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CITI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON CITIZENSHIP AND IMMIGRATION

COMITÉ PERMANENT DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 24 mars 1999

• 1536

[Traduction]

Le président (M. Rey D. Pagtakhan (Winnipeg-Nord—St. Paul, Lib.)): La séance du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration est ouverte. Je souhaite la bienvenue à nos témoins. Comme vous le savez sans doute, nous étudions le projet de loi C-63, Loi concernant la citoyenneté canadienne.

Je signale qu'il y a dans la salle un grand nombre d'étudiants qui participent au Forum des jeunes Canadiens, et avant de souhaiter officiellement la bienvenue à nos témoins, je tiens à dire à l'intention des étudiants que, à ma droite, se trouvent les députés du parti au pouvoir et, à ma gauche, ceux de l'opposition.

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Les meilleurs sont de ce côté-ci.

Le président: Cette déclaration est discutable, et sur-le- champ.

M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Allez, réagissez. N'acceptez pas cette remarque.

M. Réal Ménard: Je suis très fatigué, mais je suis tout disposé à me battre avec vous, monsieur Mahoney.

Le président: Sur cette note, vous pourrez constater notre sérieux et notre esprit de collégialité.

Nous souhaitons la bienvenue à Mme Willa Marcus, conseillère juridique, et à Elspeth Ross, du Conseil d'adoption du Canada. Veuillez nous présenter vos remarques liminaires.

Mme Willa Marcus (conseillère juridique, Conseil d'adoption du Canada): Merci.

[Français]

Je m'appelle Willa Marcus et je suis du Conseil d'adoption du Canada. Je parle au nom de cette organisation et je vais faire la plupart de mes commentaires en anglais.

[Traduction]

Le Conseil d'adoption du Canada regroupe les parties concernées par l'adoption, à savoir les personnes adoptées, les parents adoptifs et les parents naturels qui donnent leurs enfants à l'adoption. Il fait partie intégrante du monde et du mouvement de l'adoption. La plupart des gens ne savent même pas qu'il existe un mouvement de l'adoption au Canada, mais vous en entendrez de plus en plus parler à l'avenir.

• 1540

Mes remarques porteront principalement sur l'article 8 du projet de loi C-63, et je tiens d'entrée de jeu à vous présenter notre vision du rapport qui existe entre l'adoption et les droits de la personne, vision qui a été dernièrement reconnue par les tribunaux et qui est en fait à la base de notre façon de voir cette disposition. J'aimerais pouvoir vous présenter mes arguments dans l'euphorie et sur un ton enjoué, car cela vous aiderait à rester à l'écoute, mais il m'est malheureusement impossible de le faire, et je vais donc simplement vous présenter mon exposé.

À notre avis, il existe un lien direct entre les droits de la personne et l'adoption. En un mot, nous estimons que la définition prédominante de la famille est celle d'une chaîne sans fin qui débute avec la grossesse et se poursuit pendant toute l'éducation de l'enfant, et que toutes les relations constituées lors d'une adoption s'écartent nécessairement de cette norme et ne sont donc pas traitées sur un pied d'égalité. Cela s'applique aux personnes qui sont apparentées par adoption et non de façon consanguine, ainsi qu'aux personnes apparentées de façon consanguine et séparées par l'adoption.

Nous voulons évidemment mettre l'accent sur les rapports existant entre le parent adoptif et l'enfant adopté. Cette relation—je voudrais vous la replacer dans son contexte, ce que je ferai brièvement avant de parler de la Loi sur la citoyenneté—n'a pas obtenu une pleine reconnaissance sur le plan juridique, et ce n'est pas encore le cas aujourd'hui.

Je vais vous citer deux ou trois exemples qui prouvent que les relations d'adoption n'ont pas été considérées comme faisant partie intégrante de la cellule familiale. Dans les lois relatives à la succession—autrement dit, lorsqu'il n'y a pas de testament—les enfants adoptés n'héritaient pas de leurs parents adoptifs. Même si cela a changé il y a une cinquantaine d'années, les enfants adoptés ont continué à ne pas hériter des membres de la famille élargie. Les parents adoptifs pouvaient donc transmettre des droits à leurs enfants naturels, mais pas à leurs enfants adoptés. En fait, cela n'a changé qu'au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, et dans certaines provinces la loi a été modifiée uniquement au cours des 10 dernières années.

Les lois sur le mariage constituent un autre exemple de l'opinion selon laquelle l'adoption ne créait pas un véritable lien familial. Jusqu'à tout dernièrement, il était légal pour un père adoptif d'épouser sa fille adoptive. Évidemment, traditionnellement, il a existé des lois interdisant les mariages consanguins et par affinité. En d'autres termes, dans cette longue liste qui remonte à des centaines d'années en arrière, il était prévu également qu'on ne pouvait pas épouser ses beaux-parents. De toute évidence, il n'y avait pas que la question du patrimoine génétique qui se posait, mais également la question de savoir quel genre de relations sociales existaient au sein de la famille, et pourtant l'adoption ne faisait pas partie de cet ensemble de rapports. En fait, cette loi a été modifiée uniquement lorsque le Sénat a adopté une loi en 1991.

Passons maintenant à la Loi sur la citoyenneté: Quand vous regardez l'historique et que vous constatez que le lien d'adoption n'a pas été considéré au même titre que les autres liens dans l'unité familiale, il ne faut pas se surprendre que la Loi sur la citoyenneté n'ait pas accordé aux enfants adoptés les mêmes droits et n'ait pas permis aux parents adoptifs de transmettre leur citoyenneté de la même façon que peuvent le faire les parents d'enfants naturels.

J'aimerais aborder maintenant ce qui va être modifié dans la loi, puisque le projet de loi parvient enfin à traiter sur un pied d'égalité les enfants naturels, ainsi que leurs parents respectifs. J'ai déjà dit que cela avait été porté devant les tribunaux, et ceux-ci ont choisi de se prononcer là-dessus du point de vue des droits de la personne.

Le projet de loi éliminera les obstacles auxquels se heurtent les enfants adoptés à qui les parents adoptifs veulent donner la citoyenneté canadienne. Il est inutile de vous rappeler que les enfants naturels sont automatiquement citoyens canadiens. Autrement dit, si un Canadien ou une Canadienne va à l'étranger et a un enfant à l'étranger, cet enfant est d'office citoyen canadien, contrairement à ce qui se passe dans les cas d'adoption. L'enfant adopté est traité comme un immigrant et doit passer par toutes sortes de formalités d'immigration, ce qui peut avoir des conséquences sur plusieurs plans. En effet, par exemple, si des parents canadiens adoptifs habitent à l'étranger de façon permanente, l'enfant adopté n'a pas accès à la citoyenneté canadienne comme ce serait le cas pour les enfants naturels.

• 1545

C'est d'ailleurs ce qui est arrivé à Shirley McKenna, d'Irlande, qui a eu des enfants naturels et en a adopté d'autres. En 1978, alors qu'elle se rendait à l'ambassade à Dublin pour aller chercher des passeports pour tous ses enfants dans le but de les amener en voyage au Canada, elle apprenait avec stupeur qu'elle ne pouvait obtenir des passeports que pour ses enfants naturels, puisque les enfants qu'elle avait adoptés n'étaient pas considérés comme citoyens canadiens. Et depuis ce jour à l'ambassade de Dublin, elle n'a cessé de se battre pour obtenir la citoyenneté pour ses autres enfants. Il est clair que tous ses enfants devraient être citoyens canadiens, et surtout qu'elle devrait obtenir le prix de la persévérance pour s'être battue ainsi pendant plus de 20 ans. Heureusement, le projet de loi change tout cela.

L'autre facteur qui sera modifié, c'est l'examen médical. Tout enfant naturel a le droit de venir au Canada, peu importe son état de santé, puisque la porte est ouverte à tous les citoyens canadiens. Toutefois, lorsque l'enfant est adopté, il était obligé jusqu'à maintenant de passer un examen médical.

Prenons, par exemple, un couple de Canadiens résidant aux États-Unis qui aurait deux enfants, un naturel et l'autre adopté; supposons que l'un des deux enfants ait le cancer et que ce couple se soit laissé convaincre par sa famille de revenir au Canada, car il y serait plus facile d'aider l'enfant. Si l'enfant malade est l'enfant naturel, il peut revenir au Canada sans difficulté; toutefois, si l'enfant malade est adopté, la famille aurait du mal à revenir au Canada. Cette situation s'applique aussi aux adoptions dans les autres pays.

Votre première réaction pourrait être de vous demander pourquoi il nous faudrait permettre à ces enfants de venir au Canada. Il faut comprendre d'entrée de jeu que les Canadiens qui adoptent à l'étranger sont des parents comme n'importe quel autre parent canadien qui donnerait naissance à un enfant à l'étranger: ils souhaitent tous voir leurs enfants grandir en santé. Or, malheureusement, jusqu'à maintenant, les examens médicaux à l'étranger ont toujours eu lieu après que l'adoption eut été officialisée dans ce pays étranger, c'est-à-dire après que les parents ont développé un lien émotif et juridique avec leurs enfants. Autrement dit, cela constituait un obstacle supplémentaire pour les parents.

Mais le problème se pose aussi sous l'angle des droits humains fondamentaux. Même si ces enfants sont malades, ils restent des enfants de citoyens canadiens, et les enfants de citoyens canadiens doivent pouvoir venir au Canada sans problème, puisqu'ils doivent, eux aussi, être considérés comme Canadiens.

[Français]

Nous sommes d'accord que l'égalité entre les enfants adoptés et les enfants non adoptés ne veut pas nécessairement dire qu'il faut traiter les deux groupes d'une façon identique. On a toujours besoin de mesures de vérification dans la loi et elles s'y trouvent actuellement.

Ces critères sont là par le biais de règlements en vertu de la Loi sur l'immigration. Maintenant ils sont repris dans la Loi sur la citoyenneté. Nous sommes d'accord pour la protection des enfants d'abord, mais aussi pour celle des parents adoptifs et des parents naturels. Il faut s'assurer que l'adoption a lieu selon la loi, qu'elle crée un lien réel entre parents et enfants et qu'elle n'est pas été faite de manière à ne pas respecter la Loi sur l'immigration.

[Traduction]

Nous souscrivons à ces critères.

Nous proposons toutefois certains changements, et cela me permet d'aborder le fond de nos observations.

• 1550

En premier lieu, après avoir pris la peine de vous demander d'enlever ces dispositions de la Loi sur l'immigration pour les inclure dans la Loi sur la citoyenneté et vous avoir félicités de l'avoir fait, nous revenons pour vous dire que, pour certaines raisons pratiques, il serait peut-être souhaitable que les agents d'immigration participent aux mesures de vérification. C'est le seul rôle qui reste aux agents outre-mer. Mais nous savons qu'ils possèdent de l'expérience dans ce domaine. À moins que vous ne songiez à investir beaucoup d'argent pour former les agents de la citoyenneté, il pourrait être utile de maintenir le même système que par le passé tandis que la loi changerait. C'est pour des raisons pratiques.

Dans la même veine, nous voudrions qu'il y ait une procédure d'appel. Cette procédure d'appel serait en rapport avec les mesures de vérification. Nous croyons que la Commission d'appel de l'immigration pourrait entendre ces appels, même s'ils sont interjetés en vertu de la Loi sur la citoyenneté plutôt que de la Loi sur l'immigration. Encore une fois, c'est pour une question pratique.

Il y a également deux autres domaines qui laissent à désirer. Nous voudrions que le projet de loi soit modifié. Pour le moment il y est dit: «qui a été adoptée par un citoyen après l'entrée en vigueur du présent article». Nous pensons que c'est très problématique.

[Français]

Cela ne règle le problème que pour l'avenir; ça ne le règle pas pour toutes les adoptions passées. Nous considérons qu'il est bien possible que cela ne passera pas au plan constitutionnel, que c'est une invitation à une autre poursuite judiciaire en vertu de la Charte des droits et libertés.

[Traduction]

Si c'est au nom des droits de la personne que l'on a décidé de modifier la loi afin d'éliminer ou de réduire la discrimination, cette discrimination doit être éliminée pour tous les enfants adoptés, et non pas seulement pour ceux qui le seront à compter du 1er juillet 1999 ou de la date à laquelle cette loi entrera en vigueur.

À ce propos, je voudrais vous parler brièvement du cas Benner, qui se rapporte tout à fait à cette situation. M. Benner est né aux États-Unis avant 1977, d'une mère canadienne. C'est seulement en 1977 que les mères canadiennes ont eu le droit de transmettre leur citoyenneté à leurs enfants. Avant cela, seuls les pères pouvaient transmettre leur citoyenneté à l'extérieur du pays. Par conséquent, quand la loi a été modifiée en 1977, tous les enfants nés de mères et de pères canadiens à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi ont obtenu automatiquement la citoyenneté. Mais pour ceux qui étaient nés de mères canadiennes à l'extérieur du pays avant cette date, les conditions étaient différentes. Ils avaient droit à la citoyenneté, mais il fallait qu'ils se soumettent à un examen médical et à un examen de sécurité.

M. Benner a eu des difficultés parce qu'il avait un casier judiciaire. Vous pourriez dire que Benner n'était pas exactement le citoyen idéal. En fait, en lisant cette cause, on peut avoir de bonnes raisons de croire qu'il allait sans doute récidiver. Le tribunal—et il s'agit de la Cour suprême—a estimé qu'on ne pouvait quand même pas faire de discrimination sur cette base. Cet homme était peut-être un individu peu recommandable, mais c'était un citoyen canadien. Si un enfant né après 1977 d'une mère canadienne possédant les mêmes antécédents judiciaires pouvait obtenir la citoyenneté, Benner pouvait l'obtenir aussi. La Cour suprême a déclaré qu'on ne pouvait pas appliquer des critères différents. Si en raison d'une discrimination envers les femmes Benner n'avait pas pu obtenir automatiquement la citoyenneté, il n'était pas possible de résoudre le problème pour les gens nés à compter de 1977 en laissant tomber tous les autres.

• 1555

Nous croyons que le même principe s'applique aux adoptions et nous sommes convaincus que ces dispositions ouvrent la porte à de nouveaux litiges. Nous nous sommes intéressés à l'affaire McKenna, et tout s'est très bien passé pour nous, mais nous préférerions ne pas avoir à retourner devant les tribunaux. Voilà pour la première question.

La deuxième question est la limite d'âge. L'article 8 attribue la citoyenneté à une personne qui est mineure à la date de la demande. Nous estimons que la limite d'âge ne devrait pas être inscrite ici, qu'elle devrait être de 28 ans, conformément à l'article 14, dont je parlerai tout à l'heure. On me répondra certainement que l'adoption d'enfants de plus de 18 ans a de quoi surprendre. Je reconnais que dans la majorité des cas, lorsqu'un enfant de plus de 18 ans est adopté et demande aussitôt après la citoyenneté, il y a de bonnes chances qu'il s'agisse d'une adoption de complaisance. Il s'agit certainement d'une situation inhabituelle. Mais en pareil cas le signal d'alarme retentit si fort qu'il est facile de déterminer s'il s'agit d'une véritable relation parent-enfant.

Par ailleurs, nous croyons qu'il existe des adoptions légitimes d'enfants de plus de 18 ans, et nous croyons qu'il ne faudrait pas refuser à ces enfants l'avantage de la transmission de la citoyenneté canadienne des parents adoptifs. Nous songeons en particulier aux enfants sans liens de parenté ni liens légaux. Le système au Canada, que je décrirai dans un instant, est semblable à celui des États-Unis, pays qui compte certainement le plus grand nombre d'expatriés canadiens au monde.

Au Canada, les enfants sont envoyés dans des foyers de placement jusqu'à l'âge de 18 ans. Un enfant peut donc être placé dans un foyer et y vivre de 12 à 18 ans, s'intégrer à la famille, et son statut serait plutôt clair pour tout le monde. Ensuite, peut-être pas soudainement, mais à un moment donné, l'enfant atteint l'âge de 18 ans. Ce qui est soudain, par contre, c'est que le système de placement n'est plus en vigueur. Le système assume simplement que l'enfant est un adulte. Nous avons constaté que des situations de ce type sont souvent le catalyseur d'une adoption. Il y a donc une authentique relation parent-enfant qui a été créée avant l'adoption.

Sur une décennie, j'estime que le nombre de personnes que cela va toucher est extrêmement petit. Toutefois, nous considérons que les enfants placés sont parmi les plus vulnérables et nous ne voyons pas pourquoi ces enfants, une fois adoptés, seraient privés de l'avantage de la citoyenneté canadienne, citoyenneté qu'ils auraient s'ils étaient nés de parents canadiens. S'ils avaient eu le privilège de naître et de vivre avec leurs parents canadiens naturels, ou le privilège d'être adoptés par des Canadiens avant l'âge de 18 ans, ils obtiendraient la citoyenneté. Pour nous, il s'agit donc d'instaurer l'équité dans la loi.

Je voudrais également passer brièvement à une autre question, celle des provinces et des territoires. Comme me le disait quelqu'un au Conseil d'adoption du Canada, je sais que notre pays ne manque pas de conflits fédéraux-provinciaux, mais je n'aurais jamais cru que cela allait être soulevé pour cette question-ci. J'ai l'impression d'être encore à la recherche d'un dossier où les différends fédéraux-provinciaux ne sont pas du tout soulevés. Le projet de loi donne aux provinces une assez grande marge de manoeuvre.

M. Steve Mahoney: Si vous trouvez ce dossier, faites-nous signe.

Mme Willa Marcus: Je l'ai trouvé. Je vous en parlerai à la fin.

M. Steve Mahoney: Parfait.

Le président: Madame Marcus, il faudrait peut-être que vous terminiez, pour qu'on puisse passer aux questions et réponses.

Mme Willa Marcus: Très bien. Nous tenons à ce que les provinces ne reproduisent pas la discrimination qui a été éliminée au niveau fédéral. Je parle de façon un peu vague, mais nous sommes conscients du fait que ces questions opérationnelles font l'objet de discussions et nous espérons que le gouvernement fédéral soulignera l'importance des questions relatives aux droits de la personne et n'encouragera pas les provinces à reproduire les dispositions discriminatoires dont il se sera débarrassé.

• 1600

Je voudrais enfin traiter d'une dernière question, celle du problème du bogue de l'an 2000 dans la Loi sur la citoyenneté. Ce problème est légèrement éloigné des questions d'adoption, mais c'est une chose dont nous nous sommes rendu compte dans le cadre des difficultés que nous avons éprouvées à obtenir la reconnaissance du statut des enfants adoptés vivant à l'étranger avec des parents adoptifs canadiens. Il s'agit de l'article 14, qui s'applique aussi bien aux personnes adoptées qu'aux non adoptées. Dans ce cas-ci, l'adoption n'est donc qu'une question périphérique.

Tout enfant né d'un parent canadien à l'extérieur du Canada est un citoyen canadien, mais il perd sa citoyenneté à l'âge de 28 ans. Cela se trouvait dans la version de 1977 de la loi, et personne ne s'en est jamais plaint, parce que c'est une bombe à retardement qui n'explosera qu'en 2005, puisqu'il fallait être né en 1977 ou après. Nous pensons toutefois que cela va être très problématique.

Maintenant, vous modifiez un peu cette disposition. Dans le passé, à condition d'avoir ses enfants avant l'âge de 28 ans, on pouvait continuer à transmettre la citoyenneté canadienne d'une génération à l'autre, même si on la perdait soi-même à 28 ans. Maintenant, vous supprimez la transmission à la deuxième et à la troisième génération. Par contre, vous avez créé cet autre système, d'une inélégance rare, selon lequel toutes ces personnes sont des citoyens et cessent ensuite d'être citoyens. Je voudrais porter à votre attention un petit détail. Il est écrit qu'il faut avoir résidé trois ans au Canada pendant les cinq années qui précèdent la date de la demande; autrement dit, vous devez présenter une demande avant l'âge de 28 ans pour garder la citoyenneté.

Supposons donc que vous ayez 27 ans et que vous veniez vivre au Canada, en qualité de citoyen canadien, parce que vous êtes né d'un citoyen canadien ou que vous avez été adopté par un citoyen canadien. À 28 ans, vous êtes au Canada depuis 365 jours. Quel est donc votre statut? D'après cette disposition, vous n'êtes plus citoyen. Qu'êtes-vous? Vous n'êtes pas un immigrant. Vous n'avez donc aucun statut.

Aucun autre pays ne règle le problème de la transmission de la citoyenneté par les parents de cette façon. Je peux vous dire comment les Américains et les Britanniques le font, mais je crois qu'il ne me reste plus de temps. Je veux simplement vous dire que si vous ne corrigez pas cela maintenant, il faudra que cela soit corrigé par les législateurs qui se pencheront là-dessus dans quelques années.

Voilà qui met fin à mes observations, sauf que je tiens à dire que les bouteilles de bière ventrues n'ont jamais fait l'objet d'un différend fédéral-provincial, et qu'elles étaient jugées acceptables dans tout le Canada.

Le président: Monsieur McNally, à vous la parole.

M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, Réf.): Merci, monsieur le président.

Vous pourriez peut-être nous donner de plus amples informations sur la façon dont les autres pays règlent ce problème. Vous êtes le deuxième témoin à soulever cette question de l'âge et des problèmes éventuels. Pourriez-vous revenir à la fin de votre exposé et compléter votre pensée? Vous alliez nous dire comment les autres pays règlent la question de l'extinction de la citoyenneté à l'âge de 28 ans.

Mme Willa Marcus: Dans les lois que nous avons examinées, parce que nous nous intéressions à la question de l'adoption, il semble y avoir deux méthodes. La première est celle des États-Unis, l'autre est celle de la Grande-Bretagne et de l'Australie.

La méthode américaine se fonde sur la transmission aux enfants de la citoyenneté du parent en fonction de la présence physique du parent aux États-Unis. Par exemple, si un Américain vit au Canada et donne naissance à un enfant au Canada, si cet Américain a vécu aux États-Unis pendant cinq années avant l'âge de 14 ans, il peut transmettre sa citoyenneté à son enfant. En fait, l'un ou l'autre des grands-parents peut également transmettre la citoyenneté. C'est donc plutôt souple. La transmission peut se faire sur une ou deux générations. Cela dit, bien sûr, si l'enfant est ensuite élevé au Canada et ne passe pas cinq années aux États-Unis avant l'âge de 14 ans, bien qu'il soit lui-même Américain, il ne pourra pas transmettre cette citoyenneté à ses enfants.

Le modèle britannique et australien se fonde sur le concept de la citoyenneté par descendance. Essentiellement, la première génération vivant à l'extérieur de la Grande-Bretagne ou de l'Australie a droit à la citoyenneté par descendance. Cela signifie que l'on devient citoyen, mais que l'on ne peut pas transmettre la citoyenneté. Dans les deux cas, la citoyenneté à vie dépend du parent. En droit canadien, la citoyenneté se fonde sur les actes de l'enfant. En fait, c'est une disposition très logique. Ce que nous disons, c'est que, si vous voulez avoir la citoyenneté, vous devez faire quelque chose pour affirmer votre volonté de l'avoir. Je crois qu'on crée plus de problèmes qu'on n'en résout, parce que toute la question de la transmission de la citoyenneté d'une génération à l'autre est un problème en soi.

• 1605

M. Grant McNally: Selon vous, comment faudrait-il résoudre la difficulté? Si vous deviez reformuler cet article ou y apporter une modification, comment résoudriez-vous le problème?

Mme Willa Marcus: Je donnerais la citoyenneté à la deuxième génération et ne l'accorderais pas à la troisième.

M. Grant McNally: Cela nous rapprocherait de la méthode australienne ou britannique.

Mme Willa Marcus: Ou de l'approche américaine. Dans les deux cas, une fois qu'on obtient la citoyenneté, on l'a pour la vie. Quant à ce qui est d'avoir la citoyenneté puis de la perdre, songez aux gens qui vivent à l'étranger. Ils se considèrent comme Canadiens et, tout à coup, ils ne sont plus Canadiens. Le problème ne s'est jamais posé, parce que, si l'on est né en 1977, date à laquelle cette mesure a été adoptée, on n'a pas encore 28 ans. Mais, veuillez m'en croire, c'est le problème du bogue de l'an 2000 plus cinq qui est tapi dans le projet de loi, et je pense qu'il doit être résolu. Vous pouvez toujours laisser cela à la prochaine reformulation de la loi.

Par contre, ce que vous ne pouvez pas laisser à la prochaine reformulation de la loi, c'est tout ce qui touche l'adoption. Nous voulons vraiment obtenir les modifications dont j'ai parlé, parce que nous pensons qu'elles sont porteuses d'équité et qu'elles sont raisonnables. Par exemple, ne pas imposer de limite d'âge à l'adoption ne signifie pas qu'il va tout à coup y avoir des tas d'adoptions de personnes âgées de 25 ans. Comme je l'ai dit, lorsqu'on verra l'adoption d'une personne de 25 ans, la sonnette d'alarme se déclenchera immédiatement, et l'on dira que l'adoption a servi à accorder la citoyenneté. Il faudra prouver qu'il existe une authentique relation parent-enfant. Je ne pense donc pas que nous soyons en train de créer une façon détournée d'obtenir la citoyenneté canadienne. Nous assurons simplement le traitement équitable des enfants adoptés.

M. Grant McNally: Proposez-vous d'appliquer l'article 14 à l'article 8, autrement dit, d'appliquer les exigences qui figurent à l'article 14 aux parents adoptifs? Voulez-vous dire qu'il faut supprimer la notion de «personne mineure à la date de la demande», qui figure à l'article 8, et appliquer les dispositions de l'article 14 à la relation entre l'enfant et le parent adoptif?

Mme Willa Marcus: Oui. Il n'y aurait pas de limite d'âge, mais il y aurait une limite d'âge naturelle si l'on atteint l'âge de 14 ans, parce qu'il faut affirmer sa volonté d'être citoyen avant d'avoir 28 ans. L'enfant adoptif ou l'enfant naturel deviendrait canadien, mais perdrait sa citoyenneté à 28 ans. Les deux seraient donc traités équitablement.

En guise de deuxième observation, je crois que cette question de la perte de la citoyenneté à l'âge de 28 ans est un problème mondial. Cela n'a rien à voir avec l'adoption, mais je le soulève parce que nous voulons que la notion de «personne mineure à la date de la demande» soit supprimée.

M. Grant McNally: Vous pensez donc que ces mots devraient être supprimés à l'article 8.

Mme Willa Marcus: Je n'ai pas préparé de reformulation précise. Désolée.

M. Grant McNally: Vous pourrez peut-être y travailler ultérieurement.

Je voudrais poser une question sur un autre sujet dont vous avez parlé. Vous avez dit que vous aimeriez qu'il y ait une procédure d'appel dans la Loi sur la citoyenneté relativement à l'adoption. Avez-vous des précisions sur les correctifs que vous voudriez qu'on apporte au processus?

Mme Willa Marcus: Je crois comprendre qu'en ce qui concerne les lois sur l'immigration l'Association du Barreau canadien partage nos vues. Comme je l'ai dit, après avoir tant insisté pour vous demander d'inscrire ces dispositions dans la Loi sur la citoyenneté, nous disons qu'il pourrait y avoir certaines dispositions opérationnelles dans la procédure relative à l'immigration qui méritent d'être retenues. La Commission d'appel de l'immigration pourrait continuer d'exercer sa compétence dans ce domaine. Bien sûr, elle exerce sa compétence actuellement parce que les questions de vérification et ce que nous appelons les critères de discrimination relèvent d'elle. Or, nous supprimons les critères de discrimination, et nous faisons ressortir les questions de vérification à la Loi sur la citoyenneté. Toutefois, surtout du fait que cela ressortit désormais au même ministère, nous estimons que, sur le plan opérationnel, la Commission d'appel de l'immigration devrait continuer d'être l'instance d'appel pour ces questions. Nous ne voulons pas avoir à avancer pour ensuite devoir reculer. Actuellement, il existe un processus d'appel. Par conséquent, si vous vous trouvez dans la situation inextricable où vous avez adopté un enfant à l'étranger et que vous ne pouvez pas rentrer avec lui au Canada, vous ne devez pas nécessairement recourir aux tribunaux; vous pouvez vous adresser à la Commission d'appel de l'immigration. Dans ces situations, oui, c'est un horrible fatras.

• 1610

M. Grant McNally: Vous dites que l'on peut faire cela actuellement.

Mme Willa Marcus: Oui, parce que cela relève de la Loi sur l'immigration.

M. Grant McNally: Dites-vous que vous ne croyez pas que cela soit désormais possible, une fois cette loi adoptée?

Mme Willa Marcus: Ces mesures relèvent actuellement de la Loi sur la citoyenneté, et, si je comprends bien, la Commission d'appel de l'immigration, comme son nom l'indique, est un tribunal administratif chargé principalement d'appliquer la Loi sur l'immigration. Au fil des ans, avec tous les problèmes relatifs aux réfugiés et les divers tribunaux administratifs qui ont été recréés, refaçonnés et redéfinis, cela a changé. Or, nous disons que rien n'empêche que les vérifications que suppose l'article 8 continuent de ressortir, de façon exceptionnelle, à la Commission d'appel de l'immigration.

Je sais que l'Association du Barreau canadien vous en a parlé. J'en ai discuté avec ses représentants, et je crois comprendre que nous partageons les mêmes positions. En fait, ce sont des experts sur les questions d'immigration. Nous croyons fermement que le Parlement peut faire cela, qu'il peut inclure toutes ces dispositions dans la Loi sur la citoyenneté, tout en maintenant la procédure d'appel actuelle.

Le président: Monsieur Ménard.

[Français]

M. Réal Ménard: Je comprends que, de façon générale, vous êtes relativement satisfaite du projet de loi, dans la mesure où il vient consacrer une plus grande égalité entre les enfants naturels et les enfants adoptés, et entre les parents naturels et les parents adoptants.

Cependant, vous avez deux ou trois inquiétudes. Sans vouloir entrer dans le détail des querelles fédérales-provinciales, il faut mentionner que l'adoption est quand même un domaine de juridiction provinciale. Je ne sais pas si votre organisation a des membres au Québec. J'imagine que oui.

Mme Willa Marcus: C'est sûr que la situation est différente au Québec.

M. Réal Ménard: La province où il y a le plus d'adoptions internationales est le Québec et elle suivie par la Colombie-Britannique et l'Ontario. Vous savez que, pour que le processus d'adoption internationale soit finalisé au Québec, il doit y avoir une sanction d'un tribunal, en l'occurrence le Tribunal de la jeunesse. Il y avait une difficulté dans le fait qu'on reconnaissait ce processus à l'étranger sans que le tribunal ait lui-même statué.

Je sais qu'il y a des négociations entre le gouvernement fédéral et les fonctionnaires et je pense qu'il n'y a aucune raison de ne pas être optimiste quant à un éventuel règlement.

Cela étant dit, vous avez soulevé une question qui a également fait l'objet de représentations de la part du gouvernement du Québec. C'est toute la question des tests de santé. C'est une protection à donner à l'enfant, aux parents et à la société.

Vous semblez dire que vous êtes d'accord qu'il doit y avoir un test médical, comme cela se fait en ce moment.

Mme Willa Marcus: Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. Enfin, continuez.

M. Réal Ménard: Précisez-moi votre position là-dessus parce que ce n'était pas clair.

Mme Willa Marcus: D'accord. J'ai dit que nous appuyions les mesures de vérification de la légitimité de l'adoption. En ce qui concerne le test médical, il faut le situer dans le contexte actuel.

Actuellement, il y a un processus d'immigration et, dans le processus d'adoption, on est censé donner des renseignements médicaux aux parents le plus tôt possible. Or, cela ne se passe pas ainsi.

Nous considérons que le Canada doit prendre une mesure politique—«politique» ne veut pas dire «inscrit dans la loi»—consistant à encourager un échange de renseignements médicaux le plus tôt possible dans le processus pour la protection des parents et des enfants.

M. Réal Ménard: Actuellement, madame Marcus, le processus est plus contraignant que ce que vous décrivez. C'est-à-dire qu'il y a une obligation formelle de soumettre l'enfant à un test médical et, en l'absence d'un tel test, le processus ne peut pas être finalisé.

Mme Willa Marcus: Oui.

M. Réal Ménard: Est-ce que vous êtes d'accord sur mon interprétation?

• 1615

Mme Willa Marcus: Oui. Nous sommes d'accord qu'il faut avoir l'information.

Je vais prendre un exemple. La Chine est le pays d'origine de beaucoup d'enfants adoptés au Québec et même de la plupart d'entre eux, je crois.

M. Réal Ménard: On a les statistiques si vous les voulez.

Mme Willa Marcus: Je pense que la Russie vient ensuite.

Les enfants sont dans des orphelinats éloignés de Pékin. Or, les médecins se trouvent à Pékin. Il arrive donc que les choix sont faits et que les parents s'attachent aux enfants.

On peut se demander ce que veut dire s'attacher à un enfant adoptif. Il faut vraiment délaisser les idées traditionnelles de la famille. Les parents s'attachent aux enfants et ont hâte de les adopter. C'est leur enfant légal. En ce qui concerne les Chinois, cela a été finalisé même si ce n'est pas le cas au Québec. En ce qui concerne les Chinois, c'est une adoption.

M. Réal Ménard: Je veux comprendre. La différence entre la nouvelle loi et la façon de faire, c'est la responsabilité des tests médicaux. En ce moment, ils incombent au gouvernement canadien par l'entremise de son réseau à l'étranger. Un problème se pose aux provinces. Si ce n'est plus une obligation du gouvernement canadien, qui va l'assumer? Les provinces ne sont pas en mesure de le faire. C'est là que se trouve le problème.

Comment vous situez-vous dans tout cela? Vous reconnaissez qu'il faut qu'il y ait une expertise médicale sur l'état de santé de l'enfant, mais qui doit assumer cela? Comment pensez-vous que cela va se faire avec la loi qui est devant nous?

Mme Willa Marcus: Ce test n'était pas celui qu'on fait pour l'immigration. Il était administré après l'adoption finale et donnait très peu d'information réelle, mais il était quand même un critère d'admissibilité de l'enfant. C'était un seuil pour l'admissibilité.

Pour ce qui nous concerne, il ne s'agit pas d'interdire l'entrée de l'enfant au Canada, mais de s'assurer qu'il y ait un échange d'information. Ce n'est pas nécessairement le réseau de médecins approuvé par le Canada qui doit le faire.

M. Réal Ménard: Madame Marcus, je sais qu'actuellement, le test médical est celui qui est exigé pour des fins d'immigration, qui est supérieur à ce qu'on devrait demander dans le processus de l'adoption.

Mme Willa Marcus: Non. En fait, d'une part, c'est plus formel parce que le résultat peut faire en sorte que l'enfant d'un Canadien ne puisse pas entrer au Canada. L'enfant est très loin de Pékin, et l'adoption se fait d'une façon émotive et légale. Les parents se rendent à Pékin, où on fait subir à l'enfant le test médical. Le test médical ne porte pas sur des choses vraiment essentielles comme le développement de l'enfant.

M. Réal Ménard: C'est primaire.

Mme Willa Marcus: Oui. On ne veut pas un test plus sévère. On croit que le test ne devrait pas être un critère d'admissibilité.

Il y a deux aspects à cela. Cela ne devrait pas être un critère d'admissibilité parce que ce n'est pas un critère d'admissibilité pour les enfants non adoptés des Canadiens à l'étranger.

M. Réal Ménard: Oui, mais on ne peut pas faire cette comparaison. En toute rigueur, on ne peut pas la faire parce que les enfants de parents naturels au Canada ont accès à une pléiade de services et que les parents ont la responsabilité légale de voir que de bons soins soient prodigués aux enfants.

La nécessité d'avoir de l'information médicale, que l'on peut juger non satisfaisante dans l'état actuel des choses, découle du fait qu'il y a une responsabilité de santé publique.

Mme Willa Marcus: Je ne suis pas tout à fait d'accord.

M. Réal Ménard: C'est correct. On va s'aimer quand même.

Mme Willa Marcus: Par exemple...

[Traduction]

M. Steve Mahoney: Ce n'est pas ce que vous me dites.

Des voix: Ah, ah!

M. Réal Ménard: Exactement, et vous êtes mon ami.

M. Steve Mahoney: Ah, vraiment?

• 1620

[Français]

Mme Willa Marcus: Une Canadienne, par exemple, peut s'absenter du Canada et aller en Chine.

Il y a des Canadiennes qui ne sont pas nécessairement en bonne santé, qui peuvent rentrer dans leur pays d'origine ou aller vivre en Chine. Elles peuvent boire et faire n'importe quoi pendant leur grossesse parce l'enfant né est canadien. En fait, l'enfant né est canadien même quand le père canadien n'est plus présent.

M. Réal Ménard: Quand il a pris la porte?

Mme Willa Marcus: C'est ça.

M. Réal Ménard: Je comprends le point de vue que vous voulez faire valoir.

Mme Willa Marcus: Mais cela ne veut pas dire qu'on considère qu'il n'y a pas de question médicale.

Nous trouvons qu'il n'y a pas assez d'information réelle et que l'information n'arrive pas assez tôt dans le processus. Mais ce n'est pas la même chose que quand un agent d'immigration peut statuer sur la possibilité que vous puissiez entrer au Canada avec vos enfants. On est complètement en désaccord sur cela. Il faudrait une politique visant à exercer des pressions sur les pays où se font les adoptions. C'est fait de plus en plus de façon formelle. Dans le cas de la Chine et de la Russie, on est d'accord qu'il faut qu'il y ait des normes, mais pour nous, c'est plus une question de politique qu'une question de loi quand on dit que les enfants qui ne sont pas en bonne santé ne peuvent pas entrer au Canada.

D'ailleurs, le rapport Trempe dit qu'il faudrait annuler le test médical pour tous les enfants immigrés, dont les enfants adoptés ne représenteraient qu'une toute petite partie.

Je ne crois pas que le Parlement ait choisi de le faire, mais dans ce rapport, on dit que, de toute manière, tous ces enfants entrent en fin de compte au Canada. Il y a plusieurs processus, notamment la dispense ministérielle et le reste, mais ces enfants entrent quand même au Canada.

C'est l'expérience que nous avons. On sait que dans certains cas, les parents ont adopté des enfants et n'ont pas pu les amener au Canada. Il y a très peu de ces cas. Par contre, on a beaucoup d'exemples où le test médical...

[Traduction]

Le président: Madame Marcus, je crois que je vais nous dispenser des exemples.

Monsieur McKay... et je pense qu'il va partager son temps.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je voudrais parler avec vous de l'article 8 pour obtenir quelques éclaircissements sur votre position.

À l'article 8, dans l'expression «la personne mineure à la date de la demande», si je comprends bien, vous vous opposez à l'utilisation du mot «mineure».

Mme Willa Marcus: Oui.

M. John McKay: Supprimeriez-vous simplement cela comme critère d'adoption?

Mme Willa Marcus: Ce n'est pas un critère qui établit le droit d'adoption; c'est un critère qui établit...

M. John McKay: La façon d'obtenir la citoyenneté, oui.

Mme Willa Marcus: ... la façon d'obtenir la citoyenneté pour l'enfant. Oui, nous disons que le critère de l'âge pour les enfants adoptifs et non adoptifs devrait être le même. Comme je l'ai dit, il s'agit en fait de 28 ans, en raison de l'article 14.

M. John McKay: Oui, l'article 14 établit l'âge à 28 ans, à l'instar de l'article 11, qui dit «âgé de moins de 28 ans».

Mme Willa Marcus: Oui, et cela s'applique à tous les enfants.

M. John McKay: Votre argument favorise donc la symétrie dans la loi. S'il fallait choisir un âge, choisiriez-vous 28 ans, ou supprimeriez-vous entièrement toute allusion à l'âge?

Mme Willa Marcus: Nous voulons qu'il y ait équité et égalité. Si vous voulez retenir 28 ans pour les enfants non adoptifs, très bien. À condition de traiter tout le monde sur un pied d'égalité, cela nous convient. Par ailleurs, nous croyons que cette histoire de l'âge de 28 ans va créer des problèmes, abstraction faite des questions d'adoption.

M. John McKay: Qu'est-ce qui empêcherait donc, par souci d'équité, de ramener cela à l'âge de la minorité pour toutes les autres questions?

Mme Willa Marcus: Nous pensons que le Parlement a parfaitement le droit d'adopter une loi en ce sens, à condition de traiter... Je ne pense pas qu'il faille que le Parlement canadien accorde la citoyenneté canadienne aux enfants nés de citoyens canadiens à l'étranger. Notre position est la suivante: ce que l'on ne peut pas faire, c'est accorder la citoyenneté aux enfants biologiques, aux enfants non adoptifs, mais ne pas l'accorder aux enfants adoptifs. Donc, oui, je suis d'accord.

M. John McKay: Je tiens à bien comprendre votre position. Vous vous opposez plus à l'iniquité du traitement qu'au fait qu'on choisisse que ce soit une personne mineure, qu'elle soit âgée de 28 ans ou qu'elle ait l'âge que vous voudrez.

• 1625

Mme Willa Marcus: Oui, et comme je l'ai dit, nous avons...

M. John McKay: Très bien, parce que nous pouvons parler en théorie d'une personne âgée de 40 ans...

Mme Willa Marcus: Une personne âgée de 40 ans qui est en train d'être adoptée à la date de la demande?

M. John McKay: Oui.

Mme Willa Marcus: Avec tout le respect que je vous dois, quelles sont les probabilités qu'une personne âgée de 40 ans puisse être jugée digne d'adoption et donner l'impression d'une relation authentique entre parents et enfants?

M. John McKay: Travaillant ici depuis environ deux ans, je suis entièrement convaincu de la capacité de créativité des Canadiens pour me faire croire pratiquement n'importe quoi.

Mme Willa Marcus: C'est pourquoi vous avez vos agents, j'imagine. Veuillez m'en croire, ils ne sont pas si faciles à convaincre. Faites-moi confiance là-dessus.

M. John McKay: Pour ce qui est de l'élément discrétionnaire, je crois qu'on nous a demandé ou que l'on va nous demander de supprimer, à l'article 8, les mots «ayant créé un véritable lien de filiation entre l'adopté et l'adoptant», l'argument essentiel étant qu'Immigration Canada, ou quiconque s'occupe de citoyenneté, n'a pas les qualités requises pour vérifier cela ou ne devrait pas avoir le droit de se prononcer sur l'authenticité d'une relation entre un parent et un enfant.

Mme Willa Marcus: Les critères que vous trouvez ici sont ceux qui s'appliquent au titre de la Loi sur l'immigration sous forme de règlements, et ce, depuis 1993. On a ajouté en particulier ce que vous venez de mentionner pour tenir compte des adoptions de convenance.

M. John McKay: Exactement.

Mme Willa Marcus: Ces mots ont été rajoutés en 1993, et que je sache, les résultats ont été relativement heureux. Mais le ministère pourra vous le confirmer sans doute.

M. John McKay: Je n'en disconviens pas, mais si je comprends bien, vous maintenez que le ministère devrait tout de même garder une certaine latitude pour pouvoir déterminer s'il s'agit d'une véritable relation de parent à enfant.

Mme Willa Marcus: Si l'on compare la situation à cette autre situation dans laquelle se trouve le ministère, qui peut déterminer si un certificat de naissance est selon lui authentique ou pas... On voit bien que les deux situations ne sont pas identiques. C'est comme faire la différence entre les escaliers et la rampe pour avoir accès à un édifice. La rampe est sans doute une voie d'accès plus complexe que les escaliers, mais les deux sont sujets à vérification. Puisque les deux sont sujets à vérification, il faut bien que quelqu'un vérifie. S'il faut vérifier, il faut avoir une certaine latitude pour pouvoir affirmer que l'absence de directives ne vous empêche pas de conclure que le certificat de naissance n'est pas authentique.

M. John McKay: On nous fera valoir sous peu—si ce n'est déjà fait—que nous devrions supprimer ces parties de l'article 8 complètement, pour que l'on considère toute adoption dans le pays d'origine comme une véritable adoption et pour empêcher Immigration Canada de faire enquête là-dessus. Qu'avez-vous à dire à ce sujet?

Mme Willa Marcus: J'hésite à dire quoi que ce soit là-dessus, car la loi nous semble convenir jusqu'à maintenant, et nous avons accepté de bon gré les critères. Nous n'avons pas grand-chose à dire là-dessus, mais nous admettons qu'il y a éventuellement certaines parties de... Sauf erreur, je pense que cette disposition s'applique plus aux Canadiens qui retournent dans leur pays d'origine et adoptent des enfants là-bas.

M. John McKay: Je n'en sais rien.

Mme Willa Marcus: Cela se pose généralement dans ces cas-là.

M. John McKay: Vous en savez peut-être plus que moi là-dessus.

Laissez-moi vous poser une autre question. Votre témoignage changerait-il si, au lieu d'avoir les deux, il n'y avait qu'une seule des deux possibilités?

Mme Willa Marcus: Où?

M. John McKay: À l'endroit où on dit que:

    [...] l'adoption ayant créé un véritable lien d'affiliation entre l'adopté et

    l'adoptant sans avoir été faite dans le but d'éluder [...]

Mme Willa Marcus: Mais, à certains égards, la relation d'adoption telle qu'elle est expliquée à l'article 8 est déjà comprise dans ce qui précède, lorsque l'on dit «conformément au droit du lieu de l'adoption». Que je sache, aucun tribunal qui préside à une demande d'adoption—peu importe l'instance et peu importe le pays—n'accédera à la demande d'adoption s'il n'est pas convaincu de l'authenticité...

• 1630

M. John McKay: Je vous suggère un pays de but en blanc: la Thaïlande. On sait que les Thaïlandais sont plus qu'heureux d'accéder à des demandes d'adoption de la part d'étrangers, lorsqu'elles concernent des enfants ayant des problèmes médicaux.

Mme Willa Marcus: Êtes-vous en train de me dire que les Thaïlandais se servent des demandes d'adoption pour... ? Mais qui les adopte?

M. John McKay: Les Canadiens.

Mme Willa Marcus: Voulez-vous dire que ces Canadiens n'ont pas l'intention de créer un véritable lien de filiation?

M. John McKay: Non, je n'irai pas jusque-là. Mais sans vouloir généraliser, j'essaie de vous expliquer que les Thaïlandais, qui font face à des problèmes bien réels avec certains de leurs enfants, sont plus qu'heureux de faciliter les démarches d'adoption, au point qu'elles deviennent très laxistes.

Mme Willa Marcus: J'ai justement signalé notre préoccupation à cet égard, et je remarque que le projet de loi prévoit que l'adoption doit avoir eu lieu conformément au droit du lieu de l'adoptant. Par conséquent, cela englobe tout.

M. John McKay: Oui, mais en l'occurrence on dit: «conformément au droit du lieu de l'adoption et du lieu de résidence de l'adoptant». D'une certaine façon, c'est un double critère, et je suppose que cela vous rassure.

Mme Willa Marcus: Oui. D'une certaine façon—et je parle ici du texte anglais—les sous-alinéas 8b)(ii) et (iii) sont redondants, compte tenu du sous-alinéa 8b)(i). Je ne dis pas qu'il faut les supprimer. Je dis simplement que les supprimer ne règle pas la question du sous-alinéa (i).

M. John McKay: Oui.

Mme Willa Marcus: J'hésite beaucoup à me prononcer, parce que je ne sais pas exactement sur quelle question nous nous penchons. Si nous parlons de la question des enfants en plus ou moins bonne santé qui viennent au Canada, nous croyons effectivement qu'il s'agit d'une question d'équité. S'il est question d'adoption dans des contextes où l'on estime que ce n'est là qu'une tentative de la part du pays d'origine de se décharger d'enfants en les confiant à des Canadiens sans méfiance, c'est une autre affaire. Ce n'est certainement pas...

M. John McKay: Nous devons examiner le côté sombre des choses, si l'on peut dire. Est-ce équitable?

Le président: Il ne nous reste plus que deux ou trois minutes, et peut-être voulez-vous laisser la parole à M. Mahoney.

M. John McKay: D'accord.

M. Steve Mahoney: Peut-être puis-je vous aider, étant donné que je vois les choses sous un angle un peu différent. J'ai d'autres questions, mais pour faire suite à cela, ce que certains nous disent, c'est que, une fois leur adoption reconnue—supposons que cela se passe en Chine—le Canada ne devrait plus avoir quoi que ce soit à dire sur la légalité de cette adoption, se demander si nous devons ou non accorder la citoyenneté à cet enfant adopté par un citoyen canadien. Les gens dont parle M. McKay, qui vont venir nous dire de supprimer ce passage, disent qu'on ne peut se servir d'une expression subjective comme «ayant créé un véritable lien de filiation». Le lien que j'entretiens avec mes enfants, c'est mon affaire, et je ne veux pas qu'un fonctionnaire quelconque vienne me dire ce qu'il doit en être ou pas. Enlevez donc cela, et le deuxième aussi.

S'il arrivait, pour reprendre l'exemple d'une adoption en Chine, qu'un Canadien adopte un enfant chinois en Chine et que pour certaines raisons les autorités chinoises estiment que l'adoption n'est pas appropriée, serait-il raisonnable d'envisager les choses sous un angle différent, soit que les autorités canadiennes pourraient dire que, bien qu'il puisse y avoir un différend avec cette nation étrangère sur la façon de juger de la validité de l'adoption, si nous établissons qu'il existe effectivement un lien de filiation véritable, nous attribuerons la citoyenneté?

Mme Willa Marcus: Non, je ne suis pas du tout d'accord, sans vouloir vous offenser. Si, pour une raison donnée, un pays étranger estime que selon son régime de droit il n'y a pas eu adoption, je pense que nous devons... sauf dans des circonstances très inhabituelles. Je pense que s'il n'y a pas eu adoption... L'enfant est-il né ou non? L'enfant est-il adopté ou non? Autrement, nous parlons d'enlever des enfants d'une façon qui est très... Les enfants se déplacent avec leurs parents. Ils ne se déplacent pas s'il ne s'agit pas de leurs parents. Mais c'est une question autre que celle...

• 1635

M. Steve Mahoney: Non, pas du tout. Je ne pense pas, parce que le revers de la médaille, c'est que l'adoption est légitime, et en outre nous parlons d'un lien véritable de filiation. Cela devient donc subjectif dans l'esprit de ceux qui prennent la décision. Autrement dit, il y a plus qu'un facteur déterminant.

Mme Willa Marcus: Puis-je demander qui fait valoir cette option?

M. Steve Mahoney: M. McKay me dit que c'est un autre groupe, mais je ne l'ai pas entendu dire personnellement.

Mme Willa Marcus: Nous avons insisté sur la procédure d'appel. Vous dites qu'elle est subjective. Je dirais plutôt qu'on a affaire là à un mandataire du gouvernement canadien qui exerce son pouvoir discrétionnaire de façon raisonnable, ce qu'il aurait à faire.

Mais vous soulevez une bonne question. Si l'on accepte qu'une adoption se produise dans un pays étranger et qu'il ne s'agit pas d'une adoption de convenance, il serait bien difficile de demander aux fonctionnaires de l'Immigration ou de la Citoyenneté de rendre des décisions dans des choses comme l'intérêt de l'enfant. L'intérêt de l'enfant, c'est comme la sécurité nationale. Il est facile de dire que nous sommes tous pour cela, mais quant à savoir ce qu'est l'intérêt de l'enfant... On ne peut pas demander à un fonctionnaire à l'étranger de dire: «Il n'est pas bon pour cet enfant de partir avec ces parents. En fait, je connais des gens qui seraient de meilleurs parents pour lui.» Lorsqu'une adoption à l'étranger n'est pas une adoption de convenance, on présume presque indubitablement que c'est en vue de créer une véritable relation parent-enfant.

Le président: Steve, vous avez le temps de poser une question encore.

M. Steve Mahoney: Vous êtes en faveur du statu quo.

Mme Willa Marcus: Je n'aime pas beaucoup qu'on me pousse à prendre une position. Je n'ai pas tout entendu...

M. Steve Mahoney: Ce n'est pas mon intention, mais vous êtes des porte-parole crédibles et un groupe important au sujet de cette question. Il nous serait utile de connaître votre position lorsque nous parlerons à d'autres témoins. Si vous n'êtes pas à l'aise, ce n'est pas grave.

Mme Willa Marcus: Je suis certainement prête à considérer les arguments et à communiquer de nouveau avec vous. Mais ce qui me chiffonne...

M. Steve Mahoney: Ai-je encore du temps?

Le président: Vous avez droit à une dernière question, monsieur Mahoney.

M. Steve Mahoney: Vous avez soulevé la question de cet individu, dont j'oublie le nom, qui avait un casier judiciaire, au sujet de la rétroactivité.

Mme Willa Marcus: C'est un certain M. Benner.

M. Steve Mahoney: Mes collègues de l'autre côté se plaignent constamment de ce que le ministre laisse entrer des criminels au Canada. D'ailleurs, M. Benoit a distribué une annonce, tirée d'une revue, où on disait quelque chose comme «le Canada souhaite la bienvenue aux criminels».

Cela crée un problème, et il faut parler autant des perceptions que de la réalité. Dans le cas où quelqu'un doit demander la citoyenneté en respectant certaines conditions, le ministre devrait-il avoir le pouvoir discrétionnaire de la refuser, malgré l'information que vous nous avez donnée au sujet de M. Benner, ou est-ce que cela devrait se faire automatiquement, sans autre choix?

Mme Willa Marcus: Je dois vous dire que dans ce cas-ci la ministre a rejeté la demande. La Cour suprême du Canada, souvent l'objet du mépris de certains députés, a décidé que M. Benner devait pouvoir rentrer au pays. À son avis, il ne s'agissait pas de savoir si M. Benner était un criminel ou non, mais de savoir s'il était Canadien ou non. Il peut aller en prison, comme d'autres Canadiens. Vous pouvez être un Canadien à l'étranger, avoir un très lourd casier judiciaire et pouvoir tout de même revenir au Canada, parce que les Canadiens peuvent toujours rentrer au Canada. Il faut donc se demander si M. Benner est ou non Canadien, et non pas de savoir s'il est ou non un criminel.

Si vous voulez appliquer ces critères à chaque enfant de Canadiens à l'étranger, alors vous les traiterez tous équitablement. Je pense que le Parlement a probablement ce pouvoir. Vous seriez toutefois confrontés à une vive opposition, parce qu'il y a ici une longue tradition de transmission parentale de la citoyenneté. Mais je pense que vous pourriez le faire si vous le faisiez pour tous.

• 1640

Le président: Je vais vous interrompre maintenant.

Monsieur Telegdi.

M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'ai une très courte question à poser au sujet de l'article 14. En vertu de cet article, si quelqu'un revient au Canada, âgé de 27 ans et citoyen canadien, il pourrait perdre sa citoyenneté à 28 ans. Si nous ne faisons pas ce que vous souhaitez, c'est-à-dire appliquer cela à toute la génération, si on ajoutait une réserve, qui ferait en sorte que cette citoyenneté ne peut être perdue lorsqu'on est en sol canadien, je présume que nous ne nous retrouverions pas dans cette situation.

Mme Willa Marcus: Je dois dire que mes commentaires portaient surtout sur l'adoption et que j'ai soulevé cette question parce qu'elle a attiré notre attention lorsque nous avons étudié cela. Pour vous rendre service, d'une façon, je voulais simplement signaler à votre attention les problèmes qui sont... le bogue de l'an 2000. Je pense que l'exemple que j'ai donné ne se manifestera pas dans le cas dont vous parlez. Il me semble très difficile de concevoir que des gens perdront a priori leur citoyenneté, après l'avoir eue. Cela me semble très inconvenant. Je vois là une belle façon de se créer des tas de problèmes. Quelqu'un a sa citoyenneté, puis ne l'a plus, sans qu'on la lui ait enlevée pour une raison donnée, comme s'il avait menti sur sa demande, ou quelque chose comme ça. Ce n'est tout simplement pas... C'est inconvenant. À mes yeux, c'est un problème, c'est tout.

M. Andrew Telegdi: Bien. Permettez-moi de poser une autre question sur l'affaire Benner, puisque vous estimez qu'il ne faut pas faire de différence entre les enfants nés ici et les enfants adoptés. Pourtant, dans certains cas, il y a une différence fondée sur la raison de la citoyenneté et la façon dont on l'acquiert. Il y a des gens qui arrivent au Canada, par exemple une famille de quatre, avec deux enfants mineurs. Les parents peuvent acquérir leur citoyenneté avant les enfants. Si les enfants ont des démêlés avec la justice, ils peuvent être expulsés du pays. Il peut aussi se produire que quelqu'un vient au Canada, reçoit sa citoyenneté, qui est ensuite révoquée pour une raison quelconque. Je dis simplement cela pour vous montrer qu'il y a divers types de citoyenneté, si l'on veut.

Mme Willa Marcus: Oui. Je pense que c'est un argument très important et, si vous le permettez, je dirais que cela soulève la question des droits de la personne dont nous avons traité. Comme vous le savez, M. Benner n'a pas été adopté. Il est le fils d'une Canadienne et est né avant que les Canadiennes puissent transmettre la citoyenneté. Pour ce qui est de la rétroactivité, on n'obtenait pas la citoyenneté automatiquement, et il fallait respecter certains seuils, chose qui n'était plus nécessaire pour les enfants nés après le 14 février 1977. La cour a dit que c'était une question d'égalité, puisqu'il s'agissait de discrimination contre les femmes, soit contre Mme Benner, qui touchait ensuite l'enfant. D'après la cour, donc, on peut établir une distinction, mais pas d'une manière discriminatoire, qui est interdite par la loi. La discrimination en fonction du sexe n'est pas permise en droit canadien.

Dans l'affaire McKenna, le tribunal a déclaré qu'une discrimination en fonction de l'adoption est essentiellement semblable à ce genre de motifs de discrimination. Il ne doit donc pas y avoir de discrimination en fonction de l'adoption. On peut faire de la discrimination de toutes sortes d'autres façons. Par exemple, nous avons des lois sur l'immigration qui nous permettent de dire que A peut immigrer, mais pas B. C'est la loi. La loi fait de la discrimination.

Le président: Bien.

Mme Willa Marcus: La discrimination ne doit toutefois pas se faire en fonction de motifs interdits.

Le président: Je pense que les cinq minutes sont écoulées, et j'aimerais moi-même poser une question. Qu'avez-vous à dire au sujet de l'exigence selon laquelle l'adoption doit être conforme aux lois du pays où se fait l'adoption et du pays de résidence des parents adoptifs? Avez-vous une position au sujet de cette exigence?

• 1645

Mme Willa Marcus: Oui, cela se rapporte à la troisième observation sur la feuille que nous avons remise: le Canada, le rôle du fédéral et des provinces et territoires...

Le président: Quelle est votre position?

Mme Willa Marcus: Nous tenons à ce que les questions relatives aux droits de la personne ne soient pas refilées aux provinces.

Le président: Quelle est donc votre recommandation? Voulez-vous en enlever une partie ou tout enlever?

Mme Willa Marcus: Je m'excuse, je n'ai pas compris...

Le président: Faut-il éliminer l'exigence de se conformer aux lois du pays de résidence des parents adoptifs et à celles du pays où se produit l'adoption?

Mme Willa Marcus: Nous pensons qu'on pourrait éliminer l'exigence relative aux lois du pays de résidence de l'adoptant tout en accordant une protection. Nous n'éliminerions pas: «ayant créé un véritable lien de filiation».

Le président: Non, ce n'est pas là-dessus que portait ma question. Vous êtes donc en accord avec l'Association du Barreau canadien?

Mme Willa Marcus: Oui.

Le président: Merci.

Je pense que nous avons rallongé le temps qui vous était imparti à cause de l'intérêt marqué des membres du comité, et nous vous remercions pour votre témoignage, et nous vous autorisons à vous retirer.

Merci encore une fois au nom du comité.

Dès que la place sera libre, j'inviterai les témoins suivants à prendre place, s'il vous plaît.

Mme Willa Marcus: Merci beaucoup de nous avoir écoutés.

Le président: Le groupe de témoins suivant représente la Fédération canadienne du civisme. Nous accueillons M. Eric Teed et Mme Diana Togneri. Bienvenue au comité. Comme vous le savez, nous avions prévu une comparution de 45 minutes, soit dix minutes pour l'exposé et le reste pour les questions et réponses. Nous avons rallongé nos questions, puisque le président le permettait, à cause du vif intérêt suscité. Nous aimerions nous limiter à une comparution de 45 minutes comportant un exposé de dix minutes, mais si vous suscitez encore une fois un vif intérêt, bien entendu, j'userai de la latitude qui m'est permise, avec le consentement du comité.

Qui veut commencer? Madame Togneri.

Mme Diana Togneri (ex-présidente, Fédération canadienne du civisme): Bonjour, monsieur le président.

Vous constaterez qu'au fil des ans nous avons eu maintes occasions de vous présenter des exposés. Celui-ci est le dernier en liste, et il ne sera peut-être pas aussi controversé que ceux des témoins précédents, bien que je doive dire qu'ils avaient d'excellents arguments.

Nous vous remercions de votre invitation à comparaître devant le comité. Je suis Diana Togneri. Je suis de Hudson, au Québec, et voici mon collègue, M. Teed, de Saint John, au Nouveau-Brunswick.

L'histoire de la Fédération canadienne du civisme a été bien circonscrite dans de précédents mémoires à divers comités, comme l'indique notre lettre du 9 mars 1999—dans notre mémoire, nous avons écrit le 9 mai 1998—dont vous avez copie. Depuis 50 ans, nous nous intéressons à la législation et aux procédures qui permettent à des gens de s'installer au Canada et d'y devenir citoyens. Nous sommes très reconnaissants au gouvernement d'avoir toujours sérieusement tenu compte de nos recommandations et nous sommes heureux de constater que certaines d'entre elles ont été adoptées et que le projet de loi C-63 en englobe.

• 1650

À titre général, la fédération estime que le projet de loi représente une nette amélioration. Nous sommes plus particulièrement satisfaits des points suivants, dont nous ne discuterons pas immédiatement. D'abord, la modification de l'article 7 et des alinéas 8a) et 8b) de la partie II, qui ont trait aux citoyens nés à l'étranger et qui limitent le droit à la citoyenneté à cette génération et en limitent les conditions.

Nous pensons que c'est une amélioration. Oui, il y a manifestement des problèmes, mais nous pensons que c'est une amélioration qui nous permet de nous protéger contre des générations de Canadiens nés à l'étranger et qui n'ont jamais eu de contact avec le Canada, ce qui est tout à fait possible en vertu de la loi de 1977.

Deuxièmement, nous sommes satisfaits de la clarification des conditions de résidence et des modifications apportées à ces dispositions; troisièmement, de la clarification des interdictions relatives aux activités criminelles, au Canada et à l'étranger, et des modifications qui y ont été apportées; et quatrièmement, de la procédure d'examen et d'appel et de l'instauration de cette procédure. Nous ne pouvons qu'espérer que cette procédure fonctionnera bien pour les requérants et pour le ministère et qu'elle ne sera pas qu'une mesure de rentabilité qui n'aura pas d'efficacité par ailleurs.

D'autre part, nous exprimons des réserves au sujet, premièrement, de l'absence d'un petit préambule, deuxièmement, des pouvoirs discrétionnaires, troisièmement, du serment, et quatrièmement, des exigences en matière de compétences linguistiques et de connaissances.

Au sujet de l'absence d'un petit préambule, la Fédération canadienne du civisme regrette que le projet de loi C-63 ne soit pas introduit par un préambule. La Loi sur l'immigration de 1976 comporte, si je me souviens bien, un préambule expliquant le point de vue canadien sur l'immigration et les objectifs de la loi.

Dans le cas qui nous occupe, il serait utile de ne pas mettre l'accent sur des valeurs symboliques, mais sur notre tradition en matière de droit, d'ordre public et de démocratie, qui est à la base de notre citoyenneté et de l'esprit de générosité et de compassion qu'elle traduit. Un préambule permettrait d'associer ceux qui sont Canadiens de naissance ou par choix et ceux qui, aujourd'hui ou demain, demanderont à le devenir.

Deuxièmement, les pouvoirs discrétionnaires. La Fédération canadienne du civisme a toujours appuyé les dispositions de la loi. Nous sommes cependant préoccupés par l'usage du pouvoir discrétionnaire pour accorder une «amnistie» (paragraphe 5(4) actuel) sous le prétexte de ne pas imposer de difficultés excessives aux personnes concernées, mais en réalité pour absorber un arriéré administratif. C'est une chose qu'on a déjà faite et qui peut causer des problèmes.

Cette disposition peut devenir avec raison la cible de groupes d'intérêts, et de plus en plus, dans une société comme la nôtre. Comme elle est intégrée au projet de loi C-63, nous suggérons que la nouvelle loi écarte cette possibilité, peut-être par un autre moyen, par exemple en fixant certaines limites.

Le serment. À l'article 5, à la page 3, le projet de loi implique qu'il faut prêter serment. Et à l'article 33, à la page 17, on suppose qu'il y a serment au cours d'une cérémonie. Cependant, il n'est nulle part question d'un serment comme condition de la citoyenneté; on ne dit pas qu'il faut prêter serment. On pourrait le faire dans un article sur les exigences en matière de compétences linguistiques et de connaissances. Cela doit être rectifié, et il faut toujours prévoir des exceptions.

Les nouveaux citoyens prennent à l'égard du Canada un engagement juridique qui est celui de tous les Canadiens. L'expression prévue dans le serment proposé est «nos valeurs démocratiques». Elle nous semble dangereuse, faute d'une définition correcte. Que dire d'autres régimes politiques et sociaux auxquels étaient assujettis certains requérants et qui, tous, professent des valeurs démocratiques, alors qu'elles ne sont pas nécessairement notre version de ces valeurs? À tout le moins, il faudrait parler de «défendre les valeurs démocratiques canadiennes».

Nous remarquons que l'on a conservé la mention de l'allégeance à la Reine Elizabeth II dans le serment. Mais en quoi le retrait des «héritiers et successeurs» (ou tout autre terme renvoyant à la succession de la Reine après son décès) traduit-il les valeurs canadiennes contemporaines, et cela contribue-t-il à consolider la fidélité au Canada? Le système politique du Canada est toujours une monarchie constitutionnelle. Lorsque nous aurons collectivement décidé de modifier cette disposition constitutionnelle, le serment devra le traduire.

• 1655

Nous avons exposé ces arguments concernant le serment au Comité de la citoyenneté et de l'immigration en 1994. Nous souhaitons peut-être obtenir une explication satisfaisante.

Au sujet des compétences linguistiques et des connaissances, encore une fois en 1994, à l'occasion d'un exposé devant votre comité, la Fédération canadienne du civisme a fait la déclaration suivante:

    Par compétence linguistique suffisante, il faudrait entendre la capacité d'utiliser l'une des deux langues officielles du Canada pour communiquer à un niveau permettant à quelqu'un de fonctionner de façon autonome dans la collectivité.

Nous estimons que cette interprétation devrait toujours être maintenue et nous avons du mal à comprendre comment il est possible d'évaluer cette compétence par le biais d'une épreuve écrite ou des questions à choix multiples.

La Fédération canadienne du civisme est également convaincue qu'une connaissance suffisante du Canada devrait englober une certaine compréhension de base de son système politique et de sa structure ainsi que du droit de vote sans discrimination et une certaine idée de la géographie politique et des fondements historiques du pays. En deçà de ce seuil, l'intéressé ne pourrait pleinement exercer ses droits et obligations aux termes de la citoyenneté canadienne dans la collectivité canadienne.

Aussi cynique que cela puisse paraître, l'expérience personnelle atteste que, même dans le cadre d'entrevues individuelles, certains requérants n'ont pratiquement aucune idée de ce qui précède, et le peu qu'ils savent est une leçon apprise par coeur. Du moins a-t-on la possibilité, au cours d'une audition, d'informer et d'instruire, ne serait-ce que dans ce délai de 10 à 15 minutes.

Pour conclure, monsieur le président, nous aimerions attirer votre attention sur quelques points de vue législatifs sur la consolidation et la mise en valeur de la citoyenneté. Nous avons demandé tant et plus que l'on élabore des projets de programmes, par le biais des affectations budgétaires du ministère, en vue du développement et de la promotion de la citoyenneté canadienne.

L'an dernier, la Fédération canadienne du civisme a remis un rapport à Citoyenneté et Immigration Canada et à Patrimoine canadien concernant une plus grande participation à la Semaine de la citoyenneté et du patrimoine. Le rapport comportait un plan de leçon élaboré par un éducateur d'une école primaire de l'Ontario et destiné à évaluer ce que savent les élèves des 4e à 8e année sur le patrimoine canadien et sur leurs responsabilités de citoyen et ce qui leur plairait dans le cadre des célébrations de la Semaine de la citoyenneté et du patrimoine.

Ce plan de leçon a été distribué aux ministres provinciaux de l'Éducation, à qui l'on a recommandé qu'il soit inclus dans le programme des écoles primaires de chaque province.

La réaction des ministres et/ou des ministères a été encourageante et positive. Dans certains cas, la province a décidé de distribuer le plan de leçon aux enseignants des écoles primaires. Dans d'autres, le plan a été confié aux consultants des études sociales, qui l'évalueront et décideront s'il y a lieu de l'inclure dans les guides d'étude des enseignants. Jusqu'ici, pourtant, les ministères fédéraux n'ont manifesté aucun intérêt, bien que le module convienne à toutes les provinces.

Deuxièmement, nous supplions depuis des années Citoyenneté et Immigration Canada et ses prédécesseurs de maintenir des programmes d'expansion de l'utilisation des preuves de citoyenneté canadienne. En voici une.

J'aimerais glisser un mot à titre personnel ici: j'en ai vraiment marre de me faire dire par des Canadiens que cela ne sert qu'aux immigrants. Je l'ai déjà dit devant votre comité, mais cela me révolte, et on l'entend souvent. J'aimerais savoir combien d'entre vous la portent sur eux. Venez-vous d'un autre pays? La portez-vous?

Les gens qui sont nés au Canada ne croient pas en avoir besoin; ils pensent que c'est seulement pour les immigrants. Il y avait autrefois des programmes, que je connais pour les avoir mis en oeuvre à grande échelle, qui encourageaient les Canadiens de naissance à obtenir ces cartes. C'est une excellente preuve d'identité. On en est maintenant au point où son coût est exorbitant. Je pense que les cartes de citoyenneté canadienne coûtent 80 $.

• 1700

En passant, c'est la preuve légale de la citoyenneté. Ce n'est pas un document qui arrive dans une grande enveloppe. Le coût prohibitif de la carte de citoyenneté est tel que les commissaires ou les juges ne peuvent pas recommander qu'on l'obtienne.

Il y a toutes sortes de programmes, qui peuvent avoir un franc succès. On les a présentés avec succès dans des écoles, dans des organismes de service, etc.

Il faut dire en outre que ceux qui demandent la citoyenneté canadienne doivent débourser au moins 200 $ et que ce prix peut être un facteur de dissuasion. Ainsi, bien que nous voulions tous rendre la citoyenneté plus signifiante pour nous tous, le simple coût de la procédure ramène la demande de citoyenneté à une fonction administrative à valeur purement monétaire.

Si on veut que la citoyenneté soit plus signifiante, il faut parler de la façon de l'obtenir, et non pas seulement de ce qu'elle coûte. Cela ne se rapporte peut-être pas directement à la loi dont vous êtes saisis, mais nous croyons que c'est une considération d'une importance extrême.

En fin de compte, mesdames et messieurs, il y a lieu avant de promulguer le projet de loi C-63 de vous interroger sérieusement: qu'est-ce qui est juste? Qu'est-ce qui est humanitaire? Qu'est-ce qui est simplement commode?

Merci. Je vais céder la parole à mon collègue, M. Teed, qui voudrait faire un certain nombre d'observations. Il ne pourra pas rester très longtemps, car il doit prendre un avion pour retourner à Saint John.

M. Eric Teed (vice-président, région de l'Atlantique, Fédération canadienne du civisme): Merci, et merci à vous monsieur le président.

J'ai deux ou trois petites observations à faire. Il y a au Canada trois classes de citoyens. Il y a les citoyens qui sont nés ici, il y a les citoyens qui ont acquis la citoyenneté en en faisant la demande, et il y a des gens comme moi qui sont citoyens de par la loi. J'ai été fait citoyen par une loi; je ne suis pas né au Canada. Il y a donc trois classes, et celle à laquelle j'appartiens disparaît graduellement.

Premièrement, nous approuvons sans réserve la cessation de ce que j'appellerais la transmission de la citoyenneté à perpétuité par les liens du sang. Il y a deux formes de citoyenneté: on peut être citoyen d'un pays parce qu'on y est né, ou bien parce que la citoyenneté a été transmise par les liens du sang. On met donc fin à cette pratique qui faisait que quelqu'un pouvait être citoyen parce que son grand-père ou son arrière-grand-père était citoyen, et je trouve que c'est tout à fait juste et raisonnable.

Le problème suivant est celui des mineurs. À l'article 6, vous fixez l'âge à 18 ans; à l'article 8, vous dites un mineur. Or l'âge de la minorité est défini par législation provinciale. Auparavant, c'était 21 ans. Je pense que les provinces ont toutes changé cet âge, et je crois que c'est maintenant 19 ans. Mais les provinces pourraient décider de le changer de nouveau. Alors, quelle est votre définition d'un mineur? Si vous utilisez la définition de l'article 8, je vous suggère de fixer un âge. Dans ma région du pays, l'âge de la majorité est 19 ans. À moins de 19 ans on est un mineur, mais on peut quand même voter à 18 ans, en raison de la loi fédérale, même si l'on est mineur. Le soutien cesse à l'âge de 16 ans, sauf en certaines circonstances, et tout cela varie. Voilà donc une suggestion: mettez un âge précis, et n'utilisez pas le mot «mineur».

M. Steve Mahoney: Quel âge?

M. Eric Teed: Dix-huit ans, ce serait bien.

Une voix: Vingt-huit ans.

M. Eric Teed: Non, à cet âge là on est un adulte.

Mme Diana Togneri: Dans n'importe quelle langue, c'est un adulte.

Le président: Monsieur Teed, pour éviter d'avoir à revenir là-dessus, je vous signale que le mot «mineur» est défini dans le projet de loi lui-même, à la page 2; la définition est la suivante: «personne âgée de moins de 18 ans». Vous avez donc raison de dire qu'il faut une définition, mais cette définition figure bel et bien dans le projet de loi lui-même.

M. Eric Teed: Plus loin, à l'article 6, on lit:

    6.(1) Le ministre attribue, sur demande, la citoyenneté à quiconque, à la fois:

      a) est âgé d'au moins 18 ans;

Pourquoi ne dites-vous pas: «n'est pas un mineur»? Cela résoudrait le problème.

Le président: C'est une question de définition.

M. Eric Teed: Dans un cas, vous fixez un âge; dans l'autre cas vous employez une expression. Je vous remercie d'avoir attiré mon attention là-dessus.

L'autre problème est celui de l'adoption. J'appuie assurément le concept de l'octroi de la citoyenneté à l'enfant adopté, mais il y a là deux aspects. Le premier est l'adoption internationale, quand un citoyen canadien qui habite au Canada va à l'étranger aux termes de ce nouvel arrangement, choisit un enfant, l'adopte là-bas et le ramène ici.

L'autre cas est celui du citoyen canadien qui habite dans un autre pays. Disons que je suis un Canadien de deuxième génération qui habite en France et que j'adopte un enfant en France. Ce n'est pas une adoption internationale telle que nous la connaissons. Si cet enfant est adopté aux termes de la loi française et que la France est mon pays de résidence à ce moment-là, je peux amener cet enfant en dehors du pays sans contrainte; il me suffit d'en faire la demande. Aucun critère ne précise où il faut présenter la demande. Puis-je faire la demande en France pour mon enfant, avant de venir ici? D'après ce que je lis ici, je suppose que je le peux. Je ne vois rien qui m'en empêche.

• 1705

L'immigration n'entre pas en ligne de compte, pas plus que la santé, pour une personne dans cette situation. Il s'agit du respect des critères de santé. Tout citoyen canadien peut venir ici. Je suppose qu'une personne adoptée à l'étranger parce que ses parents habitaient alors à l'étranger peut présenter une demande de citoyenneté, ou bien ses parents peuvent le faire à sa place. D'après mon interprétation de l'article 8, cette demande sera alors acceptée. Je me trompe peut-être, mais c'est ce que je comprends. Il y a vraiment deux types d'adoption à l'étranger.

Le deuxième élément est le lieu de résidence. J'ignore ce que cela veut dire. La résidence peut être temporaire, ou bien cela veut-il dire résidence permanente ou domicile? Je peux aller là-bas et attendre un mois et dire que c'est mon pays de résidence; est-ce cela qu'on veut dire? Je n'en sais rien. Si l'on veut dire résidence permanente—et j'ai d'ailleurs vu quelque part dans la loi le mot «permanent»—peut-être qu'il faudrait le préciser.

Une voix: Ne dit-on pas le pays qui est la résidence habituelle?

M. Eric Teed: Ici, on dit «conformément au droit du lieu de l'adoption et du lieu de résidence de l'adoptant». Je suis Canadien, je vais là-bas et j'y habite. J'achète une maison ou une villa et j'y habite pendant deux mois.

Le président: C'est une bonne observation.

M. Eric Teed: C'est une question.

Le président: Poursuivez, je vous prie.

M. Eric Teed: Je crois comprendre que l'article 8 s'applique à l'adoption d'un enfant. Il est vrai que l'on peut adopter un adulte dans certaines circonstances spéciales, tout au moins on peut le faire au Canada, mais je ne crois pas que ce soit le but de l'article 8. Il est question de l'adoption d'un mineur et de l'entrée au Canada qui fait problème.

Il y a un problème à l'article 14 en ce qui a trait à la perte de la citoyenneté, et je pense qu'on en a donné un exemple. Essentiellement, on dit que la personne doit être venue au Canada à l'âge de 25 ans, puisque cette personne doit avoir habité au Canada pendant trois ans avant d'atteindre l'âge de 28 ans. Si une personne vient ici à 26 ans, elle ne peut pas présenter de demande.

Supposons qu'une personne a présenté une demande et perdu sa citoyenneté; il y a là un vide. Cette personne n'est pas ici à titre d'immigrant; c'est un citoyen qui est subitement devenu apatride, ce qui est une situation assez inhabituelle. Il faut donc préciser cela. Peut-être bien que l'on peut arrêter la marche du temps à la date de la demande. Si la personne présente sa demande avant d'avoir 28 ans et a alors trois ans de résidence, très bien. Mais si la personne ne présente pas de demande, elle perd la possibilité d'en présenter une.

Essentiellement, vous dites qu'un type doit avoir 25 ans ou moins quand il arrive au Canada pour commencer sa période de résidence, puisqu'il doit avoir été ici trois ans avant l'âge de 28 ans. Je ne sais trop comment interpréter cela, mais j'imagine qu'il doit avoir été présent au Canada pendant au moins trois ans. Si vous exigez trois années de présence au Canada et si vous dites qu'il doit présenter sa demande avant 28 ans, c'est bien cela. S'il n'a pas son temps de résidence au Canada, il doit s'en aller. Je le répète, il lui faudra probablement quitter le Canada, puisqu'il n'est pas immigrant.

Il faut se rappeler qu'il y a une distinction. Un Canadien n'a pas besoin d'être immigrant. Il peut entrer et sortir; vous ne pouvez pas l'arrêter. Peut-être qu'il faudrait resserrer un peu tout cela.

J'ai une autre question à soulever. Il s'agit de la double citoyenneté, qui n'est nulle part mentionnée dans la loi. Il fut un temps où, pour être Canadien, il fallait renoncer à toute autre citoyenneté. Je conviens que certains pays refusaient la renonciation—citoyen un jour, citoyen toujours—, mais on pouvait renoncer en ce qui concerne le Canada.

Aujourd'hui, un Canadien peut collectionner une dizaine de citoyennetés. S'il est né de parents canadiens habitant en Allemagne dans un avion survolant la Russie, et s'il s'agissait d'un avion américain, la personne qui est née dans cet avion est américaine au sens de la loi américaine; d'après la loi russe, s'il est né au-dessus de la Russie, c'est un Russe; d'après la loi canadienne, parce que son père est Canadien, il est Canadien. C'est donc tout mélangé. C'est assez intéressant. C'est conforme à la loi, mais je trouve inquiétant que nous permettions encore aux immigrants ou aux Canadiens d'avoir des citoyennetés multiples.

Je peux aller dans un autre pays, demander la citoyenneté et conserver celle que j'ai déjà. Il n'y a rien dans ce document qui précise que je vais la perdre. Cela me pose énormément de problème. Pour que la citoyenneté ait un sens dans notre pays, il faut qu'un citoyen soit un citoyen. Les Américains, si je ne me trompe, disent «si vous devenez citoyen d'un autre pays, vous perdez la nôtre». Si vous venez en Amérique pour devenir Américain, vous devez renoncer à votre autre citoyenneté.

Mme Diana Togneri: Ce n'est plus le cas.

M. Eric Teed: Ça ne l'est plus? Je suppose qu'ils ont perdu cette bataille. J'en suis désolé.

Le président: Bon, je vais maintenant permettre aux députés de poser leurs questions.

Monsieur McNally.

• 1710

M. Grant McNally: Merci, monsieur le président. Je ne vais pas prendre trop de temps, parce que je sais que nous avons un autre témoin qui veut également prendre la parole.

Je voudrais revenir à ce que vous avez dit au sujet des pouvoirs discrétionnaires énumérés ici au point numéro 2. Vous dites que vous êtes «préoccupés par l'utilisation du pouvoir discrétionnaire pour accorder une "amnistie"», conformément au paragraphe 5(4) de la loi actuelle. Où voyez-vous un changement à cet égard?

Mme Diana Togneri: Il semble que ce soit à peu près la même chose. Je m'en inquiète parce que c'est toujours un problème potentiel et c'était d'ailleurs considéré comme tel par l'ancien ministère qui s'occupait auparavant de la citoyenneté.

M. Grant McNally: Y a-t-il des dispositions particulières...

Mme Diana Togneri: Et ce pouvoir a été utilisé. Il l'a assurément été souvent pour des groupes de gens. Je dis seulement que nous vivons dans une société où nous sommes de plus en plus régis par des groupes d'intérêts et par l'information publique, ce qui a ses bons et ses mauvais côtés. Il nous semble simplement qu'il faudrait mettre une certaine sauvegarde.

Je me rappelle de m'être fait dire quand j'étais en fonction que c'était un domaine très difficile et qu'il fallait essayer de l'éviter dans toute la mesure du possible—et je ne parle pas nécessairement des fonctions, mais il fallait même éviter d'en discuter. C'était il y a de nombreuses années et nous n'avons donc plus à nous en inquiéter aujourd'hui, mais je vois que cela réapparaît ici et il est évident que personne n'a trouvé le moyen de s'y attaquer.

Cela ne veut pas dire qu'il ne faudrait pas accorder peut-être parfois l'amnistie dans certains cas, mais il faut vraiment que ce soit utilisé avec parcimonie.

M. Grant McNally: Bien. Où, dans ce projet de loi-ci, voyez-vous un problème relativement à ce pouvoir discrétionnaire? À votre avis, à quel article devrait-on porter une attention particulière?

Mme Diana Togneri: Je tiens simplement à faire remarquer ici que le ministre semble posséder un pouvoir discrétionnaire vraiment immense et peut-être accru. Je parle de façon très générale. Nous n'avons pas eu beaucoup de temps pour étudier cela et M. Teed habite très loin de chez moi.

M. Grant McNally: Je vois.

Mme Diana Togneri: Je crains donc que...

M. Grant McNally: Vous nous invitez donc à examiner toute la question du pouvoir discrétionnaire qui peut être conféré ici ou là dans tout le projet de loi?

Mme Diana Togneri: Oui, c'est bien cela. Comme je le disais à quelqu'un tout à l'heure, c'est vraiment un tout petit projet de loi, mais ses répercussions sont beaucoup plus complexes qu'on pourrait l'imaginer à première vue.

M. Grant McNally: Dites-vous qu'à votre avis, ce projet de loi confère au ministre un pouvoir discrétionnaire plus étendu que celui qu'il possède actuellement?

Mme Diana Togneri: Oui.

M. Grant McNally: Vous croyez que la mesure lui donne davantage de pouvoir discrétionnaire.

Mme Diana Togneri: Avez-vous eu le temps de l'examiner assez attentivement pour...?

M. Eric Teed: Non, je suis désolé.

Mme Diana Togneri: Non.

M. Grant McNally: Bien, merci. Je n'ai pas d'autre question.

Le président: Merci, monsieur McNally.

Madame Augustine.

Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Merci de comparaître devant nous cet après-midi. J'espère que vous ferez un bon voyage de retour à la maison.

Je veux vous poser une question au sujet d'un article précis, celui qui traite du serment. Vous vous êtes opposés à ce que l'on prête serment de défendre nos valeurs démocratiques. Vous trouvez cela dangereux.

Mme Diana Togneri: Ce pourrait être le cas.

Mme Jean Augustine: En quoi la mention de «valeurs démocratiques» vous semble-t-elle dangereuse?

Mme Diana Togneri: Ce n'est pas cela comme tel qui me semble dangereux. Je n'ai peut-être pas été assez claire, mais ce que je veux dire c'est que bon nombre de Canadiens proviennent de régimes politiques très différents, de sociétés très différentes. Toute leur base culturelle est différente. De trois à cinq ans est... Lorsqu'une personne arrive au Canada et tente de s'adapter à la vie ici, c'est déjà un gros changement. Cette personne apporte avec elle son bagage—ses propres philosophies, ses anciennes valeurs et tout le reste. Il y a des pays dans le monde où, comme vous le savez j'en suis certaine, les termes «démocratique» ou «valeurs démocratiques» ou «démocratie» apparaissent constamment dans tout ce qu'ils publient, mais ces mots n'ont pas le même sens que nous leur donnons ici au Canada.

Je disais donc tout simplement que nous devrions peut-être préciser... Nous parlons également de gens qui ont une capacité linguistique limitée, des connaissances limitées et une compréhension parfois limitée, de sorte que ce ne serait peut-être pas une mauvaise chose d'être un peu plus précis.

Mme Jean Augustine: Croyez-vous que nous puissions trouver un jour une définition des valeurs démocratiques qui puisse satisfaire tout le monde?

Mme Diana Togneri: Je pense que ce serait déjà un pas dans la bonne direction si l'on disait «nos valeurs démocratiques canadiennes», car quelqu'un qui vient d'ailleurs pourrait fort bien avoir une interprétation tout à fait différente. Après tout, nous voulons que ces gens deviennent des citoyens canadiens.

• 1715

M. Eric Teed: Puis-je ajouter quelque chose? Je remarque «respecter les droits et libertés de notre pays». Pourquoi ne pas dire «les droits et libertés de mon pays» et ajouter «les valeurs démocratiques canadiennes»? Je ne sais pas ce que le mot «nos» signifie. On commence par «Je promets fidélité au Canada et respecte notre pays»...

Le président: Monsieur Teed, si vous me permettez de vous interrompre, à titre d'information, dans le texte qui est proposé, on dit en fait «nos valeurs démocratiques».

M. Eric Teed: Je sais, mais c'est pourquoi je dis pourquoi ne pas parler de «valeurs démocratiques canadiennes»? C'est le même problème avec «notre pays». Au début, on dit «Je promets», et on passe de l'individuel au collectif. Ce devrait être «Je promets fidélité», etc., «et de respecter mon pays», car la personne est alors devenue une Canadienne ou un Canadien.

Mme Diana Togneri: Et «mon pays le Canada».

Le président: Mais si je peux vous interrompre rapidement, ce n'est pas notre pays... En d'autres termes, la personne est un élément d'un ensemble plus vaste.

M. Eric Teed: Non, c'est mon pays.

Le président: Très bien, Jean, vous pouvez poser vos questions.

Mme Jean Augustine: Merci.

M. Eric Teed: C'est la même chose pour ce qui est des valeurs démocratiques.

Mme Jean Augustine: Vous dites également dans le document que vous nous avez présenté: «À tout le moins, il faudrait parler de "défendre les valeurs démocratiques canadiennes"». Nous avons des Canadiens qui ont certaines préoccupations au sujet de la définition du mot «défendre». Par exemple, le Comité central Mennonite n'accepte pas le mot «défendre», car ils sont des objecteurs de conscience. Le mot «défendre» comporte l'idée de défendre physiquement, militairement, implique un genre d'action avec laquelle un objecteur de conscience ne peut être d'accord. Donc, si on veut trouver un libellé qui puisse satisfaire les Canadiens, je ne suis pas sûre que ce que vous proposez ici, le mot «défendre», soit un terme satisfaisant.

Mme Diana Togneri: Le mot «défendre» est dans la proposition, mais cela montre tout simplement que pour de nombreux Canadiens, le mot «défendre» ne signifie pas prendre les armes.

M. Eric Teed: Je serais tout aussi d'accord pour qu'on élimine ce mot et qu'on dise plutôt: «Je promets de respecter les droits et libertés de mon pays, d'observer fidèlement nos lois et de remplir mes obligations». Tout est alors compris. Je ne sais pas pourquoi le mot «défendre» a été ajouté ici. Quelqu'un a dû l'ajouter, et franchement, je ne comprends pas pourquoi. Cela crée des problèmes.

Mme Jean Augustine: Bien, mais d'après ce que je vois ici, c'est ce que vous préconisez. Vous dites qu'à tout le moins, l'expression devrait être «défendre nos valeurs démocratiques canadiennes».

M. Eric Teed: Si vous voulez garder ce bout de phrase, il faut ajouter «canadiennes». Il serait préférable de le supprimer.

Mme Diana Togneri: C'est très bien ainsi. En vous faisant des suggestions, nous essayons de ne pas proposer de grands changements globaux ou des méthodes différentes juste pour changer. Je présume, comme nous présumons tous, puisque nous en avons beaucoup parlé, que les rédacteurs de ce serment ont beaucoup réfléchi avant de l'écrire. J'aimerais bien qu'on me dise pourquoi les mots «ses héritiers et successeurs» ont été supprimés, comme termes juridiques. Qu'arrive-t-il si la reine meurt demain?

Le président: Là-dessus, j'aimerais simplement signaler à votre intention, comme nos adjoints l'ont fait pour moi, l'article 35 de la Loi d'interprétation du Canada:

    35.(1) Les définitions qui suivent s'appliquent à tous les textes [...] «Sa Majesté», «la Reine», «le Roi» ou «la Couronne» Le souverain du Royaume-Uni, du Canada et de Ses autres royaumes et territoires, et chef du Commonwealth.

Au décès de la Reine Élizabeth, toute référence à son nom serait automatiquement interprétée comme une référence à son successeur. D'une certaine façon, cela répond à votre préoccupation.

Mme Diana Togneri: Oui, en effet. Bien sûr, cela répond à ma question, et vous comme moi le comprenons. Mais encore une fois, je ne sais pas... Des gens qui ont d'autres valeurs et qui viennent d'autres sociétés n'ont peut-être pas une idée très claire de ces choses.

• 1720

Pour des gens comme vous, M. Teed et moi-même, et pour ces messieurs, c'est peut-être d'un certain intérêt, mais pas pour les gens ordinaires, peut-être. Ils ne comprennent pas vraiment cela. Je sais que j'ai eu à l'expliquer à maintes reprises, qu'il s'agit en réalité d'un régime gouvernemental, d'un système social et politique auxquels nous adhérons. Ce n'est pas compris clairement et je suis persuadée que vous l'entendez vous-mêmes tous les jours: débarrassez-vous de cela, éliminez ceci, supprimez le Sénat, défaisons-nous de la Reine. Bon.

Le président: Êtes-vous en faveur du projet de loi?

Mme Diana Togneri: Oui.

Le président: Merci.

Mme Diana Togneri: Mais c'est difficile.

Mme Jean Augustine: C'était ma question suivante: Votre organisme est-il en général en faveur du projet de loi et est-ce que ce projet de loi répond à vos objectifs relatifs à la citoyenneté canadienne?

Mme Diana Togneri: Oui, nous croyons que c'est une amélioration. Je vous renvoie à notre mémoire, où nous décrivons les aspects que nous approuvons, ainsi que nos réserves et les questions que nous nous posons toujours. M. Teed a peut-être d'autres réserves ou questions. En avez-vous?

M. Eric Teed: Non. Les deux principales choses sont la suppression de la filiation de la citoyenneté, peu importe la résidence au Canada. C'est raisonnable. Et la disposition sur l'adoption me semble aussi raisonnable. Il faudrait peut-être la peaufiner, mais c'est certainement une bonne idée qu'un enfant adopté puisse devenir citoyen sans subir toutes sortes de formalités.

Pour le reste, il s'agit surtout de questions de terminologie, ou d'adaptation, avec le temps. Mais la loi s'améliore.

Mme Diana Togneri: Le texte nous plaît vraiment.

Mme Jean Augustine: Je cède la parole à mon collègue.

Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Merci, monsieur le président.

Le président: Madame Leung.

Mme Sophia Leung: Je vous remercie tous deux pour vos excellents exposés. Quelques questions m'intéressent.

À la page 1, vous parlez d'éclaircissement des exigences relatives à la résidence. Nous proposons trois ans de résidence physique au Canada. D'autres groupes ont formulé des réserves et estiment que pour une foule de raisons se rapportant à la carrière ou aux affaires, un résident permanent peut avoir à quitter le pays, de temps en temps. Pour certains, ces trois ans sont un critère difficile à satisfaire. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Mme Diana Togneri: Vous d'abord.

M. Eric Teed: À une certaine époque, il fallait avoir résidé au Canada pendant cinq ans, et notre organisation était en faveur d'une réduction à trois ans. Mais trois ans, c'était trois ans ici, vraiment. Si quelqu'un dit: «Je ne peux pas rester ici trois ans, parce que mes affaires m'amènent ailleurs», cette personne tient-elle vraiment à devenir canadienne ou est-ce simplement une question de commodité pour elle? Comment cette personne peut-elle s'adapter au pays. Il faut du temps, pour cela.

C'est le seul problème. La personne dit: «Oh, j'ai un meilleur emploi ailleurs, c'est là que je travaille». Est-ce ce que vous voulez? Voulez-vous plutôt des gens qui seront ici, qui grandiront avec le pays? C'est pourquoi je dis qu'à mon avis, trois ans de résidence, c'est raisonnable. Il doit y avoir des conditions.

Mme Diana Togneri: Toujours d'après mon expérience personnelle, madame Leung, je peux vous dire que c'était devenu très difficile, à cause de certaines décisions rendues par la Cour fédérale... Et les conditions semblaient devenir de plus en plus larges. Cela devenait vraiment pénible, en toute franchise, parce que dans certains cas... Dans un cas frappant, il n'y avait que 32 jours de résidence physique au Canada. La motivation du requérant était peut-être très forte—il s'agissait d'une jeune personne, notamment—mais que faut-il en conclure à propos de la nationalité canadienne, de l'appartenance au Canada?

Nous croyons qu'en gros, c'est une bonne chose. Nous essayons de l'envisager d'un point de vue général. Beaucoup de gens de notre association ont travaillé avec l'ancienne loi et, comme je le disais, à mesure que les définitions de résidence s'élargissaient, les exceptions se multipliaient et c'est devenu ridicule. Et si c'est ridicule pour ceux qui font des demandes, cela n'a plus de valeur.

Mme Sophia Leung: Deuxièmement, dans votre mémoire, vous parlez de vos préoccupations au sujet des exigences linguistiques et des exigences en matière de connaissances. Or, nous parlons d'une «connaissance suffisante» de l'une des langues...

Mme Diana Togneri: C'est très difficile.

Mme Sophia Leung: Oui. Je pense que nous devrons en discuter un peu, de cette difficulté. Il y a de bonnes raisons à cela, notamment l'âge; il faut penser à cette difficulté pour les nouveaux Canadiens.

• 1725

Mme Diana Togneri: C'est une question déjà réglée dans l'ancienne loi, dans la loi actuelle et dans le projet de loi. Il y a le terme «pour des raisons d'ordre humanitaire».

Mme Sophia Leung: Tant mieux. Vous dites qu'ils doivent avoir une connaissance du système politique parce que...

Mme Diana Togneri: Cette connaissance peut être une connaissance de base, mais il doit y avoir une certaine compréhension.

Puis-je vous raconter une anecdote? Je sais que tout le monde est fatigué, que notre temps de parole est écoulé et que M. Teed a un avion à prendre.

J'étais à mon bureau, un jour, il y a une vingtaine d'année, et je m'entretenais avec une dame qui avait de la difficulté, non pas tant à s'exprimer dans ma langue, mais à formuler ses idées au sujet du Canada. Il était très difficile de comprendre ses perceptions. Je lui ai montré le portrait, sur le mur, et je lui ai demandé: «Savez-vous qui c'est?» Vous savez sans doute de qui il s'agissait. Elle m'a répondu: «Est-ce votre mère?» Que dire de plus.

M. Steve Mahoney: Elle vous ressemble un peu, quand même.

Des voix: Oh, oh!

Mme Diana Togneri: Elle a un très beau teint, c'est donc assez flatteur pour moi.

Là où je veux en venir, c'est que ce genre de choses se produit souvent. Ce que je veux dire, et que j'ai décrit très brièvement, c'est qu'on doit pouvoir fonctionner dans la collectivité: demander de l'aide à un policier; appeler l'hôpital; faire le 911; aller à la pharmacie, acheter ce qu'il nous faut, ce qu'on veut et peut-être avoir des conseils du pharmacien, pour éviter de prendre trop de médicaments. C'est ce que je veux dire par fonctionner dans la collectivité.

Mme Sophia Leung: Merci.

Comme nous le savons, il y a beaucoup de gens qui ont l'esprit d'entreprise. Il y a peut-être absence de sens commun ou de connaissances, ou même de capacité à identifier une image. Cela dit, si nous imposons beaucoup de limitations ou d'exigences strictes, j'ai l'impression que même un Bill Gates ne réussirait pas à certains des tests. C'est de cette façon que nous accueillons beaucoup de gens qui ont le sens des affaires, des entrepreneurs. Ils pourraient embaucher une douzaine de personnes qui travailleraient pour eux, sans que ces personnes aient l'obligation de respecter toutes les exigences.

Mme Diana Togneri: C'est peut-être vrai, mais si ce sont des immigrants de la classe des entrepreneurs, les probabilités sont fortes qu'ils aient suffisamment d'instruction pour pouvoir apprendre ce qu'ils doivent savoir en très peu de temps, alors qu'une personne qui n'a qu'une scolarité limitée n'est pas très apte à comprendre et à absorber ces notions et ces idées. Les choses s'équilibrent donc et je vous dirais: tant pis. Nous nous occupons de créer des Canadiens pour notre pays, et non de faire des exceptions pour ceux qui trouvent cela commode.

Le président: Monsieur Telegdi.

M. Andrew Telegdi: Merci, monsieur le président.

En fait, vous serez heureux d'apprendre que la première chose que j'ai vue du Canada, je l'ai vue lorsque j'étais dans un camp de réfugiés en Autriche. C'était la reine montant à cheval. C'était il y a 42 ans, et cette image m'est restée fermement en tête.

J'étais en train de compter...

M. Steve Mahoney: Qui croyiez-vous que c'était?

Le président: Pensiez-vous alors que tous les Canadiens montaient à cheval?

Des voix: Oh, oh!

M. Andrew Telegdi: En fait, je pensais que c'était plutôt sympa, l'idée de monter à cheval.

En tout cas, depuis lors, nous avons eu toute une série de premiers ministres, neuf premiers ministres différents pendant cette période.

J'aimerais revenir à la question qu'a soulevée ma collègue il y a quelques instants. Au Canada, nous avons traversé des périodes de migration européenne, celle de l'Italie, par exemple. Certains collègues m'ont posé des questions à ce sujet. Il y avait les parents qui venaient avec leurs enfants et, peu de temps après, les grands-parents arrivaient, pour prendre soin des enfants. Les grands-parents vivaient essentiellement au sein de «la petite Italie», pour ainsi dire, ils n'ont jamais appris l'anglais et n'ont probablement jamais eu l'occasion de le parler. Ils voyaient leurs enfants et leurs petits-enfants devenir citoyens canadiens et, croyez-le ou non, ils sont devenus eux-mêmes citoyens canadiens. Ce sont tout à fait des Canadiens.

Mme Diana Togneri: Dans leur coeur, oui. J'en conviens.

M. Andrew Telegdi: Ils sont considérablement attachés au Canada. Vous reconnaîtrez donc certainement que ces gens doivent pouvoir mourir en ayant qualité de citoyens canadiens.

Mme Diana Togneri: Absolument, et il existe dans la loi des dispositions en ce sens, et elles sont utiles. Mais cela n'est pas la même chose qu'accorder des amnisties en raison d'un arriéré de travail.

• 1730

M. Andrew Telegdi: Une dernière question, au sujet de la présence physique au Canada pour trois des cinq années qui précèdent la demande. Mettons qu'il y a un homme d'affaires de stature internationale qui vient au Canada. Il y vient avec sa famille, mais il voyage lui-même très souvent à l'étranger. Sa famille est ici, il paye ses impôts ici, ses enfants vont à l'école ici. Vous importerait-il que la présence ait lieu trois ans sur six plutôt que trois ans sur cinq, à condition qu'il y ait trois ans de présence?

Mme Diana Togneri: Non, pas du tout. Ce qui me dérange vraiment, ce sont les 32 jours de résidence sur trois ans.

M. Andrew Telegdi: Dans la mesure où l'on est physiquement présent pendant trois ans au Canada, cela n'a pas...

Mme Diana Togneri: Non, parce que lorsque la loi actuelle a été rédigée, on a jugé que ce serait un temps suffisant pour s'adapter. Mais l'homme d'affaires a également besoin de s'adapter. Qu'en est-il de tous ces gens qui obtiennent la citoyenneté canadienne, mais disparaissent ensuite et ne reviennent jamais? Nous savons que cela se produit, n'est-ce pas?

M. Andrew Telegdi: J'ai dû être ici cinq ans avant d'obtenir ma citoyenneté, soit dit en passant.

M. Eric Teed: Autrefois, il fallait que ce soit cinq ans, effectivement.

Mme Diana Togneri: Oui, c'était cinq ans. Cela a été le projet du Centenaire de mon mari.

Le président: À vous la parole.

M. Steve Mahoney: Je crois que nous avons un petit peu de retard, mais il y a deux ou trois choses que j'ai trouvées amusantes dans tout cela. À propos de vos observations initiales au sujet de la carte d'identité, j'ai regardé mon certificat de naissance et suis tombé à la renverse lorsque j'ai constaté que j'épelle mon nom de façon erronée depuis 51 ans.

Le président: C'est peut-être une bonne chose.

M. Steve Mahoney: Sur mon certificat de naissance, c'est écrit avec les lettres «ph». Incroyable.

Le président: Êtes-vous sûr d'être vous?

M. Grant McNally: Vous vous appelez Maphoney?

Des voix: Oh, oh!

M. Grant McNally: Je n'ai pas pu résister.

M. Steve Mahoney: Je ne suis pas sûr de comprendre ce à quoi vous vouliez en venir. Vous savez comment on prouve qu'on est citoyen canadien, n'est-ce pas? Il faut savoir dire «Roll up the rim to win!»—«Déroulez le rebord!» C'est tout ce qu'il vous faut. Vous n'avez absolument pas besoin d'une carte.

Mme Diana Togneri: Non, vous n'avez besoin de rien d'autre.

M. Steve Mahoney: Quels sont vos projets, relativement à cette carte?

Mme Diana Togneri: Eh bien, pendant toutes les années où j'ai travaillé au Bureau de la citoyenneté, j'ai participé à un bon nombre de programmes visant à encourager les écoliers à présenter une demande pour l'obtenir et s'en servir. Nous envoyions des greffiers du Bureau de la citoyenneté et ils recueillaient les demandes. Les parents s'intéressaient à la chose et, parfois, en réclamaient une pour eux-mêmes. C'est une très bonne méthode d'identification.

Lorsqu'on va à l'étranger aujourd'hui, je suppose qu'il y a moins de circonstances dans lesquelles un préposé de l'hôtel où vous êtes descendu prend votre passeport et l'envoie à la Gendarmerie ou à toute autre autorité. Mais cela se produit encore et il est très agréable de penser qu'on a encore une carte d'identité pendant que l'on vous prive de votre passeport pendant trois ou quatre jours.

J'ai trouvé cela commode. Cette carte porte un numéro. Je suis inscrite auprès du ministère sur un microfilm. Ils savent tout ce qu'ils ont besoin de savoir à mon sujet. La date qui y figure indique quand la photo a été prise, et vous pouvez donc l'utiliser pendant le restant de vos jours, si vous voulez. C'est très bien, parce que vous avez l'air beaucoup plus jeune. La carte porte également votre signature; elle donne votre nom légal ainsi que le nom que vous utilisez habituellement, de sorte que l'on peut faire état des différences. Elle offre donc certains avantages, mais à 80 $ la carte, c'est plutôt cher si l'on veut établir des programmes avec des cercles sociaux comme le Lions Club ou les Chevaliers de Colomb, si l'on veut proposer à leurs membres d'obtenir cette carte et de l'avoir sur eux, comme tous les Canadiens. Comme je l'ai dit, j'en ai marre d'entendre dire que c'est uniquement pour les immigrants.

M. Eric Teed: Puis-je simplement donner un exemple? Il y a un certain nombre d'années, nous avons fait la promotion de la carte de citoyenneté, disant que c'était un objet de fierté et de civisme. Je suis entré dans une banque où l'on m'a demandé de m'identifier. J'ai produit cette carte et la banque m'a dit qu'elle n'était pas autorisée à l'accepter.

Mme Diana Togneri: C'est exact.

M. Eric Teed: Notre groupe a écrit aux banques du Canada et leur a dit: Mais enfin, nous avons là une authentique carte de citoyenneté, avec une photographie, et les banques la refusent. Il fallait avoir un permis de conduire ou une autre forme d'identification. Heureusement, cela a changé depuis, mais cette carte devrait pouvoir être reconnue universellement.

Mme Diana Togneri: En fait, si elle est acceptée dans les banques aujourd'hui, c'est en grande partie grâce à certains de nos efforts. Je suis sûre que vous savez vous-mêmes que l'on vous demande souvent votre numéro d'assurance sociale, alors qu'il n'est absolument pas nécessaire de le donner.

M. Steve Mahoney: Le Comité des comptes publics a examiné cette question. Il y aurait peut-être moyen de combiner certaines cartes. Nous devrions examiner cette possibilité parce que, abstraction faite des cartes de crédit, nous avons tous des portefeuilles remplis de...

Mme Diana Togneri: Des trucs.

M. Steve Mahoney: ... des trucs, oui.

À propos du serment, vous m'avez étonné quand vous avez dit être en faveur de l'élimination du passage sur la défense des principes démocratiques, ou quelque chose de ce genre.

Lorsque les Mennonites ont comparu devant nous, j'ai compris ce qui les préoccupait. Ils étaient très sincères et ont été très éloquents. C'est eux, je crois, qui ont suggéré le mot «sauvegarde» à la place de «défendre», ce qui enlève toute connotation militaire. Je ne sais pas si c'est couper les cheveux en quatre ou pas. Je suis d'avis que ceux qui font notre métier défendent nos principes démocratiques tous les jours, parfois 24 heures par jour.

• 1735

Mme Diana Togneri: Tout à fait.

Le président: Hier, c'était le cas.

M. Steve Mahoney: C'était ridicule. Je ne sais pas quelle sorte de défense c'était.

Quoi qu'il en soit, quand vous parlez de renseigner les jeunes dans les écoles et d'utiliser une carte d'identité et d'autres choses de ce genre, il est important de dire à nos enfants et à leurs enfants que notre pays est le pays le plus démocratique au monde et qu'il est important de maintenir ces traditions. C'est mieux qu'un serment.

M. Eric Teed: Monsieur le président, le problème c'est que la démocratie a un sens différent pour chacun. C'est dit dans la Constitution, à l'article 1, où il est question des principes démocratiques et de notre pays. Mais personne ne sait ce que cela signifie tant que la Cour suprême n'aura pas statué et elle risque de se raviser plus tard. C'est cela le problème. Ça change.

J'ai rencontré des gens qui disent que nous ne sommes pas en démocratie; nous avons un dictateur. Plus on y réfléchit, plus on s'aperçoit que c'est en partie vrai. Le seul avantage, c'est qu'on peut le remplacer si suffisamment de gens le veulent. Mais le principe démocratique est fondé sur le vote intelligent d'adultes qui ont participé. Parfois, on n'arrive même pas à obtenir 50 p. 100 de participation. C'est un des problèmes de la démocratie politique.

M. Steve Mahoney: Je ne suis pas d'accord avec vous quand vous dites que nous avons un dictateur élu. C'est une énorme absurdité.

M. Eric Teed: J'ai dit que c'est ce que quelqu'un m'a dit.

M. Steve Mahoney: Oui, eh bien, c'est sans doute quelqu'un d'en face et quelqu'un qui le dit à intervalles réguliers.

Quand vous parlez de procédures parlementaires, le Sénat ou d'autre chose, ce sont des choses accessoires. Ce que la démocratie signifie en bout de ligne, c'est la liberté.

Mme Diana Togneri: Tout à fait.

M. Eric Teed: Je suis d'accord.

M. Steve Mahoney: Si vous ne voulez pas utiliser le mot «défendre» à cause de ses connotations militaires, pourquoi refusez-vous un mot comme «sauvegarder» dans le serment lorsqu'il s'agit du principe démocratique?

M. Eric Teed: En fait, nous n'avons rien contre.

Mme Diana Togneri: Ça va. Comprenez bien que nous ne sommes pas ici pour ergoter parce que nous estimons que c'est une grande amélioration. Nous avons déjà comparu devant vous et devant deux comités du Sénat sur cette question; nous sommes donc ici pour exprimer notre appui, pas le contraire.

M. Steve Mahoney: Je vois.

Mme Diana Togneri: C'est vous qui entendez tous les témoins et il y a des vues divergentes. Nous vous disons que vous devriez peut-être l'enlever. Vous pouvez laisser le texte tel quel mais personnellement j'estime qu'ajouter le mot canadien est un éclaircissement. C'est quelque chose de très difficile à faire.

M. Eric Teed: Je préfère «sauvegarder» à «défendre» très honnêtement.

M. Steve Mahoney: Moi aussi.

M. Eric Teed: Ça plus de sens pour moi.

Mme Diana Togneri: C'est plus inclusif, oui. Mais je sais que je pourrais m'installer des jours entiers à mon bureau chez moi pour y réfléchir, rédiger et m'attarder sur tel ou tel élément.

M. Steve Mahoney: C'est bien canadien.

Mme Diana Togneri: Oui, c'est typiquement canadien, eh?

M. Steve Mahoney: Eh? «Déroulez le rebord»!

Le président: Vous avez parlé des conditions et de la cérémonie du serment. Vous vous demandez si c'est vraiment obligatoire. Quand je lis l'article 5, que vous avez mentionné, je constate que c'est effectivement obligatoire.

Mme Diana Togneri: À mon avis, c'est plutôt par déduction. Là encore, je ne suis pas spécialiste en la matière, mais aux deux endroits où c'est mentionné, comme je l'ai dit, on n'insiste pas. À mon avis, les gens qui font une demande devraient comprendre clairement qu'ils seront tenus de prêter serment.

Le président: Oui, comprendre que c'est obligatoire.

Passons au commissaire à la citoyenneté. À votre avis, comment cette fonction va-t-elle évoluer? Est-ce que vous avez...

Mme Diana Togneri: Là encore, j'aimerais qu'on prévoie un certain pouvoir discrétionnaire. Jusqu'à présent, les seuls pouvoirs discrétionnaires concernent la langue, les connaissances et certaines conditions où le ministre peut invoquer des raisons d'ordre humanitaire. J'aimerais que ces pouvoirs discrétionnaires soient rétablis car je suis convaincue de l'importance d'une entrevue personnelle. C'est étonnant tout ce qu'on peut faire dans le cadre d'une telle entrevue.

• 1740

Le président: Monsieur Teed.

M. Eric Teed: Monsieur le président, quand je compare les articles 5 et 6, je me dis qu'il y a un problème. L'article 6 prévoit: «Le ministre attribue, sur demande, la citoyenneté». Lorsque toutes ces conditions sont remplies, la citoyenneté est accordée. Par contre, une personne n'acquiert pas la citoyenneté tant que celle-ci ne lui a pas été attribuée et tant qu'il n'a pas prêté serment. Autrement dit, elle peut fort bien recevoir le certificat et penser qu'elle est déjà citoyenne, mais tant qu'elle n'a pas prêté serment, ce n'est pas le cas. Je préférerais que les choses soient précisées, qu'on dise qu'une personne acquiert la citoyenneté lorsqu'elle a prêté serment. Il faut faire le lien entre les deux, et pour l'instant, ce n'est pas le cas.

Le président: Merci pour cette observation.

Mme Diana Togneri: Le ministère de la Justice a une opinion à ce sujet car cela a posé des problèmes—la question de savoir si la citoyenneté part du moment où elle a été attribuée ou du moment où l'intéressé prête serment. C'est une des raisons pour lesquelles je pense qu'il faut attacher plus d'importance au serment.

Le président: C'est très juste.

Les membres du comité ont-ils d'autres questions à poser? Si ce n'est pas le cas, je tiens à vous remercier tous deux, au nom du comité, pour cet exposé particulièrement utile. Merci encore.

M. Eric Teed: Merci pour votre patience.

Mme Diana Togneri: Merci de nous avoir reçus.

Le président: Je vais maintenant demander au représentant de la Canadian Family Action Coalition de s'approcher.

Monsieur Stock, merci pour votre patience. Nous vous souhaitons la bienvenue au comité. Dès que vous aurez bu une gorgée d'eau, vous pourrez commencer.

M. Peter Stock (directeur des Affaires nationales, Canadian Family Action Coalition): Merci beaucoup.

J'apprécie, moi aussi, que certains membres du comité soient restés aussi tard. Comme nous sommes proches de l'heure du souper, je serai très bref.

Le président: N'hésitez pas à faire savoir aux Canadiens à quel point les députés travaillent fort.

M. Peter Stock: Oh, je le sais très bien, effectivement.

Le président: Monsieur Stock, je vous en prie.

M. Peter Stock: D'accord. En fait, il y a deux questions que nous souhaitons traiter aujourd'hui, deux questions bien précises. La première a été traitée dans une certaine mesure par les témoins qui m'ont précédé, il s'agit de la question du serment.

À notre avis, le texte du serment pourrait être amélioré. En particulier, il y a des verbes et des noms qui pourraient être ajoutés ou supprimés, et il devrait être possible d'améliorer ce serment pour en faire un texte significatif, quelque chose qui fasse bien comprendre aux citoyens à quoi ils s'engagent.

La première chose qui nous a frappés quand nous avons lu ce serment, c'est que pour l'instant, il demande aux gens de promettre fidélité et allégeance au Canada, c'est-à-dire à un territoire, à une région géographique, mais pas forcément à cette institution qu'est le gouvernement du Canada. Nous voudrions qu'on ajoute les termes «le Dominion du Canada» pour préciser qu'il s'agit de l'institution souveraine de ce pays. Viendrait ensuite, bien sûr, «et à Sa Majesté, Elizabeth II, Reine du Canada». Tout comme les témoins qui nous ont précédés, nous ajouterions ici: «à ses héritiers et successeurs». Apparemment, c'est automatique, mais les gens qui prêtent le serment comprendraient plus clairement qu'une fois la Reine décédée, elle aura un successeur, et que ce serment sera toujours valable, que ce serment concerne le nouveau roi ou la nouvelle reine.

Pour qu'on comprenne mieux la raison pour laquelle on demande aux gens de promettre allégeance à Sa Majesté, nous proposons les mots: «à sa souveraine» ou encore «à ma souveraine» avant les mots «Sa Majesté Élizabeth». Ainsi, on comprend qu'il ne s'agit pas d'une promesse d'allégeance à une personne, mais plutôt à une institution, c'est-à-dire l'institution de la monarchie.

Ensuite, au second paragraphe—j'ai écouté toute la discussion au sujet des mots «défendre» et «sauvegarder», etc., et peut-être que le terme «sauvegarder» est préférable. D'autre part, nous avons noté que le mot «respecter» posait un petit problème, du fait qu'il s'agit d'un mot assez passif. Il est certain que nous respectons notre pays; nous ne serions pas venus ici, nous n'aurions pas immigré, si ce n'était pas le cas. Mais les mots «défendre» ou «sauvegarder» seraient peut-être plus appropriés dans ce contexte également. Il est certain que nos soldats sont allés à l'étranger «défendre» ou «sauvegarder» nos libertés, et qu'ils ne se sont pas contentés de les «respecter». Donc, dans un tel contexte, il est bon de choisir un mot actif.

Enfin, au lieu de parler de «valeurs démocratiques», ce qui est un terme subjectif—c'est le mot «valeurs» qui est subjectif—, nous proposons le mot «idéaux», qui est beaucoup plus absolu. Dans notre pays, nous avons certains idéaux que nous recherchons tous. Selon toute probabilité, nous ne les atteignons jamais, mais nous essayons sincèrement de les atteindre. Nous recherchons donc un idéal. Les valeurs changent avec le temps, les idéaux sont permanents, ils sont objectifs, ils reposent sur une vision.

• 1745

Je ne me lancerai pas dans la question des loyautés partagées, de la double citoyenneté, et ainsi de suite, principalement parce que je manque de temps. C'est très difficile d'exprimer une telle notion dans un serment. On est forcé d'être négatif et de dire qu'on renonce à son allégeance à un ancien pays, ou encore d'être spécifique et de promettre une entière loyauté et allégeance, ou quelque chose de ce genre. La question de la double citoyenneté, dans ce contexte, prend une importance très particulière et le comité et le Parlement s'intéresseront probablement à cela un jour ou l'autre.

J'ai un second sujet à aborder, il s'agit plus précisément de l'oeuvre de promotion et de défense de la famille que fait notre organisme. Ce qui nous intéresse, c'est le sous-alinéa 43(i). C'est une des dispositions discrétionnaires qui donne au gouverneur en conseil un pouvoir de réglementation, plus particulièrement le pouvoir de: «définir qui est un conjoint pour l'application de la présente loi».

À notre avis, il n'y a qu'une seule raison de changer cette disposition de la Loi sur la citoyenneté, et c'est que le ministre souhaite redéfinir le mot «conjoint» pour s'écarter du droit canadien en vigueur et englober les personnes non mariées qui souhaitent immigrer à titre de membres d'une famille. À notre avis, cela pose trois types de problèmes.

Premièrement, il est certain que cela augmente considérablement les possibilités d'abus. Je ne sais pas dans quelle proportion cela les augmente, car de toute évidence cela dépend du processus d'immigration, mais si on n'exige pas que les gens soient mariés, n'importe qui peut prétendre être un conjoint, et nous risquons d'accueillir au Canada des individus indésirables. D'autre part, des citoyens canadiens pourraient aller à l'étranger et se faire payer pour revenir avec de soi-disant conjoints qui ne le sont pas vraiment. Je sais bien que la Loi sur l'immigration prévoit ce genre de situation dans une certaine mesure, mais nous augmentons la possibilité d'abus en donnant aux gens cette possibilité.

Deuxièmement, et c'est beaucoup plus important à notre avis, en élargissant la définition du «conjoint» pour l'étendre, comme la ministre de l'Immigration l'a expliqué dans son Livre blanc, aux couples de droit commun ou de même sexe, on va retarder considérablement la réunion des familles légitimes. En effet, les couples mariés qui doivent se séparer parce que leurs dates d'immigration au Canada ne coïncident pas, vont s'apercevoir que le délai d'immigration pour leur conjoint s'allonge, simplement parce que de nouveaux éléments se sont joints à la queue lorsqu'on a autorisé un plus grand nombre de personnes à immigrer. En accordant le même statut à d'autres conjoints, qui ne sont pas mariés, nous considérons qu'on nuit aux conjoints légitimes, et c'est une notion qui ne nous plaît pas.

Et troisièmement, et commençons par les unions de droit commun, nous nous demandons vraiment si la société canadienne a intérêt à approuver ou à encourager ce type de relations dont les statistiques prouvent qu'elles sont moins stables que les unions légales. Si le conjoint en question est, pour reprendre l'expression de la ministre de l'Immigration, un véritable partenaire pour la vie, est-ce vraiment beaucoup demander que le conjoint ou les conjoints expriment un minimum de sincérité en se mariant légalement dans leur pays d'origine? Ce n'est pas une condition tellement sévère. Après tout, au Canada, une licence de mariage coûte 50 $ ou 100 $, cela dépend des provinces, et c'est tout ce qu'il faut pour que l'union soit légale.

Nous sommes convaincus que c'est une exigence légale parfaitement raisonnable si l'on considère que cela protège notre nation et notre société, et si l'on considère, d'autre part, qu'une fois ces gens-là arrivés au Canada, un mariage légal leur impose certaines obligations, en particulier l'obligation pour un époux canadien de subvenir aux besoins de son partenaire. Avec une telle disposition, les gens n'arrivent pas ici pour faire appel du jour au lendemain à la protection financière de l'État. En fait, la ministre elle-même a reconnu que cela posait des problèmes non négligeables sur le plan de l'administration. Elle l'a reconnu dans le Livre blanc. Elle cite des problèmes de transparence et des différences injustifiées, et nous sommes convaincus que cela ne changera pas avec ce système.

Étant donné que notre politique publique a pour objectif d'atteindre certains idéaux, pourquoi nous contenter d'une situation imparfaite? Pourquoi nous contenter de liens de famille qui ne sont pas à la hauteur du meilleur modèle familial qui existe, un modèle dont la valeur est confirmée par les statistiques? Ce dont nous parlons ici, c'est de la famille.

• 1750

La seconde catégorie, qui est probablement encore plus brûlante, plus controversée, c'est celle des couples de même sexe. Je vais me contenter de poser certaines questions qui portent sur la base même de la proposition. Et pour commencer, la question suivante: Sur quelle base objective le gouvernement se propose-t-il d'accorder le même statut aux partenaires homosexuels et aux gens mariés? Quel intérêt suprême la société canadienne aurait-elle à approuver de telles relations? Enfin, plus précisément, qu'est-ce que ces relations homosexuelles apporteront-elles à la société, qu'est-ce qui pourrait valoir une telle consécration publique?

Je tiens à signaler que je ne parle pas des personnes homosexuelles qui pourraient immigrer au Canada, qui pourraient être d'excellents immigrants et apporter une contribution importante à notre société. Ce dont je parle, c'est des relations qui leur permettent d'entrer au Canada sous prétexte qu'ils sont des conjoints. Qu'est-ce qui fait qu'une telle relation mérite l'approbation du gouvernement? Il y a un monde de différence entre tolérer des relations privées—ce que nous faisons actuellement au Canada—et les consacrer publiquement et légalement. Or, c'est ce que ce projet de loi accomplirait.

Voilà des questions clés auxquelles nous devons répondre pour que notre société fonctionne d'une façon ordonnée. Les définitions de «conjoint», et, par voie de conséquence, du «mariage» ou d'une «personne mariée ou l'équivalent» devraient, à notre avis, être adoptées au Parlement, et non pas derrière les portes fermées du Cabinet. Si le gouvernement considère qu'un intérêt supérieur justifie un changement de la définition d'un «conjoint», il devrait soumettre la question au Parlement, pour que nous puissions avoir un débat approfondi sur la question. Nous n'avons rien contre l'idée d'un tel débat, nous pensons seulement qu'il doit avoir lieu au Parlement et non pas au cabinet.

Voilà mon exposé; je tiens à vous remercier pour votre patience ce soir et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le président: Avant de donner la parole à M. McNally, savez-vous que les règlements sont publiés dans la Gazette du Canada avant d'entrer en vigueur? En publiant ces informations on s'assure que le public canadien peut donner son avis. Vous nous dites que cela n'est pas suffisant et que vous voudriez voir l'affaire entre les mains du Parlement.

M. Peter Stock: Oui, absolument, c'est ce que je pense. En effet, je considère qu'il ne s'agit pas seulement de détails administratifs, qu'on ne se contente pas de mettre un peu d'ordre dans la loi, mais je considère qu'il s'agit d'un aspect fondamental de la politique sociale. Comment agençons-nous notre société? Comment la structurons-nous? À mon avis, nous avons ici le premier projet de loi qui pourrait forcer une redéfinition du «mariage» et de la «famille», des définitions qui datent de la Confédération et même d'avant.

Le président: Mais vous savez que cette disposition, ce pouvoir, n'est prévu qu'aux fins de cette loi. Si je me souviens bien, il n'est question de «conjoint» qu'aux paragraphes 6(2) et 19(2) de la loi.

Je donne la parole à M. McNally.

M. Grant McNally: Merci, monsieur le président. J'ai une question à poser à M. Stock.

Notre président a dit que les Canadiens avaient suffisamment l'occasion de donner leur avis lorsque des règlements sont élaborés. Êtes-vous en accord avec cette observation?

M. Peter Stock: Je ne l'ai jamais constaté personnellement, mais d'un autre côté, je ne suis pas ici depuis aussi longtemps que vous monsieur. Je suis sur la Colline depuis six ans seulement, mais je sais qu'on ne s'intéresse pas tellement à la possibilité de laisser le public examiner les règlements, et d'un autre côté je sais que le public n'a pas tellement la possibilité de donner son avis sur ces questions qui sont à la fois fondamentales et profondes.

En effet, c'est d'un changement profond qu'il est question ici. Il ne s'agit pas simplement de changer un barème, de passer de 50 à 60 $, il s'agit de redéfinir le terme «famille». C'est peut-être une des questions d'ordre politique des plus importantes dont le Parlement aura jamais à discuter. À notre avis, ce n'est pas une chose qu'il faut laisser à la merci de changements réglementaires ou d'une décision du Cabinet. Si vous voulez redéfinir la «famille» ou encore ce qu'est un «conjoint» ou un «mariage», vous devez le faire d'une façon exhaustive, dans un projet de loi séparé.

Voilà justement le problème; supposons que tout cela aboutit dans la réglementation et qu'un jour la Loi sur l'immigration soit modifiée pour tenir compte de cette nouvelle définition. Cela permettrait à un soi-disant conjoint de même sexe d'immigrer légalement au Canada. Sur ces entrefaites, les deux conjoints se séparent. Dans quelle mesure le conjoint canadien a-t-il des obligations financières envers son partenaire immigrant? En cas de séparation, cette personne bénéficie de la protection financière de l'État. Aucune autre loi ne lui reconnaît le statut de personne mariée, aucune autre loi fédérale ou provinciale, à moins, bien sûr, qu'il n'entame des poursuites, et à ce moment-là, ce sont les tribunaux qui décideraient. Et je répète, ce n'est pas la meilleure solution. Ce qu'il faut, c'est que le Parlement décide. C'est une question qui intéresse la plus haute de toutes nos instances, c'est-à-dire le Parlement. Voilà ma réponse.

• 1755

M. Grant McNally: Comme le président l'a mentionné, le terme de conjoint ne revient pas très souvent, seulement à deux ou trois endroits, l'article 19, l'article 43...

Le président: Pour autant que je puisse juger, à deux endroits seulement, au paragraphe 6(2) et au paragraphe 19(2).

M. Grant McNally: Exactement. Quoi qu'il en soit, nous pouvons vérifier cela plus tard.

Qu'est-ce qui vous a fait penser, vous-même ou le groupe que vous représentez, que cela pourrait suffire à redéfinir le terme «conjoint»? Est-ce que la ministre a dit quelque chose qui aurait pu vous faire penser cela?

M. Peter Stock: Absolument.

M. Grant McNally: Certains vous diront que vous sautez aux conclusions.

M. Peter Stock: Oui, probablement, mais la ministre a déclaré clairement dans son livre blanc... je sais bien que les livres blancs ne deviennent pas automatiquement des lois, mais qu'il faut également un débat sur la Loi sur l'immigration. Toutefois, dans ce livre blanc elle déclare clairement:

    La définition de conjoint sert à la fois à déterminer qui peut être parrainé dans la catégorie de la famille et qui peut accompagner le demandeur principal des autres catégories. La définition actuelle comprend uniquement les conjoints légalement mariés de sexe opposé. Toutefois, des directives administratives reconnaissent les relations de droit commun et de même sexe depuis 1994.

Au sujet des orientations stratégiques proposées, elle ajoute:

    En reconnaissant les relations de droit commun et de même sexe par des modifications réglementaires, on éliminerait la nécessité d'avoir des directives administratives discrétionnaires.

Autrement dit...

M. Grant McNally: Vous nous dites que ce sont les observations de la ministre qui vous ont inquiétés.

M. Peter Stock: Exactement.

M. Grant McNally: Dans ce cas, est-ce que vous nous dites aussi qu'à votre avis tout cela se fera par réglementation, et qu'il n'y aura pas un débat ouvert et approfondi parmi les députés élus à la Chambre, c'est-à-dire les gens qui représentent le public canadien, et que c'est cela qui vous inquiète?

M. Peter Stock: Oui, c'est exactement ce qui m'inquiète, et pour cette raison-là...

M. Grant McNally: Qu'est-ce qui vous inquiète plus particulièrement dans ce processus?

M. Peter Stock: Nous sommes convaincus que cette question mérite d'être discutée au Parlement même, et non pas derrière les portes fermées du Cabinet ou de son comité de la réglementation.

Effectivement, en fin de compte, c'est le Parlement qui vote sur ce genre de questions. Je sais comment le processus fonctionne, mais ça ne donne pas au public un droit de regard suffisant si l'on considère l'importance de cette question. Si nous décidons de redéfinir le mariage et la famille, c'est une chose sur laquelle tous les Canadiens doivent pouvoir donner leur opinion.

Si c'est vraiment ce que le gouvernement aimerait faire, qu'il propose une loi à ce sujet, qu'il arrête de grignoter à droite et à gauche, comme il l'a fait jusqu'à présent, en accordant quelques prestations par ici, en ignorant une décision du tribunal par là, en adoptant, de-ci de-là, quelques règlements. Ce genre de choses n'est pas normal.

M. Grant McNally: Autrement dit, ce que vous voulez, c'est que la définition d'un conjoint fasse l'objet d'un débat approfondi et vous pensez que c'est également une étape qui devrait conduire à une redéfinition du mariage, c'est bien ce que vous avez dit?

M. Peter Stock: Oui, exactement.

M. Grant McNally: J'ai une dernière question. Je ne suis pas certain de bien vous avoir compris quand vous parliez de la différence entre tolérer une relation et la consacrer publiquement et légalement. Je crois que c'est ce que vous avez dit. Pouvez-vous préciser?

M. Peter Stock: C'est bien ce que j'ai dit.

M. Grant McNally: Pouvez-vous développer un peu cette notion et nous dire comment vous voyez ces différences?

M. Peter Stock: Lorsque M. Trudeau a décriminalisé la sodomie en 1968, il a autorisé les relations consensuelles entre les homosexuels de sexe masculin. À l'époque, on ne parlait pas tellement de l'homosexualité féminine. Au cours des 30 dernières années, c'est-à-dire mon époque contemporaine, ce type de relations est devenu plus fréquent dans la société, et il est certain que la société est plus encline à les tolérer. Certains d'entre nous ont des voisins, deux hommes qui vivent ensemble, et c'est le mode de vie qu'ils préfèrent. Ce n'est ni légal ni illégal, c'est toléré. Sur le plan privé, ce sont des relations qui sont tolérées par des Canadiens, par certains plus que par d'autres, évidemment.

Toutefois, lorsqu'il s'agit d'étendre certains avantages sociaux à ces personnes-là, à ceux que la ministre appelle des conjoints ou des partenaires de vie, et que Ralph Klein appelle les partenaires domestiques enregistrés—il y a différents termes, mais dans tous les cas c'est une reconnaissance, une consécration publique et légale de ces relations.

Je le répète, nous pensons que tout cela mérite un débat approfondi au Parlement. Ce n'est pas un sujet qui peut être réglé à la sauvette en adoptant de minuscules amendements à diverses lois.

Le président: Y a-t-il des questions du côté de la majorité?

Monsieur Mahoney.

M. Steve Mahoney: Non seulement Ralph Klein parle-t-il de partenariats domestiques enregistrés, il y a également Ian McClelland, notre président adjoint à la Chambre, et un membre du Parti réformiste, qui a publié un document très réfléchi sur cette question. D'autre part, j'ai entendu des propositions qui allaient plus loin encore que de simples avantages sociaux aux couples de même sexe. Par exemple, deux citoyens âgés peuvent décider de s'assister mutuellement, et ils enregistrent leur partenariat domestique. Si l'un d'entre eux touche des prestations, une fois ce partenariat enregistré, il s'agit d'une entité—je ne sais pas si on peut aller jusqu'au mot «famille»—, mais les prestations s'étendent à l'autre personne.

• 1800

Finalement, je me demande si la terminologie ne dépend pas plutôt de la notion de prestations multiples ou de prestations uniques. Franchement, que ces partenaires domestiques aient des relations sexuelles ou pas, ça n'a pas d'importance, cela ne regarde personne. Comme Trudeau l'a dit également, l'État n'a rien à faire dans les chambres à coucher de la nation.

Je me demande donc ce que vous en pensez. C'est une idée nouvelle, une idée très intéressante qui nous vient de l'Alberta, le dernier endroit où l'on s'attendrait à avoir ce genre...

M. Peter Stock: C'est exact.

M. Steve Mahoney: ... si on pense à Stockwell Day et à ses idées à ce sujet.

J'étais à l'Assemblée législative de l'Ontario la première fois que nous avons dû nous attaquer à cette question assez difficile des prestations aux partenaires de même sexe, et l'immeuble était littéralement occupé. Les agents de sécurité portaient des gants de caoutchouc et les gens hurlaient. C'était affreux. Les gens n'ont pas aimé ce que nous avons décidé, ils n'ont certainement pas aimé la façon dont j'ai voté.

Mais c'est la première fois que je vois envisagée d'une façon vraiment sérieuse cette notion de minimiser la notion de famille pour la remplacer, tout simplement, par une notion de partenariat domestique. Est-ce que cela vous semble logique?

M. Peter Stock: Lorsque nous élaborons une politique publique, nous devons nous demander sur quel fondement objectif il convient de définir qui est ou n'est pas un membre d'une famille. À l'heure actuelle, et cela dépasse le mariage pour englober les relations de droit commun, nous utilisons ce modèle très logique qu'est la famille biologique. Nous n'avons jamais réussi à nous en écarter vraiment, et cela, pour d'excellentes raisons. C'est une unité sociale qui mérite d'être défendue pour un certain nombre d'excellentes raisons, la plus importante, bien sûr, étant d'élever la prochaine génération d'enfants. Les parents fournissent ce service à la société à un coût bien inférieur à ce qu'il en coûterait à la société si elle devait le faire elle-même. Pour cette raison, traditionnellement, nous avons accordé cette valeur aux unités familiales.

Si nous décidions de nous écarter de ce fondement objectif pour la définition de la famille, il faudrait que nous trouvions un autre fondement objectif. C'est là que nous nous heurtons à un problème. J'en ai discuté avec un grand nombre de gens qui cherchent à faire accepter cet autre point de vue, et personne, jusqu'à présent, n'a réussi à me proposer un fondement valable. Si nous nous débarrassons du fondement objectif que nous avons actuellement, si nous essayons de le remplacer par une nouvelle définition, cette nouvelle définition sera forcément arbitraire, autrement dit...

M. Steve Mahoney: Excusez-moi de vous interrompre, mais vous tenez pour acquis que dans la définition des relations le terme de «famille» serait remplacé par le terme «partenariat domestique enregistré». Ce n'est pas ce que suggèrent Ian dans son document ou Klein. Est-ce qu'ils ne proposent pas plutôt une définition parallèle? La définition de la famille resterait intacte mais on ferait également une place à ces autres types de relations?

M. Peter Stock: Cela pose deux types de questions: d'une part, il y a l'aspect sémantique, la décision d'appeler une certaine chose partenariat domestique enregistré, mariage, famille, etc., et ensuite, il y a les applications pratiques, les avantages sociaux qui en découlent, etc.

Mais de toute façon, toutes les distinctions qui s'écartent de la notion de famille biologique sont forcément arbitraires. Ce que je veux dire, c'est que si deux hommes peuvent enregistrer leur partenariat, se marier, ou décident qu'ils sont des conjoints—quel que soit leur statut légal—, qu'est-ce qui empêchera trois hommes de revendiquer les mêmes droits et le même statut légal? Toute distinction sera forcément arbitraire, et dans ces conditions, pourquoi pas trois hommes qui décident d'être des partenaires et de se marier? Comment l'État peut-il refuser d'étendre certains avantages à certaines personnes une fois les conditions objectives de ces avantages supprimées?

Bref, la notion de «partenariat domestique» est une notion sémantique; ce qui est important, c'est le fondement objectif, c'est la justification de cette notion. Qu'est-ce qu'une telle relation peut apporter à la société?

• 1805

À mon avis, quiconque exige de nouveaux avantages doit prouver que la relation en question apporte quelque chose à la société, quelque chose qui mérite de tels avantages.

M. Steve Mahoney: On pourrait probablement dire, d'un autre côté, que beaucoup de familles n'apportent absolument rien à la société.

M. Peter Stock: Vous pourriez peut-être le faire, mais vous comprenez, c'est l'exception qui confirme la règle et, je le répète, il faut baser la politique publique sur des idéaux, sur des fondements objectifs.

Le président: Ce que vous craignez, c'est qu'une désignation fondée sur le sexe pourrait se prêter à une interprétation relative au nombre.

M. Peter Stock: Oui. Ma position c'est qu'actuellement la définition de famille, de conjoint, etc. est biologique par définition. C'est le...

Le président: Est-ce que cela se trouve dans une loi à l'heure actuelle?

M. Peter Stock: Oui.

Le président: Et vous nous dites de conserver cette définition à moins que le Parlement la change?

M. Peter Stock: C'est bien ça. Du moment où vous faites disparaître la base biologique de la distinction, toute distinction après coup devient arbitraire. Où établissez-vous la distinction et en fonction de quel critère? Vous...

Le président: J'ai fait allusion à ces deux articles, et nous n'aurons peut-être pas le temps maintenant de les examiner de façon très détaillée. Évidemment, le comité sera heureux de recevoir un texte de vous. Soyez exigeant envers vous-même. Si la définition de conjoint, soit d'une manière qui vous semble la bonne ou d'une manière qui le semblera à d'autres—et peut-être les deux définitions pourraient-elles être conciliées. Vous demandez une définition du terme, quel qu'il soit.

M. Peter Stock: Oui.

Le président: Sachant ensuite quelle est la définition, si elle ne s'applique qu'aux deux dispositions du projet de loi lui-même, ou si vous pouvez trouver un autre article là, dites-le-nous et transmettez-nous votre analyse.

Comme il n'y a plus de temps, je ne pense pas que nous puissions continuer maintenant.

M. Peter Stock: Bien sûr. Merci, monsieur.

Le président: Merci.

Y a-t-il d'autres questions?

Je vous remercie au nom des membres du comité.

M. Peter Stock: Merci.

Le président: Nous allons nous retrouver demain matin à la salle 308, édifice de l'Ouest. La séance débutera à 9 heures.

La séance est levée.