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Mesdames et messieurs, nous allons commencer la réunion. Nous sommes le lundi 25 octobre 2010 et il s'agit de la 28
e réunion du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration. Conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 23 septembre 2010, nous examinons le projet de loi .
Avant de commencer, la greffière vous a distribué le budget pour le projet de loi que nous examinons. Je suppose que vous l'avez tous reçu. Quelqu'un voudrait-il en proposer l'adoption?
Une voix: D'accord
Le président: Merci, monsieur.
Tous ceux en faveur de la motion?
(La motion est adoptée.)
Le président: Nous allons maintenant procéder à l'examen du projet de loi . Deux témoins comparaissent: M. Lorne Waldman, avocat spécialisé en droit de l'immigration, et Maria Yvonne Javier.
Mme Javier m'a expliqué comment prononcer son nom avant le début de la réunion. Je lui en suis reconnaissant, car un de mes nombreux défauts est que j'ai de la difficulté à prononcer le nom des gens. Merci, madame Javier.
Vous avez tous les deux sept minutes pour faire un exposé devant le comité. Qui aimerait commencer?
Madame Javier, merci d'être venue.
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Je passerai en premier. Ce sera avec plaisir.
Bonjour mesdames et messieurs. Merci de m'avoir invitée à vous parler aujourd'hui. Je m'appelle Maria Yvonne Javier. J'ai déjà été directrice des programmes pour la Multicultural Helping House Society, un fournisseur de services à but non lucratif qui aide les immigrants à s'installer et à chercher un emploi. Notre organisme a aidé des centaines d'immigrants à s'installer et à s'adapter à leur nouvelle vie au Canada. Ils forment le bon côté de l'histoire.
Toutefois, nous avons aussi rencontré des immigrants et des travailleurs migrants qui avaient été trompés par ceux que nous appelons maintenant les « consultants fantômes ». Permettez-moi de vous dire comment cela se passe.
Il y a des immigrants ou des travailleurs migrants du groupe A. C'est mon cas. J'ai consulté le site Web, j'ai téléchargé les formulaires, je les ai remplis et je les ai remis. Je suis venue ici sans l'aide de personne. Il y a aussi les immigrants ou les travailleurs migrants du groupe B, qui ont besoin d'un consultant en immigration parce qu'ils ne comprennent pas les formulaires, ou parce qu'ils sont riches et veulent que quelqu'un d'autre les remplisse à leur place, ou parce qu'ils sont presque — mais pas tout à fait — qualifiés, et ont donc besoin d'un esprit créatif pour les aider.
Un consultant fantôme est en fait un individu qui n'est pas autorisé mais qui agit à ce titre moyennant certains frais. Ces frais peuvent aller de 5 000 à 10 000 $ — ou même plus, selon la complexité du cas. Le projet de loi , de mon point de vue, vise à éliminer ce consultant fantôme, que j'aimerais appeler « Casper ». C'est peut-être un fantôme, mais il est gentil; il s'en tient à conclure des affaires, il n'escroque personne.
Maintenant, permettez-moi de vous présenter l'immigrant ou le travailleur migrant du groupe C, qui arrive au Canada sous l'aile d'un consultant fantôme qui n'est pas Casper, le gentil fantôme, mais un fantôme méchant, ou un recruteur fantôme à l'emploi d'un patron fantôme, muni de documents fantômes. Ce fantôme est aussi magicien et il peut faire apparaître des documents qui ont l'air assez authentiques pour résister à l'examen attentif des agents d'immigration et de l'ASFC. Une fois que l'immigrant C est sorti de l'aéroport, l'assistant du magicien surgit de nulle part, lui donne quelques dollars canadiens, reprend tous les documents fantômes et disparaît. L'immigrant C ne reverra jamais cette personne et ne connaît même pas son nom.
Voilà, mesdames et messieurs, le nouveau fantôme. Il ne s'agit plus de Casper, le gentil fantôme, mais d'un monstre vivant et bien réel. On ne parle pas d'un consultant sans scrupules qui exige des frais exorbitants, mais bien d'un escroc d'envergure.
Les consultants en immigration autorisés et ceux que vous appelez les consultants fantômes, mes Casper, sont tous anxieux de connaître les répercussions que le projet de loi aura sur eux. Mais les nouveaux fantômes que je viens de vous présenter ne se préoccupent même pas de ce que vous faites, car ils n'ont ni nom ni visage, et croyez-moi, aucune de leurs victimes ne les dénoncera. Les fantômes existeront tant qu'il y aura des gens assez désespérés pour entrer au Canada à n'importe quel prix. Ils existeront parce que la récession a enhardi les employeurs canadiens au point d'embaucher des sans-papiers et de les payer au noir.
Je ne m'attends pas à ce que vous éliminiez ce nouveau fantôme: un seul projet de loi ne pourra pas y parvenir. Ces gens sont des experts, ils ont accumulé des années d'expérience à introduire des immigrants sans papiers aux États-Unis et en Europe. Je veux seulement vous faire comprendre qu'on ne parle pas de 10 000 $ dans ce cas-ci. Il s'agit d'une arnaque qui représente des millions de dollars. Les gens que j'ai rencontrés m'ont raconté qu'il y en avait 10 et qu'ils faisaient partie du projet pilote. C'était en 2009 et nous sommes maintenant à la fin de 2010.
Je ne serais pas surprise si chacun d'eux avait fait venir 100 personnes à 10 000 $ chacune depuis ce temps, ce qui représente un million de dollars. L'amende que vous imposez est de 50 000 $. Ces fantômes ridiculisent notre système d'immigration et se moquent totalement de tous les immigrants légaux qui ont dû passer à travers tout le processus fastidieux. Vous infligez une peine d'emprisonnement de deux ans. Ces gens ne sont pas des consultants sans scrupules; ce serait trop gentil de les appeler ainsi. Ce sont des escrocs d'envergure. Donnez-leur le nom qui leur convient: des criminels.
Je ne dis pas que le projet de loi ne devrait pas être adopté. Si vous êtes profondément convaincus que ce projet de loi éliminera les Casper de ce monde, alors allez-y et adoptez-le. Mais vous devez savoir que Casper est ce qu'on appelle un petit joueur et qu'il ne faut pas oublier les vrais requins. J'ai vu beaucoup trop de mes compatriotes philippins complètement accablés après avoir été floués par ces nouveaux fantômes.
Même si je ne suis plus à l'emploi de la Multicultural Helping House, je continue à aider cette cause. J'ai fondé une entreprise, 1-800-Godmother, dans laquelle je suis la marraine qu'ils peuvent contacter pour obtenir de l'aide. Je ne resterai pas inactive plus longtemps devant ces événements.
Bien qu'il me soit impossible d'arrêter le fantôme moi-même, je peux faire en sorte qu'une victime puisse reconnaître un fantôme lorsqu'elle en voit un. Je suis peut-être une Canadienne maintenant, mais je demeure une Philippine, et un grand nombre de ces victimes sont des compatriotes.
Je comparais devant vous aujourd'hui pour vous implorer, dans le plus grand respect, de comprendre que ces gens sont des victimes. Si nous ne pouvons pas pourchasser ces fantômes, si ces documents fantômes sont si bien faits que même nos propres agents d'immigration et de l'ASFC ne peuvent les distinguer des vrais, alors ne nous vengeons pas sur les victimes en les renvoyant chez eux.
Je ne peux pas vous fournir de solution. Ce problème persiste aux États-Unis et en Europe depuis des dizaines d'années. Le Canada est la nouvelle terre promise, alors c'est son tour. Peut-être est-ce le prix à payer pour être une meilleure terre d'accueil que les États-Unis.
Mesdames et messieurs, l'avenir de ces consultants fantômes et celui de leurs victimes reposent entre vos mains. À ce point-ci, tout ce que je peux vous demander, c'est de faire preuve d'un peu de compassion pour les victimes et de n'avoir aucune pitié pour les consultants fantômes, ces criminels.
Merci de votre temps.
Je comprends certes le point de vue du témoin précédent; toutefois, je crois que la plupart des questions qu’elle a soulevées dépassent la portée du projet de loi. Je conviens qu’il est important de ne pas pénaliser les victimes et de nous attaquer aux criminels, mais cela dit, nous sommes ici pour étudier un projet de loi qui vise à réglementer une profession.
Mon exposé sera bref, mais je dois d'abord vous avouer quelque chose: j’ai représenté des clients qui ont intenté une poursuite contre l’organisme de réglementation actuel, la SCCI. Assez curieusement, une des questions soulevées dans cette affaire était de savoir si la SCCI relevait de la Cour fédérale ou de n'importe quel tribunal. Maintenant que le procès est terminé, il est clair que la SCCI, l’organisme de réglementation actuel, est une commission et un tribunal du ressort fédéral, ce qui signifie que ses décisions peuvent faire l'objet d'un contrôle judiciaire par la Cour fédérale.
Il a fallu un an pour régler cette affaire. Maintenant, les choses sont claires. J'ai intervenu dans ce procès. Alors, ma connaissance de l’organisme de réglementation actuel et mes préoccupations à l'égard du projet de loi et de ce modèle de réglementation reposent sur l'expérience que j'ai acquise dans le cadre de ce litige ainsi que sur les entretiens que j'ai tenus avec d’autres consultants.
Je crois fermement qu'il est essentiel de réglementer les consultants. Si je suis arrivé à cette conviction, c'est grâce à mes nombreuses années d'expérience, à force de voir ce dont le témoin précédent vient de parler: les victimes de consultants sans scrupules, dont la plupart ne sont pas réglementés et qui exigent des sommes faramineuses pour du travail qu'ils ne font même pas. Et s'ils parviennent à faire quoi que ce soit, c'est souvent du travail médiocre qui gâche l'occasion, pour certaines personnes, d'effectuer des démarches légales.
Les victimes de consultants sans scrupules et non réglementés sont nombreuses; par conséquent, si le gouvernement s’engage à réglementer cette profession, il est crucial de bien s'y prendre. Il faut de toute urgence établir un bon organisme de réglementation, c’est-à-dire un organisme qui élabore des normes efficaces, des normes en matière d'éducation qui garantissent une formation juridique permanente. Pourquoi? Parce qu'il y a trois projets de loi, dont un adopté en juin dernier et un autre actuellement devant la Chambre, qui touchent tous l’immigration. Les modifications à la réglementation sont monnaie courante. Dans ce domaine, il est impossible de prétendre être un avocat ou un consultant compétent sans recevoir de formation continue. Il est donc essentiel que tout organisme de réglementation exige que ses consultants suivent une formation appropriée.
À mon avis, les difficultés que présente l’organisme de réglementation actuel sont attribuables à la façon dont il a été conçu. Je sais qu’il a été créé sous l’ancien gouvernement, mais le gouvernement actuel prévoit utiliser le même modèle de réglementation qui, selon moi, pose beaucoup de problèmes.
Vous savez sans aucun doute que trois modèles sont possibles. Le premier serait un organisme d'autoréglementation, mais cette option a été rejetée. L’autre serait un organisme gouvernemental de réglementation, option qui n'a apparemment pas été retenue. Il nous reste donc un troisième modèle, à savoir une société privée dont les pouvoirs découlent du fait que seuls ses membres peuvent comparaître, en échange d'honoraires, devant la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada ou devant des consultants.
Le hic, c'est que ce modèle, tel qu’il est conçu, retire au gouvernement le pouvoir de contrôler l’organisme de réglementation une fois que celui-ci est créé. Alors, ce que nous avons maintenant, c’est, à mon avis, un organisme de réglementation déjanté: un organisme que le gouvernement a créé, mais sur lequel il n’exerce aucun pouvoir de contrôle. Ainsi, le gouvernement ne peut pas demander à l’organisme de tenir des assemblées générales annuelles, de fournir des copies de documents financiers vérifiés ou de créer un pouvoir permettant à ses membres d'organiser une réunion si un certain pourcentage d’entre eux présentent une requête à cette fin.
Pourtant, ce sont là des droits fondamentaux qui touchent la plupart des organismes d’autoréglementation. Le système actuel ne permet pas au gouvernement d’obliger l’organisme de réglementation à rendre des comptes. C’est un gros problème.
Autre problème majeur: l'organisme actuel n’a pas les pouvoirs nécessaires pour être en mesure de remplir sa fonction. Tout organisme disciplinaire doit être doté du pouvoir d’assigner des témoins à comparaître; il doit aussi détenir de vastes pouvoirs d’enquête. Ce n'est pas le cas pour la SCCI, dans sa forme actuelle, et je peux vous expliquer pourquoi cela pose problème.
J'ai été impliqué dans une affaire où j'ai représenté des personnes faisant l’objet d’une plainte déposée par la SCCI, à la suite d'un article paru dans un journal. Un journaliste était allé voir le consultant, en se faisant passer pour quelqu'un d'autre, et l'avait amené à dire des choses qualifiées d'inappropriées.
Nous avons fait valoir l'argument que la SCCI ne pouvait pas poursuivre en justice ces personnes parce qu’elle n’avait pas le pouvoir d’assigner le journaliste à comparaître à ses audiences. En l’absence de la « victime » — et je mets ce mot entre guillemets —, il était impossible, selon moi, de prendre une mesure disciplinaire efficace.
D’une part, cet organisme ne rend pas de comptes au gouvernement ou au public parce qu’il s’agit d’une société privée. Il rend des comptes seulement dans la mesure où les règlements l’exigent, et les règlements actuels n’imposent pas suffisamment d'obligations en matière de reddition de comptes. D’autre part, cet organisme est chargé de veiller à la discipline de ses membres, mais n’a pas suffisamment de pouvoirs pour remplir cette fonction.
Par conséquent, le modèle actuel ne donne pas de bons résultats. C’est sans compter toutes les difficultés liées à la façon dont l’organisme est dirigé par le conseil d’administration actuel et toutes les autres difficultés et préoccupations dont j'ai eu vent.
Le projet de loi ne va vraiment pas assez loin pour régler ces problèmes. Il donne au ministre le pouvoir d’exiger certains documents, mais il ne lui donne pas le pouvoir d’imposer certaines exigences de gouvernance de base à l’organisme de réglementation.
De nouveaux organismes présentent maintenant des demandes, conformément au décret. En toute franchise, il y a une chose qui me préoccupe, en raison de la complexité qui entre en jeu quand on part de zéro pour créer un organisme de réglementation: je me demande si le gouvernement n'aurait pas créé une situation qui ferait en sorte que le seul organisme qualifié serait l’organisme actuel.
Ainsi, une fois qu'on aura franchi toutes les étapes du processus et demandé des soumissions pour trouver un nouvel organisme de réglementation, on se retrouvera avec l’organisme actuel comme étant le seul soumissionnaire qualifié, auquel cas les gens se demanderont pourquoi on s'est donné tant de mal si on pensait que l'organisme actuel n’était pas satisfaisant. On cherche donc un autre organisme, mais on a créé un système qui n'est pas propice à l'établissement d'un autre organisme qualifié.
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Merci, monsieur le président.
Merci à vous deux d’être des nôtres.
Je vais commencer par poser quelques questions à M. Waldman, après quoi je m’adresserai à Mme Javier.
Pour que nous puissions séparer les problèmes liés à la structure de l’organisme de réglementation de ceux liés au personnel, ou aux personnes ou à l’effet de cette création, j'aimerais m’attarder à la partie structurelle. Je ne m'occuperai pas de l’autre partie.
Il me semble que les témoins du côté du gouvernement ont semé la confusion. Nous pensions que ce projet de loi visait principalement la protection des consommateurs, mais les hauts fonctionnaires du ministère nous ont dit qu'il portait en réalité sur l’intégrité du système de l’immigration. Bon, je comprends que ces deux éléments soient reliés, mais j’essaie de clarifier vos propos: s’il s’agit réellement d’une mesure de protection des consommateurs, qu’est-ce qui manque?
Évidemment, je pense que le ministère est responsable, tout comme l’ASFC et d’autres organismes, de l’intégrité du système. La protection des consommateurs exige, il me semble, des mécanismes de reddition de comptes pour la délivrance de licences, les plaintes, les mesures disciplinaires, les pénalités et les mécanismes appropriés pour rendre des comptes.
Sur le plan de l’intégrité du système, il faut que les personnes qui témoignent soient indépendantes de l’organisme. À mon sens, on a besoin de ressources pour faire le travail, que ce soit des ressources juridiques, comme le pouvoir d’assigner quelqu’un à comparaître à une audience disciplinaire ou des ressources pour s'attaquer aux méchants, qui ne sont pas les consultants fantômes, comme on les appelle, mais les vrais criminels. On a besoin de ressources pour y arriver.
À votre avis, ce projet de loi vise-t-il principalement la protection des consommateurs ou l’intégrité du système? Que pouvons-nous faire pour essayer d’améliorer ces deux éléments, c’est-à-dire la protection des consommateurs et l’intégrité du système?
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Je crois que le projet de loi doit viser les deux, parce que la réglementation des consultants comporte un double aspect.
D’une part, les agents d’immigration sont aux prises avec les problèmes que l’autre témoin a décrits. Il y a des gens sans scrupules qui se fichent de présenter de faux documents. Leur seul objectif, c’est de faire de l’argent. Ils n’ont aucun sentiment d’obligation ou de devoir envers le système et ils n’ont pas de comptes à rendre parce qu’ils travaillent à l’extérieur de la loi. Ils travaillent en secret. Si un avocat présente un faux document, il y aura des conséquences à un moment donné, et l’avocat sera sanctionné — et cela n’a rien à voir avec la question, mais on ose espérer que les avocats agissent avec intégrité.
Quoi qu’il en soit, un avocat serait au courant des conséquences qui en découleraient; voilà pourquoi ils font attention. Si les consultants font partie d’un organisme de réglementation, ils agiront de même. C'est ici que la question de l’intégrité du système entre en jeu, et c’est pourquoi le projet de loi tente, à certains égards, de régler le cas des consultants fantômes. En réalité, je crois qu'on doit laisser aux forces de maintien de l’ordre et à la police le soin de s’attaquer aux consultants fantômes parce que toute autre solution ne sera pas vraiment efficace.
D’autre part, du point de vue des utilisateurs, le projet de loi doit assurer la protection des consommateurs. Il doit veiller à ce que nous ayons un organisme de réglementation qui remplit une double fonction: assurer l’intégrité des gens qui agissent à titre de consultants et garantir l’intégrité par rapport au client, c’est-à-dire l’utilisateur.
Il faut qu’il y ait un élément de protection des consommateurs; nous devons donc nous assurer que l’organisme de réglementation et les consultants agissent non seulement dans l’intérêt du public — ce dont s’occupe l’ASFC — mais aussi dans l’intérêt des utilisateurs. C’est un double rôle. Je ne pense pas qu’il y ait de contradiction entre les deux. Bien entendu, les priorités changent, selon qu'on met l'accent sur l'un ou sur l'autre.
Monsieur Waldman, j'aimerais revenir à la question de mon collègue, M. Oliphant.
Quand j'ai questionné les représentants du ministère relativement à la question d'assise constitutionnelle de leur projet de loi, ils ont répondu que c'était d'abord et avant tout pour la protection de l'intégrité du système. Évidemment, ils ne pouvaient pas répondre que c'était d'abord pour une question de protection du consommateur, puisque cela relève du Québec et des provinces. Il y a une question de compétence et, à mon sens, elle est importante.
En français, on parle souvent des compétences des provinces. En français, le mot « compétence » a un double sens. Il sert d'abord à désigner la compétence constitutionnelle, mais aussi l'habilité — par ses expériences, connaissances et tous les éléments à notre portée — d'exécuter une tâche. On est compétent pour le faire.
Parfois, j'ai l'impression que l'échec de la Société canadienne de consultants en immigration est dû au fait que le gouvernement fédéral n'a pas la compétence requise. Je ne parle pas seulement de la compétence constitutionnelle pour réglementer un ordre professionnel, mais il n'y a pas de cadre juridique comme celui qui existe dans les provinces pour encadrer quelque profession que ce soit.
Partagez-vous cette opinion qu'il n'y a rien, présentement, dans les lois fédérales et dans nos institutions fédérales, qui permet au gouvernement fédéral de créer un véritable organisme d'encadrement d'une profession?
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J'aimerais revenir à la question des compétences.
Vous avez évoqué la décision de la Cour suprême. Puisque je ne suis pas avocat, je m'avance comme je peux. À mon sens, puisque la loi actuelle permet essentiellement au gouvernement fédéral de régir qui il va autoriser à comparaître devant lui pour représenter un client, la Cour suprême a tranché que le gouvernement pouvait bien décider avec qui il ferait affaire et que c'est son choix.
À mon sens, le projet de loi va vers quelque chose de beaucoup plus large. Ce n'est pas simplement le fait de représenter un client devant le gouvernement fédéral qu'on vise à encadrer, mais bien l'ensemble de l'exercice de la profession. Des consultants qui ne font que de la préconsultation, avant même de se rendre au formulaire, seraient visés.
Percevez-vous, comme moi, qu'il y a là un changement à la portée de la loi? Pensez-vous que, devant cette nouvelle loi, la Cour suprême pourrait maintenant en arriver à une autre décision, quant à la compétence du gouvernement fédéral sur l'encadrement de la profession de consultant?
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J'essaierai d'aller vite.
Je vous remercie de m'avoir invitée ici aujourd'hui pour vous parler du projet de loi . Je suis la présidente du conseil de l'IMMFONDS.
L'IMMFONDS a été établi en 2008 dans le but d'offrir aux consommateurs de services d'immigration une protection additionnelle contre les activités criminelles possibles de la part de consultants en immigration qui sont membres de la Société canadienne de consultants en immigration. L'IMMFONDS est une filiale sans but lucratif et à propriété exclusive de la SCCI, qui est doté de son propre personnel ainsi que de son propre conseil d'administration. Depuis sa création, le fonds a perçu un peu plus de 1,2 million de dollars auprès des membres de la SCCI, lesquels sont tenus de verser une contribution annuelle au fonds.
J'aimerais prendre quelques instants pour décrire le fonctionnement du fonds. Si un membre de la SCCI est reconnu coupable d'un acte criminel par une cour de justice et que, par suite de l'acte criminel en question, le client a subi une perte financière, l'IMMFONDS dédommagera le client de sa perte. À ce jour, aucune réclamation n'a été faite auprès du fonds, mais nous sommes au courant de cinq cas qui sont présentement devant les tribunaux et qui pourraient donner lieu à des réclamations.
J'aimerais maintenant faire le point sur la position de l'IMMFONDS à l'égard du projet de loi . L'IMMFONDS appuie sans réserve la disposition du projet de loi visant à établir des sanctions claires, parce qu'il est important de dissuader les individus exerçant leurs activités au Canada de continuer à le faire en faisant fi de la réglementation. L'IMMFONDS appuie donc fermement le projet de loi C-35, puisqu'il offre aux consommateurs des mesures de protection additionnelles en éliminant une échappatoire juridique qui permet aux agents fantômes d'offrir des services avant la présentation d'une demande, et en les empêchant d'annoncer ouvertement leurs services.
L'une des dispositions qui préoccupent particulièrement l'IMMFONDS est celle qui donne au ministre de l'Immigration le pouvoir unilatéral de désigner un organisme de réglementation à la suite d'un simple avis publié dans la Gazette du Canada. Ce pouvoir énorme aurait sans doute pour effet de créer de l'instabilité dans le système d'immigration. Il est éminemment important que le projet de loi soit modifié de sorte à permettre au gouverneur en conseil, et non au ministre de l'Immigration, de choisir l'organisme de réglementation des consultants en immigration et d'établir les critères en vertu desquels ce pouvoir serait exercé.
Je tiens aussi à souligner l'instabilité qui s'ensuivrait si un organisme de réglementation autre que la SCCI devait être désigné par suite du projet de loi . Si la SCCI cesse d'exister, le même sort serait réservé à l'IMMFONDS. Et ne nous y trompons pas: l'IMMFONDS procure une stabilité complémentaire au système d'immigration du Canada en mettant à la disposition des consommateurs des mesures de protection qui, autrement, n'existeraient pas.
J'ai été déçue d'entendre la semaine dernière un de mes collègues membre de la SCCI soulever la possibilité de démanteler le fonds. Ce point de vue témoigne d'un manque de respect total envers les consommateurs et d'un manque de compréhension quant au fonctionnement d'un organisme de réglementation efficace. Il importe de ne pas oublier que le rôle d'un organisme de réglementation est de protéger les consommateurs, et ce principe est au coeur même de la raison pour laquelle il était nécessaire de créer l'IMMFONDS en tant que filiale de la SCCI. De plus, les fondements mêmes de son existence garantissent que l'actif accumulé dans le fonds ne peut servir à financer les activités de la SCCI.
Si la SCCI n'est pas reconnue comme l'organisme de réglementation, les 1,2 million de dollars que les membres ont déjà contribués au fonds ne leur seraient pas retournés, mais seraient plutôt rapatriés par la société mère pour couvrir, le cas échéant, les coûts inhérents à la cessation de ses activités. Évidemment, cela laisserait les consommateurs sans aucune source d'indemnisation possible par suite d'actes criminels commis par des membres de la SCCI, jusqu'à ce qu'un nouveau fonds soit créé.
L'IMMFONDS ne représente qu'une des façons dont les membres de la SCCI travaillent ensemble pour protéger les consommateurs qui ont recours aux services de consultation en immigration, tout en contribuant à l'intégrité du système d'immigration. J'exhorte le comité à donner suite aux recommandations que l'IMMFONDS vous a présentées aujourd'hui, et ce, dans l'intérêt de la protection des consommateurs et du système d'immigration dans son ensemble.
Merci de votre attention.
Vous avez entendu des histoires d'escrocs notoires et de grosses prises, ainsi que des critiques du projet de loi selon lesquelles le gouvernement n'a pas suffisamment de pouvoir pour les attraper.
Mon point de vue est très différent. Ce qui me préoccupe, c'est le sort des petits intervenants: des gens honnêtes, bien renseignés et transparents, qui, souvent par charité, accomplissent ce travail à petite échelle et à temps partiel en échange de frais modiques.
Si ces personnes passaient par toutes les étapes du processus de certification, suivaient toutes les formations, payaient les frais d'adhésion et répondaient à toutes les exigences en matière de perfectionnement professionnel, elles seraient tout simplement contraintes à mettre fin à leurs activités. Elles cesseraient de faire ce travail.
Le problème que je vous présente est donc très différent, et je vous suis reconnaissant de bien vouloir écouter ces préoccupations. Je vous ai apporté un document. Veuillez m'excuser de n'avoir pu vous l'envoyer plus tôt. J'ai reçu l'invitation à comparaître vendredi dernier, alors j'en ai seulement terminé la rédaction aujourd'hui. J'en ai remis des copies à la greffière; je ne sais pas si chacun d'entre vous en a une entre les mains.
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D'accord, c'est bien. Merci.
Tout d'abord, la question s'est présentée à moi dans le contexte des communautés mennonites en Amérique latine. Bien des membres de ces communautés sont venus du Canada, puis sont rentrés au pays, et ainsi de suite.
La question est également liée aux activités de bienfaisance au Canada. Des organismes de bienfaisance travaillent fort pour accueillir les réfugiés et aider les nouveaux arrivants dans bien des domaines, y compris les questions sur la citoyenneté et l'immigration.
En vertu du projet de loi, on se demande aussi comment seront traitées les agences de voyages, qui aident souvent les gens à demander des visas de séjour. Est-ce que cette pratique serait interdite?
Ensuite, la 3e section de mon mémoire présente des pistes de solution. De toute évidence, la transparence est l'un des facteurs qui entre en ligne de compte. Il en faut et s'il y en a, il n'y aura plus de consultants fantômes, par définition.
Je souligne toutefois qu'il existe actuellement un système interne pour assurer la transparence. À la fin du formulaire de demande, on doit indiquer le nom de la personne qui a aidé le demandeur à le préparer et à le remplir. Nous répondons toujours à cette question.
De plus, si une personne qui apporte son aide à quelqu'un veut demander un suivi, elle doit utiliser le formulaire « Recours aux services d'un représentant », ou un autre formulaire d'autorisation signé par le demandeur. Il y a donc un système interne de taille visant à assurer la transparence, et je me demande s'il pourrait être renforcé. Des exigences en matière de reddition de comptes pourraient être ajoutées à ces efforts de transparence, de même que des pouvoirs d'enquête, etc. Cela pourrait régler une partie du problème.
Dans mon mémoire, je dis ensuite que s'il est finalement décidé de mettre en place un nouveau système de réglementation portant sur tous ceux qui apportent une aide en matière d'immigration, quelle qu'en soit la nature et même en échange de frais modiques, nous demandons alors qu'une échelle soit dressée; la principale raison, c'est que la complexité du travail en immigration peut varier considérablement. Il est assez simple de remplir une demande de visa de séjour. Il n'est pas trop complexe non plus de déposer une demande de statut de résident permanent dans la catégorie du regroupement familial, ou même pour des considérations d'ordre humanitaire. Les choses se corsent lors de demandes à titre d'investisseur ou de travailleur qualifié, qui sont soumises notamment au Programme des candidats des provinces. Puis, la tâche se complique.
Entre autres, on pourrait permettre à ceux qui reçoivent la certification pour un niveau de complexité donné de ne pas satisfaire toutes les exigences ou de ne pas payer tous les frais d'adhésion nécessaires à la certification permettant de travailler au niveau maximal de complexité. C'est une suggestion.
L'application est une autre raison d'instaurer une échelle. Si le projet de loi porte sur toutes les formes d'aide dans tous les dossiers en matière d'immigration, même en échange de frais modiques, et que toutes les personnes touchées doivent être pleinement certifiées, on sera alors aux prises avec des problèmes d'application. Il y aura plus de consultants fantômes, étant donné que les gens seront plus nombreux à exercer leurs activités clandestinement.
On devrait aussi se demander s'il est vraiment sage d'imposer aux organismes canadiens d'application de la loi la tâche de veiller à l'application de lois qui comportent toutes sortes d'interdictions; ces gens sont honnêtes et hors de soupçons, et on se demande seulement s'ils sont pleinement certifiés, sans même remettre en doute l'aide apportée.
C'étaient certaines des raisons pour lesquelles je crois que l'organisme de réglementation devrait sérieusement envisager l'utilisation d'une échelle.
J'ai aussi quelques inquiétudes à propos des répercussions du projet de loi à l'extérieur du Canada; s'il est adopté dans sa forme actuelle, il forcera probablement les consultants honnêtes hors du Canada à cesser de travailler. Ils préféreront ne pas enfreindre la loi canadienne ni faire quelque chose qui soit interdit au Canada en vertu de la loi. Ils laisseront donc le champ libre aux consultants sans scrupules à l'extérieur du Canada, car, comme d'autres l'ont dit, le gouvernement fédéral ne peut pas vraiment appliquer sa loi en dehors de ses frontières. D'une certaine façon, le projet de loi empirerait vraiment la situation.
De plus, si les consultants hors du Canada veulent être certifiés, ils devront payer encore plus cher, étant donné qu'ils devront se déplacer au Canada à bien des occasions pour suivre des cours dans le cadre du perfectionnement professionnel, et les gens seront encore plus exploités.
La dernière section contient mes recommandations sur le projet de loi. Le paragraphe 91(1) proposé se lit comme suit: « Sous réserve des autres dispositions du présent article, commet une infraction quiconque sciemment représente ou conseille une personne, moyennant rétribution, dans le cadre d'une demande ou d'une instance... ». J'aimerais ici que le mot « interdites » soit inséré: « dans le cadre d'une demande ou d'une instance interdites en vertu de la présente loi, ou offre de le faire. »
Vous vous demandez probablement ce que le mot « interdites » peut y changer. Eh bien, la disposition signifierait d'emblée que les petites demandes ou instances en matière d'immigration ne sont pas toutes assujetties à la loi. Il faudrait que le ministre dresse la liste du genre d'aide ou d'affaires en matière d'immigration qui sont touchées par la loi, par exemple une demande de visa de séjour ou une demande un peu plus complexe.
Je crois que j'ai...
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Oui, absolument. La SCCI, vous le savez, a été créée en 2004 quand le gouverneur en conseil lui a délégué les pouvoirs d'éduquer, d'accréditer et de discipliner ses membres. Ce sont ses pouvoirs et son mandat, et c'est dans l'intérêt du public.
De 2004 à 2008, la situation a été difficile pour la SCCI parce que le gouvernement du Canada a décidé à ce moment-là d'accorder un sursis de quatre ans à tout consultant qui lui avait présenté une demande. Les consultants pouvaient continuer de pratiquer sans avoir à s'inscrire auprès de la SCCI. Alors pour moi, le règlement en matière d'immigration n'est vraiment en vigueur que depuis 2008.
En signant l'accord de contribution avec le gouvernement du Canada, nous nous sommes engagés à créer un fonds d'indemnisation. Comme la mise sur pied de l'organe de réglementation a monopolisé toute notre énergie, ce n'est qu'en 2008 que nous avons pu nous atteler à la constitution de ce fonds d'indemnisation. C'est pourquoi le fonds lui-même n'existe que depuis 2008. Je précise néanmoins qu'une politique exhaustive obligatoire visant les erreurs et omissions des membres de la SCCI est en vigueur depuis 2004.
À mon avis, le comité doit bien comprendre que le règlement en tant que tel, aussi limité soit-il, après que la demande ait été faite auprès du ministre, n'est en vigueur que depuis 2008. En fait, il n'est entré en vigueur qu'à peu près au moment du dépôt du dernier rapport du comité permanent.
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Je crois que notre seule préoccupation à ce sujet, monsieur Dykstra, découle de la relation entre juges et représentants et du rôle que le représentant doit jouer devant le ministre. Nos membres doivent représenter leurs clients devant le ministre, à peu près de la même manière qu'un avocat les représenterait devant un juge.
Le gouvernement provincial s'est occupé de cette question. Dans le mémoire présenté par la SCCI à votre comité, nous avons demandé une légère modification du mandat que vous essayez de remplir, ce qui devrait permettre... En fait, nous sommes favorables à la reddition de comptes, mais nous estimons qu'elle doit se faire de manière différente, dans le but précis de... Nos membres doivent comparaître devant le ministre de l'Immigration, ce qui nous amène essentiellement à nous interroger sur leur indépendance et sur les risques d'influences indues pouvant s'exercer sur eux.
À notre avis, il serait de loin préférable que la SCCI relève du ministre de la Justice, ou d'un autre ministre de la Couronne, ce qui l'obligerait à rendre des comptes, à répondre aux questions des comités permanents et à produire des rapports annuels, notamment. Quel que soit le mécanisme de reddition de comptes retenu, je crois que vous pourrez constater que la SCCI est très favorable à cette démarche.
Nous nous inquiétons toutefois, monsieur Dykstra, du risque que l'organe de réglementation soit dessaisi au moyen d'un simple changement publié dans la Gazette du Canada: aujourd'hui c'est vous qui réglementez et demain ce sera quelqu'un d'autre. Cela crée de l'instabilité et du doute sur le marché, ce qui dévalue d'autant le travail acharné des consultants en immigration qui se sont prêtés au processus pour établir leurs compétences.
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Le seul problème, monsieur Janzen, c'est que bien des gens le font déjà. C'est la raison pour laquelle nous avons dû présenter ce projet de loi.
Je comprends votre point de vue et je souhaite approfondir un peu plus la question, car je me rends bien compte, comme la plupart d'entre nous d'ailleurs, de l'excellent travail que votre organisation accomplit de toute évidence. Mais dans le contexte du projet de loi, on ouvre la porte aux individus fournissant des conseils s'ils sont membres en bonne et due forme d'un barreau provincial ou territorial, de la Chambre des notaires du Québec ou de tout autre organisme désigné par le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration. On permet aussi à des organismes sans but lucratif ainsi qu'à des parents ou amis de la personne de l'aider à cheminer dans le processus.
Il y a donc certaines exemptions qui sont prévues. L'une des possibilités serait donc de bénéficier de l'une ou l'autre de ces exemptions. Sans faire payer quoi que ce soit aux individus que vous aidez, vous pourriez, notamment si vous êtes une organisation sans but lucratif, porter assistance à des individus ou des familles.
Il y a une autre option et je ne crois pas qu'on devrait l'écarter. Pourquoi vous opposez-vous à l'idée de devenir un organisme ou un consultant accrédité qui relèverait du nouvel organe de réglementation? Pourquoi ne pas simplement en devenir membre et continuer le travail que vous effectuez déjà?