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Je déclare la séance ouverte.
Bonjour. Aujourd'hui, le lundi 13 décembre 2010, nous tenons la 38e séance du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration.
Conformément à l'ordre de renvoi du mardi 28 septembre 2010, l'ordre du jour porte sur l'examen du projet de loi , Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté (enfant né à l’étranger).
Nous entendrons aujourd'hui trois témoins du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration qui parleront de l'adoption à l'étranger. Il s'agit de Rénald Gilbert, directeur général de la Région internationale; de Nicole Girard, directrice de la Législation et politique du programme à la Direction du programme de la Citoyenneté et du Multiculturalisme; et d'Alain Laurencelle, conseiller juridique au sein de l'Équipe de l'intégration et de l'admissibilité des Services juridiques.
Bonjour à vous tous.
Mme Girard, vous pouvez maintenant faire votre présentation.
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Merci, monsieur le président. Je vous remercie aussi de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui. Je suis accompagnée de Rénald Gilbert et d'Alain Laurencelle.
[Français]
Au cours des minutes qui suivront, je parlerai du processus d'obtention de la citoyenneté pour les enfants adoptés dans le contexte du projet de loi . Je vais d'abord vous présenter un aperçu du rôle de CIC dans les cas d'adoption internationale.
L'adoption internationale est un processus en trois étapes qui suppose la participation de la province ou du territoire, du pays d'origine de l'enfant et du gouvernement du Canada. Le rôle de Citoyenneté et Immigration Canada est d'accorder aux enfants adoptés un statut pour qu'ils entrent au Canada, soit en tant que résident permanent, soit en tant que citoyen canadien.
[Traduction]
Je parlerai tout d'abord du projet de loi C-14. Le processus d'obtention de la citoyenneté pour les enfants adoptés à l'étranger, prévu par le projet de loi C-14, a été mis en oeuvre le 23 décembre 2007. Avant la mise en oeuvre des modifications, les parents qui adoptaient un enfant à l'étranger devaient d'abord faire entrer leur enfant au Canada et demander un statut de résident permanent puis présenter une demande de citoyenneté tandis que les enfants nés à l'étranger de parents canadiens obtenaient la citoyenneté canadienne dès la naissance.
Cette façon de faire n'était pas équitable pour les enfants adoptés à l'étranger par des Canadiens puisqu'ils étaient traités différemment des enfants nés à l'étranger de parents canadiens. Le projet de loi C-14 visait à rectifier la situation en réduisant l'écart du point de vue du traitement entre les enfants nés à l'étranger d'un parent canadien et les enfants nés à l'étranger et adoptés par un parent canadien. Par suite du projet de loi C-14, les enfants nés à l'étranger et adoptés par des parents canadiens peuvent obtenir la citoyenneté directement, c'est-à-dire sans devoir passer par le programme de parrainage pour obtenir la résidence permanente au Canada.
La façon directe d'obtenir la citoyenneté pour les enfants adoptés est par l'attribution de la citoyenneté, plutôt que par application de la loi. De cette façon, les obligations du Canada en ce qui concerne l'adoption internationale ainsi que les lois provinciales sont respectées. Tout au long du processus d'approbation lié à l'attribution de la citoyenneté, la principale priorité de CIC est de s'assurer que les enfants adoptés bénéficient des mesures qui visent à protéger l'intérêt supérieur de l'enfant.
Dans certaines régions du monde, la traite d'enfants est une grave préoccupation. La documentation est parfois soit inexistante, soit non fiable, ou encore l'infrastructure de protection des enfants peut être insuffisante. Nous avons donc établi des exigences pour l'adoption à l'étranger. Ainsi, pour que les enfants adoptés puissent obtenir la citoyenneté en vertu du projet de loi C-14 et de la Loi sur la Citoyenneté, quatre critères doivent être remplis.
Ces critères sont les suivants: l'adoption doit être conforme aux lois de la province ou du pays de résidence des parents adoptifs, ainsi qu'aux lois du pays où l'adoption a lieu; l'adoption doit créer un véritable lien affectif parent-enfant; l'adoption doit être faite dans l'intérêt supérieur de l'enfant; l'adoption ne doit pas principalement viser l'acquisition d'un statut ou d'un privilège relatif à la citoyenneté ou à l'immigration, ce qui correspond à ce qu'on appelle une adoption de complaisance.
[Français]
Les critères d'attribution de la citoyenneté aux enfants nés à l'étranger et adoptés par un parent canadien en vertu de la Loi sur la citoyenneté et son règlement d'application sont similaires à ceux qui sont appliqués en vertu de l'octroi d'un statut de résident permanent aux enfants adoptés en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et son règlement d'application.
Le 17 avril 2009, les modifications à la Loi sur la citoyenneté ont été mises en oeuvre, y compris la limite à la première génération de la transmission de la citoyenneté par filiation, qui vise à protéger la valeur de la citoyenneté en faisant en sorte qu'elle ne puisse plus être transmise à l'infini par filiation aux générations nées à l'étranger. Depuis le 17 avril 2009, seules les personnes nées ou naturalisées au Canada peuvent transmettre la citoyenneté à un enfant né ou adopté à l'étranger.
[Traduction]
Dans une optique d'équité, la limite à la première génération de la transmission de la citoyenneté par filiation s'applique également aux personnes qui sont nées à l'étranger et qui se sont vu transmettre la citoyenneté par un parent canadien et aux personnes qui sont devenues des citoyens par la voie directe vers la citoyenneté, à laquelle ont accès les enfants adoptés à l'étranger par un parent canadien.
L'objectif du projet de loi C-14 était de réduire au minimum l'écart entre les enfants nés à l'étranger d'un parent canadien et les enfants nés à l'étranger et adoptés par un parent canadien sur le plan du traitement. La limite de la transmission de la citoyenneté à la première génération appliquée également aux deux groupes continue de réduire l'écart qui existe entre les deux groupes du point de vue du traitement.
L'exception à la limite de la transmission à la première génération afin que les enfants de fonctionnaires de la Couronne nés à l'étranger puissent transmettre leur citoyenneté, qui est proposée dans le projet de loi , s'appliquerait également aux enfants adoptés par des fonctionnaires de la Couronne. Le gouvernement appuie entièrement l'objectif du projet de loi et accorde de la valeur aux contributions, aux engagements et aux sacrifices importants qu'ont faits les fonctionnaires de la Couronne et leur famille. Toutefois, le projet de loi C-467, tel qu'il est actuellement formulé, poserait des difficultés en ce qui concerne les enfants adoptés. Plus précisément, le projet de loi propose d'attribuer automatiquement la citoyenneté aux enfants adoptés à l'étranger par des fonctionnaires de la Couronne nés au Canada ou naturalisés, et ce, sans égard aux obligations internationales et aux mesures de protection qui sont en vigueur en vertu de la loi actuelle, en l'occurrence, la Loi sur la citoyenneté.
Les critères d'attribution de la citoyenneté aux termes des dispositions sur l'adoption de la Loi sur la citoyenneté sont conformes aux obligations internationales. Ils visent à protéger l'intérêt supérieur de l'enfant -- par exemple en le protégeant contre la traite d'enfants -- et à faire respecter les dispositions provinciales sur les adoptions.
Le problème réside dans le fait qu'en vertu du projet de loi , tel qu'il est actuellement formulé, les enfants adoptés à l'étranger par des fonctionnaires de la Couronne nés ou naturalisés au Canada ne seront plus tenus de présenter une demande de citoyenneté selon le processus actuel, ce qui signifie qu'ils ne seront plus soumis aux mesures visant à protéger l'intérêt supérieur de l'enfant.
Pour les raisons que je viens de mentionner, le projet de loi aurait des répercussions négatives non souhaitées sur l'adoption internationale et l'intérêt supérieur de l'enfant. Des amendements sont nécessaires pour faire en sorte que les objectifs du projet de loi soient atteints. Par ailleurs, en juin 2010, le gouvernement a également déposé le projet de loi , la Loi valorisant la citoyenneté canadienne. Tout comme le projet de loi C-467, le projet de loi C-37 propose de modifier l'exception à la limite à la première génération. Conformément à l'objectif du projet de loi C-467, les modifications proposées à l'exception qui s'applique aux fonctionnaires de la Couronne dans le projet de loi C-37 permettraient de faire en sorte que les enfants nés de fonctionnaires de la Couronne en affectation à l'étranger ne soient pas désavantagés par le service de leurs parents pour le Canada et qu'ils soient en mesure de transmettre la citoyenneté à leurs enfants nés ou adoptés à l'étranger.
Je souhaite également mentionner brièvement que, pour obtenir la citoyenneté au nom de leurs enfants adoptés, les parents adoptifs ont toujours deux options, soit le processus d'immigration régulier, soit la naturalisation, voie directe vers la citoyenneté. Les parents continuent d'avoir la possibilité de parrainer leur enfant dans le cadre du processus d'immigration. Les personnes qui choisissent de passer par le processus d'immigration afin d'obtenir la citoyenneté par le processus d'attribution normal pourront transmettre la citoyenneté à tous les enfants qu'ils auront ou adopteront à l'étranger. Cette option n'est cependant disponible que pour les enfants adoptés et ne s'applique pas aux enfants nés à l'étranger d'un parent canadien. Ainsi, les enfants adoptés ont une option que les enfants de la première génération qui sont nés à l'étranger de parents canadiens n'ont pas.
[Français]
Les adoptions internationales sont complexes. CIC déploie des efforts pour aider les parents tout au long du processus d'adoption internationale. D'ailleurs, CIC travaille actuellement à apporter des améliorations au site Web du ministère. Celles-ci aideront les parents à mieux comprendre le processus d'adoption internationale.
[Traduction]
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous. Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Je suis très heureux que nous puissions parler de cette situation aujourd'hui, d'autant plus qu'il y a moins de deux semaines, j'ai été informé du cas d'une femme de ma circonscription qui est aux prises avec les difficultés de l'adoption et de la naturalisation. Je ne veux pas entrer dans les détails, mais c'est un cas qui soulève plusieurs inquiétudes.
Premièrement, dans le cas du haut-commissariat du Canada à Delhi, le délai de traitement d'une demande est de 59 mois lorsqu'on emprunte la voie de la naturalisation, plutôt que celle de l'adoption. La femme dont je parle a la garde légale de ses nièces orphelines depuis un an, et elle voulait les emmener vivre au Canada.
Il me semble excessif qu'une Canadienne soit obligée d'attendre 59 mois avant d'emmener au pays des orphelines dont elle a la garde légale, mais c'est pourtant le cas puisque ces enfants ne tombent pas dans la catégorie prioritaire des enfants à charge et des conjoints. J'aimerais que vous nous disiez pourquoi nous avons laissé le délai s'étirer jusqu'à 59 mois et quelles en sont les raisons.
Environ 80 parents au Canada ont choisi la voie directe vers la citoyenneté, ce qui signifie que leurs enfants adoptifs seront soumis à la limite de transmission de la citoyenneté à partir de la deuxième génération. C'est quasiment comme si on annulait l'effet du , qui a accordé aux parents le choix entre faire entrer leurs enfants au pays comme citoyens, plutôt que comme résidents permanents. Ce changement a été obtenu au terme d'une campagne de dix ans.
Ai-je raison de croire que, lorsque nous avons adopté le , nous l'avons fait de manière expéditive parce que, pour les parents, il y avait un avantage à faire entrer leur enfant adoptif au pays en tant que citoyen? L'enfant qui a la citoyenneté bénéficie immédiatement de l'assurance-maladie, alors que l'enfant résident permanent doit attendre trois mois. Est-ce bien exact?
Je crois qu'il est plus avantageux d'arriver au Canada en tant que citoyen canadien. Vous pourriez peut-être nous préciser les avantages.
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Monsieur le président, si vous permettez, nous aurions deux questions à poser.
L'une de mes questions a trait à ce que vous venez de préciser, c'est-à-dire que, lorsqu'un enfant est né à l'étranger d'un parent canadien, il pourra transmettre la citoyenneté à ses enfants à lui nés à l'étranger.
Si l'inverse ne s'applique pas dans le cas d'une adoption... Si l'enfant arrive au Canada en tant que résident permanent, puis devient citoyen canadien, les parents transmettent le même droit à la génération suivante. Je crois qu'il est important de le souligner, car on commence à...
Monsieur Gilbert, vous avez mentionné nos obligations internationales dans l'une de vos réponses, et c'est l'une des principales raisons pour lesquelles il est bon que vous et vos collègues soyez ici. Vous pouvez nous parler de ce sujet. Vous avez affirmé très clairement, dans une réponse concise concernant l'adoption en Inde et les moyens d'obtenir la citoyenneté pour l'enfant après l'adoption, que la seule voie s'offrant au parent serait la demande de visa de résident permanent.
Ce qui m'inquiète, c'est l'idée que l'on puisse donner la citoyenneté canadienne immédiatement à tous les enfants adoptifs, sans réserve. Selon les obligations internationales du Canada, nous ne pourrions pas adopter une telle disposition juridique.
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Je parlais à l'instant des obligations internationales et, à ce sujet, je devrais ajouter que le Canada est signataire de la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale. Le titre est plutôt long.
La protection de l'intérêt de l'enfant fait partie des objectifs de cette convention et des principes qui sous-tendent la Loi sur la citoyenneté, que l'agent des visas doit appliquer lorsqu'il prend une décision concernant un cas d'adoption. Les objectifs de la convention comprennent aussi la prévention des mauvais traitements infligés aux enfants, notamment lorsque des gens en font la traite. L'agent des visas doit tenir compte également de ces considérations.
En ce qui a trait à la compétence des provinces, ces dernières sont responsables des adoptions sur leur territoire. Donc, lorsque les parents adoptifs habitent au Canada, le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration doit veiller à ce que les règles en vigueur dans la province concernée soient appliquées. En pratique, le ministère demande une attestation écrite de la province ou du territoire, attestation que l'on appelle une lettre de non-opposition. C'est le mécanisme par lequel la province confirme au ministère, après avoir évalué le cas, que l'adoption se fait dans l'intérêt de l'enfant, qu'une véritable relation parent-enfant a été créée et que l'adoption se fait dans le respect des lois de la province et des lois de l'endroit où l'adoption a eu lieu. Le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration n'accorde pas la citoyenneté à l'enfant faisant l'objet de la demande tant qu'il n'a pas reçu, de la part de la province ou du territoire, l'assurance que l'adoption s'est bel et bien faite dans le respect des règles.
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Je vais poursuivre ma réflexion sur ce sujet. Je comprends la comparaison entre les parents. Les parents peuvent choisir d'adopter à l'étranger, cependant ce choix implique nécessairement que l'enfant sera, en définitive, né à l'étranger. Lorsqu'on donne naissance soi-même, on a un peu plus de contrôle sur le lieu de naissance de son enfant.
De ce que je comprends de l'adoption, on essaie de reconstituer, entre les parents et un enfant, une filiation équivalente à une filiation biologique. Du point de vue juridique, les enfants adoptés ont les mêmes droits et responsabilités que les autres face à leurs parents. Il me semble que, dans la loi, on devrait respecter ce principe et considérer les enfants adoptés comme s'ils étaient nés ici de leurs parents.
Je voudrais essayer de bien comprendre. Prenons le cas classique de deux Canadiens nés ici, qui vivent ici, et qui décident d'adopter une petite Chinoise. S'ils décident de procéder par citoyenneté directe, combien cela prendra-t-il de temps environ, entre le moment où on reçoit la lettre du gouvernement québécois qui autorise l'adoption et le moment où l'enfant obtient la citoyenneté?