:
Bienvenue à la 36
e séance du Comité permanent de la défense nationale.
[Français]
Aujourd'hui à l'ordre du jour, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous allons poursuivre l'étude sur la nouvelle génération d'avions de chasse.
[Traduction]
Nous poursuivons l'étude de la nouvelle génération d'avions de chasse.
Nous accueillons les représentants de...
[Français]
Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l'aérospatiale, District 11, M. David Chartrand, président, agent d'affaires et directeur recruteur.
Bienvenue. Nous sommes enchantés.
Nous avons aussi M. Pierre Grenier, président du comité usine, Section locale 712.
Bienvenue, monsieur Grenier.
[Traduction]
Nous recevons également des représentants du Syndicat des travailleurs et travailleuses canadiens de l'automobile: Jerome Dias, adjoint au président national; Dawn Cartwright, représentante nationale; et Roland Kiehne, président de la section locale 112. Bienvenue.
Chaque groupe a 10 minutes pour faire un exposé. Les députés poseront ensuite des questions.
Nous pourrions commencer par l'Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l'aérospatiale.
M. Chartrand a la parole pour 10 minutes et il sera suivi de M. Dias.
Merci beaucoup.
:
Merci de nous avoir invités, monsieur le président, madame et messieurs les députés. Au nom de l'Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l'aérospatiale, c'est avec plaisir que nous comparaissons devant votre comité.
Nous représentons des gens de partout au Canada qui travaillent dans bien des domaines pour le compte de bon nombre d'employeurs, comme l'indique le mémoire remis. Étant donné que nous avons seulement 10 minutes, je ne nommerai pas toutes les entreprises concernées, mais il y a Bombardier Aéronautique, une société bien connue, L-3 MAS, dans le domaine militaire, et Héroux-Devtek, qui pourraient obtenir des contrats pour les F-35. Nous sommes le plus grand syndicat de l'aérospatiale et nous représentons des gens qui travaillent dans le transport aérien et la maintenance des avions.
Plusieurs des entreprises dont j'ai parlé pourraient obtenir des contrats à la suite de l'achat des F-35 par le Canada. J'insiste pour dire « pourraient », car il n'y a aucune garantie malgré l'annonce de certaines sociétés et du gouvernement. Pour l'instant, la participation canadienne à la construction des appareils est de la pure spéculation.
Les représentants de L-3 Communications et des Industries CPS m'ont dit que ni Lockheed Martin, ni le gouvernement, ni personne ne les a contactés pour soumissionner ou discuter de l'appel d'offres. Plus de 80 entreprises pourraient faire une soumission ou obtenir des contrats.
Je me demande combien de ces 80 sociétés n'ont pas été contactées. Est-ce une stratégie ou une façon de rendre les choses attrayantes, lorsque le gouvernement dit que plus de 80 compagnies peuvent soumissionner? Je ne le sais pas, mais je vous pose la question.
Je me demande aussi ce que les sociétés dites canadiennes pour les fins de ce projet — celles qui pourront soumissionner, mais qui ont également des usines à l'étranger — décideront de faire au pays si elles obtiennent le marché. Quelles garanties le Canada peut-il obtenir à cet égard?
Par exemple, Héroux-Devtek possède des usines aux États-Unis, L-3 MAS ou L-3 Communications y en a un bon nombre et Rolls-Royce et Bombardier exploitent des usines partout dans le monde. Qu'est-ce qui prouve au gouvernement du Canada que le travail sera effectué ici? Lorsque le marché sera accordé, comment va-t-on empêcher des employeurs de donner du travail dans les usines aux États-Unis, en Europe ou ailleurs? Après tout, le gouvernement mexicain était bien à Montréal, cette année, pour convaincre des dirigeants d'entreprises d'exploiter des usines dans son pays.
Que fait le gouvernement pour qu'on tienne promesse? Les contrats comprennent-ils des clauses pénales?
Je n'ai pas lu le protocole d'entente, mais selon les témoignages précédents, voici ce que je comprends de la clause 3.2.1.1.1:
L'achat d'avions d'attaque interarmées sera assujetti aux lois et aux règlements des États, ainsi qu'à l'issue de leurs processus d'acquisition.
Il incombe au Canada d'adopter une politique d'acquisition claire, selon laquelle les dépenses qui répondent aux besoins du gouvernement fédéral, de l'armée ou même des municipalités et des provinces doivent entraîner des retombées salariales semblables ou supérieures. Par exemple, si nous ne pouvons pas nous occuper du F-35 de Lockheed Martin, nous pourrions le faire pour le F-16, le T-50, le C-130J, etc.
Ces 30 dernières années, nous sommes passés maîtres dans la maintenance, la réparation, le contrôle et l'inspection d'aéronefs militaires. Le 19 octobre, M. Dan Ross vous a demandé si vous souhaitiez que vos enfants ou petits-enfants s'accommodent de vieilles technologies. J'ai trouvé la question très pertinente. Je me suis demandé la même chose concernant la maintenance du F-35, qui représente 250 à 300 millions de dollars par année.
Est-ce que je voudrais qu'on effectue dans un autre pays la maintenance des F-35 que pilotent mes enfants? Demanderais-je à d'autres que les meilleurs de s'occuper des 65 avions de chasse F-35? Est-ce que je courrais le risque de devoir attendre plus longtemps pour la maintenance des chasseurs à réaction alors que nous en avons besoin, parce qu'ils ne sont pas une priorité pour l'État étranger qui s'en occupe? Est-ce que je mets mes enfants en danger et est-ce que je compromets la souveraineté du pays en confiant le travail à d'autres?
Imaginez un instant que le gouvernement américain demande à un autre pays de maintenir, de réparer ou de réviser les fusées de son programme spatial. Toutes les technologies et les connaissances qui résultent du programme ont non seulement transformé l'aérospatial aux États-Unis, mais aussi le quotidien de tout le monde. Il importe que nous gardions le contrôle de ce genre de programme, car c'est grâce à lui que nous pouvons compter sur des technologies comme le cellulaire, le micro-ondes, l'écran ACL et bien d'autres.
Grâce à Canadair, à Bombardier et à L-3 MAS, les employés de L-3 MAS ont développé, ces 30 dernières années, une expertise inégalée dans le monde dans la maintenance, la réparation, la révision et le prolongement de la vie utile d'aéronefs militaires. Nous sommes en mesure de modifier les appareils et nous l'avons déjà fait pour le Canada, les États-Unis et l'Australie. Par exemple, nous avons renouvelé la structure du Hornet pour la force aérienne de l'Australie et la nôtre, nous avons remplacé des barils centraux et nous avons apporté des modifications aux systèmes comme l'avionique et la vision de nuit. De plus, nous avons essayé des harnais électriques, nous avons effectué des contrôles de stress et de fatigue et, chez L-3 MAS, nous avons créé des programmes pour ces contrôles. Cette entreprise a notamment les ressources d'ingénierie et d'usinage pour répondre aux besoins particuliers.
En effet, lorsqu'on ne produit plus un avion depuis 15 ans, il est difficile de trouver des pièces de remplacement. L-3 MAS a la particularité de fabriquer des pièces sur mesure.
Une telle expertise a permis au Canada d'économiser beaucoup d'argent et de retarder de bien des années l'achat de chasseurs à réaction. Nous avons doublé la vie utile du F-18 grâce aux modifications, au remplacement de composantes, aux réparations importantes et à la révision effectués. Le nouveau F-35 demandera 30 ans de maintenance continue. Le F-18 coûtait environ 27 millions de dollars et l'entretien au fil des ans de l'appareil s'est élevé à environ 39,5 millions. On parle d'un impact économique majeur s'il en est de même pour le F-35. Si l'on calcule que les 1 000 emplois à Mirabel rapportent en moyenne 50 000 $ par année, c'est 18 millions de dollars en impôts pendant 30 ans, environ 540 millions, et de bons emplois créés et maintenus au Canada.
Compte tenu de l'expérience acquise avec les années par les employés de L-3 Communications, cela me rassurerait qu'ils s'occupent de la maintenance des F-35 pilotés par mes enfants. Les réparations ou la maintenance effectuées par les membres de l'association seraient plus sûres et moins coûteuses. Cela nous permettrait d'utiliser les avions selon les besoins, sans dépendre des autres, et de protéger notre souveraineté.
Cela dit, ne vous en tenez pas à ce que je dis; examinez les faits.
Merci.
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Je m’appelle Jerry Dias, je suis adjoint au président du Syndicat des travailleurs canadiens de l’automobile. Je vous remercie d’avoir invité les TCA à s’exprimer ici aujourd’hui.
Je suis accompagné par le directeur de notre division aérospatiale, Dawn Cartwright, et Roland Kiehne, le président de la section locale 112 à Downsview, qui représente les intérêts des travailleurs de de Havilland Aircraft, de SPAR Aerospace, de MacDonald Dettwiler et de Northstar Aerospace.
Nous représentons plus de 10 000 travailleurs de l’industrie aérospatiale de partout au Canada employés dans des entreprises de premier plan dont Boeing Canada, Bombardier, Bristol Aerospace, Cascade Aerospace, I.M.P. Group, MacDonald Dettwiler, Northstar Aerospace et Pratt & Whitney Canada.
Vous avez entendu l’opinion des chefs de la direction de bon nombre de ces sociétés au sujet du processus d'approvisionnement proposé pour le chasseur F-35. J’ai le plaisir à mon tour de présenter notre point de vue qui ne correspond pas toujours aux leurs.
Je suis conscient des inquiétudes qui entourent le choix du F-35: son coût, ses performances et sa capacité à répondre aux besoins du Canada. Les TCA sont toujours pour un débat vigoureux en matière de politiques publiques.
Aujourd’hui, je mettrai l'accent sur ce qui se présente à moi et aux membres de notre syndicat: le chasseur furtif F-35.
Les membres du comité sont évidemment conscients du fait que l’industrie aérospatiale canadienne perd du terrain. En janvier, le président national des TCA, Ken Lewenza, a écrit au premier ministre Stephen Harper pour exprimer son inquiétude devant le fait que le Canada soit passé de la quatrième à la cinquième place dans le monde, derrière les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Allemagne et la France.
Nous devons reprendre notre position et ne pouvons y parvenir qu'en utilisant les fonds fédéraux comme leviers financiers pour générer des investissements et des emplois au Canada. Dans sa lettre, le président Lewenza exprimait l’opinion que nous pourrions commencer par choisir le Q400, un appareil construit au Canada, pour répondre à nos besoins en matière d'appareils de recherche et sauvetage à voilure fixe. Cela créerait de bons emplois au Canada et contribuerait à notre sécurité.
Le président Lewenza a de plus demandé au premier ministre Harper d’élaborer et d’imposer des niveaux déterminés de contenu national ou de retombées industrielles régionales, des RIR, dans tous les programmes canadiens d’approvisionnement.
Lors de consultations tenues l’an dernier, cette priorité a été rappelée avec insistance par l’ensemble des industries canadiennes de défense. La première recommandation dans leur rapport affirmait que le gouvernement devait:
« utiliser le programme des RIR comme levier financier au bénéfice des industries canadiennes de défense et de sécurité au sein des chaînes mondiales d’approvisionnement des fabricants de systèmes pour les programmes d’OEM... »
Toutefois, le gouvernement a refusé de les écouter.
Il planifie plutôt de dépenser environ 16 milliards de dollars du trésor public dans le programme des chasseurs furtifs F-35, sans exiger un quelconque investissement au Canada. Il n’y a pas de RIR avec ce programme. C’est un cadeau unilatéral au fabricant américain Lockheed Martin.
Cet engagement financier devrait être assorti d’une garantie d’investissements et d’emplois au Canada de valeur équivalente: un dollar pour un dollar. On ne devrait pas demander aux travailleurs canadiens de rester assis et d’espérer que Lockheed Martin enverra des contrats au Canada par grandeur d’âme. Ce n’est pas avec des voeux pieux que l’on construit une industrie aérospatiale de classe mondiale.
Nous ne disons pas que les sociétés canadiennes ne sont pas concurrentielles. Nos membres fabriquent les meilleurs produits aérospatiaux au monde, mais le marché est manipulé. La soi-disant stratégie d’acquisition de la meilleure valeur laisse la pleine possibilité à Lockheed Martin de choisir les gagnants et les perdants avec l’argent de nos impôts. Selon le département américain de la Défense nationale, une fois que Lockheed Martin et ses principaux partenaires ont choisi un fournisseur, ils signent avec celui-ci un contrat de fournisseur unique en fonction des échéanciers, de la performance et des coûts. Cela laisse les sociétés canadiennes à la merci du géant américain, dont l’allégeance va bien davantage du côté de Washington et des autres gros acheteurs militaires que du côté d’Ottawa.
Nous avons déjà constaté des signes d’ingérence politique de la part de Lockheed Martin et du gouvernement américain. Par exemple, il faut accorder plus d’attention à une pratique appelée « approvisionnement stratégique » que Lockheed Martin utilise pour distribuer à certains pays des commandes de production directe pour éviter de les mécontenter. Des responsables militaires canadiens et d’autres ont déjà manifesté leur inquiétude quant à cette pratique.
Voici un autre exemple : Israël s’est fait offrir par le gouvernement américain un rachat garanti de 150 p. 100 pour leur contrat de F-35, et cette proportion pourrait monter à 180 p. 100. Le magazine Defense News a dit que cet accord était extraordinaire et sans précédent, puisque selon les données du département américain du commerce, les contreparties offertes au cours des dernières années ont atteint en moyenne 100 p. 100 pour les pays européens, l'Australie, la Corée du Sud et les pays occidentaux industrialisés, dont le Canada.
Je suis conscient du débat qui entoure le protocole d’entente de 2006 qui encadre notre participation à ce projet, dont fait partie l'article 7 tant controversé. Dan Ross, le sous-ministre adjoint au ministère de la Défense nationale, vous a dit que nous devrions nous retirer du protocole d’entente si nous lancions un processus d’acquisition exigeant des RIR. Toutefois, Alan Williams, son prédécesseur, ne partage pas cette opinion. Il a déclaré aux membres du comité que rien n’empêche le Canada de rester partie prenante au protocole d'entente et d'exiger des RIR dans le cadre d’un processus effectif d’approvisionnement.
Si Israël peut négocier des RIR de l’ordre de 150 p. 100 sans investir un sou, alors que le Canada n’a pas cette possibilité après avoir investi 551 millions de dollars dans le développement du F-35 dans le cadre du protocole d'entente, il y a quelque chose qui cloche sérieusement. Si le protocole d’entente est problématique, alors c’est la responsabilité du gouvernement de le corriger.
L’affirmation du ministre de l’Industrie voulant que son ministère ait trouvé pour 12 milliards de dollars de contrats auxquels les entreprises canadiennes peuvent soumissionner dans le cadre de la chaîne mondiale d’approvisionnement ne tient pas la route. Comme je viens de le souligner, quel pourcentage de ces contrats gagnerons-nous si Lockheed Martin et ses partenaires rapprochés choisissent les fournisseurs?
Un programme négocié de RIR pour tout type d’avion acheté par le Canada donnerait à l’industrie canadienne des contrats garantis pouvant atteindre les montants de l’acquisition et du soutien en service, ou le SES, que nous évaluons respectivement à 9 milliards et à au moins 7 milliards de dollars, pour un total potentiel de 16 milliards de dollars.
Que préféreriez-vous: avoir la possibilité de soumissionner sur 12 milliards de dollars en contrats ou avoir des contrats garantis d'une valeur de 16 milliards de dollars?
Avec un programme de RIR, le gouvernement pourrait aussi s’assurer que le travail est équitablement réparti au Canada. Les régions recevraient une quote-part du travail proportionnelle à leur pourcentage actuel de la main-d’oeuvre du secteur aérospatial canadien; le Québec a environ de 46 à 50 p. 100 de la main-d'oeuvre.
De plus, les TCA sont préoccupés du fait que Pratt & Whitney Canada a déjà envoyé en Turquie des commandes relatives au contrat des F-35, plutôt que d’embaucher des Canadiens. Nous devons inclure des dispositions qui assureront une transparence et une reddition de compte complète en matière de création d’emplois.
Bien sûr, le Canada ne construit pas de chasseurs, mais nous sommes l’un des principaux fabricants d’avions commerciaux dans le monde, en particulier d’avions régionaux. La production aérospatiale civile compte pour 83,4 p. 100 des 24 milliards de dollars de revenus annuels des industries canadiennes de la défense et de l’aérospatiale.
Alors que les gouvernements de partout dans le monde cherchent à réduire leurs dépenses militaires, c’est le marché civil qui semble le plus prometteur pour l’industrie canadienne. En utilisant des contreparties directes et indirectes d’un programme de RIR en lien avec un contrat militaire, le Canada pourrait encourager des investissements judicieusement diversifiés dans les secteurs civil, spatial et de défense de l'industrie aérospatiale.
Finalement, le président national du Syndicat des TCA, Ken Lewenza, a appelé à la création d’un conseil de développement de l’industrie aérospatiale, associant tous les niveaux de gouvernement, les TCA et d’autres parties intéressées, pour concevoir et mettre en oeuvre une nouvelle stratégie pour le secteur canadien de l'aérospatiale.
Nous espérons avoir le plaisir de collaborer avec vous pour redonner au Canada son statut de chef de file mondial dans le domaine de l’aérospatiale.
Je vous remercie et je répondrai à vos questions avec plaisir.
:
Tout d’abord, l’industrie canadienne a clairement la capacité d’effectuer du travail d’une valeur de 16 milliards de dollars, et à plus forte raison du travail d’une valeur de 12 ou 4 milliards de dollars. Nous avons l’expertise et la capacité technique.
Je m’inquiète au sujet des garanties. Pour vous dire franchement, je n’ai aucune confiance que Lockheed Martin va nous garantir du travail d’une valeur de 16 milliards de dollars. Je crains beaucoup que nous ne recevions aucun travail de soutien en service pour maintenir, dans une large mesure, notre souveraineté.
L’argument est intéressant: nous devons essentiellement acheter des bombardiers furtifs — des avions furtifs, des chasseurs furtifs — pour préserver notre souveraineté et maîtriser notre propre destinée. Mais nous allons alors laisser les États-Unis s’occuper de l’entretien de nos avions, ce qui signifie que nous les recevrons quand bon leur semble.
On ne peut pas tout avoir. Si on affirme avoir légitimement besoin de ces aéronefs à cette fin, alors on devrait au moins pouvoir décider quand les utiliser. C’est un argument intéressant.
Je suis tout à fait d’accord pour dire que si, par le passé, nous avons pu négocier des contreparties d’au moins 100 p. 100, je ne vois pas en quoi ce serait différent maintenant. Je comprends l’argument selon lequel nous avons accès à un plus gros gâteau, mais le gâteau sera distribué par Lockheed Martin. Il ne sera pas divisé selon la participation. Si c’était le cas, alors les États-Unis seraient entièrement aux commandes du projet grâce à l’achat de plus de 2 000 aéronefs, par rapport aux 65 que nous avons achetés.
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Je vais citer l'exemple de Bombardier. Bombardier avait l'habitude de recourir à des entreprises comme Mitsubishi Heavy Industries pour construire des parties de ses avions — par sous-traitance. En fait, Bombardier a toujours eu recours à d'autres entreprises, mais je vous donne un exemple précis. Lorsque Boeing a accru ses niveaux de production, Mitsubishi Heavy Industries n'avait pas la main-d'oeuvre qu'il fallait. Comme l'entreprise n'avait pas les capacités de faire les deux et de respecter les délais, elle a dit à Bombardier, qui était un plus petit contractant, « attendez, nous vous enverrons les produits que vous avez demandé plus tard ». Mitsubishi Heavy Industries a fait attendre Bombardier longtemps. Bombardier a dû envoyer des équipes pour terminer ses produits et les obtenir à temps.
Eh bien, imaginez-vous la même situation pour nos avions militaires. Nous parlons de souveraineté. Nous parlons de protéger nos familles. Nous parlons de patrouiller le Nord, l'Arctique. Nous parlons de tout cela. Disons maintenant qu'un autre pays entretient nos avions, et qu'il entretient également les siens. Il y a une guerre. Il se passe quelque chose. Ne croyez-vous pas que ce pays a intérêt à faire voler ses avions avant les nôtres? Je crois que oui. C'est assez simple à comprendre. Nous n'avons pas besoin qu'un grand scientifique nous le dise.
Si j'étais à la place des Américains, je regarderais autour de moi, ou si j'étais une personne en Europe ou n'importe où, que j'assurais la maintenance des avions, je dirais, « le mien passera avant le vôtre, alors attendez; nous allons patrouiller nos espaces aériens avant que vous puissiez patrouiller les vôtres ». Cela me pose problème.
Concernant les compétences dont nous parlons, nous avons beaucoup de savoir-faire en la matière. Nous le faisons depuis plus de 30 ans. Nous nous sommes battus pour pouvoir obtenir les contrats. Nous avons acheté des avions de Lockheed Martin, qui nous a dit que nous ne pouvons pas assurer la maintenance de nos propres avions, car il y a de la technologie que nous ne connaissons pas, etc. Eh bien, comme il l'a dit, le travail que nous effectuons sur les avions nous aide à développer des technologies pour que certains d'entre eux durent plus longtemps. Il nous aide à développer des technologies de pointe. Nous avons un service technique qui y travaille et qui s'occupe de tout cela.
Toutefois, si nous ne pouvons pas assurer la maintenance de nos avions, nous perdrons ces compétences. À l'heure actuelle, le seul endroit où nous pouvons le faire — je parle des F-18 —, c'est au Québec. Nous le faisons à Bagotville et également à Mirabel. Si nous ne le faisons pas, nous perdrons ces compétences.
Si nous ne le faisons pas pendant un grand nombre d'années, on finira par fermer les écoles et mettre fin aux programmes où l'on enseigne aux gens comment le faire. Les gens s'en vont — ils partent ailleurs — et on finit par ne plus être en mesure de tout relancer et de former ces gens.
Nous parlons de l'industrie aérospatiale en général. Il nous faut continuer à être productifs et à la fine pointe de l'industrie avec toutes les technologies de pointe. C'est notre levier. C'est notre avantage.
Nous serons honnêtes. Des pays comme le Mexique, et d'autres pays, peuvent produire à meilleur marché. Notre avantage présentement, c'est donc la technologie. Il s'agit toujours d'être le premier à développer un nouveau produit. Il s'agit d'être capable de développer des technologies de pointe auxquelles il est difficile de travailler, ce que nous pouvons faire grâce aux très bons programmes offerts dans nos écoles. Si nous n'effectuons pas ce travail, nous risquons d'éliminer les programmes et de faire en sorte que personne ne soit capable de l'effectuer dans l'avenir.
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Je ne suis pas économiste, mais une des choses qui me dérange est la valeur du dollar. Beaucoup de travail nous a été fourni par des entreprises des États-Unis, qui sont venues ici parce que ça coûtait 60 ¢ plutôt que 1 $. Aujourd'hui, c'est pas mal plus dur pour nous d'obtenir des contrats des États-Unis. On avait une tonne de contrats en provenance des États-Unis. De plus en plus, les compagnies retournent s'installer là-bas.
L'une des raisons est qu'au Québec, on nous considérait comme étant le cheap labor des États-Unis. C'est pourquoi on va avoir de la difficulté à entrer en concurrence, avec un dollar de valeur équivalente, avec une compagnie américaine. C'est à cause de la situation économique qu'on a en ce moment.
Je pense qu'on a le savoir-faire, comme vous dites, qu'on a les compétences, les qualifications pour faire tout ce travail. Cependant, parfois, il ne s'agit pas seulement d'avoir les qualifications ou les compétences, ce sont des décisions politiques qui sont prises.
Le « militaire » est quelque chose de très important aux États-Unis. On donne des contrats militaires à des contribuables — je m'excuse, no pun intended — pour que les politiciens de là-bas puissent se faire réélire, et affirmer qu'ils ont réussi à procurer du travail à une entreprise, etc.
Parfois, ce n'est pas seulement une question de décision, de se demander si on a le savoir-faire ou si ça a du sens économiquement. C'est qu'ils « tirent la couverte de leur bord ». L'industrie du bois d'oeuvre en est un bon exemple.
On était capables de faire beaucoup de choses ici, mais à un certain moment, les Américains ont décidé de « flexer » leurs muscles et d'imposer une surtaxe. Ils ont amputé de leur capacité beaucoup de compagnies canadiennes de l'industrie du bois d'oeuvre.
Souvent, ce ne sont donc pas des décisions logiques ou liées à l'argent. Alors, on aime beaucoup mieux avoir des garanties officielles, signées.
On a le pouvoir de négocier en ce moment: les avions ne sont pas achetés. C'est important d'aller chercher des garanties à l'intérieur de ce protocole d'entente.
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Merci, monsieur le président.
Permettez-moi de me joindre à mes collègues pour vous souhaiter la bienvenue. Merci de vous être joints à nous.
J'ai deux ou trois questions pour vous, messieurs. Sans ordre de travail, nous ne pouvons rien faire. Il nous faut donc un protocole d'entente qui ouvre la voie, qui nous permette d'établir un premier contact et qui fasse en sorte que nous puissions rivaliser pour ces contrats.
Si je regarde vers l'espace... Contrairement à d'autres, lorsque je regarde le ciel, je ne vois pas d'aéronefs. Mon seul titre de gloire, c'est que j'ai volé une fois avec les Snowbirds, mais c'était juste pour le plaisir. Or, si l'on pense aux avions et si l'on se tourne vers le passé, l'on se rappelle que le Canada a conçu l'Arrow, qui était le plus important aéronef au monde. Je ne doute aucunement, lorsque je pointe les yeux vers l'espace et je vois le bras spatial, que nous avons la technologie et les capacités intellectuelles nécessaires pour faire concurrence à n'importe quel pays, et nous avons aussi les attributs physiques qu'il faut pour réussir.
Lorsque je pense, par exemple, au hockey et à Sydney Crosby, et à plein d'autres choses — il y a des centaines d'exemples de savoir-faire ici au Canada, et l'aérospatiale en fait partie, cela ne fait aucun doute.
Pourquoi hésiterions-nous à rivaliser pour des contrats? Nous nous trouverions en haut de l'échelle parce que nous avons chez nous les gens qui peuvent faire le travail. Est-ce juste de dire cela?
:
Merci, monsieur le président. C'est par votre intermédiaire que j'adresse mes questions à ces messieurs.
J'aimerais vous soumettre quelque chose, messieurs, en ce qui concerne le protocole d'entente. Je sais que M. Dias a dit qu'Alan Williams n'était pas d'accord avec Dan Ross. Je sais que M. Williams ne faisait pas partie de ce processus ici. Et Dan Ross et son autre fonctionnaire, Mike Slack, ainsi que le colonel Burt, qui ont travaillé sur ce protocole d'entente particulier pendant un certain nombre d'années, ont convenu avec tous les autres partenaires dans le protocole d'entente que cela n'inclurait pas de RIR. C'est ce qui a été convenu par tous les partenaires du protocole d'entente.
Évidemment, le processus concerne des occasions à l'échelle mondiale. Et nous avons entendu à maintes et maintes reprises que les entreprises dans l'industrie aérospatiale savaient comment faire concurrence. Elles ont déjà beaucoup de succès à rivaliser dans le monde entier et, certainement, il y a un très grand nombre d'emplois dans l'industrie aérospatiale. Je pourrais poursuivre en citant ce qu'ont dit un certain nombre d'entreprises qui ont comparu ici.
Je crois que vous, les gens et les syndicats, qui travaillez pour ces entreprises, êtes prêts à faire le travail qui leur sera accordé en vertu des contrats. Il n'y aura pas de contrats dans le cadre de ce processus, en particulier en ce qui concerne le volet technologie, si nous ne faisons pas partie du protocole d'entente. Nous ne pourrons pas obtenir l'information technique et l'utiliser pour des droits de propriété et être en mesure d'appliquer cette information à d'autres occasions qui pourraient se présenter à vos organismes.
J'aimerais simplement savoir ce que vous pensez de cet élément d'information, parce que je ne suis pas certain que vos organismes le comprennent bien.
:
Merci, monsieur le président.
Par votre intermédiaire, je voudrais dire aux témoins, premièrement, que j'admire vraiment toute la passion avec laquelle vous représentez vos membres. C'est quelque chose qui est palpable et que nous aimons, parce que nous faisons la même chose.
Je veux vous donner un peu de contexte, parce qu'il est évident que vous n'avez pas eu la même information que celle qu'on nous répète ad nauseam depuis des semaines.
Il y a eu un appel d'offres il y a environ une décennie. En fait, le gouvernement précédent a débuté le processus, et tous les pays qui sont actuellement des participants ont investi de l'argent pour décider quelle serait la meilleure technologie. Ils ont mis cela dans un appel d'offres à ce moment-là. Voilà quel a été le processus d'appel d'offres.
Mon collègue, M. Hawn, a fait un survol de la question du protocole d'entente. Pour pouvoir avoir accès à la propriété intellectuelle de manière que nos travailleurs au Canada puissent faire ce travail, il faut être signataire de ce protocole d'entente. Mais une partie de ce protocole d'entente interdit les RIR. Les RIR se font par l'intermédiaire d'un tout autre processus. Nous essayons de parvenir au même résultat final en nous assurant que les pays participants auront tous des emplois à la hauteur de leurs achats, mais ce n'est tout simplement pas le même système auquel nous sommes habitués au Canada.
Je me dois d'être d'accord avec M. Chartrand en ce qui concerne le risque de perdre une capacité. Grâce à votre témoignage aujourd'hui, cette question fera certainement partie de nos délibérations et de toute nouvelle négociation au cours de la prochaine phase de l'approvisionnement.
Pendant la décennie de noirceur, nous avons perdu des capacités et il nous a fallu une décennie pour les retrouver. Je vais vous raconter une histoire. C'était en août 2001. Certains membres du comité visitaient la Bosnie et le secrétaire parlementaire d'alors nous disait qu'on avait retiré tous les mortiers des véhicules de transport de troupes parce qu'on en était rendu à un moment dans l'histoire où les choses étaient plus paisibles en Bosnie. L'idée, c'était que nous jouissions des dividendes de la paix et que nous n'en avions plus besoin. Un mois plus tard est arrivé le 11 septembre, et nous avions laissé les choses aller pendant si longtemps que nous n'étions pas prêts pour faire face à ce qui se passe maintenant dans le monde. Nous avions remisé nos chars d'assaut. Nous avions fait disparaître le régiment aéroporté. C'était une solution opportune parce qu'il y avait eu des histoires concernant ce régime. Ils essayaient d'économiser de l'argent et ils ont tout simplement fait disparaître le régiment au complet.
Lorsque je suis arrivée ici en 2000, la première campagne du comité a été de ramener le régiment aéroporté. Nous n'avons jamais eu la régiment aéroporté, mais nous avons retrouvé la capacité. Il a fallu six ans pour avoir un groupe d'opérations spéciales. On l'appelle maintenant le ROSC, le Régiment d'opérations spéciales du Canada. Ses membres peuvent réagir rapidement, ils peuvent être parachuté là où ils doivent être et ils sont autonomes.
Nous comprenons ce que vous nous avez dit au sujet de la perte d'une capacité et nous vous en remercions. Je veux simplement exprimer ma gratitude pour ce que vous avez apporté à cette réunion aujourd'hui. Je n'ai pas vraiment de question, parce que vous nous avez donné un témoignage si complet.
:
Y a-t-il d'autres députés qui voudraient prendre la parole concernant la motion présentée par M. Bachand ainsi que les sous-amendements?
Non?
Je vais donc demander le vote des membres sur le sous-amendement de M. Harris.
[Traduction]
C'est un amendement favorable? Ce n'est pas un amendement favorable, alors, je dois d'abord demander à tous les membres
[Français]
de même que le Conseil national de recherches.
[Traduction]
Nous venons juste d'ajouter « le Conseil national de recherches ».
(L'amendement est adopté.)
Le président: Il a été adopté.
[Français]
Il y a l'autre amendement présenté par M. LeBlanc, qui demande que les ministres soient invités à comparaître individuellement durant une heure chacun.
Je lis l'amendement tel qu'amendé:
Que la motion soit modifiée par adjonction, après le mot «situation», de ce qui suit : «, et que les ministres soient invités à comparaître individuellement devant le Comité pour une heure, de même que le Conseil national de recherches du Canada.
[Traduction]
(L'amendement modifié est adopté.)
Le président: Il a été adopté.
[Français]
Maintenant, nous allons voter sur la motion globale présentée par M. Bachand, telle qu'elle vient d'être amendée:
Que suite à la comparution des entreprises concernant les avions de recherche et de sauvetage, le Comité demande aux ministres responsables de la Défense, de l’Industrie et des Travaux publics et des Services gouvernementaux de comparaître pour expliquer au Comité l’état de la situation, et que les ministres soient invités à comparaître individuellement pour une heure, de même que le Conseil national de recherches du Canada
[Traduction]
(La motion modifiée est adoptée.)
Le président: La motion a été adoptée par le comité.
[Français]
Je vais maintenant donner la parole à M. Wilfert.