FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent des finances
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 8 mars 2005
¹ | 1540 |
Le président (M. Massimo Pacetti (Saint-Léonard—Saint-Michel, Lib.)) |
M. William Robson (premier vice président et directeur de la recherche, Institut C.D. Howe) |
Le président |
M. Michael Mendelson (analyste de politique, Caledon Institute of Social Policy) |
¹ | 1545 |
Le président |
M. Paul Darby (chef adjoint économiste, Conference Board du Canada) |
¹ | 1550 |
Le président |
M. John Anderson (vice-président, Stratégies partenariat et alliances, Conseil canadien de développement social) |
¹ | 1555 |
º | 1600 |
Le président |
M. William Robson |
º | 1605 |
º | 1610 |
Le président |
M. Charlie Penson (Peace River, PCC) |
Le président |
M. Charlie Penson |
º | 1615 |
M. Paul Darby |
M. Charlie Penson |
M. Paul Darby |
M. Charlie Penson |
M. Michael Mendelson |
M. Charlie Penson |
M. Michael Mendelson |
Le président |
M. William Robson |
º | 1620 |
M. Charlie Penson |
M. William Robson |
M. Charlie Penson |
M. William Robson |
Le président |
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ) |
º | 1625 |
M. William Robson |
M. Yvan Loubier |
M. William Robson |
M. Yvan Loubier |
M. Paul Darby |
º | 1630 |
M. Yvan Loubier |
Le président |
L'hon. John McKay (Scarborough—Guildwood, Lib.) |
M. Paul Darby |
L'hon. John McKay |
M. Paul Darby |
L'hon. John McKay |
M. Paul Darby |
L'hon. John McKay |
M. Paul Darby |
L'hon. John McKay |
M. Paul Darby |
L'hon. John McKay |
M. Paul Darby |
L'hon. John McKay |
M. Paul Darby |
L'hon. John McKay |
M. Paul Darby |
L'hon. John McKay |
º | 1635 |
M. Paul Darby |
L'hon. John McKay |
M. Michael Mendelson |
L'hon. Maria Minna (Beaches—East York, Lib.) |
L'hon. John McKay |
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Nord, NPD) |
L'hon. John McKay |
M. Michael Mendelson |
Le président |
M. Michael Mendelson |
º | 1640 |
Le président |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
M. Michael Mendelson |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
M. Michael Mendelson |
º | 1645 |
M. William Robson |
M. Paul Darby |
Le président |
M. John Anderson |
Le président |
M. John Anderson |
º | 1650 |
Le président |
L'hon. Maria Minna |
Le président |
M. Charlie Penson |
L'hon. John McKay |
M. Charlie Penson |
Le président |
M. Paul Darby |
M. Charlie Penson |
M. Paul Darby |
M. William Robson |
Le président |
L'hon. John McKay |
Le président |
M. Charlie Penson |
º | 1655 |
M. Paul Darby |
Le président |
M. Yvan Loubier |
L'hon. John McKay |
M. Yvan Loubier |
Le président |
M. Yvan Loubier |
M. Paul Darby |
» | 1700 |
M. Yvan Loubier |
M. William Robson |
M. Yvan Loubier |
Le président |
L'hon. Maria Minna |
M. William Robson |
» | 1705 |
M. Michael Mendelson |
Le président |
M. John Anderson |
M. Paul Darby |
» | 1710 |
Le président |
M. Don Bell (North Vancouver, Lib.) |
M. Michael Mendelson |
M. Don Bell |
M. William Robson |
M. Don Bell |
M. William Robson |
M. Michael Mendelson |
» | 1715 |
M. John Anderson |
M. Don Bell |
Le président |
M. William Robson |
Le président |
M. Michael Mendelson |
Le président |
M. John Anderson |
Le président |
M. Paul Darby |
Le président |
CANADA
Comité permanent des finances |
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l |
|
l |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 8 mars 2005
[Enregistrement électronique]
¹ (1540)
[Traduction]
Le président (M. Massimo Pacetti (Saint-Léonard—Saint-Michel, Lib.)): Nous pouvons commencer.
Nous poursuivons notre étude sur les prévisions fiscales fédérales. Nous aimerions connaître les points de vue de nos témoins que nous remercions d'ailleurs pour leur présence.
Lors de notre réunion de ce matin, ce ne sont pas tous les témoins qui avaient des déclarations d'ouverture. Est-ce que vous voulez tous nous présenter vos observations préliminaires? Est-ce que quelqu'un veut le faire?
M. William Robson (premier vice président et directeur de la recherche, Institut C.D. Howe): J'aimerais certes pouvoir vous adresser quelques mots.
Le président: Si vous pouviez vous en tenir à cinq ou dix minutes, en tout cas pas plus de dix minutes; je vous ferai signe après cinq minutes.
Il y a un ordre établi: le Caledon Institute of Social Policy ouvre la marche, suivi du Conference Board du Canada, du Conseil canadien de développement social, puis de l'Institut C.D. Howe. Par la suite, les membres du comité pourront vous poser des questions.
Monsieur Mandelson, pouvez-vous commencer?
M. Michael Mendelson (analyste de politique, Caledon Institute of Social Policy): Merci, monsieur le président. Nous sommes très heureux d'être ici et de pouvoir contribuer à vos délibérations.
Avant de commencer, j'aimerais vous entretenir un peu de mes antécédents. J'ai préparé trois budgets provinciaux au cours de ma carrière. Avant d'arriver au Caledon Institute, j'ai été fonctionnaire provincial pendant de nombreuses années, après être passé par le gouvernement fédéral. J'ai préparé un budget provincial pour le gouvernement Pawley au Manitoba, puis un autre pour le gouvernement Filmon dont c'était le premier budget. Dans le cas du gouvernement Pawley, il s'agissait du dernier budget. Je ne suis pas convaincu que ce soit une très bonne référence pour moi. J'ai également préparé un budget pour le gouvernement Peterson en Ontario. Il est donc possible que je sois la seule personne au Canada à avoir préparé un budget provincial pour un gouvernement libéral, un gouvernement conservateur et un gouvernement néodémocrate. J'ai donc une assez vaste expérience pratique de l'établissement de budgets. Bien évidemment, aucun de ces budgets n'était à la hauteur de l'exercice fédéral, quoique celui de l'Ontario puisse s'en approcher en complexité.
Je pourrais vous exposer les raisons pour lesquelles je crois que la création d'un bureau parlementaire des prévisions financières serait une bonne chose, mais je préfère vous faire valoir quelles sont les exigences du point de vue technique, quelle forme il pourrait prendre et à quoi il ne devrait pas ressembler. Je vais m'efforcer d'être bref.
Je veux d'abord préciser qu'il ne s'agit pas, selon moi, d'un problème lié aux prévisions économiques. S'il convient de trouver une solution ou un plus juste équilibre, ce n'est pas à cause de la faiblesse des prévisions économiques. J'estime que les méthodes budgétaires employées depuis plusieurs années par le gouvernement fédéral sont acceptables. Je ne suis pas nécessairement d'accord quant aux détails du mécanisme mis en oeuvre pour établir une moyenne des prévisions du secteur privé, mais peu importe. Il a été clairement établi que cela n'était pas vraiment problématique et, de toute façon, je ne suis pas certain que quelqu'un pourrait faire mieux.
D'après moi, une fois que les prévisions économiques sont établies, il faut parvenir à dégager des inférences entre, d'une part, ces prévisions et les facteurs connexes et, d'autre part, les répercussions en terme de revenus et de dépenses. Il faut vraiment bien comprendre la dynamique de chacune des sources de revenu. Lorsque j'ai travaillé au sein de différents ministères des Finances, il y avait toujours des experts qui connaissaient parfaitement les différentes sources de revenu. Il existe une certaine instabilité qui déjoue les prévisions. Par exemple, l'impôt des sociétés en Ontario est un phénomène particulièrement volatile parce que les entreprises peuvent choisir le moment où elles vont payer leurs impôts. C'est une mesure légitime, mais elle entraîne d'importantes variations, en fonction de facteurs qui ne vont pas nécessairement de soi.
La prévision des coûts des programmes entraîne des problèmes similaires, surtout lorsqu'il s'agit de programmes non limitatifs comme le supplément de revenu garanti, les programmes de dépenses fiscales, etc. Il faut connaître l'ampleur et les détails de ces programmes et c'est là que surgissent les problèmes de prévision—les défis. Ainsi donc, une bonne équipe de prévision financière doit acquérir une connaissance détaillée et précise des sources de revenus et de dépenses et des inférences qu'on doit en tirer. Ce n'est pas vraiment un problème lié aux prévisions économiques.
Mon second point—qui fait déjà peut-être consensus, mais qu'il vaut tout de même la peine de répéter—est qu'il ne s'agit pas d'une fonction de vérification. Il serait inapproprié d'intégrer cette fonction au rôle de la vérificatrice générale, parce que les vérifications sont rétrospectives; elles sont fondées sur les preuves accumulées relativement à ce qui a déjà été fait. Les prévisions sont plutôt prospectives. Elles ne sont pas censées être précises, et cela est impossible de toute manière. C'est toujours une estimation établie à l'intérieur d'un éventail de probabilités et les techniques et méthodes utilisées sont totalement différentes de celles employées par la vérificatrice générale. En fait, j'estime qu'on porterait atteinte à la crédibilité et au rôle de la vérificatrice générale en lui confiant ce mandat. Ce serait inapproprié. Je ne veux pas dire par là que si un bureau parlementaire du budget était créé, les deux bureaux ne pourraient pas collaborer sous certains aspects. Je suis persuadé qu'ils pourraient et devraient le faire et qu'ils pourraient même réaliser des économies en partageant les services administratifs, notamment.
Le dernier point que je souhaite faire valoir peut sembler être un détail technique mais, si vous décidez de créer un bureau parlementaire des prévisions budgétaires, et j'espère que vous le ferez, il sera essentiel de déterminer à quel endroit et de quelle manière les membres de ce bureau pourront obtenir l'information dont ils ont besoin.
Ces gens devront pouvoir compter sur des renseignements détaillés en temps opportun. La plupart de ces données sont déjà disponibles—elles sont recueillies par le ministère des Finances et l'Agence des douanes et du revenu du Canada—mais il faut les rendre accessibles d'une manière ou d'une autre à un bureau parlementaire des prévisions financières. Si ce bureau ne peut pas obtenir les informations détaillées du gouvernement et de ces ministères, il lui sera impossible de fonctionner adéquatement. J'estime donc que les parlementaires devront notamment, dans leurs efforts pour concevoir un bureau fonctionnel, trouver les moyens de s'assurer que ce bureau peut compter en temps utile sur l'information dont il a besoin.
Je crois que ce bureau devra profiter d'un niveau d'accès qui, de toute évidence, dépassera celui de la simple liberté d'information. Cela peut vouloir dire, à certains égards, essayer de trouver des solutions relativement aux garanties de confidentialité pour les tierces parties et accorder au bureau parlementaire du budget le niveau d'accès dont jouirait tout autre organe gouvernemental en élaborant une approche du type muraille de Chine pour préserver la confidentialité.
Il s'agit selon moi d'un des points les plus importants et je ne saurais trop vous recommander, si vous examinez la situation aux États-Unis avec la Commission des finances du Congrès, de vous intéresser aux ententes d'échange d'information qui y ont été conclues. Je ne sais pas moi-même quelle en est la teneur, mais il est sans doute possible de trouver des exemples utiles au sein d'autres gouvernements.
Permettez-moi de conclure en vous disant quelques mots sur les raisons pour lesquelles je crois qu'il serait bon de créer un bureau parlementaire des prévisions budgétaires. Comme je l'ai déjà fait valoir par écrit, j'estime que cela contribuerait à rehausser la qualité du débat public. Plus il y a de connaissances et de transparence dans le processus, plus le débat public est pertinent. Peu importe si vous croyez que les excédents considérables devraient être remis aux provinces sous forme de transferts additionnels, servir à réduire les impôts fédéraux ou créer un transfert fiscal permettant d'injecter davantage de fonds dans les programmes de lutte contre la pauvreté, peu importe votre point de vue sur les mesures à prendre dans un tel contexte fiscal, il est impossible de tenir un débat rationnel sans avoir pu dégager au préalable un consensus clair quant à la nature de la situation. Je recommanderais donc fortement que la qualité du débat public soit rehaussée par la prise en compte de ce second point de vue.
Dans une perspective plus fondamentale, je suppose, j'ajouterais également que le rôle principal du Parlement—et il s'agit là d'un rôle historique—a toujours été de contrôler l'utilisation des fonds. Au cours des dernières décennies, on a pu noter une régression du rôle du Parlement en ce qui a trait aux pouvoirs qu'il exerce quant aux impôts, aux dépenses et aux autres mesures gouvernementales; je ne crois pas que personne puisse dire le contraire. Je pense qu'il serait très profitable que le Parlement assume en partie les fonctions de freins et de contrepoids applicables au pouvoir exécutif pour ce qui est du contrôle du Trésor, ce qui est sa raison d'être depuis toujours.
En terminant, je voudrais également faire valoir que la présence d'un bureau parlementaire du budget serait également une bonne chose pour le gouvernement en place. Les capacités de tous seront affûtées face à cette concurrence nouvelle. Chacun travaillera mieux et dans une plus grande transparence. Cela aidera les gouvernements à se tenir loin des problèmes qu'ils peuvent parfois se créer eux-mêmes, à ne pas s'exposer inutilement, si on veut. J'estime que cela insufflera également dans le processus budgétaire une crédibilité dont le gouvernement ne pourrait pas jouir autrement.
Autrement dit, si une autorité en place indique qu'il s'agit de la prévision fiscale la plus juste et la plus raisonnable pouvant être établie, dans les limites de certains écarts acceptables, et si le gouvernement et le bureau parlementaire du budget s'entendent à ce sujet, même si l'on constate par la suite qu'ils avaient tort, les gens comme moi ne vont pas s'en plaindre. Nous allons peut-être soutenir qu'il est possible d'envisager des façons différentes de faire les choses, mais nous n'y verrons pas une tentative du gouvernement pour faire accepter des prévisions erronées.
Mesdames et messieurs, c'était là ma déclaration d'ouverture. Je vous remercie beaucoup.
¹ (1545)
Le président: Merci, monsieur Mendelson.
Monsieur Darby.
M. Paul Darby (chef adjoint économiste, Conference Board du Canada): Merci, monsieur le président.
Comme vous le savez, nous avons déjà amorcé un exercice faisant appel à au moins trois, et peut-être quatre, agences de prévisions financières, ou experts en la matière, afin d'anticiper la position fiscale fédérale. Nous avons terminé la première partie de cet exercice et j'estime que nous sommes plutôt satisfaits de cette première tentative, mais il y a tout de même quelques enseignements à tirer... Je vais donc faire écho, dans une certaine mesure, à certains commentaires de M. Mendelson, si vous le permettez, monsieur le président.
Il est bien certain que, dans la suite des événements, nous serions plus à l'aise si nous pouvions compter sur un ensemble suffisamment détaillé et complet d'estimations antérieures sur les dépenses et les revenus—en tout cas, plus détaillé que celui à notre disposition pour l'exercice en cours. Lors d'une réunion antérieure du comité, nous avons parlé de coopération entre le ministère des Finances et les différents organismes et experts qui font des prévisions, ce qui souligne bien l'importance de cet aspect. Je pense que je rejoins ainsi les commentaires de M. Mendelson quant au niveau de détail dont vous souhaitez pouvoir disposer lorsque vient le temps de faire une prévision budgétaire, particulièrement pour l'exercice financier en cours et pour la suite des choses.
Il y a également un aspect théorique à considérer. Je parle ici en mon nom personnel, car j'hésite à me prononcer en celui des agences de prévision que nous avons mandatées pour ce travail, mais notre fonction principale a toujours été de faire des prévisions concernant la conjoncture économique globale. Nous l'avons fait en tenant compte de la situation fiscale aux échelons fédéral et provincial. J'estime d'ailleurs que le Conference Board dispose, en toute honnêteté, d'un des groupes fiscaux les plus perfectionnés au sein de son modèle de prévisions économiques. Cependant, comme je l'ai déjà indiqué, notre objectif principal n'était pas d'établir une estimation des excédents ou des déficits fédéraux à venir. Nous pourrions certes améliorer nos estimations prévisionnelles en examinant de façon plus détaillée les différents éléments de revenus et de dépenses qui varient en fonction de la conjoncture économique. Nous apprécierions grandement pouvoir profiter de cette possibilité.
Enfin, pour ce qui est de la liaison entre nous et le comité ainsi qu'entre nous-mêmes comme agences ou experts en prévisions, je crois qu'il y a une certaine quantité de ressources affectées à ces communications, surtout de façon prospective. Suivant les circonstances, le comité pourrait en venir à se demander si nous n'avons pas besoin de ressources de secrétariat additionnelles ou d'un petit secrétariat—peut-être à temps très partiel—pour nous appuyer en ce sens. C'est seulement un point que je voulais porter à votre attention. Pour poursuivre à nouveau dans le sens des commentaires de Michael Mendelson, j'estime que si nous voulons aspirer à un certain degré de crédibilité, de précision et de profondeur dans la poursuite de cet exercice, il pourrait être avantageux de procéder de façon plus pointue que nous ne le faisons actuellement.
Pour résumer, nous avons besoin de données antérieures détaillées de manière à minimiser les surprises dans la préparation des budgets ou dans l'estimation des dépenses au fil des ans. Nous avons besoin également de certaines ressources pour nous aider à améliorer ou à approfondir le contenu théorique de nos modèles de prévision, et enfin, si cela s'avère nécessaire, peut-être de quelques ressources additionnelles pour appuyer le greffier dans les fonctions de secrétariat nécessaires afin d'assurer un bon fonctionnement.
Merci beaucoup, monsieur le président.
¹ (1550)
Le président: Merci, monsieur Darby.
Monsieur Anderson.
M. John Anderson (vice-président, Stratégies partenariat et alliances, Conseil canadien de développement social): Merci beaucoup.
Si vous voulez connaître mes antécédents, j'ai enseigné les sciences politiques et j'ai fait de la recherche pendant de nombreuses années dans les secteurs des affaires et de l'administration gouvernementale. J'ai aussi travaillé récemment à la préparation du contre-budget de l'Ontario et je fais partie depuis plusieurs années du comité directeur responsable de l'alternative budgétaire pour le gouvernement fédéral.
Je tiens à vous remercier de me donner l'occasion de vous présenter cet exposé. Je veux souligner qu'il est très important pour moi que cette discussion sur les prévisions budgétaires se tienne en cette Journée internationale de la femme. Cette journée du 8 mars est réservée partout sur la planète pour nous permettre de renouveler nos engagements en faveur de l'égalité des femmes. La Journée internationale de la femme a été instituée en 1910; elle visait au départ à commémorer les luttes des travailleuses américaines de l'industrie du vêtement pour s'affranchir de la pauvreté en obtenant l'égalité de traitement et de meilleures conditions de travail.
Vous vous demandez peut-être quel est le lien avec les prévisions fiscales budgétaires. J'estime que l'absence d'un processus de prévisions budgétaires neutre et efficace, combiné à l'engagement de consacrer tout nouveau surplus budgétaire à la réduction de la dette, a fait en sorte que le gouvernement n'est plus en mesure de réagir efficacement face à notre déficit social et aux problèmes sociaux criants qui existent, comme la pauvreté infantile, ainsi que celle que vivent les Autochtones, les minorités visibles et les femmes. Le taux de pauvreté chez les femmes atteint maintenant près de 15 p. 100, ce qui représente environ 2,3 millions de femmes, soit 300 000 de plus que le nombre d'hommes vivant dans la pauvreté au Canada aujourd'hui. Ces données sont tirées du rapport « Tendances du revenu au Canada » de Statistique Canada.
Depuis 10 ans, l'équipe de l'alternative budgétaire fédérale a réussi à prédire avec une plus grande précision que le gouvernement fédéral l'ampleur des excédents. Cette sous-estimation considérable des excédents, que Jim Stanford a chiffrée à environ 85 milliards de dollars sur 10 ans lors d'un exposé devant ce comité récemment, pose un problème important qu'il nous faut régler.
Comme je l'ai dit, il existe en fait deux problèmes. L'un d'eux réside dans la sous-estimation continue de l'excédent qui fait en sorte que le gouvernement se retrouve dans une situation où il lui est impossible de planifier des solutions aux principaux problèmes sociaux. Comme Michael Mendelson l'a indiqué, je crois qu'on pourrait régler ce problème en instaurant un mécanisme, comme ceux existant dans d'autres pays et sous d'autres gouvernements, qui est indépendant des partis politiques et qui peut diffuser publiquement non seulement ses prévisions quant aux excédents, mais aussi toutes les hypothèses et les pistes de réflexion sous-jacentes de telle sorte que la population aussi bien que le gouvernement comprennent très bien les prévisions qui sont établies. J'estime que la transparence des hypothèses est une question extrêmement importante lorsqu'il s'agit de mettre sur pied une entité comme un bureau budgétaire indépendant, parce que nous ne connaissons pas actuellement toute la gamme des hypothèses qui sont élaborées par le ministère des Finances. Je suis également d'accord avec Michael pour dire que ce ne sont pas les prévisions économiques qui posent problème, mais plutôt les estimations des dépenses et des recettes gouvernementales.
L'autre problème, et c'est ce qui à l'origine de toutes les difficultés, vient du fait que les excédents non prévus sont, pour ainsi dire, utilisés exclusivement pour réduire la dette alors même que le rapport dette-PIB du Canada est en baisse et continue de diminuer en tant que pourcentage du PIB, même si aucun argent nouveau n'est appliqué à cet effet, et alors même que le Canada profite du rapport dette-PIB le plus bas parmi tous les pays du G-7. Le problème est donc le résultat de l'effet combiné du manque de prévisions exactes et du mécanisme qui entre en jeu lorsque l'excédent est appliqué à la dette sans qu'il n'y ait vraiment de débat ou de choix à ce sujet, même en présence de problèmes sociaux énormes comme la pauvreté—que j'ai déjà mentionnée, surtout pour les enfants—qui doivent être réglés, et ce, sans tarder. Lorsque nous n'avons pas accès à l'excédent et que nous ne sommes pas en mesure de prédire son ampleur, nous nous privons de nombreuses années de planification qui pourraient nous permettre de nous attaquer à ces problèmes sociaux pressants.
¹ (1555)
Dans le dernier budget fédéral, on avait estimé que le gouvernement aurait, selon mes calculs, un total de 28,5 milliards de dollars dans la réserve pour éventualités et le fonds de prudence au cours des cinq prochaines années; dans le contre-budget fédéral, on avait évalué que cette somme serait encore plus élevée et on avait prédit—c'était avant le budget actuel—qu'il y aurait des surplus de quelque 45 milliards de dollars au cours des trois prochaines années.
Il y a donc des décisions très importantes que nous n'avons pas été en mesure de prendre. En effet, ce ne sont pas de petites sommes sans importance, qui laissent indifférent. Nous parlons de l'avenir de nos enfants; nous parlons de l'avenir des peuples autochtones, ou d'autres enjeux sociaux urgents—l'avenir des soins aux enfants, un programme de garderie entièrement financé, par exemple.
Quel mécanisme nous faut-il pour examiner les prévisions financières? Je n'ai pas de modèles détaillés; je vous parlerai seulement de certains aspects qui me paraissent importants. D'abord, la neutralité du mécanisme. Ce mécanisme doit être extérieur au gouvernement, et les personnes qui en assureront la direction ne doivent pas être nommées simplement par un parti politique.
Deuxièmement, bien qu'on s'en réjouisse, la nomination des quatre économistes dont Paul vient de parler ne sera pas suffisante. Ils effectuent évidemment un excellent travail, mais ils ont tous un autre emploi; à mon avis, il faut des personnes qui se consacreront à la tâche à temps plein.
Par ailleurs, il faut un mécanisme efficace par rapport au coût. Nous ne voulons pas d'un exercice haut de gamme et dépenser des sommes inconsidérées pour mettre sur pied une version canadienne du CBO. Il nous faut un organisme qui aura accès aux données nécessaires, au sens le plus large. Enfin, nous avons besoin d'un mécanisme très rapidement. Nous ne pouvons nous permettre de passer trois ans à étudier le type de mécanisme qui doit être instauré, à effectuer des comparaisons avec d'autres pays, à tenir des audiences partout au Canada, etc. Nous devons agir assez rapidement.
En dernier lieu, nous devons faire la part des choses entre les surplus et les prévisions budgétaires—les prédictions financières—et l'affectation automatique des surplus à la réduction de la dette. La somme d'argent est évaluée, je crois... Jim Stanford a affirmé qu'il y avait des surplus moyens de 8,5 milliards de dollars au cours des 10 dernières années. Statistique Canada calcule les revenus qui définissent le seuil de pauvreté. Il existe évidemment de nombreuses mesures de la pauvreté, mais certains estiment que le manque à gagner s'élève à environ 16,7 milliards de dollars chaque année. Il s'agit de revenus avant impôt. Si nous avions ce surplus et pouvions l'utiliser pour alléger la pauvreté, celle-ci pourrait être réduite de moitié en peu de temps; nous pourrions atteindre l'objectif du millénaire de l'ONU—du moins au Canada—, objectif auquel le gouvernement du Canada avait adhéré et qui consiste à réduire de moitié la pauvreté dans le monde.
À mon avis, il s'agit d'un enjeu très important, qui nous pousse non seulement à établir de meilleures prévisions budgétaires et financières, mais aussi à nous donner les outils nécessaires pour répondre à certains besoins sociaux urgents.
Merci.
º (1600)
Le président: Merci, monsieur Anderson.
Monsieur Robson.
M. William Robson: Merci.
On m'a dit que j'aurais 10 minutes, alors je vous promets de ne pas dépasser cette limite.
Je suis ravi d'être ici. Les délibérations de votre comité sont toujours utiles et je crois que la question sur laquelle vous vous penchez est très importante et très à propos. D'après ce que je comprends, votre objectif premier est de savoir si la création d'un organisme indépendant permettrait au Parlement de mieux traiter des questions budgétaires et, le cas échéant, de formuler des recommandations concernant l'organisme qui pourrait fournir ces conseils et les mécanismes à mettre en place à cette fin.
Ma réponse à la première question est oui, je crois qu'un organisme indépendant pourrait renforcer le contrôle financier du Parlement. Je dis bien « pourrait », parce qu'il faudrait avant tout définir clairement les problèmes que nous voulons régler. Je n'ai pas de réponses exhaustives—personne n'en a—, mais je vais tenter d'exposer trois problèmes qui compliquent actuellement les prévisions financières—un problème facile à résoudre, un autre de difficulté moyenne et un dernier beaucoup plus difficile à régler.
Parlons d'abord d'un problème facile à résoudre et pour lequel nous n'avons pas besoin d'un conseil indépendant. J'aimerais quand même y consacrer quelques instants parce que cette question influe sur l'examen des enjeux plus sérieux. Pete DeVries est derrière moi ici et il pourrait bien ne pas être d'accord avec moi.
Les budgets donnent au Parlement des chiffres erronés. Les comptes publics du Canada sont bons par rapport aux normes internationales. Ils l'ont toujours été. Ils ne sont pas parfaits, mais on les a améliorés avec le temps. Je ne comprends pas pourquoi le Parlement laisse le gouvernement présenter des budgets qui ne correspondent pas aux comptes publics.
Certains d'entre vous le savent déjà, mais je tiens tout de même à souligner que les présentations budgétaires et La revue financière du ministère des Finances établissent à environ 13 milliards de dollars les dépenses appliquées en réduction des recettes. Les deux côtés du budget sont donc gravement sous-évalués, ce qui nous empêche de répondre à une question qui devrait être simple, à savoir si les résultats obtenus correspondent à ce que le gouvernement avait prévu. Voilà la question que j'aimerais maintenant aborder. Les résultats ont-ils été ce que le gouvernement avait prévu?
Je remarque malheureusement que les documents budgétaires donnent suite aux critiques de la vérificatrice générale à propos de la présentation sur une base nette des données en invoquant la possibilité de créer un groupe de travail. Je ne crois pas que vous ayez besoin d'un conseil consultatif indépendant, ni d'un groupe de travail. À mon avis, les budgets et La revue financière devraient présenter des chiffres sur une base brute et le Parlement ne devrait accepter rien d'autre.
Le deuxième point que j'aimerais faire valoir à propos des choses qui clochent est bien facile à énoncer, mais il peut aussi nous amener sur un terrain compliqué. C'est une évidence: le monde est rempli de surprises.
Vous avez certains graphiques devant vous et je ne veux pas trop m'y attarder, mais pour me préparer à la séance d'aujourd'hui, je suis retourné 25 ans en arrière et j'ai examiné ce que chaque budget annuel avait prévu—les changements au chapitre des recettes, des paiements d'intérêts—puis ce que les comptes publics donnaient comme résultats à la fin de chaque exercice.
On voit dans la partie inférieure du graphique une série de barres noires qui montrent les écarts... En fait, ils ne sont pas là. Je vous montre les changements. Ce serait préférable de montrer les niveaux, de comparer les niveaux, mais je ne le peux pas parce que les budgets présentent des chiffres sur une base nette. Voilà—c'est déjà difficile d'établir une comparaison. Alors je vous montre les changements.
Pour être bref, lorsque vous examinez les écarts dans les recettes, c'est-à-dire la différence entre ce que le budget avait prévu et les résultats obtenus, ce que vous observez n'est pas tellement surprenant, du moins au cours des deux premières décennies. Les surprises économiques signifient que le gouvernement n'avait pas visé juste, mais ce n'est pas toujours dans la même direction. Au cours des 20 premières années présentées dans ce tableau, les erreurs s'annulent, et les écarts entre ce qui avait été prévu en tenant compte des coûts d'intérêts et ce qui s'est vraiment passé sont aussi un reflet des surprises cycliques.
À mon avis, des conseils indépendants pourraient aider le Parlement à traiter de ces choses, c'est-à-dire à établir des budgets dans un contexte d'incertitude économique. Voilà une solution à un problème de difficulté moyenne. Il est difficile d'établir un budget dans un monde d'incertitude, lorsque vous avez une bonne idée de vos attentes, mais qu'il y a des éventualités extérieures et que vous voulez évaluer leur probabilité. Je crois qu'un organisme indépendant pourrait être très utile et pourrait aider à réfléchir concrètement aux risques. Je crois que nous pourrions débattre de cette question par la suite.
Permettez-moi de terminer avec le problème le plus difficile. La question que vous posez vient en partie du fait que les recettes et les dépenses sont sous-évaluées depuis quelques années. En effet, on remarque une constance à sous-estimer les recettes depuis le début de la présente décennie. Toutefois, je ne crois pas que ce problème soit entièrement attribuable à l'absence de conseils indépendants.
º (1605)
Je préférerais ne pas passer par-dessus le troisième graphique, parce que c'est là qu'on voit le contraste entre les prévisions budgétaires des dépenses et les dépenses réelles. Mais pour gagner du temps, permettez-moi de passer au dernier tableau que j'ai préparé, qui compare les surprises au chapitre des recettes et les surprises au chapitre des dépenses.
Lorsque j'ai commencé à réunir ces données pour me préparer à la séance d'aujourd'hui, je n'étais pas certain de ce que j'allais trouver. Permettez-moi de vous faire part des réflexions qui m'ont amené à faire cela.
Supposons que les surprises que réserve l'économie soient les seules choses qu'on ait à traiter. Comme je le disais tout à l'heure au sujet des recettes et des intérêts, on constaterait probablement sur une certaine période de temps que les écarts entre les prévisions budgétaires et les résultats obtenus s'annulent. En moyenne, on aurait vu juste, mais on serait toujours un peu à côté, à cause des surprises. Toutefois, si c'était le cas, on observerait autre chose. En période de récession, les recettes seraient inférieures aux prévisions, tandis que les dépenses seraient supérieures aux prévisions, surtout à cause des prestations d'assurance-emploi. En période de prospérité, le contraire se produit: les recettes seraient supérieures aux prévisions et les dépenses seraient inférieures. La corrélation entre les surprises au chapitre des recettes et les surprises au chapitre des dépenses serait négative. Si les unes dépassent les prévisions, les autres sont en-dessous, et vice-versa.
Supposons maintenant que les surprises que réserve l'économie ne sont pas les seuls éléments qui entrent en jeu. Supposons que le gouvernement vise des résultats financiers particuliers. Lorsque les entrées d'argent sont inférieures aux prévisions, il dépense moins, et lorsque les entrées d'argent sont supérieures, il dépense davantage. Dans ce cas, la corrélation entre les surprises au chapitre des recettes et les surprises au chapitre des dépenses serait positive. Lorsque les recettes dépassent les prévisions, vous avez plus de dépenses que prévu également, et lorsque vous avez des recettes inférieures, vos dépenses sont moindres que ce que vous aviez prévu.
Le dernier tableau montre ce à quoi je pensais—et comme je l'ai dit, j'ai fait cet exercice en préparation de la séance d'aujourd'hui, et je suis certain qu'il y a de meilleures façons de présenter ces données. Je me suis dit faisons une comparaison : additionnons les surprises au chapitre des recettes, c'est-à-dire les entrées d'argent qui étaient supérieures ou inférieures aux prévisions budgétaires, et également les sommes consacrées au paiement des intérêts. A-t-on eu une surprise positive? A-t-on payé moins d'intérêt que prévu, de sorte qu'on a eu plus d'argent? On constate d'une part que les recettes étaient supérieures et les coûts d'intérêt, inférieurs. Qu'est-il donc arrivé aux dépenses? Les dépenses étaient-elles supérieures ou inférieures aux prévisions budgétaires?
Les barres noires dans la partie inférieure du tableau montrent la corrélation sur des périodes de cinq ans. La corrélation était-elle négative ou positive? Les surprises qui ont influé sur la marge de manoeuvre fiscale et la surévaluation ou la sous-évaluation des dépenses allait parfois dans des directions différentes, ce qui, comme je l'ai mentionné, est normal si les seules surprises viennent de l'économie et que vous avez plus de recettes que prévu et moins de dépenses que prévu ou, au contraire, moins de recettes et plus de dépenses. Au début des années 80, c'était vrai, et dans la première moitié des années 90, c'était vrai aussi. Les hauts et les bas de l'économie ont influé sur le budget comme on peut s'y attendre.
Toutefois, ça n'a pas toujours été ainsi. La corrélation entre les surprises observées dans la marge de manoeuvre fiscale du gouvernement et la surévaluation ou la sous-évaluation des dépenses a parfois été positive. C'est ce qu'on observe durant la deuxième moitié des années 80, lorsque le gouvernement conservateur s'est attaqué au déficit; c'est ce qu'on observe maintenant, puisque les recettes sont plus élevées que les prévisions budgétaires et, contrairement à ce que soutient mon collègue, un gouvernement qui est gêné d'afficher des surplus dépense ces surplus.
J'ai soutenu la lutte aux importants déficits fédéraux. Je crois qu'il y a des moments où il convient de viser des résultats financiers; je crois que d'autres témoins vous l'ont déjà dit. Mais si pareil objectif signifie qu'il faut réagir à des surprises positives au chapitre des recettes en effectuant des excès de dépenses plus tard dans l'année, alors il est temps de passer à autre chose. Je crois qu'un organisme indépendant qui donnerait des conseils sur les prévisions budgétaires nous aiderait à établir des budgets plus solides lorsque l'économie nous prend par surprise, mais que ce n'est pas la solution au problème que nous avons actuellement.
Ce qui m'a frappé dans le budget du mois dernier, c'est qu'on a dit que la hausse des dépenses au cours de l'année financière actuelle, celle qui se termine à la fin du mois, ne sera pas de 4,5 milliards de dollars comme ce qu'on avait dit au Parlement à cette période-ci l'an dernier, mais plutôt de 17 milliards de dollars. Même en tenant compte de la taille du budget, ce dépassement n'a rien de comparable depuis les 25 dernières années. Ça ne s'est jamais vu en 25 ans. Je reprends les propos de Michael Mendelson en disant que si le contrôle des finances publiques par le Parlement s'est détérioré à ce point, alors aucun conseil financier indépendant ne sera utile.
Merci.
º (1610)
Le président: Merci.
Nous allons donner la parole aux membres du comité. Encore une fois, je ne sais pas si M. Penson sera d'accord ou non, mais nous allons permettre à certains témoins d'interagir. Toutefois, je me réserve un droit de regard.
Monsieur Penson, les témoins sont à vous.
M. Charlie Penson (Peace River, PCC): Merci, monsieur le président.
Le président: Vous avez sept minutes.
Il y aura ensuite M. Loubier, M. McKay et Mme Wasylycia-Leis.
M. Charlie Penson: Merci, monsieur le président.
J'aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins, même si je les vois à peine à l'autre bout de la salle.
Je trouve encourageant de constater que l'idée d'un processus budgétaire indépendant reçoit un appui presque unanime. Certaines personnes ont dit préférer que ce ne soit pas une copie du Congressional Budget Office, mais il faut se rappeler que celui-ci existe depuis une trentaine d'années. Je crois que l'objectif est d'établir des freins et des contre-poids en regard du pouvoir exécutif. Nous sommes de nouveau confrontés à ce type de situation.
À cet égard, je vais poser la question à M. Darby d'abord et d'autres pourront intervenir par la suite. Vous nous dites que pour assurer le fonctionnement de ce mécanisme, il faudra obtenir la collaboration du ministère des Finances. Nous avons examiné cette idée avec d'autres témoins ce matin. Y a-t-il des contraintes au ministère des Finances lui-même?
Ainsi, il pourrait ne pas être en mesure de nous donner des mises à jour en temps opportun et les chiffres nécessaires aux projections que nous demandons aux prévisionnistes financiers ou à un bureau indépendant de faire. À mon avis, c'est là la chose la plus importante. Si on prévoit un an d'avance, on peut certainement faire erreur, mais si on a des données corrigées trois ou quatre fois par année, les parlementaires ont alors la possibilité d'ajuster le tir.
Je vais vous poser la question suivante: y a-t-il des contraintes? Le ministère des Finances a-t-il besoin de personnel pour fournir les données qui seraient nécessaires pour faire les prévisions budgétaires indépendantes que nous demandons?
º (1615)
M. Paul Darby: C'est une excellente question. Je pense que M. Mendelson en a une expérience pratique, et il y a Pete DeVries à l'arrière.
D'abord, vous parlez de faire en sorte que ce bureau fonctionne. Je pense que nous avons prouvé qu'il pouvait fonctionner, et assez bien, sans la coopération totale du ministère des Finances. Il y a des chiffres qui ont été publiés. Il y a eu le rapport de novembre. Les chiffres n'étaient peut-être pas aussi à jour que nous l'aurions souhaité, mais ils n'en demeurent pas moins un bon guide, à tout le moins sur les dépenses de nos recettes à mi-exercice. Il y a aussi des renseignements publiés dans La revue financière et par Statistique Canada, des renseignements plus actuels qui nous aident dans le processus.
Je pense que nous pouvons faire ce travail. L'objectif est certainement de faire le meilleur travail possible ou du moins un meilleur travail qu'aujourd'hui. Il serait effectivement utile d'avoir accès aux estimés les plus récents du ministère fédéral des Finances sur les recettes et les dépenses .
Pour ce qui est des limites de ces données, je ne suis franchement pas le meilleur témoin pour vous répondre. Je ne pourrais que faire des hypothèses. Il y a certainement des problèmes liés à la confidentialité. Je pense en particulier aux données sur les questions faisant l'objet de poursuites devant les tribunaux. Il peut aussi y avoir des questions faisant l'objet de demandes spéciales et pour lesquelles le ministère des Finances aurait besoin de ressources supplémentaires pour générer les données voulues. Ce travail devrait être fait en temps supplémentaire.
En toute honnêteté, je ne suis sans doute pas le mieux placé pour vous répondre. Peut-être d'autres pourraient-ils le faire.
M. Charlie Penson: Monsieur Darby, nous allons recevoir des représentants du ministère des Finances ici et nous allons leur poser ces questions.
M. Paul Darby: Oui.
M. Charlie Penson: J'aimerais savoir si M. Mendelson ou d'autres personnes ici pensent que les fonctionnaires du ministère des Finances manquent de ressources pour contribuer de façon plus constructive à ce processus.
M. Michael Mendelson: Je n'ai pas de bonne réponse à cette question. Je n'en sais pas assez sur les ressources dont dispose le ministère des Finances en ce moment.
Je pense que le plus urgent pour un bureau budgétaire parlementaire en ce moment serait de s'assurer d'avoir accès aux renseignements dont dispose le ministère des Finances. Le problème n'est pas seulement que le gouvernement rechigne à donner de l'information; il y aura aussi des questions importantes à régler sur la confidentialité des tierces parties. Le ministère des Finances aura d'autres réserves importantes concernant la confidentialité qui ne seront pas de simples barrières, si l'on peut le dire ainsi. Il devra y avoir des négociations.
M. Charlie Penson: J'espère que nous pourrons entendre M. Robson, mais puis-je vous poser une question? Aux États-Unis, il y a une trentaine d'années, lorsque cette question a été soulevée, je crois me rappeler que le Congrès craignait de ne pas recevoir toute l'information parce que le pouvoir exécutif en retenait une partie. Pouvez-vous faire le même type de parallèle aujourd'hui, dans cette discussion?
M. Michael Mendelson: Bien sûr, il s'agit là du rôle du Congrès et de celui du pouvoir exécutif aux États-Unis. Les rôles du Congrès et de l'exécutif des États-Unis sont assez différents de ceux d'ici.
D'après moi, le Canada aurait avantage à rééquilibrer les choses, et dans cette mesure, un bureau parlementaire des prévisions budgétaires ne réglerait certainement pas la question du contrôle exécutif complet sur la fiscalité. Je suis d'accord avec Bill à ce sujet. Il ne va corriger pas le problème, mais je pense que ce bureau pourrait apporter un peu plus d'équilibre et permettre aux parlementaires d'avoir davantage accès à l'information.
Je tiens aussi à dire au sujet des « parlementaires » que je crois honnêtement que les députés qui s'intéressent sincèrement à la politique publique ont un rôle à jouer, en dehors de leur affiliation politique, et qu'ils peuvent le jouer s'ils en ont l'occasion et qu'ils reçoivent l'information voulue. Je crois donc qu'un bureau parlementaire des prévisions budgétaires pourrait rééquilibrer les rôles et je ne vois aucun mal à cela.
Le président: Monsieur Robson.
M. William Robson: Sans prendre à la légère les problèmes d'information, je crois que l'un des avantages d'un organisme indépendant serait qu'il pourrait utiliser l'information existante d'une façon que le ministère des Finances peut difficilement reproduire. Je vais vous donner deux exemples.
Dans la vraie vie, il faut tenir compte des probabilités des résultats. Nous pouvons avoir l'impression qu'il va probablement y avoir un surplus de cinq milliards de dollars, mais si l'on regarde les fluctuations passées, on pourrait dire qu'il y a sûrement 50 p. 100 des chances que ce ne soit pas le cas non plus. En allant plus loin, on pourrait dire qu'il y a peut-être 10 p. 100 des chances que le surplus soit de huit milliards ou qu'il y ait un déficit. Il est très difficile pour le gouvernement de diffuser de tels renseignements. Les gens veulent que le gouvernement fasse une estimation précise. Ils veulent que le ministère des Finances fasse une estimation précise, et c'est pourquoi nous avons les budgets que nous avons en ce moment, parce qu'un budget équilibré établi selon des facteurs de prudence permet d'obtenir des chiffres précis. Je pense qu'un organisme indépendant serait mieux placé pour parler franchement des risques des prévisions, puis les parlementaires pourraient se demander où ils sont à l'aise.
Je pense aussi aux questions litigieuses, comme de déterminer si l'on doit augmenter ou diminuer les impôts et quel revenu cette mesure va générer. Il est très difficile pour le ministère des Finances de faire autre chose que de dire que si nous imposons un taux de 21 p. 100 et que nous le diminuons d'un point de pourcentage, le revenu va diminuer proportionnellement. Eh bien, ce n'est pas ainsi dans la réalité. Un organisme indépendant pourrait un peu plus facilement demander aux universitaires ce qu'ils en pensent, examiner les expériences passées et s'éloigner des prévisions statistiques.
º (1620)
M. Charlie Penson: Monsieur Robson, ce bureau pourrait-il conclure, par exemple, que si l'on abaisse le taux d'imposition des sociétés, les recettes auraient des chances d'augmenter parce que le secteur des entreprises serait plus actif et que par conséquent, plus d'argent serait versé au Trésor public, malgré le taux inférieur?
M. William Robson: Nous avons vu récemment dans le budget fédéral que certaines baisses des taxes des sociétés n'avaient absolument pas eu pour conséquence de faire baisser les revenus comme une analyse statistique l'aurait conclu.
M. Charlie Penson: C'est ce dont vous parlez...
M. William Robson: Les gens vont discuter des raisons qui l'expliquent et qui expliquent aussi pourquoi il est difficile pour le ministère des Finances de faire allusion à ces possibilités. Un organisme indépendant aurait un peu plus de marge de manoeuvre pour évoquer ces possibilités.
En Ontario, une réduction de la taxe des sociétés a récemment été annulée, et j'ai entendu des commentateurs dire qu'ils étaient plutôt découragés de voir à quel point cette augmentation de taxe avait privé le gouvernement de revenus supplémentaires en bout de ligne. Ces taxes sont donc très élastiques, mais il est difficile pour le ministère des Finances de prendre fermement position à leur égard.
Le président: Merci.
Monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Merci, monsieur le président.
J'ai beaucoup aimé les exposés que nous avons entendus cet après-midi, qui, bien heureusement, contrastaient avec ceux de ce matin. Je trouve qu'il y a eu cet après-midi des présentations intelligentes et objectives qui peuvent nous aider à progresser.
J'ai compris surtout une chose. M. Robson, en particulier, nous a demandé comment le Parlement avait pu accepter des chiffres aussi farfelus. Nous ne les avons pas acceptés de gaieté de coeur: nous n'avions pas les moyens de contrer ces choses farfelues. Vous m'avez rappelé qu'en 1997, alors qu'on avait commencé à se sortir du cercle vicieux des déficits, j'avais déposé un projet de loi d'initiative parlementaire qui traitait de l'équilibre budgétaire: l'équilibre budgétaire aurait été maintenu dans le temps et, s'il y avait eu, par exemple, une espèce de renouement avec la tradition des déficits, il aurait fallu qu'en l'espace de quatre ou cinq ans, le gouvernement résorbe ce déficit.
Il y avait d'autres dispositions dans ce projet de loi, notamment celle qui disait que le ministre des Finances devait rendre des comptes au Parlement. Le ministre des Finances aurait été tenu de justifier ses chiffres devant le Parlement une ou deux fois par année s'il y avait eu des différences notoires entre la réalité et les prévisions qui avaient été présentées précédemment. Cela se serait appliqué aux revenus, aux dépenses et aux prévisions de surplus ou de déficit. À ce moment-là, on n'était pas encore sensibilisés à la question des surplus, car on était en déficit.
M. Martin a refusé ce projet de loi, mais la question n'est pas là. La question est celle-ci: si on créait aujourd'hui un bureau indépendant comme celui qui existe aux États-Unis, ne faudrait-il pas adopter en parallèle une loi qui obligerait le ministre des Finances à comparaître devant le Parlement pour justifier les écarts entre les différents paramètres budgétaires—recettes, dépenses et surplus—énoncés par le bureau de prévisions indépendant, et ses propres données et mises à jour économiques? Est-ce que cela ne serait pas une espèce de complément qui serait souhaitable? Comme vous l'avez dit, monsieur Robson, si le Parlement ne s'approprie pas ou ne se rapproprie pas des données crédibles sur le plan budgétaire—je pense que chacun de vous a traité de la question du débat démocratique—, la démocratie sera mal servie. Si, de son côté, un bureau indépendant fait des prévisions, alors que du sien, le ministre des Finances dit que c'est plutôt lui qui a raison et n'a pas de comptes à rendre au Parlement, on ne réglera pas le problème.
Est-ce que ce serait une solution complémentaire à envisager?
º (1625)
[Traduction]
M. William Robson: Je pense qu'un bureau produisant des estimations indépendantes créerait inévitablement une nouvelle interaction entre les députés en général et le ministre des Finances. Il favoriserait exactement le type de discussion que nous devrions avoir. Notre problème actuellement, c'est que nous n'avons toujours pas laissé tomber le mode de prévisions financières qui était approprié, à mon avis, lorsque nous essayions d'atteindre un équilibre budgétaire parce que notre dette publique augmentait encore si vite que nous ne pouvions pas même en payer l'intérêt.
Nous en sommes maintenant sortis, mais nous sommes pris dans une situation où nous prévoyons un budget équilibré et nous y ajoutons ensuite divers facteurs de prudence et d'incertitude économique, en plus d'une réserve pour éventualités, et dès qu'il y a une incertitude, la tendance est de favoriser l'estimation la plus conservatrice, parce que nous savons que nous ne voulons pas nous retrouver avec un déficit. Dans ces circonstances, il va toujours y avoir un grand écart entre les prévisions et les résultats réels, parce que tout est biaisé dans un sens.
Je ne me prononcerai pas sur les mesures réglementaires dont vous avez parlé. Le Parlement pourrait très bien les juger souhaitables. Je pense que vous auriez encore plus matière à débat si un organisme indépendant était capable de vous proposer des prévisions indiquant notre résultat le plus probable sur... disons les recettes. « Nous pensons qu'il y a 30 p. 100 des chances qu'elles soient de tant ou 30 p. 100 des chances qu'elles soient plus basses, » disons. Le Parlement pourrait alors juger de la probabilité, selon cet organisme indépendant, que les prévisions du ministère des Finances s'avèrent.
[Français]
M. Yvan Loubier: Je pense que M. Darby voulait ajouter quelque chose, mais je vais lui demander d'attendre un peu. Si le ministre des Finances n'a pas l'obligation de rendre des comptes au Parlement, il va continuer à répondre ce qu'il répond depuis huit ans. Je me levais en Chambre pour lui poser une question, il me répondait que mes chiffres étaient farfelus et il se rassoyait. Il n'avait aucune obligation législative de rendre des comptes, de même que le ministère des Finances.
Au mois de janvier, on a tenté d'obtenir des données plus raffinées du ministère des Finances. Il n'a aucune obligation législative de nous fournir ces données. S'il ne contribuait pas à la bonne marche du bureau indépendant de prévisions et s'il fallait que le ministre justifie l'écart entre les prévisions du bureau indépendant et ses propres prévisions, indirectement, le ministère serait obligé de dévoiler des chiffres plus raffinés.
Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais il me semble qu'il y a une espèce de noeud quelque part à cet égard.
[Traduction]
M. William Robson: Je suis d'accord, mais nous entrons là sur un terrain un peu glissant. On vient tout juste de déposer un budget qui nous montre, comme je l'ai dit, que la somme réelle des dépenses de l'exercice en cours est très différente de ce qu'on avait dit au Parlement il y a un an.
Si le Parlement est prêt à l'accepter, alors la création d'un organisme indépendant ne résoudra pas notre problèmes, je l'ai déjà dit. La question fondamentale consiste à déterminer si l'on peut vraiment dire que le Parlement est toujours maître des deniers publics.
M. Yvan Loubier: Monsieur Darby.
M. Paul Darby: J'ai quelques observations à faire sur cette question très importante, qui concernent directement le coeur de ce processus.
Je vais d'abord vous donner une petite leçon d'histoire. En septembre—ou c'était peut-être en août, juste avant la signature en septembre de l'accord sur la santé—, le ministère fédéral des Finances nous a demandé d'effectuer une vérification indépendante du jeu dont disposait le gouvernement sur le plan financier. C'était pour ainsi dire comme une redistribution des rôles sur la position financière fédérale à ce moment-là; à tout le moins l'information a-t-elle été transmise aux provinces, puis il y a eu les négociations. L'objectif consistait en partie à exclure cette question des négociations pour que les gouvernements fédéral et provinciaux puissent plus ou moins tomber d'accord sur le jeu dont disposait le gouvernement fédéral sur le plan financier.
Je pense que le gouvernement fédéral est sensible au fait que sa situation financière change en cours d'exercice. L'étendue de la responsabilité du Parlement ne me semble toutefois pas très claire. Il est convenu qu'en général, au Canada, il y a souvent des gouvernements majoritaires et que cette situation crée des problèmes, mais je pense qu'on voudrait certainement que l'opposition puisse au moins avoir accès à cette information aussi—même si c'est un peu plus délicat lorsque le gouvernement est minoritaire—parce que les négociations importantes qui vont avoir lieu vont réunir les divers ordres de gouvernement sur des initiatives politiques extrêmement importantes pour le Canada.
Si nous nous livrions à cet exercice trimestriellement, il serait donc possible en juillet qu'un organisme indépendant informe le Parlement que les surplus fédéraux sont passés de 4 milliards de dollars, selon ses estimations, à mettons 14 milliards de dollars—je lance un chiffre—, ce qui donnerait au gouvernement fédéral amplement de marge de manoeuvre financière dans ses négociations avec les provinces au sujet de la santé.
º (1630)
[Français]
M. Yvan Loubier: C'est ce qu'on fait à l'heure actuelle. Dans un contexte de gouvernement minoritaire, on a pu vous inviter cet après-midi. On n'a jamais pu le faire auparavant. C'est le début d'un processus. C'est le début d'un temps nouveau.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Loubier.
Monsieur McKay.
L'hon. John McKay (Scarborough—Guildwood, Lib.): Je suppose que ce pourrait être l'inverse aussi.
M. Paul Darby: Oui, c'est possible.
L'hon. John McKay: Ce serait certainement possible.
M. Paul Darby: Cependant, ce serait important que le Parlement le sache.
L'hon. John McKay: Ce pourrait être le ministère qui vienne nous dire: « Arrivons-en à un consensus sur la somme que nous avons. » Comme vous l'avez dit, ils ont exclu ce chiffre des négociations. C'est ce qui est arrivé de toute façon. Le résultat est donc déjà là.
M. Paul Darby: En un sens, on ne peut qu'applaudir un certain degré de transparence à ce moment-là. En fait, si nous convenons qu'il est louable d'entreprendre cet exercice, il serait peut-être bon qu'il fasse partie d'un processus plus officiel et régulier à l'avenir.
L'hon. John McKay: Laissez-moi vous reprendre un peu, monsieur Darby. Vous avez commencé votre exposé en nous disant que vous aviez besoin de la collaboration du ministère.
La thèse de notre comité, c'est que le ministère fait fausse route, qu'il fait des prévisions exagérées année après année. Nous avons déjà tout entendu, et c'est la même chose qui se répète mois après mois. Vous voulez aller voir ce même ministère et obtenir l'information.
Je pense que plus vous allez frayer avec le ministère, si l'on veut, moins vos données seront fiables, parce que vous serez quelque peu compromis. Si vous voulez prendre ce chemin-là, c'est votre choix, mais à certains égards, vous serez déjà compromis.
Par ailleurs, comment pouvez-vous vous attendre à travailler encore pour le gouvernement si dans les faits, vous établissez un organisme parallèle qui ne fera rien d'autre que de critiquer le gouvernement? Comment est-ce possible?
M. Paul Darby: J'aimerais dire deux choses, si je peux me permettre une réponse.
D'abord, lorsque nous disons que nous essayons d'obtenir de l'information plus exacte, nous ne parlons que de données historiques. Nous voulons partir du même point. Nous n'avons pas l'impression que le fait d'obtenir la même information historique porte à conclure que nous frayons avec le gouvernement dans notre exercice de prévision.
Il y a des questions qui nous causent franchement beaucoup de maux de tête aussi. Dans notre travail, nous avons tendance à sous-estimer les perceptions d'impôts sur le revenu des particuliers. Il y a quelque chose dans les modèles que nous utilisons, dans la structure, dans la façon dont les revenus évoluent au Canada, qui semble générer un revenu plus élevé que ce que nos équations nous laissent prévoir. Nous voudrions pousser notre analyse. Nous pourrions le faire de façon indépendante, et nous le faisons, sans l'intervention du ministère des Finances. C'est crucial pour les prévisions. Cependant, nous aimerions croire que nous partons au moins de la même base historique. Je pense que c'est tout ce dont il s'agit, et je ne pense pas que cela compromette l'indépendance de notre travail par rapport au ministère des Finances.
L'hon. John McKay: Toute personne présumément raisonnable pourrait être d'accord avec vous sur ce point.
M. Paul Darby: Oui, sur l'histoire.
L'hon. John McKay: D'accord.
M. Paul Darby: Je pense que si nous avions accès aux données que le ministère des Finances a produites au fil des années pour constituer cette histoire, nous pourrions en vérifier l'exactitude, et cela ne ferait qu'améliorer nos propres estimations aussi, sans signifier que nous aurions nécessairement les mêmes prévisions que le ministère des Finances. Comme vous le savez, nous en sommes arrivés à trois prévisions très différentes.
L'hon. John McKay: Vous parlez des trois modèles qui sont sortis la semaine dernière?
M. Paul Darby: Oui.
Vous avez aussi parlé de la possibilité de travailler pour le ministère fédéral des Finances. C'est évidemment une question à se poser. Je pense que nous nous priverions de revenus pour ces prévisions financières, mais en même temps, nous avons l'impression d'être assez bien dédommagés par le comité, et nous vous en sommes très reconnaissants. Par conséquent, nous sommes assez prêts à aller de l'avant avec ce travail, qui semble franchement assez constant, du moins pour le moment.
L'hon. John McKay: Je pars du point de vue que selon la loi, on ne peut travailler à la fois pour l'État et pour la défense, n'est-ce pas?
M. Paul Darby: C'est juste.
L'hon. John McKay: Vous pouvez choisir de travailler pour l'un ou pour l'autre, mais vous ne pouvez pas changer votre fusil d'épaule à mi-chemin. Cela me semble être le dilemme dans lequel les quatre analystes économiques se trouvent: on peut présumer que s'ils travaillent pour cette tentative de bureau des prévisions, c'est très bien, mais leurs services ne pourront plus être utilisés par le gouvernement.
º (1635)
M. Paul Darby: Je crois comprendre que nous ne pourrions peut-être pas faire un exercice de prévision économique analogue, mais que nous pourrions accepter des contrats dans des domaines complètement différents. Il faudrait peut-être le vérifier.
L'hon. John McKay: Fort bien.
Écartons-nous de cette question et passons à celle des prévisions économiques.
M. Mendelson a commencé par dire que le problème qui se pose n'est pas la prévision économique. Est-ce l'avis de tous les membres du groupe, que le problème n'est pas la prévision économique, mais plutôt ce qu'on fait de l'argent après coup? Est-ce une bonne interprétation?
M. Michael Mendelson: Ce n'est pas tant ce que vous faites de l'argent que le lien qui existe entre la prévision économique et le montant des revenus et des dépenses qu'elle sous-entend. Ce n'est donc pas la prévision économique comme telle, mais plutôt ce qu'elle sous-entend sur le plan budgétaire, qui est problématique.
J'ignore ce qu'en pense les autres ou s'ils sont d'accord avec moi.
L'hon. Maria Minna (Beaches—East York, Lib.): Il dit que c'est la prévision économique.
L'hon. John McKay: À nouveau, notre comité part de l'hypothèse que les prévisions économiques sont beaucoup trop éloignées de la réalité.
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Nord, NPD): Ce sont les prévisions financières, et c'est justement ce qu'il dit.
L'hon. John McKay: Ce que je tiens à bien faire ressortir, c'est le problème qui se pose ici selon vous. Est-ce la façon dont le gouvernement utilise l'argent ou plutôt la façon dont il prédit les sources de revenus?
M. Michael Mendelson: Je tiens à très bien me faire comprendre. Je ne suis pas ici pour parler de la façon dont le gouvernement utilise les fonds. Si vous posiez la question à tous les membres du groupe, nous serions probablement en désaccord les uns avec les autres—c'est-à-dire tous ceux qui sont assis ici. Je connais Bill et je ne serais pas d'accord avec ce qu'il pense, parce que nous avons été en désaccord au sein de nombreux autres groupes. C'est peut-être la première fois que nous faisons partie du même groupe d'experts et que nous sommes d'accord.
Nous ne sommes pas ici pour parler de la façon dont vous utilisez l'argent. Je pars de l'hypothèse que, si les parlementaires et le grand public disposent de plus d'information, il y aura un meilleur débat public sur ce que vous faites de l'argent et, en fin de compte, le pays sera en mesure de mieux exprimer ses vues démocratiques. La façon dont vous utilisez les fonds est une toute autre question.
Je vous exhorterais vraiment, si c'est possible... Je ne vois pas l'actuel exercice comme étant dirigé contre le gouvernement ou contre le ministère des Finances. Je ne me sens pas obligé d'adopter une attitude défensive dans ce dossier. Je crois que cela peut être très important pour le gouvernement. Il y aura un ralentissement de l'économie, malheureusement, au cours des prochains—nous ignorons quand au juste. Toutefois, je peux vous prédire en toute certitude qu'il y aura un ralentissement de l'économie.
Un jour, le ministère des Finances devra se présenter quelque part et dire: « Vous savez, nous nous sommes trompés dans nos prévisions; la situation sera bien pire que ce que nous avions prévu ». Ce jour viendra. J'ignore si ce sera cette année, l'année prochaine ou l'année suivante. Par contre, à ce moment-là, il sera très important de pouvoir être crédible. Ce sera important non seulement pour vous et pour eux, mais également pour tout le pays et pour sa capacité de tenir le coup durant la récession.
Il est très important que nous ayons une autre source impartiale d'information afin d'améliorer la capacité du Canada de faire face aux changements économiques et de prendre des décisions financières raisonnables. Je sais que la première tendance de la machine bureaucratique est de faire en sorte de tout contrôler, mais je crois qu'il faut voir plus loin. Ce pourrait être un élément très positif qui rajouterait à la crédibilité du ministère des Finances, à la justesse et à la qualité de son travail.
Cela étant dit, j'aimerais préciser que je ne crois pas que ce soit un problème de prévisions économiques. C'est là une échappatoire. Le problème, ce sont les prévisions financières, qui représentent essentiellement le rapport entre toute prévision économique et le niveau des dépenses et des revenus, une question d'un tout autre ordre.
Soit dit en passant, il existe d'autres enjeux et d'autres rôles. Ainsi, ...
Le président: Faites vite.
M. Michael Mendelson: Ainsi, dans le budget actuel, on prévoit que le Canada épargnera 2 milliards de dollars en prestations. Est-ce une prévision crédible? Pareille économie revêt une grande importance dans le budget. Existe-t-il une autre source de prévisions? Quelqu'un a-t-il été capable de prouver l'exactitude de cette donnée?
À mon avis, un autre rôle très important qui reviendrait à un organe comme le bureau parlementaire des prévisions financières serait, sur instruction de votre comité ou de membres de votre comité, de pouvoir entreprendre une analyse indépendante et de juger si la prévision est crédible ou non. Donc, la capacité d'examiner des points particuliers, sur instruction des parlementaires, est un autre aspect critique d'un éventuel bureau parlementaire des prévisions financières.
º (1640)
Le président: Monsieur Mendelson, je vous remercie.
J'aimerais simplement rappeler à M. McKay que je ne conçois pas mon rôle comme celui d'un juge. Nous ne sommes pas dans une salle de tribunal. Je me vois plutôt comme un gardien.
Mme Wasylycia-Leis est la prochaine à prendre la parole, pour sept minutes.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier tous ceux qui nous font des exposés cet après-midi. C'est un excellent débat.
Ce dernier échange a été utile, quand bien même que ce ne serait que pour nous rappeler la raison de notre présence ici, soit de discuter de l'utilité d'avoir, au Parlement, une capacité indépendante en quelque sorte d'établir des prévisions, par rapport au budget, en tant que préoccupation fondamentale prédominante.
L'idée d'un pareil bureau est envisagée en raison de l'inexactitude des prévisions budgétaires des dix dernières années—une évidence. Ce n'est pas notre seul sujet d'intérêt, mais les prévisions du gouvernement sont trop basses par quelque 90 milliards de dollars depuis 1997. On peut donc se demander ce qu'on aurait pu faire de cet argent si ce système n'avait pas été en place et que nous avions tout appliqué à la réduction de la dette. C'est pourquoi la question qu'a posée John est si importante, surtout une journée comme aujourd'hui, la Journée internationale de la femme. Il est question de pauvreté, de garderies et de violence, et le gouvernement dit que nous n'avons pas d'argent. Or, nous savons qu'au cours des dix dernières années, 90 milliards de dollars ont été appliqués à réduire la dette, sans vraiment influencer le rapport entre notre endettement et le produit intérieur brut. Ce n'est pas seulement une discussion de nombres, mais bien une question politique, une question à laquelle les Canadiens accordent beaucoup d'importance. C'est une question de démocratie.
Je crois que notre présence ici s'explique également par le fait que le gouvernement est minoritaire. En effet, une motion portant amendement au discours du Trône a été adoptée pour demander à notre comité d'examiner la question. Nous la prenons donc très au sérieux. Je sais que le gouvernement a parfois des difficultés à assimiler le principe. Le ministre des Finances ne semble certes pas apprécier encore à sa juste valeur notre travail.
Ce qui m'amène en réalité à vous poser les questions que voici. Je crois que je vais commencer par Michael parce que, comme je l'ai dit à la Chambre des communes, c'est son article dans The Globe and Mail qui a en réalité capté l'attention dès le début et nous a incités à réfléchir. Était-ce en septembre?
M. Michael Mendelson: Oui, je le crois.
Mme Judy Wasylycia-Leis: L'article a déclenché une réflexion sur les possibilités. De plus, la motion concernant le discours du Trône a été déposée avec l'aide des conservateurs et des bloquistes. Toutefois, quand nous avons par la suite soulevé la question de l'utilité d'un bureau indépendant à la Chambre des communes et nous sommes servis de l'exemple du Congressional Budget Office des États-Unis, la réaction du ministre m'a portée à croire qu'il n'avait pas tout à fait saisi.
Il a en effet commencé par affirmer que nous ne souhaitons pas imiter les Américains parce qu'ils ont un déficit budgétaire annuel absolument faramineux. Il n'a donc pas compris qu'il est question d'un bureau de prévisions des surplus et des déficits qui nous donnerait des conseils indépendants. Il a par la suite ajouté que l'idée du Congressional Budget Office des États-Unis ne pouvait s'appliquer au régime canadien, pour diverses raisons.
J'aimerais donc commencer par poser la question à Michael, à savoir comment répondre à de pareils arguments. Je demanderais ensuite à chacun des trois autres experts de nous dire si le Congressional Budget Office américain est un modèle dont on peut s'inspirer et, dans la négative, comment l'adapter à...? Appuyez-vous le principe d'un bureau parlementaire autonome et, dans l'affirmative, comment l'organiseriez-vous?
M. Michael Mendelson: Dans le cas qui nous occupe, nous pouvons effectivement apprendre de l'exemple américain. Le Congressional Budget Office est une institution établie depuis de nombreuses décennies et probablement énorme. J'ignore quel est son budget, mais je soupçonne qu'il est probablement plus important que celui de notre propre ministère des Finances. Au Canada, un bureau parlementaire efficace des prévisions financières se composerait, je suppose, de 12, 13 ou 14 professionnels. En d'autres mots, il n'est pas nécessaire qu'il soit gigantesque. Il coûterait de l'argent, cela ne fait pas de doute, mais le montant à prévoir ne serait pas très élevé.
À mon avis, il serait très important d'établir une institution du Parlement, si je puis l'appeler ainsi, qui aurait une histoire et qui serait capable d'accumuler les connaissances et d'accroître sa capacité au fil des ans—tout comme la Bibliothèque du Parlement—, d'avoir ses propres façons de faire et une culture institutionnelle. Ce serait là un très important ajout à la capacité du Parlement et du pays.
Son établissement par contre ne règle pas tous les problèmes. En fin de compte, c'est aux électeurs d'en décider. Y accordez-vous de l'importance ou pas? Si les électeurs sont indifférents, alors la situation ne va pas changer, et nous le savons tous. Par contre, il est aussi important, pour la démocratie, de donner aux électeurs la meilleure information possible de manière à les aider à prendre des décisions éclairées.
Nous ne pouvons pas adopter le modèle américain à toute vitesse. J'espère que vous allez l'examiner de près. Personnellement, j'ai seulement lu la documentation que publie le bureau des États-Unis. J'espère que vous allez pouvoir l'examiner de près et vous en inspirer pour les aspects qui ont un rapport avec la situation parlementaire et rejeter les autres.
º (1645)
M. William Robson: L'idée a du bon. Une chose qu'un organe indépendant peut faire et dans laquelle le Congressional Budget Office excelle, c'est l'examen de certaines questions à plus long terme. C'est très important pour nous. Ainsi, nous avons un actuaire en chef qui essaie de prévoir ce que coûteront les pensions de vieillesse et les suppléments de revenu garantis à long terme.
Un des points qui me préoccupent beaucoup au sujet de la situation actuelle, où l'on décide à la dernière minute de l'utilisation à faire des surplus... Je n'ai rien contre les surplus. En moyenne, comme je le disais tout à l'heure, on peut s'attendre d'être parfois gagnant, parfois perdant, et à la fin de l'exercice, si mon revenu a été plus élevé que mes dépenses, eh bien, j'ai économisé. Il n'y a rien de mal à avoir un surplus.
Par contre, ce qui se produit, c'est que nous prenons d'étranges décisions. Des décisions sont prises à la fin de l'exercice d'investir dans des fondations et des fiducies. Si vous projetez de mettre sur pied un nouveau programme de partage des coûts pour des garderies, vous ne pouvez pas prévoir y investir une seule fois. Il s'agit clairement d'un engagement permanent, qu'il faudra prévoir loin dans l'avenir. Le processus budgétaire que nous avons actuellement entraîne certaines décisions financières bizarres, et une des choses que le bureau parlementaire pourrait peut-être faire, c'est de fournir des conseils crédibles au sujet de ce que pourrait être l'engagement à long terme selon diverses hypothèses. Je crois que ce serait fort utile au Parlement.
M. Paul Darby: À nouveau, je ne suis pas un expert du Congressional Budget Office des États-Unis, mais toute initiative visant à établir un organe indépendant, j'imagine, aurait intérêt à s'appuyer sur une étude des avantages et des inconvénients.
J'aimerais souligner ce qu'a dit M. Robson, qu'à vrai dire, certains des meilleurs travaux qu'a fait le Conference Board ont porté sur le long terme, sur une perspective de 25 ou de 30 ans, et c'est ce que nous faisons toujours quand nous examinons le travail de prévisions financières que nous faisons pour le ministère des Finances fédéral ou les provinces. En toute franchise, c'est-là quelque chose que vous ne pouvez pas vous payer le luxe de faire, dans des documents budgétaires. Certaines des répercussions peuvent faire peur, et mieux vaut le savoir plus tôt que plus tard. C'est certes un point sur lequel j'insisterais.
Le président: Monsieur Darby, je vous remercie.
Je vais céder la parole à...
M. John Anderson: Pourrais-je faire quelques observations?
Le président: Faites vite.
M. John Anderson: Le problème que j'ai mentionné au sujet de la reddition de comptes et de la transparence est extrêmement important et, actuellement, les deux sont tout simplement absentes de ce que fait le ministère des Finances. Il n'y a là rien d'inhabituel dans un régime comme le nôtre, parce que la façon d'établir les budgets est très politisée. Si vous retirez une partie de ces prévisions, si vous dépolitisez le processus, je crois que vous pouvez aller au fond de certains problèmes.
Je ne dis pas qu'un mécanisme comme le bureau des prévisions financières, ou quelle que soit son appellation, ne commettrait pas d'erreurs, loin de là. Il en fera. Le bureau américain a fait des erreurs. Il faut se rappeler qu'en dépit de sa faillibilité, il nous permettra de débattre des erreurs commises et des hypothèses utilisées, et le simple fait d'examiner en dehors d'un contexte politique les hypothèses—qu'ont-ils mal prédit?—, de savoir qu'elles n'ont pas été choisies parce que le bureau avait d'autres visées et ainsi de suite, fera beaucoup mieux ressortir la raison pour laquelle on a surévalué ceci ou sous-évalué cela. C'est vraiment important.
L'autre point que j'aimerais souligner est qu'en termes de... Le bureau a un rôle plus large aux États-Unis. Je ne dis pas qu'il faut reproduire ici le modèle américain, mais le fait d'être un organisme indépendant lui... Il sert également à renseigner le grand public sur ce qu'est le processus budgétaire, ce que le ministère des Finances ne peut pas vraiment faire. Le seul fait qu'il produit des documents qui permettent aux concitoyens de mieux comprendre tout l'exercice budgétaire est à mon avis très important.
º (1650)
Le président: Monsieur Anderson, je vous remercie.
Chers collègues, je vous rappelle simplement qu'un vote est prévu à 17 h 30, mais que le timbre va sonner à 17 h 15. Il va donc falloir essayer d'avoir tout bouclé au plus tard à 17 h 15.
L'hon. Maria Minna: Il faut être là-bas au plus tard à 17 h 15.
Le président: Nous allons céder la parole à M. Penson, à M. Loubier, à Mme Minna, puis à M. Bell, après quoi nous lèverons la séance. Vous disposez de cinq minutes chacun.
M. Charlie Penson: Je vous remercie.
Comme premier point, monsieur le président, j'aimerais simplement préciser que je ne partage pas l'avis de M. McKay, qui a comparé le rôle des parlementaires et des hauts fonctionnaires des finances à celui de la Couronne et de la défense. Il me semble que nous ne devrions pas en faire un débat contradictoire. Le ministère des Finances, grâce à ses représentants, est sûrement au service des Canadiens et des Canadiennes.
L'hon. John McKay: Vraiment!
M. Charlie Penson: Je crois donc qu'il faudrait que les parlementaires disposent d'informations fiables, et c'est justement ce que vise le processus en cours.
Monsieur Anderson, vous en avez parlé, je crois, lorsque vous avez dit que nous devrions tous travailler à partir de la même base au moins. Cela ne signifie pas qu'il ne peut pas y avoir d'erreurs dans les prévisions, parce que le processus comporte sa part d'incertitude, mais au moins nous partirions tous des mêmes données.
M. Drummond est venu témoigner ce matin et il a semblé pointer du doigt le passage à la comptabilité d'exercice comme la cause, en grande partie, du problème. Selon lui, c'est la raison pour laquelle les excédents budgétaires ont été si gravement sous-évalués au cours des dernières années. Maintenant que nous sommes passés à la comptabilité d'exercice, pour cette seule raison, nous pourrions nous tromper de milliards de dollars—de 4 ou de 5 milliards de dollars par année facilement. J'aimerais donc savoir ce que pense votre groupe de ce témoignage.
Le président: J'aime bien l'expression de M. Darby. Je vais donc lui demander de répondre en premier.
M. Paul Darby: J'ai du mal à comprendre. La méthode de comptabilité d'exercice devrait, en fait, contribuer à rendre les prévisions budgétaires du ministère des Finances plus transparentes. La plupart de nos prévisions s'inspiraient de données de Statistique Canada qui étaient fondées sur les comptes nationaux. Nos prévisions concernant les excédents et les déficits ont toujours été fondées sur les comptes nationaux. Il est vrai que le passage à la méthode de comptabilité selon les comptes publics ne s'est pas fait sans heurts. Toutefois, la décision d'adopter la méthode de comptabilité d'exercice a été accueillie favorablement par tous les intervenants, parce qu'on estimait qu'on se rapprochait ainsi des chiffres des comptes nationaux et que les liens entre les indicateurs des comptes nationaux, comme le PIB ou le revenu, et les résultats financiers seraient plus transparents. Le lien de modélisation serait plus facile à établir.
Cela dit, il se peut que le passage d'un système de comptabilité à un autre pose problème l'année où cette transition se produit, mais il s'agit d'un problème ponctuel. Je ne sais pas où M. Drummond veut en venir, mais nous nous sommes prononcés en faveur de la méthode de comptabilité d'exercice.
M. Charlie Penson: Vous pourriez peut-être jeter un coup d'oeil à ce qu'il a dit et nous fournir des éclaircissements.
M. Paul Darby: D'accord.
M. William Robson: J'aimerais faire un bref commentaire. La méthode de comptabilité d'exercice nous oblige, en effet, à tenir compte de facteurs additionnels. Toutefois, la plupart des gens vont vous dire que c'est justement à cause de cela que la comptabilité d'exercice est efficace: elle permet de brosser un tableau financier qui correspond davantage à la réalité économique. Je le pense aussi. Nous avons eu raison d'adopter cette formule.
Je conclus, d'après ce que vous dites, que Don, bien que je n'aie pas entendu ce qu'il a dit, faisait allusion à certains des facteurs additionnels qui doivent être pris en compte. Cela va de soi. La comptabilité de caisse peut être relativement simple, mais elle peut aussi être fort trompeuse. Nous devons faire un compromis. Si je devais choisir entre les deux, j'opterais pour la comptabilité d'exercice.
Le président: Si je puis me permettre, la question ici n'est pas de savoir si vous êtes pour ou contre la comptabilité d'exercice. Le problème avec cette méthode, c'est que, dans le cas des recettes fiscales notamment, les chiffres ont été fournis quelques mois après la fin de l'année. Le problème s'est posé la première année où la formule a été appliquée.
L'hon. John McKay: C'est une question de temps.
Le président: C'est exact.
M. Charlie Penson: Monsieur le président, j'aimerais poser une question à M. Darby.
Vous étiez ici, le 22 février, quand nous avons discuté des prévisions budgétaires. Vous avez dit à ce moment-là que l'excédent, cette année, atteindrait 9,1 milliards de dollars. Les prévisionnistes pensaient tous que les paiements de péréquation, qui s'élevaient à 2,8 milliards, allaient être inclus dans ces prévisions. Or, ce n'est pas ce qui c'est produit. Toutefois, on a annoncé, à la fin mars, des dépenses qui correspondaient à ce montant. Le budget qui vient d'être déposé fait état de 3 milliards. Avez-vous modifié vos chiffres, compte tenu de ces données plus récentes?
º (1655)
M. Paul Darby: Nous ne l'avons pas fait, comme vous le savez. Nous sommes en train de les revoir, ou nous allons le faire dans quelques semaines.
J'hésite à me prononcer. Nous avons de nouvelles projections économiques, et les prévisions les plus récentes du gouvernement en matière de dépenses et de recettes, comme en témoigne le dernier budget. Nous allons effectuer une nouvelle analyse en nous fondant sur ces données plus récentes et, une fois celle-ci terminée, nous allons être en mesure de vous donner une réponse plus précise. La beauté de ce processus, c'est que tous les trois mois, nous pouvons mettre à jour les prévisions financières en nous fondant sur les données les plus récentes.
Mais pour revenir à la question, d'après les renseignements que nous avions à l'époque, c'est-à-dire avant le dépôt du budget, l'excédent budgétaire devait atteindre environ 12 milliards de dollars le jour du budget. En fait, les prévisions de dépenses énoncées dans le budget sont d'environ 5 milliards de dollars supérieures à celles que nous avions prévu. Voilà pourquoi il est important d'avoir les données les plus à jour en main.
Mentionnons, à ce titre, l'aide consacrée aux victimes des tsunamis, les dépenses engagées au cours de l'année dont nous n'étions pas forcément conscients, les dépenses de dernière minute effectuées durant l'année et dont nous n'étions pas nécessairement au courant, et le Parlement non plus d'ailleurs. Si vous tenez compte de toutes ces données, que nous n'avions pas, les prévisions budgétaires d'environ 12 milliards de dollars... si j'enlève 5 milliards de ce montant, j'arrive à des prévisions d'environ 7 milliards, chiffre auquel je serais arrivé si j'avais eu toutes les données en main. Ce montant se compare aux prévisions d'environ 6 milliards qui ont été annoncés.
Donc, dans un sens, nous ne sommes pas tellement loin du compte. Mais encore une fois, nous n'étions pas au courant de l'existence de dépenses d'environ 5 milliards de dollars qui avaient été engagées.
Le président: Merci.
Monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier: Merci, monsieur le président.
J'aimerais d'abord excuser auprès de nos témoins le secrétaire parlementaire pour les propos qu'il a tenus plus tôt. Il s'agissait de menaces à peine voilées.
[Traduction]
L'hon. John McKay: Loubier, vous exagérez.
[Français]
M. Yvan Loubier: J'ai aussi trouvé assez dégueulasse qu'il perde le sens de l'État, comme il nous l'a prouvé tout à l'heure. Je suis prêt à prendre l'engagement de vérifier auprès du gouvernement si la position de ce dernier est la même que celle du secrétaire parlementaire, qui fait des menaces à peine voilées concernant les contrats que le ministère des Finances pourrait octroyer à des firmes comme C.D. Howe.
Le président: Monsieur Loubier, je ne pense pas qu'il y ait eu de menaces. Passez à votre question, s'il vous plaît.
M. Yvan Loubier: Vous avez l'air très motivé par des questions comme le débat démocratique, la transparence, et ainsi de suite. Je trouve intéressant que des prévisionnistes s'intéressent à cet aspect de la vie publique et démocratique.
Pourriez-vous me dire si le fait de continuer à procéder comme on avait commencé à le faire il y a huit ans, alors qu'on enregistrait les premiers surplus, ne revient pas à laisser entre les mains de quelques personnes, en l'occurrence quelques hauts fonctionnaires du ministère des Finances, le soin de définir la nature et l'intensité du débat démocratique que nous devrions tenir au Parlement dans le but de déterminer quelles sont les véritables ressources dont dispose le gouvernement pour répondre aux priorités des citoyens et des citoyennes? Est-ce la façon dont vous voyez l'avenir?
Je constate que cela tranche, et c'est heureux, avec la vision d'avenir du secrétaire parlementaire. Je pense qu'autour de cette table, nous sommes une majorité à ne pas penser comme lui. On va quand même vérifier auprès du gouvernement.
[Traduction]
M. Paul Darby: Je pense que le groupe a déjà indiqué que c'est là l'avantage d'avoir un bureau autonome de prévisions financières : le Parlement et le grand public seraient renseignés de manière plus régulière et de façon plus transparente pour ce qui est des montants consacrés aux initiatives stratégiques. Le fait d'avoir un bureau de prévisions financières autonome constitue, pour nous, un avantage fondamental.
Et ce n'est le seul. Le groupe en a relevé plusieurs : le bureau nous permettrait, entre autres, d'avoir une vision à plus long terme; de remettre en question certains éléments du budget et d'effectuer des analyses théoriques de ceux-ci—que le ministère des Finances ne publie pas nécessairement, pour plusieurs raisons; de sensibiliser le public au processus de planification budgétaire; de prendre en compte les facteurs de risque et d'éviter de s'en tenir à une estimation ponctuelle, parce qu'il n'est pas nécessaire de donner l'impression que nous avons toutes les réponses ou encore de fournir uniquement une estimation ponctuelle.
Il y en a peut-être d'autres que j'oublie, mais ce sont là les avantages importants que présente le fait d'avoir un bureau autonome. Mais il ne fait aucun doute que le premier, celui que vous avez mentionné, est essentiel au bon fonctionnement d'un régime démocratique.
En ce qui me concerne, je ne saurais vous dire à quel point le Conference Board est emballé par cette idée—et je suis certain que nos partenaires prévisionnistes, Jim Stanford y compris , le sont aussi. Tous les Canadiens en profiteraient.
» (1700)
[Français]
M. Yvan Loubier: Monsieur Robson.
[Traduction]
M. William Robson: Je pourrais citer l'exemple des prévisions que l'actuaire en chef a fournies récemment au sujet de l'avenir des régimes de pensions du Canada et du Québec. Ces données étaient très importantes, parce qu'elles n'intéressaient pas uniquement le Parlement ou l'Assemblée nationale actuels, mais également les futurs gouvernements. Cet exercice a été fort utile.
Je tiens, par ailleurs, à préciser qu'il est difficile pour le ministère des Finances de parler de probabilités. Nous voulons que le ministère nous fournisse des estimations ponctuelles, comme Paul Darby l'a indiqué. Pour ce qui est des chiffres avancés dans le budget, lorsqu'on prévoit une réserve pour éventualités de 3 milliards de dollars, et ensuite de un milliard, de 2 milliards, de 3 milliards, de 3,5 milliards et de 4 milliards, on ne sait pas si ces chiffres reflètent de façon réaliste les risques. Nous ne savons pas quel genre de probabilités établir en dehors de ces marges. Il est difficile pour le ministère des Finances d'effectuer de tels calculs. Un bureau autonome pourrait, dans ce cas-là, dire: « Compte tenu de la performance passée de l'économie, quel pourcentage au-delà de zéro devons-nous viser—disons 10 p. 100—pour éviter de nous retrouver en-deçà de celui-ci? » Au lieu de se fonder sur une estimation ponctuelle, les parlementaires seraient en mesure de déterminer si ce pourcentage convient ou non: « Devons-nous l'augmenter ou le réduire? »
[Français]
M. Yvan Loubier: J'aurais aimé poser une autre question sur la gestion de la dette.
[Traduction]
Le président: Madame Minna, et ensuite monsieur Bell.
L'hon. Maria Minna: Merci. Je voudrais poser une brève question.
[Note de la rédaction : Difficultés techniques]... M. Manley a fait état publiquement de la frustration que soulèvent les prévisions erronées. Si je fie à ce que les divers témoins ont dit aujourd'hui, ce ne sont pas les prévisions qui constituent le principal problème, mais plutôt l'inexactitude des recettes et des dépenses prévues.
Monsieur Robson, vous avez dit, plus tôt, ou vous l'avez peut-être précisé dans votre mémoire, qu'on avait annoncé des dépenses de 2,8 milliards de dollars qui, dans les faits, s'étaient chiffrées à 7,2 milliards de dollars. Ce genre d'erreur pourrait, à la longue, nous coûter cher. Ma question comporte deux volets. D'abord, comment une entité publique pourrait-elle, à cet égard, nous être utile? Ensuite, quelle est, à votre avis, la source du problème, outre le fait qu'on cherche intentionnellement... mais je ne pense pas que ce soit le cas? Quelle est, à votre avis, la source du problème?
M. William Robson: Une partie de la réponse tient au fait que la situation financière, au cours des dernières années, a connu un bouleversement tel que nous en sommes restés étonnés. Quand vous dépassez vos objectifs en matière d'équilibre budgétaire, la dette, y compris les paiements d'intérêt, diminuent plus vite que prévu. Il y a donc dépassement, du moins en ce qui me concerne, de l'objectif premier, qui est d'atteindre l'équilibre budgétaire.
L'économie a connu un redressement positif. Cela m'a surpris. Beaucoup de personnes s'attendaient à ce qu'on connaisse une récession au début des années 2000, étant donné la faiblesse de l'économie américaine. Encore une fois, nous avons eu de la chance. C'est donc là un élément parmi d'autres.
Il y a toutefois un point qui me préoccupe : le redressement de l'économie, s'il nous surprend, risque d'être accompagné de fluctuations négatives. Je pense que les objectifs financiers que nous avons nous-mêmes fixés, récemment, sont devenus source de problème. Nous risquons d'avoir de mauvaises surprises. Les autres membres du groupe ne partagent peut-être pas cet avis, puisque le gouvernement fédéral vient d'augmenter les dépenses consacrées à divers programmes. Toutefois, nous risquons de ne pas atteindre les objectifs visés, si les prédictions de Michael Mendelson se concrétisent sous peu.
J'ai des inquiétudes aussi au sujet des prévisions financières à long terme. Je préférerais qu'on mette en place un nouveau processus budgétaire, un processus qui nous permet de tenir compte du fait qu'il y a des incertitudes. Nous avons une idée de ce que nous voulons, mais si, à l'occasion, des imprévus se produisent, eh bien soit. Nous ne devons pas nous sentir obligés de dépenser les fonds additionnels que nous amassons. Inversement, si un jour nous avons moins de revenus que prévu, nous ne devons pas soudainement commencer à supprimer, à la fin de l'année, des dépenses qui, encore une fois, n'auraient pas été nécessaires si nous avions eu une vision à long terme.
» (1705)
M. Michael Mendelson: Je ne sais pas si j'ai raison de dire cela, mais je tiens à préciser que ce débat n'a rien de contradictoire. Je le pense sincèrement. Nous avons de la chance d'avoir un ministère des Finances aussi solide et compétent. Bon nombre des personnes qui y travaillent sont des fonctionnaires exceptionnels. Ils se trouveraient mieux dans le secteur privé, si cela les intéressaient. Ce sont des gens merveilleux et dévoués qui travaillent très fort.
Cela dit, j'ai déjà préparé des budgets et je sais que les gouvernements de toute allégeance sont toujours tentés d'escamoter les prévisions, qui sont toujours incertaines de toute façon, mais d'une manière qui fait bien paraître, sur le plan politique, le parti au pouvoir. Habituellement, dans les provinces, le premier budget présenté au début d'un mandat fait toujours état d'une situation financière désastreuse. À la fin du mandat, la situation s'est grandement améliorée. Or, cela ne reflète pas nécessairement la réalité objective.
Ces pressions sont réelles et elles existent. Le gouvernement, au cours des dernières années, s'est montré fort prudent dans ses prévisions. Lorsque l'on jette un coup d'oeil aux prévisions qu'il a établies à long terme, on peut voir qu'il y a eu sous-estimation systématique de sa part. Cette sous-estimation provient de diverses sources. Si j'étais à l'emploi du ministère des Finances et qu'on me demandait, chaque année, de dépasser les objectifs établis, j'aurais recours à des méthodes différentes. Je ne sous-estimerais pas les recettes tous les ans. J'utiliserais des formules différentes et j'introduirais un facteur arbitraire, si je peux m'exprimer ainsi. Je l'introduirais de différentes façons. On ne serait pas là en train de se dire: « Mentons. Voici les chiffres réels. » Il s'agirait tout simplement de déterminer si les prévisions seraient fondées sur un niveau de probabilité faible ou élevée. Voilà le genre de questions auxquelles il faudrait répondre.
Je pense qu'un système objectif de freins et de contrepoids serait utile dans ce cas-ci.
Le président: Merci, monsieur Mendelson.
Monsieur Anderson, vous avez 30 secondes.
M. John Anderson: Je pense que le fait d'avoir un autre organisme améliore la qualité du débat. Le bureau autonome ne réglera pas nécessairement tous les problèmes, puisqu'il lui arrivera peut-être d'établir les mêmes prévisions que le ministère des Finances, ce qui est tout à fait acceptable.
Je voudrais revenir à ce que M. Mendelson a dit. Nous ne devrions pas en faire un débat contradictoire. Ce bureau, du fait qu'il sera indépendant, aura pour mandat d'exprimer un point de vue différent, puisqu'il n'aura pas les mêmes intérêts que ceux du gouvernement—qui, lui, a des intérêts bien précis. Il va nous permettre d'aller au fond des choses, comme je l'ai déjà mentionné, mais de façon moins politisée, ce qui est à notre avantage.
M. Paul Darby: Monsieur le président, si je peux rapidement mettre cela en contexte—à toutes fins pratiques et tactiques—, par exemple, dans une situation où l'on croirait avoir systématiquement sous-estimé la perception de l'impôt sur le revenu des particuliers. Ce serait beaucoup plus facile pour un organisme indépendant d'aborder la question d'un point de vue plus théorique que ne le ferait, peut-être, le ministre des Finances, et le débat serait fructueux. Voilà un exemple illustrant comment améliorer la situation.
Ensuite, il faut faire très attention. Oui, on pourrait faire valoir que dans le passé, ce n'était pas tant la question des prévisions économiques qui comptait que celle du rapport entre les variables économiques et les recettes et dépenses. Mais il n'y a rien de pire que de revenir sur des prévisions qui ont été faites, disons, six mois auparavant, alors que vous tabliez sur une croissance de 3 p. 100 et qu'aujourd'hui, vous prévoyez plutôt un repli de 2 p. 100 parce que vous entrez en récession, pour que tout change. Vous voulez connaître les données et les risques le plus vite possible; il n'y a rien comme une récession telle que celle de 1981-1982 pour que s'écroule toute la structure budgétaire.
» (1710)
Le président: Merci, monsieur Darby.
Monsieur Bell.
M. Don Bell (North Vancouver, Lib.): Merci.
Ma question était destinée à M. Robson, mais suite à vos commentaires, je souhaite aussi la poser à M. Mendelson.
Monsieur Mendelson, avez-vous dit qu'il n'y avait pas eu de sous-évaluation systématique?
M. Michael Mendelson: J'ai dit au contraire qu'il y en avait eu une. Les derniers budgets le prouvent.
M. Don Bell: Je voulais juste m'assurer d'avoir bien compris.
Monsieur Robson, au paragraphe 3 de la deuxième page de votre déclaration, vous avez écrit que la courbe des variations entre les promesses du budget et les résultats dont il est fait état chaque année dans les comptes publics ne sont pas le fruit du hasard. Plus tôt ce matin, un témoin a affirmé qu'il n'y avait aucune source d'erreur continuelle et que le problème réside plutôt dans la mise à jour des prévisions budgétaires. Et maintenant, M. Mendelson affirme que ce sont les prévisions budgétaires qui posent problème et non les prévisions économiques. Je voudrais savoir ce que vous pensez de ces commentaires contradictoires.
M. William Robson: Je pense qu'il y a eu des époques où la situation économique nous a surpris, et les variantes entre ce que prévoyait le budget et les résultats réels reflétaient essentiellement les fluctuations du cycle. Cela s'est bien sûr déjà vu dans le passé.
Je crains que la tendance, observée dernièrement, à augmenter les dépenses plutôt qu'à s'adapter aux ressources disponibles est inquiétante. Cela prouve que vous n'avez pas établi les priorités à l'avance de façon éclairée et que vous devez improviser pour parvenir à vos fins; vous avez plutôt, phénomène observé ces dernières années, multiplié les dépenses en fin d'année et réparti les ressources très différemment de ce que vous auriez prévu si vous aviez travaillé en début d'année, avec un groupe tel que celui-ci, par exemple, pour décider quoi faire. Je crois que la méthode de prévision budgétaire actuelle n'est pas sans conséquences.
Je ne veux pas insister sur la capacité d'un organisme indépendant à trouver une solution à notre place, mais il me semble qu'après avoir réglé le problème de la dette publique, nous sommes maintenant en mesure de dire que nous devrions être plus flexibles quant à l'essentiel et savoir où nous voulons nous situer, en moyenne. Le ministère des Finances étant limité, de par sa nature, aux estimations ponctuelles, il ne peut envisager les risques comme le ferait un organisme indépendant de ce genre. Un tel organisme permettrait au Parlement d'établir le total des surplus visés, s'il y a lieu d'en prévoir, et de déterminer de manière réaliste et exacte le niveau de risque qui nous convient.
M. Don Bell: Voici ma dernière question. Si vous avez un organisme comme celui-là, comment minimiser le risque de partialité? Que vous preniez ces gens de l'Institut C.D. Howe ou du Centre canadien de politiques alternatives, des différences de principe sur la façon d'interpréter cette information se manifesteront; le ministère des Finances, quant à lui, suivra la philosophie du gouvernement au pouvoir.
M. William Robson: J'ai une réponse partielle à votre question. Dans de nombreux cas, on peut se reporter au passé. De quelle envergure ont été les fluctuations de l'économie? Quelle a été la variation des taux d'intérêts d'une année à l'année? Cela vous donne une idée de votre marge d'erreur. Il y a d'autres formes de partialité dans les prévisions, mais je crois que cet élément seul peut nous aider à nous rapprocher du but en nous donnant un genre de fondement empirique pour déterminer quels sont les risques.
M. Michael Mendelson: J'aimerais ajouter mon grain de sel. Je crois qu'il est possible d'édifier une culture institutionnelle qui serait non partisane et qui tenterait de formuler ses opinions de façon aussi constructive et empirique que possible. Mais cela prend du temps. Ce sera au Parlement, lors de la mise sur pied d'une commission budgétaire parlementaire, d'ouvrir la voie pour l'édification de ce type de culture institutionnelle. Le CBO en est la preuve : en effet, il a réussi, je pense, à maintenir une optique neutre, bien que sa direction ait été partisane de temps à autre au fil des années. C'est tout de même une institution respectée.
» (1715)
M. John Anderson: N'avons-nous pas déjà fait cela au Canada, avec le Bureau de la vérificatrice générale, dans un autre domaine, afin de promouvoir ce type de culture indépendante?
M. Don Bell: Merci.
Le président: Sur ce, j'aimerais savoir ceci : lorsque nous effectuons les prévisions budgétaires, ne faudrait- il pas faire preuve de prudence économique ou prévoir une réserve pour éventualités? Qui devrait décider du montant?
Vous avez chacun 30 secondes.
Monsieur Robson.
M. William Robson: Je n'aime pas notre façon de procéder actuellement. Je crois que ça fonctionnait bien pour tirer notre épingle du jeu, mais, à ce stade-ci, j'aimerais que l'excédent budgétaire ait un but spécifique et qu'il soit justifié quant aux risques éventuels, d'une façon ou d'une autre.
Par exemple, supposons que nous voulions avoir seulement 10 p. 100 de risque d'accuser un déficit. Extrapolons un peu. Quel devrait alors être notre objectif pour un excédent? Cela le justifierait autrement et créerait une dynamique très différente de celle à laquelle nous faisons face actuellement.
Le président: Monsieur Mendelson.
M. Michael Mendelson: Je crois que c'est une décision qui relève du gouvernement en place, mais il devra agir avec transparence pour que les chiffres correspondent aux règles en matière de prudence. Si le montant est de 8 milliards de dollars, que le budget l'indique clairement. Qu'il en soit de même s'il est de 4 milliards de dollars.
Le président: Merci.
Monsieur Anderson.
M. John Anderson: Pour l'instant, nous n'avons pas toute l'information dont nous avons besoin pour porter ce type de jugement. Je voudrais également souligner qu'actuellement, la réserve pour éventualités est liée à la réduction de la dette, mais j'aimerais les dissocier.
Le président: Merci.
Monsieur Darby, je crois que je peux répondre à votre question. Nous ne l'avions pas inclus dans...
M. Paul Darby: Nous ne l'avions pas inclus.
Le président: Effectivement. Merci.
Merci encore d'être venus. C'était intéressant.
La séance est levée.