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Merci infiniment, monsieur le président.
Honorables membres du comité, Je tiens d'abord à vous remercier de me donner l'occasion de discuter ici aujourd'hui de ce projet de loi fort important. Je vous remercie également au nom de tous les membres des Forces canadiennes de l'intérêt et du soutien que vous témoignez continuellement à leur endroit. Votre engagement soutenu en faveur de la modernisation et de la pertinence des Forces canadiennes est grandement apprécié.
J'espère que ma présence ici aujourd'hui, autant au nom du Chef d'état-major de la Défense qu'en ma qualité de vice-chef, sera utile à votre étude fort importante. M'accompagnent aujourd'hui, le colonel Alain Gauthier, directeur général de l'Autorité des griefs des Forces canadiennes, et le colonel Tim Grubb, le grand prévôt des Forces canadiennes, qui est notre chef de police.
[Français]
Dans les États qui pratiquent une saine démocratie, les forces armées doivent être le reflet de la société et des valeurs qu'elles doivent protéger. Elles doivent maintenir la discipline, le moral et l'efficacité nécessaires pour être aptes au combat tout en assurant cette protection.
Les changements proposés par le projet de loi sont essentiels sur ces deux plans. Plus précisément, les changements proposés donnent suite aux trois grandes questions suivantes abordées dans le rapport Lamer: le système de justice militaire; la position du grand prévôt des Forces canadiennes et les procédures connexes de règlement des plaintes concernant la police militaire; et le processus de règlement des griefs des Forces canadiennes.
[Traduction]
Le ministre et le juge-avocat général ont déjà parlé des dispositions du projet de loi qui visent à mettre à jour le système de justice militaire. Pour cette question, je m'en remets au juge-avocat général, qui a la responsabilité de la Loi sur la Défense nationale pour la justice militaire.Toutefois, les deux autres questions, soit le poste de grand prévôt et le processus de règlement des griefs, relèvent de mes responsabilités à titre de Vice-chef d'état-major de la Défense. J'aborderai donc aujourd'hui principalement ces questions.
Pour ce qui est du grand prévôt des Forces canadiennes, Ie rapport Lamer recommandait de définir clairement dans la Loi sur la Défense nationale les responsabilités et rapports de commandement propres à ce poste. Et c'est exactement ce que le projet de loi propose en précisant les responsabilités du grand prévôt; le grade minimal que le grand prévôt doit détenir; le mandat dont le poste est assorti. Le projet de loi améliorerait par ailleurs la transparence en exigeant que le grand prévôt présente un rapport annuel au Chef d'état-major de la Défense.
Je sais que certains se préoccupent des répercussions possibles du projet de loi sur le caractère indépendant des enquêtes du grand prévôt. Et cet après-midi, je voudrais aborder ces inquiétudes.
[Français]
Il est important de souligner que la police militaire en général et le grand prévôt en particulier ont un statut unique comparativement aux autres forces policières du pays. Ils accomplissent en effet des tâches militaires en plus de leurs enquêtes, qu'ils mènent souvent sur le théâtre d'opérations, comme en Afghanistan.
Il faut donc établir certains rapports de commandement pour tenir compte de cette réalité. L'article 4 du projet de loi stipule que le grand prévôt agit sous la supervision générale du vice-chef en conformité avec les responsabilités statutaires du grand prévôt. L'article autorise le vice-chef à émettre des directives générales par écrit au sujet de ces responsabilités. Le grand prévôt doit s'assurer que ces directives sont rendues publiques. Je crois que cette relation est généralement bien comprise.
[Traduction]
Par contre, la disposition, qui propose que le vice-chef peut établir des directives par écrit dans le cadre d'une enquête en particulier, fait l'objet de certaines inquiétudes. Cette autorité — qui ne doit être utilisée que dans des circonstances exceptionnelles — reflète la nécessité d'un mécanisme transparent qui permettrait de transmettre des indications au grand prévôt lorsque les impératifs opérationnels prennent le dessus sur les obligations de la police militaire ou sont évalués en fonction de ces obligations.
Par exemple, étant donné la nécessité de conduire des enquêtes dans des zones de conflit armé, cette autorité peut être exercée dans une situation où le grand prévôt mène une enquête dans des constances dont la continuation, pour des raisons logistiques ou à cause des risques posés au personnel militaire, peut avoir un impact sur le succès potentiel d'une opération en cours.
Le vice-chef est l'autorité appropriée pour établir un compromis entre les préoccupations du commandant quant au succès opérationnel et la nécessité pour le grand prévôt de conduire une enquête. Afin d'éviter que ce pouvoir ne donne lieu à des abus, le projet de loi exigerait que le grand prévôt rende publiques toutes les directives et les instructions qu'il recevrait du vice-chef dans le cadre d'une enquête, à moins que le grand prévôt n'estime que de les rendre publiques n'aille pas dans l'intérêt de l'administration de la justice.
De plus,certains articles de la Loi sur la Défense nationale permettent au grand prévôt de déposer une plainte pour ingérence auprès de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire s'il soupçonne le vice-chef d'intervenir de manière inappropriée dans le déroulement des enquêtes. Il faut reconnaître que deux principes tout aussi légitimes l'un que l'autre se font ici concurrence, à savoir l'indépendance des enquêtes du grand prévôt et la responsabilité de la chaîne de commandement d'atteindre les objectifs opérationnels.
Je crois que le projet de loi C-41 propose un juste équilibre entre ces deux impératifs. Et dans son rapport, le juge en chef Lamer a conclu qu'il est possible de protéger le caractère indépendant des enquêtes grâce à la transparence et à la reddition de comptes, et c'est exactement ce que propose le projet de loi. En outre, le grand prévôt des Forces canadiennes assumera dès le 1er avril 2011 le commandement du personnel de la police militaire affecté au maintien de l'ordre. Ces changements à la structure de commandement et de contrôle de la police militaire sont un prolongement des recommandations formulées dans plusieurs rapports afin de consolider l'indépendance, l'autorité et l'efficacité du rôle du grand prévôt en matière de maintien de l'ordre.
J'aborderai maintenant le processus de règlement des griefs des Forces canadiennes. Je tiens d'abord à souligner que le règlement des griefs n'est pas qu'une simple question administrative. II s'agit plutôt d'une responsabilité essentielle en matière de leadership, une responsabilité que le Chef d'état major de la Défense et moi prenons très au sérieux, à l'instar de tous les dirigeants des FC.
[Français]
En effet, dans l'intérêt des militaires canadiens et pour maintenir la discipline, le moral et la disponibilité opérationnelle dont j'ai parlé plus tôt, il est crucial que le processus de règlement des griefs soit efficace. En vertu de ce projet de loi, le Comité des griefs des Forces canadiennes, qui accompli un excellent travail depuis l'an 2000, serait renommé Comité externe d'examen des griefs militaires. Le fait de renommer le comité renforcerait l'idée selon laquelle il s'agit d'un organisme d'examen indépendant qui ne fait pas partie des Forces canadiennes, comme c'est le cas de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire.
[Traduction]
Le projet de loi accroîtrait en outre l'efficacité du processus de règlement des griefs en permettant au Chef d'état-major de la Défense de déléguer à d'autres officiers supérieurs qui relèvent directement de lui le pouvoir qu'il détient à titre d'autorité d'examen de dernière instance. Je dois mettre l'accent sur le fait que le Chef d'état-major demeurerait ultimement responsable de ces décisions. Cela n'équivaudrait pas — comme certains l'ont suggéré devant votre comité — à un abandon par le Chef d'état-major de sa responsabilité qui consiste à veiller au bien-être des hommes et des femmes des Forces canadiennes. En fait, comme l'a reconnu le juge en chef Lamer, la réalité est telle qu'il est déraisonnable de s'attendre à ce que le Chef d'état-major tranche sur chaque grief au sein d'une organisation aussi imposante et complexe que les Forces canadiennes. Le comité des griefs approuve ces deux mesures.
[Français]
Le printemps dernier, les Forces canadiennes ont examiné, sur une période de 10 ans, le processus de règlement des griefs, et nous demeurons engagés à améliorer constamment ce processus. Ces améliorations nécessitent plusieurs changements non statutaires qui sont déjà en cours. Plusieurs de ces améliorations abordent certaines des préoccupations émises par le Comité des griefs. Plusieurs initiatives, dont l'informatisation des dossiers de grief, la création d'une salle de registres centralisée et l'ajustement des délais de traitement, sont présentement en cours afin de réduire le temps d'acheminement des griefs.
[Traduction]
L'essai de l'analyse fondée sur des principes est une initiative clé, car elle permet au comité des griefs de traiter un nombre plus important de griefs, et ce, afin d'accroître la transparence et l'équité du processus. Actuellement, le comité des griefs formule des recommandations et des conclusions pour seulement quatre types de dossier: la rétrogradation et la libération des Forces canadiennes; les conflits d'intérêts et le harcèlement; le salaire et les bénéfices financiers; enfin, l'accès aux soins de santé et dentaires.
Je suis persuadé que ces initiatives nous permettront de ramener le temps d'acheminement des griefs à 12 mois tout en augmentant la transparence et l’équité du système de résolution de plaintes. Le rapport Lamer recommandait aussi de conférer par une loi au Chef d'état-major de la Défense le pouvoir d'approuver des indemnités pour la résolution complète d’un grief légitime. Bien que nous soyons d'accord avec cette recommandation et disposés à la mettre en œuvre, il faudra d'abord régler certaines questions complexes en matière d'autorisation.
Lorsque j'ai assumé, l’été dernier, les fonctions de Vice-chef d'état-major de la Défense, mon objectif était de résoudre ce dossier au plus tôt. Cependant, j'admets que nous n'avons pas encore trouvé un mécanisme acceptable à la fois d'un point de vue légal, administratif et pratique. Nous envisageons diverses options: des amendements législatifs à l'octroi de versements à titre gracieux. Cette question est l’une de mes priorités et je suivrai de près le groupe de travail chargé de trouver une solution à ce dossier.
Monsieur le président, je conclurai en soulignant de nouveau que j’estime fort important d'adopter dès que possible le projet de loi . En ce sens, je serai heureux de vous transmettre tout renseignement ou explication complémentaire dont vous pourriez avoir besoin dans le cadre de votre examen du projet de loi.
Je vous remercie encore une fois du temps que vous m'accordez et suis disposé à répondre à toutes vos questions.
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Merci, monsieur le président. Je remercie tous nos témoins de leur présence.
Un seul de mes collègues, je pense, possède une expérience militaire, alors que tous les autres ne peuvent qu'essayer de s'en faire une idée, tout en sachant les circonstances et les particularités propres à la vie militaire. Les choses ne peuvent fonctionner dans nos domaines respectifs que si les autres en comprennent vraiment la nature spéciale. À un moment donné, nous avons tous dit aux autres, souvent dans notre propre intérêt, qu'ils ne comprennent pas que notre travail est différent dans la pratique, que nous avons besoin de règles particulières en médecine, en droit, dans les sports, etc..
C'est ce à quoi nous nous heurtons lorsque nous nous penchons sur les questions vous concernant. Nous voulons vous accorder ces pouvoirs et ces droits pour que vous puissiez vous acquitter de votre mandat. Par contre, nous souhaitons également offrir la protection dont chaque citoyen devrait bénéficier. C'est là que réside la difficulté. Divers témoins, qui possédaient souvent des antécédents militaires, divergeaient d'opinion sur la question.
On se penche donc sur des questions comme les griefs, entre autres. Nous avons eu un débat fructueux au cours de la dernière session sur la primauté de la charte des droits dans des circonstances bien particulières. Quelle est votre opinion sur cette question? Qu'avez-vous à nous proposer quant aux recommandations que nous pourrions formuler?
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Eh bien, monsieur Dryden, c’est une question à laquelle il est difficile de répondre. Comme je l’ai dit précédemment, pour les questions de droit à caractère technique, je m’en remets au Juge-avocat général, mais en ma qualité de chef, je partage vos préoccupations au sujet de ces enjeux. En tant que chef, il m’importe énormément de faire ce qui est juste et bien pour les hommes et les femmes sous mon commandement, et je suis aussi conscient que vous l’êtes de l’importance de protéger leurs droits ainsi que les droits collectifs des hommes et des femmes en uniforme.
Je pense que nous devons faire attention de ne pas songer uniquement à nos intérêts lorsque nous reconnaissons l’existence de circonstances spéciales mais, à mon avis, la plupart des gens conviennent que, dans le cas d’une force militaire, il y a des circonstances où il est peut-être difficile d’exercer une justice rapide et appropriée dans un contexte canadien. Par conséquent, nous devons expliquer à nos membres le contexte dans lequel elle sera administrée.
De plus, lorsque les attentes pourraient ne pas cadrer avec les circonstances, il faut l’indiquer clairement à nos gens. Au bout du compte, nous avons besoin d’un système de justice qui appuie la discipline et le moral d’une force militaire qui, à son tour, satisfait les exigences du gouvernement et les attentes des Canadiens.
Il est difficile de répondre à ces questions, mais ce sont de bonnes questions que nous devrions nous poser régulièrement. En modifiant le système de justice militaire comme nous le faisons maintenant depuis un certain temps, en reconnaissant les droits que la Charte garantit à nos membres et en changeant la façon dont nous exerçons la justice de manière continue, la façon dont nous gérons l’équité procédurale, et la façon dont nous composons avec la contribution et l’indépendance des services de police, des tribunaux et des procès sommaires, je pense que nous avons trouvé un excellent équilibre. Maintenant que nous allons de l’avant, je pense que nous sommes conscients de ces droits chaque fois que nous apportons des modifications ou que nous faisons quoi que soit.
Je ne suis pas certain que cela répond à votre question.
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Monsieur, il nous a fallu très longtemps pour parvenir à ce stade, et ce n’est pas notre première tentative. Nous avons essayé — je dis nous, mais la Chambre a été saisie de deux autres projets de loi qui n’ont pas réussi à franchir toutes les étapes et sont morts au feuilleton. Le projet de loi a été structuré ainsi parce qu’on s’est efforcé de prendre les éléments essentiels qui semblaient plus ou moins acceptables et d’obtenir leur adoption afin d’éviter un autre très long processus qui pourrait ne pas nous permettre d’apporter certains des changements qui sont nécessaires.
En ce qui concerne les compensations financières, monsieur, je pense que, d’un certain nombre de points de vue, la façon dont le gouvernement, les ministères et les responsabilités fédérales sont structurés et la façon dont le Chef d’état-major de la Défense et le sous-ministre sont positionnés au sein du ministère de la Défense nationale fonctionnent très bien. Toutefois, dans le cas présent, il est devenu très difficile d’établir des liens entre toutes ces fonctions de manière à donner au chef la capacité de prendre le genre de décisions que, selon lui, il devrait être en mesure de prendre pour régler les griefs et d’approuver, néanmoins, au nom du gouvernement, les engagements financiers que ces règlements nécessitent. Nous avons examiné la possibilité d’utiliser une procédure interne pour résoudre le problème, et nous continuons de la mettre à l’essai, mais en raison de quelques-unes de ces autres questions, je doute que cette solution procédurale satisfasse les membres du comité parce que, personnellement, elle ne me satisfait pas.
Nous avons envisagé la possibilité d’apporter un changement législatif mais, à mon avis, la prolifération des exigences législatives pourrait rendre cette approche plutôt difficile. Nous avons examiné un moyen d’obtenir du Conseil du Trésor qu’il accorde au chef des pouvoirs dans ces secteurs précis. Nous continuons d’étudier comment nous pourrions accomplir cela en collaboration avec le Conseil du Trésor ainsi qu’à l’interne. Comme je l’ai dit, j’ai été étonné des difficultés que nous avons eues à faire face aux positions de certaines personnes travaillant au sein du ministère ainsi qu’à l’extérieur de celui-ci. Lorsque nous avons commencé notre enquête, elles étaient plutôt catégoriques, mais je crois que les dialogues, les négociations et l’expérimentation les ont assouplies à tel point que j’ai, en fait, l’impression que nous pourrions probablement régler cette question si le Conseil du Trésor rajustait certains de ces règlements et si nous changions la procédure que nous suivons pour aborder la question.
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Merci, monsieur le président. Je remercie également le vice-amiral Donaldson et les colonels Grubb et Gauthier d’être parmi nous aujourd’hui.
Cette mesure législative est des plus intéressantes. Nous sommes saisis de nombreux enjeux complexes, dont quelques-uns ont trait à la relation qui existe entre le CEMD et les membres des forces. On nous a communiqué avec beaucoup de passion quelques idées à propos de cette relation, en particulier dans le contexte des griefs. Ces idées ont été énoncées par d’anciens militaires qui respectent grandement la vie qu’ils ont menée dans les forces armées et l’engagement militaire.
Nos forces ont eu des chefs d’état-major de la Défense exceptionnels. La relation qu’ils entretiennent avec les membres des forces semble très importante sur le plan du commandement et du moral. Ils tentent presque, si vous voulez, d’établir une relation personnelle avec eux dans le cadre de leur fonction de commandant. Je pense que vous en conviendrez; je vous vois hocher la tête. À mon avis, c’est une bonne chose. On a laissé entendre que, compte tenu de cela, il serait peu judicieux que les CEMD délèguent leurs pouvoirs pour des fonctions comme le règlement des griefs, par exemple.
Vous ou le colonel Gauthier pourriez peut-être répondre à cette question. Ne serait-il pas logique que le chef d’état-major de la Défense continue d’être l’autorité de dernière instance dans le règlement des griefs, tout en reconnaissant, bien entendu, que, même dans votre rôle de délégué, vous le consulteriez et que ce serait peut-être même lui qui prendrait la décision? Le CEMD pourrait-il continuer d’être l’autorité de dernière instance? Bien qu’aucun des témoins présents aujourd’hui ne l’ait fait, on a laissé entendre que le CEMD ne tenait pas à être responsable des aspects financiers ou à représenter l’autorité de dernière instance.
Est-ce l’impression que vous avez au sein de votre organisation?
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Je ne suis pas certain que ce soit possible, monsieur le président, de répondre à cette question d'une manière brève, mais laissez-moi vous faire part d'une ou deux réflexions.
Premièrement, il s'agit d'une activité différente. Le colonel Grubb et le grand prévôt ont la tâche peu enviable de faire fonctionner une force policière de niveau mondial dans des environnements qui changent de manière incroyable et qui comportent des défis incroyables. À cet égard, les impératifs concernant la conduite d'une enquête, les attentes des Canadiens et, peut-être même, les responsabilités du grand prévôt peuvent entrer en conflit avec certaines des autres priorités que le gouvernement du Canada a fixées pour sa force combattante.
Un exemple serait la réalisation d'une enquête médico-légale sur un théâtre de combat. Il va sans dire que cela aurait pour effet d'envoyer un grand nombre de policiers militaires dans une zone de tirs réels et de les exposer à un danger, mais il pourrait y avoir un désir d'envoyer un grand nombre de policiers militaires dans une région qui deviendra rapidement une zone de tirs réels, et il pourrait y avoir une exigence pour équilibrer un peu ces éléments.
Je ne peux pas vraiment voir beaucoup de circonstances dans lesquelles je pourrais recourir à cette disposition, monsieur Harris. Cela me rend un peu mal à l'aise, parce que j'accorde beaucoup d'importance à l'indépendance du grand prévôt. En fait, j'en dépends.
Ceci dit, je pourrais voir, peut-être, des situations où le grand prévôt voudrait que je donne des instructions pour guider le cours d'une enquête dans un scénario complexe, parce qu'il pourrait se sentir en conflit. Il pourrait chercher ce type d'orientation. Une disposition prévue dans ce projet de loi nous permettrait de faire face à cette situation d'une manière assez ouverte et transparente et nous permettrait de régler la question. Je pense que dans 10 ou 15 ans, je ne voudrais pas être un vice-chef qui souhaiterait avoir un moyen quelconque pour faire face à cette question. Le fait que ce soit prévu dans le projet de loi nous donne cette possibilité, même si nous n'exerçons jamais ce pouvoir.
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Je vous remercie de la question.
Premièrement, je dirais que l'idée d'apporter des modifications substantielles aux peines prévues dans le cas du processus de procès sommaire devrait être examinée très attentivement et doit être prise très au sérieux. Je dirais que mes réflexions aujourd'hui constitueraient une vue incomplète de ces changements qui sont envisagés.
En ce qui concerne l'abolition de la détention, par nature, cette dernière constitue une peine propice à la réadaptation. D'après mon expérience — et j'ai une expérience raisonnable de l'administration de la justice dans les Forces canadiennes —, il s'agit d'une méthode de correction des comportements extrêmement utile. Il s'agit également d'un élément de dissuasion particulièrement efficace pour les jeunes hommes et les jeunes femmes pour qui, à l'heure actuelle, le temps libre constitue le bien le plus précieux. Compte tenu de la valeur du système de procès sommaire — l'importance de l'administration rapide de la justice tout en maintenant de manière efficace le moral et la discipline dans l'unité —, je considère la détention comme un outil très important. Bien qu'il s'agisse d'un outil assez dur pour un processus de procès sommaire, je le considère entièrement approprié pour ce que nous essayons de faire.
Je dirais également que si vous faisiez un sondage auprès des hommes et des femmes touchés par le processus de procès sommaire, ce sondage révélerait que les répondants seraient très mal à l'aise si nous n'avions pas un tel processus. Je pense que pour les délits mineurs qui sont traités par procès sommaire, ce processus sert très bien la bonne administration de la justice, avec équité et célérité, ce que nos hommes et nos femmes réclament.
J'ajouterais également que l'abolition de la détention comme sanction préoccuperait les hommes et les femmes des Forces canadiennes parce qu'ils estimeraient que l'administration de la justice ne serait peut-être pas en mesure de maintenir la discipline et le moral et de servir de moyen de dissuasion au sein d'une unité pour lutter contre les comportements que tout le monde voudrait voir corriger.
Est-ce que cela répond à votre question?
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Eh bien, j'ai expliqué qu'à mon avis, ce n'est pas du tout une abdication. J'ai parlé du principe de la délégation que nous appliquons dans bien d'autres domaines où la vie et la sécurité des hommes et des femmes en uniforme sont en jeu, et qu'en fait, cela accroît la sécurité de ces hommes et de ces femmes si on donne aux chefs le pouvoir de prendre les bonnes décisions, de la bonne manière, au bon moment. De la même manière, j'estime que le fait que le chef d'état-major de la défense délègue certaines de ses responsabilités et certains de ses pouvoirs à titre d'autorité d'examen de dernière instance dans le processus de règlement des griefs n'enlèvera rien en fin de compte à son obligation de rendre des comptes, à sa responsabilité ni à l'efficacité du système.
Dans le cas du processus de règlement des griefs, nous équilibrons deux objectifs difficiles à atteindre. L'un de ces objectifs, c'est les limites de temps. Nous avons fait beaucoup de travail et nous avons apporté de nombreux changements pour nous permettre de régler les griefs plus rapidement qu'on le faisant dans le passé. À vrai dire, historiquement, nos résultats à cet égard n'étaient pas très reluisants, mais nous faisons beaucoup mieux maintenant. Il y a encore du travail à faire, et nous espérons que l'essai du processus axé sur les principes nous aidera à le faire.
Par ailleurs, une des raisons pourquoi cela prend autant de temps, c'est que nous sommes préoccupés par l'équité — nous assurer que nous comprenons parfaitement les griefs, que nous comprenons parfaitement les questions en litige, que nous comprenons parfaitement les précédents qui ont été établis, que nous comprenons la latitude dont dispose l'autorité d'examen de dernière instance et que nous sommes en mesure de rendre une décision qui réponde aux attentes en matière d'examen complet et de traitement équitable des griefs. Cela demande du temps. En fait, comme nous l'avons entendu, les griefs qui se rendent jusqu'à l'autorité d'examen de dernière instance peuvent être extrêmement complexes et faire intervenir un certain nombre de principes importants différents que l'on doit concilier.
Alors, d'un côté, nous avons l'exigence de la célérité et, de l'autre, l'exigence de l'équité et de la rigueur, et c'est par la capacité du CEMD de déléguer une partie de son pouvoir décisionnel que nous sommes en mesure de faire les deux: nous sommes capables d'être rigoureux et de traiter les questions dans les détails nécessaires et de gérer la complexité, et nous sommes tout de même capables de rendre une décision dans un délai acceptable. C'est pourquoi nous voulons emprunter cette voie.
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Je pense que si vous vous adressez au juge militaire en chef, vous apprendrez qu'il semble certainement satisfait du nombre additionnel de juges à sa disposition en ce moment.
J'aimerais seulement préciser néanmoins que l'intention n'est pas de se débarrasser de ces juges militaires de la force de réserve. Ils seraient nommés à titre inamovible de la même façon qu'un juge à temps plein, sauf que contrairement aux juges à temps plein, tout comme dans la structure des tribunaux civils, ils ne sont pas rémunérés au même titre que des employés à temps plein. Ils continueraient d'occuper ce poste jusqu'à la retraite, mais le juge militaire en chef déciderait à sa guise, pour ainsi dire, de faire appel à leurs services. Ce n'est qu'un moyen d'offrir au juge militaire en chef un meilleur bassin de personnes.
Comme je l'ai dit, l'exemple extrême est celle de la mobilisation dont j'ai parlé tout à l'heure, mais il y a bien d'autres exemples concrets au quotidien. Par exemple, si vous vous retrouviez avec une affaire où six coaccusés doivent subir des procès distincts, le fait d'avoir quatre juges créerait un énorme problème. Nous n'avons pas été confrontés à ce problème jusqu'à présent dans notre système, mais le fait d'avoir six coaccusés et quatre juges présenterait un problème de taille pour le juge militaire en chef car il faudrait qu'il essaie de trouver un juge qui ne serait pas en conflit d'intérêts, en tenant compte de ce qu'il a fait dans le passé. Ce tableau lui donnerait un bassin de personnes additionnelles auxquelles il pourrait faire appel pour régler ce type de situation.
On ne cherche vraiment pas à miner la durée du mandat ou l'indépendance judiciaire de ce bassin de juges à temps partiel, pour ainsi dire. Ils conserveraient leurs postes; une fois qu'ils seraient nommés, ils demeureraient en poste. Il appartiendrait au juge militaire en chef de décider de la façon de les embaucher, et lorsqu'il le ferait, ils seraient bien entendu rémunérés pour leurs services.
Telle est l'intention.
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J'ai lu très attentivement les opinions du chef de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire. J'ai écouté le vice-amiral Donaldson et aussi le colonel Grubb. On n'a pas vraiment répondu à la question. Peut-être que le juge-avocat général pourrait nous aider.
La Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire avance que ce n'est pas nécessaire puisque les rapports entre le vice-chef d'état-major de la Défense, qui qu'il soit, et le grand prévôt se faisaient dans le cadre de la chaîne de commandement et que ce pouvoir existait. Il n'était donc pas nécessaire de faire cet ajout. On peut prétendre, au nom de la transparence, que ça peut exister, mais cela le met sur le papier et l'officialise et y ajoute l'aspect de la transparence, ce qui est à mon avis un argument utile.
J'ai une deuxième préoccupation ou question à ce sujet. Il y a deux types de lignes directrices. Les lignes directrices générales en sont une. La Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire nous a remis une copie de la série des directives générales de 1998 — ou ce que je suppose que vous appelez une série d'autorités — signée par le Chef d'état-major et le grand prévôt de l'époque. Je crois que ça s'appelle le cadre redditionnel. Je ne sais pas s'il est à jour. Vous pourriez peut-être nous le dire.
Si nous allons officialiser le rôle du grand prévôt et officialiser le droit d'émettre des directives, je pourrais prendre cet amendement en considération si nous faisons un ajout au paragraphe 18.5(4) pour qu'il se lise comme suit:
Le grand prévôt veille à rendre accessibles au public les lignes directrices ou instructions visées au paragraphe (3) et au paragraphe (2).
Il y a deux types de lignes directrices. Les lignes directrices générales, ou le cadre redditionnel, et les lignes directrices spécifiques. Je vois le problème et je vois qu'il peut y avoir des circonstances dans lesquelles il n'est pas possible de faire des enquêtes en particulier dans le respect des normes professionnelles comme le souhaiterait le grand prévôt à titre de service de police indépendant, mais dans l'intérêt de la transparence et de la sensibilisation des civils ou du public à cette relation importante, je voudrais que les instructions générales, comme le cadre redditionnel, soient également accessibles au public.
Que pensez-vous de cette proposition?
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Oui, monsieur le président. Je serai heureux de dire ce que j'en pense, peut-être en commençant par la fin de la question.
Si vous lisez le paragraphe 18.5(2) proposé, vous remarquerez qu'il y a déjà une obligation de rendre les instructions générales accessibles au public. Il y a une obligation de rendre accessibles au public les instructions générales, à la fin du paragraphe 18.5(2) proposé et dans le paragraphe 18.5(3) proposé de rendre les instructions accessibles au public, donc la transparence est là.
Pour revenir à la question visant à savoir si cela est nécessaire, de manière générale je rejoins l'avis qui a été exprimé soit qu'il est clair que la chaîne de commandement a l'autorité de donner des instructions aux subordonnés, donc un membre supérieur de la chaîne de commandement a l'autorisation légale de le faire. Cependant, il est évident que la police militaire est dans une position particulière. Elle a des responsabilités particulières. Le vice-chef l'a dit, il prend très au sérieux la notion de la conduite des enquêtes et de l'indépendance de la police, il est très important de reconnaître cette notion et de ne pas la contrecarrer.
Par conséquent, et en réponse aux recommandations faites, nous sommes en train d'incorporer dans le projet de loi la façon dont cette relation devrait exister entre la chaîne de commandement, représentée par le vice-chef, et le grand prévôt. Aussitôt que vous commencez à définir cette relation dans le projet de loi, il devient nécessaire d'exprimer quand et où ces instructions peuvent être données.
Si vous incluez le paragraphe 18.5(2) proposé qui permet de rendre accessibles les instructions générales au public, sans le pouvoir exceptionnel indiqué au paragraphe 18.5(3) proposé, la seule conclusion que l'on tirera de l'absence du paragraphe 18.5(3) proposé, c'est que ces instructions spécifiques sont interdites et qu'on ne pourra jamais les donner.
Donc, en réponse à votre question et aux observations que le comité a vues dans d'autres documents, je dirais que c'est nécessaire au regard de ce qui est fait dans le projet de loi.