:
Merci, honorables membres du comité, de me donner l'occasion de vous parler aujourd'hui de la sécurité aérienne et des systèmes de gestion de la sécurité.
[Français]
Je suis le commandant Jacques Mignault. Je suis accompagné aujourd'hui de mes collègues le commandant Michel Chiasson et M. Bernie Adamache. Je désire m'adresser à vous au nom du Conseil national des lignes aériennes du Canada, une association industrielle formée des quatre plus grands transporteurs aériens de passagers au Canada: Air Canada, WestJet, Air Transat et Jazz.
[Traduction]
Ensemble, les transporteurs membres du CNLA emploient 43 000 Canadiens et desservent 59 collectivités canadiennes. Nous effectuons en moyenne 1 800 vols par jour, ou 657 000 par an.
L'ensemble de notre parc de 437 gros aéronefs transporte 130 000 passagers par jour ou 46 millions de passagers par an. Le plus important, c'est que cette mission d'envergure repose sur un engagement délibéré et indéfectible à l'égard de la sécurité, qui fait partie intégrante de toutes nos activités. Pour nous, il n'y a rien de plus important que de conduire nos passagers à destination en toute sécurité.
[Français]
Le CNLA milite en faveur de déplacements sûrs, durables et concurrentiels en faisant des démarches auprès des intervenants du gouvernement et de l'industrie en vue de promouvoir l'élaboration de politiques, de règlements et de lois qui favorisent le système de transport de calibre mondial dont notre pays a besoin pour assurer sa prospérité. Les comités d'exploitation du CNLA, dont nous sommes tous trois des membres actifs, comptent des représentants bénévoles des quatre sociétés aériennes membres.
[Traduction]
Je suis vice-président du sous-comité de la sûreté du CNLA, dont l'objectif est de maintenir et d'améliorer les normes de sécurité mondiales des transporteurs aériens membres de ce conseil et de contribuer à la résolution des problèmes liés à la sécurité des lignes aériennes.
Je suis commandant à la société Air Transat et, dans le cadre de mes fonctions, j'occupe le poste de directeur de la sûreté des vols et de la sécurité opérationnelle. Je suis, à ce titre, responsable de la gestion quotidienne du système de gestion de la sécurité de l'entreprise.
Avant de me joindre à Air Transat en 1998, j'ai été officier militaire et pilote dans les Forces canadiennes durant 24 ans. J'y ai acquis de l'expérience de vol en ce qui concerne les aéronefs d'entraînement et de transport, en plus d'être commandant d'un escadron de transport tactique.
Les transporteurs membres du CNLA ont adhéré collectivement aux principes des systèmes de gestion de la sécurité et ont entrepris une démarche qui a mené à une transformation fondamentale de la culture de l'industrie afin qu'elle soit maintenant axée sur la sécurité. Aujourd'hui, je peux affirmer sans équivoque que cette transformation a eu lieu à tous les niveaux dans nos sociétés membres: les employés, les gestionnaires, le PDG. Cela n'aurait certainement pas été possible sans l'engagement ferme et la responsabilisation qu'exige le cadre des systèmes de gestion de la sécurité.
[Français]
Le développement d'une culture d'entreprise axée sur la sécurité représente l'un des fondements essentiels du SGS. Cette culture responsabilise chaque employé, lui conférant un rôle dans la promotion de la sécurité des opérations par la qualité de son travail et par sa contribution au signalement des situations de risque ou indésirables.
Cette culture développe chez les cadres dirigeants de l'entreprise une conscience accrue des risques inhérents à l'exploitation aérienne et de l'obligation de réduire ces risques. Il ne fait pas de doute que l'industrie aérienne canadienne dans son ensemble jouit d'une excellente réputation pour ce qui est de sa capacité d'auto-analyse et de sa détermination à mettre au point de meilleurs modèles d'aéronefs et de meilleures pratiques d'exploitation, et ce, dans l'optique de réduire fortement les risques d'accident.
[Traduction]
À notre connaissance, aucune autre industrie — à l'exception peut-être de l'industrie nucléaire — n'est soumise à des enquêtes internes aussi poussées dont les conclusions, présentées sous forme de rapport, mènent à la mise en place de mesures correctives.
Au fil des ans, les enquêtes ont dépassé les pratiques normales de conception et d'exploitation et ont commencé à mettre l'accent sur les facteurs humains. De la formation dans les domaines de la gestion des ressources en équipe et de la maintenance a été mise en place afin d'atteindre les buts fixés en matière d'amélioration de la sécurité.
À cet égard, nous ne considérons pas les systèmes de gestion de la sécurité comme quelque chose de vraiment nouveau, mais plutôt comme l'évolution nécessaire d'un processus de sécurité qu'on étend à toute l'organisation des lignes aériennes. C'est pourquoi le CNLA accorde tout son appui à Transports Canada en vue de la mise en oeuvre des systèmes de gestion de la sécurité.
Selon les statistiques mondiales liées aux accidents d'aéronef au cours des cinq dernières années, la tendance à la baisse du taux d'accidents, que nous avons observée durant une période assez longue, s'est quelque peu stabilisée. Nous considérons que les systèmes de gestion de la sécurité peuvent permettre de réaliser une percée en entraînant une nouvelle réduction du taux d'accidents annuel en raison de leurs éléments clés.
Premièrement, il y a une notion claire de la responsabilisation qui garantit un engagement personnel du président-directeur général du transporteur à l'égard de la sécurité.
Deuxièmement, il y a un système de signalement non punitif dans le cadre duquel les employés sont encouragés à faire part de leurs expériences ou de leurs préoccupations en rapport avec des pratiques considérées comme non sécuritaires, et ce, afin d'améliorer l'organisation et la sécurité.
Troisièmement, les systèmes comportent une fonction d'enquête sur les accidents qui met clairement l'accent sur les facteurs de causalité systémiques plutôt que de s'attarder exclusivement aux erreurs des employés.
Quatrièmement, l'accent est mis sur les activités proactives, comme la surveillance systématique des données de vol et l'examen des événements mettant en cause la sécurité à l'échelle de l'industrie dans le but de déterminer le risque d'exposition du transporteur à d'autres événements similaires.
Et cinquièmement, chaque unité d'exploitation du transporteur aérien doit assumer la responsabilité de sa fiche de sécurité et établir des objectifs annuels précis en matière de sécurité dans le cadre de son exercice de planification stratégique.
[Français]
Dans le débat en cours entourant l'instauration des systèmes de gestion de la sécurité, il doit être clairement établi que personne au sein de l'industrie aérienne ne prétend que les fonctions de vérification et de surveillance continue sont devenues redondantes. Au contraire, nous croyons que les activités de certification et de surveillance s'inscrivent à juste titre dans le mandat de Transports Canada alors que les sociétés aériennes sont les plus aptes à gérer efficacement la sécurité.
Comme tout nouveau système, les SGS peuvent être améliorés. Nous sommes d'ailleurs prêts à travailler de concert avec Transports Canada, votre comité et d'autres intervenants afin d'améliorer les SGS.
[Traduction]
J'aimerais maintenant céder la parole à mes collègues des autres transporteurs membres du CNLA afin qu'ils se présentent brièvement.
Comme vous le constaterez, vous avez devant vous aujourd'hui des représentants des trois comités d'exploitation du CNLA, qui sont les mieux placés pour parler des enjeux liés à la mise en oeuvre des systèmes de gestion de la sécurité chez les quatre principaux transporteurs aériens du Canada.
:
Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité.
Je m'appelle Sam Barone et je suis président et chef des opérations de l'Association canadienne de l'aviation d'affaires, l'ACAA. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Ian Epstein, avocat, et de M. Art LaFlamme, conseiller spécial.
Je vous suis reconnaissant de me permettre de témoigner devant vous aujourd'hui. L'ACAA tient à féliciter votre comité pour cette importante réunion où nous pourrons discuter de la sûreté et de la sécurité aériennes.
L'ACAA est un organisme sans but lucratif qui a été constitué en 1962 afin de représenter le monde de l'aviation d'affaires au Canada. Elle s'efforce toujours d'améliorer le transport aérien et de s'assurer qu'il demeure sûr, sécuritaire, fiable, efficace et durable, pas seulement au Canada, mais dans le monde entier.
Par sa nature même, l'aviation d'affaires possède une culture fortement axée sur la sécurité et bénéficie d'innovations techniques à la fine pointe et d'un engagement ferme à l'égard de la gestion de la sécurité. Au Canada, le secteur de l'aviation d'affaires a adopté et applique le concept des systèmes de gestion de la sécurité afin de réduire de façon proactive les risques liés à l'aviation.
À l'échelle internationale et nationale, l'aviation d'affaires est un moteur économique clé qui offre des emplois aux Canadiens à de nombreux niveaux. Les ventes, le service et la construction dans le domaine des aéronefs ainsi que les activités opérationnelles, de soutien, de maintenance et de réparation contribuent grandement aux économies locales et nationale. Toutes ces activités ont une incidence positive sur notre balance commerciale nationale. L'utilisation de l'aéronef comme outil d'affaires permet à de nombreuses entreprises canadiennes d'établir, de gérer et de maintenir un avantage concurrentiel et productif sur les marchés national et international.
Nos membres sont les plus importants employeurs du Canada. Ils représentent tous les secteurs économiques du Canada et jouent un rôle essentiel dans l'application du Plan d'action économique du Canada dans les centres urbains et dans les collectivités éloignées et du Nord.
L'ACAA est un membre fondateur du Conseil international de l'aviation d'affaires à Montréal, qui a reçu le statut d'observateur à l'assemblée générale de l'Organisation de l'aviation civile internationale, un organisme de l'ONU, aussi à Montréal.
L'ACAA et ses membres croient fermement qu'ils peuvent redonner à la communauté par leur travail avec les cadets de l'air et avec Vols d'espoir, un organisme bénévole qui organise le transport aérien de Canadiens ayant besoin de traitement médicaux à l'extérieur, et le transport des membres de leurs familles qui veulent les accompagner.
Aujourd'hui, l'ACAA parle au nom de plus de 400 entreprises et organisations dans tous les secteurs et exploite plus de 500 aéronefs. Elle reconnaît, en vertu de la Loi sur l'aéronautique, le pouvoir du , de reprendre la responsabilité du programme de certification des exploitants privés. Bien sûr, nous sommes déçus de cette décision, mais nous travaillerons au nom de nos membres avec Transports Canada et tous les ordres de gouvernement afin que la transition soit effectuée le plus possible en douceur et sans entraîner de risques pour la sécurité.
Avant tout, je souhaite corriger deux conceptions erronées qui veulent que la sécurité ait été réduite en vertu des pouvoirs réglementaires accordés à l'ACAA en 2005 et que cela soit une forme d'autoréglementation.
Le dossier de sécurité de l'aviation d'affaires est excellent. Lors de notre examen des données en matière de sécurité fournies par l'Association des courtiers d'assurances du Canada sur une période de cinq ans, soit de 2005 à 2009, nous avons constaté qu'il y avait seulement deux situations mettant en cause des exploitants privés: un jet de type commercial et un aéronef à turbopropulseur. Les exploitants avaient obtenu un certificat d'exploitation privée délivré par l'ACAA. Par opposition, dans la même catégorie, il y avait 43 situations mettant en cause des aéronefs canadiens du secteur commercial. Il est intéressant de constater que les exploitants commerciaux dans cette catégorie ne sont pas encore tenus d'avoir un système de gestion de la sécurité.
Monsieur le président, l'ACAA juge que sa responsabilité la plus importante consiste à promouvoir la sécurité de l'aviation d'affaires et à favoriser l'élaboration de pratiques exemplaires en matière de sécurité pour l'industrie. Dans le cadre de son programme d'assurance de la qualité, l'ACAA s'engage à améliorer continuellement les choses, en travaillant avec Transports Canada, le Bureau de la sécurité des transports du Canada et d'autres intervenants. À cet égard, l'ACAA a amélioré de façon significative ses politiques et ses normes. Malheureusement, compte tenu de la décision du ministre, les améliorations prévues sont mises en veilleuse.
Comme vous le savez, l'ACAA a reçu de Transports Canada des pouvoirs relativement au programme de certification des exploitants privés par le biais d'un règlement adopté en 2005. Transports Canada a annoncé des modifications réglementaires qui permettent à l'ACAA d'établir une nouvelle approche à l'égard de la surveillance de la sécurité et de la certification des activités de l'aviation d'affaires. Dans son annonce, le ministre de l'époque a déclaré: « Cette approche novatrice en matière de sécurité dans le secteur de l'aviation d'affaires s'appuie sur une réglementation efficace et une responsabilité accrue en ce qui a trait aux systèmes de sécurité. »
De plus, comme on pouvait le lire dans la Gazette du Canada en 2005, l'initiative s'appuyait sur la reconnaissance du très faible taux d'accident du secteur de l'aviation d'affaires et sur l'idée que les ressources du ministère affectées à la surveillance quotidienne du secteur puissent être utilisées dans des domaines à plus haut risque.
Toutefois, en vertu de la modification à la réglementation, le demeure responsable des activités des exploitants d'aéronefs d'affaires et doit surveiller et vérifier les activités, les systèmes et les procédures de l'ACAA. Ce nouveau cadre exigeait principalement des exploitants qu'ils créent un SGS.
Comme l'indique Transports Canada sur son site Web, les systèmes de gestion de la sécurité ne constituent pas des mécanismes d'autoréglementation. Ils sont plutôt une mesure supplémentaire de sécurité ayant pour but de créer un cadre de réglementation plus exhaustif, robuste et astreignant.
Les pratiques de sécurité ont évolué dans le domaine des transports au cours des dix dernières années. La sécurité a d'ordinaire été régie par des normes et des règlements normatifs visant à assurer la conformité. Il devient de plus en plus difficile de prescrire des mesures de sécurité et de les faire appliquer compte tenu des ressources limitées. Il est vrai qu'une entité peut se conformer aux règlements sans gérer efficacement les risques et les maintenir à des niveaux acceptables. Une approche plus complète qui nécessite de comprendre et de gérer systématiquement les risques à l'intérieur même du système nous fera en sorte de faciliter l'atteinte des objectifs en matière de sécurité.
Les systèmes de gestion de la sécurité sont des cadres officiels conçus afin d'intégrer la sécurité et la gestion des risques aux activités quotidiennes d'un exploitant d'aéronefs. Il est important d'imposer les responsabilités aux bonnes personnes, à savoir les exploitants d'aéronefs. Les gestionnaires devraient non seulement être tenus d'assurer la conformité aux règlements, mais également de prendre des décisions de gestion des risques qui tiennent d'abord compte de la sécurité.
L'ACAA est d'avis que la meilleure façon d'y parvenir serait de créer des règlements axés sur le rendement et fondés sur les SGS. De plus, l'ACAA appuie pleinement la création et l'application d'un système de surveillance robuste par l'organisme de réglementation, Transports Canada.
Compte tenu du caractère limité des ressources, l'ACAA est d'avis que cette surveillance doit reposer sur des systèmes tout en permettant aux responsables de faire le nécessaire pour apaiser les préoccupations liées à la sécurité. Ces exemples pourront paraître excessifs, mais il n'est pas possible de faire inspecter chaque aéronef avant chaque départ ni de placer des inspecteurs dans les postes de pilotage pour tous les déplacements aériens.
Le Canada est un chef de file dans le domaine des SGS. L'Organisation de l'aviation civile internationale a reconnu les avantages associés à l'adoption des SGS et exige des différents pays qu'ils mettent en oeuvre des SGS et qu'ils adhèrent à cette norme internationale. En fait, les normes de sécurité établies par le Conseil international de l'aviation d'affaires, fondées sur les SGS, se sont inspirées du travail d'avant-garde accompli par l'ACAA dans ce domaine.
Vernon Grose, un spécialiste qui s'intéresse aux États-Unis à l'application de la méthodologie des systèmes aux fins de la gestion des risques, a qualifié de « place au soleil » l'approche adoptée par le Canada à l'égard des SGS. Il a applaudi le leadership mondial du Canada en matière de sécurité aérienne lorsque le fardeau de la sécurité a été imposé aux dirigeants de l'industrie plutôt qu'au gouvernement. Il serait dommage que les critiques des SGS réussissent à faire échec à l'approche novatrice et au leadership mondial du Canada dans ce domaine.
L'ACAA ne peut pas changer la décision du ministre. Toutefois, Transports Canada pourra continuer d'exercer son leadership mondial en adoptant à l'égard de l'aviation d'affaires des règlements axés sur le rendement et fondés sur les systèmes de gestion de la sécurité et les pratiques exemplaires de l'industrie.
Comme je l'indiquais tout à l'heure, le CIAA a établi les normes internationales auxquelles doivent se conformer les exploitants du domaine de l'aviation d'affaires. Il s'agit d'un code de pratiques exemplaires destiné aux exploitants et conçu pour assurer un très haut niveau de sécurité et de professionnalisme. Je le répète, les SGS sont une des composantes fondamentales de ces normes.
Ces normes ont également été adoptées par l'Agence européenne de la sécurité aérienne, l'AESA, à l'égard des exploitants européens du domaine de l'aviation d'affaires. Elles ont également été reconnues par l'organisme sans but lucratif Air Safety Support International, une filiale à part entière de l'autorité de l'aviation civile du Royaume Uni.
Nous recommandons donc, monsieur le président, que Transports Canada délivre un certificat aux exploitants canadiens du domaine de l'aviation d'affaires dont les activités sont conformes aux normes les plus élevées établies par l'ACAA et le CIAA, sous la supervision de Transports Canada. Tout en favorisant l'excellence et la sécurité, cette approche permettra aux entreprises de ce secteur d'atteindre leurs objectifs d'affaires de la façon la plus efficace et efficiente possible.
Encore une fois, je vous remercie de nous avoir invités à prendre la parole ici aujourd'hui.
En résumé, l'aviation d'affaires au Canada a d'excellents antécédents en matière de sécurité et continuera sur sa lancée.
Le programme de certificats d'exploitation privée administré par l'ACAA est un cadre de réglementation axé sur le rendement et fondé sur les SGS; il n'est pas un mécanisme d'autoréglementation.
L'ACAA est en faveur d'une surveillance accrue et robuste exercée par Transports Canada dans le domaine de la sécurité aérienne au Canada.
Le Canada doit maintenir le cap en continuant d'appliquer son approche novatrice et d'exercer un leadership en ce qui a trait aux SGS dans l'industrie aérienne.
Enfin, Transports Canada doit adopter à l'égard de l'aviation d'affaires des règlements axés sur le rendement et fondés sur les SGS et les pratiques exemplaires de l'industrie.
Monsieur le président et membres du comité, je vous remercie.
:
Merci pour cette question.
Tout d'abord, lorsque vous dites que nous avons changé notre fusil d'épaule, nous nous sommes parfaitement conformés aux cadres de réglementation du gouvernement, même avant que le ministre ne nous délègue ces pouvoirs en 2005. Nous avons toujours respecté les cadres de réglementation en matière de conformité, comme l'exigeaient notamment les responsabilités qui nous avaient été confiées en vertu de la réglementation.
Notre position a changé. Manifestement, les choses ont changé lorsque le ministre a annoncé qu'il rapatriait à Transports Canada ce cadre de réglementation. Nous allons bien entendu nous conformer à ce changement annoncé par le . Sa décision nous a déçus mais, cela étant dit, nous allons nous y conformer. Nous travaillons en collaboration avec le ministère des Transports pour assurer une transition en douceur à bien des chapitres d'ici mars 2011.
Vous vous souviendrez peut-être que dans son annonce du 16 mars 2010, le ministre a déclaré que le ministère des Transports et son unité responsable de l'aviation civile exerceraient immédiatement une surveillance accrue de l'ACAA et de ses activités de certification. Par conséquent, nous nous conformerons autant que possible aux exigences de Transports Canada, autant dans le cadre des vérifications en présence de témoins que de l'examen de nos dossiers, ce que le ministère a toujours fait au cours des cinq ou six dernières années. Ils sont toujours venus dans nos bureaux pour examiner nos dossiers.
De même, comme je l'ai dit tout à l'heure au sujet de l'ensemble des normes qui ont été élaborées, le ministère a toujours pris part au processus et il n'a jamais été question d'« autoréglementation ». Notre industrie n'était pas autoréglementée.
Enfin, pour ce qui est des constatations du BST, nous ne sommes pas d'accord avec bon nombre d'entre elles, mais... Je n'en dirai pas plus à ce sujet.
Art, voulez-vous ajouter quelque chose?
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Cependant, votre président M. Barone — excusez-moi, monsieur LaFlamme — nous dit qu'il n'est pas d'accord sur la constatation du Bureau de la sécurité des transports. Vous êtes comme un chien qui court après sa queue: vous ne réussirez jamais. Donc, je comprends très bien que le ministre avait raison de prendre la décision qu'il a prise.
Ma prochaine question s'adresse à M. Mignault. Dans votre constat aujourd'hui, vous nous dites qu'il faut une prise en charge, qu'il faut clairement instaurer un système, que personne dans l'industrie aérienne ne prétend que la fonction de vérification est redondante. Cependant, il y a eu des associations de pilotes qui sont venus devant le comité nous dire qu'elles n'avaient finalement pas besoin d'inspection. À l'époque, quand on en a discuté, elles disaient qu'elles étaient capables d'évaluer leurs qualifications et qu'elles n'avaient pas besoin de surveillance. Bref, ça change et j'en suis content.
La seule réserve, monsieur Mignault, concerne les TCA, qui ont 15 000 membres qui travaillent dans votre industrie. Lorsqu'ils ont comparus devant notre comité — j'espère que vous avez pris connaissance de leurs témoignages, sinon je vous encourage à les lire — ils nous ont dit que le plus gros problème actuel est la dénonciation. Le système de gestion de sécurité est basé sur le fait que les employés puissent rapporter les problèmes à la direction. Or, ce qu'ils constatent, c'est que des employés qui décident de faire des dénonciations subissent des représailles, et il n'y a pas de suivi des dénonciations.
D'après ce que j'ai compris, vous êtes le grand responsable de la sécurité chez Air Transat. Pouvez-vous me garantir qu'à Air Transat, il n'y a pas de représailles contre les employés? Je vous dirais que les employés vont vous écouter, si jamais il y en a. On nous demande une nouvelle loi, semblable à la loi américaine: on veut que les employés soient mieux protégés lorsqu'ils font des dénonciations.
Pouvez-vous me garantir qu'à Air Transat — qui est une entreprise que j'apprécie beaucoup personnellement —, il n'y a pas de représailles envers les employés qui font des dénonciations?
:
Je ne peux pas me prononcer sur les statistiques que vous avez obtenues au moyen de Google. Ce que je peux vous dire, c'est que tous les transporteurs canadiens sont très fiers de notre bilan en matière de sécurité; je parle ici au nom de tous les transporteurs, et non pas au nom de seulement quatre membres du Conseil national des lignes aériennes du Canada.
Statistiquement, quand je siège à des conseils internationaux, nous nous classons au premier rang, sinon tout près du premier rang. Je pense qu'à un moment donné c'est l'Australie qui occupait le premier rang, mais le Canada peut être fier de son bilan, de ce que nous avons fait, de ce que nous avons accompli et du niveau de sécurité que nous offrons à nos passagers. Je dis cela sans me fonder sur les statistiques que l'on trouve sur Google.
Pour ce qui est de la culture de sécurité, nous avons constaté une évolution considérable au cours des quatre ou cinq dernières années. En tant que membre des opérations aériennes, nous avons toujours été dans le monde de la conformité réglementaire; la culture de sécurité s'est donc développée au sein du groupe des opérations aériennes parce que nous devions suivre les règlements.
Cette culture, comme l'a mentionné mon collègue Jacques, s'est étendue, pas toujours aussi rapidement que nous ne l'aurions souhaité, mais elle s'est étendue. Il faut beaucoup de temps pour sensibiliser les gens. Il y a cinq ans, on considérait que les employés de bureau n'avaient aucune incidence sur la sécurité. Aujourd'hui, la culture considère que chaque personne au sein d'une organisation a une incidence sur la sécurité compte tenu de ses tâches et de la façon dont elle les exécute. Je pense que nous avons pris la bonne voie, mais il faut beaucoup de temps pour sensibiliser les gens; c'est la raison pour laquelle nous travaillons en collaboration pour promouvoir cette culture.
Dans le monde des opérations aériennes, il y a toujours eu un groupe qu'on appelait le groupe de la « sécurité des vols », qui recevait des rapports confidentiels sur toutes les questions touchant la sécurité. Cette culture a changé. Il n'est plus question de sécurité des vols; on parle maintenant de sécurité de l'organisation. Autrement dit, nous avons retiré le mot « vols » parce qu'il ne s'agit pas d'un outil exclusif aux opérations aériennes; c'est un outil utilisé dans l'ensemble de l'organisation.
À mon avis, le visage de la sécurité, la façon dont nous la comprenons et la façon dont nous en faisons la promotion ont énormément changé, et les employés savent maintenant qu'ils ont une responsabilité à tous les niveaux. C'est vrai, les gens ont besoin d'un certain temps pour comprendre en quoi leur rôle touche la sécurité de l'organisation.
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Merci, monsieur le président.
Merci à tous d'être présent aujourd'hui. Je suis sûr qu'à l'exemple de Transports Canada et de tous les membres du gouvernement, chacun d'entre vous a à coeur l'amélioration continue de la sécurité aérienne.
Parmi les témoignages des représentants de Transports Canada qui ont comparu devant nous le mois dernier, je me rappelle en particulier celui de Marc Grégoire, le sous-ministre adjoint, qui nous a parlé de la grande importance que le ministère accorde à son rôle de surveillance. Je crois qu'il a mentionné que les trois-quarts du budget du ministère sont alloués à la sécurité et à la surveillance. Il a en outre indiqué que Transports Canada est considéré, comme l'a dit M. Barone de l'ACAA dans ses déclarations préliminaires, comme un chef de fil mondial dans le domaine des systèmes de gestion de la sécurité.
Lors de la comparution des représentants du ministère, M. Grégoire lui-même a indiqué que le monde entier était tourné vers le Canada, en ce qui concerne la question des SGS, et que d'autres pays s'inspiraient de notre système. Et il a mentionné qu'incidemment, m'a-t-il semblé, une des choses les plus intéressantes parmi les arguments qu'il a présenté à l'appui de ces déclarations ce jour-là. Il a dit que le taux d'accident du Canada en 2008, soit 5,7 accidents par 100 000 heures de vol, est notre taux le plus bas des dix dernières années.
Nous savons que notre manière d'améliorer ce que nous faisons est de savoir ce que nous faisons bien et ce que nous faisons correctement, et de faire fond sur ces choses et d'essayer de les améliorer. Ma question s'adresse à quiconque d'entre vous qui souhaiteraient y répondre, ou à tout ceux qui voudraient le faire. Si le taux d'accident diminue, comment cela s'explique-t-il, à votre avis, et comment pourrions-nous prendre appui sur cette base pour nous améliorer?
:
Merci, monsieur le président.
Bonjour, je m'appelle Daniel Slunder. Je suis président national de l'Association des pilotes fédéraux du Canada. Je suis ici pour faire le point sur la situation du Système de gestion de la sécurité (SGS) du point de vue des professionnels du bureau d'inspection des pilotes brevetés — qui effectuaient autrefois des inspections, des vérifications et des mesures d'exécution, mais qui sont aujourd'hui surtout occupés à remplir la documentation associée aux examens et validations de programmes du SGS.
Lors de ma dernière comparution devant votre comité, j'ai présenté les conséquences découlant de l'absence d'inspections et de vérifications conventionnelles. Les problèmes que nous avons identifiés se produisent parce que les inspecteurs sont forcés de se concentrer exclusivement sur les examens et les validations du SGS plutôt que sur des inspections et des vérifications. En bref, les inspecteurs de l'aviation ne surveillent plus les pratiques de sécurité de l'industrie comme ils le faisaient auparavant. À notre avis, et cette opinion est partagée par de nombreux experts extérieurs, l'absence d'une supervision conventionnelle des mesures de sécurité représente un risque sérieux pour le public voyageur.
Après ma dernière présentation devant votre comité, nous avons rencontré des hauts fonctionnaires de Transports Canada. Le ministère veut que nous collaborions en vue d'apporter des solutions à certains des enjeux de sécurité urgents que nous avons identifiés. Cette nouvelle tournure des événements nous réconforte et nous redonne un optimisme prudent, en particulier la décision récente du ministre de retourner l'aviation d'affaires sous la supervision directe de Transports Canada. Nous continuons toutefois à ressentir beaucoup de craintes concernant diverses préoccupations de sécurité.
Le nombre d'incidents en matière de sécurité aérienne relevés grâce au Système de comptes rendus quotidiens des événements de l'aviation civile (ou CADORS) continue d'augmenter année après année. Nous sommes passés de 4 000 incidents en 2000 à 14 000 l'année passée. C'est inquiétant, puisque les comptes rendus CADORS sont généralement précurseurs ou indicateurs de problèmes de sécurité plus importants. Dans le passé, plusieurs incidents CADORS donnaient lieu à des enquêtes, qui à leur tour entraînaient des mesures d'application de la loi. Pourtant, quand nous cherchons parmi les archives des deux dernières années, nous ne trouvons aucune trace de mesures d'application de la loi prises contre de gros transporteurs. Permettez-moi de me répéter: il n'y a eu aucune mesure d'application de la loi contre de gros transporteurs au cours des deux dernières années.
Transports Canada a toujours insisté pour affirmer que le SGS constitue une couche supplémentaire de sécurité qui s'ajoute à la supervision habituelle. Dans l'intérêt de la sécurité du public, il existe un urgent besoin de réimplanter un programme de supervision traditionnelle qui s'est atrophié lors de la mise en place du SGS.
Les hauts fonctionnaires de Transports Canada ont procédé à quelques annonces encourageantes. Ils ont affirmé, le 30 mars, que leur objectif était d'assigner 70 p. 100 du temps des inspecteurs aux validations du SGS et 30 p. 100 à des inspections conventionnelles.
Le principe qui sous-tend cette annonce est bienvenu, mais la réalité est beaucoup moins encourageante. Comme vous le savez, la dernière version de la politique de surveillance de TC exige que 100 p. 100 des examens et validations du SGS soient effectués avant que les inspecteurs aient la liberté de mener des inspections et vérifications conventionnelles.
La première priorité de Transports Canada à l'égard des inspecteurs est de déployer les SGS dans les aéroports. Ensuite, ce sera le tour des transporteurs soumis aux règlements 703 et 704. Pour l'instant, il est impossible de remplir toutes les tâches associées aux SGS; en conséquence, nous continuerons de fermer les yeux sur les problèmes de sécurité dans le transport aérien. Bien que les examens et validations associés aux SGS soient avant tout un exerce de paperasserie, ils exigent un temps considérable.
Des membres de l'APFC rapportent qu'il fallait habituellement une semaine pour mener à bien l'inspection d'un transporteur typique. Dans le cadre des SGS, on passe d'abord une semaine à préparer une validation. La visite des lieux exige de deux à trois jours, et la production du rapport de validation demande une semaine. L'évaluation et la validation du SGS d'une compagnie exigent facilement le double du temps. Pendant ce temps, des inspecteurs me rapportent que les inspections et surveillances inscrites au calendrier sont annulées.
Avant que l'aviation d'affaires soit impartie aux transporteurs par le ministère en 2005, on consacrait cinq années-personnes à la supervision de 150 détenteurs de certificats. Aujourd'hui, avec l'aviation d'affaires sous surveillance réglementaire, les inspecteurs auront, comme vous le savez, jusqu'à 400 détenteurs de certificats supplémentaires à examiner et à surveiller.
Peut-être avez-vous entendu dire que Transports Canada embauche des inspecteurs? C'est un pas dans la bonne direction, mais ce n'est qu'une aspirine quand une intervention majeure est requise pour restaurer la supervision conventionnelle, et la tant vantée couche de sécurité supplémentaire pour le public voyageur.
Sachez que la force d'inspection des pilotes professionnels représentée par l'APFC est aujourd'hui proche de son plancher historique. Il y a actuellement près de 100 postes à combler. Au niveau des cadres, il y a 40 postes à pourvoir. Par un effet de dominos, cela entraîne que des inspecteurs de terrain doivent laisser leurs responsabilités quotidiennes pour remplir des tâches d'encadrement pour lesquelles ils ne sont pas formés.
Transports Canada a embauché 20 pilotes inspecteurs pour des tâches de terrain au cours de l'année qui s'est terminée en février. Pour la même période, 27 inspecteurs ont quitté Transports Canada, pour une perte nette de sept inspecteurs pilotes de première ligne. Cela rétablit dans un contexte plus juste le projet de Transports Canada d'embaucher 100 inspecteurs supplémentaires, dont la majorité ne seront pas des pilotes professionnels. Même après ces nouvelles embauches, il sera impossible pour les inspecteurs de remplir leurs obligations dans le cadre des SGS tout en consacrant 30 p. 100 de leur temps à des activités conventionnelles de supervision.
Pour atteindre l'objectif d'un niveau supplémentaire de sécurité, Transports Canada doit ramener l'effectif des pilotes-inspecteurs à ce qu'il était avant le SGS, soit environ 500, puis ajouter environ 30 p. 100 de plus d'inspecteurs, pour un total de 650. Cette tâche ne sera pas facile, compte tenu du profil démographique des membres du bureau d'inspection des pilotes professionnels à Transports Canada.
En 2008, l'APFC a mandaté la réputée démographe Linda Duxbury, Ph.D., pour étudier la force d'inspection des pilotes brevetés. La professeure Duxbury a conclu que nous faisons face à une crise dans la surveillance du transport aérien à cause du vieillissement de la main-d'oeuvre. À compter de l'an prochain, plus de la moitié de ces effectifs aura réuni les conditions pour partir à la retraite, ce qui nous enlèvera nos pilotes les plus expérimentés. Sans programme efficace pour maintenir en poste les inspecteurs ou pour recruter des remplaçants, Duxbury a observé que nous nous dirigeons « vers un potentiel très élevé de pénurie, une pénurie immense et profonde. »
Je vous ai fait circuler une fiche d'information, qui vous livre l'essentiel de ses conclusions. Les hauts fonctionnaires de Transports Canada ont déclaré devant votre comité qu'ils devaient jouer à la chaise musicale avec les ressources internes du ministère pour que la direction de l'aviation civile parvienne à remplir ses fonctions. TC semble faire le mieux qu'il peut avec les ressources disponibles, mais ce n'est pas assez. Pour protéger le public voyageur et obtenir le niveau de sécurité supplémentaire dont on fait grand cas, ce qui suppose la remise en place de la supervision conventionnelle, Transports Canada a besoin d'un ajout de ressources significatives. Cette décision dépend de responsables élus comme vous.
L'absence de supervision conventionnelle n'est pas le seul problème qui affecte les SGS de Transports Canada. Vous vous rappellerez que lors de ma dernière comparution ici, je vous ai parlé d'un incident inquiétant chez Air Canada. À cause de l'accumulation d'une série de circonstances, un certain nombre de violations des règlements de sécurité de Transports Canada ont eu lieu, en particulier un ravitaillement en carburant alors que les moteurs étaient en marche, et ont mis en danger la sécurité des passagers.
Cet incident ne nous a été révélé que parce qu'un pilote expérimenté se trouvait à bord comme passager, et qu'il m'en a fait rapport. En plus du ravitaillement en vol, il avait constaté avec effroi la présence de glace sur les ailes. Ce passager pilote inquiet a fait rapport de cet incident à Transports Canada, et selon les normes du SGS, on a confié à Air Canada la responsabilité d'y donner suite. Même si nous sommes en présence d'un manquement grave aux règlements de sécurité, TC n'a pris aucune mesure, et Air Canada est seul responsable de donner suite à l'incident, sans obligation de faire rapport de ses actions.
Nous ne saurons jamais quelles mesures Air Canada a prises pour donner suite à cet incident, parce que le SGS de TC assure l'immunité des transporteurs face aux mesures d'application de la loi, en même temps que la confidentialité complète des rapports émanant des transporteurs. Cela équivaut à un voile de secret, de sorte que ni vous, ni la population, ne saurez jamais ce qui s'est vraiment passé.
Pour terminer sur une note positive, j'ai le plaisir de vous annoncer que Transports Canada nous a écoutés et a reconnu que la formation au SGS pour les inspecteurs est un enjeu auquel il doit répondre. Un projet est en place pour lancer un cours revitalisé en septembre. Dans l'ensemble, la haute direction du ministère a amélioré ses communications avec notre association et tente de répondre aux problèmes que nous avons soulevés dans le passé.
Je vous remercie du temps que vous m'avez accordé pour ma présentation.