:
Merci beaucoup. Nous sommes tous très heureux d'être ici pour parler du projet de loi , la loi sur les mesures de réforme équitables concernant les réfugiés.
Comme vous le savez, le projet de loi propose de réformer le système canadien d'octroi de l'asile en accordant plus rapidement la protection aux demandeurs d'asile qui en ont véritablement besoin, en réduisant l'exploitation abusive de notre système et en procédant au renvoi plus rapide des demandeurs d'asile déboutés.
[Français]
D'après nos connaissances, quatre points préoccupent le comité à ce jour: la liste de pays d'origine sûrs; les questions touchant les demandes pour circonstances d'ordre humanitaire; les calendriers pour les entrevues initiales avec les demandeurs et les audiences ultérieures devant la commission; le recrutement et l'indépendance des fonctionnaires qui mènent les entrevues et les audiences à la commission.
Aujourd'hui, nous allons parler des deux premiers points. Je crois que le comité va entendre plus tard des représentants de la commission qui vont aborder les deux derniers points.
[Traduction]
Comme vous le savez, monsieur le président, dans le cadre des mesures de réforme proposées, le gouvernement établirait une liste de pays d'origine sûrs. La plupart des Canadiens ainsi que le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés reconnaissent qu'il y a des pays dans le monde où les gens sont moins susceptibles d'être persécutés que dans d'autres.
Dans le témoignage qu'il a fait devant le comité plus tôt cette semaine, M. Abraham Abraham, le représentant de l'UNHCR au Canada, a fait remarquer que l'UNHCR ne s'oppose pas à l'introduction d'une liste des pays d'origine sûrs, pour autant qu'elle ne soit pas utilisée comme moyen absolu d'interdire l'examen d'une demande d'asile. Il s'agit d'un outil nécessaire pour réformer le système d'octroi de l'asile. Nous ne disposons d'aucun moyen avec le système actuel pour répondre rapidement aux vagues de demandes d'asile qui pourraient s'avérer non fondées — des demandes de personnes venant de pays qui possèdent de solides cadres démocratiques, judiciaires et redditionnels pour protéger leurs citoyens. Sans un tel outil pour aider à gérer les demandes, notre seul autre recours est d'imposer des obligations de visa.
Monsieur le président, nous sommes conscients que la proposition concernant la liste des pays d'origine sûrs suscite des préoccupations. Comme vous le savez, le ministre a insisté sur son désir de faire preuve de souplesse à cet égard, et lorsqu'il a comparu devant votre comité le 4 mai, il a dit qu'il était disposé à élaborer des modifications soit au projet de loi, soit au règlement, qui permettraient de préciser clairement le processus de désignation des pays d'origine sûrs et les critères de désignation.
Comme vous le savez, monsieur le président, la liste des pays d'origine sûrs comporterait les pays qui ne sont habituellement pas des sources de réfugiés, qui ont de bons antécédents en matière de droits humains et qui offrent une protection de l'État. Mais la liste des pays d'origine sûrs ne serait pas exhaustive, elle ne comprendrait pas tous les pays de A à Z.
J'aimerais préciser que, en préparant la liste proposée, nous ne fermerions pas la porte aux réfugiés qui demandent la protection du Canada.
[Français]
Tous les demandeurs d'asile admissibles, quel que soit le pays d'où ils viennent, continueraient, tout comme aujourd'hui, à bénéficier d'une audience équitable devant la commission.
J'aimerais aussi souligner que dans le cadre du système proposé, les demandeurs d'asile de pays d'origine sûrs bénéficieraient de la même audience et du même accès que ceux offerts selon le système actuel.
Avant même d'être pris en considération pour la liste, les pays devraient d'abord répondre à des critères quantitatifs. Par exemple, ce n'est que si le volume de demandes d'asile d'un pays dépassait un seuil donné et que le taux d'acceptation de ces demandes à la commission n'atteignait pas un seuil donné que le pays en question serait pris en considération pour la liste.
[Traduction]
Ces seuils seront énoncés dans les règlements révisés, dont la version préliminaire sera soumise au comité, comme en a convenu le ministre.
Les pays répondant à ces critères feraient alors l'objet d'une évaluation approfondie, basée sur des critères objectifs. De telles évaluations détermineraient si ces pays ont de bons antécédents pour ce qui est d'offrir à leurs citoyens des instruments en matière de droits humains et des possibilités de demander une protection et des réparations. L'objectif est d'établir clairement les critères pour la désignation de pays d'origine sûrs, notamment les facteurs qui déclencheraient l'examen d'un pays donné, et de veiller à ce que le ministre n'ait pas le pouvoir de désigner un pays qui n'a pas fait l'objet d'une évaluation rigoureuse.
Cette évaluation serait réalisée par un groupe d'experts de divers ministères, qui ferait des recommandations au ministre quant aux pays à inclure dans la liste, une fois l'évaluation terminée. Nous solliciterions également l'apport du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.
L'utilisation d'un mécanisme de pays d'origine sûrs pour décourager et gérer les vagues de demandes d'asile n'est pas propre au Canada. Notre approche serait en phase avec des politiques similaires dans de nombreux pays européens, dont le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne.
[Français]
De plus, la plupart des États de l'Union européenne ont aussi accéléré les procédures d'asile pour les ressortissants d'autres États membres considérés comme généralement sûrs.
Par ailleurs, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a fait remarquer que le principe voulant qu'on dresse une telle liste n'était pas incompatible avec des pratiques acceptables en matière d'octroi de l'asile.
Je dois préciser que le Canada prend déjà des décisions sur la situation dans les pays, par exemple lorsque les ministres reçoivent des avis sur les pays qui devraient être placés dans la liste de sursis temporaire à l'exécution des mesures de renvoi.
[Traduction]
Les politiques du Canada en matière de visa diffèrent également selon la situation dans les pays, certains ressortissants étrangers ayant besoin d'un visa pour visiter le Canada et d'autres non.
[Français]
Une liste des pays d'origine sûrs aiderait fondamentalement à réduire les abus du système canadien d'octroi de l'asile par les personnes qui n'ont pas véritablement besoin de notre protection.
[Traduction]
Monsieur le président, nous sommes également conscients que les dispositions proposées portant sur le programme humanitaire suscitent des préoccupations. Il convient de préciser que l'intention initiale de la disposition sur les CH était d'offrir au gouvernement la flexibilité d'approuver des cas exceptionnels et impérieux non prévus par la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Elle n'a jamais été destinée à constituer un volet d'immigration distinct ou un mécanisme d'appel pour les demandeurs d'asile déboutés. Elle devrait être réservée aux cas exceptionnels, et non pas servir de moyen pour retarder le renvoi de demandeurs d'asile déboutés.
[Français]
Mais le fait est que certains demandeurs d'asile déboutés utilisent la disposition humanitaire comme un processus supplémentaire pour tenter de rester au Canada. En fait, plus de la moitié de l'inventaire des demandes humanitaires est composée de demandeurs d'asile déboutés.
[Traduction]
Le gouvernement a donc proposé une interdiction d'un an pour que les demandeurs d'asile déboutés bénéficient d'un examen des circonstances humanitaires, et ce, afin d'éliminer le dédoublement des recours pour les revendications refusées et de décourager les demandeurs d'asile déboutés de les utiliser pour retarder leur renvoi.
[Français]
Il s'agit ainsi de reconnaître qu'étant donné que les risques pour les demandeurs d'asile déboutés viendraient juste d'être évalués, la plupart d'entre eux auraient accès à un appel et tous auraient la possibilité de présenter une demande d'autorisation à la Cour fédérale.
[Traduction]
De plus, les demandes CH soulèvent souvent des questions liées au risque personnel et à la situation dans le pays — des facteurs déjà examinés par la CISR lorsqu'elle évalue une demande d'asile. En conséquence, les réformes proposées comprennent également la suppression de l'examen de certains types de risques pour les demandes CH.
En particulier, il s'agit des risques — tels que définis aux articles 96 et 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés — qui sont aussi évalués dans le cadre du processus de protection des réfugiés et dans l'examen des risques avant renvoi. Cette réforme clarifierait la distinction entre la prise de décisions CH et les processus de protection des réfugiés et d'examen des risques avant renvoi.
Aux termes des mesures proposées, les décisions CH se concentreraient sur des considérations telles que l'établissement au Canada, l'intérêt supérieur de l'enfant, les relations au Canada, la capacité du pays d'origine d'offrir un traitement médical, et les risques de discrimination ainsi que les risques en général dans le pays d'origine.
En conclusion, comme l'a dit le ministre, les mesures proposées répondent aux obligations nationales et internationales et les dépassent, et elles maintiendraient l'équilibre et l'équité qui sont les principes de nos systèmes d'immigration, d'octroi de l'asile et de citoyenneté.
Merci beaucoup.
:
Monsieur le président, j'ai toujours cru et pensé, pour l'avoir appliqué personnellement, que la façon de gérer ou d'empêcher un flot de faux réfugiés — appelons ça ainsi — était d'appliquer une politique de visas. On l'a fait notamment au Costa Rica lorsque nous étions au pouvoir, et ça a fonctionné.
Mettre en avant une politique affirmant que tel pays est un pays sûr vient enlever au Canada, dans son schème de valeurs et dans son programme le plus profond, toute sa capacité de dire que chaque cas est spécifique. Ça veut dire, par exemple, que le Mexique pourrait être perçu comme un pays sûr, alors qu'à l'époque plus de 1 000 réfugiés en provenance du Mexique ont été acceptés. Ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres.
Au lieu de commencer à considérer les réfugiés ou les futurs réfugiés comme des gens qui peuvent abuser du système en faisant croire qu'ils sont de tel ou tel pays, pourquoi ne pas faire comme on a fait avec les États-Unis, soit signer une entente bilatérale avec des mesures d'exemption, à la manière de l'Entente entre le Canada et les États-Unis sur les tiers pays sûrs? Ce serait mieux que de commencer à dresser la liste de tous les pays sûrs, que ce soit la Grèce ou d'autres pays. Finalement, une telle liste donnera certaines impressions aux réfugiés. En effet, il peut y avoir des abus, car le ministre aura le loisir, pour s'enlever de la pression sur les épaules, de répondre comme il l'a fait pendant les Jeux olympiques. À un demandeur du statut de réfugié provenant du Japon, il a répondu que le Japon était un pays sûr et que ça n'avait pas d'allure. On ne sait pas ce qui peut se passer dans tel ou tel pays. Il peut y avoir des problèmes pour des raisons relevant de l'orientation sexuelle, de la religion, du sexe ou d'autre chose.
Alors, pourquoi avoir mis dans cette loi deux éléments fondamentaux? Je pense qu'il faut garder les raisons humanitaires — on pourra en discuter plus tard, lorsque mes collègues vont en parler. Cependant, pourquoi avoir mis cette question de pays désignés sûrs, alors que tout ce qu'on voulait était se donner un processus beaucoup plus juste, à la manière, par exemple, des dispositions relatives à la Section d’appel des réfugiés dont on a convenu dans le projet de loi ? Je suis tout à fait favorable à ça. On n'avait pas besoin de se dire qu'on allait établir une liste de pays sûrs et, par la suite, envoyer des messages un peu contradictoires.
Le fait de dire que vous aurez un panel veut dire que vous êtes favorable au principe.
:
Merci, monsieur le président.
Merci à tous.
J'ai plusieurs questions, mais je vais commencer par faire deux commentaires à la suite de votre présentation. Je pense qu'il y a quelques précisions à apporter.
Vous avez parlé de la position du haut commissaire selon laquelle il peut être approprié de dresser une liste des pays sûrs. C'est vrai, il est venu nous dire ça cette semaine. Ce qu'il nous a surtout dit, c'est que l'utilisation de cette liste pouvait être faite à des fins procédurales, mais certainement pas pour réduire les droits et privilèges des personnes en provenance des pays qui apparaissent sur la liste. Ma collègue Mme Chow a posé la question, je l'ai posée à mon tour, le haut commissaire l'a dit clairement dans son énoncé. Il faudrait donc quand même mettre la pédale douce quand on essaie de donner une caution morale à cette loi de la part du Haut Commissariat des Nations Unies sur les réfugiés. Ce projet de loi ne fait pas seulement créer cette liste — principe auquel est favorable le haut commissaire—, mais il affirme aussi que les gens touchés par cette liste ont moins de droits que ceux qui ne le sont pas. Il y a quand même une marge entre les deux.
Un deuxième propos m'a fait un peu sourciller: vous avez dit que les gens provenant de pays apparaissant sur cette liste bénéficieront de la même protection que celle qui existe actuellement. Ce n'est pas vrai. Bien sûr, ils n'ont pas présentement accès à la Section d'appel des réfugiés, mais ils ont quand même la possibilité de faire une demande pour motifs humanitaires, de même qu'ils ont accès à l'examen des risques avant envoi et au permis de séjour temporaire, toutes des choses auxquelles ils n'auront plus accès avec cette nouvelle loi. En plus, ils ne comparaîtront plus devant un commissaire, avec toute l'indépendance que ça signifie, mais simplement devant des fonctionnaires. Ces gens vont véritablement connaître un recul par rapport au traitement offert présentement.
Cela étant établi, je voulais vous poser un peu la même question que je vous ai posée la dernière fois, quand le ministre a comparu devant nous. Je vous ai demandé pourquoi le ministre se prive de son droit d'appel dans le cas de ressortissants venant d'un pays figurant sur la liste. Ça m'apparaît être quelque chose de contradictoire. Le ministre, en mettant un pays sur la liste, déclare qu'il est très peu probable que les gens provenant de ce pays soient de vrais réfugiés. Or, si un fonctionnaire déclare qu'une personne venant de ce pays est un vrai réfugié, même si c'est très peu probable, le ministre, en vertu du projet de loi, renonce spécifiquement à pouvoir faire appel.
Pourquoi cette contradiction existe-t-elle dans le projet de loi?
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Je répondrai à certaines des préoccupations que vous avez soulevées séparément.
D'abord, pour ce qui est de la langue, des services d'interprétation seront fournis.
En second lieu, pour ce qui est des traumatismes, si quelqu'un exhibe des signes de cela ou d'autres signes de vulnérabilité, ou encore a besoin d'attention spéciale, comme un enfant, une victime de la traite des personnes, ou encore quelqu'un ayant subi de la violence conjugale ou d'autres difficultés, alors on est autorisé à reporter l'entrevue.
Pour ce qui est du droit aux services d'un avocat, encore une fois, le demandeur d'asile a le droit d'être accompagné d'un avocat; seulement, la présence de ce dernier n'est pas jugée essentielle à l'entrevue. Par conséquent, on ne la reportera pas nécessairement pour que l'avocat soit présent parce qu'il ne s'agit pas d'une procédure accusatoire. L'entrevue n'est pas censée être un examen mais bien un processus au moyen duquel un agent de la CISR aidera la cause du demandeur en décrivant les motifs de sa demande.
Cette entrevue n'est même pas censée être définitive à cet égard. L'agent de la CISR est censé déployer tous les efforts possibles pour disposer d'un dossier le plus complet possible en prévision de l'audience. Cet agent s'occupera également d'expliquer au demandeur ce à quoi il peut s'attendre au cours des prochaines étapes, y compris le droit aux services d'un avocat et la façon dont l'audience se déroulera, mais entre l'entrevue et l'audience, le demandeur conserve le droit de modifier son dossier. Il sera autorisé à y ajouter des pièces avec l'aide de son avocat, jusqu'à la fin de la période de communication des renseignements précédant l'audience.
Encore une fois, cette entrevue n'a certainement pas été conçue comme un processus accusatoire. On n'est pas censé y faire subir un examen au demandeur. Sa raison d'être est vraiment de recueillir des renseignements pour se substituer à ce qui a été fourni au point d'entrée ou aux agents des bureaux intérieurs où la demande a été présentée ou encore aux renseignements personnels très nombreux et très complexes qu'on est censé fournir sur un formulaire au 28e jour. Le...
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Nous accueillons presque tout le monde ici, monsieur. Vous êtes donc le bienvenu au comité.
Nous avons quatre groupes.
Tout d'abord, M. Raphael Girard.
Ensuite, deux représentantes de la Fédération des femmes du Québec: Mme Alexandra Pierre, organisatrice communautaire responsable des dossiers de lutte contre le racisme et les discriminations, et Nathalie Ricard, qui relève de la même organisation.
Nous avons également avec nous la Coalition des familles homoparentales du Québec.
Se joint également à nous James Kafieh, avocat-conseil de la Fédération canado-arabe.
Participe également par téléconférence, depuis Kitchener, l'honorable Andrew Telegdi, ancien secrétaire parlementaire et ancien président et vice-président de notre comité.
Je tiens à vous souhaiter la bienvenue à tous. Nous allons tout d'abord allouer sept minutes à chaque groupe pour son exposé. Comme la Fédération des femmes du Québec est un seul groupe, cela signifie que vous devrez à vous deux vous partagez les sept minutes.
Commençons par M. Girard.
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Merci, monsieur le président.
J'essaierai de procéder le plus rapidement possible, mais je vous avertis que mon exposé est dense et regorge de termes techniques précis. J'ai donné un exemplaire de mon texte au greffier pour que les interprètes puissent suivre.
Monsieur le président, mesdames et messieurs, il y a 25 ans, j'ai dirigé le groupe de travail qui a élaboré le système de détermination du statut de réfugié actuel du Canada. C'était la première fois qu'on enchâssait le droit de revendiquer le statut de réfugié dans la législation canadienne.
Je dois dire que je n'envie pas ceux qui doivent procéder à la réforme. Ce qui m'a frappé le plus dans le débat sur le projet de loi , c'est que les objectifs et les problèmes ont peu changé en dépit du fait que les revendications du statut de réfugié au Canada existent depuis plus de 20 ans.
En 1985, la décision Singh a forcé le ministère à modifier le processus spécial dont il s'était doté pour traiter les appels des réfugiés contre les ordonnances de renvoi. L'arriéré ainsi créé s'échelonnait sur des décennies. Une réforme était essentielle.
Flora MacDonald m'a chargé de mettre sur pied un groupe de travail, et je dois dire que nos objectifs à l'époque et ceux du projet de loi sont presque identiques. Tout le monde veut un processus décisionnel juste et rapide, une acceptation dans les plus brefs délais des demandes valides et le renvoi prompt des demandeurs déboutés pour décourager les demandes sans fondement de ceux qui exploitent le système de détermination à d'autres fins.
Malgré tous nos efforts, le système élaboré en 1989 a échoué. Il était dysfonctionnel dès le départ. En effet, la théorie et la loi entraient en conflit.
On s'était basé sur le principe, très important, qu'un tribunal indépendant devait être remis à la disposition de ceux, et seulement ceux que le Canada aurait l'obligation de protéger s'ils respectaient la définition de « réfugié au sens de la Convention ». Nous avions rejeté l'idée que le Canada devait favoriser le traitement des demandes présentées par des gens arrivant au Canada en provenance d'autres pays signataires, comme les États-Unis, l'Allemagne et d'autres pays d'Europe occidentale, qui avaient une bonne réputation en matière de protection des réfugiés.
Même si la loi adoptée en 1989 comprenait des dispositions à cette fin, les limites devant nécessairement être imposées à l'accès à ce tribunal indépendant n'ont pas été adoptées par le gouvernement, rendant le système susceptible d'être surchargé, malgré l'énorme budget de 100 millions de dollars qui avait été octroyé à la CISR au cours de sa première année. Pour exacerber le problème, la CISR a adopté une interprétation de la convention qui était, et demeure, plus large que celle utilisée par tous les autres pays signataires, nous laissant ainsi avec un taux d'acceptation des demandes frôlant, et même dépassant parfois les 50 p. 100, ce qui à l'époque représentait facilement le double du deuxième pays le plus généreux.
Depuis, le système souffre d'un arriéré chronique. Par conséquent, de faux revendicateurs ont abusé épisodiquement de façon généralisée du système.
Le projet de loi comprend certains éléments intéressants pouvant accélérer le processus et limiter les appels, mais il ne s'attaque pas aux problèmes sous-jacents qui affligent le système actuel. Le projet de loi remplace les personnes nommées par le gouverneur en conseil par des fonctionnaires à l'audience de première instance, ce qui rendra le processus de nomination plus simple; cependant, le format de l'audience avec un conseiller demeure le même.
Un élément additionnel a été ajouté au début du processus, et vous en avez parlé plus tôt, et une audition de novo s'ajoute à la fin dans le cas d'un appel après refus en première instance, laquelle peut comprendre une deuxième audience dans certains cas où la crédibilité est remise en question.
Ces trois étapes remplacent la rencontre unique avec le demandeur que prévoit actuellement le système. Les mesures de réforme comprises dans le projet de loi C-11 risquent de rendre le processus plus — et non pas moins — complexe.
Il est difficile de croire qu'un système plus compliqué soit plus rapide, malgré les délais que l'on prévoit de prescrire. À ma connaissance, aucun tribunal qui ne souffre pas d'arriéré va accorder plus d'importance à la rapidité du processus qu'à son intégrité.
Actuellement, il faut deux ans pour que soient entendus les appels interjetés devant la CISR concernant des immigrants parrainés déboutés. De ce groupe, ce sont les cas impliquant les conjoints qui ont la priorité absolue dans le système d'immigration. Et nous savons que ces demandeurs ne cherchent pas à retarder le processus. Au contraire, ils veulent venir au Canada pour rejoindre leurs familles.
Si la CISR ne peut pas traiter en moins de deux ans les demandes des immigrants prioritaires qui ne cherchent pas à retarder le processus, est-il réaliste de penser que la commission pourrait faire mieux en s'attaquant à un problème plus important et plus complexe à l'égard des gens pour qui les retards pourraient être un avantage qu'ils cherchent souvent à obtenir?
Le problème fondamental du projet de loi , c'est que tout le monde aura droit à une audience devant un décideur indépendant. Or, ce n'est ni nécessaire ni pratique. Lorsque ce n'est pas une question de protection, la CISR ne devrait pas s'en mêler.
Ni la Charte, ni la Convention des Nations Unies de 1951 ne nous obligent à entendre les revendications de statut de réfugié. La convention oblige seulement les États membres à éviter le refoulement, soit le renvoi forcé des réfugiés vers un pays où ils seront persécutés. Renvoyer les gens du Canada sans instruire une demande de statut de réfugié ne contrevient pas à la convention ni à la Charte, si cela est fait d'une façon qui n'expose pas les demandeurs au refoulement.
Par exemple, le projet de loi maintiendra l'absurdité du système canadien actuel, qui a fait l'objet d'abus généralisé par des demandeurs de la République tchèque et de la Hongrie.
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Bonjour. Je vous remercie de nous accueillir et de nous permettre de faire cette présentation.
La Fédération des femmes du Québec, la Coalition des familles homoparentales, la Concertation des luttes contre l'exploitation sexuelle, ou CLES, le Regroupement québécois des Centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel, ou RQCALACS, et la Table des groupes de femmes de Montréal travaillent tous pour la promotion et la défense des intérêts des femmes et la reconnaissance des personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles et transsexuelles — les personnes LGBT.
Nous adhérons à l'objectif d'un système de détermination du statut de réfugié plus rapide, dans la mesure où cette rapidité ne met pas en cause les droits fondamentaux des réfugiés, et nous accueillons favorablement l'introduction d'une section d'appel dans le projet de loi . Malgré cette avancée, nous tenons à exprimer nos vives inquiétudes quant au reste du projet de loi.
Les modifications proposées feront en sorte que certains demandeurs et demandeuses d'asile ne puissent pas avoir accès à la section d'appel en vertu de leur nationalité et de leur origine. L'introduction du terme « pays désigné » ou « pays sûr » va à l'encontre des principes fondamentaux de la Convention relative au statut des réfugiés de l'ONU et de la Charte canadienne des droits et libertés, qui établit clairement le droit à l'égalité.
La violence conjugale, les crimes d'honneur, les mutilations génitales, les viols et l'exploitation sexuelle commerciale représentent tous des formes de violence ou des persécutions qui sont presque exclusivement subies par des femmes. Les femmes originaires des pays qu'on pourrait qualifier de sûrs ne sont pas à l'abri de ces atteintes à leurs droits. Dans certains pays, la discrimination et les exactions sont ouvertes, voire légales, alors que dans d’autres, elles sont plus cachées.
Je vais vous faire part du cas d'une femme que les groupes signataires de ce mémoire ont appuyée. Cette dame originaire du Honduras a été détenue dans un logement par une bande criminelle qui accusait son ami d'être un informateur de la police. En présence de cette personne, l'ami en question a été mutilé, puis décapité. La dame a été violée par la suite par les membres de la bande criminelle. Cette femme a dû laisser son mari derrière elle pour chercher asile au Canada. Elle a dit que la police étant corrompue, elle ne pouvait pas dénoncer ces policiers parce qu'autrement, elle serait morte.
Lors de son audience devant la CISR, le tribunal a indiqué que selon le cartable national de documentation, le Honduras était un pays qui réprimait les bandes criminelles et qui appliquait des lois contre de tels crimes. Or, malgré tout, l'État hondurien est toujours incapable d'éradiquer ce type de violence sexuelle, qui est assez courant.
Merci de me donner la parole et de m'écouter.
Par rapport aux violences de genre, je vais enchaîner pour parler plus spécifiquement des minorités sexuelles. Il faut aussi comprendre que lorsqu'un pays décriminalise l'homosexualité, cela ne veut pas nécessairement dire que ses politiques sociales et policières vont aussi protéger les minorités sexuelles.
Il y a beaucoup de gais qui se font violer collectivement, par exemple pour blâmer leur famille, pour lui porter un tort, pour la déshonorer, et ces personnes ne vont pas se tourner vers les policiers pour enregistrer un rapport policier parce qu'il y aura victimisation à nouveau et souvent chantage.
Ce qui est rapporté: beaucoup de chantage, le rejet des familles, le mépris, la violence sexuelle. C'est la même chose du côté des femmes. Par exemple, nous avons des femmes dans notre association actuellement qui viennent du Mexique. Ces femmes qui peuvent sembler de prime abord tout à fait hétérosexuelles ne le sont pas; elles sont lesbiennes et on pense qu'elles sont hétérosexuelles parce qu'elles ont des enfants.
Ça, c'est donc aussi à prendre en considération, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de protection pour les couples de même sexe ni de reconnaissance de parentalité ou de maternité gaie dans plusieurs pays. Alors, une des menaces auxquelles ces gens font face et une des raisons pour lesquelles ils ne dévoilent pas leur homosexualité, c'est qu'ils peuvent perdre la garde des enfants. C'est pourquoi c'est à prendre en considération, et ce n'est pas parce qu'un pays pourrait être considéré comme sûr — on pourrait penser au Mexique, par exemple — qu'il y a une sécurité pour les minorités sexuelles, et surtout pour les femmes.
Ça fait 20 ans que je travaille auprès de personnes immigrantes et de personnes réfugiées, et vous pouvez être certains que quand des femmes arrivent devant vous, elles ont assurément une histoire de violence sexuelle qui va prendre beaucoup de temps et plusieurs rencontres avant d'être finalement dévoilée. Aussi, les délais accordés présentement dans le projet de loi sont trop courts pour permettre à une personne de vraiment pouvoir préparer un témoignage qui soit sensé et qui révèle sa réalité.
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La Fédération canado-arabe est l'organisation nationale au service des Canadiens d'origine arabe. Depuis 1967, nous avons pris position sur une variété de sujets. Cependant, nos 500 000 Canadiens d'origine arabe portent un intérêt tout particulier au projet de loi .
Nous sommes originaires d'une région du monde d'où proviennent de nombreux réfugiés, et nous nous intéressons tout particulièrement à cette mesure législative. J'aimerais aborder six points qui nous préoccupent tout particulièrement à l'égard du projet de loi .
Nous tenons à signaler que les changements proposés ne sont pas tous négatifs. À titre d'exemple, la Fédération canado-arabe se réjouit de l'inclusion de dispositions relatives au mécanisme d'appel sur le mérite et d'audiences en temps opportun pour les réfugiés.
Toutefois, certains changements enchâssés dans la mesure législative sont également fort troublants. Puisqu'il en va de la vie des réfugiés, ces aspects exigent une attention toute particulière aujourd'hui.
Des six points que je souhaite aborder, le premier porte sur l'entrevue par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Nous partageons le même objectif, soit celui d'avoir un processus d'évaluation de demandes d'asile qui soit équitable et diligent. Cependant, « équitable et diligent » ne sont pas des options qui s'excluent.
Le délai de huit jours imposé aux demandeurs d'asile pour fournir les détails de leur demande lors de l'entrevue de collecte d'information, une fois leur demande acheminée à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, est insuffisant et préjudiciable aux demandeurs légitimes.
Les réfugiés sont soumis à un processus traumatisant et exténuant pour arriver au Canada. On comprendra qu'il leur faudra plus de temps que ne le prévoit la mesure législative seulement pour récupérer de leur odyssée. De plus, de façon bien légitime, ils doivent consulter un conseiller juridique avant de présenter leur exposé. L'émission des certificats d'aide juridique prend souvent plus que les huit jours prévus par la mesure législative.
L'exigence relative à une entrevue initiale entrave l'application régulière de la loi, donc nous soutenons qu'elle devrait être supprimée de la mesure législative.
Le deuxième point concerne le calendrier des audiences. La façon actuelle d'établir le calendrier des audiences pose de sérieux problèmes. Les demandeurs d'asile ne devraient pas être obligés d'attendre des années avant d'obtenir une décision concernant leur demande. Pour plusieurs réfugiés, le délai de 60 jours prévu dans la mesure législative afin de préparer leur cause ne sera toutefois pas suffisant.
Les éléments de preuve relatifs à la persécution peuvent être difficiles à obtenir dans des pays dysfonctionnels. Les États d'où proviennent le plus grand nombre de réfugiés sont souvent ceux qui sont les plus oppressifs et les plus chaotiques. De plus, même les éléments de preuve recueillis ici au Canada, notamment les évaluations et les rapports médicaux et psychologiques, peuvent prendre beaucoup plus que les 60 jours prévus dans la mesure législative.
La loi doit clairement prévoir le droit a une audience diligente. Toutefois, il faudrait que les audiences aient lieu lorsqu'on dispose de tous les éléments et que l'on prévoit suffisamment de temps, tout en fixant une limite de temps.
Le troisième point a trait aux décideurs de premier niveau. La mesure visant à éviter les nominations politiques à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié est très encourageante. Toutefois, confier le rôle de décideurs de premier niveau à des fonctionnaires minera l'objectivité du processus de détermination du statut de réfugié. Nous souhaitons instamment l'établissement d'un processus de nomination à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié sans ingérence politique ni considération partisane. Les décideurs devraient être nommés pour une période déterminée, et les candidats compétents, tant de la fonction publique que d'ailleurs, devraient être pris en considération.
Et le quatrième point porte sur la désignation du pays d'origine. Les dispositions de la loi qui permettraient au ministre de désigner des pays d'origine contribueraient à politiser et à miner indûment l'intégrité du processus de détermination du statut de réfugié. La désignation de pays d'origine viole également la loi internationale puisqu'il s'agit de discrimination fondée sur le pays d'origine.
Le président: Merci, monsieur.
M. James Kafieh: La désignation de pays d'origine viole également la loi internationale puisqu'il s'agit de discrimination fondée sur le pays d'origine.
De plus, ces dispositions constituent une menace réelle pour les réfugiés légitimes car elles ne définissent pas précisément les expressions « pays d'origine sûrs » et « sûrs ». En effet, il n'existe aucun critère permettant au ministre d'établir la définition d'un pays sûr. Des témoins semblent avoir dit avant nous que de telles définitions seraient fournies sous peu, dans le règlement, mais nous n'en disposons toutefois pas encore.
Au final, ces dispositions établissent un processus de détermination du statut de réfugié à deux vitesses. Les dispositions relatives à la désignation de pays d'origine devraient être supprimées de la mesure législative.
Cinquièmement, nous accueillons favorablement la mise sur pied d'une section d'appel des réfugiés. Un véritable processus d'appel permettant l'inclusion de nouveaux éléments de preuve est un mécanisme souhaité depuis longtemps. En fait, la principale préoccupation porte sur la définition de ce qui constitue un « nouvel » élément de preuve. Historiquement, seuls les « nouveaux éléments de preuve qui n'étaient pas raisonnablement accessibles » au moment de la première audience pouvaient être ajoutés au dossier.
Cet état de chose peut être corrigé en généralisant le concept des nouveaux éléments de preuve pouvant être ajoutés au dossier au moment de l'appel. Pour atteindre cet objectif, la loi devrait être modifiée afin qu'il soit clair que tous les éléments de preuve pertinents peuvent être présentés par un demandeur d'asile lors d'un appel.
Sixièmement, le fait de retirer à une personne le droit de présenter une demande des risques avant renvoi crée des risques inutiles pour les demandeurs d'asile. La Commission de l'immigration et du statut de réfugié est l'organisme désigné pour établir si une personne peut être renvoyée sans risque — non le bureau du ministre.
La loi reste muette au sujet des changements de circonstances qui pourraient légitimement soulever de nouvelles questions en matière de risques au-delà de celles qui existaient au moment de la première audience. Les restrictions à l'égard de l'examen des risques avant renvoi devraient être abandonnées, et la Commission de l'immigration et du statut de réfugié devrait avoir compétence pour administrer cette disposition.
Finalement, en ce qui concerne les demandes d'ordre humanitaire, les définitions de l'expression « réfugié » sont étroites et restreintes, tant dans les lois internationales que nationales. Les cas et les situations de demandeurs d'asile sont habituellement complexes. Souvent, il n'existe pas de façon simple de distinguer les réfugiés légitimes des personnes dont la situation pourrait également soulever de réelles questions d'ordre humanitaire.
À titre d'exemple, le cas d'un demandeur d'asile légitime pourrait également soulever des questions distinctes sur ce qui constitue l'intérêt supérieur d'un enfant. Cet aspect ne serait pas pertinent à la détermination du statut de réfugié, mais serait au coeur même des raisons d'ordre humanitaire.
Le fait de refuser arbitrairement à un demandeur d'asile l'accès au processus de détermination des raisons d'ordre humanitaire irait à l'encontre des valeurs et des lois canadiennes. Les dispositions législatives refusant aux demandeurs d'asile l'accès au processus de détermination des raisons d'ordre humanitaire devraient être abandonnées, et l'administration de ce processus devrait être confiée à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada.
C'était la position officielle de la Fédération canado-arabe. Je peux répondre à vos questions.
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Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis très heureux d'être ici.
Je dirai d'abord que certaines choses ne changent pas. J'avais toutes sortes de problèmes avec le secrétaire parlementaire lorsque je présidais le comité. Nous finissions quand même par nous arranger.
D'entrée de jeu, je crois qu'il est important de souligner que je suis moi-même un réfugié. Je suis arrivé en 1957, à la suite de la révolution hongroise, et je faisais partie des quelque 40 000 personnes qui ont trouvé asile au Canada après le soulèvement. Il s'agit donc d'un dossier que j'ai à coeur.
En matière d'immigration et de citoyenneté, j'ai toujours travaillé dans un esprit non partisan. J'ai été en désaccord avec mon gouvernement à une occasion et j'ai démissionné en tant que secrétaire parlementaire. J'ai servi comme membre associé du comité pendant quelques années parce que je ne voulais pas agir en tant que membre à part entière. Lorsque la situation a changé, j'ai été élu président et, plus tard, vice-président.
Les dossiers que vous étudiez suscitent un grand intérêt chez moi. Comme je l'ai dit, lorsque j'étais président du comité, j'incitais les membres à travailler dans un esprit non partisan et je défendais les décisions du comité devant le gouvernement.
Compte tenu des changements qui sont survenus, je vois avec grand plaisir que M. Girard est ici. En effet, il envisage de revenir 25 ans après avoir aidé à élaborer la première version de la CISR et à mettre en lumière de nombreux problèmes.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, j'espère que vous n'aurez pas à revenir après 25 ans pour vous faire dire que les problèmes en question n'ont pas été réglés.
L'échéancier proposé est l'un des éléments du projet de loi qui me préoccupe le plus. Vous voulez procéder à l'étude article par article du projet de loi et cela ne me rassure pas. En effet, je crois que les instruments tels que le projet de loi et ses implications devraient être entièrement transparents, et qu'il faut demander aux personnes concernées de s'exprimer à ce sujet. Je ne comprends pas pourquoi le comité ne veut pas prendre le temps de bien faire les choses. Vous ne voulez sûrement pas répéter l'expérience de M. Girard.
Concernant le projet de loi proprement dit, j'aimerais vous donner l'exemple d'un cas que j'ai traité lorsque j'étais secrétaire parlementaire. Il s'agissait d'une jeune femme originaire de l'ancienne Yougoslavie qui pensait que sa demande d'asile avait été rejetée parce qu'un membre de la CISR ne croyait pas qu'il y avait collusion entre le gouvernement, les médias et la police dans le pays qu'elle venait de quitter.
Elle devait donc être expulsée du pays — c'était en l'an 2000 — un lundi après-midi. Elle devait arriver à Belgrade à 10 heures le lendemain, et l'OTAN était censée commencer son bombardement à midi. N'est-ce pas une situation absurde? De toute évidence, il y avait des membres incompétents à la CISR à l'époque, et des changements ont été apportés pour assurer une plus grande compétence.
Je tiens aussi à souligner que nous nous sommes battus pour mettre en place un bon processus de nominations à la commission. En 2006, l'arriéré s'élevait à 20 000 demandes. Aujourd'hui, il y en a plus de 60 000. Cette augmentation s'explique par le fait que les postes vacants à la commission n'ont pas été comblés assez rapidement. Nous avions réglé une bonne partie du problème en ramenant l'arriéré à 20 000 demandes et nous allions le diminuer encore plus.
Par ailleurs, les changements apportés au système exigeaient la mise en place d'une section d'appel des réfugiés, ce qui n'a pas été fait. Pourtant, cette section était sur le point d'être créée lorsque l'arriéré avait été ramené à 20 000 demandes.
La recommandation que j'aimerais vous faire — à titre personnel et dans un esprit tout à fait non partisan — est la suivante: prenez le temps de bien faire les choses. Assurez-vous que les personnes concernées et les Canadiens ont une véritable occasion de s'exprimer sur le projet de loi. Après tout, je crois que le Canada peut tirer une grande fierté des lois qu'il a adoptées tout au long de son histoire dans ce domaine.
Nous voulons que les Canadiens continuent d'en être fiers. Les objectifs visés par le projet de loi, par exemple, accélérer le système, sont louables. En effet, si le demandeur peut obtenir des certitudes plus rapidement, c'est toute la société qui en sort gagnante, y compris le premier concerné.
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Il y a plusieurs raisons pour lesquelles raconter ses expériences d'abus peut être difficile. Vous demandiez combien de temps ça pouvait prendre, or c'est très aléatoire.
Hier, j'avais une rencontre avec des représentantes du Mouvement contre le viol et l'inceste et elles ont dit que ça prenait, si l'on tient compte de tous les délais de rencontre, au minimum trois entrevues, et ce, dans le cas d'une femme qui rencontre une autre femme dans un organisme spécialisé dans les cas de violence sexuelle spécifique. Alors, si on se situe dans un cadre plus large qui traite d'autres enjeux, comme moi qui travaille en santé communautaire, ça peut prendre plus d'un mois, voire six mois.
Parfois, la personne ne le dévoilera pas parce qu'elle a subi l'inceste de son père ou encore parce que ce sont des gens très proches ou peut-être parce que ces gens sont liés à la classe politique dans son pays. Par conséquent, parler de la violence sexuelle va nuire aussi aux gens qui sont restés dans son pays.
Il faut comprendre qu'il ne s'agit pas de livrer un faux témoignage. Il s'agit de comprendre qu'ici le viol est inacceptable, que c'est criminel, qu'on peut en parler et que des droits existent. Le seul fait d'entrer cette information dans son référent culturel, de penser qu'il est possible qu'il existe une justice par rapport à ces choses, ça prend un peu de temps. Par la suite, la personne pourra s'affirmer comme sujet et se dire qu'elle a besoin de cette sécurité, parce qu'en retournant chez elle, elle va perdre trop de choses, ça va être terrible et elle va mourir. Elle se demandera ce qui arrivera à sa famille. Il y a beaucoup de décisions à prendre, de délais à respecter et d'enjeux éthiques à prendre en considération.
Alors, il ne s'agit pas de mentir ou de contourner le système, mais de s'approprier ses propres référents culturels et aussi de faire un ménage avec les siens.
Souvent, lorsqu'une femme ne nous adresse pas la parole ou qu'elle ne nous regarde pas dans les yeux, on peut croire qu'elle essaie de cacher des faits. Toutefois, ça peut être une offense aussi pour une femme de regarder un homme directement dans les yeux, d'autant plus si c'est pour lui parler de ce qui lui est arrivé. Il faut être très sensible aux différentes réalités que vivent les gens.
En effet, vous avez raison. Peut-être que certaines personnes qui aimeraient se faufiler vont en profiter, alors que d'autres qui seraient traumatisées vont être laissées sur la touche.
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Je ne suis pas certaine que ce soit là un rappel au Règlement.
Je ne faisais que répéter ce que le porte-parole libéral en matière d'immigration a dit mardi dernier, il y a seulement deux jours. Il a affirmé que la désignation de pays sûrs ne lui posait pas problème. J'espère me tromper, mais c'est ce que j'ai entendu plusieurs fois depuis que le projet de loi a été déposé.
Je sais que vous êtes établi au Québec. Avez-vous discuté avec des parlementaires, mis à part M. Mulcair, ou avec des députés du Bloc? Avez-vous eu des discussions avec d'autres députés qui ont laissé présager que certains d'entre eux pourraient changer d'avis?
Parce que, vous savez, lundi prochain, se tiendra la dernière de nos audiences. Puis, mardi après-midi, nous allons commencer l'étude article par article du projet de loi, qui fait l'objet d'un traitement accéléré. Ensuite, avant minuit le jeudi 3 juin, le comité aura terminé avec le projet de loi qui sera envoyé à la Chambre des communes la semaine d'après, soit probablement lundi ou mardi, où il fera l'objet des débats finaux et recevra ou non une approbation.
Ainsi, il fait l'objet d'un traitement accéléré. Le projet de loi comprend de nombreuses dispositions et vous noterez qu'en raison de ce traitement accéléré nous n'avons même pas eu le temps de préparer des amendements et qu'il semble que c'est ce qui a été colligé, malheureusement. Avez-vous eu beaucoup de discussions avec d'autres députés?