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Merci, monsieur le président.
Salutations aux membres du Comité et salutations particulières à M. le vice-président Joël Lightbound, notre ancien collègue.
Je veux d'abord nous présenter brièvement. Je suis un associé du cabinet d'avocats Fasken Martineau. À partir du bureau de Montréal, nous travaillons tous les deux dans le domaine de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels, autant en ce qui concerne les lois fédérales que les lois provinciales du Québec.
En matière d'accès à l'information et dans le secteur privé, j'ai l'occasion de plaider, de donner des conférences et de publier des documents sur le sujet. Mon dernier article, sur les obligations de notification en cas de bris de confidentialité, a été publié dans la dernière édition de la Revue du Barreau.
Mon collègue Marc-André Boucher a publié sa thèse de maîtrise, intitulée La Loi sur l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels commerciaux en droit fédéral, en 2014 aux Éditions Yvon Blais.
Pour ma part, il s'agit de ma deuxième présence devant un comité parlementaire cette année. En vertu de la révision au Québec de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, j'ai également comparu devant l'Assemblée nationale.
Nous voudrions vous entretenir sur trois sujets: le premier est la question de la notification aux tiers, le deuxième est l'accès aux documents des cabinets, et le troisième est l'encadrement administratif, donc les délais et la procédure prévus dans la Loi sur l'accès à l'information.
Je vais commencer par le premier sujet.
Je vous renverrais à la décision de la Cour suprême du Canada dans la cause Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), en 2012, où il y a eu une discussion sur la question de savoir quelle était l'obligation de notification aux tiers. La Cour suprême du Canada a choisi de reconnaître un critère selon lequel les responsables de l'accès à l'information n'avaient pas une obligation systématique d'aviser les tiers quand ils entendaient communiquer des documents, s'ils étaient d'avis qu'il n'y avait pas possibilité de préjudice au sens de l'article 20 de la Loi, ce qui laisse une brèche, selon nous.
Nous représentons des organismes publics ainsi que des demandeurs d'accès, mais nous représentons souvent des tiers aussi; nous avons plusieurs points de vue. En ce qui concerne la loi fédérale, nous représentons souvent des tiers, et nous avons constaté que cela laissait une incertitude. Ce qu'on dit aux entreprises qui vont fournir des renseignements au gouvernement ou aux ministères, c'est qu'on va peut-être communiquer les documents sans que les personnes concernées le sachent. C'est un élément que nous vous invitons à revoir et sur lequel vous devrez vous poser des questions, en vue de déterminer si c'est le bon mécanisme pour assurer la protection des tiers, alors que le responsable de l'accès à l'information n'est pas un spécialiste des affaires commerciales du tiers pour pouvoir juger de l'applicabilité de l'article 20.
Là-dessus, je vous renverrais aux pages 69 à 78 du livre de mon collègue Marc-André Boucher, où il traite de la question des avis aux tiers. C'est le premier sujet sur lequel nous estimons que le Comité devrait réfléchir pour la réforme de la Loi sur l'accès à l'information.
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En ce qui me concerne, je vais traiter de la question des documents qui relèvent des cabinets ministériels.
En 2011, dans l'affaire Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre de la Défense nationale), la Cour suprême du Canada a décidé que les cabinets ministériels, puisqu'ils n'apparaissaient pas à l'annexe I de la Loi, n'y étaient pas soumis.
Selon moi, cela constitue une brèche importante. D'ailleurs, je pense que d'autres intervenants vous l'ont souligné. C'est une brèche très importante dans la Loi parce que les communications entre le cabinet du ministre et une institution fédérale dont est responsable le ministre ne sont pas imperméables. Les communications, les documents et les renseignements voyagent, en quelque sorte, très souvent entre la structure de l'institution fédérale elle-même, qui est soumise à la Loi, et le cabinet ministériel, qui, lui, n'est pas soumis à la Loi.
Ma proposition serait qu'on assujettisse dorénavant les cabinets ministériels à la Loi sur l'accès à l'information, d'autant plus que, en plus de l'article 21 qui prévoit une exemption pour les consultations, les délibérations et les renseignements propres aux ministres, l'article 69 de cette loi prévoit une exemption qui vise précisément les documents du Conseil privé, ce qui englobe aussi certains documents du ministre. Cet article est extrêmement bien détaillé et il protège déjà amplement les documents et les renseignements de nature sensible. Ils peuvent donc englober des documents de nature ministérielle.
Par conséquent, je répète que, à mon avis, les cabinets ministériels devraient être inclus à l'annexe I de la Loi, afin que tous les documents y soient soumis, quitte à prévoir par la suite d'autres exceptions plus précises.
Je cède la parole à mon confrère, qui terminera en traitant de la dernière question.
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Le dernier sujet, qui est en fait celui le plus près de ma réalité comme praticien, porte sur la question de l'encadrement administratif de l'applicabilité de la Loi.
Comme je vous l'ai mentionné d'entrée de jeu, nous possédons une expérience à l'échelle fédérale et du Québec. Vous avez déjà entendu Diane Poitras, vice-présidente de la Commission d'accès à l'information. En outre, vous êtes probablement bien au courant du mécanisme qui existe au Québec et de la mise en place d'un tribunal administratif avec portée exécutoire. Cependant, avant même de parler de cela, je voudrais vous parler des délais qui causent de la frustration autant aux tiers qu'aux demandeurs d'accès. De plus, comme le traitement des demandes peut être excessivement long, cela crée aussi beaucoup d'incertitude. Quand on fait une demande d'accès à l'information au fédéral, on n'a aucune idée du temps qu'il faudra attendre avant d'avoir une réponse. La Loi prévoit un délai indicatif qui peut être prolongé selon la volonté de l'organisme public, et on ne sait pas quand on aura une réponse.
Les tiers, lorsque consultés, sont souvent laissés dans l'ignorance, et ils ne savent pas si une décision a été rendue ou non. Selon mon expérience, quand l'organisme public décide d'accepter les représentations de tiers et de ne pas communiquer les documents que les tiers demandent de ne pas communiquer, nous ne le savons pas. Il faut faire des suivis, il faut relancer les organismes, et nous n'avons aucun renseignement sur le moment où la décision devrait être normalement prise. Cela peut varier beaucoup. Toutefois, je ne crois pas que ce soit une question de mauvaise foi de la part des responsables de l'accès à l'information. Selon les ministères, les délais peuvent être très courts ou très longs, en raison de la portée des demandes d'accès.
À l'échelle provinciale, le mécanisme est double. Premièrement, il y a un délai précis, soit 30 jours maximum. Ensuite il y a, en contrepartie, une soupape qui permet aux organismes publics de demander de ne pas traiter une demande beaucoup trop onéreuse. Au fédéral, on voit souvent des demandes mammouth où on demande une multitude de documents. On paie 5 $ et on essaie de faire en sorte que la liste de documents soit la plus longue possible pour tout couvrir. Toutefois, dans de tels cas, il se peut que les délais de traitement s'allongent sur des mois, sinon sur plus d'une année. La première source d'irritation est donc l'encadrement des délais pour le traitement des demandes d'accès.
La deuxième source d'irritation qui contribue aux délais concerne l'absence de pouvoirs donnés au commissaire à l'information. Ce dernier a un rôle davantage d'ombudsman que de décideur en matière d'accès à l'information. Encore une fois, ce sont des délais et des décisions qui ne sont pas exécutoires. Par conséquent, quand on est un tiers ou un demandeur d'accès, en plus de l'incertitude concernant les délais, la réponse tarde à venir, et l'aboutissement du processus, c'est la Cour fédérale. Ainsi, si on veut faire valoir ses droits jusqu'au bout et qu'on veut avoir une décision exécutoire, on envoie les gens à la Cour fédérale, après de longs délais. La Cour fédérale est probablement un des tribunaux les moins accessibles aux citoyens, en raison de la procédure excessivement lourde à suivre.
Quand on compare ce qu'on a au Québec, soit un tribunal administratif relativement simple, où une simple lettre peut déclencher le processus, on constate qu'à la Cour fédérale, où l'on fait face à des exigences et à des frais élevés, le processus administratif en place entre la demande et l'aboutissement du processus décisionnel concernant la demande est long et peut être coûteux.
Par conséquent, la principale chose qui devrait être faite en ce qui a trait à la Loi sur l'accès à l'information serait de réexaminer ce processus. Il faudrait déterminer comment on veut que les demandes d'accès à des documents du gouvernement soient traitées, dans quel délai et comment on veut en arriver à une décision ultime dans un délai et à des frais raisonnables.
C'est la présentation que nous avions à vous faire. Nous avons essayé d'être le plus succincts possible pour vous donner l'occasion de poser vos questions.
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Merci, monsieur le président et merci aux membres du Comité de m'avoir invité.
Je me trouve devant vous parce que les rapports sur les droits de la personne en Arabie saoudite sont publiés tardivement, après l'annonce, par le ministre, de sa décision sur le permis d'exploitation. Il en existe quatre ébauches qui remontent à l'époque des conservateurs et qui sont lourdement caviardées... c'était une autre époque.
Je me trouve devant vous parce que le Conseil du Trésor s'accorde six mois de plus pour me répondre au sujet de la transparence du gouvernement.
Je me trouve devant vous parce que je suis là depuis longtemps, que j'ai comparu des dizaines de fois devant des comités parlementaires et que j'aimerais que quelque chose aboutisse un jour.
Je me trouve devant vous pour parler de changements structurels fondamentaux et pas de changement d'ordre technique.
Le Canada doit adopter des mesures législatives audacieuses en matière de transparence. Depuis trop longtemps, la loi désuète et dysfonctionnelle d’Ottawa nuit à la pleine transparence et encourage les gestes posés dans le secret. Le droit d’accès à l’information ne devrait pas être entravé par des obstacles comme de longs retards, des frais élevés, différentes méthodes créatives pour éviter les demandes, ainsi que de multiples dérogations et exclusions. À ce jour, les gouvernements et les commissaires à l’information n’ont malheureusement fait qu’un peu de ménage et apporté des correctifs rapides qui ne permettent pas d’abandonner la culture du secret.
La meilleure façon d’aller de l’avant est d’élaborer un projet de loi exhaustif pour un gouvernement ouvert qui réunira plusieurs mesures relatives à la transparence. Cela en raison du fait qu’un meilleur accès à l’information du gouvernement ne suffira pas à lui seul à instaurer la transparence ou une culture d’ouverture s’il n’est pas accompagné d’un train de mesures visant à créer des moyens plus efficaces en vue d’une divulgation accrue.
D’autres ressors, comme l’État de New York, combinent des mesures relatives à la transparence, notamment un volet sur les réunions ouvertes, assorties de dispositions des lois de l’État sur le droit à l’information concernant la divulgation. D’autres pays, comme le Mexique, ont montré la voie à suivre sur le plan juridique en désignant des catégories précises pour la divulgation proactive qui vont plus loin que l’utilisation de banques de données numériques et la diminution de plus en plus prononcée du nombre de documents auxquels il est possible d’accéder de manière traditionnelle. Le Brésil intègre les demandes d’accès à l’information dans sa loi sur la transparence.
La Suède est l’un des pays qui a une longue tradition en matière de transparence et qui a réussi à combiner la liberté de presse et la protection contre la censure grâce à l’accès aux documents publics garanti dans des lois complémentaires. La Nouvelle-Zélande, une démocratie parlementaire que j’ai visitée pour donner des ateliers au bureau de l’ombudsman, considère que l’accès aux documents du cabinet tient davantage d'un gouvernement ouvert en action qu'à la pierre angulaire d’une culture du secret.
Le Canada doit donc combler cet écart en renforçant et en développant la législation sur le droit de savoir s’il veut, enfin, devenir un leader.
La création d’un code de divulgation et d’accords de transparence ayant comme objectif d’assurer les droits d’accès à l’information, la liberté d’expression et la liberté de participer sont au coeur de cet important effort. Voici certains des éléments clés pour y arriver.
D’abord il faudrait adopter une disposition à l’objectif clair. Celle-ci énoncerait un nouveau droit de savoir en vue d’accroître la liberté d’expression et de maximiser la divulgation et la reddition de comptes. Cela constitue une partie essentielle de la Charte canadienne des droits et libertés qui a été édulcorée en vertu de la nouvelle loi qui insiste davantage sur des principes de maintien du secret.
Un code de divulgation proactive favoriserait cette transition. Il créerait une obligation législative de rendre accessibles les données sur les fonds publics, la santé, la sécurité, les questions environnementales et les questions de consommation, et cela à grande échelle grâce à Internet dans un format pouvant être utilisé et lu par une machine numérique sur une base régulière et instantanée. Le code établirait des principes fondamentaux, soit le droit à la transparence et à un vaste accès, le droit à des services d’accès à l’information proactifs, le droit à une couverture à grande échelle, le droit à la tenue et à la récupération de documents sur les décisions prises, et le droit à un examen indépendant. Aux termes de ce code, la divulgation proactive ne sera plus limitée à quelques documents administratifs sélectionnés.
En lien avec ce qui précède, les gouvernements et les grandes entreprises concluraient des accords portant sur la divulgation active de leurs informations et expliqueraient leurs actions conformément au code. Cela signifie qu’il faudrait adopter des codes de divulgation à l’échelle fédérale, provinciale et internationale. La divulgation proactive deviendrait également une partie intégrante de tous les projets de loi.
Il faut aussi disposer d’un système de code de divulgation proactive permettant une couverture élargie des secteurs public et privé. Aucun fonds publics n’irait aux organismes privés recevant des prestations fédérales ni aux organisations exerçant des fonctions publiques qui ne disposent pas d’ententes de services en matière de divulgation.
La portée de la disposition engloberait le premier ministre et son cabinet, le conseil des ministres, les ministres et le Parlement. Aucune tierce partie n’aurait de droit de veto pour s’opposer à la divulgation. Ajoutons aussi la nécessité d’accéder aux documents des institutions, soit les document comportant des renseignements sur l’approvisionnement, le budget, l’infrastructure, les activités du gouvernement, la sécurité et la santé. Les restrictions seraient levées dans le cas des documents accessibles lisibles à la machine. Une décision de justice le permet déjà.
Pour parvenir à cela, d’autres conditions s’imposent, comme l’exigence de tenir des rencontres ouvertes. Il faudrait en effet exiger que le public puisse facilement accéder aux réunions des conseils et des commissions qui prennent des décisions, plutôt que de mener les activités qui comptent derrière des portes closes. Il faudrait aussi exiger que le public soit avisé rapidement au sujet des politiques publiques et qu’il soit appelé à participer. Cela ne doit pas être symbolique. Il y a lieu d’imposer l’obligation de publier de manière proactive les données institutionnelles grâce à une connexion à Internet fiable. Nous avons besoin, car cela constitue un élément important de tout le dispositif, d’un directeur parlementaire du budget indépendant qui rendrait l’analyse des propositions législatives toujours plus complexes disponibles au Parlement et au public.
De nombreux outils administratifs s’imposent et je vais les énumérer rapidement.
L'obligation de documenter. Aucun système de transparence et de reddition de comptes ne peut survivre s’il ne peut permettre la récupération immédiate et à jour de l’information, ainsi qu’une gestion souple et un système efficace de gestion de l’information. Ce qui doit être préservé et documenté fait l’objet de décisions et concerne la mise en contexte, les opérations quotidiennes, et les questions d’intérêt public certain.
J’ai inscrit ici le devoir d’enquête parce que je crois qu’il doit exister un mécanisme de déclenchement d’enquêtes publiques visant à mettre au jour des affaires d'intérêt public. Cela comprend les questions liées à la sécurité alimentaire, aux changements climatiques, aux droits des Autochtones et aux soins de santé. Tout comme la Commission de vérité et de réconciliation a cherché à obtenir des renseignements sur les pensionnats indiens et différentes enquêtes ont cherché à obtenir des renseignements et à en faire rapport, nous devons disposer d’un mécanisme intégré de déclenchement d’enquête publique qui permettrait de connaître la vérité grâce à la réalisation d’enquêtes, à la tenue de documents et à la production de rapports publics.
On néglige souvent la nécessité d’assurer la proactivité des services et de miser sur les interactions. Au lieu des codes de silence et de relations publiques qui demeurent, même sous ce gouvernement, il faut prévoir des codes de service et de divulgation qui ont force exécutoire. Il devrait n’y avoir aucuns frais et le service devrait être prompt. Il faut que les données puissent être diffusées immédiatement et les accords de divulgation proactive devraient éliminer la nécessité de tenir de longues consultations et de demander des prolongations. Un organisme responsable de l’accès public sans lien de dépendance est nécessaire. Son principal objet serait d’encourager la recherche de réponses et la diffusion de l’information et non d’embrouiller les faits ou de les nier.
Il faut envisage de donner un mandat plus vaste et des pouvoirs de contrainte plus étendus au Commissariat à l’information. Le Commissariat doit pouvoir veiller à ce que les documents soient créés et qu’il soit facile d’y accéder ou de les diffuser, que l’accès soit permis aux rencontres et aux données sur les dénonciations. Le commissaire à l’information doit pouvoir entreprendre un processus de médiation, mais aussi mener des enquêtes assorties du pouvoir de contrainte. Le Commissariat aurait pour mandat de faire des vérifications et de l’éducation, et il évaluerait également les implications de la législation existante.
Les tribunaux peuvent jouer un rôle encore plus large. Pour le moment, ils se cantonnent à un rôle plus traditionnel. Il faut leur confier un rôle plus large pour protéger les droits à la divulgation et à la liberté d’expression, ainsi que pour la garantir un accès rapide et abordable à la justice.
On ne pourra pas vraiment améliorer les choses sans un régime de sanctions pour la modification, la non-divulgation et la falsification des documents. Il faut aussi prévoir des sanctions plus sévères.
Un comité parlementaire permanent doit superviser la promotion des lois. Il doit s’agir d’un comité régulier qui examinera les clauses sur la transparence dans toutes les lois fédérales qui aidera à… qui modifiera les dispositions sur le secret et qui contribuera à faire adopter des lois comportant des codes de divulgation proactive, de même que la loi que je recommande.
Pour les membres du public qui disposent de ressources plus modestes, il faut prévoir des mécanismes de soutien pour leur permettre de contester les pratiques du secret. À cette fin, il faudra recourir à l’Internet et aux télécommunications, ainsi qu’à l’indépendance des médias.
On ne veut pas d’activités de censure, d’interdiction de publication, d’entrave à la neutralité d’Internet. Il faut protéger les lanceurs d’alerte dans les secteurs public et privé parce qu’ils favorisent la transparence et la reddition de comptes.
On ne peut pas simplement — ce qui est le problème avec la loi et la culture du secret qui règnent actuellement — faire du secret un principe. L’approche conseillée du secret en ordre descendant, qui place les documents du Cabinet hors de la portée des Canadiens et cache les options politiques et les travaux en cours, doit cesser.
Une dérogation obligatoire pour l’intérêt public général s’appliquerait aux quelques exemptions plus limitées. La limitation du champ des exemptions signifie aussi que les périodes de protection des informations sont grandement réduites, que les critères de détermination du préjudice sont appliqués et que les dérogations en matière de secret sont éliminées dans les autres lois.
Personne ne remet en question le fait que la Loi sur l’accès à l’information ne répond pas aux besoins, mais il existe un grand fossé concernant les mesures à prendre. J’ai commencé mes interventions dans ce dossier en 1975 et, quand la loi a été adoptée, j’étais avocat spécialisé en défense du droit des consommateurs. Je vous garantis que la loi n’est pas ce que j’espérais ni ce pour quoi d’autres ont voté. Je crois d’ailleurs qu’un de vos témoins vous en a parlé. La loi est défaillante et il faut la corriger.
Le gouvernement libéral dit maintenant qu’il ne présentera pas au public la législation promise avant 2018. De plus, il continue de rejeter mes demandes d’accès à l’information, mais affirme pouvoir introduire de véritables changements dans le pouvoir de rendre des ordonnances, ce qu’il sera incapable de faire sans se pencher sur le problème de fond qui est celui des dérogations et des exclusions en vigueur. Le commissaire à l’information actuel se contente d’apporter des changements administratifs limités qui n’auront pas comme résultat de transformer le cadre juridique secret et les pratiques associées qui sont bien enracinées à Ottawa.
Nous avons besoin d’un changement d’attitude et d’une volonté politique de considérer les droits à l’information, la liberté d’expression et la liberté de participer comme des valeurs fondamentales. Nous ne voulons pas davantage de systèmes qui engendrent des manquements à ces droits et des retards, des codes pour une conduite axée sur le silence et des dialogues superficiels, ce que pratique le ministre. Il devrait n’y avoir aucune confusion à l’égard du fait que permettre l’accès à des ensembles de données ouverts est équivalent à donner aux Canadiens le droit de savoir comment fonctionne leur gouvernement.
Trente-quatre années plus tard, les législateurs doivent mettre en application une manière non partisane… J’étais là en 1987 pour le dépôt du rapport non partisan qui, à l’époque, est allé aussi loin que faire se peut relativement aux changements de nature administrative. Nous sommes en 2016, à la veille de notre 150e anniversaire. Il faut aller plus loin, en arriver à un point où la divulgation d’informations deviendra la norme et ne sera plus un prix de consolation pour les nombreux intérêts spéciaux enracinés dans le secret. Il faut commencer par les membres du Cabinet et les hauts fonctionnaires, dont les privilèges ne doivent plus être considérés comme sacro-saints et comme des « confidences » privées. Les Canadiens ont besoin de plus que de pouvoir accéder aux documents publics. Ils ont besoin de mécanismes qui créent enfin un climat de divulgation publique rejetant la peur, la tromperie et le secret. Personnellement, j’en ai assez, d’autant que cela dure depuis 30 ou 50 ans, depuis que je suis enquêteur-chercheur.
Les législateurs canadiens ne doivent pas se laisser convaincre d’en faire très peu en ce qui concerne la réforme de la transparence et doivent faire reculer de façon marquée — et pas simplement superficielle — les délais et les refus du gouvernement en plus de mettre de l’avant des initiatives multiples audacieuses sur la transparence.
Merci beaucoup. J’espère que vous allez me poser des questions, notamment sur le soi-disant budget de 2016.
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Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant vous et de répondre à vos questions. Je m'appelle Mark Weiler et je suis bibliothécaire spécialiste de l'expérience utilisateur et de l'expérience Web à l'Université Wilfrid-Laurier. Je témoigne aujourd'hui à titre personnel et non comme représentant de l'université.
En tant que bibliothécaire universitaire, j'ai la responsabilité professionnelle de défendre la valeur sociale de l'accès à l'information. En tant que bibliothécaire spécialiste de l'expérience utilisateur, je m'intéresse aux moyens de rendre la Loi sur l'accès à l'information plus conviviale. Au cours de mes travaux de recherche, j'ai très souvent eu recours aux lois sur l'accès à l'information et j'ai aidé d'autres chercheurs universitaires à y recourir pour leurs propres travaux.
C'est pour moi un honneur de discuter avec vous de la Loi sur l'accès à l'information en cette année 2016, qui est le 250e anniversaire de la législation en la matière. C'est en effet le 2 décembre 1766 que la Suède a adopté la première loi au monde portant sur le droit à l'information. Par coïncidence, le 21 avril de cette année-là, il y a exactement 250 ans aujourd'hui, jour pour jour, les membres d'un comité du Parlement suédois débattaient la question de la censure gouvernementale dans le cadre d'une discussion plus large sur la législation de la liberté de la presse et du droit à l'information. La censure gouvernementale est un sujet que je soulèverai ici aujourd'hui.
Je tiens à signaler que le Parlement de la Suède a commandé à d'éminents historiens suédois et finlandais un ouvrage critique sur le sujet de sa législation sur la liberté de la presse et le droit à l'information. J'ai lancé une pétition internationale, qui a recueilli 114 signatures dans 33 pays, demandant au Parlement de la Suède de faire traduire cet ouvrage afin que les enseignements à tirer de l'expérience suédoise puissent enrichir les débats du présent, comme ceux que nous aurons au cours des quelques prochaines années.
La législation sur l'accès à l'information est donc née il y a deux siècles et demi, mais ce n'est que depuis une quinzaine d'années qu'ont été adoptées la plupart des lois qui existent ailleurs au monde dans ce domaine. Les Canadiens bénéficient de la Loi sur l'accès à l'information depuis une trentaine d'années.
Bien des gens disent qu'il y a une crise autour de la Loi sur l'accès à l'information. Ils invoquent les retards ou les caviardages comme preuves irréfutables de son dysfonctionnement. Je rejette ces affirmations générales parce qu'elles risquent de nous conduire à jeter le bébé avec l'eau du bain. Ce qui est rarement exprimé, c'est à quel point la Loi sur l'accès à l'information, quand elle est appliquée, donne des résultats absolument étonnants. En 1981, il aurait été inconcevable pour les Canadiens d'avoir accès à une quantité un tant soit peu importante de données non publiées détenues par un ministère fédéral. De nos jours, grâce à la Loi sur l'accès à l'information, il est possible aux Canadiens de mieux connaître ce qui se passe au sein d'un ministère que la plupart des employés qui y travaillent. De façon générale, les critiques méconnaissent ce changement extraordinaire.
Je tiens à affirmer très clairement que je ne nie aucunement que la Loi sur l'accès à l'information a besoin d'être améliorée. Au contraire, elle en a certainement besoin. Ce que je dis, c'est qu'elle a montré qu'elle abondait de promesses remarquables qui méritent au plus haut point d'être protégées.
Je félicite le gouvernement de vouloir rendre plus d'information proactivement disponible et de chercher à améliorer la Loi sur l'accès à l'information. Toutefois, il arrive que les notions de gouvernement ouvert, de données ouvertes ou de divulgation proactive soient amalgamées aux améliorations utiles à apporter à la Loi sur l'accès à l'information.
Par exemple, en 2013, lorsque la commissaire à l'information du Canada menait une consultation publique en vue de la révision de la Loi sur l'accès à l'information, son homologue australien a présenté un mémoire préconisant de remplacer l'approche réactive par une approche proactive. Cependant, appelé à préciser sa pensée, le commissaire australien a révisé sa position, disant que la divulgation proactive devrait être exercée en parallèle avec le droit d'accès à l'information non publiée.
Je m'oppose vivement à tout amalgame de la divulgation proactive et des obligations inscrites dans la législation sur l'accès à l'information. La source de cette législation réside dans les droits des Canadiens de décider à quelle information non publiée détenue par les ministères gouvernementaux ils auront accès. Par contraste, s'il est vrai que la divulgation proactive fait du gouvernement un diffuseur d'information, du même coup il en fait aussi un censeur, puisque c'est le gouvernement qui aura à décider ce qui sera publié, mais aussi ce qui ne le sera pas.
Le rapport au comité du parlement suédois le 21 avril 1766, il y a exactement, jour pour jour, 250 ans aujourd'hui, affirmait qu'il ne faisait pas de doute que le censeur du gouvernement se montrerait plus favorable à la publication d'ouvrages appuyant ses opinions qu'il le serait à la publication de ceux blâmant le parti auquel il adhère.
Les lois sur l'accès à l'information empêchent que les gouvernements deviennent des censeurs de l'information gouvernementale. J'affirme sans ambages être convaincu qu'il y a tout lieu que les gouvernements publient de l'information. Mais les programmes gouvernementaux de publication ne pourront jamais remplacer une solide loi sur l'accès à l'information, qui consacre la capacité des Canadiens d'avoir accès à l'information non publiée.
Afin d'éviter les amalgames néfastes, je recommande d'adopter une loi nouvelle, distincte, visant la publication d'informations ou de données gouvernementales. Elle pourrait être intitulée « loi sur la publication obligatoire d'information ». Elle procéderait du principe selon lequel le gouvernement a la responsabilité de publier l'information dont les Canadiens ont besoin pour être des citoyens informés. Le Parlement ou le Cabinet pourrait débattre les exigences de publication à y faire figurer.
La Loi sur l'accès à l'information est fondamentalement différente, et c'est pourquoi elle doit demeurer distincte. Elle procède du principe selon lequel les gouvernements sont les dépositaires de l'information non publiée et les Canadiens ont un droit général à cette information. Je préconise le renforcement de la Loi sur l'accès à l'information par la révision des articles pertinents ou par l'ajout de dispositions propres à consolider la capacité des Canadiens de repérer l'information non publiée et d'y avoir accès. Je pourrais faire état de points précis qui, à mes yeux, sont susceptibles d'amélioration.
Je vous remercie de m'avoir écouté si longtemps. Je serai heureux de répondre à vos questions.