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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 021 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 31 mai 2010

[Enregistrement électronique]

(1810)

[Traduction]

    Bonsoir. Le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration se réunit aujourd'hui, le lundi 31 mai 2010, pour sa 21e séance qui durera trois heures.
    Conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 29 avril 2010, nous examinons le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et la Loi sur les Cours fédérales.
    Je suis désolé pour le retard, mesdames et messieurs.
    Nous avons trois groupes de témoins. Le premier groupe est le Centre justice et foi, Elisabeth Garant et Louise Dionne. Bienvenue au comité, mesdames. Merci d'être ici.
    Nous avons l'Association canadienne des conseillers professionnels en immigration, Philip Mooney, ancien président et Timothy Morson, directeur de la politique et consultant canadien agréé en immigration.
    Par téléconférence de Washington, nous allons entendre un avocat qui s'appelle Howard Anglin. Monsieur Anglin, vous n'êtes pas télévisé; nous vous entendons au téléphone. Comme vous pouvez le constater, nous avons des problèmes techniques que nous espérons régler.
    Je l'espère aussi.
    Nous ferons de notre mieux.
    Chaque groupe aura un maximum de cinq minutes pour présenter un exposé au comité. Nous allons commencer par Mme Garant ou par Mme Dionne.
    Encore une fois, nous vous souhaitons la bienvenue, mesdames.
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement. S'agit-il d'un exposé oral ou avons-nous également le texte?
    Si vous n'avez pas le texte devant vous, c'est un exposé oral.

[Français]

    Nous nous appuyons sur la copie du mémoire que vous avez reçue. On n'en donnera que les extraits principaux.
    Merci de nous recevoir, ce soir. Je rappelle simplement que le Centre justice et foi est un centre d'analyse sociale qui est de la Compagnie de Jésus, davantage connue comme la communauté religieuse des Jésuites. Le centre a pour objectif principal de participer à la construction d'une société fondée sur la justice faisant la promotion d'une citoyenneté active pour tous et particulièrement pour une société accueillante pour les nouveaux arrivants.
    Depuis 1985, par le travail du secteur Vivre ensemble dont est responsable Louise Dionne, nous travaillons sur des questions liées à l'immigration, la protection des réfugiés, l'accueil et l'intégration des nouveaux arrivants.
    Avant d'entrer dans quelques détails du projet de loi C-11 qu'abordera ma collègue, je voudrais simplement rappeler quelques éléments généraux du contexte dans lequel se situe ce projet de loi. Je veux d'abord rappeler que depuis quelques décennies, on voit la conscience et le respect des droits et de la démocratie augmenter de façon significative, ce qui rend de plus en plus intolérable les situations de par le monde où ces conditions n'existent pas.
    Nous voyons ainsi des formes de persécution prises en compte par la Convention de Genève touchées davantage de personnes, de groupes et de régions du monde et de plus en plus de personnes sont forcées de demander le refuge. Cette situation ne va pas changer dans les années à venir. Quelles que soient les mesures de restriction, de contrôle ou de refus des personnes à protéger, celles-ci vont trouver d'autres façons de venir. Il nous faut absolument avoir un projet de loi, une réforme, une loi d'immigration et surtout une protection des réfugiés qui soit à la hauteur des défis qui sont les nôtres.
    Je tiens à souligner que cette tendance qu'on observe dans le projet de loi est une répétition de plusieurs éléments, de plusieurs réalités qu'on observe dans d'autres pays nord-américain et européen, du moins de l'hémisphère nord. Ces pays, bien avant nous, ont mis en place un certain nombre de mesures comme la politique de visa, l'accélération de l'examen des demandes d'asile, la sanction à l'encontre des transporteurs et bien d'autres mesures.
    Maintenant qu'on introduit ces mesures, particulièrement celle de l'accélération des demandes d'asile qui est surtout touchée par ce projet de loi, il me semble qu'il faut se poser la question de l'expérience qui s'est faite dans d'autres pays. On est en mesure déjà de voir que les mesures qui sont couvertes par le projet de loi ne sont pas efficaces, que la migration irrégulière augmente, elle n'est pas diminuée par ces mesures. On est surtout en mesure de constater qu'elles se sont avérées particulièrement négatives du point de vue des droits humains. Cet alignement du Canada sur ces modèles qui n'ont pas prouvé leur efficacité est fortement inquiétante et questionnable.
    Pour les quelques minutes qui restent, je laisse ma collègue présenter les éléments plus spécifiques du projet de loi.
    Nous avons retenu six recommandations qui tournent autour de quatre points préoccupants dans le projet de loi. Nos préoccupations portent sur les points qui touchent: l'inégalité de traitement selon l'origine, l'accès à des procédures justes et équitables tenant compte des difficultés rencontrées par les demandeurs d'asile et l'accès aux demandes pour considérations humanitaires.
    Le projet de loi prévoit la création d'une liste de « pays d'origine sûrs ». Les ressortissants de ces pays seront privés du droit d'appel de la décision négative de la Section de la protection des réfugiés.
     La mise en oeuvre de cette politique s'avère particulièrement problématique, la notion de « pays d'origine sûr » instaure un traitement différencié de la demande d'asile selon la provenance géographique des demandeurs. Cela contrevient à l'article 3 de la Convention de Genève, qui enjoint aux États de ne faire aucune discrimination fondée sur la race, la religion ou le pays d'origine.
    D'ailleurs, les tribunaux britanniques ont, à plusieurs reprises, condamné les décisions de l'administration britannique qui avait adopté le même genre de processus en raison des atteintes au principe de non-refoulement, au droit à la vie familiale ou privée. Ils ont de plus affirmé que le ministre de l'Intérieur ne saurait se baser sur le seul fait que l'État tiers a signé la Convention de Genève pour conclure à sa sûreté: il doit s'assurer que cet État agit de bonne foi pour remplir ses obligations internationales.
    Je vais couper court, parce que le temps passe. Ma première recommandation est que l'article 109.1 proposé du projet de loi relatif à la désignation de pays d'origine soit retiré du projet de loi.
    Il y a un autre point. Le projet de loi confie la première entrevue à des fonctionnaires. En vertu du paragraphe 169.1(2) proposé du projet de loi, les commissaires de la Section de la protection des réfugiés sont nommés conformément à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Il s'agit encore d'un amendement inspiré du modèle britannique où les agents d'immigration sont chargés de la première entrevue, une étape cruciale pendant laquelle les demandes sont filtrées. Ces agents de l'administration ne remplissent pas les conditions d'indépendance et d'impartialité, ce qui est préoccupant étant donné les objectifs politiques du gouvernement. Au Royaume-Uni, plusieurs observateurs ont exprimé leur inquiétude concernant les qualifications, la formation ou le pouvoir étendu de ces agents.
    C'est pourquoi nous recommandons de remplacer le paragraphe 169.1(2) proposé du projet de loi par un alinéa qui précisera que les commissaires de la Section de la protection des réfugiés sont nommés par le président de la CISR parmi les candidats hautement qualifiés, sur la base des recommandations d'un comité de sélection et conformément aux critères établis par la loi. Nous recommandons de préciser aussi que les commissaires peuvent être des fonctionnaires du gouvernement.
(1815)

[Traduction]

    Vous avez maintenant presque dépassé d'une minute le temps qui vous était alloué. Pourriez-vous conclure, s'il vous plaît?

[Français]

    J'ai dépassé?

[Traduction]

    Presque.

[Français]

    Puis-je nommer seulement les recommandations?

[Traduction]

    Certainement.

[Français]

    Nous avons une autre recommandation voulant que la mention à la conduite d'entrevue figurant à un article soit supprimée, c'est celui du délai. Une autre recommandation veut qu'aucune mention ne soit incluse dans les règlements qui concernent les délais pour la conduite de l'entrevue. Nous demandons aussi la suppression du paragraphe 24(4) proposé du projet de loi portant sur le dépôt des demandes pour considérations humanitaires. Enfin, nous demandons que le projet de loi soit amendé pour que le ministre puisse entendre les demandes même si les demandeurs n'ont pas les moyens de payer.
    C'est tout, excusez mon délai.
    Merci de m'avoir laissé un peu de temps.

[Traduction]

    Je vous remercie de votre contribution.
    Monsieur Mooney et monsieur Morson, vous avez jusqu'à cinq minutes pour présenter un exposé.
    Merci, monsieur le président, membres du comité, mesdames et messieurs. Nous avons un mémoire qui est en chemin et je lirai des extraits de ce mémoire.
    L'Association canadienne des conseillers professionnels en immigration se réjouit de l'occasion qui lui est donnée de comparaître devant votre comité. Nous aimerions vous faire part de différents points de vue et faire des suggestions concrètes. Notre mémoire se fonde sur des entrevues récentes avec des demandeurs d'asile, à la fois des demandeurs actuels et des demandeurs qui ont obtenu l'asile. Le système actuel de détermination du statut de réfugié a besoin d'être amélioré, et le projet de loi C-11 contient des correctifs qui touchent à la fois le processus administratif et le programme. Il mérite des éloges pour ces nouvelles idées.
    J'aimerais parler de ces nouvelles idées et de trois éléments clés en particulier. Tout d'abord, quels facteurs poussent une personne à décider de demander l'asile au Canada? Deuxièmement, comment le nouveau processus peut être amélioré afin de mieux protéger ceux qui ont besoin d'un asile? Troisièmement, quels éléments doivent être maintenus en vue d'améliorer l'intégrité du programme?
    Tout d'abord, de nombreux demandeurs apprennent qu'ils peuvent demander l'asile par leurs amis et leurs parents qui sont déjà ici ou par des membres de leurs communautés qui se trouvent à l'extérieur de leur pays d'origine, habituellement, aux États-Unis. Par exemple, il y a une station radiophonique créole en Floride qui donne un numéro de téléphone 800 à l'intention des éventuels demandeurs d'asile pour obtenir des conseils.
    Deuxièmement, bon nombre de demandeurs arrivent à la frontière parce qu'ils croient ce que leur ont raconté des facilitateurs sans scrupules. Par exemple, nous avons inclus dans notre mémoire des exemplaires d'annonces qui ont été placées au Mexique par un agent fantôme qui travaille à partir de Montréal et qui offre de dire aux demandeurs, pour 150 $, ce qu'il faut faire exactement pour demander l'asile au Canada afin de pouvoir y travailler pendant plusieurs années.
    Troisièmement, certains réfugiés paient des trafiquants pour obtenir de faux documents et une aide au transport afin d'échapper à la détection légale de leur déplacement avant d'arriver à la frontière du Canada. Nous avons entendu parler d'un conseiller en immigration qui vend des cartes à des Colombiens qui se trouvent aux États-Unis, pour leur indiquer le meilleur itinéraire pour éviter les inspections à la frontière.
    Quoi qu'il en soit, peu importe la façon dont les demandeurs d'asile choisissent de venir au Canada, ils ont tous un point commun: on leur donne rarement une description complète du processus de détermination du statut de réfugié au Canada ou des autres possibilités d'entrée légale au Canada. Ils prennent des décisions risquées qui peuvent parfois changer toute leur vie en se fondant sur des renseignements incomplets sinon tout à fait faux.
    L'initiative du gouvernement visant à offrir aux demandeurs déboutés une aide au rétablissement à l'étranger est une bonne initiative. C'est un exemple d'une nouvelle idée, mais nous croyons que cette mesure pourrait être améliorée. Selon l'expérience de nos membres, bon nombre de ceux qui demandent le statut de réfugié ne le feraient pas si on leur expliquait vraiment en quoi consiste le processus ou s'ils savaient qu'ils pourraient se qualifier pour travailler et vivre au Canada en utilisant un autre programme d'immigration.
    Pour aider les demandeurs d'asile à faire un choix éclairé, nous recommandons de leur donner l'occasion de se faire expliquer toutes leurs options très tôt au cours du processus. Nous estimons que le mécanisme d'entrevue après huit jours devrait être changé à 30 jours afin de permettre aux demandeurs, après qu'ils sont passés à un point d'entrée ou après qu'ils ont indiqué une fois au Canada qu'ils voulaient faire une demande, de consulter une tierce partie autorisée qui pourrait les aider à comprendre les autres options d'immigration, notamment celles qui consistent à présenter une demande à l'extérieur du Canada dans une autre catégorie, et qui les aideraient à pleinement comprendre la qualité de leurs demandes d'asile.
    En ce qui concerne les intermédiaires sans scrupules, le comité avait recommandé il y a deux ans des changements à la réglementation qui auraient éliminé certaines échappatoires qui permettent à ces soi-disant facilitateurs d'exercer leurs activités. Le comité a par ailleurs recommandé que l'organisme responsable de la réglementation des conseillers en immigration soit démantelé, reconstitué et qu'on lui donne davantage de pouvoir pour poursuivre ceux qui corrompent le système, notamment ces véritables parasites qui incitent les gens à prendre d'énormes risques en venant au Canada, souvent illégalement, et à présenter de fausses demandes d'asile. Le comité a présenté à nouveau ces recommandations l'an dernier.
    Nous avons entendu dire que le gouvernement a finalement décidé de mettre en oeuvre les recommandations du comité et nous appuyons cette initiative sans réserve. Cela aiderait à réduire le nombre de demandes provenant de faux réfugiés. Nous aimerions cependant vous souligner que ce problème ne se limite pas aux conseillers en immigration, réglementés ou non. En fait, nous croyons que les avocats présentent beaucoup plus de demandes d'asile que les conseillers en immigration.
    En ce qui concerne les fausses demandes d'asile, dans certains cas les demandeurs coopèrent de plein gré avec des agents douteux, et paient pour obtenir de faux documents et faire préparer des demandes non fondées. La meilleure façon de les dissuader de faire cela serait d'abord un processus rapide et efficace pour les renvoyer dans leur pays d'origine avant qu'ils aient eu la chance de récupérer leurs dépenses. Cela enverrait donc un message à cette collectivité leur disant que toute somme dépensée serait perdue et ils passeraient alors à quelque chose de plus facile.
    Il existe déjà des mécanismes pour poursuivre en justice ceux qui décident d'enfreindre la loi au Canada. Cependant, en matière d'immigration, souvent les membres du grand public ne savent pas exactement à qui s'adresser. À la GRC, à la police locale ou à l'ASFC? Ce qu'il faut, c'est une seule ligne d'urgence qui permettrait aux gens de signaler en tout anonymat des cas de fraude d'immigration ou toute activité criminelle connexe.
    Bon nombre de nos membres disent avoir reçu de tels appels de personnes provenant de pays où la primauté du droit est compromise ou même inexistante. Il est rassurant de constater qu'ils ont déjà appris la valeur de la justice participative au Canada, mais ce qui est encore plus décevant, c'est de voir que les renseignements donnés servent à peu de choses ou à rien du tout.
(1820)
    En ce qui concerne le pays d'origine sûr, la désignation de certains pays comme étant sûrs peut réduire le nombre de fausses demandes. Cependant, ce que nous proposons, c'est que l'on incorpore dans le concept le fait que dans n'importe quel pays, des populations risquent la persécution, peu importe le degré de liberté ou de démocratie du pays. Cette liste de population à risque devrait être élaborée avec les intervenants et mise à jour fréquemment.
    Excusez-moi, monsieur. Vous avez dépassé le temps qui vous était alloué. Je vous demanderais de bien vouloir conclure.
    Très bien. Je voudrais faire une observation au sujet de l'ERAR, l'examen des risques avant renvoi.
    Il est important de se rappeler la raison pour laquelle nous avons des ERAR. Le Canada ne va pas renvoyer de demandeurs vers des pays où ils risquent la mort ou des blessures. C'est la raison d'être de l'ERAR. Par conséquent, l'ERAR devrait être offert à tous les demandeurs d'asile déboutés peu importe leur pays d'origine. Le processus d'examen des risques avant renvoi est relativement rapide et ne rallonge pas considérablement le délai.
    Nous sommes aussi en faveur de l'idée de pouvoir présenter de nouveaux éléments de preuve à n'importe quelle étape du processus et de la demande.
    Merci, monsieur.
    Merci, monsieur Mooney.
    Nous allons maintenant entendre M. Howard Anglin, un avocat qui nous parle de Washington.
    Monsieur Anglin, normalement nous avons une vidéoconférence, mais comme nous avons des problèmes techniques, ce sera une téléconférence. On me dit que ceux qui nous regardent à la télévision verront votre photo, mais pas nous. Nous devrons imaginer ce à quoi vous ressemblez.
    Je suis désolé pour les gens qui doivent regarder ma photo.
(1825)
    Vous avez un maximum de cinq minutes, monsieur, pour nous présenter un exposé.
    Très bien. Merci beaucoup de m'avoir invité à m'adresser au comité aujourd'hui à partir de Washington D.C.
    Merci d'être avec nous, monsieur.
    Merci.
    Sachant que le temps est extrêmement limité, je serai bref.
    J'aimerais aborder deux aspects du projet de loi qui est proposé. Plus précisément, je ferai une observation générale sur la façon dont la vulnérabilité du Canada en ce qui a trait aux demandes d'asile illégitimes mine l'objectif de la Convention de 1951. Deuxièmement, je ferai brièvement une comparaison entre certaines propositions primaires contenues dans le projet de loi et la pratique dans des démocraties occidentales comparables.
    J'aimerais en fait commencer par une courte parabole, si vous me le permettez. Il y a quelques années, lorsque je vivais à New York, j'ai rencontré une jeune femme canadienne qui venait tout juste de déménager à New York. Un jour, alors que nous marchions dans la rue à Greenwich Village, un homme l'a approchée et a commencé à lui raconter une longue histoire. Il disait qu'il avait besoin d'argent pour prendre un taxi pour se rendre quelque part rencontrer quelqu'un. Quoi qu'il en soit, il voulait en fait qu'elle lui donne 20 $. Lorsqu'il a fini de parler, j'ai dit à mon amie canadienne de ne rien lui donner, que c'était une escroquerie. Elle lui a quand même donné 20 $.
    Quelques jours plus tard, nous nous sommes retrouvés au même carrefour et, bien sûr, le même homme est venu nous voir pour nous raconter exactement la même histoire. Cette fois-ci, elle a refusé de lui donner de l'argent. Quand je l'ai gentiment taquinée sur sa naïveté, elle s'est indignée et a pris la défensive. Elle a dit qu'elle préférait être une bonne poire que de céder au cynisme.
    J'ai souvent pensé à cette histoire lorsque j'examinais la politique du Canada en matière de réfugiés. J'ai conclu que si le Canada voulait se donner une devise pour son système actuel, je propose en toute humilité que ce soit « nous préférons être une bonne poire ».
    À presque tous les égards, le système canadien de détermination du statut de réfugié fait assez mauvaise figure par rapport à d'autres systèmes occidentaux. Certains Canadiens ont peut-être une fierté malavisée en étant tellement indulgents à l'égard de nombreux demandeurs d'asile, qu'ils soient légitimes ou non. Étant donné que le taux d'acceptation est beaucoup plus élevé au Canada, je dirais que la plupart des demandes ne sont pas légitimes. Ces Canadiens peuvent se consoler en se disant que tout au moins ils ne sont pas cyniques. Sauf votre respect, je pense que c'est une façon de penser plutôt dangereuse et complaisante, et même pire, cela nuit en fait à ceux que la Convention de 1951 devait aider.
    Les réfugiés qui arrivent au Canada et qui demandent l'asile au Canada sont de façon disproportionnée parmi les demandeurs les plus astucieux, les plus riches et qui ont le plus de chance, qu'ils soient légitimes ou illégitimes. En revanche, la plupart des véritables demandeurs d'asile ne se rendent souvent pas beaucoup plus loin que de l'autre côté de la frontière du pays qu'ils tentent de fuir pour arriver dans le premier refuge qu'ils trouvent et où ils sont souvent logés dans des camps de réfugiés des Nations Unies.
    C'est tout à l'honneur du Canada d'avoir un excellent programme qui permet de réinstaller à l'étranger un certain nombre de ces réfugiés. L'un des meilleurs éléments des réformes proposées, et un élément pour lequel il faudrait féliciter le gouvernement, c'est l'augmentation du nombre de ces réinstallations qui sont manifestement légitimes et mérités.
    Le Canada dépense beaucoup plus d'argent pour les demandes d'asile au pays qu'il ne le fait pour les demandes faites à partir de l'étranger, et cela n'inclut pas les soins de santé et les autres avantages sociaux payés par l'État, qui peuvent coûter un milliard de dollars ou plus par an. Ce qui est ironique et malheureux, c'est que chaque dollar dépensé au Canada dans le cadre du processus de détermination du statut de réfugié pourrait être dépensé de façon beaucoup plus efficace et rentable pour des réfugiés à l'étranger. Le montant dépensé pour traiter une seule demande d'asile au Canada pourrait faire vivre un très grand nombre de réfugiés dans des camps des Nations Unies chaque année.
    Un système d'aide vraiment humanitaire, un système qui serait conçu pour profiter à la plupart des réfugiés et à ceux qui en ont le plus besoin, mettrait l'accent sur les réfugiés qui se trouvent dans des camps à l'étranger plutôt que d'accepter pratiquement sans poser de questions quiconque est assez astucieux pour cibler le Canada ou qui est assez riche pour se rendre ici.
    Étant donné que mon temps est limité, j'aborderai très brièvement deux aspects du nouveau projet de loi: les délais de traitement des demandes et la disposition relative au pays sûr ou au pays désigné. Je ferai ici surtout la comparaison avec d'autres pays, ce qui est mon domaine de compétence.
    Les délais prévus de huit jours et de 60 jours alignent le Canada sur les autres démocraties occidentales. En fait, les délais de huit jours et de 60 jours sont encore plus généreux que ceux de bon nombre d'autres démocraties occidentales.
    Par exemple, le délai pour déterminer le statut de réfugié en Australie est de 90 jours. En Finlande, au terme de la procédure accélérée, le délai moyen et de 57 jours. En Irlande, les demandes prioritaires font l'objet d'une décision en 20 jours. En France, la décision initiale doit être rendue en 21 jours. Au terme du processus prioritaire, c'est 15 jours, et ça peut être aussi peu que cinq jours si le demandeur est en détention. Aux Pays-Bas, les décisions qui suivent le processus accéléré sont prises dans un délai de 48 heures, et un appel doit être interjeté dans les 24 heures qui suivent la décision rendue.
    La proposition du Canada visant à instaurer une séance d'information initiale dans un délai de huit jours et d'avoir une audience dans un délai de 60 jours est tout à fait conforme à la norme internationale pour le traitement des demandes. De la même façon, la disposition sur les pays désignés rend finalement le Canada conforme aux pratiques exemplaires en matière de droit des réfugiés.
(1830)
    L'autre option, c'est d'utiliser ce qu'on appelle une norme « manifestement non fondée » ou, « clairement non fondée » pour déterminer les demandes sans fondement dès le début du processus, et ces demandes peuvent être ensuite accélérées pour le renvoi soit sans appel, soit avec un appel qui est entendu après que le demandeur a déjà quitté le pays.
    Pratiquement toutes les démocraties occidentales utilisent l'une de ces méthodes ou les deux pour simplifier le processus, et on peut vraiment certainement affirmer que sans l'une ou l'autre méthode, la réforme est futile. Ces deux éléments sont donc des ajouts positifs au droit canadien en matière de réfugiés.
    Monsieur Anglin, vous avez dépassé votre temps. Pourriez-vous terminer s'il vous plaît.
    Je pense que il ne me reste plus de temps, et je serais heureux d'écouter vos questions et même d'y répondre si c'est possible.
    Merci beaucoup.
    Certains membres du comité vont maintenant poser des questions à chacun d'entre vous. Le premier est M. Coderre.
    Monsieur Coderre, la parole est à vous. 

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci d'être ici aujourd'hui.
    Il est vrai que c'est un projet de loi extrêmement important parce que, premièrement, on parle d'individus et, deuxièmement, les décisions qu'on prend aujourd'hui auront un impact sur les cinq à six prochaines années, même si le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a un pouvoir réglementaire pour faire des choses.
    Je veux saluer le Centre justice et foi pour ses belles propositions.
    J'aimerais qu'on remette les choses dans leur contexte. Je suis favorable à la mise sur pied d'un processus d'appel. Je ne vois aucun problème à ce que des fonctionnaires soient sur la première ligne, dans la mesure où ils seront bien formés et où les demandeurs auront le droit de faire un appel bien fondé à la suite d'un refus.
    Ce qui pose problème, c'est cette liste de pays désignés. Ce n'est pas l'Entente sur les tiers pays sûrs. J'en ai déjà négocié une, et c'est une autre affaire. Ça relève du domaine géographique, et c'est lié à la réalité américaine à laquelle on a été confrontés après le 11 septembre.
    Vous qui avez rencontré beaucoup de victimes et de réfugiés, j'aimerais que vous nous parliez de l'état d'âme de ces gens. Par exemple, comment se sentirait une personne qui serait pointée du doigt parce qu'elle viendrait d'un pays plutôt que d'un autre?
    On entend dire qu'au Mexique, ça va bien, que ce devrait être un pays sûr puisque 90 p. 100 des demandes sont refusées. Pourtant, on a des problèmes avec les narcotrafiquants, il y a de la violence faite aux femmes, et il y a les couples de même sexe, les homosexuels, qui sont persécutés.
     J'aimerais que vous nous disiez rapidement comment ces gens se sentiraient et quel serait leur état d'âme. Est-ce qu'ils auraient l'impression d'être des réfugiés ou des demandeurs de statut de réfugié de seconde classe?
    Allez-y, madame Garant ou madame Dionne.
    Je vais répondre rapidement. Je pense que vous pointez un des éléments fondamentaux du projet de loi et les problèmes qu'il peut susciter. Par ce projet de loi, en raison de cette liste de pays désignés, on risque de fermer la porte aux gens qui sont les plus vulnérables dans un grand nombre de pays. C'est pourquoi on recommande qu'il n'y ait aucun pays désigné.
    L'exemple du Mexique est particulièrement bien choisi. Je crois qu'il y a quelques semaines, certains d'entre vous avez rencontré Luis Arriaga, directeur du Centre des droits de la personne Miguel Agustín Pro Juárez, qui disait à quel point le Mexique était un lieu où la protection n'est pas possible pour de grands groupes de personnes et dans bien des régions du Mexique, et que ce n'est pas vrai que se déplacer d'un endroit à l'autre...
    Par exemple, on dirait à des femmes ou à des couples de même sexe qu'ils ne seront pas acceptés en première instance, et qu'ils n'auront jamais la possibilité de se faire entendre en deuxième instance: ce serait pervertir complètement le processus qui permet la revendication et qui permet de traiter les demandes individuelles. On doit respecter la convention internationale qui demande de traiter les demandes individuelles et non pas baser les décisions sur le groupe, la catégorie ou l'origine, ce qui pervertirait complètement le processus.
    On ne se chicanera pas sur ce sujet. Ça va.

[Traduction]

    Monsieur Mooney, si je ne m'abuse, vous avez déjà travaillé pour CIC. Avez-vous déjà travaillé pour Citoyenneté et Immigration Canada auparavant?
    Non, je n'ai jamais travaillé pour Citoyenneté et Immigration.
    Ah bon, très bien.
    C'était mon collègue.
    Ah bon, c'était M. Morson.
    Croyons-nous que chaque cas a ses particularités?
    Le droit à l'immigration se fonde sur une demande faite par un particulier. Ainsi, dans chacun des cas, qu'il s'agisse d'une demande du statut de réfugié ou d'un permis de travail, chaque demande doit être considérée sur ses propres mérites. Je ne connais aucun processus d'immigration axé sur la délivrance d'un groupe de documents d'immigration.
    Estimons-nous alors que la meilleure façon de contrôler le flux de demandes de réfugiés non fondées serait d'appliquer une politique comme celle que nous appliquons et comme celle que j'appliquais par le passé, c'est-à-dire un visa, plutôt que de dire qu'un pays est, « Soit dit en passant, ne vous en faites pas, c'est un pays sûr? »
(1835)
    Nous pensons que nous pouvons nommer un pays comme étant sûr mais qu'il ne s'agit pas d'une désignation absolue et que dans chaque pays il pourrait y avoir des raisons pour lesquelles une population pourrait être à risque. La désignation de pays sûr devrait indiquer à un agent de réexamen qu'une demande d'asile politique déposée par un citoyen du Royaume-Uni, par exemple, serait tout simplement fausse, tandis qu'une demande faite par une citoyenne du Royaume-Uni mariée à un agent de police et qui prétendrait être battue par son conjoint ne serait pas fausse.
    Ce que je veux dire c'est que, pourquoi faut-il se donner la peine d'établir une désignation pour un pays si chacun des dossiers est particulier? Nous pourrions affecter davantage de ressources à la SAR, la Section d'appel des réfugiés. Je fais confiance à la SAR, même si tout ce qui la concerne n'a pas été appliqué pour les raisons mentionnées, mais je pense qu'elle fait un excellent travail. Alors, j'accepterais qu'on interjette appel à la SAR, mais alors pourquoi se donner la peine de dire que tel ou tel pays est sûr lorsque nous savons qu'il pourrait y avoir des cas qui sont vraiment particuliers? Pourquoi ne mettrions-nous pas l'accès sur une commission d'appel fondée sur des principes humanitaires plutôt que sur le statut de réfugié?
    Comme vous, je crois au prolongement du délai. Huit jours c'est beaucoup trop court. Peut-être que 30 jours c'est trop, mais ça pourrait être 15 jours. Peu m'en faut. Mais il faut un délai raisonnable parce que chaque dossier est distinct et nous sommes tous au courant des traumatismes psychologiques et des divers problèmes.
    Si on veut être davantage efficace, ne pensez-vous pas que plutôt que de mettre une étiquette sur un pays, il vaudrait beaucoup mieux suivre le processus avec les ressources requises?
    Selon notre expérience, bon nombre de ces fausses demandes de réfugié constituent des copies carbones les unes des autres. Et ce type de demandes évoque habituellement une forme de persécution politique dans des pays où il n'y a pas de persécution politique.
    Oui, vous et moi sommes d'accord pour dire que les victimes ne sont pas ces vautours, les soi-disant conseillers en immigration, par exemple, ou bien des avocats si vous préférez ce terme.
    Mais il faut tenir compte des gens de façon respectueuse et ne pas dire qu'ils font de fausses demandes. Peut-être n'ont-ils pas eu le choix? Peut-être que si nous avions un processus nous permettant de cibler les conseillers plutôt que ceux qui font de fausses demandes d'asile, cela fonctionnerait mieux.
    Ce que je veux dire, c'est que dans le système actuel énormément de temps et d'énergie sont consacrés au traitement de chaque demande lorsque les arguments de chacune de ces demandes sont identiques à ceux de centaines d'autres demandes qui ont été refusées. En d'autres mots, il ne s'agit pas de demandes d'asile fondées.
    Alors, si vous voulez appeler ça « un pays sûr » ou plutôt « une meilleure méthode de traitement », je suppose que c'est une question de terminologie.
    Merci monsieur Mooney.
    C'est au tour de M. St-Cyr de poser des questions.

[Français]

    Merci de votre présence.
    En ce qui concerne le Centre justice et foi, j'ai compris que vous vous opposiez, comme nous, au principe des pays désignés. En fait, la très grande majorité des gens qui se sont présentés à ce comité ont dit que ce principe était inacceptable à la base, qu'il était inacceptable que les gens aient des droits différents en fonction de leur pays d'origine. Ils disaient donc qu'il y avait là quelque chose de particulièrement repoussant.
    Par contre, un certain nombre de témoins et certains députés autour de la table tentent d'arranger cela en prévoyant des critères spécifiques, des consultations avec des panels d'experts, des modalités quelconques. Croyez-vous que la question des pays désignés relève d'un processus, ou tout simplement d'un principe fondamental, peu importe ce qu'on pourrait mettre autour de cela, que fondamentalement cela va rester inacceptable?
    Comme on le disait tout à l'heure, c'est une question de discrimination, c'est-à-dire ce sur quoi on s'appuie pour décider que, dans le cas d'un tel pays, parce que des personnes viennent de ce pays, de cette région ou de ce territoire, la revendication de demandeur d'asile ne serait pas valable. Même la Convention de Genève l'a déjà statué pour les enjeux en Europe. On croit aussi que ce sera plus difficile pour les femmes, par exemple, dans les cas de violence conjugale, de pouvoir faire valoir la répression qu'elles vivent parce que leur pays d'origine aura été désigné.
    Il y a aussi tout le jeu de la diplomatie qui va se pratiquer entre les pays qui voudront être sur cette liste parce que, s'ils n'y sont pas, ça signifie que le Canada a un problème vis-à-vis d'eux. Donc, il y aurait ingérence aussi.
(1840)
    Quand on met en place une section d'appel ou un processus d'appel quelconque, on présume que c'est parce qu'il y a des possibilités d'erreurs et que les conséquences de ces erreurs sont graves. Dans ce qui est présenté par le gouvernement, on décide d'exclure du processus d'appel des pays où la situation est manifestement moins claire et où, dans la plupart des cas, semble-t-il, il n'y aurait pas de persécution. Or cela m'apparaît un peu paradoxal.
    Par exemple, prenons le cas d'une personne gaie qui est venue d'Iran. Tout le monde pourrait conclure très rapidement qu'il y a de réels risques qu'elle soit victime de persécution. Si elle vient de Pologne, c'est moins évident, c'est moins clair.
    Finalement, le gouvernement retire le droit d'appel dans les situations où c'est moins clair et où, à mon avis, il y a le plus de risques d'erreur. Partagez-vous cette analyse, à savoir que c'est plutôt paradoxal de priver de la possibilité d'appel les gens dont les dossiers seront les plus difficiles à déterminer?
    Oui, on est entièrement d'accord sur cela. C'est notre point de vue.
    Je voudrais ajouter qu'il est très important de se dire que la demande de refuge doit être analysée en profondeur. C'est le processus même de la revendication du statut de réfugié que de regarder les éléments de preuve propres à chacune des personnes.
    Actuellement, le projet de loi nie cette procédure fondamentale qu'est la revendication du statut de réfugié. On avait promis, dans la Loi sur l'immigration, une section d'appel qu'on a dénoncée à de nombreuses reprises car il ne permettait pas un processus de détermination juste et équitable. Or on arrive avec un projet de loi qui ne règle à peu près rien.
    Un grand nombre de pays et, donc, de personnes parmi les plus vulnérables vont se trouver privés du mécanisme fondamental de pouvoir faire appel d'une décision qui aura été déterminée par une personne. On a déjà analysé — combien de fois — et dénoncé le fait que la décision d'une seule personne est beaucoup plus risquée si l'évaluation ne peut être révisée. Si on exclut un grand nombre de pays, et donc de revendicateurs, on touche à quelque chose de fondamental dans l'idée même de réformer la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
    Il y a aussi eu bon nombre de discussions au sujet des délais. Dans son projet de loi originel, le gouvernement parlait, par exemple, d'un délai maximal de 8 jours pour l'entrevue. Plusieurs des témoins qui se sont présentés devant le comité ont dit qu'un délai de 28 jours ne fonctionnait pas trop mal. Pourquoi ne pas garder ce délai pour l'entrevue initiale? D'autres parlent de 15 jours ou de 20 jours.
     Est-ce qu'on devrait à tout le moins s'assurer que le délai actuel de 28 jours est préservé? Peut-on se permettre de le raccourcir? Qu'en pensez-vous?
    À mon avis, on doit toujours laisser la chance au coureur. Il faut permettre au demandeur d'asile de « se ramasser ». On oublie que ce sont souvent des gens qui ont vécu des traumatismes. Il faut leur permettre d'avoir les documents dont ils ont besoin pour monter la preuve, rencontrer les conseillers et bien comprendre le système canadien de demande d'asile. Tout cela prend du temps. Parfois, il y a une différence culturelle, une différence entre les systèmes politiques, une différence de société. Tout cela ne se fait pas en huit jours. Même dans le meilleur des cas, c'est impossible. Les gens ont besoin de plus de délais pour pouvoir bien comprendre où ils en s'en vont.
    Madame Garant?
    J'ajouterais que, dans le cas mentionné, soit celui de la Grande-Bretagne, ces délais trop courts ont été contestés devant les tribunaux, parce qu'ils ne permettaient pas de traiter adéquatement les demandes. Pourquoi répéter ici des processus qui ne fonctionnent pas ailleurs, dans d'autres pays?
    C'est impossible de penser qu'en huit jours les gens auront les documents nécessaires. Laissons le temps nécessaire à la récupération et au traitement. De toute façon, on va devoir reporter la cause. Soyons clairs. Le projet de loi essaie de répondre à quelque chose qui est erroné.
    Pourquoi avons-nous un backlog si important? C'est parce qu'il manque des gens pour traiter les demandes, et non parce que le délai est trop long. Il n'y avait pas suffisamment de commissaires pour traiter adéquatement les demandes. Ne déplaçons pas l'origine du problème en provoquant d'autres problèmes.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Madame Chow, la parole est à vous.
(1845)
    Pour ce qui est de la question de justice, comme vous le savez, nous avons un gouvernement minoritaire et si vous examinez les chiffres — avant le départ de M. St-Cyr, mais il reviendra — le Bloc, les néo-démocrates et les libéraux ont la majorité au comité. D'après les questions que vous avez entendues, vous pouvez probablement supposer que les bloquistes et les néo-démocrates seront prêts et inciteront les autres députés à supprimer la désignation de pays sûrs, précisément en raison des inquiétudes de tout le monde.
    Le Conseil canadien pour les réfugiés et bien d'autres organisations ont dit que c'est injuste, que l'on traite les demandeurs de réfugiés de façon différente, surtout les femmes qui craignent d'être victimes de violence familiale et les gais et lesbiennes qui quittent des pays où le fait d'être gai ou lesbienne est un crime quelquefois passible de la peine de mort, et que c'est une chose terrible que d'avoir cette disposition dans le projet de loi.
    Avez-vous l'impression que les partis de l'opposition ont établi un consensus à savoir que cette disposition doit absolument être éliminée du projet de loi C-11?

[Français]

    Oui, comme nous l'avons précisé dans notre mémoire, nous pensons que ça devrait être retiré. Nous espérons que les membres du comité vont faire une recommandation en ce sens.
    Nous savons que, si un grand nombre de personnes avaient été soumises à cette règle, elles ne vivraient pas parmi nous, au Québec ou dans le reste du Canada. En fait, un grand nombre de personnes ont été acceptées malgré le fait qu'elles venaient d'endroits que le Canada pourrait considérer comme pays désignés, catégories désignées ou même comme régions d'un pays. Par exemple, on pourrait très bien déterminer que, dans la République démocratique du Congo, certaines régions sont moins à risque que celles situées à la frontière, notamment, et donc refuser des gens particulièrement vulnérables.
    Je crois que notre intention et celle de bien d'autres groupes est de demander aux députés de tous les partis, particulièrement ceux qui composent la majorité, de retirer à tout prix cet élément du projet de loi.

[Traduction]

    Tous les membres.

[Français]

    J'espère que ce sera un choix unanime et qu'on aura convaincu tous les députés que le fait d'inclure cela dans ce projet de loi constitue le pire des choix.

[Traduction]

    J'aimerais vous poser des questions sur le formulaire de renseignements personnels et sur la procédure, qui est l'audience. Il y a actuellement une étape supplémentaire, l'entrevue, puis il y a l'audience. Si on éliminait l'entrevue et qu'on demandait aux agents d'expliquer le droit des réfugiés; de dire qu'il faut consulter des experts-conseils et des avocats qualifiés en immigration? Les demandeurs obtiendraient de l'information de base qui leur permettrait d'éviter de croire les escrocs. Plutôt que de faire passer uniquement une entrevue, pourquoi ne pas leur donner de l'information d'emblée. Ça permettrait de gagner quatre ou cinq jours. Peu importe, parce qu'il ne s'agirait pas d'une entrevue. Ensuite, le formulaire de renseignements personnels et l'audience auraient lieu dans les 60 à 90 jours.
    Seriez-vous à l'aise avec ça? Pensez-vous que ça faciliterait les choses plutôt que d'avoir une entrevue — qu'il s'agisse de 6, de 12, de 15 ou de 20 jours — au cours desquels les gens ne prendraient pas la mesure de leurs problèmes?
(1850)

[Français]

    Je vous invite simplement à consulter l'annexe du mémoire du Centre justice et foi, soit la partie supérieure de la page 14. Un membre de notre comité a été commissaire à la CISR. Il souligne le problème de la proposition sur l'entrevue, qui est dans le projet de loi. Il dit qu'on doit réduire au minimum cette étape et que la question doit être le plus simple possible, de façon à ne pas entraver ce qui est le coeur du traitement de la demande devant être faite au moment de l'audience.

[Traduction]

    J'aimerais souligner deux éléments. D'abord, nous avons de nombreux contrats juridiques au Canada, surtout des contrats d'emploi, où des particuliers doivent présenter une déclaration dans le contrat indiquant qu'ils ont la possibilité de chercher et d'obtenir des conseils juridiques indépendants avant de signer le contrat. Nous estimons que pour une personne qui présente une demande de statut de réfugié, une déclaration semblable devrait y être incluse. Peu importe que cela leur soit expliqué après 8 ou 30 jours.
    Deuxièmement, nous croyons également que dans le cadre du système actuel, lorsque quelqu'un se présente disant qu'il veut faire une demande de réfugié, il devient prisonnier du système. Dès ce moment-là, le seul choix qui se présente au demandeur c'est de retirer sa demande, de sorte qu'il ne fait plus partie du système. C'est comme acheter un billet de loterie. Même si la chance de gagner un prix est de un sur 38 millions, comme pour le Lotto Max, les demandeurs vont poursuivre leur chance jusqu'à ce que le tirage soit fait.
    Ce qui devrait plutôt se produire à notre avis c'est qu'on devrait donner 30 jours aux personnes qui se présentent à nous, disant qu'elles veulent faire une demande de réfugié pour leur donner le temps de bien réfléchir et d'être sûres que c'est bien ce qu'elle veulent faire. Si après 30 jours elles disent qu'elles ont maintenant obtenu des conseils professionnels sur cette question, on ne devrait pas les considérer comme des demandeurs d'asile. On devrait en fait les considérer comme étant des résidents temporaires. Et s'ils retirent leurs demandes, on pourrait leur donner probablement 30 jours supplémentaires pour quitter le pays sans toutefois les empêcher de revenir. Et leurs dossiers ne seraient pas entachés. Pendant leur séjour ici, ils pourraient même trouver un emploi en tant que travailleurs qualifiés, parce qu'ils en ont besoin. Et ils pourraient même être admissibles à un autre programme d'immigration.
    On devrait utiliser plus efficacement la période avant l'audience, parce que cela éliminerait un grand nombre de demandes qui se retrouvent actuellement dans le système parce que les gens n'ont pas d'autre choix. C'est ce que je vois parmi mes clients continuellement. Ils me demandent, quelles sont mes chances? Si je leur dis qu'ils ont 5 p. 100 de chance, ils pensent tous que c'est mieux que rien.
    Merci monsieur Mooney.
    M. Young a la parole.
    Merci, monsieur le président. J'aimerais partager mon temps avec M. Calandra si ça vous convient.
    Monsieur Mooney, merci d'être ici aujourd'hui.
    Mesdames, merci également d'être venues.
    En vertu du projet de loi proposé, monsieur Mooney, les entrevues pour les demandeurs qui semblent être traumatisés ou vulnérables peuvent être reportées. Par conséquent, si les agents d'entrevue de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié ont la possibilité de reporter les entrevues de cette façon, est-ce qu'un système réformé ne devrait pas viser à ce que la décision concernant une demande soit prise le plus tôt possible dans la plupart des cas où il est évident qu'il y a eu traumatisme ou vulnérabilité?
    Je suis tout à fait d'accord à ce qu'une demande fasse l'objet d'une décision ou qu'il y ait une audience dans les 60 jours. Et je pense que c'est la limite que nous avons tous établie. Rien ne doit retarder le processus, rien ne doit encourager les gens à rester ici trop longtemps. Nous avons cette limite de 60 jours. Tenir une audience après huit jours... De nombreux clients et des personnes m'ont dit que huit jours ne leur suffisent même pas à trouver leur chemin pour se rendre au dépanneur du coin.
    Mais ce n'est pas une audience. C'est une entrevue.
    Même si c'est une entrevue... Vous témoignez devant une personne compétente. Le dernier fonctionnaire ou la dernière personne ayant autorité que le demandeur peut avoir vu était peut-être la personne qui le persécutait, et s'il s'agit d'agents des services frontaliers du Canada, le demandeur est assis devant des personnes armées. Je pense que nous n'avons rien à perdre si nous remplaçons les huit jours en une période dans le cadre du processus et que nous redéfinissons l'objet de l'entrevue. Je pense que ça ne nuit ni au processus ni à l'intégrité. Au contraire, nous leur donnons davantage d'information pour prendre une décision plus éclairée.
    Merci.
    Nous savons que bon nombre de demandeurs souffrent en raison de l'incertitude liée au report des décisions concernant leur statut, quelquefois pendant des mois. De manière générale, n'est-il pas préférable pour les demandeurs que les décisions soient prises rapidement? Est-ce que ça ne leur permettrait pas de continuer à vivre avec plus de certitude?
    Je suis tout à fait d'accord pour dire qu'une décision plus rapide est avantageuse pour les demandeurs, parce qu'on parle de la vie de ces gens. Nous travaillons avec eux quotidiennement. Nous voyons le stress qu'ils subissent alors qu'ils attendent une décision. Dans le bon vieux temps, il n'y a pas si longtemps, certaines de ces personnes attendaient pendant trois, quatre ou cinq ans une décision sans recevoir de lettre. Le stress subi par leur famille... Même si on dit qu'ils sont ici, qu'ils sont bien chanceux, ils ne savent jamais si le lendemain ils recevront un appel disant qu'ils devront quitter le pays.
    Je conviens que des décisions plus rapides ont deux résultats. D'abord, elles réduisent très certainement le stress sur les demandeurs, puis, elles envoient un message clair aux pays où des personnes essaient de profiter du système leur disant que ça n'en vaut pas la peine et qu'ils ne recouvreront pas l'argent qu'ils ont déboursé à ces vautours qui leur permettront d'arriver ici; il est impossible de regagner de telles sommes en si peu de temps. Et ils chercheront un autre pays où il est plus facile de s'installer.
(1855)
    Merci.
    Les demandeurs déboutés devraient-ils avoir accès à de nombreux recours qui essentiellement servent à reporter leur expulsion et à leur donner des arguments pour demeurer au Canada? Est-ce vraiment juste?
    Je ne suis pas au courant des nombreux recours.
    C'est la situation actuellement.
    Certainement, c'est la situation actuellement. De nombreuses personnes entreprennent un long cheminement juridique avec les coûts que cela représente, ce qui fait qu'après quatre ou cinq ans, elles ont dépensé des dizaines de milliers de dollars pour tenter de rester au pays, alors que leurs demandes n'étaient pas assurées dès le début. Je pense que si on réussit bien à la première étape, on peut avoir tout le temps au monde pour les recours.
    Je crois que les recours font exactement cela. Il faut leur donner une chance de veiller à ce que leur cas soit jugé selon leurs mérites, compte tenu de nouvelles preuves qui surgissent, il faut aussi faire en sorte que leur vie ne soit pas mise en danger lorsqu'ils seront expulsés, le cas échéant.
    Combien de fois un cas doit-il être jugé en fonction de ses mérites? Actuellement, le processus peut durer des années, jusqu'à neuf ou dix ans.
    Oui, et souvent les raisons de ces retards ne sont pas attribuables aux demandeurs, mais bien aux processus.
    Parfois, les avocats et les conseillers causent des retards également, n'est-ce pas?
    C'est selon l'étape du processus. Les examens judiciaires sont toujours effectués à l'aide d'avocats. Ils sont à la merci de l'horaire des tribunaux. Au Canada, je crois qu'on dit que tout le monde a droit à un examen judiciaire, alors tout le monde s'en prévaut.
    Je vous remercie.
    Monsieur Calandra.
    Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez du système actuel et des risques d'abus ainsi que de l'obstacle que ces abus représentent pour le processus actuel, l'expulsion de demandeurs déboutés.
    Absolument. Je crois que le Canada est énormément généreux comparativement à n'importe quel autre pays, nos taux d'acceptation étant deux ou trois fois la moyenne des pays occidentaux. De nombreux pays européens ont des taux d'acceptation pour les réfugiés inférieurs à 10 p. 100; le taux du Canada a oscillé entre 40 et 60 p. 100 au cours des 30 dernières années. Le système est clairement contre-productif.
    Permettez-moi de faire une analogie avec la planification urbaine. Si les routes sont congestionnées et que vous tentez de régler le problème en construisant davantage de routes plus larges, vous aboutissez avec davantage de conducteurs et n'utilisez jamais vraiment la capacité au maximum. Parallèlement, une politique généreuse en matière d'immigration, qui accepte beaucoup plus de demandeurs, et de loin, que n'importe quel autre pays de l'Occident, se retrouvera avec un nombre de demandeurs accru et des arriérés constants, voire accrus.
    Je suis heureux de dire que le Canada ne pourra pas mettre de l'ordre dans son système de réfugié ni se débarrasser des arriérés avant d'avoir fait une des deux choses suivantes, ou les deux: soit limiter les prestations à la disposition des demandeurs avant que leurs demandes soient acceptées, prestations comme le droit...
    Il vous reste une minute.
    Je pense que nous l'avons perdu.
    Monsieur Mooney, vous aviez parlé de l'entrevue après huit jours. Vous semblez avoir transformé cette entrevue en une entrevue avec un garde armé ou Dieu sait qui d'autre pourrait être présent à l'entrevue. Si je vous disais qu'il s'agit simplement d'une occasion pour quelqu'un de parler à quelqu'un après avoir vécu une expérience traumatisante comme vous le dites, et le demandeur a l'occasion, comme pour le document écrit après 28 jours, de nous dire ce qui est arrivé — le tout pouvant se faire par écrit ou envoyé dans une bande sonore à quiconque veut représenter le demandeur plus tard. C'est un moyen clair et sans intimidation d'entamer le processus au Canada, de communiquer au demandeur des renseignements sur les options offertes. Alors comment cette démarche ne peut pas être préférable à celle du système actuel qui laisse les gens languir pendant des périodes pouvant aller jusqu'à 28 jours? Dites-vous qu'aucune erreur n'est commise relativement à la demande après 28 jours, que personne ne falsifie ou que le processus est erroné parce qu'il s'agit de 28 jours?
    Vous m'avez posé deux questions.
    Peut-être que vous pourriez répondre à une des deux questions.
    D'accord. Je n'ai jamais demandé le statut de réfugié, mais les réunions et discussions que nous avons eues avec les demandeurs de statut de réfugié indiquent qu'ils ne considèrent pas que leurs premières semaines au Canada soient catastrophiques, mais plutôt absolument époustouflantes. Encore une fois, lorsqu'ils voient un agent pour la première fois, il s'agit d'agents armés, n'est-ce pas? C'est ce que nous avons entendu plusieurs fois. Les gens voient les agents armés comme représentant l'autorité, et ils ne sont pas à l'aise dans le cadre de cette entrevue.
    En même temps, le délai de 28 jours signifie qu'il faut s'en servir pour veiller à ce que les demandeurs comprennent tout ce qu'il y a à savoir; eh bien les 28 jours sont bien utilisés, parce qu'un certain pourcentage ne poursuivent pas les démarches. Nous voyons de nombreuses personnes aux dernières étapes du processus qui n'auraient jamais dû arriver à ce point. Ils sont peut-être venus à titre de travailleurs qualifiés, travailleurs temporaires ou étudiants. Nous voyons beaucoup de ces gens, mais au lieu, ils ont vécu quatre années d'enfer.
(1900)
    Je vous remercie.
    Je suis désolé, je dois tous vous interrompre parce que nous n'avions accordé qu'une heure à votre groupe. Je suis désolé. Nous avions commencé un peu en retard et nous avons eu des problèmes techniques au niveau de la connexion avec M. Anglin à Washington.
    Monsieur Garant, madame Dionne, monsieur Mooney, monsieur Morson et monsieur Anglin... Pouvez-vous m'entendre? C'est dommage, j'imagine. Je suis désolé. C'est malheureux. Mais je veux tous vous remercier d'être venus et d'avoir fait une contribution au comité. Nous vous en remercions. Merci beaucoup.
    La séance est suspendue pour quelques instants.

    Mesdames et messieurs, nous commençons la deuxième heure de notre séance.
     Nous accueillons le ministre de la Citoyenneté, de l'Immigration et du Multiculturalisme, l'honorable Jason Kenney. Il est accompagné du sous-ministre adjoint, Politique stratégique et programme, Les Linklater; le directeur général, Réfugiés, Peter MacDougall; l'avocat-conseil gestionnaire, Équipe juridique pour les réfugiés, Services juridiques, Luke Morton; enfin et surtout, la directrice, Développement des programmes et politiques des droits d'asiles, Jennifer Irish.
    Vous avez tous comparu devant nous au début de ces séances. À l'exception de la dernière heure, qui sera consacrée à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié et à l'Agence des services frontaliers du Canada, nos séances seront terminées. Nous commençons ensuite l'étude article par article.
    Monsieur le ministre Kenney, je présume que vous avez écouté certains des exposés jusqu'à maintenant et que vous aurez quelques remarques à leur sujet. Nous aimerions maintenant entendre ce que vous avez à dire. Je vous remercie d'être là, monsieur le ministre.
(1905)

[Français]

     J'ai lu tous les témoignages du comité, et ce, depuis le début.
    Permettez-moi d'abord de remercier tous les membres du comité pour les efforts remarquables qu'ils ont déployés au cours du dernier mois. Bien que tous les membres du comité ne soient pas favorables à l'ensemble des aspects du projet de loi ou des mesures de réforme proposées, il ne fait aucun doute que les membres ont rempli leurs obligations en tant que législateurs en traitant cet enjeu important et complexe avec une préoccupation évidente.
     Vous avez eu raison de le faire parce qu'en fin de compte, la réforme n'est pas qu'une suite de mots sur un bout de papier. Elle vise les gens, elle vise l'équité, elle vise à rétablir le système d'octroi de l'asile au Canada, qui fonctionne mal depuis de nombreuses années, et ce, afin que nous puissions mieux protéger les personnes qui ont besoin de notre aide tout en empêchant que des personnes abusent de notre générosité.

[Traduction]

    Rappelons-nous la raison pour laquelle nous sommes ici. Pendant de nombreuses années, les gouvernements de diverses allégeances politiques, y compris mon parti, ont décidé de tourner le dos aux graves problèmes qui ont encombré, et même brisé, selon certains, notre système d'octroi de l'asile. En raison d'un arriéré moyen à long terme de 40 000 demandes à traiter, le système force les victimes de torture à attendre plus d'un an et demi pour obtenir la protection du Canada, mais permet aux personnes qui présentent une demande d'asile manifestement fausse d'abuser de notre système, et donc de nos contribuables, pendant de nombreuses années.
    Le président mexicain Calderon nous a rappelé pas plus tard que la semaine dernière les conséquences d'un système d'octroi de l'asile criblé de lacunes, lorsqu'il a dit,
Je sais que certains ont abusé de la générosité du peuple canadien, ont abusé des objectifs nobles du système d'asile à leurs fins, ce qui a mené le gouvernement canadien a exigé des visas pour les voyageurs se déplaçant entre nos deux pays.
    Il a ajouté qu'il espérait que la solution étudiée par le Parlement visant à modifier le droit des réfugiés au moyen d'amendements exhaustifs permettrait de renouveler les échanges entre les deux pays.
    Des solutions temporaires mises à l'essai par le passé ont échoué, comme par exemple, l'injection de plus grands fonds des contribuables pour renflouer le statu quo fragile, mais cet investissement ne nous a pas aidés à désencombrer un système qui est, en toute franchise, trop vulnérable aux abus.

[Français]

    Nous devons donc agir. Le projet de loi C-11 représente une occasion unique de prendre des mesures. Je ne prétends pas que le projet de loi présenté par le gouvernement soit parfait. Cependant, il est le résultat de nombreuses années d'études et de consultations menées par les représentants du ministère, de même que par des experts, dans le but de créer un système d'octroi de l'asile qui soit, pour utiliser les termes de l'ancien président de la commission, Peter Showler, à la fois rapide et équitable.
    Je crois que le projet de loi permet d'atteindre le bon équilibre. Toutefois, comme je le mentionne depuis le début du processus, le gouvernement est disposé à apporter des améliorations réfléchies qui permettront d'atteindre un objectif commun: la création d'un système d'octroi de l'asile rapide et équitable.

[Traduction]

    C'est en mars de l'année dernière que nous nous sommes rendus compte d'un objectif commun, au moment où le porte-parole de l'opposition officielle pour l'immigration, le député de Vaughan, a fait preuve de leadership en se levant à la Chambre des communes pour me demander: « Pourquoi le gouvernement conservateur a-t-il omis de mettre en place un système efficace de détermination du statut de réfugié à l'intention des gens qui en ont désespérément besoin? »
    Sa question reflétait la politique de son parti, qui, dans sa plate-forme électorale de 2008, parlait de l'importance que le gouvernement libéral respecte les engagements internationaux du Canada envers les réfugiés afin de créer un système plus efficace de détermination du statut de réfugié.
    « Je suis enchanté d'apprendre que le député s'intéresse à une collaboration en vue de créer un système plus efficace de détermination du statut de réfugié », lui ai-je répondu. De fait, nous avons collaboré à cette fin.
    Les membres du comité le savent, j'ai consulté bon nombre d'entre eux avant de déposer le projet de loi C-11 afin de solliciter vos idées en vue d'instaurer une réforme équilibrée du système d'octroi de l'asile. À la suite du dépôt du projet de loi, je me suis rendu aux quatre coins du pays pour écouter ce que les intervenants et d'autres personnes intéressés avaient à me dire sur ce sujet.
    Après cette traversée du Canada, j'ai été heureux de constater que presque tous les éditorialistes des quotidiens du pays, ainsi que des dizaines d'intervenants souscrivaient à nos mesures de réforme. J'ai cependant pris note des préoccupations exprimées par quelques groupes comme Christine Morrissey, la fondatrice du Rainbow Refugee Committee à Vancouver et Heather Mantle du Matthew House Refugee Centre à Windsor.
    Lorsque le projet de loi C-11 a fait l'objet d'une deuxième lecture à la Chambre, j'ai écouté attentivement toutes les interventions faites à cet égard. Et je tiens à vous faire savoir que j'ai lu les transcriptions de toutes les séances du comité. Le gouvernement a pris bonne note de la critique constructive formulée pendant tous ces débats et toutes ces consultations. Et nous savons fort bien que nous devons collaborer avec les partis de l'opposition afin de rédiger un projet de loi se faisant l'écho d'un consensus au Parlement. Cependant, je tiens à être clair: nous ne pouvons pas le faire, et nous ne le ferons pas, à n'importe quel prix.
    Au moment où vous entamez l'étude article par article du projet de loi, le gouvernement est prêt à examiner des amendements raisonnables visant à mettre en place un système juste et rapide de détermination du statut de réfugié. Toutefois, si les modifications proposées au projet de loi, par exemple, ralentiront considérablement le processus ou mineront les efforts du gouvernement visant à décourager les vagues de présentation de fausses demandes par des personnes venant de pays sûrs et démocratiques, le gouvernement choisira alors de ne donner suite ni au projet de loi ni aux réformes connexes proposés.
    Les enjeux sont donc élevés. Si les membres du comité choisissent de profiter de cette véritable occasion de mettre en oeuvre une réforme équilibrée pour jouer à des jeux politiques, il est clair que nous serons tous perdants. Nous perdrons une nouvelle Section d'appel des réfugiés à laquelle auront accès la grande majorité des demandeurs d'asile, une Section d'appel bien supérieure à ce qui était envisagé dans la LIPR de 2002. Cela signifie que si le projet de loi échoue à cause d'amendements déraisonnables, aucun demandeur d'asile n'aura accès à la Section d'appel des réfugiés, quelque soit son pays d'origine. C'est un choix qu'entraînerait de tels amendements.
    Nous perdrons la possibilité de protéger les demandeurs d'asile de bonne foi en quelques semaines au lieu de 19 mois, comme c'est présentement le cas. La possibilité de renvoyer les faux demandeurs d'asile dans un délai d'un an environ au lieu de cinq ans et plus, sera perdue tout comme le sera l'économie d'environ 1,8 milliard de dollars de l'argent des contribuables.
    Nous perdrons un programme d'aide au retour volontaire à l'intention des demandeurs déboutés, ainsi que de nouvelles ressources s'élevant à 540 millions de dollars destinés au système d'octroi d'asile, notamment une augmentation de 20 p. 100 du nombre de réfugiés réinstallés accueillis au Canada et une augmentation de 20 p. 100 de l'aide en matière d'établissement accordée aux réfugiés parrainés par le gouvernement. Enfin, il ne sera pas possible de doter la Section de la protection des réfugiés de la CISR de décideurs indépendants plutôt que de personnes placées par nomination politique.
    Chers collègues, je suis persuadé que nous ne perdrons pas ces mesures de réforme progressistes. Je crois que nous sommes capables de travailler ensemble et de faire passer les intérêts du Canada, des contribuables canadiens et des victimes de persécutions avant nos propres intérêts politiques. Et nous le ferons en partie grâce au leadership exercé par l'opposition officielle, dont le porte-parole en matière d'immigration a transmis au gouvernement une série d'amendements convaincants et selon nous, réalisables, à apporter au projet de loi, ainsi qu'aux dispositions réglementaires et aux procédures de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié connexes. Permettez-moi de vous les présenter.
    En réponse à la demande de précisions de M. Bevilacqua, nous avons ajouté l'adjectif « sûr » dans la loi qui porte sur la désignation des pays et précisé avec une plus grande transparence les critères que les pays devront remplir pour être désignés comme des pays d'origine sûrs.
    Nous avons également défini clairement les pouvoirs du ministre dans le processus de désignation. Ces règlements connexes, que j'ai le plaisir de déposer aujourd'hui sous forme d'ébauche, précisent davantage les critères que les pays devront respecter pour être désignés « pays d'origine sûr ». Vous remarquerez que ce projet de règlements qualifie mieux les pouvoirs du ministre et exige que la désignation de pays d'origine sûr ne se fasse que si un groupe consultatif, formé d'au moins deux experts indépendants des droits de la personne, la recommande. Eh bien sûr, comme nous l'avons dit dès le départ, nous prévoyons que l'UNHCR participera à ces désignations.
(1910)
    Ces amendements permettent de dépolitiser le processus de désignation.
    Un deuxième amendement proposé porte sur les demandes pour considération d'ordre humanitaire. Nous présentons un amendement qui permettrait aux demandeurs de retirer leurs demandes d'asile avant une audience devant la Section de la protection des réfugiés et de présenter une demande pour considération d'ordre humanitaire. Ainsi, ce problème serait réglé au départ, et les gens pourraient présenter leurs demandes dans la catégorie qui convient.
    Un troisième amendement à la loi porte sur le transfert de la fonction d'examen des risques avant le renvoi de mon ministère à la CISR. Étant donné que c'est la commission qui prend actuellement la plupart des décisions relatives à l'examen des risques, nous croyons, comme bon nombre d'experts, qu'il serait logique que cette fonction d'examen des risques soit centralisée à la commission.
    Le porte-parole de l'opposition officielle pour l'immigration défendait l'opinion d'un bon nombre de personnes selon lesquelles les délais prévus pour l'entrevue et l'audience initiales étaient trop brefs. Je ne partage pas cette opinion. En fait, j'estime que les délais proposés sont plus longs que dans tous les systèmes comparables, ou presque — par exemple dans les système d'Europe de l'Ouest et c'est à ces système que nous devons nous comparer pour nous évaluer. Mais pour favoriser un consensus sur ces réformes, j'ai pris la décision difficile d'accepter les recommandations de M. Bevilacqua et d'écrire à la commission dans le but de signaler et de faire passer le délai relatif à l'entrevue de collecte d'information de 8 à 15 jours et le délai relatif à l'audience initiale de la SPR de 60 à 90 jours. Nous avons écrit au président de la CISR pour recommander ces changements et exprimer notre préférence, et il y a réagi de façon positive, comme vous le constaterez dans la lettre qui a été déposée auprès du comité.
    Je vais maintenant conclure, monsieur le président.
    Je tiens à clarifier un point. Ensemble, ces amendements sont des changements importants au projet de loi, aux procédures et aux règlements et donnent suite à la plupart des préoccupations clés formulées par les députés et les groupes d'intérêt. Bien que, honnêtement, je me préoccupe du fait que certaines de ces mesures puissent aller trop loin, ce qui pourrait nuire à l'équilibre que nous avions espéré, je sais que le gouvernement doit consentir à faire des compromis pour que la Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés puisse aller de l'avant. Ainsi, nous accepterons ces amendements puisque cela est dans l'intérêt commun de le faire.
(1915)

[Français]

    Enfin, j'aimerais vous remercier de faire un travail si remarquable. Plus particulièrement, j'aimerais souligner les efforts du député de Vaughan, qui se fait l'ardent défenseur de la tradition d'équité et de justice de son parti tout en faisant preuve du leadership dont nous avons besoin pour que ce Parlement minoritaire puisse prendre des décisions dans l'intérêt de tous les Canadiens et de toutes les Canadiennes.
    Je suis maintenant disposé à répondre à vos questions.

[Traduction]

    Merci, monsieur le ministre.
    Comme vous pouvez l'imaginer, nous avons des questions à vous poser. C'est le cas de M. Coderre.
    Je vous laisse la parole, monsieur.

[Français]

    Merci, monsieur le président. Je vais partager mon temps de parole avec M. Karygiannis.
    Monsieur le ministre, vous avez beau féliciter et remercier l'opposition officielle, vous essayez d'une certaine façon, par des menaces à peine voilées, de dire que si ça ne fonctionne pas, il n'y aura pas de loi.
    On a entendu beaucoup de choses auxquelles on est favorables. Il faut changer les délais, on en convient. Il faut s'assurer que le processus mettra en place une section d'appel, on en convient. Toutefois, on est confrontés à la réalité selon laquelle chaque cas est spécifique. Si on met en place une liste de pays sûrs, cela signifie qu'à partir de maintenant, on mettra une étiquette sur chaque pays. Il s'agit ici d'un règlement. Vous pouvez toujours changer le règlement. Même si on met sur pied un comité qui déciderait — et on peut toujours dire que ce n'est pas politique —, il n'en demeure pas moins que l'on accepte maintenant le principe selon lequel chaque cas n'est plus spécifique ou unique.
    J'ai posé des questions à votre collègue. Des gens que je connais font un travail remarquable, dont M. MacDougall. Je lui ai posé une question alors que je connaissais un peu la réponse. Il a précisé que si on veut régulariser le flot de gens qui voudraient abuser du système, cela passe par l'imposition de visas. Vous l'avez déjà fait notamment pour le Mexique.
    Admettons que l'on soit favorable à tous les points, sauf un. Du moins, c'est mon cas. Personnellement, je n'approuve pas l'imposition d'une liste de pays sûrs. Dois-je comprendre que si on biffe l'article 109.1 proposé, mais qu'on approuve tout le reste, vous allez retirer le projet de loi? Je ne propose pas d'amendements qui vont changer les choses. Je suis favorable à la plupart des amendements. On en a discuté et cela reflète ce que les témoins ont dit. Vous dites que si l'article 109.1 proposé, qui a trait à l'établissement d'une liste de pays sûrs, ne s'y trouve pas, vous êtes prêt à « scraper » l'ensemble de la loi et ne pas aller de l'avant. Est-ce exact?
    Oui. J'ai répondu à cette question que Mme Chow a aussi posée. J'ai dit que sans une accélération du processus pour tenir compte des membres provenant des pays démocratiques et sûrs, sans un outil pour faire face à la vague de fausses demandes d'asile de personnes provenant de pays sûrs, on ne peut pas pousser plus loin le projet de loi, parce qu'on va perdre cet équilibre qui est absolument essentiel.
    Je vous rappelle, monsieur Coderre, que vous-même, en tant que ministre, avez décidé de ne pas mettre en vigueur une section d'appel des réfugiés. Votre gouvernement a pris cette décision. En conséquence, aujourd'hui, aucun demandeur débouté n'a accès à une section d'appel. Nous proposons d'ajouter une section d'appel pour la grande majorité des cas. Selon la position du gouvernement antérieur, même les ressortissants de la Corée du Nord et de l'Iran ne pouvaient pas accéder à la Section d'appel des réfugiés. Selon notre position, tous ces gens y auront accès. Je constate le progrès.
    De plus, depuis les réformes, une seule catégorie de ressortissants n'a pas même accès à une audience qui considérerait leur demande. Il s'agit des ressortissants des États-Unis, selon l'Entente entre le Canada et les États-Unis sur les tiers pays sûrs.
    C'est vous qui, en tant que ministre, avez signé cette entente et qui avez dit que certains ressortissants n'auraient même pas accès à une audience. Donc, je trouve qu'il y a une certaine incohérence dans votre position quant à cette section du projet de loi.
(1920)
    Monsieur le ministre, avec tout le respect que je vous dois — j'ai même posé cette question à M. MacDougall —, je dois dire qu'on fait une distinction très nette entre ce dont il est question dans le projet de loi et cette entente sur les tiers pays sûrs. En fait, les États-Unis ont signé la Convention de Genève de 1967, sous les auspices et sous le parapluie du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. On avait travaillé en conséquence. Vous vous en souviendrez, on en avait discuté à bâtons rompus. De toute façon, on avait des politiques d'exception qui nous permettaient d'appliquer des mesures d'exception.
    Vous faites diversion. Comme l'a dit avec raison M. MacDougall, l'entente sur les tiers pays sûrs est une chose complètement différente de cette liste disant qu'un tel pays est sécuritaire. Au fond, vous voulez réparer l'erreur que vous avez commise face au Mexique en imposant un visa. Vous êtes aux prises avec cette erreur et vous ne l'assumez pas politiquement. Vous voulez corriger cela en mettant sur pied une telle liste grâce à laquelle vous pourrez dire que le Mexique est finalement un pays sûr et régulariser davantage les ressortissants de ce pays. Vous n'avez pas besoin de changer la loi pour régulariser le flot de réfugiés. Quand on a cessé d'être au pouvoir, il y avait 20 000 cas de statut de réfugié, et maintenant vous en avez 60 000.
    Il faudrait mettre en avant une réglementation et assumer le geste politique, mais vous êtes quelqu'un qui assume les politiques. Vous prenez des décisions et vous les assumez. Si on a une politique de visas qui fonctionne très bien, vous pouvez régulariser le flot de ce que vous appelez les faux réfugiés. On l'a fait notamment lorsque j'ai imposé le visa au Costa Rica.
    Monsieur le ministre, je sais que vous voulez développer votre héritage. Chaque ministre cherche à étaler ses réalisations. Toutefois, pourquoi ne pas mettre en place un système par la voie d'une réglementation qui donnera la possibilité de porter une cause en appel et qui permettra de meilleurs délais? Vous l'avez dit, vous avez vanté avec raison mon collègue de Vaughan — car il y a un peu de nous là-dedans. Vous avez déjà des outils pour atteindre cet équilibre par rapport aux visas, M. MacDougall nous l'a dit avec raison. Alors, qu'est-ce qui vous dérange dans le fait de mettre cela de côté et d'adopter le reste pour avoir un processus?
    Monsieur le président, M. Coderre a raison. On peut utiliser l'outil des visas de façon universelle, comme l'Australie, et l'imposer à tous les pays. Personnellement, je ne crois pas que ce soit dans l'intérêt du Canada. On peut voir les réactions négatives au sujet du Mexique et de l'Union européenne.
    En même temps, on doit être cohérent. La semaine dernière, le porte-parole du Parti libéral en matière de tourisme, M. Bains, a dit qu'il fallait retirer le visa imposé au Mexique. M. Coderre indique que l'on doit imposer les visas à plusieurs autres pays. On a besoin d'un outil qui se situe entre les deux.
    Vous avez mentionné que l'arriéré des demandes d'asile était de 20 000 cas sous l'ancien gouvernement. La moyenne, au cours de la dernière décennie, était de 40 000 cas. En 2004, c'était plus de 50 000 cas. Enfin, je vous rappelle que votre chef a dit:

[Traduction]

    Il y a un certain nombre de pays en provenance desquels nous ne pouvons pas accepter des demandes d'asile de bonne foi du fait qu'elles ne sont pas fondées, que les demandes provenant de ces pays ne sont simplement pas fondées. C'est à la fois dur et simple, mais dans le cas contraire, nous recevrons des demandes d'asile frauduleuses et personne ne le souhaite.

[Français]

    Personnellement, je ne suis pas d'accord avec votre chef. Je crois qu'il va trop loin dans sa politique pour prévenir une audience...

[Traduction]

    D'accord.

[Français]

    ... même dans le cas d'une audience pour un demandeur. Nous proposons tout simplement l'accélération du traitement.

[Traduction]

    Merci, monsieur le ministre.
     Monsieur Coderre, nous devons passer à M. St-Cyr.
    Je vous laisse la parole, monsieur.
(1925)

[Français]

    Merci.
    Monsieur le ministre, dans votre réponse à M. Coderre, vous avez parlé de la nécessité d'avoir un mécanisme, un outil pour accélérer le traitement des demandes et pour prévenir d'éventuels cas de fraude organisée par des personnes qui veulent « abuser » de la générosité de notre système.
    Lors de nos séances, un bon nombre de groupes de différents horizons, d'avocats, de représentants de toutes sortes, ont mentionné et mis en avant un autre outil. Cet outil, qui n'est pas une liste de pays désignés, permettrait plutôt à l'Agence des services frontaliers du Canada d'isoler les cas à être traités par la CISR en priorité. Ces cas pourraient être relatifs à un individu, ou encore à des groupes déterminés sur la base de critères nationaux. Ces gens auraient les mêmes droits, mais leur dossier serait véritablement traité rapidement. Ainsi, s'il s'agissait d'une situation d'abus, comme on l'aurait soupçonné dès le départ, ils seraient retournés rapidement dans leur pays d'origine.
    Ce système, selon la plupart des gens, et selon moi aussi, permettrait d'être plus juste, de ne pas porter l'odieux d'avoir à accorder des droits différents en fonction du pays d'origine. En plus, on éviterait que des affaires soient portées devant la Cour fédérale du Canada par des gens qui veulent contester ou faire un deuxième appel, comme c'est le cas actuellement, parce qu'ils considèrent qu'ils n'ont pas eu la chance de faire valoir leurs droits.
    Vous qui avez lu de façon exhaustive toutes nos interventions, seriez-vous prêt à considérer, si le comité le jugeait à propos, ce mécanisme d'accélération basé sur les demandes individuelles, à la place d'un mécanisme basé sur une liste et sur la privation du droit d'appel pour certains individus en fonction de leur pays d'origine?
    Vos propos sont très intéressants, monsieur St-Cyr. Je remarque que ce système s'apparente à plusieurs systèmes mis en place en Europe occidentale. Ce genre de processus comporte une entrevue qui a lieu immédiatement après le dépôt d'une demande, ce qui permet à un agent frontalier de faire une détermination préliminaire.
    J'ai examiné toutes les options par rapport à ce problème de fausses demandes provenant de pays que nous considérons comme étant sûrs, y compris cette idée. Cependant, les avocats du gouvernement m'ont assuré que l'adoption d'un tel système serait ultra vires. Ça irait à l'encontre de la Charte canadienne des droits et libertés et de l'arrêt Singh de la Cour suprême du Canada de 1985. Selon la jurisprudence qui a résulté de cette décision, nous sommes obligés d'accorder une audience à chaque demandeur. Le système que vous proposez est donc ...
    Excusez-moi de vous interrompre, mais ce n'était pas de ça que je parlais.
    La proposition qui a été faite entre autres par le Conseil canadien pour les réfugiés et qui a été reprise par le Barreau du Québec et par l'association du Barreau canadien était tout autre. Ils proposaient, plutôt que de créer une liste de pays désignés, de permettre à l'Agence des services frontaliers du Canada de cibler les cas qui leur semblent douteux, afin que la CISR puisse les traiter en priorité, de la même façon, en accordant le même droit d'appel, en employant les mêmes procédures, mais de façon accélérée. Ainsi, on pourrait régler ces cas avant de traiter les dossiers de demandeurs qu'on juge qu'il est plus probable que ce soient des vrais demandeurs.
    Cette alternative faisait l'objet d'un vague consensus, et vous l'avez probablement lu dans les rapports suivant nos séances. Est-ce un outil que vous seriez prêt à considérer, à tout le moins?
    Monsieur St-Cyr, nous croyons qu'avec le système proposé et les modifications qui seraient apportées, tout le monde pourrait rapidement obtenir une audience, soit dans un délai de 90 jours. Également, l'agent de la CISR qui procéderait à l'entrevue préliminaire pourrait proposer un traitement accéléré pour les individus qui semblent clairement être des réfugiés de bonne foi qui ont besoin de notre protection. Je crois que nous avons déjà prévu dans la réforme la considération des spécificités de chaque cas.
    Depuis le début, nous avons un système sans section d'appel. Nous ajoutons une section d'appel. Personne ne sera perdant avec le nouveau système.
(1930)
    Oui, parce que vous fermez une foule d'autres portes. Il y a les considérations humanitaires qu'on ne peut plus utiliser, l'examen des risques avant le renvoi, le permis de séjour temporaire. Donc, il y a toute une série de portes que l'on ferme. La première étape n'est plus menée par des commissaires, mais par des fonctionnaires. Il me semblait qu'il y avait un équilibre à partir du moment où tout le monde avait droit à la Section d'appel des réfugiés, c'est-à-dire qu'on offre une section d'appel à tout le monde mais, en échange, on va fermer la porte aux motifs humanitaires, aux séjours temporaires, on va fermer la porte pour ce qui est de l'ERAR.
    Par contre, on ne peut pas fermer une foule de portes et ne rien donner en échange. Donc, à mon sens, il serait préférable de trouver un mécanisme d'accélération qui donnerait à tout le monde accès à un véritable appel.
    Monsieur St-Cyr, je vous rappelle que, dans le cadre du système d'octroi de l'asile en Europe occidentale, par exemple au Royaume-Uni, une personne a un droit d'appel après avoir été renvoyée à la frontière. Elle peut donc faire appel sur papier après avoir quitté le pays. Par ailleurs, dans plusieurs autres pays, il n'y a aucun droit d'appel. Il n'y a aucun droit d'appel au Canada, mais nous ajoutons un droit d'appel pour la grande majorité des gens.
    Vous dites, monsieur le ministre, que c'est une amélioration. Si une personne provient d'un pays désigné, elle n'aura pas accès à l'appel et elle n'aura plus accès à la demande pour motifs humanitaires, ni au permis de séjour temporaire, ni à l'examen des risques avant renvoi. Donc, pour cette personne, c'est quand même moins.
    Je comprends qu'on veuille accélérer le processus, mais à la base, c'est faux de dire que tout le monde va au moins y gagner. Il y en a qui vont y perdre.
    Je ne comprends pas ce problème que vous pose le concept de désignation de certains pays. La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés est remplie de désignations de pays: les désignations des pays sûrs pour les réfugiés dans leurs propres pays, les désignations de moratoires temporaires sur les renvois, les désignations des pays dans lesquels le visa est obligatoire, etc. Il y a déjà beaucoup de désignations. Nous continuons à adopter les mêmes principes légaux, soit ceux qui sont au coeur de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
    Dans ce cas-ci, on prive de droits une partie des gens en fonction de leur pays d'origine. Dans bien des cas les plus problématiques, on se retrouve à retirer le droit d'appel.
    Dans le cas des personnes qui proviennent d'Iran et qui prétendent être persécutées, les risques d'erreur sont faibles, car tout le monde s'entend pour dire qu'il y a beaucoup de persécution dans ce pays. Par contre, dans le cas des gens qui proviennent de Pologne et qui disent être persécutés parce qu'ils sont homosexuels, il y a plus de risques qu'on ait des difficultés et il y a plus de risques que des erreurs soient commises. C'est là qu'une section d'appel serait le plus utile.
    Je vous ai posé la question la première fois que vous avez témoigné devant le comité, monsieur le ministre. Vous avez désigné une liste de pays où c'est très peu probable, selon vous, que les gens soient des réfugiés. Si ces gens obtiennent le statut de réfugié, votre projet de loi fait en sorte que vous renoncez à votre droit d'en appeler. Selon votre loi, vous renoncez au droit d'en appeler dans le cas de gens admis provenant de pays où, selon vous, il est peu probable qu'il y a ait de la persécution. Finalement, c'est comme d'admettre que vous êtes...

[Traduction]

    Pourriez-vous conclure?

[Français]

    ... prêt à vivre avec des erreurs, et ce, simplement afin d'accélérer le processus. Vous êtes prêt à vivre avec ces erreurs pour accélérer le processus.
    Non. Comme je l'ai dit, monsieur le président, nous proposons un système qui va au-delà de nos obligations en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, de la convention, des obligations internationales. Tout le monde aura accès à la Section d'appel des réfugiés, même les ressortissants des pays désignés sûrs. À la cour fédérale, la grande majorité des gens gagneront un appel de fait auprès de la Section d'appel des réfugiés qui n'existe pas actuellement, et qui n'existera pas si des changements immodérés sont apportés à ce projet de loi.

[Traduction]

    Merci, monsieur le ministre et monsieur St-Cyr.
    Madame Chow.
    Que pensez-vous de l'idée d'éliminer les étapes superflues, comme l'entrevue? Au lieu de tenir une entrevue, un agent pourrait décrire aux arrivants le processus de détermination du statut de réfugié, les catégories de la destination, les motifs d'ordre humanitaire ou les travailleurs temporaires, leur indiquer où ils peuvent trouver un avocat ou un conseiller qualifié. Les agents pourraient fournir cette information aux personnes qui souhaitent demander asile. Cela pourrait se limiter à cela. Cela éliminerait ce processus. Si quelqu'un demande l'asile, on lui donne un formulaire, on lui laisse trouver un avocat ou quelqu'un d'autre, cette personne remplit le formulaire et se présente à une audience. Pourquoi ne pas procéder de cette façon? Pourquoi avoir une audience supplémentaire? On dit qu'il s'agit d'une entrevue, mais quel que soit le nom qu'on lui donne, c'est presque une audience, car la personne est interrogée. Quel que soit le délai prévu, qu'il soit de huit jours, dix jours ou vingt jours, il n'est pas facile de présenter l'information demandée si on ne l'a pas obtenue en totalité.
    En outre, il y a le formulaire de renseignements personnels, le FRP, dans lequel les demandeurs peuvent expliquer leur cas. Vous avez parlé du Royaume-Uni, et j'ai remarqué que le Royaume-Uni avait éliminé le FRP, mais que l'UNHCR avait demandé son rétablissement parce que son usage permet d'orienter l'audience. Alors pourquoi éliminer ce FRP? Pourquoi ajouter une autre étape et tenir une entrevue tout au début du processus?
(1935)
    Nous estimons qu'il s'agit d'une rationalisation du processus plutôt que de l'ajout d'une étape. D'après nous, et cela correspond aux conclusions du ministère après avoir consulté la CISR et les experts, après avoir analysé la question pendant des années, les gens n'ont pas à l'heure actuelle... Tout d'abord, je vous rappelle que lorsque les gens arrivent, ils subissent dans la vaste majorité des cas une entrevue avec un agent de l'ASFC, un agent d'exécution des lois, au point d'entrée. Nous avons parlé de...
    Mais l'information ainsi obtenue n'est pas utilisée dans les audiences.
    Cette information figure dans leur dossier. C'est l'information qui est recueillie par un agent en uniforme. Les gens qui arrivent sont traumatisés. À peine débarqués de l'avion, on les fait asseoir dans des salles closes — et je les ai visitées, ces salles — qui à vrai dire ressemblent à des salles d'interrogatoire. Puis on leur pose des questions au sujet de leur demande. Toute cette information est versée à leur dossier. Elle sert à l'examen d'admissibilité, et elle figure en totalité au dossier.
    Ce que nous proposons, c'est que l'on utilise moins cette information et qu'au lieu de tenir une audience ou un interrogatoire, un fonctionnaire de la CISR formé à cette fin intervienne. Ce fonctionnaire expliquerait au nouvel arrivant comment le processus fonctionne, il examinerait la nature de la demande et aiderait l'arrivant à comprendre de quoi il aura besoin. Il pourra conseiller l'arrivant sur la façon de trouver un avocat, au besoin. Si l'arrivant a besoin d'une recommandation en vue d'une audience ultérieure...
    Cela remplace-t-il le FRP ou s'y ajoute-t-il?
    Cela remplace le FRP...
    Pourquoi le remplacer?
    L'entrevue de triage remplace le FRP, même si cette entrevue produira un formulaire semblable au FRP, qui sera rempli par la personne chargée de l'entrevue. Ce formulaire accompagné de la bande d'enregistrement pertinente, sera fourni au demandeur qui aura la possibilité d'apporter des modifications subséquentes à l'information fournie, et ce, environ jusqu'à 20 jours avant la date de l'audience. Cette audience, d'après l'échéancier que nous proposons, aurait lieu 70 jours après le début du processus.
    Pourquoi ne pas fournir l'information à l'arrivant? Il est très difficile dans une entrevue de demander à quelqu'un qui a été torturé de décrire sa situation, car cela demande souvent deux ou trois entretiens, l'établissement de rapports avec cette personne avant qu'elle puisse en parler à un avocat ou à un conseiller, avant qu'elle puisse rédiger son récit. Pourquoi ne pas demander aux arrivants d'écrire leur propre récit, plutôt que d'imposer une entrevue? Il s'agit d'un processus entièrement différent.
    Les arrivants rédigent eux-mêmes leur récit.
    Je ne comprends pas ce que cela a à voir avec...
    Disons les choses franchement. Il s'agit parfois de personnes illettrées. Ces personnes ne sont pas en mesure de rédiger leur récit; elles sont en mesure d'expliquer leur situation dans leurs propres mots et de modifier par la suite leur récit, parfois sur les conseils d'un avocat. Pourquoi penser qu'un fonctionnaire spécialement formé qui travaille à la Commission du statut de réfugié se montrera agressif ou hostile envers un réfugié véritable ou n'importe quel demandeur?
    À l'heure actuelle, l'arrivant présente sa demande d'asile au point d'entrée. On l'amène dans une salle d'interrogatoire et il est interrogé par une personne en uniforme. On lui donne ensuite un formulaire et on lui dit qu'on communiquera avec lui. Cet arrivant ne rencontre un fonctionnaire de la CISR qu'après 19 mois.
    Eh bien, ce délai pourrait être de 60 ou 90 jours. Ce serait plus rapide.
    Dans le système que nous proposons, un fonctionnaire de la CISR fournirait à l'arrivant l'information normalisée au sujet de son pays d'origine, ce que l'arrivant peut discuter ou contester. On lui remettra un enregistrement de l'entrevue. On lui donnera également un FRP, qui contiendra le résultat de l'entrevue. Il sera possible de reporter l'entrevue à plus tard si l'arrivant a besoin de counselling parce qu'il a subi un traumatisme ou de la tenir plus tôt s'il s'agit d'un demandeur véritable dont la demande peut être acceptée plus rapidement.
    Nous croyons que ce nouveau système permet une intervention positive qui aide les demandeurs et rend le système plus efficace.
(1940)
    Permettez-moi d'aborder une autre question.
    Par le passé, combien de demandeurs ont eu l'avantage d'être entendus par un tribunal composé de plus d'un membre en raison de la complexité de leur cas? Il arrive à l'occasion que le tribunal soit composé de plus d'un membre, n'est-ce pas? Dans les années 1980, les tribunaux étaient généralement constitués de trois membres. Ce nombre a été ensuite réduit à deux, puis à un. Si la Section d'appel est devenue nécessaire, c'est qu'on a réduit de trois à un le nombre des membres des tribunaux.
    Savons-nous combien de cas de ce genre il y a eu? Y en a-t-il eu du tout? Deux ou trois, peut-être?
    D'après mes fonctionnaires, il y en a eu très peu, mais nous pourrons vous communiquer le nombre exact.
    Il n'y en a donc pas eu un nombre important.
    Permet-on encore que le tribunal soit composé de plus d'un membre dans ces cas complexes?
    Il existe une disposition à cet égard. En fait, cette entrevue d'enquête sert entre autres à déterminer la complexité du cas.
    Et le projet de loi n'élimine pas cette entrevue?
    Non, c'est exact.
    D'accord. Je voulais simplement obtenir cette précision.
    Votre temps est écoulé, madame Chow. J'en suis désolé.
    Passons à Mme Wong. Merci.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur le ministre.
    J'ai reçu des commentaires très positifs des communautés de ma région au sujet de cette réforme.
    Vous avez dit que vous étiez prêt à faire des compromis sur un certain nombre de sujets. J'ai deux questions, auxquelles vous pourrez répondre tous ensemble.
    Le gouvernement sera-t-il encore en mesure d'adopter une réforme équilibrée et juste à son système d'asile après avoir fait ces compromis? Et deuxièmement, pourquoi avez-vous modifié vos recommandations au sujet des délais? Cela risque-t-il de compromettre la rapidité du système?
    J'aimerais entendre vos observations à ce sujet.
     Merci.
    Madame Wong, je ne recommanderais pas ces changements si j'estimais qu'ils allaient compromettre notre objectif de base, qui est de mettre en place un système équilibré, à la fois rapide et équitable. Eh bien, je vais être franc avec vous. Au départ, je craignais que des délais de huit jours et de 60 jours soient peut-être trop longs pour dissuader les faux réfugiés de présenter des demandes. Il ne faut pas oublier que ces huit jours ont été modifiés et qu'il y a maintenant 15 jours prévus pour la première étape. On est également passé de 60 jours à 90 jours pour la seconde étape. Si leur demande est rejetée à l'étape du FRP, la plupart des demandeurs disposent ensuite de quatre mois, d'après nos estimations, pour avoir recours à la Section d'appel des réfugiés. Si leur demande est déboutée par cette section, ils ont un autre délai de quatre mois pour en appeler devant la Cour fédérale. Au total, ils disposent donc maintenant de 11 à 12 mois, comparativement aux 90 jours que nous avions recommandés.
    Dans les systèmes européens, la France dispose d'un délai de 15 jours pour le traitement accéléré des demandes. Au Royaume-Uni, ce délai est de 10 à 14 jours. Au Portugal, pays dont l'actuel Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés a été premier ministre, on estime que les demandes des personnes venant de pays d'origine sûrs ne sont pas justifiées, et ces personnes sont renvoyées en quelques jours, si on constate qu'il ne s'agit pas de réfugiés véritables.
    Cela en choquera peut-être certains, mais c'est une réalité bien connue: il existe dans le monde des faux réfugiés, des gens qui cherchent un pays où trouver asile. Dans le secteur de la migration, il existe des réseaux bien informés de ce que le Canada est doté actuellement du système le plus lent, et je crains que même après ces réformes, notre système demeure relativement lent. J'estime donc qu'il serait irresponsable de prolonger les délais au-delà de ce que nous recommandons, mais nous avons fait des compromis à cet égard, afin d'obtenir un consensus au sujet du projet de loi. Comme je l'ai dit, le statu quo serait trop onéreux.
    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
    Oh, il vous reste beaucoup de temps.
    Vous avez en outre limité vos pouvoirs relativement à la désignation des pays d'origine sûrs. Vous proposez des groupes consultatifs qui doivent comprendre au moins deux experts indépendants des droits de la personne. Quel en sera l'avantage pour cette réforme?
(1945)
    Comme je l'ai dit, aux termes de la LIPR, le ministre a le pouvoir de désigner certains pays à certaines fins précises: par exemple, il existe un moratoire quant aux renvois dans certains pays; dans d'autres pays, nous pouvons accepter les demandes d'asile sur place; il y a des exigences de visa pour certains pays et pas pour d'autres. Ainsi, la loi donne carte blanche au ministre — je signale à ce propos que la loi adoptée par le gouvernement précédent ne contenait aucun paramètre, aucune mesure de protection. Le ministre a entière discrétion.
    C'est assez amusant de constater qu'une fois le gouvernement conservateur au pouvoir, les gens du gouvernement précédent s'exclament tout à coup que le ministre a trop de pouvoir et qu'il faut limiter ceci. Nous sommes prêts pour notre part à faire des compromis. Les mesures que nous préconisons ne sont pas déraisonnables. Ce que nous demandons, c'est un pouvoir discrétionnaire limité pour contrer des vagues importantes de demandes injustifiées provenant de pays dont on sait qu'ils sont sûrs et qu'ils protègent leurs citoyens. Dans les amendements que nous proposons, on prévoit un comité qui comprendra des membres venant d'ONG de droits de la personne, qui collaborera avec le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, et qui, d'après les règlements que nous avons proposés, n'examinera que les demandes venant de pays — et c'est une idée de l'opposition — qui n'ont produit que 1 p. 100 des demandes d'asile dans l'une des trois années précédentes... Seuls ces pays seront pris en compte, et le ministre devra accepter les recommandations du comité. Il ne pourra pas y passer outre.
    Cela apaisera les craintes exprimées par certains intervenants et certains parlementaires sur le fait que le ministre pourra avoir trop de pouvoir discrétionnaire dans le processus de désignation. Ce processus est en tout cas beaucoup plus rigoureux que ce qu'avait proposé le gouvernement précédent dans la LIPR quant à la désignation des pays.
    J'ai une autre question sur les amendements qui permettraient aux demandeurs de retirer leur demande d'asile avant une audience de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié et de présenter une demande pour considération d'ordre humanitaire, à la condition qu'ils le fassent avant leur audience à la Section de la protection des réfugiés. C'est un des autres amendements importants de votre proposition. Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet?
    Initialement, nous avions proposé dans le projet de loi C-11 l'interdiction de présenter des demandes parallèles. Lorsqu'une personne présente une demande d'asile pour des motifs manifestement faux, il arrive qu'elle veuille doubler ses chances: sur l'avis d'un avocat, elle présente une demande d'asile et, parallèlement, une demande pour considérations d'ordre humanitaire. Aux termes du projet de loi C-11, le demandeur doit choisir s'il est un réfugié ou si son cas échappe à la définition de ce qu'est un réfugié mais que les circonstances font en sorte qu'un agent d'immigration devrait examiner le dossier aux termes d'une demande pour considérations d'ordre humanitaire. Il faut donc faire le choix.
    Certains nous ont dit que des nouveaux arrivants pourraient faire le mauvais choix. Une personne pourrait présenter une demande d'asile, même si la persécution n'est pas vraiment la cause de son problème, même si sa situation ne correspond pas vraiment à la définition juridique de ce qu'est un réfugié. On nous dit que dans un tel cas, il ne faudrait pas pénaliser cette personne mais plutôt l'orienter vers la catégorie qui correspond le mieux à son cas. Le dossier serait confié à un décideur indépendant de CIC et se fonderait sur des considérations d'ordre humanitaire.
    C'est ce que j'appelle un amendement transitoire. Cet amendement permet de s'inscrire à la liste des demandeurs d'asile pour plus tard, avant que l'audience ait eu lieu, passer à la liste des demandeurs pour considérations d'ordre humanitaire. Cela rend le système plus souple et garantit que ces personnes, une fois qu'elles ont été conseillées par leur avocat, sont acheminées vers la bonne catégorie en fonction de leur cas.
    Merci, madame Wong.
    Monsieur Karygiannis, vous avez cinq minutes.
    Monsieur le ministre, si on regarde le nombre de réfugiés qui ont présenté des demandes et le nombre de dossiers traités, on constate qu'il y a eu 22 000 réfugiés en 2006, 28 523 en 2007, et 36 300 en 2008. Et pourtant, le nombre de dossiers de réfugié traités a diminué. On doit en conclure que la CISR ne comptait pas suffisamment de membres pour traiter toutes les demandes de statut de réfugié et que c'est pour cette raison qu'on a accumulé un tel arriéré.
    Est-ce exact?
(1950)
    Non, monsieur Karygiannis.
    J'ai répondu à cette question à de nombreuses reprises. Lorsque notre gouvernement est arrivé au pouvoir, nous avons hérité d'un arriéré de 20 000 cas. Au cours de la dernière décennie, l'arriéré moyen s'est élevé à 40 000 cas. Depuis notre arrivée au pouvoir, soit entre 2006 et 2009, il y a eu une augmentation de plus de 70 p. 100 du nombre des demandes d'asile — comme vous venez de le dire — dont le nombre est passé de 22 000 pour atteindre 36 000 en 2008. Une grande partie de l'arriéré est donc attribuable à l'augmentation du nombre des demandes, qui ont excédé la capacité de la CISR, en ressources financières et humaines, d'achever le traitement de 25 000 demandes par année.
    Vous avez toutefois raison à un égard. Il y a eu toutefois une brève période — environ 18 mois — durant laquelle il y a eu une pénurie de décideurs à la CISR en raison de la transition vers le processus actuel, plus rigoureux, de présélection pour les nominations par décret en conseil à la SPR. Il y a eu brièvement une pénurie de décideurs.
    Depuis que je suis devenu ministre, j'ai nommé ou renommé 101 membres à la CISR, après que chacun d'entre eux ait fait l'objet du processus rigoureux de présélection. Je puis vous assurer que ces personnes ont satisfait aux normes les plus élevées. Plus de 90 p. 100 des candidats qui subissent cette présélection sont éliminés et ne me sont même pas recommandés.
    Monsieur le ministre, j'aimerais vous présenter d'autres chiffres, si vous me le permettez...
    Ainsi, nous avons de meilleures nominations, mais c'est vrai, environ un tiers de l'arriéré actuel est attribuable à ce facteur.
     Monsieur le ministre, j'aimerais vous présenter certains chiffres. En 2001, il y avait 44 734 personnes qui ont fait une demande; en 2002 il y en avait 33 458; en 2003, 31 000; et en 2004, 25 000. Le nombre de dossiers qui ont été réglés était de 27 000, 35 000, 45 000 et 35 000. Sous votre administration, monsieur, le nombre de dossiers qui ont été réglés est passé à 17 000, 14 000 et 20 000. C'est sous l'administration des conservateurs.
    Encore une fois, monsieur le président, on peut jouer avec les chiffres. Le fait est que...
    Non, monsieur le ministre, pouvez-vous répondre à la question...
    Monsieur Karygiannis, vous avez posé une question. Le ministre a le droit d'y répondre. Veuillez lui laisser la possibilité.
    Le fait est qu'il y a un problème systémique et que quiconque le nie ne connaît pas bien la question. Le nombre moyen de dossiers en suspens est de 40 000. Le temps moyen d'attente au cours des 10 dernières années est d'un an ou plus pour qu'un dossier soit transmis à la Section de la protection des réfugiés, sous les gouvernements libéraux, ainsi que sous les gouvernements conservateurs.
    Il y a quelquefois des hausses considérables des demandes. Lorsque M. Coderre était ministre, elles provenaient des États-Unis. Sa réponse a été d'instaurer l'Entente sur les tiers pays sûrs. Il y a eu des hausses fulgurantes de demandes provenant du Mexique sous notre gouvernement. Nous avons répondu avec l'imposition de visas.
    Il est arrivé que des gouvernements réagissent à cette situation en augmentant les ressources; vous avez tout à fait raison. Le gouvernement précédent, pendant une période de deux ans, a injecté des ressources à court terme qui ont accru le nombre de dossiers qui ont été réglés. Et devinez ce qui s'est produit? Au terme de cette mesure, l'arriéré s'est accru de nouveau, les temps de traitement ont augmenté et il y a eu une autre vague de demandes.
    Alors, on peut faire ce que Bill Clinton a défini comme étant de la folie — c'est-à-dire répéter la même chose maintes et maintes fois en espérant obtenir des résultats différents — ou bien, on peut prendre du recul et se dire qu'il faut peut-être modifier le système.
    Monsieur le ministre, pour régler le problème, faut-il avoir davantage de ressources ou bien établir une liste? Tous les témoins qui ont comparu nous ont dit qu'ils avaient des doutes sur l'efficacité de la désignation de pays sûrs. Vous nous dites...
    Merci. Nous...
    Non, monsieur le ministre, je n'ai pas terminé. Laissez-moi faire usage du temps qui m'est alloué.
    Vous dites que si nous proposons des changements en fonction de ce que nous avons entendu ou que si nous proposons des amendements, vous allez retirer le projet de loi. Je me demande pourquoi nous avons fait comparaître tous ces gens et pourquoi nous avons passé tout ce temps à les écouter si le ministre décide de se présenter devant le comité et de dire que si nous ne jouons pas comme il le veut, il prendra son ballon et rentrera à la maison. C'est ce que vous nous dites, monsieur le ministre.
    Votre temps est écoulé, monsieur Karygiannis.
    Vous dites que si nous ne jouons pas selon vos règles, vous allez prendre vos billes et rentrer à la maison.
    Non, c'est plutôt le contraire que je dis, monsieur le président. Je n'ai pas entendu M. Karygiannis reconnaître les changements considérables que nous avons apportés à ce projet de loi et à l'ébauche du règlement en ce qui a trait aux procédures anticipées de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, à la suite des recommandations faites par l'opposition officielle.
    Vous dites que vous ne pensez pas que le système de pays sûrs puisse fonctionner? Votre chef, monsieur, est en désaccord avec vous. Il dit qu'il y a un nombre de pays dans le monde pour lesquels on ne peut pas accepter de demandes de réfugiés parce qu'il n'y a pas de cause légitime...
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement, je n'ai pas dit que ça ne fonctionnera pas. J'ai dit que des témoins nous ont dit que ça ne fonctionnera pas. Peut-être que le ministre a-t-il besoin...
    Ce n'est pas un rappel au Règlement.
    Nous allons passer à M. St-Cyr.

[Français]

    Merci.
     Je pense que tout le monde s'entend pour dire qu'il faut accélérer le processus et disposer d'outils permettant d'éviter les vagues de demandes illégitimes. Par contre, on ne s'entend pas sur ce qui est juste et même sur ce qui est efficace.
    Pour ma part, je ne crois pas que la liste de pays désignés soit une façon efficace de s'attaquer à ce problème. Les gens, plutôt que de voir leur cas traité par une section d'appel spécialisée, dans le cadre d'un tribunal dont c'est précisément la fonction, vont faire appel à la Cour fédérale, comme c'est le cas présentement. D'ailleurs, ce raisonnement n'est pas totalement fou, étant donné qu'à l'article 41 de votre projet de loi, vous prévoyez l'ajout de quatre juges à la Cour fédérale. Au moment même où vous rédigiez la loi, vous saviez qu'elle donnerait lieu à plus de contestations devant la Cour fédérale.
    N'auriez-vous pas avantage à appliquer un processus non discriminatoire, qui serait une simple accélération du processus, et à faire en sorte que les gens aient accès de plein droit à la Section d'appel des réfugiés plutôt que d'avoir à faire appel à la Cour fédérale? Ce processus est beaucoup plus lourd, long et coûteux que ne le serait une section d'appel.
(1955)
    Permettez-moi de clarifier un point, monsieur Saint-Cyr. Nous nous attendons en effet à ce que le nombre de cas soumis à la Cour fédérale augmente, tout simplement parce qu'il y aura plus de cas traités dans le cadre du nouveau système. Nous ajoutons des ressources. Nous aurons donc le nouveau système et la stratégie concernant les arriérés.
    Nous nous attendons à finaliser 28 000 dossiers par année. Nous estimons que toutes les demandes déboutées résulteront en une demande d'autorisation auprès de la Cour fédérale. Toutefois, nous nous attendons à une diminution du nombre de demandes d'autorisation acceptées par la Cour fédérale à cause de la création d'une section d'appel. Nous prévoyons que la Cour fédérale rejettera un plus grand nombre de ces cas.
    Quand les gens demanderont à la Cour fédérale d'intervenir parce qu'ils n'auront pas eu droit à un appel compte tenu de leur pays d'origine, la Cour fédérale risque de vouloir plus souvent vérifier ce qui se passe. En effet, elle n'aura pas l'impression que le processus a été suivi en bonne et due forme et que tout le monde a eu les mêmes chances ainsi que les mêmes droits.
    Par ailleurs, vous parlez de mener une entrevue, donc d'ajouter une étape. C'est un autre aspect qui me semble improductif. Je me rappelle que, lorsque j'ai présenté le projet de loi C-291, vous avez dit qu'il fallait cesser d'ajouter des étapes. Auparavant, les gens remplissaient un formulaire et celui-ci était traité directement, lors de l'audience. Maintenant, vous dites vouloir ajouter l'étape de l'entrevue en amont, plus tôt dans le processus.
     Ne pensez-vous pas que l'étape de l'entrevue va contribuer à alourdir le processus plutôt qu'à l'alléger?
    Non, nous croyons que ça va accélérer le processus. Certainement pour les cas clairement bien fondés, il sera possible d'établir une date pour l'audience dans un délai plus rapide que les 90 jours actuels. De nombreuses étapes, notamment la préparation du cas, qui mobilise du temps de la Section d'appel des réfugiés, seront traitées lors de l'entrevue préliminaire. Nous croyons que c'est l'un des aspects efficaces du système proposé.

[Traduction]

    Merci. Je pense que le temps est venu de nous quitter.
    Monsieur le ministre, je vous remercie ainsi que vos collègues d'être venus nous parler ce soir. J'espère que vous nous souhaitez bonne chance pour le reste de nos délibérations.
    Oui, bien sûr.
    Merci.
    Nous allons suspendre la séance.

(2000)
    Mesdames et messieurs, nous passons maintenant à la dernière heure de notre audience de ce soir, et nous avons deux groupes de témoins invités ce soir. Nous avons des représentants de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada ainsi que des représentants de l'Agence des services frontaliers du Canada.
    Représentant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, nous accueillons Simon Coakeley, qui est le secrétaire général du Bureau du secrétaire général. Ça ne fait aucun sens mais c'est ce qui est écrit. Nous accueillons également François Guilbault, qui est le conseiller juridique principal. Bonsoir à vous messieurs.
    Et représentant l'Agence des services frontaliers du Canada, nous avons M. Peter Hill, qui est le directeur général des programmes après le passage à la frontière, il est accompagné de M. Reg Williams, qui est le directeur de l'exécution de la loi d'immigration pour la région du Grand Toronto. Et finalement, nous recevons Mme Leigh Taylor, qui est l'avocate générale principale. Mesdames et messieurs, je vous souhaite la bienvenue au comité.
    Vous aurez jusqu'à sept minutes pour faire votre exposé, par la suite les membres du comité auront des questions à vous poser.
    Nous allons commencer par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada. Encore une fois, merci de votre présence.
(2005)

[Français]

    Bonsoir, mesdames et messieurs.
    Je vous remercie de m'avoir invité à venir vous parler aujourd'hui. Je m'appelle Simon Coakeley. J'ai été nommé secrétaire général de la Commission de I'immigration et du statut de réfugié du Canada, la CISR, en septembre 2008. En tant que secrétaire général, je suis Ie plus haut fonctionnaire de la CISR.
    Le personnel affecté aux services au tribunal et aux services intégrés de la commission relève directement de moi, et Ie président est mon supérieur immédiat. Ainsi que mentionné, je suis accompagné de Me François Guilbault, qui est ici à titre de conseiller juridique principal de la CISR. Il possède une vaste expérience de la commission et connaît très bien les aspects juridiques qui sont à la base des activités de la CISR. II sera heureux de répondre aux questions de nature juridique liées au projet de loi C-11.
    Je crois que vous avez déjà reçu les documents de la CISR à la suite de la comparution de M. Goodman devant ce comité, Ie 6 mai 2010. Comme il a été demandé, nous avons fourni des statistiques sur les décisions relatives aux demandes d'asile, notre effectif de commissaires nommés par décret ainsi que de I'information sur les échelles salariales des personnes nommées par décret et les taux de rémunération des décideurs fonctionnaires de la Section de I'immigration. Finalement, nous avons fourni un lien qui mène vers Ie rapport de la Commission de la fonction publique sur la vérification de la CISR, qui comprend à la fois les recommandations de la Commission de la fonction publique et la réponse de la CISR.
    Vous avez manifesté un vif intérêt pour I'approche de la CISR en ce qui concerne la dotation de fonctionnaires à la nouvelle Section de la protection des réfugiés. Pour vous aider dans vos délibérations, nous vous avons également fourni une copie de la lettre que notre président, M. Goodman, a récemment envoyée à Mme Maria Barrados, présidente de la Commission de la fonction publique, au sujet des plans et des priorités en matière de dotation en vue de la mise en oeuvre du projet de loi C-11.
    Dans sa lettre, M. Goodman souligne que, même si Ie moment de I'entrée en vigueur de la nouvelle loi n'est pas encore certain et que la CISR n'a pas encore élaboré de stratégies détaillées en matière de dotation, il est clair que I'adoption du projet de loi exigera une réaffectation importante de notre personnel au cours des prochaines années. En plus de la mise sur pied d'une nouvelle SPR, soit la Section de la protection des réfugiés, et de la Section d'appel des réfugiés, cette réaffectation nécessitera des changements notables à certains rôles existants à la CISR.
    Notre président a informé la Commission de la fonction publique que, pour mettre en oeuvre ces changements dans les délais proposés, la CISR devra utiliser la totalité des mesures de ressources humaines dont elle dispose, notamment des concours internes et externes, des affectations, des détachements, des mutations et des processus non annoncés dûment justifiés. Pour ce faire, la commission respectera toutes ses obligations en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et des conventions collectives applicables, ainsi que les valeurs fondamentales et directrices de la Commission de la fonction publique, soit Ie mérite, I'impartialité politique ainsi que la justice, I'accessibilité, la représentativité et la transparence.
    Au cours des dernières semaines, la CISR a surveillé avec intérêt les témoins qui ont comparu devant ce comité, et nous avons pris note des commentaires qui ont été formulés en ce qui concerne I'embauche de décideurs fonctionnaires à la nouvelle Section de la protection des réfugiés, et leur indépendance.
    Je crois qu'il est important pour moi de réitérer I'engagement formulé par notre président devant ce comité, soit de veiller à ce que les décideurs fonctionnaires de la nouvelle Section de la protection des réfugiés soient tout aussi compétents et indépendants que Ie sont aujourd'hui nos commissaires nommés par décret.
    Pour ce faire, la commission continuera de recourir à des processus de sélection rigoureux fondés sur Ie mérite, dans lesquels tous les candidats, qu'ils proviennent de l'intérieur ou de l'extérieur de la fonction publique, seront évalués en fonction de leurs qualifications et de leurs capacités d'après diverses compétences, comme la communication verbale et écrite, Ie raisonnement conceptuel, la prise de décisions, Ie jugement, la réflexion analytique, la recherche d'information, Ie sens de I'organisation, I'orientation vers les résultats, la maîtrise de soi et Ie savoir-faire culturel. Cette méthode de dotation hautement globale permettra d'assurer que seuls les candidats qualifiés sont embauchés.
    Les décideurs actuels de la CISR viennent de tous les milieux de la société canadienne. On y compte des arbitres ou des médiateurs au sein d'autres tribunaux, des enseignants, des dirigeants communautaires, des avocats, de même que d'autres fonctionnaires fédéraux et des personnes expérimentées travaillant au sein d'organisations humanitaires internationales. Ce type de diversité assure que tous les commissaires apportent des perspectives uniques à leur rôle en tant que décideurs, ce qui rend notre système décisionnel plus fort.
    Afin de s'assurer que nous continuons de bénéficier d'une telle diversité au sein de nos décideurs, nous comptons procéder à des processus de recrutement simultanés au sein de la fonction publique et à l'extérieur de la fonction publique, comme l'a indiqué M. Goodman il y a deux semaines.
(2010)
    Une fois qu'ils seront embauchés, un programme de formation poussé et reconnu mondialement sera offert à tous les décideurs, qu'ils soient nommés par décret ou par des fonctionnaires. Le programme de formation de la CISR est reconnu à l'échelle internationale ainsi que par la Cour fédérale du Canada et la vérificatrice générale pour l'exhaustivité et le professionnalisme. En outre, le rendement des nouveaux commissaires au cours de la période d'orientation et de formation serait évalué avant qu'il ne leur soit permis de présider des audiences de façon autonome, et une formation personnalisée supplémentaire serait donnée au besoin.
    Les décideurs fonctionnaires de la nouvelle Section de protection des réfugiés seront assujettis au même Code de déontologie qui s'applique actuellement aux décideurs nommés par décret et aux décideurs fonctionnaires de la Section d'immigration. Le code établit des normes de conduite régissant les responsabilités professionnelles et éthiques des commissaires de la Commission en qualité de décideurs d'un tribunal administratif quasi judiciaire. Les nouveaux décideurs de la Section de protection seraient liés par ce même code de déontologie.
    En réalité, nous avons déjà une Section d'immigration composée de décideurs fonctionnaires indépendants et nous sommes convaincus que nous disposons des outils, des pratiques, des mécanismes et de la formation nécessaires pour veiller à ce que cette indépendance décisionnelle se maintienne alors que nous passons au nouveau système.

[Traduction]

    Comme vous l'a dit M. Goodman lorsqu'il était ici le 6 mai, la CISR a commencé la planification préliminaire de la mise en oeuvre immédiatement après le dépôt du projet de loi C-11 à la fin du mois de mars.
    Pour vous informer des faits nouveaux, il y a deux semaines, des employés de la CISR se sont réunis à Toronto pour commencer à définir le nouveau processus qui devra être mis en place, du renvoi d'une demande d'asile à la décision rendue par la SPR, en portant une attention particulière sur la façon dont l'entrevue fonctionnera. Un groupe semblable s'est réuni à Ottawa la semaine dernière pour faire la même chose relativement au nouveau processus de la SAR. Beaucoup de bonnes idées ont été proposées, mais il est encore trop tôt pour que nous prenions des décisions finales concernant celles que nous mettrons vraisemblablement en oeuvre, car nous savons que les détails de la loi peuvent être modifiés.
    Par conséquent, le véritable travail de préparation en vue de la mise en oeuvre ne peut être entamé qu'une fois que le projet de loi C-11 aura reçu la sanction royale au Parlement et que le financement de la transition sera débloqué. À ce moment, nous élaborerons des règles, mettrons au point des descriptions de travail et des profils de responsabilisation pour tous les nouveaux postes à créer, entreprendrons des processus de dotation, nous procurerons des locaux et ainsi de suite.
    J'aimerais prendre quelques instants pour aborder la question du processus d'élaboration des règles. Les règles constituent un type de politique formulée par la commission. Les règles, tout comme le règlement, sont exécutoires. Les règles définiront les procédures devant être observées à la SPR, y compris les délais pour l'entrevue visant à y recueillir des renseignements et l'audience de première instance.
    Les règles détermineront, par exemple, les détails indiquant de quelle façon et à quel moment le demandeur d'asile devra fournir les documents à la SPR et vice versa ainsi que les rôles et les responsabilités des employés de la CISR qui jouent un rôle de soutien dans l'exécution des fonctions décisionnelles. Elles indiqueront également les facteurs que les décideurs devront prendre en considération au moment de décider s'ils ajournent ou non des entrevues ou des audiences à la SPR. Un autre ensemble de règles seront élaborées pour la SAR.
    Dans le cadre du processus d'élaboration des règles, il importe d'établir une consultation véritable avec les intervenants et les parties qui comparaissent devant la CISR. Concrètement, la CISR mène des consultations tant à l'interne qu'à l'externe avant même que le projet de règles parvienne au stade de la prépublication dans la partie I de la Gazette du Canada pour les commentaires officiels du public. Ensuite, les règles sont soumises à l'approbation du Cabinet par l'intermédiaire du ministre, puis vient la publication finale dans la partie II de la Gazette du Canada. Une fois que les nouvelles règles sont en place, elles deviennent le cadre de travail qui servira de fondement à la structure des nouvelles sections de la commission.
    Il sera essentiel d'établir des relations soutenues avec nos intervenants dans le cadre de ce processus, et bon nombre d'entre eux ont déjà comparu devant vous au cours des dernières semaines. Nous ferons appel à nos intervenants afin qu'ils incitent leurs membres à nous aider à façonner nos nouveaux processus de façon efficace.
    En fait, nous avons prévu une réunion avec nos groupes d'intervenants nationaux, dont le CCR, l'ABC, l'AQAADI et le HCR entre autres. Et je peux vous assurer que le projet de loi C-11 fera partie des points à l'ordre du jour.
    J'aimerais aborder brièvement certains points qui ont été soulevés en comité jeudi dernier.
    M. Goodman a déclaré publiquement qu'il fournirait aux demandeurs d'asile un enregistrement numérique de l'entrevue. Il est encore trop tôt, à ce stade, pour que nous puissions indiquer la forme sous laquelle se présenterait cet enregistrement, c'est-à-dire sous forme de disque compact, de clé USB, de carte-éclair ou autres.
    Par ailleurs, la CISR aurait le pouvoir discrétionnaire d'ajourner une procédure, notamment dans le cas de personnes vulnérables, pour des raisons opérationnelles ou des questions d'équité. Et j'aimerais souligner l'un des avantages découlant de l'entrevue menée très tôt dans le processus, soit la possibilité de reconnaître rapidement les personnes vulnérables, de sorte qu'elles puissent être guidées de façon adéquate.
    Enfin, pour conclure, j'aimerais revenir brièvement sur ce qu'a dit le ministre plus tôt ce soir, soit que des amendements seraient présentés afin que la fonction d'examen des risques avant le renvoi soit transférée de CIC à la CISR. Nous estimons que les décideurs de la SPR seront bien placés pour remplir cette fonction étant donné leur accès à un programme de formation reconnu mondialement, à du soutien juridique et à une capacité de recherche de haut calibre. Mais, bien sûr, nous attendons les directives du Parlement à cet égard.
    Comme le ministre l'a également indiqué, des lettres ont été échangées entre CIC et la CISR quant aux propositions de modifications concernant les délais pour l'entrevue visant à recueillir de l'information et l'audience initiale de la SPR. M. Goodman a indiqué que nous nous pencherions sérieusement sur la proposition des 15 et 90 jours ainsi que sur d'autres propositions qui pourraient survenir lors de nos consultations auprès des intervenants dans le cadre du processus d'établissement du règlement.
    Finalement, j'aimerais citer l'engagement formulé par M. Goodman lorsqu'il a comparu la dernière fois devant vous:
La CISR répondra, dans toute la mesure de sa capacité, aux exigences découlant des mesures législatives prises par le Parlement, dans le respect des échéanciers fixés et du budget alloué, tout en remplissant son mandat, qui consiste à régler les cas de manière efficace, équitable et conforme à la loi.
    Merci beaucoup.
(2015)
    Merci, monsieur Coakeley.
    Monsieur Hill, c'est votre tour.
    J'aimerais tout d'abord vous entretenir des défis posés actuellement à l'ASFC par l'exécution des renvois avant de décrire comment les réformes proposées et leur financement apporteraient des solutions nécessaires au programme des renvois.
    En vertu du régime actuel, lorsqu'une personne présente une demande d'asile au Canada, une mesure de renvoi est émise contre cette personne. Cette mesure de renvoi n'est exécutable que lorsque la décision relative à la demande d'asile a été rendue. Si la décision est négative, la mesure de renvoi prend effet et la personne doit quitter le Canada.
    Avant le renvoi, toute personne dont la demande d'asile a été rejetée peut demander un contrôle judiciaire de la décision. Une demande d'autorisation d'appel à la Cour fédérale pour un contrôle judiciaire d'une décision négative entraîne automatiquement l'octroi d'un sursis au renvoi jusqu'à ce qu'une décision soit rendue. Ainsi, lorsqu'un demandeur d'asile débouté a présenté une demande à la Cour fédérale dans les délais prescrits, l'ASFC ne peut appliquer sa mesure de renvoi tant que la cour n'a pas examiné le cas pour envisager une révision de la décision prise par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié à l'égard de la demande de protection.
    Les demandeurs déboutés ont également droit à un examen des risques avant leur renvoi, à une demande de révision de leur cas pour des raisons d'ordre humanitaire et, éventuellement, un permis de séjour temporaire. Les demandes d'examen des risques avant le renvoi et les demandes de révision pour des raisons d'ordre humanitaire sont administrées par le personnel de Citoyenneté et Immigration Canada. Le ministre de la Citoyenneté, de l'Immigration et du Multiculturalisme a également l'autorisation d'examiner, de sa propre initiative, les demandes présentées pour des raisons d'ordre humanitaire. Chacun de ces mécanismes de recours représente un point de décision qui peut faire l'objet d'un contrôle judiciaire et, à son tour, retarder l'exécution de la mesure de renvoi.
    Une fois qu'une mesure de renvoi est exécutoire, l'ASFC a l'obligation, en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, d'appliquer la mesure de renvoi dès que les circonstances le permettent. Il est souvent difficile d'appliquer les mesures de renvoi car les sujets visés ne sont pas nécessairement prêts à s'y conformer.
    La décision de renvoyer une personne du Canada n'est jamais prise à la légère. Avant de procéder au renvoi, l'ASFC s'assure que le droit à une procédure de recours est respecté dans chaque cas. Une fois que la personne visée a épuisé tous les recours possibles, on s'attend à ce qu'elle respecte nos lois de l'immigration et quitte le Canada de son propre chef à défaut de quoi l'ASFC procède à son renvoi.
    Afin d'échapper au renvoi, les demandeurs d'asile déboutés entrent souvent dans la clandestinité pour éviter d'être repérés par l'Agence des services frontaliers. L'agence collabore avec ses partenaires d'exécution de la loi à tous les niveaux du gouvernement pour retrouver les fugitifs; cependant, en raison de la profonde détermination de nombreux demandeurs d'asile déboutés à demeurer au Canada, il est difficile de s'assurer que ces personnes se présentent pour le renvoi. L'ASFC a actuellement un inventaire de plus de 40 000 mandats de l'immigration dont 38 000 concernant des demandeurs d'asile déboutés.
    L'un des plus grands défis posés par les renvois est le fait que les clients ne présentent pas de titre de voyage. En l'absence d'un document de voyage, le renvoi peut être reporté indéfiniment, le sujet n'étant pas porté à remettre ses documents de voyage existants, ou à aider l'ASFC à en obtenir de nouveaux. L'agence a par conséquent de la difficulté à répondre aux demandes des représentants consulaires de délivrer de nouveaux documents de voyage. Même lorsque l'identité de la personne n'est pas contestée, certains pays ne sont pas coopératifs pour délivrer des documents de voyage.
    Lorsque tous les recours administratifs et judiciaires ont été épuisés, tels que l'évaluation des risques avant le renvoi et une demande d'autorisation d'appel à la Cour fédérale, et que la personne détient un document de voyage, cette dernière peut toujours demander à ce que les agents d'exécution de l'ASFC reportent la date de renvoi pour des raisons administratives. À ce chapitre, la raison médicale qui empêche le sujet de voyager constitue l'un des motifs communs invoqués. Les agences sont obligées d'examiner chaque demande et, lorsqu'un agent rejette une demande de report, on doit remettre la décision au demandeur, ainsi que la justification par écrit. Cette décision peut également faire l'objet d'un contrôle judiciaire par la Cour fédérale.
    Le résultat cumulatif de toutes ces procédures est un régime de protection des réfugiés qui permet aux demandeurs déboutés d'éviter le renvoi pendant des années. Ce régime semble créer un facteur d'attraction pour les personnes qui n'ont pas véritablement besoin de protection. Il semble que plus la personne demeure longtemps au Canada, plus il est difficile de la renvoyer, étant donné qu'elle est davantage établie ici.
    Actuellement, on compte plus de cas entrant dans le secteur de l'exécution que l'ASFC est en mesure de renvoyer. Par conséquent, l'agence doit accorder la priorité aux cas de renvoi en se fondant sur les risques. Étant donné que la protection et la sécurité des Canadiens constituent une priorité de premier plan pour l'ASFC et le gouvernement du Canada, les cas concernant les personnes jugées interdites de territoire pour des raisons de sécurité, pour crime organisé, pour crimes contre l'humanité et pour grande criminalité sont traités en premier lieu. Ils sont suivis, par ordre de priorité, des catégories suivantes: les cas liés à la criminalité, les demandeurs d'asile déboutés et les autres personnes ayant enfreint la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
(2020)
    Par conséquent, bien que les demandeurs d'asile déboutés représentent le plus important volume de cas dans l'inventaire des renvois, étant donné que l'agence doit renvoyer les cas prioritaires, elle n'est pas en mesure de s'occuper de tous les cas. Bien qu'au cours des cinq dernières années l'on ait renvoyé en moyenne plus de 9 000 demandeurs d'asile déboutés par an, l'inventaire des renvois demeure assez important, situation que la vérificatrice générale considère préoccupante. L'ASFC partage le point de vue de la vérificatrice générale et considère que le nouveau régime permettrait à l'agence de régler cette question de manière efficace et efficiente.
    Le nouveau régime proposé visera à renvoyer les demandeurs déboutés dans les 12 mois suivant la décision définitive de la Section des appels de l'immigration et des réfugiés. Dans le cadre des mesures proposées, les détentions et les renvois continueront de jouer un rôle essentiel. La réussite du système d'octroi de l'asile réformé repose sur le renvoi en temps opportun des demandeurs d'asile déboutés après le rejet définitif de leur demande.
    L'adoption de l'exclusion des mécanismes de recours pendant un an après le rejet de la demande procurera à l'ASFC un nouveau cadre stratégique et juridique, qui lui permettra de renvoyer un plus grand nombre de demandeurs déboutés et d'exécuter la mesure de renvoi dans un délai plus bref. L'exclusion temporaire de ces mécanismes permettrait d'atténuer considérablement le dédoublement de tâches et la redondance du régime actuel, ainsi que la vulnérabilité aux abus qui en découle. Par suite des décisions prises plus rapidement et des restrictions en matière de recours après le rejet d'une demande, l'ASFC s'attend à une plus grande réussite du programme des renvois des demandeurs déboutés. À long terme, des décisions rendues plus rapidement et des renvois en temps opportun devraient également dissuader les demandes de personnes qui n'ont pas véritablement besoin de protection, ce qui se traduirait par une réduction de la charge de travail imposée par les renvois.
    Parmi les éléments clés de l'ensemble des réformes figure un programme pilote d'aide au retour volontaire, qui serait mis en oeuvre exclusivement dans la région du Grand Toronto. Ce programme pilote d'une durée de quatre ans se composerait de deux volets. Le premier volet s'adresserait aux demandeurs d'asile déboutés qui retourneront au Mexique, dans les Caraïbes, en Amérique centrale et en Amérique du Sud. Le second volet, aussi mis en oeuvre dans la région du Grand Toronto, s'adressera aux demandeurs déboutés qui retourneront dans les autres parties du monde. Le programme a pour objectif fondamental de changer le comportement des demandeurs déboutés. Il est destiné à encourager l'observation et à rendre moins attrayante l'alternative de la clandestinité.
    Un trop grand nombre de demandeurs déboutés ne respectent pas leur obligation de quitter volontairement le Canada et font, par conséquent, l'objet d'une mesure d'exécution et d'une interdiction de territoire permanente au Canada. Bon nombre de ces personnes ignorent les conséquences de ne pas quitter le Canada, car elles ne disposent pas de suffisamment de renseignements. Certains n'ont tout simplement pas les moyens d'assumer les frais de leur propre retour ou de subvenir à leurs besoins une fois de retour dans leur pays.
    Un programme pilote d'aide au retour volontaire permettrait de résoudre ces questions en offrant une sensibilisation accrue et des conseils, ainsi qu'une aide financière limitée pour faciliter la réintégration dans le pays d'origine. Le programme constitue un élément clé de la stratégie des renvois. Il permettrait d'atteindre les objectifs à la fois d'ordre humanitaire et d'exécution en encourageant les renvois en temps opportun. Du point de vue humanitaire, les retours volontaires permettent aux demandeurs déboutés de rentrer avec dignité et de façon anonyme dans leur pays d'origine.
    Les programmes d'aide au retour volontaire sont utilisés avec succès par nos partenaires internationaux, par exemple le Royaume-Uni et l'Australie. Au cours des dernières années, par exemple, 20 à 30 p. 100 des retours de demandeurs d'asile du Royaume-Uni se sont faits par le truchement du programme d'aide au retour volontaire. Selon l'ASFC, le programme d'aide au retour volontaire proposé allégera les pressions sur les inventaires de mandats et de renvois, et réduira le besoin d'effectuer des enquêtes de l'immigration complètes, coûteuses, et longues.
    Pour participer à ce programme, les demandeurs d'asile déboutés devront satisfaire à des critères rigoureux d'admissibilité, en particulier, ne pas avoir de casier judiciaire et avoir respecté toutes leurs obligations de rendre des comptes à l'ASFC, remplir les conditions pour l'obtention d'un titre de voyage et une interdiction temporaire de revenir au Canada. On s'attend à ce que ce programme accélère considérablement le processus d'obtention des titres de voyage exigés pour le renvoi. Ce programme serait exécuté en partenariat avec un fournisseur de services indépendant qui serait chargé de prendre toutes les dispositions de voyage, notamment obtenir les documents de voyage, tâche qui est actuellement effectuée par l'ASFC.
    Monsieur le président, en conclusion, outre les économies liées au programme de renvoi de l'ASFC, le gouvernement du Canada, les gouvernements provinciaux et territoriaux et les contribuables devraient également bénéficier des économies réalisées dans la mesure où les renvois volontaires réduiront les demandes en matière d'aide sociale et les dépenses des régimes d'assurance-maladie.
    Je vous remercie, monsieur le président. Il me tarde de tenter de répondre à vos questions.
(2025)
    Je vous remercie, monsieur.
    Vous avez tous les deux pris plus de sept minutes, mais ce que vous avez à dire est très important et nous vous remercions de votre présence
    M. Coderre a des questions.

[Français]

    Moi aussi, j'ai des choses importantes à dire. Ça va prendre quelques minutes.
    J'ai beaucoup de choses à dire moi aussi, alors je vais prendre 20 minutes.
    Merci, messieurs dames d'être ici. Vous n'avez pas un rôle facile, parce que vous appliquez la loi, ce qui n'est pas toujours évident. On ne fera donc pas de politique ensemble. Cependant, je vais vous poser des questions pointues.
    Il y a des gens qui se posent des questions, sur l'application, notamment, monsieur Coakeley. Comment est-ce que ça va fonctionner?
     J'y suis tout à fait favorable. Qu'on puisse avoir des bureaucrates en première ligne pour aider la situation ne me pose aucun problème. Tout reposera sur la formation, évidemment — et on en avait déjà discuté, à l'époque, de toute façon. Tout de même, il faut qu'il y ait justice et apparence de justice.
     À votre avis, quelles seront les compétences de ces gens et leur possible latitude? Voulez-vous vous assurer que ce seront des avocats? Il faut quand même que vous déterminiez certains critères. Vous avez déjà un peu réfléchi: ce serait quelle sorte de monde, pour cette première étape?
    Comme j'ai tenté d'expliquer plus tôt, on va se fier aux critères de sélection qu'on utilise actuellement pour les personnes qui sont membres de la Section de protection des réfugiés, qui sont nommés par décret. On a toute une série de compétences qui sont déjà établies — j'en ai mentionné quelques-unes.
    À l'heure actuelle, on ne demande pas une formation juridique pour nos décideurs. Évidemment, une formation juridique peut être considérée comme un atout, mais ce n'est pas essentiel. Comme je l'ai mentionné, on a des enseignants, des personnes qui viennent d'organisations à but non lucratif, des infirmières, des personnes de toutes sortes de formation — de toutes sortes de background, comme on dit en anglais. Ce sont des personnes qui travaillent déjà dans la Section de protection des réfugiés.
    On utilisera le même genre de critères. Il faut dire qu'on n'a pas encore établi tous les critères, ni les détails, mais on a déjà ça en place. On inclut plus ou moins les mêmes critères pour les appliquer à la sélection — parce qu'il n'y a pas que la formation, la sélection est très importante, évidemment — des personnes qui seront nommées à la nouvelle Section de protection des réfugiés.
    J'avais le goût de parler de Pharès Pierre , mais je n'en parlerai pas — les gens vont comprendre.
    Monsieur Coakeley, ce qui sera extraordinairement important pour moi, si on veut aller vite, ou mieux, il faut que ce comité soit indépendant. La Commission de l'immigration et du statut de réfugié est une section d'appel, il ne faut donc pas qu'il y ait de vases communicants. Autrement dit, la commission prend la cause en délibéré, et ensuite c'est un appel. The thin red line est là; ça va être important.
    Comment jugez-vous ça? Si vous utilisez la même méthode de nomination, vous aurez peut-être les mêmes réflexes. Ce sera peut-être aussi le même monde. Vous voyez où je m'en vais?
    Oui.
    Les processus de sélection seraient nécessairement différents, parce qu'à la nouvelle Section de protection des réfugiés, il s'agirait de processus de sélection assujettis à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Tandis que les membres qui seront nommés à la nouvelle Section d'appel des réfugiés seront toujours des personnes nommées par décret. Alors, le système actuel qu'on connaît pour les personnes qui sont nommées...
    Ça va donc être un peu hybride.
    Alors, pour les personnes nommées en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, on a l'intention de s'inspirer de ce qu'on fait actuellement pour les décideurs, mais pas nécessairement de copier complètement.
    J'ai deux questions, rapidement, et ensuite, M. Karygiannis va poser une question.
    On entend toutes sortes de choses sur la délibération. Ce qui m'inquiète, c'est un manque de sensibilité qui peut être dû à un manque de connaissances. Lorsqu'on se présente à la première ligne, pour des raisons humanitaires, il y a là les mêmes agents. Ils n'ont pas tous lu la jurisprudence de la Cour suprême. Il y a peut-être des gens qui ont des difficultés pour des raisons religieuses.
    Vous avez eu certains cas. L'agent d'information, qui représente le système — parce que c'est un pouvoir délégué, d'une certaine façon —, quand il veut remettre un visa — c'est un peu le même style — à une personne qu'il voit pour la première fois, va déjà déterminer si ce demandeur est apte à être réfugié ou non. Par la suite, si ça ne marche pas, le cas est remis à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Comment serez-vous capable de vous assurer que... On parle beaucoup de dignité et de rapidité, mais la sensibilité sera extraordinairement importante, aussi, parce qu'il y a des réalités politiques.
    J'ai une deuxième question. Admettons que le ministre fasse une déclaration — parce qu'il parle beaucoup — et dise que ça n'a pas d'allure qu'une demande de réfugié provienne d'un Japonais, parce que le Japon est un pays sûr. Je ne vous demande pas de parler du Japon, mais vous me comprenez. Alors, si la première ligne est constituée d'agents officiels et qu'on lise dans le journal qu'un homme venant de tel pays a demandé le statut de réfugié, comment allez-vous vous occuper de ça? N'oublions pas que le ministre veut faire une liste, de laquelle je ne suis pas en faveur.
(2030)
    Je vais demander plus tard à Me Guilbault de parler un peu de la formation, surtout de la formation juridique que nous offrons à nos décideurs.
    D'accord.
    En ce qui a trait à la dernière partie de votre question, on a déjà une section d'immigration assez indépendante dont les fonctions sont assumées par des fonctionnaires. Je peux vous garantir qu'assez souvent, l'Agence des services frontaliers n'est pas favorable aux décisions rendues par nos décideurs. C'est la réalité.
    La Commission de l'immigration et du statut de réfugié ne fait pas partie du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. C'est un tribunal administratif indépendant. M. Goodman, le président, ne relève pas du ministre mais du Parlement, par l'intermédiaire du ministre. Notre organisation est indépendante, et je pense que son histoire va dans ce sens.
    S'il reste du temps, je pourrais demander à Me Guilbault de parler un peu de la formation.
    Oui, rapidement.
    Dans le cadre de la formation, on s'assure que chaque décideur remplit ses fonctions de la façon la plus compétente possible. Ça implique évidemment qu'il doit faire preuve de l'empathie nécessaire à l'égard des demandeurs d'asile, qui sont plus vulnérables que les autres justiciables faisant appel à un tribunal administratif. Soyez certains que nous allons continuer à nous assurer que chaque décideur, nouveau ou ancien, va continuer de manifester l'empathie nécessaire aux demandeurs d'asile.
    Pour ce qui est de l'indépendance, encore là, j'aimerais rassurer tout le monde. Tous les décideurs sont indépendants. L'indépendance, au sens juridique, signifie l'absence d'influence indue. Qu'il s'agisse de gens nommés par décret ou de fonctionnaires, on s'assure que chaque décideur peut jouir de l'indépendance nécessaire pour rendre des décisions conformes à la loi.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur St-Cyr.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
     Les membres du comité ont reçu de la correspondance échangée entre le ministre et vous. Elle traitait des délais à prévoir dans la réglementation. Il est assez révélateur de voir que le ministre vous fait ses demandes et vous suggère d'inclure tel délai plutôt qu'un autre dans la réglementation. En revanche, ça souligne l'indépendance dont vous avez parlé, à savoir qu'en fin de compte, c'est vous qui allez adopter la réglementation en matière de délais. Par contre, ça indique que peu importe les discussions sur le projet de loi ayant lieu dans le cadre de ce comité, rien ne garantit que les délais sur lesquels les députés pourraient s'entendre seront maintenus, dans le temps.
    Est-ce que je me trompe?
    En vertu du projet de loi C-11, c'est le tribunal qui établit les délais, selon les règles du tribunal. Comme je l'ai expliqué plus tôt, on a un processus de consultation qui est déjà en oeuvre concernant toute règle qu'on veut adopter au tribunal. Ça inclut les consultations avec les parties intéressées, soit des groupes comme le Conseil canadien pour les réfugiés, les avocats, l'AQAADI et le UNHCR, notamment. On a l'intention de les consulter. On sait qu'ils ont fait des présentations devant ce comité.
    Vous avez pris connaissance de l'échange de lettres. Nous acceptons l'information ou la recommandation du ministère, mais il nous faut faire nos propres consultations avant de proposer une règle qui spécifie un chiffre ou un autre.
(2035)
    Donc, en tant que parlementaires, si nous voulons nous assurer qu'il y a un délai minimum pour les cas les plus problématiques, nous n'avons pas d'autre choix que de l'inclure dans la loi, tout simplement. Autrement, ça va dépendre du fruit de vos consultations et ça pourra changer avec le temps, en fonction des préoccupations du moment.
    Je vais demander à mon collègue de répondre, étant donné que c'est une question d'ordre plutôt juridique.
    Je suis d'accord avec vous. Si le législateur veut qu'il y ait un délai minimum, il est préférable qu'il indique le délai minimum de traitement d'une audience. S'il désire que le président établisse les règles sur les délais, comme dans le projet de loi et la loi existante, ce sera au président, de concert avec les groupes intéressés, d'établir les délais.
    Votre administration comporte un tribunal juridique. Il y a un aspect administratif, à savoir la gestion de la main-d'oeuvre, le personnel, les salles et tout cela. Vous devez faire une projection du nombre de demandes qui entrent, qui sont traitées et qui sortent.
    Le ministre nous dit souvent que ce nouveau système va permettre d'expulser plus rapidement ceux qu'il qualifie de faux demandeurs et va décourager ce type de demandeurs. Ce qu'il ne dit pas, mais qu'on peut présumer, c'est que selon la même logique, le système va permettre d'accepter plus rapidement les demandeurs légitimes. En effet, si cette rapidité de traitement s'applique aux demandeurs illégitimes, elle devrait aussi s'appliquer aux demandeurs légitimes. Les demandeurs légitimes devraient donc être plus nombreux à trouver intéressante l'idée de venir faire une demande de statut de réfugié au Canada, étant donné que le traitement est rapide.
    Avez-vous estimé le volume que représenterait ce plus grand nombre de demandeurs arrivant au Canada?
    Nous sommes d'avis que nous n'avons pas assez de compétences dans ce domaine pour faire des projections au regard du nouveau système. On peut faire des projections pour ce qui est du système actuel, mais à cause de tous les facteurs que vous avez mentionnés et sur lesquels nous n'avons pas de contrôle ni d'expérience, nous ne sommes pas en mesure de faire des prévisions. C'est donc le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration qui, en établissant la politique, a adopté et présenté des projections.
    Comment faites-vous pour déterminer le délai minimum à l'intérieur duquel vous serez capable d'offrir un service suffisamment efficace pour soutenir ces délais si vous n'avez pas été en mesure d'estimer exactement quel sera le volume?
    On a accepté et on utilise les projections faites par le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration qui est d'avis que, dans le nouveau système, on recevra à peu près 22 500 demandes par année. On se fie donc à ce chiffre pour faire nos propres calculs.
    Éventuellement, si plus de demandeurs devaient nous être acheminées parce que le Canada traite avec une célérité exceptionnelle ces demandes, cela va en quelque sorte bloquer le processus et il pourra y avoir un réajustement des délais en conséquence.
    Si cela dépasse de façon substantielle le nombre de 22 500, il faudrait alors qu'on ait effectivement plus de ressources et de capacités pour maintenir les délais.
    D'accord.
    Sur le plan de la dotation du personnel, plusieurs des gens qui sont venus comparaître ici nous ont dit qu'un processus similaire à celui qu'utilise le directeur général des élections pour nommer ses directeurs du scrutin, avec une responsabilité directe et une possibilité d'aller chercher les fonctionnaires directement dans la population en général, serait peut-être plus pertinent que le modèle global du cadre de la fonction publique.
    Êtes-vous d'accord avec moi sur ce point? Comment réagissez-vous au regard de cette proposition?
    Comme je l'ai indiqué et comme l'a effectivement indiqué M. Goodman en répondant à votre question la dernière fois, nous avions l'intention d'avoir un genre de processus mixte. Il serait à la fois ouvert à des personnes qui sont déjà employées dans la fonction publique et il y aurait aussi un processus à l'extérieur de la fonction publique.
    D'un point de vue très pratique, lorsqu'on annonce un poste à l'extérieur de la fonction publique, même pour 24 heures ou 48 heures, on reçoit entre 1 000 et 1 500 demandes, voire plus. Évidemment, je crois qu'on ne voudrait pas juste annoncer pour 24 heures un poste de décideur à la section de la protection des réfugiés.
    Ainsi, si on est obligés de faire un concours uniquement à l'extérieur de la fonction publique, on s'attend à avoir environ 5 000 demandes. C'est un élément, et il faudrait tenir compte de cela et trouver des façons de réduire le nombre de 5 000. On ne peut pas avoir des entrevues avec 5 000 personnes ni leur faire passer des tests écrits. Ce serait un élément problématique pour nous. L'autre élément qui serait peut-être également problématique, c'est que cela aurait un impact négatif chez le personnel actuel parce qu'il verrait cela comme étant un vote de non-confiance.
    Nous maintiendrons la productivité de notre personnel pendant que la loi actuelle est en vigueur pour ne pas arriver dans le nouveau système avec un backlog incroyable.
    L'autre chose qui serait très problématique...
(2040)

[Traduction]

    Vous devrez bientôt conclure.
    Deux secondes.
    Vous avez deux secondes.

[Français]

    L'autre chose qui serait très problématique, c'est qu'on serait obligés de faire cela chaque fois qu'il y a une vacance de poste dans le futur, soit de convoquer 1 500 personnes pour un poste.

[Traduction]

    Je vous remercie, monsieur.
    Madame Chow.
    Monsieur Hill, l'ASFC a fait l'objet d'une vérification et à l'époque la vérificatrice avait dit que vous aviez besoin de meilleurs systèmes informatiques pour faire le suivi des gens, où ils sont, etc. Avez-vous maintenant les fonds nécessaires à votre budget pour avoir un tel programme informatique de suivis?
    Je vous remercie.
    Vous parlez du rapport de 2008 de la vérificatrice générale.
    C'est exact.
    En effet, cette proposition permettrait de recevoir les fonds suffisants pour obtenir le système que nous n'avions pas précédemment — le Système national de gestion des cas — pour gérer les cas de façon uniforme à l'échelle nationale et effectuer un suivi des coûts des cas de renvoi. La réponse courte est oui, cette proposition répondrait à cette exigence.
    Combien de temps faudra-t-il, une fois que vous aurez les fonds, pour prendre les mesures nécessaires et mettre le système de TI en place? Parce qu'on sait qu'il est difficile d'en trouver un bon et que parfois, il y a des dépassements de coûts, comme on l'a vu dans d'autres ministères — Cybersanté en Ontario, et il y a d'autres exemples. Combien de temps vous faudrait-il pour obtenir le système qui réponde à vos attentes, par exemple?
    Nous ne commençons pas à partir de rien. Nous avons fait ce que nous avons pu, c'est-à-dire construire un meilleur système avec les ressources disponibles, alors au cours des quelques dernières années, nous avons pris des mesures pour augmenter progressivement notre capacité. Les prévisions pour le financement ici sont pour une période de cinq ans. Il m'est difficile de dire quand ce système sera entièrement rodé, mais je m'attends à ce que d'ici trois à cinq ans, et même peut-être avant, nous aurons apporté des améliorations à la capacité de notre système, à la capacité de notre gestion d'information qui nous permettront de répondre aux exigences du nouveau système.
    Actuellement, je sais que vous ne faites pas vraiment de suivi — peut-être que oui — des gens détenus, à savoir s'il s'agit d'hommes, de femmes ou d'enfants, peut-être certains Canadiens, ce n'est pas le cas pour tous, surtout les enfants, combien de gens sont détenus, combien de gens sont expulsés. Faites-vous en fait un suivi de ces chiffres? Parce que je me rappelle avoir posé une question précise sur le nombre d'enfants nés au Canada, détenus puis expulsés, et l'information que j'ai obtenue indiquait que l'ASFC ne fait pas de suivi de cette information. Ai-je tort ou raison?
    Faisons-nous un suivi du nombre d'enfants nés au Canada dans les centres de détention?
    Oui, puis par la suite expulsés, par année, par exemple.
    Je ne crois pas que le nombre soit très élevé. Peut-être que mon collègue a de nouvelles informations?
    Je vous remercie.
    Les citoyens canadiens ne sont jamais expulsés. Ils accompagnent toujours les personnes qui font l'objet d'un renvoi.
    C'est vrai, oui.
    Nous faisons en fait un suivi du nombre d'enfants canadiens qui accompagnent des ressortissants en détention. Ce chiffre est assez facile à obtenir.
    Quelle est votre estimation du nombre? Le savez-vous, par hasard?
    En ce moment, à notre centre de détention de Toronto, il y en a probablement six ou sept, et ce, à la demande du parent ayant la garde qui veut que l'enfant soit avec la mère ou le père, selon le cas...
(2045)
    À n'importe quel moment donné.
    Au centre de détention, oui.
    Alors combien, peut-être, dans une année?
    Pendant une année, je dirais 50 ou 60 enfants différents, des enfants qui sont citoyens canadiens.
    Et ils quitteraient le Canada parce que leurs parents quittent le Canada.
    C'est exact. La décision revient entièrement au parent qui a la garde. C'est à lui de décider de prendre l'enfant ou de laisser l'enfant avec un parent, si ce parent est citoyen.
    Si vous avez un programme plus rapide pour ce qui est de renvoyer les demandeurs afin qu'ils ne restent pas aussi longtemps, en présumant qu'il ne s'agit pas de vrais réfugiés, pourriez-vous demander aux gens de partir beaucoup plus rapidement?
    En fonction de...
    Davantage de personnel, davantage...
    Compte tenu de la planification, il s'agit exactement de l'un des principaux objectifs.
    À quel pourcentage d'augmentation vous attendez-vous? Parce que je me souviens qu'il y avait un énorme arriéré.
    Nous expulsons actuellement environ 9 000 demandeurs déboutés par année, et ce nombre est resté assez stable au cours des cinq dernières années. En vertu du nouveau système proposé, compte tenu des calculs de Citoyenneté et Immigration, on s'attend à devoir expulser environ 13 000 demandeurs, ce qui représente donc 4 000 demandeurs déboutés supplémentaires par année.
    Et combien de temps vous faudra-t-il pour vous débarrasser de l'arriéré? Parce que je me souviens que le rapport de la vérificatrice générale faisait état d'un arriéré vraiment considérable.
    L'arriéré est considérable. Le financement proposé pour justement mettre fin à l'arriéré est fourni sur trois ans, ce qui nous aiderait à réduire l'arriéré mais ne l'éliminerait pas. Nous avons donc hâte à l'évaluation après trois ans, l'évaluation du programme en entier après trois ans, pour avoir une meilleure compréhension du rendement du programme de renvoi et pour déterminer si le financement pour éliminer l'arriéré est suffisant afin de répondre aux besoins du système.
    Je me souviens qu'à l'époque du rapport, on parlait d'environ 38 millions ou d'un chiffre semblable. C'était en 2008. Je ne me souviens pas. L'arriéré a-t-il augmenté depuis?
    À quoi renvoient ces 38 millions?
    J'en ai un vague souvenir; il s'agit du chiffre d'il y a deux ou trois ans. Ce chiffre était-il lié au renvoi? Suis-je dans le champ?
    Je crois que vous parlez peut-être du nombre de cas de renvoi, et il s'agissait d'environ 40 000 cas.
    Quarante mille cas, mais à combien cela s'élève-t-il en dollars?
    En termes de dollars... Cela fait partie du problème. Si vous deviez simplement adopter l'approche traditionnelle que nous avons aujourd'hui en vertu du régime et que vous engagiez davantage d'agents d'exécution, le coût serait très astronomique. C'est pourquoi nous avons proposé l'idée d'un programme d'aide au retour volontaire, parce que c'est plus économique et plus efficace, entre autres.
    Je vous remercie, monsieur Hill.
    Madame Chow, malheureusement, vous n'avez plus de temps.
    Monsieur Young.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur Hill, quelle répercussion les mesures de réforme auront-elles sur les opérations de l'ASFC et les temps d'attente aux ports d'entrée?
    Aux ports d'entrée, nous ne nous attendons pas à des répercussions importantes sur le travail de nos agents des services frontaliers.
    Aucune répercussion considérable?
    C'est exact.
    D'accord, merci.
    Que fait la réforme pour régler le problème actuel d'arriéré en matière de renvoi, et s'attend-on à ce que le nombre de demandeurs réfugiés en détention augmente à la suite des changements proposés au système d'octroi de l'asile?
    Le financement proposé pour réduire l'arriéré serait considérable sur trois ans. Il n'entraînerait aucunement l'élimination de l'arriéré actuel. Les fonds fournis pour le nouveau régime iraient au nouveau régime seulement, alors une fois le nouveau régime mis en oeuvre, il y aura une approche « dernier arrivé, premier expulsé » qui sera adoptée, alors nous veillons à ce que le nouveau régime ne donne pas lieu à des arriérés considérables. À cet égard, nous sommes en mesure de répondre entièrement aux exigences du nouveau régime, et s'il reste des ressources supplémentaires, elles peuvent être affectées à l'arriéré.
(2050)
    S'attend-on à ce que le nombre de demandeurs de statut de réfugié déboutés en détention augmente en raison des changements au régime?
    Actuellement, environ 20 p. 100 des demandeurs expulsés sont d'abord détenus. On s'attend à ce qu'un pourcentage proportionnel, c'est-à-dire 20 p. 100, soit détenu, mais il n'y aurait aucune augmentation comparativement au taux d'aujourd'hui en vertu du système actuel.
    Je vous remercie, monsieur le président. M. Dykstra va utiliser le reste de mon temps. Merci.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    J'ai une question concernant l'un des amendements proposés dont a parlé le ministre, et je crois qu'il serait bon d'avoir certaines précisions à ce sujet. Pouvez-vous nous parler du transfert de la fonction d'examen des risques avant renvoi à la CISR, Simon?
    Merci beaucoup.
    Si nous avons bien compris, le projet de loi propose que la fonction d'examen des risques avant renvoi soit transférée à la Section de la protection des réfugiés environ un an après l'entrée en vigueur du projet de loi C-11. Nous voudrions intégrer la fonction d'ERAR à la fonction de la SPR à ce moment-là. C'est pourquoi nous avons encore du travail à faire relativement à nos profils de compétence et autres, parce que nous devons en tenir compte dans nos réflexions avant de pouvoir avoir des descriptions de travail et des profils de compétence définitifs pour la SPR. De toute évidence, il faudrait que ce soit intégré à nos trousses de formation.
    Il y a un autre aspect — et nous avons eu beaucoup de questions et de commentaires à ce sujet tout au long des audiences —, et c'est le processus d'entrevue de collecte d'information. Je crois qu'il est important d'obtenir votre perspective sur la vulnérabilité des demandeurs et la façon dont ces derniers seraient traités, ou simplement un aperçu général de la façon dont le processus ou l'entrevue de collecte d'information se déroulera pour le premier processus d'entrevue.
    Je vais parler de la question des personnes vulnérables d'abord, peut-être, et ensuite je me concentrerai sur le portrait d'ensemble.
    Selon les lignes directrices actuelles, lorsque nous estimons qu'une personne est vulnérable, elle doit obtenir un représentant désigné. Cette pratique est normalement adoptée dans deux situations. D'abord, si la personne qui comparaît devant toute division de la CISR, pas seulement la Section de la protection des réfugiés, est un mineur, par exemple, elle doit avoir un représentant désigné. Si cette personne est accompagnée d'un parent, surtout si c'est la mère ou le père, normalement il revient aux parents de jouer le rôle de représentants désignés — pas toujours, mais en temps normal. Nous pouvons calculer l'âge lorsque le cas nous est envoyé. Mais l'autre situation, qui est parfois un peu plus difficile, se présente lorsque quelqu'un a de la difficulté à comprendre ce qui se passe. Selon le scénario actuel, on s'en rendrait compte la première fois que la personne comparaît à une audience, ce qui, comme vous le savez, dans certains cas, se fait 18 ou 19 mois après son arrivée au Canada.
    L'entrevue nous donne une occasion de déterminer si une personne a besoin d'un représentant désigné plus tôt dans le processus, et cela nous permettra d'enclencher le processus beaucoup plus tôt.
    Maintenant, pour ce qui est du processus d'entrevue...
    Puis-je aller un peu plus loin?
    L'une des préoccupations que nous avons eue pour ce qui est de la compréhension de la perspective du processus, c'est que certains considèrent le processus comme étant quelque peu... Je ne veux pas dire qu'il s'agit d'une interrogation, mais il s'agit d'un milieu de type juridique.
    La façon dont vous venez de décrire comment vous allez aider un mineur ou une personne vulnérable, certainement de mon point de vue — et je crois qu'il est important que le comité comprenne —, c'est que vous êtes là pour veiller aux intérêts de la personne dans le premier cas et que vous tentez autant que possible d'en faire un processus conciliatoire, et non pas un processus qui est perçu comme étant un interrogatoire.
    Non, en effet. Nous ne voyons pas le processus comme étant accusatoire, loin de là. Nous le voyons comme un processus d'échange d'information. Nous devons certainement obtenir certains renseignements auprès des demandeurs du statut de réfugié, le genre d'information qu'on retrouve actuellement sur le FRP, le formulaire de renseignements personnels.
    En plus, il s'agit d'une occasion d'offrir de l'information aux demandeurs, par exemple, s'ils n'ont pas été représentés jusque-là. On s'attend à travailler avec des associations juridiques pour pouvoir offrir des listes, peut-être d'avocats qui ont indiqué être prêts à travailler bénévolement, ou pour l'aide juridique. Nous fournirions ce genre d'information. Nous aimerions pouvoir offrir beaucoup plus d'information détaillée sur le déroulement des audiences, le genre de questions pouvant être posées à l'audience, et ainsi de suite.
    Dans le contexte actuel, les gens arrivent et ils sont souvent accompagnés d'enfants à l'audience. Lorsqu'ils viennent à l'entrevue, nous pourrons leur dire quoi faire à l'audience concernant leurs enfants, afin que, même si les enfants sont là, quelqu'un pourra s'en occuper durant la tenue de l'audience, par exemple.
(2055)
    Je suis désolé, c'est tout le temps qu'on avait.
    Merci beaucoup, monsieur Coakeley, monsieur Guilbault, monsieur Hill, madame Taylor et monsieur Williams, d'être venus à une heure si tardive. Vous avez fait une bonne contribution aux travaux du comité, et nous vous en remercions.
    Avant de lever la séance, mesdames et messieurs, le greffier va distribuer deux documents: une série d'amendements des quatre caucus et l'ébauche du Règlement, comme lecture de chevet ce soir.
    À moins qu'il y ait autre chose, je vais lever la séance jusqu'à demain, le mardi 1er juin, à 15 h 30. Rendez-vous au 209 de l'édifice de l'Ouest.
    La séance est levée.
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