'étudier la documentation.

Enfin, j'aimerais dire quelques mots sur une disposition qui ne figure pas dans le projet de loi mais qui, d'après plusieurs aurait dû s'y trouver. Il s'agit de la pratique actuelle et historique d'accorder automatiquement la citoyenneté canadienne à ceux qui naissent au Canada.

Deux groupes particuliers sont visés dans cette affaire. Les revendicateurs du statut de réfugié dont la demande a été rejetée et qui ont eu un enfant lors de leur séjour au Canada et les visiteurs au Canada qui délibérément cherchent à avoir un enfant lors de leur séjour. Certains témoins ont proposé qu'on n'accorde plus systématiquement la citoyenneté à ceux qui naissent au Canada. Le comité sait également que nombre d'intervenants appuient la politique actuelle et s'opposent à toute modification. Nous croyons qu'avant d'envisager toute modification il nous faudrait connaître l'ampleur du problème. Malheureusement, nous n'avons pas toutes les données qu'il nous faudrait à cet égard.

Les statistiques sur les naissances dans les hôpitaux ne sont pas de nature à nous permettre de déterminer si un grand nombre de non-résidents ont des enfants une fois qu'ils sont arrivés au Canada. Nous jugeons qu'il s'agit là d'une question importante—une question trop importante pour que l'on se prononce sans avoir vraiment une bonne idée de l'ampleur du problème et de la mesure dans laquelle il y a abus et manipulation du système.

Nous avons l'intention de collaborer avec les provinces à la création d'une base de données qui nous permettra de mieux comprendre ce qui se produit et de décider ainsi des mesures à prendre. Le ministère a l'intention de se pencher sur ce dossier.

• 1550

Monsieur le président, cela met fin à mes commentaires liminaires. Mes collègues et moi serons heureux de répondre à vos questions.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Fyffe.

La greffière vient de me signaler que nous devrons aller voter tout de suite après 16 heures.

Monsieur Benoit, vous êtes notre premier intervenant.

M. Leon Benoit: Merci, monsieur le président.

Bon après-midi, mesdames et messieurs.

Ma première question est de nature plutôt générale et revient à une question que vous avez déjà abordée: le choix du moment de la présentation d'un projet de loi sur la citoyenneté alors qu'il existe un lien très très étroit entre une telle mesure et un projet de loi sur l'immigration. Lorsque vous étudiez les deux mesures législatives, et vous demandez si on devrait présenter le projet de loi sur l'immigration avant le projet de loi sur la citoyenneté, ne serait-il pas logique d'étudier d'abord les modifications à la Loi sur l'immigration parce qu'après tout la Loi sur la citoyenneté fait souvent mention de la Loi sur l'immigration? Quand vous avez rédigé le projet de loi sur la citoyenneté, vous deviez savoir que nombre de choses que vous y proposez devraient également figurer dans la nouvelle Loi sur l'immigration.

M. Greg Fyffe: On peut donner diverses réponses à cette question, et je dois reconnaître qu'il s'agit là de préoccupations légitimes.

Notre ministère se penche déjà depuis longtemps sur la Loi sur la citoyenneté. Nous estimons qu'il nous fallait surtout nous attaquer à des problèmes bien précis, le plus important étant la question de la résidence. À notre avis, l'intention originale du Parlement à l'égard d'une résidence au Canada pendant trois ans avait été quelque peu perdue en raison des interprétations des tribunaux; ainsi, il était possible d'acquérir le statut de résident en passant simplement une brève période au Canada. Vivre au Canada et absorber le milieu canadien constituent une partie très importante de ce que c'est que devenir citoyen canadien. Ainsi, nous avons cru que nous étions prêts à apporter des modifications à la Loi sur la citoyenneté pour qu'elle reflète l'importance de certaines de ces questions.

Cependant, ces deux lois sont en fait des lois associées. Ce qui importe d'abord et avant tout c'est que les principes qui sous- tendent ces lois soient compatibles. En fait, nous les étudions ensemble. Comme je l'ai dit, nombre de fonctionnaires se penchent sur ces deux lois. Elles relèvent toutes deux de ma responsabilité générale comme SMA chargé des politiques. Lorsque nous apportions des modifications à la Loi sur l'immigration, nous nous penchions sans cesse sur les rapports qui existaient entre cette loi et les dispositions de la Loi sur la citoyenneté.

Joan Atkinson répondra sans doute à vos questions sur l'adoption, une autre question que nous étudions simultanément dans les deux lois, soit du point de vue de l'immigration et du point de vue de la citoyenneté.

Cependant, il faut beaucoup de temps pour modifier une mesure législative aussi volumineuse que la Loi sur l'immigration, et si on attendait que les deux mesures soient étudiées au même moment au Parlement, par exemple, compte tenu des questions importantes qui se posent, il se pourrait que certains problèmes actuels ne puissent être réglés en temps opportun. Comme je l'ai dit, ce qui importe c'est qu'on les étudie ensemble, qu'elles soient fondées sur les mêmes principes et que nous établissions sans cesse les liens entre les deux mesures législatives.

M. Leon Benoit: Quelles sont certaines de ces questions urgentes qui d'après vous sont si importantes que la nouvelle Loi sur la citoyenneté doit être adoptée avant la Loi sur l'immigration, à part celle dont vous avez parlé, le critère de la résidence?

M. Greg Fyffe: La résidence est certainement la question la plus importante.

Il faut que l'on précise également le statut de ce qu'on appelle maintenant les juges de la citoyenneté; c'est très important de le faire, et en plus il faut établir un nouveau processus administratif qui à notre avis nous permettra de traiter les demandes beaucoup plus rapidement.

Certaines des dispositions sur la criminalité se font attendre depuis très longtemps, mais à mon avis ne sont pas aussi importantes que d'autres dispositions.

Nous devons également répondre aux préoccupations concernant l'adoption, parce que certaines affaires dont sont saisis les tribunaux nous forcent à agir; il faut donc que nous tenions compte dans la loi des décisions rendues par les tribunaux.

Ce sont là des questions les plus importantes sur lesquelles nous nous penchons actuellement.

M. Leon Benoit: Vous pensez donc que le travail des juges de la citoyenneté a laissé à désirer pour ce qui est d'établir...

M. Greg Fyffe: Non; la complexité du processus de citoyenneté et la part de formalités qu'il peut contenir en font une activité essentiellement administrative. Les juges cependant pourraient nous aider au niveau des dispositions d'appel qui interviennent à la dernière étape du processus, comme vous le savez, pour accorder toute l'importance voulue à la citoyenneté et faire connaître vraiment ce que c'est qu'être Canadien.

• 1555

Nous avons certainement examiné à un moment donné la possibilité de ne pas avoir de juges à la citoyenneté. Cependant, nous avons conclu que cela ne refléterait pas vraiment à quel point l'obtention de la citoyenneté canadienne est une chose importante.

M. Leon Benoit: Peut-être reviendrai-je sur cette question un peu plus tard. Encore une fois, vous nous dites qu'il faut agir rapidement pour que les juges de la citoyenneté ne soient plus responsables de la détermination de l'admissibilité à la citoyenneté, mais vous nous dites également que ce n'est pas qu'ils n'ont pas fait du bon travail. Alors je ne comprends vraiment pas pourquoi tout cela presse.

M. Greg Fyffe: Il vient un temps où il faut bien se décider, car nous sommes restés assis entre deux chaises pendant longtemps. Essentiellement, nous avions un système de juges de la citoyenneté, mais en fait, nous avons voulu donner un coup de barre pour qu'un jugement administratif nous permette—ce qui était très important pour nous—d'attribuer la citoyenneté beaucoup plus rapidement.

Ce n'est pas que les juges de la citoyenneté ne faisaient pas très bien leur travail, même si c'est à vous de juger. Mais nous avions besoin de quelqu'un qui fasse un travail de nature différente, travail qui devait fondamentalement être de nature administrative. Ce que nous recherchions pouvait beaucoup plus facilement et plus efficacement être fait par des gens qui avaient appris toutes les démarches de la citoyenneté de l'intérieur, comme c'était le cas, mais qui progressivement pouvaient assumer une plus grande part de responsabilités dans les décisions requises.

M. Leon Benoit: À votre avis, pourquoi a-t-on jugé bon d'enlever d'entre les mains du ministère la décision d'accorder ou non la citoyenneté pour la donner aux juges de la citoyenneté, il y a environ 10 ans.

M. Greg Fyffe: Je ne le saurais le dire.

M. Leon Benoit: Certains des témoins d'aujourd'hui étaient-ils au ministère à ce moment-là? Pouvez-vous nous expliquer quel raisonnement a prévalu à cette époque-là?

M. Norman Sabourin (directeur et greffier de la citoyenneté, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): Je peux expliquer pourquoi, de tout temps, les juges de la citoyenneté ont été partie intégrante de la démarche aboutissant à la citoyenneté.

À partir du moment où une loi sur la naturalisation a été adoptée au tournant du siècle, toutes les décisions ultimes concernant la citoyenneté ont été prises par les juges des cours provinciales. Ce n'est que depuis 1977, date à laquelle la loi actuelle est entrée en vigueur, que le rôle du juge de la citoyenneté a été officialisé dans la loi, puisque le gouvernement fédéral avait constaté qu'un nombre accru de juges des cours provinciales ne pouvaient plus s'occuper de la citoyenneté faute de temps, à moins qu'on ne leur reconnaisse officiellement un rôle.

M. Leon Benoit: Mais avant 1977, était-ce les juges qui prenaient la décision, ou la décision était-elle plutôt prise par le ministère, comme vous proposez de le faire désormais?

M. Norman Sabourin: Avant 1977, il y avait une différence de taille dans la Loi sur la citoyenneté: la citoyenneté était considérée comme un privilège qui pouvait être accordé à la discrétion du ministre de l'heure. Par conséquent, le juge de la cour provinciale ne faisait que recommander au ministre d'accorder ou pas la citoyenneté à telle ou telle personne. Plus tard, on a demandé au juge de s'occuper de l'aspect public et cérémonial entourant l'obtention de la citoyenneté, comme M. Fyffe l'a signalé.

En 1977, la loi a défini la citoyenneté comme un droit, et le ministre avait donc désormais l'obligation d'accorder la citoyenneté à quiconque répondait aux critères énumérés dans la loi.

M. Leon Benoit: Monsieur Fyffe, vous avez dit plus tôt qu'à votre avis, il était important de maintenir le rôle que jouent les juges, ne serait-ce que pour donner créance suffisante à...

Le président: Mes excuses, monsieur Benoit, mais j'ai un petit problème. Le greffier nous signale que le vote se tiendra dans huit minutes environ. Il vous reste donc deux minutes.

Je voudrais suspendre les travaux, mais je voudrais aussi en profiter pour dire à tous les intéressés que nous espérons pouvoir entamer l'étude détaillée du projet de loi dès le mercredi 5 mai, pour la continuer les 6 et 7 mai.

Les témoins peuvent-ils attendre que nous revenions après avoir voté?

La séance est suspendue.

• 1559




• 1632

Le président: Nous reprenons la séance du comité.

M. Benoit, qui était allé au tapis lorsque nous nous sommes interrompus, a encore deux minutes.

M. Leon Benoit: Pardon, monsieur le président, mais je n'étais pas allé au tapis. C'était ma question qui était sur le tapis.

Le président: Et vous, vous étiez assis dans votre fauteuil qui était sur le tapis.

M. Leon Benoit: Bon, ça va.

Merci, monsieur le président.

Bienvenue, à nouveau, à nos témoins.

Je reviendrai plus tard à la question que je posais avant la pause.

J'aimerais plutôt revenir à ce que vous avez mentionné dans vos commentaires, à savoir la façon dont vous justifiez le maintien dans la loi de l'octroi automatique de la citoyenneté canadienne à tout enfant né au Canada. Pour vous justifier, vous avez affirmé que vous n'aviez pas assez de renseignements en main pour vous permettre de conclure que cela posait problème.

Je vous répondrai, pour ma part, que le ministre est en fonction depuis maintenant plus de trois ans et que les libéraux forment maintenant le gouvernement depuis plus de cinq ans. Autrement dit, vous avez eu tout le temps voulu pour recueillir cette information.

De fait, si vous vous reportez au rapport sur la citoyenneté qu'a publié notre comité il y a environ cinq ans, vous verrez que le rapport demandait que l'on modifie l'article en question de la loi actuelle en exigeant qu'au moins un des deux parents soit résident permanent ou citoyen canadien. Vous voyez que cette proposition a été faite déjà par un comité multipartite dominé par les libéraux.

• 1635

On pourrait croire que tout le travail de fond nécessaire pour déterminer s'il s'agit là d'un véritable problème et déterminer s'il y a abus de la part de gens entrant délibérément au Canada pour mettre au monde des enfants... On pourrait croire que vous auriez eu tout le temps voulu pour tirer vos conclusions. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Greg Fyffe: C'est un peu plus difficile que cela. Je demanderais à M. Sabourin de vous donner plus de détails, mais je crois que l'on a déjà colligé certains des chiffres nécessaires. En fait, nous avons particulièrement besoin que les hôpitaux nous signalent les cas de naissance d'enfants de deux parents qui ne seraient pas des résidents canadiens, pour que nous puissions établir le nombre exact; or, on ne semble plus recueillir cette information. Il nous faudrait donc négocier avec les provinces et avec les hôpitaux pour pouvoir obtenir à nouveau ces renseignements.

Nous croyons que cela constitue un problème. On a parfois l'impression que le problème est énorme, et parfois pas. Mais il reste que c'est un problème, dont il est difficile de prendre la mesure. Pour notre part, nous avons conclu que nous devions essayer de le cerner, mais nous n'avons pas encore les renseignements en main. Pour ce faire, nous devrons négocier avec les provinces pour pourvoir rouvrir le dossier.

Le président: Merci, monsieur Benoit.

Monsieur Bryden, vous avez la parole.

M. John Bryden (Wentworth—Burlington, Lib.): Merci.

Je voudrais continuer dans la même veine. On parle d'aller chercher plus de renseignements sur ce problème que pourraient poser les enfants nés de touristes ou de prétendus réfugiés qui sont essentiellement en transit au Canada au moment de la naissance, et il y a pourtant quelque chose que je ne comprends pas. Puisque nous sommes tous d'accord pour dire qu'il ne faut pas leur accorder la citoyenneté canadienne, pourquoi n'agissons-nous pas, que le problème soit grave ou pas?

M. Greg Fyffe: La difficulté vient notamment du fait que nous ne connaissons pas l'ampleur du problème. Certaines gens tiennent au principe historique selon lequel quiconque naît en sol canadien a droit à la citoyenneté canadienne. Si nous étions convaincus que nous avons affaire ici à des centaines voire à des milliers de cas, nous devrions sans doute agir. Mais c'est le nombre de cas que nous essayons de déterminer.

Ce n'est pas une question facile à réglementer. D'ailleurs, j'ai l'impression que c'est une question qui ne fait pas l'unanimité chez les Canadiens.

M. John Bryden: Je faisais partie du comité qui a émis cette recommandation. Et j'ai pris part à toutes les séances de témoignage. Sans vouloir vous offenser, ce n'est pas à vous de déterminer ce que pensent les Canadiens, mais c'est plutôt aux élus, c'est-à-dire au Parlement, de le faire. Je crains que vous n'ayez cherché à gagner du temps tout simplement parce que vous avez voulu, par inadvertance, poser vous-même un jugement politique.

Je conclus donc en suggérant que notre comité en discute à huis clos, monsieur le président. Les témoins n'ont pas besoin de commenter. Notre comité voudra peut-être faire des recommandations à la ministre, car j'estime qu'il ne revient pas à des fonctionnaires de décider si nous devons agir ou pas.

J'ai l'impression que l'on pourrait même aller chercher un appui quasi unanime au Parlement sur cette question, et j'estime que cela équivaut à tâter le pouls de la population canadienne.

M. Greg Fyffe: Vous avez raison.

M. John Bryden: Merci. Je ne voulais pas vous mettre sur la sellette, mais je crois que nous devons agir.

Me reste-t-il du temps?

Le président: Oui.

M. John Bryden: Deux petites questions.

Vu ce que les témoins ont dit, je me préoccupe énormément de ce que l'on ait subsitué le titre de commissaire à la citoyenneté au titre de juge de la citoyenneté. C'est le terme «commissaire» qui m'embête, car on a l'impression qu'il s'agit d'un commissaire de la régie à l'électricité ou d'un autre petit préposé officiel de ce genre. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi vous avez choisi de remplacer le terme «juge» de la Loi sur la citoyenneté par autre chose.

M. Greg Fyffe: Pour ce qui est de la suppression du terme «juge», les magistrats, et particulièrement les juges, étaient d'avis que les fonctions des juges de la citoyenneté n'étant pas les mêmes que les leurs, l'appellation de «juge» pouvait porter à confusion. À notre avis, c'était le terme «commissaire» qui représentait le mieux la nature de la fonction.

M. John Bryden: Encore une fois, vous posez un jugement de valeur qui ne vous incombe pas.

• 1640

À mon avis à moi, le fait de parler d'un «juge» dans la Loi sur la citoyenneté a une connotation de règle de droit qui prévaut lorsque vous prêtez le serment d'allégeance et lorsque vous devenez citoyen, puisque le Canada étant une démocratie, le nouveau citoyen comprend qu'il doit désormais appliquer régulièrement la loi et obéir à la règle de droit. Autrement dit, l'appellation «juge» de la citoyenneté sert à expliquer aux Néo-Canadiens la véritable nature de leur nouveau pays.

Je suis heureux que vous m'ayez expliqué la réticence, car nous l'avions déjà entendu dire. Mais à mon avis, cela ne justifie pas votre geste. Ce n'est pas parce qu'un groupe de la société estime que son titre a été usurpé par d'autres qui, à son avis, n'ont pas la même stature que lui qu'il faut obtempérer. De fait, c'est plutôt nuire à la dignité de toute la cérémonie.

Monsieur le président, voilà peut-être une autre recommandation que nous pouvons faire au ministre. Encore une fois, les témoins ne peuvent rien y faire, car ils ne peuvent que nous expliquer les raisons d'être du changement.

J'ai d'autres questions à poser et il me faudrait un peu plus temps. Et je sais aussi que M. Wappel voudrait intervenir.

M. Tom Wappel (Scarborough-Sud-Ouest, Lib.): Oh, je vous remercie.

Monsieur le président, merci de m'avoir permis de siéger avec vous. Si vous permettez, je préférerais que l'on m'accorde mon propre tour pour poser des questions, puisque les réponses peuvent parfois nous suggérer d'autres questions. Mais je remercie néanmoins mon collègue qui devrait utiliser le temps qu'il lui reste. Quant à moi, j'attendrai mon tour.

M. John Bryden: Je voudrais intervenir au deuxième tour de questions, mais j'ai une dernière chose à demander, avant de céder la parole à mes collègues.

Pourriez-vous m'expliquer rapidement comment vous avez choisi le texte du serment d'allégeance dans le projet de loi? À quand remonte ce libellé? D'où vient-il?

M. Norman Sabourin: Le libellé du serment est le résultat de nombreuses propositions faites au fil des ans, au moins depuis 1979. Divers textes ont été présentés à la ministre, de même que les résultats de certains sondages menés au sein de la population canadienne, pour qu'elle puisse faire son choix. Le texte définitif a été sanctionné par la ministre.

M. John Bryden: Je suis heureux de l'apprendre, et c'est quelque chose que nous pouvons accepter; mais pouvez-vous nous expliquer un peu plus d'où cela vient? Le serment n'a pas changé beaucoup, et le projet de loi n'a fait qu'ajouter quelques mots, qui semblent se répéter, si j'ose dire. Quelle était la version précédente du serment?

M. Norman Sabourin: Le serment de citoyenneté trouve son origine dans le serment d'allégeance que devaient prêter à l'Empire britannique toutes sortes de gens, y compris des sujets britanniques par naturalisation. Les citoyens naturalisés devaient prêter serment d'allégeance au monarque régnant et ce serment d'allégeance était incorporé à la loi. Or, ce même serment d'allégeance a été incorporé il y a longtemps aux premières lois sur la naturalisation adoptées au Canada sous le régime britannique.

C'est dans la version de 1947 que l'on a ajouté la dernière partie «et à remplir mes devoirs et obligations de citoyen(ne) canadien(ne).» Il n'y a pas eu de changements de fond depuis.

M. John Bryden: Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Nous commençons le tour de cinq minutes par M. Telegdi.

M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Merci, monsieur le président.

Revenons au choix du titre de «juge» ou de «commissaire». Ne pourrait-on pas parler plutôt de «magistrat» qui me semble conférer toute la dignité qu'il faut à cette fonction?

Je conviens avec mon collègue que le terme «commissaire» peut sembler un peu trop terre à terre. Après tout, il existe bien un commissaire à l'hygiène, ce qui ne veut pas dire que les fonctions de ce dernier ne sont pas importantes. Mais je crois que le terme «magistrat» constituerait un joli compromis, puisque l'on interpelle souvent les magistrats en les appelant «Votre Honneur». Tous les maires des municipalités sont des magistrats et on les interpelle en les appelant «Votre Honneur». Cela me semble beaucoup plus digne comme titre.

• 1645

En second lieu, certains témoins nous ont parlé du rôle du commissaire, notamment une personne qui était à la tête de la communauté multiculturelle de Kitchener—Waterloo. Ce qu'elle nous a expliqué—de façon fort convaincante—c'est que les commissaires devraient jouer un rôle beaucoup plus actif d'éducation du public et expliquer aux futurs citoyens ce que cela signifie que d'être Canadien, de même que donner des renseignements historiques pouvant mieux mettre en lumière les valeurs que sous-tend la citoyenneté canadienne.

Je sais que la loi ne dit pas grand-chose là-dessus, mais il me semble que nous devrions peut-être le proposer, puisque notre pays a traversé plusieurs crises à différents moments de son histoire, et ces crises étaient dues à notre propre ignorance de l'histoire de notre pays. Le commissaire à la citoyenneté peut jouer un rôle pédagogique et aider les Néo-Canadiens de même que les Canadiens de plus longue date qui ne sont pas aussi au fait qu'ils le devraient sur la citoyenneté canadienne.

Le président: Quelqu'un veut-il réagir?

Monsieur Sabourin.

M. Norman Sabourin: Merci, monsieur le président. J'aimerais commenter les deux observations.

Pour ce qui est de la suggestion d'utiliser le terme «magistrat», je suis sûr que votre comité en débattra longuement, mais j'aimerais tout de même apporter une précision qui complétera les propos de M. Fyffe.

Outre les commentaires que nous a faits à ce sujet le milieu juridique, la direction du Conseil canadien de la magistrature a demandé à plusieurs reprises au premier ministre de modifier l'appellation de «juge de la citoyenneté», en raison de la nature même du terme «juge». En effet, de toutes les lois fédérales, c'est la seule où le titre de juge désigne une personne qui n'est pas assujettie à la Loi sur les juges.

Nous avons donc proposé plusieurs titres différents à la ministre, pour qu'elle prenne une décision. Chaque fois que nous lui avons proposé un titre qui avait une connotation juridique ou judiciaire, nous avons dû lui signaler que le Conseil canadien de la magistrature pourrait éventuellement réagir négativement.

Le titre «commissaire» n'est qu'un titre parmi d'autres. Je ne savais pas qu'il existait un commissaire à l'hygiène. Je sais toutefois qu'il existe un commissaire aux langues officielles et d'autres postes de commissaire qui sont très éminents. Ce n'est donc qu'un titre parmi d'autres que devrait envisager le comité.

Pour ce qui est des observations de M. Telegdi sur le rôle que ces commissaires, quel que soit le titre qu'on finira par leur donner, seraient appelés à jouer, je trouve ces observations très pertinentes et précises. Le ministère entend les prendre sérieusement en considération. L'une des intentions du ministère est de poursuivre les efforts pour promouvoir la citoyenneté active au sein de la collectivité et pour favoriser une meilleure intégration des nouveaux venus dans la société canadienne. Vos observations nous seront donc très utiles à cet égard.

M. Andrew Telegdi: Merci.

Le président: Merci.

Nous passons de nouveau à M. Benoit.

M. Leon Benoit: Merci encore, monsieur le président.

Je voudrais passer à l'article 6, mais avant, parlons un peu plus longuement de la question des juges et des commissaires à la citoyenneté.

Monsieur Fyffe, vous avez dit qu'une des principales raisons de maintenir le poste sous le nom de commissaire plutôt que de juge, c'était que les commissaires en question seraient appelés à présider aux audiences de citoyenneté de façon à donner l'importance nécessaire aux délibérations. Pourquoi devrions-nous avoir un commissaire ou un juge pour faire cela? Pourquoi pas un politique local, un élu, tel que le maire d'une ville ou d'un village dans la région où la cérémonie aura lieu? Ou alors, si certaines personnes estiment qu'il est plus approprié que ce soit un représentant du gouvernement fédéral, ce pourrait être un député de la Chambre des communes. De nombreux députés participent déjà à des audiences de citoyenneté. Pourquoi ne pourraient-ils pas présider à des audiences?

• 1650

Ma question est donc la suivante: pourquoi prend-on même la peine de maintenir ce poste, si ce n'est pour que l'on puisse facilement accorder des faveurs en nommant des personnes à ces postes?

M. Greg Fyffe: Je vais répondre à cela en partie, et je demanderai à M. Sabourin de compléter ma réponse.

À un moment donné, on a proposé que nous n'ayons pas de juges de la citoyenneté. Nous nous sommes demandé comment, si nous n'avions pas de juges de la citoyenneté, nous conférerions à la citoyenneté l'importance appropriée lors des cérémonies d'assermentation.

Nous avons examiné la possibilité que la cérémonie soit conduite par de hauts fonctionnaires, et nous n'avons pas pensé que cela était convenable. Nous avons estimé que cela n'accorderait pas l'importance voulue. Nous avons examiné diverses possibilités, telles que le recours à des détenteurs de l'Ordre du Canada, mais en raison du nombre et de la nécessité d'établir un calendrier, il ne nous a pas semblé pratique de ne pas disposer d'un groupe de gens spécialement consacrés à cette tâche.

Il y aurait de nombreux avantages à avoir des députés pour ces cérémonies, mais je ne pense pas que vous réagiriez très bien à la nécessité d'être présents au jour et à l'heure dits comme nous le faisons pour les audiences de citoyenneté. C'est une difficulté pratique que nous avons dû envisager.

M. Leon Benoit: C'est pourquoi cette responsabilité pourrait être largement partagée. Dans le cas des grandes villes, il serait certainement approprié de faire appel au maire ou aux membres du conseil municipal. Dans le cas des régions rurales, telles que celle d'où je viens, ce pourrait être les maires des municipalités, les députés, ou toute autre personne appropriée.

Plutôt que d'avoir ce poste hautement rémunéré et accordé par favoritisme politique, nous pourrions embaucher des responsables administratifs chargés de l'organisation, qui prendraient les mesures nécessaires pour que la personne appropriée soit présente à l'audience. Pour accueillir de nouveaux citoyens, que voulez-vous de mieux qu'une personne élue, qui représente les collectivités où ils vivent? Cela me semble éminemment raisonnable.

Mais je veux passer à l'article 6. J'ai beaucoup de questions au sujet de la période de résidence.

Tout d'abord, je tiens à signaler que, dans la liste des recommandations du comité portant sur la citoyenneté, il y a au moins quatre recommandations portant sur les conditions de résidence. Le comité a dit que, dans la nouvelle loi, il fallait exiger la présence physique au Canada avant la demande de citoyenneté, mais il a également préconisé que l'on prévoie des mesures pour permettre le contrôle précis des durées d'absence du Canada des résidents permanents. C'est pourquoi je trouve très perturbante la façon dont cette mesure législative nous a été présentée.

L'intention exprimée dans la mesure législative est de s'assurer que les gens qui demandent la citoyenneté ont résidé au Canada pendant trois des cinq dernières années, qu'ils y ont été physiquement présents. Mais on n'explique absolument pas comment cela sera déterminé. J'en suis arrivé à la conclusion qu'il n'y a tout simplement pas de moyen raisonnable d'administrer cette loi.

Lorsqu'on fait une loi, on veut être sûr qu'elle puisse être raisonnablement administrée. Des gens sont venus nous dire que cela serait très difficile à faire. D'autres ont dit qu'on peut le faire, jusqu'à ce qu'on leur signale, par exemple, qu'en traversant la frontière pour se rendre aux États-Unis et en revenir, on ne s'arrête pas à un poste de contrôle.

Imposer aux gens qui veulent devenir des citoyens canadiens le fardeau de prouver qu'ils sont restés au Canada trois des cinq dernières années est complètement déraisonnable si l'on songe à la façon véritable dont on traverse les frontières aujourd'hui.

Comme je l'ai dit au cours d'une autre réunion de comité, je me suis rendu dans cinq pays, y compris la Roumanie, et j'ai dû demander que l'on timbre mon passeport, même dans ces pays. Dans de nombreux pays où l'on entre, on ne prend même plus la peine de tamponner les passeports. Ce serait donc un grand fardeau pour les gens qui veulent devenir citoyens canadiens que de respecter ces directives, à moins que votre ministère n'ait trouvé un moyen de faire cela de façon raisonnable.

Le président: Monsieur Fyffe, comment répondez-vous à cela?

M. Greg Fyffe: Il s'agit évidemment d'une grave préoccupation du fait que nous voulons, que nous souhaitons avoir une frontière très ouverte avec les États-Unis. Les renseignements ne peuvent pas venir principalement des données recueillies aux postes frontière, surtout dans le monde d'aujourd'hui. Toutefois, ils peuvent nous être communiqués au moyen d'autres preuves que les gens peuvent nous montrer. De toute façon, nous ne parlons que d'un petit groupe de gens, pour lesquels il y aurait des questions ou des doutes.

Je vais demander à M. Sabourin de présenter certaines façons pratiques de déterminer si une personne a effectivement passé le temps requis au Canada, en qualité de résident.

• 1655

M. Norman Sabourin: Merci.

Il va sans dire que sans mesure de contrôle stricte aux frontières au Canada, il y aura toujours une certaine difficulté à établir si une personne a bel et bien été présente au Canada ou pas. Toutefois, comme l'a souligné M. Fyffe, seules quelques personnes voyagent assez souvent pour qu'il soit nécessaire d'obtenir beaucoup de preuves quant à leur présence au Canada. La plupart des gens—de 95 à 97 p. 100 des demandeurs, d'après notre expérience—passent tout leur temps au Canada avant de devenir citoyens.

Cela dit, il reste encore un nombre important de personnes dont nous devrons nous préoccuper. Même aujourd'hui, en vertu de la loi actuelle, nous devons établir où une personne a résidé pendant la période la qualifiant pour obtenir la citoyenneté. Le ministère a donc acquis beaucoup d'expérience en évaluation des preuves documentaires qui permettaient de déterminer si une personne a été présente au Canada ou non.

Ces mêmes types de documents peuvent servir pour la nouvelle loi, afin de prouver si une personne a été présente ou non au Canada. Au nombre de ces documents, il y a, par exemple, les passeports. De nombreux pays ont des mesures de contrôle aux frontières et les passeports en font état. Nous pouvons également savoir si une personne a été présente au Canada en sachant si elle a fréquenté une école, si elle a occupé un emploi et si quelqu'un d'autre est prêt à le confirmer.

Enfin, et c'est peut-être là la partie la plus importante de la solution, nous avons mis sur pied un programme d'assurance de la qualité qui nous permet de vérifier la qualité et l'intégrité des renseignements fournis par les demandeurs. Dans le cadre de ce programme, nous ciblons des demandeurs de façon aléatoire, pour vérifier les renseignements qu'ils ont fournis et examiner de façon détaillée l'exactitude de ces renseignements. Nous réussissons également à élaborer des profils fondés sur les indicateurs relatifs à certains types de demandeurs qui peuvent être moins enthousiastes que d'autres à fournir un tableau complet de leur présence au Canada.

M. Leon Benoit: C'est exactement ce qui me préoccupe.

Le président: Monsieur Benoit, votre temps est écoulé.

M. Leon Benoit: Puis-je poser une dernière petite question?

Le président: Non, vous avez déjà dépassé de trois minutes le temps qui vous était imparti.

Monsieur Mahoney.

M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Je croyais que vous alliez accorder la parole à M. Wappel.

Le président: À votre guise.

M. Steve Mahoney: Allez-y, Tom. Je pensais que c'était votre tour.

Le président: Monsieur Wappel.

M. Tom Wappel: Je vous remercie, monsieur le président.

Je vous remercie, monsieur Mahoney.

Ce qui m'intéresse surtout, c'est la question de la suppression de la pratique qui consistait à créditer aux candidats à la citoyenneté le temps passé au Canada avant l'obtention du statut de résident permanent, mais je ne peux m'empêcher de revenir sur certains des thèmes qui viennent d'être abordés.

Monsieur Fyffe, à titre de SMA chargé de l'élaboration des politiques, vous faites des suggestions à cet égard au ministre, comme M. Sabourin l'a expliqué. Si je comprends bien le processus, vous examinez un certain nombre d'options de politiques que vous soumettez ensuite au ministre. En collaboration avec le SMA et le SM, le ministre décide ensuite de la politique qu'il soumettra au Cabinet. Ne conviendriez-vous cependant pas que les membres de ce comité et que le Parlement lui-même devraient à un moment donné être consultés au sujet de ce choix?

M. Greg Fyffe: Oui.

M. Tom Wappel: Je ne vois pas pourquoi vous avez autant de mal à recueillir les statistiques voulues sur les enfants. Je présume que les seuls enfants dont nous nous préoccupons sont les enfants de gens qui ne sont pas canadiens, n'est-ce pas?

M. Greg Fyffe: C'est juste.

M. Tom Wappel: Nous ne nous préoccupons pas du cas des gens qui ne sont pas canadiens, à moins qu'ils souhaitent obtenir la citoyenneté canadienne, n'est-ce pas? Si un couple a des enfants au Canada et veut ensuite s'installer en Australie, que nous importe vraiment que leurs enfants soient canadiens ou non. Nous nous préoccupons cependant du cas des enfants de gens qui souhaitent demeurer au Canada. Ces gens doivent à un moment donné présenter une demande de résidence permanente s'ils veulent demeurer au Canada, n'est-ce pas?

M. Greg Fyffe: Oui.

M. Tom Wappel: Ils doivent à ce moment fournir des détails sur leur famille, et notamment sur leurs enfants et indiquer sur le formulaire où ces enfants sont nés et quand ils sont arrivés au Canada. Ces renseignements devraient vous permettre d'établir quels sont les enfants qui sont nés au Canada de parents qui n'étaient pas citoyens canadiens ou immigrants reçus au moment où ils sont nés. Qu'est-ce qui vous empêche donc d'établir ces statistiques?

M. Greg Fyffe: Les groupes de gens auxquels vous faites allusion... Le problème qui se pose a trait aux enfants nés au Canada de parents qui soit ne peuvent pas rester au Canada, soit n'ont jamais eu l'intention d'y rester. Certains pensent que ces enfants ne devraient pas obtenir la citoyenneté canadienne.

• 1700

Jusqu'ici, toute personne née au Canada a été considérée comme citoyen canadien. Je comprends l'argument qui peut être invoqué pour changer cette politique. Je ne m'oppose pas particulièrement à cet argument. J'ai simplement dit que nous ne savions pas vraiment combien de gens cela viseraient. Avant de prendre une décision sur la question, nous voulions savoir combien de gens cela viserait.

Nous discutons évidemment de ce genre de question avec la ministre. Nous lui présentons les avantages et les inconvénients de chaque option. Dans ce cas-ci, nous avons estimé ne pas vraiment être en mesure de lui donner un aperçu complet de la situation.

M. Tom Wappel: Je comprends. Je crois simplement qu'il ne devrait vous être aussi difficile de recueillir ces statistiques.

J'aimerais maintenant que nous parlions spécifiquement des exigences en matière de résidence. Je conviens avec vous que la décision d'éliminer le temps crédité avant l'obtention du statut de résident permanent est une décision de politique. Vous pensez que cette décision se justifie. Vous avez droit à votre opinion. Les parlementaires peuvent ne pas la partager. Je ne vais cependant pas me prononcer là-dessus.

J'aimerais cependant que nous parlions du fait que le Parti libéral n'a jamais eu pour politique jusqu'ici d'adopter des lois ayant un effet rétroactif.

Permettez-moi de vous présenter le cas d'un de mes électeurs qui siège au comité exécutif du Parti libéral de ma circonscription. Avant d'obtenir son statut d'immigrant reçu, il avait résidé au Canada pendant cinq ans. Il a obtenu ce statut le 24 septembre 1997. Si l'on tient compte de la période pendant laquelle il a vécu au Canada avant d'obtenir le statut d'immigrant reçu, il ne lui reste que deux années à attendre avant d'être admissible à la citoyenneté canadienne. Il pourrait donc obtenir cette citoyenneté le 24 septembre 1999, ayant alors vécu au Canada depuis sept ans.

Si la loi qu'on nous propose est adoptée, malgré le fait qu'il a pris des dispositions en se fondant sur la loi actuelle, cette personne perdra son crédit d'un an et devra attendre, pour aucune autre raison que celle que la loi aura été changée, jusqu'au 24 septembre 2000 avant de pouvoir présenter une demande de citoyenneté canadienne. Voilà à mon avis une mesure rétroactive. À mon sens, une telle mesure léserait ceux qui ont pris des dispositions en se fondant sur une loi actuelle, ce qui va à l'encontre des principes qu'épouse le Parti libéral.

Je me demande pourquoi vous avez recommandé cette mesure à une ministre libérale au lieu de simplement éliminer ce crédit pour les personnes qui entreront au pays à compter du moment de l'adoption de la loi.

M. Greg Fyffe: Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, nous avons proposé cette mesure parce que nous estimions qu'elle cadrait avec les mesures progressistes qui ont été prises dans le domaine de la citoyenneté. Je reconnais qu'on pourrait aboutir à une autre décision si l'on se fonde sur d'autres principes, et c'est clairement le droit du comité.

M. Tom Wappel: Vous ne vous opposeriez donc pas, du point de vue de la politique, à ce que l'élimination du crédit ne s'applique qu'aux personnes qui entreront au Canada à partir du jour de la sanction royale de la nouvelle loi sur la citoyenneté?

M. Greg Fyffe: Je comprends le point de vue que vous défendez. Je n'ai pas eu l'occasion d'étudier la question à fond, mais je reconnais qu'il s'agit d'une position tout à fait défendable.

M. Tom Wappel: Je vous saurais gré d'examiner la question parce que de façon générale, le Parti libéral a en abomination les mesures rétroactives.

M. Andrew Telegdi: Demandez-leur pourquoi cette mesure devrait être rétroactive.

M. Tom Wappel: D'après ce que je vois, ils n'ont pas de bonnes raisons à nous donner.

Pourriez-vous nous donner une raison pour laquelle cette mesure devrait être rétroactive? Je parle de mesure rétroactive. La loi aurait un effet rétroactif dans le cas que j'ai décrit. Y a-t-il une raison de politique qui l'explique?

M. Norman Sabourin: Je veux être certain que nous nous comprenons tous. Je ne pense pas que le projet de loi prévoit de mesures rétroactives. L'article 55 prévoit que les nouvelles dispositions s'appliqueront à partir du moment de la proclamation de la sanction royale. Je crois que vous voulez dire que ces dispositions s'appliqueront aux personnes qui sont au pays depuis deux ans et demi.

M. Tom Wappel: Exactement.

• 1705

M. Norman Sabourin: Un important facteur dont il faut tenir compte en ce qui touche à la transition d'un système à un autre est la mise en oeuvre et le fonctionnement lui-même de la loi. Si nous voulons nous assurer que toutes les personnes qui comptaient obtenir leur citoyenneté à une certaine date continuent de jouir des avantages qu'offrait l'ancien système, il nous faudra conserver pendant de trois à quatre ans deux systèmes parallèles, l'un pour les personnes qui sont arrivées au Canada à un certain moment et l'autre, pour ceux qui sont arrivés après l'adoption de la loi. Ce serait possible, mais cela entraînerait des frais.

L'une des mesures que nous avons prises pour faciliter la transition, c'est d'abord de nous assurer que les demandes reçues avant l'adoption de la loi seront traitées avant l'entrée en vigueur de celle-ci. Nous veillerons également à tenir compte du temps mis à traiter la demande dans le calcul du délai à respecter avant de pouvoir se présenter à un examen de citoyenneté ou à une cérémonie d'obtention de la citoyenneté.

Le président: Merci, monsieur Wappel.

Monsieur Mahoney.

M. Steve Mahoney: Monsieur le président, merci beaucoup.

Certains témoins ont présenté des positions. Je pense que c'est le Comité central mennonite qui s'est dit préoccupé au sujet du serment. Je cherche le document et je n'arrive pas à trouver les termes employés, mais cela se rapporte à l'idée de défendre le pays, plutôt que de promouvoir des principes ou des droits. Je pense qu'il s'agissait de défendre des principes démocratiques et ils craignaient une connotation militaire. C'est peut-être à la mode, ces jours-ci, mais ce n'est pas la position habituelle du Canada. Je me demande si vous avez eu l'occasion de penser à cette préoccupation et au changement proposé?

M. Greg Fyffe: Quand on en a discuté, je ne pense pas que quiconque ait employé le mot «défendre» dans ce sens. Il s'agissait plutôt de défendre les valeurs démocratiques par toutes sortes de moyens, y compris la participation à titre de citoyen, dans un sens général. L'aspect militariste n'a jamais été soulevé, que je me souvienne.

M. Steve Mahoney: Vous déplairait-il de remplacer «défendre» par «promouvoir»? Y a-t-il un aspect négatif ou un problème associé à cela?

M. Greg Fyffe: Je n'en vois pas d'emblée, mais il faudrait jongler avec cette idée.

M. Steve Mahoney: Alors, vous pourriez peut-être jongler avec cette idée.

L'autre question était celle du serment à la reine, et la possibilité d'une déclaration solennelle offerte par le système judiciaire. Cette possibilité a-t-elle été envisagée?

M. Norman Sabourin: Oui. Si vous permettez, beaucoup de travail a été fait sur le sens du mot «serment», sur l'opportunité d'inclure le mot «jurer» dans le texte, et sur la différence entre «serment» et «déclaration solennelle». Ce travail et cette recherche nous ont permis en gros de conclure que le serment de citoyenneté, même sans le mot «jurer», peut être pour la personne qui le prononce, un serment, en son âme et conscience, si c'est ce que souhaite la personne.

M. Steve Mahoney: On pensait surtout à la monarchie. Les gens qui viennent de pays qui, à l'époque de l'impérialisme anglais... Ils estiment que l'esclavage et ce genre de chose sont synonymes de monarchie britannique. Je n'épouse pas ce point de vue, je répète simplement ce qu'ils nous ont dit. À leurs yeux, c'était un problème.

En fait, beaucoup d'entre eux nous ont dit que lorsque leurs parents ou d'autres de leurs proches avaient dû prêter un serment où il était question de la monarchie, ils marmonnaient ou restaient muets pendant la cérémonie. Quand quelqu'un prête serment ou célèbre le jour où il acquiert ce que nous considérons comme l'un des plus grands privilèges du monde, soit devenir citoyen de ce pays—il est à souhaiter qu'ils veuillent le faire d'une voix forte et claire. S'ils en sont empêchés à cause d'une référence à la monarchie, la possibilité d'une déclaration solennelle serait-elle acceptable, à votre avis?

• 1710

Voulez-vous jongler avec cette idée aussi?

M. Norman Sabourin: Non. Comme vous, je crois que si quelqu'un prête serment ou fait une promesse, il doit le faire en accord avec sa conscience et prononcer tous les mots contenus dans la promesse.

M. Steve Mahoney: Si je comprends bien, la déclaration solennelle n'est pas nécessairement une option que vous recommandez?

M. Norman Sabourin: C'est ainsi que j'avais d'abord compris votre question, mais je me rends compte que je me trompais. Si on change le mot «promettre», il faudra sans doute utiliser un autre texte, par exemple, «je jure» ou «je déclare solennellement», ou autre chose. Mais pour faire une observation d'ordre générale, je puis dire que d'après mon expérience, si vous mettez 20 personnes dans une pièce et que vous leur demandez de réfléchir au sujet du serment de citoyenneté, vous obtiendrez certainement 20 versions différentes.

M. Steve Mahoney: Au sujet du choix entre le juge et le commissaire, je me demande si on pourrait se concentrer davantage sur le travail et sur les différences qui résulteraient du choix. J'ai quelques préoccupations lorsqu'il s'agit de faire faire cela par des maires et des conseillers, voire par des députés. D'ailleurs, on a dit que des députés bloquistes pourraient trouver difficile de participer à une cérémonie de cette nature, dans leur circonscription. Cela m'inquiète un peu.

Le Jour du Canada, nous faisons toute une fête dans ma circonscription et dans ma ville. Elle a lieu au conseil municipal. C'est une journée extraordinaire. Le maire est très connu. Ma femme est membre du conseil. Pourquoi m'y opposerai-je? Mais il me semble que malgré le fait que cela ne se produirait pas sans les titulaires actuels de ces postes, il y a un risque d'abus de la part des élus qui pourraient s'en servir dans leur propre intérêt, plutôt que d'agir d'une manière indépendante.

Je connais la préoccupation au sujet de la nomination partisane, mais franchement, sincèrement, tout gouvernement va sans doute nommer des gens qui respectent les critères, qui sont compétents et, j'imagine, aimables. Cela ne devrait pas nous étonner. Mais je crains une politisation du processus, si on agit ainsi.

Peut-être pourriez-vous vous concentrer sur les différences entre le travail du juge et le rôle qu'il joue actuellement, et celui qu'aurait à faire un commissaire, ou commissionnaire.

Je ne pense pas qu'il existe des commissionnaires préposés à l'hygiène, du moins, pas encore.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Monsieur Fyffe ou monsieur Sabourin.

M. Greg Fyffe: Je vais commencer puis je demanderai à M. Sabourin de poursuivre.

Il y a un changement fondamental dans le travail des juges de la citoyenneté, pour ce qui est du traitement des dossiers et des demandes, pour les raisons que nous avons déjà citées, mais aussi parce que ces demandes sont maintenant centralisées à Sydney, ce qui rend les choses plus difficiles, en pratique, surtout depuis que leur complexité s'est accrue. À mesure que le temps passe, il faut tenir compte de critères plus nombreux.

On est passé d'un traitement direct des dossiers à l'autre extrême, soit seulement la cérémonie de la citoyenneté, l'éducation populaire et la promotion de la citoyenneté—il faut davantage avoir la capacité de parler aux gens qui vont devenir citoyens à propos des valeurs de la citoyenneté canadienne et de ce qu'elles représentent, et d'avoir une présence qui donne un poids à la relation entre les représentants du Canada, qu'ils sont, et les nouveaux Canadiens. On est passé d'un rôle administratif à un rôle promotionnel.

Je vais demander à M. Sabourin de vous donner davantage de précisions.

M. Norman Sabourin: Merci.

Pour faire écho aux propos de M. Fyffe, il est vrai que le rôle des juges est devenu très administratif, à certains égards. Les juges actuels reconnaissent tous, je crois, que leur travail n'a pas à être fait par des gens dans leur situation, du domaine quasi judiciaire. Quand on considère que 95 p. 100 des demandes sont approuvées de manière routinière, il n'est pas nécessaire d'avoir un décideur indépendant pour faire ce genre de travail. Les juges eux-mêmes ont constaté que la valeur réelle qu'ils contribuent au processus se trouve dans les activités de promotion et dans le renforcement de l'importance symbolique de l'acquisition de la citoyenneté.

• 1715

Si vous permettez, monsieur le président, il serait peut-être utile que je décrive la politique actuelle en matière de participation des députés aux cérémonies. Nous avons une politique qui suggère aux députés qui participent aux cérémonies de se garder d'émettre des observations de nature partisane. Deuxièmement, la politique prévoit que pendant une campagne électorale, les députés ne sont pas invités aux cérémonies de citoyenneté, pour s'adresser aux nouveaux citoyens.

Il faut aussi gérer les cérémonies de citoyenneté, comme M. Fyffe l'a mentionné tout à l'heure. Si nous n'avons que des bénévoles ou des personnalités éminentes, il est difficile de diriger le travail de ces bénévoles et de veiller à ce qu'ils soient là du lundi au vendredi, pour quatre cérémonies par jour, et que tout se déroule comme il faut.

Le président: Avant de céder la parole à M. Benoit pour un troisième tour, je voudrais poser quelques questions.

Premièrement, à propos de la période de résidence, vous avez fait une analogie, monsieur Fyffe, avec les étudiants et les touristes qui viennent ici temporairement, ce qui est exact. Ils ont un pays dans lequel ils peuvent retourner. Quant aux revendicateurs du statut de réfugié, ils n'ont pas de pays où retourner, par définition. Lorsqu'ils sont acceptés, c'est parce que le pays a établi qu'ils étaient effectivement persécutés, sans quoi ils n'auraient pas été acceptés comme réfugiés.

Comment se fait-il que, pour certains groupes, on compte les années de séjour au Canada alors que la durée de votre séjour peut varier en fonction du processus ou des retards dans le processus? Pourquoi ne pas tenir compte de ce genre de circonstance?

M. Greg Fyffe: C'est certainement possible si le comité le désire.

Bien entendu, ce principe vaut davantage pour les gens qui ont adopté volontairement un statut temporaire. Cette proposition repose sur le principe que, lorsqu'ils obtiennent la résidence permanente, les gens cherchent vraiment à acquérir la citoyenneté, à apprendre à connaître le Canada. Mais vous pourriez certainement adopter un principe différent en disant que les gens qui sont ici depuis longtemps, surtout s'ils entrent dans une certaine catégorie, méritent qu'on leur crédite cette période de séjour. Nous avons suivi un certain principe, mais il y a d'autres possibilités.

Le président: Pour ce qui est de la langue et de l'examen de connaissances du Canada, lorsque vous satisfaisez à l'examen de connaissance de l'anglais, on vous soumet à une épreuve de connaissances sur le Canada. Telle qu'elle est libellée, cette disposition exige que vous fassiez la preuve de vos connaissances sur le Canada en démontrant votre connaissance de l'anglais étant donné que vous devez vous exprimer en anglais. Pourquoi le requérant doit-il subir deux épreuves pour démontrer sa connaissance de l'anglais? Si vous réussissez le test, pourquoi devez-vous à nouveau faire la preuve de vos connaissances?

M. Norman Sabourin: Je crois, monsieur le président, que c'est plus par souci de précision de la loi que le texte est séparé en deux paragraphes. Il ne s'agit pas d'administrer deux examens différents l'un à la suite de l'autre. Nous voulions bien préciser que le même examen comprenait ces deux éléments.

Le président: Je peux voir qu'il y a deux éléments étant donné qu'ils sont joints par le mot «et» et non pas par le mot «ou». Mais si à l'issue de l'entretien on considère qu'une personne possède une connaissance suffisante de l'anglais, je crains que si l'on vérifie les connaissances du Canada en utilisant la langue officielle du pays, on risque de perdre de vue la portée du test. L'intéressé peut avoir une connaissance approfondie du Canada, mais si l'examen porte sur les deux éléments, ce ne sera peut-être pas la même chose. Pourquoi procéder ainsi?

• 1720

M. Norman Sabourin: Monsieur le président, c'est pour s'assurer que les nouveaux citoyens puissent s'acquitter de leurs obligations, qu'ils puissent fonctionner au sein de leurs collectivités et qu'ils puissent s'acquitter de leurs responsabilités de citoyen, y compris l'une des plus importantes, soit la participation au processus politique. Le but visé est de veiller à ce qu'une personne puisse le faire en possédant une connaissance de base d'une des deux langues officielles.

Selon le processus envisagé pour le moment, l'examen de citoyenneté sera administré en anglais ou en français et les questions posées porteront principalement sur les responsabilités du citoyen et sur le Canada. Mais comme ces questions seront posées à un certain niveau de langue, nous pourrons en même temps évaluer le niveau de connaissance de la langue.

Le président: Merci.

Monsieur Benoit.

M. Leon Benoit: Merci, monsieur le président.

Il est curieux que le président suggère de passer dès mercredi prochain à l'examen de ce projet de loi article par article alors que nous avons entendu très peu de témoins et que plusieurs dispositions très importantes de ce projet de loi suscitent de graves inquiétudes, même de la part des députés du parti ministériel. Je crois qu'il faudrait faire comparaître d'autres témoins et que nous passions également plus de temps avec les fonctionnaires du ministère.

On nous a annoncé, avec moins d'une semaine de préavis, que les fonctionnaires du ministère viendraient nous voir. Au départ, c'était prévu pour jeudi et vendredi. Les députés planifient leur emploi du temps longtemps à l'avance et j'aurai donc un empêchement, tant cette semaine que la semaine prochaine; je dois être ailleurs jeudi et vendredi.

Je crois qu'il faudrait discuter beaucoup plus longuement de cette question et je suggère à la présidence que nous remettions à beaucoup plus tard l'étude article par article.

Le président: Monsieur Benoit, comme vous vous êtes adressé à moi au sujet d'une proposition donnée, je vous répondrai que le comité a décidé de terminer l'audition des témoins d'ici le 22 avril. C'est le comité qui a pris cette décision. Le 31 mars, nous nous sommes fixé un délai pour la comparution des témoins. C'est le comité qui en a décidé.

Je regrette. Il fallait prendre une décision. Elle a été prise. Les membres du comité doivent s'y conformer.

Allez-y.

M. Leon Benoit: Même si c'est tout à fait déraisonnable.

Le président: Ce n'est pas déraisonnable. C'est déraisonnable à vos yeux. Cela ne veut pas dire que ce soit déraisonnable pour la majorité des membres du comité.

M. Leon Benoit: J'en reviens à l'article 6. Dans le rapport du comité, de 1994, je crois, un comité dont M. Bryden faisait partie, à la recommandation numéro 7, suggérait de prendre des mesures pour permettre de vérifier la durée des périodes que les résidents permanents passaient à l'extérieur du pays. C'est à la page 12 du rapport.

C'est une idée raisonnable. Les personnes qui demandent la citoyenneté et qui s'attendent à devenir citoyens du Canada devraient s'engager très sérieusement envers notre pays et la citoyenneté. Leur présence physique au Canada est certainement un critère raisonnable pour mesurer cet engagement. Mais je crains qu'il n'y ait pas de façon raisonnable d'appliquer ce principe. Il n'y a pas de façon raisonnable de l'administrer.

C'est M. Fyffe, je crois, qui a fait une remarque quand j'ai posé ma dernière question. En fait, c'était peut-être M. Sabourin. Il a dit que cela visait seulement quelques personnes dont la résidence n'était pas clairement établie. On semble dire que, pour la majorité des personnes qui demandent la citoyenneté, il sera facile à déterminer si elles ont séjourné tout le temps au Canada. Je ne vois pas exactement comment on peut le faire. Je ne vois pas comment vous pouvez l'établir aussi facilement et aussi rapidement.

Par conséquent, cela ne vise que quelques personnes. C'est une préoccupation que j'ai notée il y a un certain temps. Depuis le début, je me pose des questions au sujet de cette disposition qui exige une présence physique étant donné qu'on semble incapable de l'administrer, si ce n'est en se fiant à la parole des gens ou, pour les cas particuliers, en imposant beaucoup de travail au ministère. Depuis le départ, je me demande si cette disposition n'est pas là simplement pour viser les personnes qui risquent de poser un problème particulier pour le ministère.

• 1725

Autrement dit, cela ne concerne pas la vaste majorité des gens mais c'est un outil utile pour le ministère qui fait face à un problème actuellement car cela lui permet de déterminer si une personne est véritablement un résident du pays auquel cas il doit remplir certaines exigences.

Les tribunaux ont affirmé que le simple fait de verser des impôts au pays et des exigences aussi peu contraignantes que celle- là pourrait déterminer qu'une personne est résidente. Ces décisions n'ont pas été très bien accueillies par le ministère. On estime qu'il faut un engagement un peu plus solide, notamment la présence effective. Or, c'est raisonnable mais comment...

Ainsi, on peut se demander si cette condition n'a pas été imposée tout simplement pour permettre au ministère de cerner certains cas grâce aux outils juridiques nécessaires que l'on pourrait faire intervenir dans les quelques cas problématiques. Est-ce que je me trompe?

M. Greg Fyffe: Manifestement, on a l'intention d'appliquer ces exigences à tout le monde. M. Sabourin a rappelé que tout porte à croire que la plupart des gens qui viennent ici y demeurent, ou bien leurs absences sont de courte durée. Quant à ceux qui s'absenteraient si longtemps que cela en ferait des cas particuliers, qu'il s'agisse d'une période d'un peu moins de deux ans ou d'un peu plus de deux ans, ils seraient relativement peu nombreux. Quand on analyse les cas de citoyenneté, on peut dresser un profil de ceux qui appartiennent à cette catégorie car ils présentent certaines caractéristiques.

M. Leon Benoit: En vertu de quel critère? Comment pourrait-on savoir qui l'on doit cibler et qui requiert une attention soutenue?

M. Greg Fyffe: Eh bien, je vous donnerais l'exemple de certaines personnes qui appartiennent à la catégorie des entrepreneurs et qui voyagent beaucoup. Évidemment, ils voyagent énormément mais on peut se demander s'ils voyagent à partir du Canada ou vers le Canada. Voilà un exemple.

Le ministère, comme l'a dit M. Sabourin, sait très bien avec le temps à qui il a affaire et il dispose pour cela de certains indicateurs et de moyens pour bien cerner la situation.

Dans notre société moderne, les gens ne se déplacent pas incognito, car ils laissent derrière eux de la paperasse, des communications électroniques, et l'on sait ainsi d'où ils viennent. Comme il l'a dit, il est difficile pour quelqu'un de prétendre avoir séjourné au pays longtemps alors qu'il ne se trouve personne pour confirmer cela, il n'y a pas de paperasse et que tout porte à croire que cette personne était ailleurs.

Mais comme vous l'avez signalé, rien n'indique qu'il s'agit là de la majorité des gens. Nous avons affaire ici à un groupe relativement restreint et ceux qui en font partie ne s'absentent pas seulement énormément mais apparemment s'absentent plus de deux ans sur cinq, ce qui est très long.

Le président: Merci, monsieur Benoit.

Monsieur Mahoney a la parole mais auparavant, je voudrais signaler que Mme Atkinson doit nous quitter à 17 heures 30. Les autres peuvent rester, n'est-ce pas?

M. Greg Fyffe: Nous pouvons rester encore cinq minutes, oui.

Le président: Monsieur Mahoney.

M. Steve Mahoney: Merci.

Toujours sur le même sujet, la loi actuelle impose des exigences de résidence, à savoir trois ans sur quatre, n'est-ce pas? On propose que ce soit désormais trois ans sur cinq, ce qui à première vue semble être plus généreux. Je ne pense pas toutefois que cela rende la tâche plus facile à l'administration. Comment prouver que quelqu'un a séjourné au pays trois ans sur quatre ou trois ans sur cinq? Quelle est la différence?

M. Greg Fyffe: Je vais laisser M. Sabourin vous donner l'essentiel de la réponse mais en fait dans ces conditions là c'est beaucoup plus facile car désormais nous sommes en présence de faits concrets plutôt que l'intention, c'est-à-dire leur base résidentielle par comparaison à leur résidence véritable. Je reconnais que ce n'est pas toujours facile et qu'il y a certaines conditions à remplir, car pour respecter cette exigence, il faut que vous viviez au Canada et non pas que votre lieu de résidence normale soit le Canada...

M. Steve Mahoney: Il faut avoir une adresse, un code postal, ce genre de choses. Si l'on voulait déterminer si quelqu'un a vécu ici, on pourrait facilement commencer par là.

M. Greg Fyffe: Mais il faut encore davantage car dans le cas d'un petit groupe, on constate que plusieurs personnes donnent la même adresse et il est difficile de les contacter en tout temps.

M. Steve Mahoney: Mais il me semble que la vaste majorité des gens qui demandent la citoyenneté vivent ici, n'est-ce pas?

M. Greg Fyffe: Oui.

• 1730

M. Steve Mahoney: Quand on entend les gens se plaindre des tracasseries administratives, cela veut dire qu'ils sous-entendent que nous sommes en train de constituer une sorte de politburo ou encore un service de renseignements pour repérer ces gens en suivant le cheminement de leurs cartes visa.

M. Greg Fyffe: Non, mais il y a des groupes particuliers qui posent des problèmes. Songez aux régions du monde qui sont très instables, ce qui fut le cas très longtemps de Hong Kong, quand les gens ne savaient pas exactement comment la transition allait s'opérer. Nous avions toutes les preuves que certaines personnes venant de Hong Kong voulaient davantage un passeport canadien qu'une résidence au Canada.

Il y a la catégorie de ceux qui veulent véritablement venir établir leur entreprise au Canada tout en conservant des intérêts commerciaux dans leur pays d'origine où ils doivent se rendre fréquemment, en tant que visiteurs toutefois, et ces gens-là ne sont pas en visite au Canada. Par ailleurs, il y a l'envers de la médaille—et c'est ce groupe qui pose des problèmes—c'est-à-dire ceux qui n'ont jamais véritablement eu l'intention d'élire domicile au Canada mais qui veulent à tout prix un passeport canadien pour parer à toute éventualité.

M. Steve Mahoney: Et vous pensez que ces modifications législatives vont régler ce problème?

M. Greg Fyffe: Oui. Comme je l'ai dit, je reconnais qu'il faut prendre certaines mesures mais quand on doit vérifier des faits, on peut vérifier si une personne se trouvait ou non au Canada pendant une certaine période ou on peut vérifier si une personne a établi sa base de résidence au Canada, et les choses sont plus faciles dans un cas que dans l'autre.

M. Steve Mahoney: Je reviens sur la question de la langue. Des témoins nous ont dit qu'ils étaient inquiets—et je voudrais que vous me disiez ce que vous en pensez—que bien que des gens de plus de 60 ans viennent en tant que grands-parents, si vous voulez...

Au fil des ans, les gens sont arrivés ici sans parler l'anglais ou en parlant très peu l'anglais ou le français. Dans les années 50, le gros de nos immigrants venaient d'Italie ou d'autres pays d'Europe et dans certains cas même aujourd'hui ces gens parlent encore essentiellement leur langue maternelle. Quand on vous dit qu'ils s'inquiètent d'une discrimination éventuelle à l'endroit de ceux qui ne parlent ni le français ni l'anglais, comment réagissez-vous? Pouvez-vous me dire plus particulièrement si vous préconisez qu'on leur permette d'avoir recours à un ou une interprète?

M. Greg Fyffe: Cela vient du principe que lorsque des gens viennent au Canada comme immigrants—et cela a été débattu au sein du groupe consultatif chargé de l'examen de la loi—il est entendu qu'il se peut qu'ils ne connaissent pas très bien l'anglais ou le français mais pendant trois années, avec l'aide des subventions pour des cours de langue pour les immigrants au Canada et autres outils, ils ont le temps d'acquérir une connaissance minimale de la langue. Ce n'est pas déraisonnable, quand il s'agit de citoyenneté, que d'exiger une connaissance élémentaire de la langue.

M. Sabourin faisait valoir, et il pourrait développer ce point, que les exigences sont minimales dans un cas comme dans l'autre. Nous avons bien réfléchi à cet aspect-là, et sachant qu'une personne peut se procurer un livre qui lui fournit des notions de base sur le Canada et que cette personne a accès à des cours de langue pendant un certain temps, nous estimons que l'exigence est minimale et qu'elle n'est pas déraisonnable dans le contexte de...

M. Steve Mahoney: Peuvent-ils répondre oralement au lieu de le faire par écrit?

M. Norman Sabourin: Si la personne a besoin de répondre aux questions oralement, elle a bien sûr cette possibilité.

M. Steve Mahoney: Si je pose la question, c'est à cause du cas d'un monsieur libanais qui a été porté à mon attention. Il est capable de communiquer très facilement. Son français est excellent et, en anglais, on arrive à comprendre ce qu'il veut dire. Il n'a toutefois pas suivi de cours qui lui aurait permis d'apprendre la langue écrite, et ce serait extrêmement intimidant pour lui de devoir répondre à des questions par écrit. S'il pouvait donc le faire oralement...

Ce doit être le cas de bien d'autres personnes. Si elles pouvaient répondre oralement par un oui ou par un non, ou je ne sais quoi encore, on pourrait peut-être atténuer quelque peu le problème.

M. Greg Fyffe: Il s'agit en tout cas d'un niveau de compétence linguistique minimal. Nous ne tentons pas ici de relever considérablement la barre. Il s'agit simplement d'avoir une certaine compétence en français ou en anglais.

Le président: Puis-je toutefois vous poser la question suivante: si ce que nous exigeons c'est une connaissance minimale de l'anglais et que la salle d'examen où on vérifie la connaissance du Canada, constitue comme on le sait, une autre dimension, pourquoi ne pas séparer les deux? Ce qui m'inquiète, c'est que même si on connaît bien le Canada, mieux qu'une autre personne qui maîtrise bien la langue, il se peut qu'on échoue au test linguistique, et même si on parle couramment la langue, il se peut qu'on échoue au test qui vérifie la connaissance du Canada. Il semble que cela ne soit pas considéré comme un problème.

• 1735

Je voudrais qu'il y ait des salles d'examen distinctes pour vérifier la connaissance de la langue et la connaissance du Canada. En tant qu'enseignant, je voudrais qu'il y ait des salles de classe distinctes où on pourrait vérifier la connaissance dans les deux cas.

J'ai une deuxième question à vous poser. Qu'est-ce qui est plus important, la connaissance minimale de la langue ou la connaissance du pays?

M. Norman Sabourin: Monsieur le président, aux termes de la loi existante et du projet de loi C-63, les deux critères sont aussi importants l'un que l'autre. On peut bien sûr ne pas être d'accord, mais c'est ainsi que la loi est formulée à l'heure actuelle et qu'elle est appliquée. La personne doit donc répondre à une exigence linguistique minimale pour être admissible à la citoyenneté.

Le défi que nous cherchons à relever est le suivant: nous cherchons à déterminer s'il serait possible d'incorporer aux tests qui permettent de vérifier la compétence linguistique, sans pour autant relever le niveau de compétence exigée, des questions sur le Canada et la citoyenneté, pour que la personne qui a une certaine connaissance de la langue puisse répondre à des questions sur la citoyenneté et sur le Canada dont la difficulté ne dépasse pas le niveau de compétence linguistique exigé. Ainsi, au lieu de lui demander «Pourriez-vous m'expliquer en quoi consiste le recensement?» On pourrait demander à la personne «Comment vote-t-on au Canada?»

Le président: Monsieur Bryden.

M. John Bryden: Merci.

Je voudrais être très précis. Nous avons entendu des constitutionnalistes qui se disaient très préoccupés par le libellé de l'alinéa 43 i). Ils ont exprimé leurs préoccupations dans des termes bien sentis. Ils étaient d'avis que le fait de s'en remettre au gouverneur en conseil pour définir qui est conjoint pour l'application de la loi, était une violation de la primauté du droit.

Je ne vais pas vous mettre sur la sellette en vous demandant pourquoi on a décidé de s'en remettre au gouverneur en conseil pour définir qui est conjoint. Je suppose qu'il s'agit là d'une décision politique qui se fonde sur le fait que le processus législatif pourrait être déraillé si l'on cherchait à définir dans la loi qui est «conjoint», car il s'agit là d'une question qui devrait relever de la Loi canadienne sur les droits de la personne et d'un amendement en ce sens.

Cela fait toutefois problème, et à mon avis, il nous faut tenir compte des préoccupations des avocats quand ils expriment leur point de vue en termes aussi forts. J'ai donc examiné la disposition en question.

Me suivez-vous? Bon, je peux donc prendre des raccourcis.

J'estime qu'on pourrait peut-être éviter le problème qu'il y a à ne pas définir ce qu'on entend par «conjoint» et à s'en remettre au gouverneur en conseil en remplaçant le mot «conjoint» par le mot «personne à charge» aux fins de l'application des dispositions visées par l'alinéa 43 i). Il s'agit des dispositions concernant le demandeur de la citoyenneté qui réside, sans qu'il y soit pour quoi que ce soit, avec un citoyen qui travaille à l'étranger pour le compte de l'État; que ce soit au sein des Forces canadiennes ou du corps diplomatique. Au cas où vous ne sauriez pas exactement de quelles dispositions je parle, il s'agit des paragraphes 6(2) et 19(2). Il suffit de parler du paragraphe 6(2) puisque les deux paragraphes sont identiques.

À la dernière séance du comité, j'ai proposé qu'on supprime le mot «conjoint» du paragraphe 6(2) et que le paragraphe soit libellé en ces termes: «a résidé à titre de résident permanent avec un citoyen dont il était la personne à charge et qui travaillait à l'étranger». Que diriez-vous d'adopter ce nouveau libellé et de modifier l'alinéa 43 i) pour définir qui est personne à charge pour l'application de la loi? Pouvons-nous, dans les paramètres de la loi, remplacer le mot «conjoint» par le nouveau libellé, sans pour autant créer de précédent concernant la «personne à charge» dont la portée dépasserait le champ de la loi à l'étude, étant donné que le problème que nous étudions ici est très circonscrit; il s'agit d'un type de cas en particulier?

Le président: Qui veut répondre à la question?

Monsieur Sabourin.

M. Norman Sabourin: Merci, monsieur le président.

Je suis certainement prêt à revoir le libellé avec nos conseillers juridique pour déterminer s'il y a une faiblesse quelconque à utiliser le mot «conjoint» dans cette disposition du projet de loi. Il serait certainement possible, comme vous dites, d'utiliser un autre mot pour l'application de la Loi sur la citoyenneté canadienne, comme le mot «personne à charge», à la condition que ce mot soit défini de manière à désigner la personne que nous visons aux paragraphes 6 (2) et 19 (2).

• 1740

M. John Bryden: À ce propos, si nous optons pour le terme «personne à charge», le ministre n'aurait-il pas ainsi un certain pouvoir discrétionnaire pour tenir compte de considérations humanitaires?

Soyons francs. Ce que nous voulons faire, c'est inclure les personnes qui vivent dans une relation homosexuelle. Si toutefois nous remplaçons le terme «conjoint» par le terme «personne à charge», cela permettrait-il aux membres des Forces canadiennes ou du corps diplomatique de faire avancer la demande de citoyenneté de personne à charge avec qui ils n'ont pas nécessairement de rapports sexuels? Il pourrait s'agir d'enfants adoptés. Si nous optons pour le libellé que je propose pour l'alinéa 43 i), il pourrait s'agir de tout autre type de relation, à condition que la définition se limite à l'application de la loi à l'étude, et ce, à la discrétion du ministre. Cela serait-il également une possibilité?

M. Norman Sabourin: Je crois qu'il serait possible de faire comme vous proposez. Pour ce qui est de savoir si ce serait discrétionnaire, je ne crois pas que ce serait discrétionnaire. Il faudrait que ce soit défini de façon très explicite.

Quand je pense aux types de relations qui peuvent exister, à part la relation entre conjoints, il ne me vient que très peu d'exemples à l'esprit. Les enfants, par exemple, à moins qu'il ne s'agisse d'enfants adultes seraient admissibles à la citoyenneté par d'autres moyens qu'il s'agisse d'enfants adoptés ou naturels. Aussi, je ne pense pas qu'il y aurait...

Une voix: Qu'en est-il des parents?

M. Norman Sabourin: En principe, ce que vous proposez est certainement faisable du point de vue technique et juridique.

M. John Bryden: Monsieur le président, pourrait-on faire rapport au comité à ce sujet?

Le président: Voulez-vous faire rapport au comité à cet effet?

M. Norman Sabourin: Nous serions heureux de le faire.

Le président: Monsieur Benoit.

M. Leon Benoit: Je voudrais revenir sur l'article 6 et sur l'inquiétude que j'ai que les exigences de cet article impose un fardeau tout à fait déraisonnable au demandeur de la citoyenneté et qu'il n'y a pas vraiment de modalités administratives convenables à cet égard.

Vous avez tous deux, monsieur Fyffe et monsieur Sabourin, donné des explications quant aux modalités qui seraient appliquées, mais vos explications sont loin de me satisfaire. Ensuite, je voudrais savoir dans quelle mesure le fardeau de la preuve, d'après vous—parce qu'on en dit rien dans le projet de loi, que je sache—incombera aux demandeurs, pour ce qui est de fournir les documents nécessaires pour prouver qu'ils ont effectivement été au pays pendant trois des cinq dernières années.

M. Norman Sabourin: Sans doute que la meilleure façon de l'expliquer serait de dire qu'il n'y a vraiment pas de changement dans le projet de loi par rapport à la loi existante pour ce qui est du fardeau imposé au demandeur et de la façon dont les preuves relatives à la résidence doivent être présentées. Il incombe toujours au demandeur de montrer qu'il répond aux exigences de la loi, et il lui incombe toujours de fournir les preuves à l'appui.

Ce qui change considérablement—et je reprends ici ce qu'a dit M. Fyffe tout à l'heure—c'est qu'au lieu d'évaluer quelque chose qu'il est extrêmement difficile d'évaluer, la Cour fédérale n'arrivant d'ailleurs pas à s'entendre sur la façon de l'évaluer, nous allons passer d'un système très subjectif et difficile à un système objectif fondé sur la présence au Canada. Il y a donc un changement important à cet égard, mais pas à l'égard des preuves qui doivent être présentées par le demandeur ni du fardeau qui incombe au demandeur de prouver qu'il a résidé au Canada.

M. Leon Benoit: Vous avez dit cependant que vous n'auriez à appliquer ce critère que dans un assez petit pourcentage des cas. Vous dites que, le plus souvent, vous allez pouvoir déterminer très rapidement, par un moyen quelconque, que la personne a effectivement résidé au Canada. Je voudrais donc vous demander de bien nous expliquer comment vous allez faire cette détermination dans la majorité des cas, où vous ne demanderez pas aux personnes en question de vous fournir des informations.

• 1745

M. Norman Sabourin: Comme réponse générale, je vous dirai que tous les demandeurs sont tenus de fournir la preuve de leur présence au Canada. Il en est ainsi à l'heure actuelle et il continuera d'en être ainsi. Tous les demandeurs sont tenus de présenter des copies de leur passeport, de leurs documents d'immigration et de tout autre document montrant qu'ils ont résidé au Canada.

Quand j'ai parlé de chiffres, j'ai voulu indiquer que la plupart des demandeurs—un très fort pourcentage d'entre eux—sont en mesure de brosser un tableau assez complet et de fournir d'abondantes preuves à l'appui pour montrer qu'ils ont résidé ici pendant toute la période, exception faite de quelques semaines ici ou là.

Dans un plus petit pourcentage des cas, les demandeurs ne sont pas en mesure de brosser ce tableau complet, si bien qu'il faut leur demander de nous fournir des preuves supplémentaires. Ou bien encore, le demandeur se trouvera à faire partie d'un groupe de personnes au sujet desquelles nous avons des raisons de croire qu'elles ont été absentes du Canada pendant de longues périodes.

M. Leon Benoit: Encore là, quel genre de preuves la majorité des demandeurs vous fourniraient-ils pour que vous puissiez évaluer leur cas très rapidement et déterminer qu'ils ont résidé au pays? Vous venez de citer quelques exemples, mais je ne crois pas que ce soit suffisant comme explication.

M. Norman Sabourin: J'aimerais répondre à votre question en prenant les choses à l'inverse, si vous voulez, et en disant que ceux qui veulent frauder trouveront bien le moyen de le faire et que notre travail consiste à mettre en place un processus qui nous assure de pouvoir repérer ces personnes, idéalement avant qu'elles ne fraudent, ou encore de leur retirer leur citoyenneté si elles ont fraudé.

Ces personnes ne sont toutefois que l'exception qui confirme la règle. Au début du processus, outre les passeports, les documents d'immigration, les relevés d'emploi, les relevés de notes et les déclarations de collègues et de voisins, il n'y a guère autre chose qui permette au demandeur de documenter sa présence ici, sinon sa déclaration faite sous serment ou par affirmation solennelle selon laquelle il a été ici. Je dirais que c'est là l'élément d'information le plus important que nous ayons.

Nous ne cherchons pas à déterminer par toutes sortes de moyens si le demandeur a effectivement résidé ici, mais nous cherchons à faire en sorte que le demandeur soit lié par l'information qu'il nous donne. Si nous constatons, par des programmes d'assurance de qualité ou par d'autres sources d'information, que l'information donnée était fausse, nous serons en mesure de décréter des sanctions contre la personne, y compris de révoquer sa citoyenneté.

Le président: Merci.

Monsieur Telegdi, vous avez la parole.

M. Leon Benoit: J'invoque le Règlement, monsieur le président.

Le président: Oui.

M. Leon Benoit: Notre réunion devait se terminer à 17 h 30. Je propose que la séance soit levée. J'ai un autre engagement auquel je ne peux absolument pas me soustraire, et je tiens à être là pour les questions.

Le président: Mais c'est injuste. Si vous vouliez proposer une motion en ce sens, vous auriez dû le faire à 17 h 30. M. Telegdi a la parole.

M. Andrew Telegdi: Merci, monsieur le président.

Il y a une chose que j'aimerais...

Le président: Vous allez devoir rester, monsieur Benoit.

M. Leon Benoit: Monsieur le président, j'invoque le Règlement; j'ai informé le greffier que je devais partir à 17 h 30.

Le président: Vous pouvez partir, mais...

M. Leon Benoit: J'estime toutefois qu'un député de l'opposition devrait être présent pendant la période de questions. Outre le président, nous n'avons que deux députés du gouvernement.

Le président: Êtes-vous en train de me dire que vous pouvez mettre un terme aux travaux du comité en décidant de partir?

Monsieur Telegdi.

M. Leon Benoit: Non, je dis simplement que j'ai un autre engagement. Peut-être, monsieur le président, n'avez-vous rien d'important à faire, mais j'ai aussi d'autres choses importantes à faire.

Le président: Je vous remercie de vos aimables commentaires.

Monsieur Telegdi.

M. Andrew Telegdi: Merci beaucoup, monsieur le président.

J'aimerais rappeler à notre ami qu'il peut rencontrer nos fonctionnaires à n'importe quel moment, à titre de porte-parole de l'opposition, et se faire donner une séance d'information, que ce soit aujourd'hui, ou demain ou plus tard, sur cette loi. Il importe de le souligner.

Deux questions m'intéressent. La suggestion de M. Bryden me plaît beaucoup. Tout comme nous ne voulons pas décider du sort de la monarchie simplement en nous basant sur le serment d'allégeance à la reine, nous ne voulons pas décider de cette question simplement à partir d'une petite section du projet de loi. La seule chose qui me déplaît, c'est l'emploi du terme «dépendance» j'emploierais plutôt «interdépendance». J'en ai discuté avec mon épouse, et selon elle «interdépendance» est de loin préférable à «dépendance».

M. Greg Fyffe: Vous avez tout à fait raison.

• 1750

M. Andrew Telegdi: M. Bryden parle de différents échéanciers et de différentes questions. Une autre question qui me préoccupe, c'est que la semaine dernière, un avocat nous a donné un exposé...

M. Leon Benoit: J'invoque le Règlement, monsieur le président.

Le président: Oui?

M. Leon Benoit: J'aimerais savoir, afin que cela soit clair pour tous les membres du comité, si dorénavant l'heure de la fin de la réunion indiquée sur l'avis de convocation signifie quelque chose. De toute évidence, cela ne veut rien dire aujourd'hui. Est- ce qu'il en sera de même à l'avenir? Pouvons-nous nous y fier pour planifier notre horaire ou est-ce que nous devrions ne pas y prêter attention?

Le président: Oui, nous pouvons nous y fier, mais de temps à autre, il faut faire preuve de souplesse. Un vote a eu lieu. De temps à autre, le président doit utiliser ses pouvoirs discrétionnaires pour compenser le temps perdu parce qu'un vote à lieu à la Chambre des communes, parce qu'une réunion commence en retard, ou parce que le quorum n'est pas atteint pour quelque raison que ce soit. Le président doit pouvoir jouir d'une certaine latitude, et je crois que j'utilise mon bon jugement judicieusement, monsieur Benoit.

Monsieur Telegdi.

M. Andrew Telegdi: Merci beaucoup, monsieur le président.

La semaine dernière, nous avons entendu un avocat, de Toronto je crois, qui nous a parlé d'un de ses clients qui est cadre supérieur à Placer Dome. Il a été recruté précisément à cause de son savoir international, et il s'est engagé à déménager au Canada et à acquérir la citoyenneté canadienne. Mais à cause des exigences, il peut espérer tout au plus d'obtenir le statut de résident permanent, du moins tant qu'il travaillera pour cette entreprise. J'espère que vous réexaminerez cette question, car il a aussi fait quelques suggestions. Elles figurent dans le procès- verbal de la semaine dernière.

La révocation est une autre question qui me préoccupe. Il est rare que l'Association du Barreau canadien, le B'nai Brith, la Coalition des organisations non gouvernementales et l'Organisation des conseillers professionnels en immigration s'entendent. Je propose donc que nous accordions une attention spéciale à leur demande.

Essentiellement, au sujet de la révocation, ils réclament la possibilité d'interjeter appel devant la Cour fédérale. Le raisonnement est que peu de décrets de révocation sont pris, et le mécanisme d'appel permettrait de tirer les choses au clair lorsque des décisions contradictoires sont rendues par la Cour fédérale.

Je fais partie d'un groupe de cinq à six millions de personnes qui ne sont pas nées dans ce pays. Pour nous, la citoyenneté canadienne est quelque chose de fondamental. Il serait bien difficile pour moi de voir prendre autant à la légère mon droit de citoyenneté.

La révocation est une possibilité à étudier et je vous invite à nouveau à réfléchir aux témoignages que nous avons entendus devant le comité. Voilà ce que j'avais à dire.

Le président: Souhaitez-vous réagir?

M. Norman Sabourin: Oui, merci, monsieur le président.

Nous revoyons certainement l'ensemble de témoignages et des commentaires formulés devant le comité et nous savons très bien qu'un grand nombre de propositions utiles ont été faites sur diverses questions.

J'aimerais apporter un éclaircissement au sujet de la raison pour laquelle le projet de loi C-63 ne prévoit pas un droit d'appel des décisions de la Cour fédérale en matière de révocation. C'est parce que la décision d'une Cour fédérale vise tout simplement à déterminer un fait, à savoir si oui ou non la personne avait l'intention de commettre l'acte frauduleux. Ce n'est qu'après la détermination de l'intention de la personne que le rapport du ministre intervient, ainsi que l'ordonnance de révocation du gouverneur en conseil.

Dans les deux derniers cas, il s'agit de processus à caractère administratif qui sont assujettis à l'examen judiciaire de la Cour fédérale et possiblement, par conséquent, à un appel devant la Cour fédérale d'appel, et même devant la Cour suprême du Canada. Cela s'est déjà produit dans une affaire de révocation où l'ordonnance du ministre et du gouverneur en conseil avait fait l'objet de contestation.

• 1755

M. Andrew Telegdi: J'allais également proposer que le B'nai Brith propose que la décision soit entièrement soustraite au domaine politique et laissée au processus juridique, étant donné qu'à ce moment-là, l'ordonnance ne serait pas accueillie de la même manière. Il s'agirait d'écarter dans la mesure du possible la dimension politique.

Le président: À cet égard, avant de céder la parole, je signale que l'un des témoins avait parler de la suppression de l'expression «en connaissance de cause». Souhaite-t-on ou peut-on sans le vouloir laisser supposer par là que le fait d'agir sans le faire en connaissance de cause risquerait de faire l'objet d'une pénalité?

M. Norman Sabourin: En supprimant «en connaissance de cause», on visait tout d'abord à tenir compte des commentaires de la Cour fédérale selon lesquels le gouvernement devait, pour fournir la preuve dans une affaire de révocation de citoyenneté, se conformer à une norme très rigoureuse en matière d'intention, pratiquement aussi exigeante que la norme pénale reflétée par l'expression «au- delà de tout doute raisonnable.» Le fait de supprimer l'expression correspond à l'intention d'abaisser quelque peu la norme. Mais cela ne veut pas dire que la personne qui a commis une erreur va faire sur-le-champ l'objet d'une mesure de révocation de la citoyenneté.

Le président: À première vue, donc, on n'avait pas l'intention de pénaliser la dissimulation non intentionnelle?

M. Norman Sabourin: Si vous avez à l'esprit une situation où une personne commet une erreur de bonne foi dans la demande de citoyenneté, alors je suis d'avis que cela ne serait pas visé par la disposition qui concerne la révocation, selon l'interprétation de la Cour fédérale.

Le président: Merci.

Monsieur Bryden.

M. John Bryden: Un simple commentaire rapide au sujet de la révocation.

La mesure a été rédigée avant l'affaire du Kosovo et n'a donc pas tenu compte d'un aspect que l'on aurait peut-être dû considérer, à savoir la situation de jeunes hommes ayant la double citoyenneté qui pourraient vouloir servir dans des armées étrangères qui pourraient se trouver en conflit avec les Forces canadiennes, ce qui en réalité est considéré comme un acte de trahison. Il s'agit d'un acte de trahison, que nous soyons en guerre ou non.

Ainsi, compte tenu du fait que ces jeunes hommes peuvent parfois être soumis à des pressions écrasantes, j'aimerais voir tout au moins une étude et peut-être même une recommandation au ministre visant à déterminer si la loi ne devrait pas prévoir la révocation de la citoyenneté de personnes ayant la double nationalité—il doit s'agir de personnes ayant la double nationalité, sans quoi il ne serait pas souhaitable de priver de citoyenneté une personne qui ne jouit pas d'une double nationalité—qui vont servir dans une armée étrangère. S'il s'agit d'une personne qui n'a pas la double nationalité, la disposition relative à la trahison s'applique évidemment.

Je m'inquiète un peu de ce genre de situation. Je vous propose simplement de vous pencher là-dessus et de faire ensuite une recommandation au ministre comme vous l'entendez. Ça n'irait pas plus loin.

Finalement, je voudrais dire au président qu'en tant que membre du comité, j'apprécie la franchise et les connaissances des témoins que nous avons entendus aujourd'hui. Merci.

Le président: Voulez-vous dire quelque chose en réponse, monsieur Sabourin?

M. Norman Sabourin: Merci, monsieur le président.

Nous allons certainement donner suite à votre idée. Je voudrais faire une remarque qui pourrait être utile.

Tout citoyen canadien relève de la juridiction canadienne à certains égards y compris pour les crimes de trahison et les crimes contre l'humanité. Le simple fait qu'il s'agit d'un citoyen canadien fait en sorte qu'il relève de la juridiction canadienne pour ce genre de crime. Il faut en tenir compte quand on parle de double nationalité.

M. John Bryden: Merci.

M. Andrew Telegdi: J'ai une question à ce sujet. J'y avais déjà pensé. Si au cours de la Deuxième Guerre mondiale un citoyen canadien retournait dans son pays d'origine, s'enrôlait dans leurs forces armées et finissait par combattre contre le Canada, cette personne en tant que citoyen canadien serait coupable de trahison. Mais que se passerait-il si c'était un cas de double nationalité?

M. John Bryden: C'est exactement ce que je voulais savoir.

M. Andrew Telegdi: Que se serait-il passé si Tokyo Rose avait été citoyenne japonaise en même temps que citoyenne des États-Unis?

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M. Norman Sabourin: Eh bien, je peux vous répondre facilement concernant la situation à cette époque car la loi prévoyait qu'un citoyen qui s'engageait dans les forces armées dans le pays en guerre avec le Canada perdait automatiquement sa citoyenneté canadienne.

M. John Bryden: C'est intéressant.

Le président: Sur ce, je voudrais lever la séance jusqu'à demain car nous nous réunirons de 15 h 30 à 18 heures.

Je voudrais remercier les fonctionnaires. Nous allons nous revoir demain.

La séance est levée.