Il s'agit de la 30e séance du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration. Nous sommes le lundi 1er novembre 2010. La séance est télévisée. Conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 23 septembre 2010, nous étudions le projet de loi .
Nous recevons trois groupes de témoins, cet après-midi. Tout d'abord, Stéphane Handfield comparaît à titre personnel.
Bonjour, monsieur.
Nous accueillons aussi trois représentants de l'Association du Barreau canadien: Michael Greene, membre de la Section nationale du droit de l'immigration et de la citoyenneté; Tamra L. Thomson, directrice de la législation et de la réforme du droit; et Chantal Arsenault, présidente de la Section nationale du droit de l'immigration et de la citoyenneté.
Enfin, nous recevons du Barreau du Haut-Canada: Laurie Pawlitza, trésorière; Malcolm Heins, président-directeur général; et Sheena Weir, gestionnaire des relations gouvernementales.
Bonjour à tous.
Chaque groupe a sept minutes pour faire un exposé, avant de répondre aux questions de députés des quatre partis. Nous suivrons simplement l'ordre du jour.
Monsieur Handfield, vous avez sept minutes pour faire un exposé.
:
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de votre invitation à témoigner au sujet du projet de loi .
Je suis avocat à Montréal depuis 18 ans et j'ai exercé les fonctions de commissaire à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada pendant 11 ans. Je pratique principalement dans le domaine du droit de l'immigration. La pratique du droit est le domaine des avocats. Le droit de l'immigration relève du droit. Par conséquent, le droit de l'immigration devrait être pratiqué uniquement par des avocats, exception faite des notaires, au Québec.
Le champ d'action des conseillers en immigration devrait se limiter, par exemple, au recrutement de candidats à l'immigration, à la collecte de la documentation et à la préparation de divers formulaires. Leurs fonctions devraient être exercées sous la gouverne d'un avocat ou d'un notaire, et ce, afin de s'assurer que le candidat à l'immigration ou l'étranger est conseillé adéquatement. De cette façon, les personnes seraient mieux protégées contre la fraude et les mauvais traitements.
Au cours de ma pratique, il a été porté à ma connaissance des histoires troublantes impliquant des consultants en immigration. Par exemple, une dame âgée de 80 ans a retenu les services d'un consultant en immigration pour la préparation et le dépôt de sa demande de résidence permanente au Canada, assortie de considérations d'ordre humanitaire. Or, après plusieurs années d'attente et de frais divers, la dame a appris par Citoyenneté et Immigration Canada que sa demande de résidence n'avait jamais été soumise. Le consultant en question fut arrêté par la Gendarmerie royale du Canada et accusé de fraude devant les tribunaux.
Il y a également un candidat à l'immigration qui répondait aux critères de la catégorie des travailleurs qualifiés, mais qui s'est fait conseiller par un consultant en immigration de soumettre une demande comme investisseur, afin que ce consultant puisse toucher une commission de 50 000 $. Des histoires comme celles-là, on en compte par centaines.
Les conséquences pour les personnes touchées sont importantes: demandes refusées, expulsion du Canada, familles séparées, pertes financières, vies brisées. Je prétends que le projet de loi ne protège pas les personnes contre les consultants en immigration véreux qui pourraient affirmer ne pas être rémunérés pour leurs services.
Le projet de loi prévoit l'attribution de nombreux pouvoirs réglementaires à l'organisme qui sera chargé des consultants en immigration. Cet organisme peut être assimilé à un ordre professionnel. Or, le cadre légal et réglementaire déjà existant au Québec en matière d'ordres professionnels pourrait offrir une assurance de surveillance des consultants, ce que le cadre fédéral ne peut offrir. Par conséquent, les consultants en immigration exerçant au Québec devraient être uniquement encadrés par le gouvernement du Québec. Ainsi, il y aurait respect des champs de compétence provinciale.
En somme, le droit de l'immigration devrait être réservé aux avocats et aux notaires. Si l'on veut reconnaître les consultants en immigration, ceux-ci devraient exercer leurs fonctions sous la gouverne d'un avocat. De plus, l'organisme chargé des consultants devrait être réglementé par le Québec.
En terminant, j'aimerais souligner que selon Le Petit Larousse 2010, un consultant est un spécialiste qui donne des consultations et des avis circonstanciés relatifs à son activité, alors qu'un avocat est un auxiliaire de justice qui conseille, assiste et représente ses clients. La formation d'avocat amène à interpréter des lois et des règlements complexes, comme on en retrouve dans le domaine de l'immigration.
Merci.
:
L'Association du Barreau canadien a toujours eu à coeur la protection du public et l'intégrité du système d'immigration. C'est avec ces objectifs en tête que nous suivons le dossier des consultants de très près depuis maintes années, ayant publié de nombreux mémoires sur la question depuis 1995. Nous sommes heureux de vous faire part de nos commentaires au sujet du projet de loi .
Tout d'abord, nous unissons nos voix à celles de tous ceux qui, avant nous, ont salué l'interdiction faite par le projet de loi à des personnes non réglementées de représenter des candidats à toutes les étapes du processus, soit même avant le dépôt d'une demande. L'ABC souligne d'ailleurs cette lacune importante du système actuel depuis longtemps. Ce changement est donc bienvenu.
Quant à savoir qui devrait être réglementé et comment la réglementation est possible, ce sont des questions beaucoup plus complexes. L'ABC a toujours maintenu que seuls les avocats devraient pouvoir représenter et conseiller une personne dans le cadre d'une demande ou d'une instance en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Dans l'alternative, nous soutenons qu'il est essentiel que les consultants soient adéquatement représentés.
L'une des pierres angulaires du projet de loi repose sur la notion de représentation et de conseil. Malheureusement, contrairement à nos recommandations depuis 1996, le projet de loi ne contient pas de définition claire des services en immigration qui font l'objet de la réglementation.
[Traduction]
Dans notre mémoire, nous présentons une définition des services d'immigration, qui indique que seuls les avocats peuvent fournir de tels services, peu importe qu'on souhaite ou puisse adopter l'alinéa 91(2)b) proposé. Les avocats ont fait des études pour analyser et gérer les questions de droit complexes.
De nombreux aspects de l'immigration ne concernent pas seulement le droit de l'immigration, mais aussi les droits administratif, pénal et constitutionnel, ainsi que les droits de la personne. L'admissibilité ou la validité d'un mariage à l'étranger ne sont que deux exemples qui demandent une analyse juridique poussée pour donner des conseils judicieux aux clients et préparer des documents, au lieu de simplement mémoriser des manuels.
Nous recommandons que personne ne soit visé par l'alinéa 91(2)b) du projet de loi et que les consultants ne puissent offrir des services que sous l'autorité d'avocats. Cela dit, si le comité ou le gouvernement ne suivait pas la recommandation, nous proposons dans notre mémoire des améliorations à apporter au texte proposé.
Mon collègue Michael Greene s'occupe de la question depuis bon nombre d'années. Je vais donc lui demander de parler des changements que nous souhaitons apporter au projet de loi.
:
Étant donné que j'étais président de la section nationale lorsqu'on a adopté la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, la LIPR, j'ai livré quelques témoignages devant votre comité au fil des ans. Je suis heureux d'être parmi vous, cette fois-ci, pour féliciter le gouvernement, qui a corrigé une lacune de longue date. En effet, la loi n'encadrait pas les consultants qui n'étaient pas représentés par un ordre. Nous sommes très heureux que le ministre ait proposé quelque chose pour combler le vide juridique.
Comme l'a dit Chantal, notre position est restée la même au fil des ans. Essentiellement, qu'il soit question de droit pénal ou civil, de droit de la famille ou autre, seuls les avocats et les membres de la Chambre des notaires du Québec, qui ont reçu une formation adéquate, doivent offrir des services juridiques pour protéger la population et le programme d'immigration.
Dans tous les cas, il se peut que, pour l'instant, le comité et le gouvernement ne soient pas prêts à aller aussi loin. Grosso modo, le gouvernement peut restreindre les activités d'immigration aux avocats, déterminer les services que doivent offrir les avocats et ceux que peuvent offrir les consultants ou encore laisser le champ libre aux deux groupes.
Si on permet toujours aux consultants d'offrir des services d'immigration, moyennant rétribution, il est impératif de régir leur travail comme il se doit. Selon nous, la Société canadienne de consultants en immigration, la SCCI, n'a pas réussi à réglementer adéquatement le secteur. Il faut corriger les problèmes structurels qu'elle présente.
Le grand problème, c'est le manque de reddition de comptes, qui nuit à l'intérêt public. Il faut faire quelque chose pour qu'on applique de façon appropriée les normes éthiques et professionnelles.
Nous croyons que le projet de loi présente de bons mécanismes, mais il ne va pas assez loin.
Notamment en raison de ses problèmes structurels, la SCCI fait l'objet d'allégations sur des irrégularités financières, des problèmes de gestion et des conflits internes. Il faut surveiller la SCCI et lui demander de rendre des comptes.
Le ministre a proposé de désigner un organisme, mais cela ressemble à ce qui se faisait déjà. À notre avis, il doit en faire davantage pour que la reddition de comptes et la surveillance soient efficaces.
En particulier — et nous en parlons plus en détail dans le mémoire —, il importe beaucoup que le ministre puisse révoquer la désignation. Il faut établir les conditions d'exercice du pouvoir pour éviter les abus.
Nous croyons que la SCCI s'est dite préoccupée par l'utilisation d'un tel pouvoir à des fins politiques pour éviter qu'on le confère au ministre. Quant à nous, il paraît essentiel de donner encore davantage de pouvoirs au ministre. La SCCI va probablement porter l'affaire devant les tribunaux, alors il faut être très clair sur le pouvoir de révocation et les facteurs à considérer, qui seraient probablement le défaut de protéger la population ou de travailler dans l'intérêt public.
Le ministre peut désigner l'organisme et l'obliger à fournir des informations. À cet égard, nous pensons qu'il faut sanctionner ceux qui ne fournissent pas les informations.
Nous suggérons qu'entre-temps, on puisse nommer un fiduciaire, car la structure est assez élaborée. Il y a des dispositions d'exception pour la transition. Si les choses tournent au vinaigre avec le conseil d'administration, on doit pouvoir nommer un fiduciaire pour s'occuper de la SCCI, sans nécessairement tout jeter par-dessus bord.
La structure n'a pas à changer en raison de la nomination d'un fiduciaire. Nous avons fait des recommandations sur ceux qui pourraient faire partie du conseil d'administration et le genre de personnes qui pourraient être fiduciaires, pendant la transition.
Je répète que nous félicitons le gouvernement d'avoir présenté le projet de loi, mais nous estimons qu'il ne va pas assez loin.
:
Merci. J'ai été élue trésorière du Barreau du Haut-Canada, la plus importante fonction de l'organisation.
Tout d'abord, je tiens à dire que nous voyons d'un très bon oeil le projet de loi , présenté par le ministre. Nous sommes pour la mesure, dont l'objet est de protéger la population. En particulier, nous appuyons l'idée d'étendre la gamme des activités interdites.
Toutefois, nous sommes ici pour vous recommander d'amender le projet de loi et de ne pas imposer l'adhésion à la SCCI aux techniciens juridiques de l'Ontario régis par le Barreau du Haut-Canada.
Le paragraphe 91(2) du projet de loi exclut les avocats en ce qui touche à la SCCI. Selon ce que je comprends, les avocats ne sont pas concernés, parce qu'ils relèvent déjà des barreaux.
En Ontario, le Barreau du Haut-Canada ne régit pas seulement les avocats; depuis 2008, il a une réglementation pleinement fonctionnelle pour les techniciens juridiques, qui ressemble à celle en vigueur pour les avocats. À l'heure actuelle, 42 000 avocats et 3 000 techniciens juridiques indépendants relèvent du Barreau.
Il convient maintenant de vous dire que les barreaux ne sont pas comme les associations d'avocats. De fait, les activités des associations comme l'ABC sont très différentes. Par exemple, l'adhésion est facultative et les associations défendent les intérêts des membres. En comparaison, le Barreau est un organisme créé par la loi qui doit imposer des règles dans l'intérêt public. En Ontario, le technicien juridique doit avoir une licence pour offrir des services juridiques.
En vertu des modifications apportées à la Loi sur le Barreau, les techniciens juridiques peuvent offrir certains services précis, comme pour la Cour des petites créances et les tribunaux fédéraux et provinciaux. De plus, les techniciens enregistrés en Ontario peuvent s'occuper d'immigration.
Le problème des techniciens juridiques de l'Ontario, c'est que la Loi sur le Barreau les oblige à faire partie du Barreau du Haut-Canada pour offrir des services juridiques. Qui plus est, la LIPR contraint les techniciens à adhérer à la SCCI. À notre avis, il est inutile que deux organismes de réglementation régissent les techniciens juridiques, en Ontario.
Je vais parler brièvement de la façon de régir les techniciens juridiques de l'Ontario. Avant que le régime soit mis en oeuvre, en 2008, les candidats qui répondaient à certains critères avaient des droits acquis et ils n'étaient pas tenus de faire des études postsecondaires. Mais, les choses ont changé.
De nos jours, les techniciens juridiques ne peuvent offrir des services juridiques en Ontario que s'ils ont fréquenté un collège communautaire et terminé un programme reconnu par le Barreau. Nous avons mené des recherches approfondies sur les compétences nécessaires et nous pouvons répondre aux questions là-dessus.
En outre, les techniciens juridiques doivent satisfaire à d'autres critères. Tout comme les avocats, ils doivent tous faire montre d'intégrité. Les techniciens doivent passer un examen d'accréditation sur d'autres compétences que celles évaluées par les programmes collégiaux reconnus. Ils doivent se concentrer sur la responsabilité professionnelle, l'éthique, etc.
Également, les techniciens juridiques enregistrés doivent observer des règles de conduite qui ressemblent beaucoup à la déontologie des avocats. Si les techniciens gèrent et conservent les fonds des clients, ils doivent avoir un compte en fiducie. Comme pour les avocats, on peut vérifier leurs dossiers, sans les prévenir. Les techniciens doivent aussi coopérer, si on examine leurs pratiques.
À partir de janvier 2011, les techniciens juridiques seront tenus, sous peine de suspension, de suivre, chaque année, 12 heures de cours de formation continue. Par ailleurs, ils doivent être couverts pour un total de 2 millions de dollars.
Le barreau gère également un fonds d'indemnisation. Si un client est victime d'un acte malhonnête de la part d'un technicien juridique, par exemple une fraude, le barreau accorde une indemnisation.
De toute évidence, le barreau a un processus disciplinaire bien établi. Nous prenons des mesures disciplinaires à l'endroit de nos techniciens juridiques et avocats dans les cas de mauvaise conduite, d'incompétence ou d'incapacité, et nous intentons également des poursuites lorsqu'il y a exercice non autorisé de la profession.
En outre, nous sommes tenus de faire rapport au gouvernement sur la profession parajuridique. Nous avons présenté un rapport en 2009 et nous avons apporté avec nous aujourd'hui des copies du rapport provisoire sur le système de délivrance des permis. Nous devrons d'ailleurs présenter un nouveau rapport en 2012.
En conclusion, le barreau réglemente la profession juridique depuis 1797. Nous sommes le plus vieux organisme de réglementation au Canada. Notre système reflète celui des avocats et, pour ces raisons, nous demandons que le projet de loi soit modifié de façon à exempter les techniciens juridiques autorisés par le Barreau du Haut-Canada des dispositions prévues au paragraphe 91(1) proposé, au même titre que nos avocats autorisés.
C'est avec plaisir que nous répondrons à vos questions.
M. Heins, notre président directeur-général, travaillait au sein du barreau bien avant que je sois élue trésorière. Par conséquent, il n'aura aucune difficulté à répondre à toutes les questions que vous pourriez avoir à propos de l'organisation.
:
Permettez-moi de répondre à la première question. Je crois qu'il est important qu'une procédure de plainte publique et transparente soit mise en place dès qu'un groupe d'individus ou une profession a le pouvoir d'offrir un service. Tous les organismes réglementaires du pays en sont effectivement dotés.
En Ontario, si un particulier veut déposer une plainte au sujet des services d'un avocat ou d'un technicien juridique, il peut communiquer avec le barreau, et nous examinerons la situation. Nous procédons à un tri selon la nature des plaintes. La plupart d'entre elles sont liées au service. Il s'agit souvent de simples malentendus; nous intervenons pour nous assurer que le client et l'avocat se comprennent mutuellement.
Si la plainte est plus sérieuse et que nous croyons que des méfaits ont été commis, nous procédons à une enquête, qui devient publique si des poursuites judiciaires sont engagées; dans ce cas, il y a alors un registre public se rapportant à la poursuite, à ses résultats et aux appels, s'il y a lieu. Aussi, il est important de savoir que la procédure de plainte donne le droit de faire appel au sein du barreau et même devant les tribunaux.
À la lecture du compte rendu, j'ai remarqué que l'un des membres du comité se demandait à qui s'adresserait la personne qui n'est pas satisfaite de la façon dont la SCCI a traité sa plainte. Si je comprends bien, c'est l'échange d'information qui posait problème, étant donné que la SCCI est un organisme privé. Dans ce cas, le problème est l'autorisation de communiquer à d'autres organismes publics des renseignements qui pourraient être confidentiels, c'est-à-dire les renseignements sur la plainte; le projet de loi cherche à redresser la situation.
D'un autre côté, nous n'avons pas cette contrainte étant donné que nous sommes un organisme réglementaire. Je crois que le projet de loi tente de corriger un problème découlant du fait que la SCCI n'est pas un organisme réglementaire — non plus que les organismes qui l'ont précédée.
:
Merci, monsieur le président.
Je suis accompagné par des fonctionnaires du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration qui ont participé à l'élaboration de ce projet de loi important qui propose de sévir contre les consultants en immigration véreux et d'empêcher que les gens qui veulent venir au Canada soient exploités par des agents sans scrupule.
Monsieur le président, chers collègues, je vous remercie de m'avoir invité pour vous parler du projet de loi . Celui-ci propose de modifier la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés afin de renforcer les règles régissant les activités des représentants qui perçoivent des honoraires pour leurs services de conseil et de représentation en matière d'immigration.
[Français]
Le gouvernement a l'intention de corriger les failles du système exploité à l'heure actuelle par des représentants malhonnêtes et d'améliorer la façon dont les activités des consultants en immigration sont réglementées.
[Traduction]
Dans leur ensemble, les changements proposés contribueront à protéger les immigrants potentiels vulnérables et notre système d'immigration de la fraude et des irrégularités, ainsi qu'à garantir aux personnes qui cherchent à entrer au Canada par des moyens légitimes un traitement juste et efficace de leur demande.
[Français]
Monsieur le président, nous savons tous que la fraude en matière d'immigration est un problème d'envergure mondiale et que le Canada est loin d'être le seul pays à s'y heurter. Voici quelques exemples d'activités frauduleuses: les mariages de complaisance, le fait de mentir à un agent sur un formulaire de demande et l'utilisation de faux papiers, y compris de faux certificats de mariage, certificats de décès, itinéraires de voyage et relevés bancaires.
[Traduction]
Le problème auquel nous nous attaquons est un problème à grande échelle et de portée internationale. Pour un grand nombre de personnes, venir au Canada est si important qu'elles n'hésitent pas à verser la totalité de leurs économies à des représentants sans scrupules, qu'ils soient avocats ou consultants, dans l'espoir trompé d'obtenir un visa pour visiter le Canada ou y immigrer.
Comme vous le savez, j'ai passé quelques semaines au cours du mois de septembre avec nos partenaires internationaux d'Europe, d'Inde, de Chine, des Philippines et d'Australie afin de discuter de notre collaboration dans la lutte contre la fraude, l'escroquerie et la tromperie dans nos systèmes d'immigration.
[Français]
Puisqu'un grand nombre de consultants en immigration oeuvrent au-delà de nos frontières, j'ai souligné que nous devrions unir nos forces pour contrecarrer la fraude et les différentes formes d'exploitation perpétrées par des représentants en immigration malhonnêtes et des consultants véreux.
Après tout, le fait de frauder le programme canadien d'immigration constitue un crime qui compromet l'intégration du système d'immigration, soulève des problèmes de sécurité, gaspille l'argent des contribuables, constitue une injustice envers les personnes qui respectent les règles et prolonge les délais de traitement des demandes légitimes.
Le projet de loi modifiera la LIPR de manière à ce que seuls les membres en règle d'une association juridique provinciale, de la Chambre des notaires du Québec ou d'un organisme désigné par le ministre puissent représenter ou conseiller une personne, en échange d'honoraires, ou offrir de le faire, et ce, à toutes les étapes de la procédure ou du processus de demande.
[Traduction]
En résumé, monsieur le président, le gouvernement propose d'élargir l'interdiction de représenter ou de conseiller une personne pendant la période précédant la présentation de la demande ou celle précédant le début d'une procédure. Pour ce faire, nous avons créé une nouvelle infraction criminelle afin de dissuader un peu plus les personnes qui ne sont pas membres d'un organisme reconnu, aussi appelées consultants fantômes, d'intervenir dans le processus de demande.
Comme nous le savons tous, les organismes de réglementation ont la responsabilité de prendre des mesures disciplinaires à l'endroit de leurs membres en cas de mauvaise conduite, ce qui peut aller jusqu'à la révocation du statut de membre. L'organisme de réglementation des consultants en immigration peut, comme n'importe quel autre organisme de réglementation, enquêter sur la conduite de ses membres lorsqu'il suspecte que l'un d'entre eux n'a pas respecté les conditions liées à son statut de membre. Ce processus ressemble à celui utilisé par les barreaux provinciaux pour faire enquête lorsque leurs membres font l'objet de plaintes.
La protection de l'intégrité du programme d'immigration incombe principalement au gouvernement fédéral, mais les provinces et les territoires ont également un rôle important à jouer dans la réglementation de la conduite des consultants en immigration, car ils sont responsables de la protection des consommateurs et de la réglementation des professions.
[Français]
À cet égard, les récentes modifications apportées par le Québec à la réglementation de la province reconnaissent comme un consultant en immigration tout membre en règle de l'organisme désigné aux termes de la réglementation fédérale.
Les modifications apportées par le Québec démontrent également la volonté de la province de collaborer étroitement avec le gouvernement fédéral pour réglementer les consultants en immigration.
En outre, les provinces n'ont soulevé aucune objection lorsque nous les avons avisées de nos modifications proposées dans ce projet de loi, lors du processus de consultations fédérales-provinciales.
En ce qui concerne la surveillance de l'organisme de réglementation des consultants en immigration, la LIPR ne prévoit à l'heure actuelle aucun mécanisme pour accorder au ministre le pouvoir de surveiller l'organisme de réglementation.
[Traduction]
Le projet de loi fournira au ministre le pouvoir, par règlement, de désigner un organisme pour régir les activités des consultants en immigration et de mettre en place des mesures visant à améliorer la surveillance gouvernementale de l'organisme désigné. Plus précisément, l'organisme désigné sera tenu de fournir au ministre des renseignements visant à aider ce dernier à déterminer si cet organisme régit les activités de ses membres d'une façon qui favorise l'intérêt du public afin que ses membres fournissent des conseils et des services de représentation professionnels et éthiques.
Après un examen plus poussé du projet de loi, et en réponse aux préoccupations soulevées par le comité — j'ai suivi attentivement les délibérations du comité et je le félicite et le remercie pour son examen diligent et très consciencieux —, le gouvernement envisage de proposer un amendement à cet égard. L'amendement prévoira un pouvoir élargi pour l'adoption de dispositions réglementaires exigeant que l'organisme de réglementation désigné fournisse les renseignements relatifs à sa gouvernance.
Le gouvernement propose également de reconnaître les techniciens juridiques réglementés par un barreau. Je crois que ce point a déjà été soulevé au comité. La reconnaissance de la capacité des barreaux de régir leurs membres dans l'intérêt du public pourrait renforcer la protection des immigrants potentiels.
[Français]
Le projet de loi est une proposition très exhaustive visant à protéger les immigrants potentiels vulnérables en imposant des sanctions pénales aux représentants sans scrupules, en renforçant la surveillance de l'organisme de réglementation des consultants en immigration et en améliorant les outils d'échange de renseignements.
Ces objectifs peuvent être atteints sans avoir à assumer les coûts considérables associés à la mise en place d'un organisme de réglementation en application d'une loi distincte, comme certains l'avaient suggéré. Une approche semblable devrait coûter environ 20 millions de dollars sur quatre ans à l'Australie, par exemple.
Tandis que le projet de loi passe par le processus législatif, un processus de sélection public a été entrepris, comme vous le savez, aux termes de la loi existante, afin de désigner un organisme de réglementation pour régir les activités des consultants en immigration.
[Traduction]
Les rapports de 2008 et de 2009 du comité ont mis l'accent sur un manque de confiance du public à l'égard de l'organisme de réglementation actuel des consultants en immigration. Ce manque de confiance du public menace sérieusement et directement le système d'immigration.
En juin, nous avons demandé au public de formuler des commentaires sur le processus de sélection, puis nous avons lancé une demande de propositions publiée dans la Gazette du Canada à la fin du mois d'août. Nous avons recours à ce processus ouvert et transparent afin de nous assurer que l'organisme qui régit les activités des consultants en immigration peut réglementer efficacement ses membres, et donc rassurer le public en ce qui concerne l'intégrité du système d'immigration.
Un comité de sélection composé de représentants de mon ministère et d'autres organismes fédéraux ainsi que d'experts externes, étudiera toutes les propositions reçues en fonction des critères répertoriés dans l'appel de propositions. Ce comité recommandera au ministre les organismes qui, le cas échéant, auront démontré qu'ils possèdent les compétences organisationnelles nécessaires. Nous invitons tous les candidats potentiels intéressés à soumettre leur candidature.
Le processus de sélection public en cours et les modifications législatives proposées dans le cadre du projet de loi C-35 constituent l'approche la plus efficace et efficiente pour renforcer la réglementation des consultants en immigration, immédiatement et à l'avenir.
[Français]
En terminant, je répète que la plupart des représentants en immigration qui travaillent au Canada respectent les lois et l'éthique. Nous devons cependant agir contre ceux qui exploitent et victimisent des immigrants potentiels en les faisant payer pour de mauvais conseils ou en les aidant à entrer illégalement au pays, compromettant ainsi l'intégrité du système d'immigration du Canada.
[Traduction]
J'invite les membres du comité à nous aider à sévir contre les consultants véreux et à assurer un processus équitable pour tous ceux qui désirent immigrer au Canada.
Merci beaucoup. Je suis impatient de répondre à vos questions.
:
Merci pour votre observation et votre question très judicieuses. Je crois comprendre que ce sujet a fait l'objet de témoignages et de débats aujourd'hui.
Je peux vous assurer que, lorsque le ministère m'a présenté les options visant à améliorer la réglementation dans ce secteur, nous les avons toutes étudiées, y compris ce modèle d'un soi-disant organisme créé par une loi et qui serait analogue, par exemple, aux barreaux. Nous n'avons écarté aucune option. Nous cherchons la forme la plus efficace et pratique de réglementation. Je crois que nous sommes tous d'accord sur ce point.
Il y a plusieurs raisons pour lesquelles ce modèle n'a pas été retenu. D'abord, sa mise en oeuvre serait très longue, et nous devons établir un organisme de réglementation solide lorsque le processus de sélection sera terminé, ce qui ne saurait tarder. Ce modèle serait très dispendieux, et la facture serait refilée aux contribuables.
Je crois que l'on fait erreur en comparant ce modèle aux barreaux. Il y a des milliers, sinon des dizaines de milliers d'avocats. Les barreaux existent depuis au moins 100 ans et ils sont dirigés par un groupe bien établi de personnes compétentes. On ne peut pas en dire autant du secteur des consultants.
La SCCI compte 1 600 membres. Habituellement, ils n'ont pas le même niveau d'instruction professionnelle ni les mêmes compétences que les avocats. Essentiellement, le gouvernement devrait puiser dans l'argent des contribuables pour financer les premières années de mise en oeuvre d'un tel organisme. Certains diront que cela comporte certains avantages, mais je crois que les coûts l'emportent sur les avantages.
Le modèle que nous proposons permettrait, par exemple, de mener des enquêtes en vertu des amendements adoptés récemment par le Parlement à la Loi sur les sociétés sans but lucratif. Il permettrait aussi de prendre en compte les plaintes des membres. Donc, le coût et les dépenses associés à un organisme créé par voie législative l'emporteraient facilement sur l'avantage marginal que l'on obtiendrait avec un tel organisme.
Honnêtement, je ne crois pas que ce secteur ait les reins assez solides pour soutenir un organisme de cette ampleur. Les ordres professionnels créés par des lois provinciales ont des dizaines d'années d'expérience, une grande membriété et d'importants flux de rentrées. Le secteur des consultants n'a rien de tout cela.
:
Pour que ma pensée soit claire, je vais lire la réponse, car je m'attendais à cette question.
Je ne crois pas qu'une telle modification soit nécessaire pour atteindre cet objectif. Même si j'avais l'intention de ne désigner qu'un seul organisme national, rien dans la loi n'exige qu'un seul organisme soit désigné.
Les récentes modifications apportées par le Québec à ses règlements font également allusion à l'organisme désigné, en vertu de la réglementation fédérale, et démontrent une volonté de travailler en étroite collaboration avec le fédéral en ce qui a trait à la réglementation des consultants en immigration.
Au cours des consultations fédérales-provinciales précédant le dépôt du projet de loi , nous avons partagé nos propositions de modifications législatives avec le Québec. J'ai parlé à plusieurs reprises avec la ministre québécoise James, et, samedi dernier, avec la ministre Weil. Elles n'ont pas soulevé d'objections quant à notre approche.
Toutefois, si le Québec souhaite réglementer la profession de consultant en immigration, le gouvernement fédéral examinera toute entité désignée par un gouvernement provincial comme organisme de réglementation de consultants en immigration choisi pour désignation éventuelle.
On est donc ouverts à une désignation d'un tel organisme reconnu par le Québec. On croit que ce pouvoir est déjà clairement établi dans la loi. Et certes, rien dans le projet de loi ne limite le pouvoir du ministre fédéral de reconnaître un organisme désigné par le Québec.
:
Le plus frustrant dans tout cela, c'est que même avec les meilleures lois et les meilleures mesures d'application à l'échelle nationale, nous ne pouvons exercer qu'une influence limitée sur les activités de gens sans scrupules à l'étranger, où se fait peut-être le plus gros de l'exploitation. C'est pourquoi, dans le cadre des mesures que nous mettons en oeuvre pour sévir contre les consultants sans scrupules, j'ai délibérément usé de nos leviers diplomatiques auprès de gouvernements de pays d'où nous proviennent un grand nombres d'immigrants, pour les inciter à adopter et à appliquer des lois pour réglementer la profession.
Vous savez qu'il existe dans certains de ces pays, notamment en Inde et en Chine, une vaste industrie de gens qui facilitent les démarches des demandeurs de visas ou des candidats à l'immigration au Canada. Ils leurs fournissent parfois de faux documents ou leurs donnent de très mauvais conseils, et bien souvent, ils les exploitent brutalement.
Je connais le cas d'un consultant en immigration de Jalandhar, dans l'État du Punjab en Inde, qui a soutiré au moins un quart de million de dollars à des demandeurs de visas d'étudiants. Il a soumis des demandes ridiculement frauduleuses en leur nom — comme de mauvaises photocopies de relevés de comptes bancaires — sachant, on peut s'en douter, que les agents des visas ne seraient pas dupes. Mais il s'en moquait, parce qu'il avait déjà l'argent en poche. Alors une lettre de refus de CIC ne semble pas faire de tort à ses activités. C'est un véritable problème.
C'est pourquoi j'ai résolument fait pression sur le gouvernement de l'Inde. Je suis heureux de pouvoir dire qu'il s'est engagé à ce que, d'ici la fin de l'année, son cabinet adopte d'importantes améliorations à sa loi sur l'immigration pour réglementer les consultants, en visant particulièrement les recruteurs d'étudiants, et qu'il les soumette au Lok Sabha, le Parlement indien.
J'ai aussi soulevé la question de l'application de la loi. Je dois dire que certaines polices d'État, comme celles de l'État de Maharashtra et de la région de la capitale, Delhi, ont travaillé avec diligence avec nos agents du haut-commissariat dans les dossiers des poursuites.
J'ai insisté avec fermeté auprès du premier ministre du Punjab. Il s'est engagé à nommer un directeur général de l'État qui, de concert avec le chef de la police, collaborera directement avec notre consulat dans le but d'accroître la coopération relativement aux poursuites liées aux infractions en matière d'immigration.
J'ai fait des démarches similaires auprès du gouvernement de la Chine et obtenu des réponses également positives.
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C'est donc dire que vous avez pris une décision dans l'ignorance, sans avoir les faits. Quand vous avez parlé de l'exemple de l'Australie, vous avez affirmé qu'une telle approche devrait coûter 20 millions de dollars et vous avez dit que ce serait un montant exorbitant parce que vous ne connaissez pas la taille de l'industrie. Au cours de nos audiences, on nous a fait savoir que l'industrie pourrait en fait valoir près d'un quart de milliard de dollars par année. Le montant de 20 millions de dollars que vous avez mentionné dans votre déclaration préliminaire représente moins de 1 p. 100 de ce quart de milliard de dollars possibles.
Ce qui est intéressant, c'est que vous nous avez sorti ce chiffre de 20 millions de dollars, et pourtant vos fonctionnaires — en l'occurrence, la directrice générale intérimaire de l'immigration, Sandra Harder — nous ont dit ce qui suit à la séance du 6 octobre: « Je ne me risquerais pas à vous fournir un chiffre exact... » Donc, manifestement, vous vous êtes renseigné à ce sujet.
J'aimerais que vous me donniez un autre chiffre. À la même séance, votre secrétaire parlementaire a indiqué que l'organisation, telle que vous la concevez, aura besoin d'aide, et je cite: « les coûts réels et (...) l'aide qui seront fournis à la jeune organisation, assurément au cours des deux à quatre premières années, peu importe, le temps nécessaire pour qu'elle soit en parfait état de marche. »
Mme Catrina Tapley, la sous-ministre adjointe déléguée, a dit ce qui suit: « ...nous n'avons rien déterminé pour l'instant quant au financement proposé aux fins de cette période intérimaire. »
Mme Harder a ajouté: « Pour le moment, ces deux ou trois ans risquent d'être en-dessous de nos estimations. »
Ce sont là des citations directes qui montrent toutes que, d'après votre conception de l'organisation et d'après ce que vous avez écrit dans le projet de loi, personne ne sait pendant combien d'années l'organisation aura besoin de l'aide du gouvernement — deux, trois, quatre, cinq ans.
Pouvez-vous nous fournir cette information maintenant? Vous nous avez donné un chiffre concernant l'organisme créé par la loi en Australie. Quel type de financement temporaire avez-vous prévu dans le cadre du projet de loi? Avez-vous un chiffre?
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Merci, monsieur Dykstra, de soulever cette question, parce qu'il s'agit probablement du point le plus important en ce qui concerne l'établissement de ce qu'on appelle un organisme créé par une loi. Si nous devions créer un tel organisme et que celui-ci présentait le même type de problèmes que la SCCI, il n'y aurait aucune possibilité pour le gouvernement de rebrousser chemin pour ce qui est de la reconnaissance de l'organisme.
Il s'agit d'un secteur qui a clairement connu des difficultés. Le gouvernement précédent a créé la structure en 2003, en toute bonne foi, afin de permettre au ministre de désigner un organisme. Mais de graves préoccupations ont été soulevées.
Le gouvernement, sur le conseil du comité, a pu régler ces graves inquiétudes en ouvrant le processus de désignation. Par contre, si on avait affaire à un organisme créé par une loi et qu'il y avait des problèmes en matière de reddition de comptes envers ses membres ou le grand public, devinez quoi? Ce serait tant pis pour nous. L'organisation continuerait de fonctionner de la même manière, sous la direction de ses cadres.
Selon moi, comme il s'agit d'une industrie qui n'a pas la même capacité que le barreau sur le plan de l'expérience et du financement, il est très important de nous assurer, dans l'intérêt du public, que si les choses déraillent, le gouvernement peut intervenir et remodeler l'organisme. C'est justement ce que permet le modèle que nous proposons dans le projet de loi . C'est une sortie de secours en cas d'urgence.
Si l'organisation est reconnue coupable de délits d'initiés, si elle ne parvient pas à poursuivre en justice ceux qui, parmi ses membres, commettent des crimes en matière d'immigration, si elle ne remplit pas ses obligations à rendre des comptes et si elle devient inefficace, nous pouvons mettre fin à ses activités en vertu du projet de loi . En fait, le projet de loi améliore ou clarifie les pouvoirs prévus à cet égard. Il s'agit là d'un avantage fondamental que nous offre ce modèle par rapport au soi-disant organisme créé par une loi.