Bonjour, mesdames et messieurs.
Je m'appelle Cara Zwibel, et je suis l'avocate générale par intérim de l'Association canadienne des libertés civiles, ou ACLC.
Au nom de l'ACLC, je remercie le Comité de me donner l'occasion de témoigner dans le cadre de l'étude du projet de loi . Je n'aurai pas le temps de commenter tous les aspects du projet de loi, mais je vais tenter d'expliquer quelques-unes de nos inquiétudes les plus sérieuses au sujet des modifications proposées à la Loi sur l'accès à l'information.
En résumé, je parlerai des nouveaux obstacles imposés au processus de demande d'information, de la non-reconnaissance de la primauté de l'intérêt public, du pouvoir d'ordonnance conféré à la commissaire à l'information, ainsi que des nouvelles obligations de divulgation proactive.
Avant de traiter du fond du projet de loi, je tiens à rappeler le rôle déterminant d'un régime d'accès digne de ce nom dans une démocratie en santé. La capacité d'obtenir de l'information sur le fonctionnement du gouvernement nous permet d'être partie prenante de la démocratie au quotidien et de faire des choix éclairés aux urnes. La transparence que nous assure un régime d'accès solide est également essentielle pour demander des comptes aux personnes qui oeuvrent au sein du gouvernement.
La Cour suprême du Canada a reconnu que l'accès à l'information est un droit qui découle des garanties de liberté d'expression de la Charte, et qu'il naît dès lors qu'il constitue « une condition qui doit nécessairement être réalisée pour qu'il soit possible de s'exprimer de manière significative sur le fonctionnement du gouvernement ». Les commentaires de l'ACLC concernant le projet de loi reposent sur ces principes.
Je ne vous apprendrai rien si j'affirme qu'une réforme majeure de la Loi sur l'accès à l'information est plus que due. Je me dois de faire part au Comité du profond désappointement de l'ACLC à l'égard du projet de loi . La réforme proposée est beaucoup trop timide et, pour parler franchement, nous n'avons rien à faire d'une promesse de nouveaux changements à venir. Nous parlons des modifications dont le régime a besoin depuis des années, et nous avons aussi bénéficié de l'étude et des recommandations détaillées du Comité, auxquelles se sont ajoutées celles de la commissaire à l'information. Le temps est venu d'agir.
Les modifications que propose le projet de loi ne tiennent aucunement compte de bon nombre des préoccupations exprimées de longue date concernant la Loi. Notamment, rien n'est prévu pour raccourcir la liste interminable des exceptions ou corriger certaines de ses lacunes. Aucun droit d'accès aux cabinets des ministres n'a été ajouté, alors que c'était l'une des promesses électorales du gouvernement, et le projet de loi ne crée aucune obligation pour les services gouvernementaux de documenter leurs décisions, privant ainsi les Canadiens d'un outil qui garantirait la disponibilité de l'information qui pourrait les intéresser et à laquelle ils ont droit.
Même si le projet de loi reformule l'objet de la Loi, et même si le titre a été rallongé pour donner l'impression d'une ouverture accrue, nous sommes d'avis que les modifications proposées risquent au contraire d'ériger de nouveaux obstacles pour les personnes qui demandent de l'information au sujet de leur gouvernement. Nous avons relevé différents éléments qui risquent de compliquer la démarche pour obtenir de l'information si les modifications proposées dans le projet de loi sont adoptées.
Tout d'abord, malgré la promesse du gouvernement d'abolir tous les frais, sauf les droits de 5 $ exigés au moment du dépôt, le projet de loi est muet à cet égard. Au contraire, il élimine certaines limites relatives aux frais prévues dans la Loi, et ils seront désormais fixés par règlement. Les frais sont un obstacle à l'accès. Nous sommes d'avis que le mieux serait de les abolir mais, s'ils sont conservés, la Loi devrait minimalement stipuler des limites claires. Par exemple, elle pourrait préciser les catégories d'éléments visées par des frais, ou les catégories pour lesquelles les institutions ne peuvent pas prélever de frais. Nous pouvons comprendre la réticence à inscrire un montant fixe dans la Loi elle-même, mais nous avons de sérieuses réserves à l'idée que tout ce qui concerne les frais soit régi par voie réglementaire. C'est pour le moins curieux pour un projet de loi portant sur l'ouverture et la transparence.
La démarche des demandeurs d'accès à l'information risque d'être compliquée également par l'article 6 du projet de loi , qui énonce les éléments qui doivent figurer dans une demande, ainsi que par l'article 6.1, qui reconnaît aux responsables des institutions gouvernementales le droit de refuser des demandes jugées non conformes.
Très souvent, les demandeurs savent quel type d'information ils souhaitent obtenir, mais pas forcément le type de documents qui pourraient la contenir ou à quel endroit elle pourrait se trouver. Ils ne connaissent pas toujours les périodes dans lesquelles l'information doit être cherchée, ou la forme des documents. Or, comme le projet de loi abolit aussi la nécessité et l'obligation pour les institutions de publier dans Info Source et les types de documents créés, les demandeurs disposeront d'encore moins d'information pour présenter des demandes conformes.
Si vous avez déjà soumis une demande d'accès à l'information, vous savez que si jamais vous tombez sur un professionnel d'une institution gouvernementale qui est spécialiste en la matière, il peut vous donner un coup de main pour configurer votre demande. C'est souvent ce qui arrive. Les modifications prévues au projet de loi permettent le refus pur et simple d'une demande qui n'est pas correctement formulée. Je sais que tout à l'heure, le représentant des Directeurs nationaux de la recherche sur les revendications autochtones vous dira que ces exigences peuvent compromettre la résolution des revendications historiques de nombreuses communautés des Premières Nations. L'ACLC abonde dans le même sens.
Nous ne trouvons aucun avantage évident à ces modifications, mais nous sommes certains qu'elles menacent sérieusement le droit à l'accès. Nous exhortons le Comité à supprimer les nouvelles obligations.
Outre le droit de ne pas donner suite à une demande d'accès à des documents si les critères de l'article 6 ne sont pas remplis, d'autres motifs de refus sont prévus au paragraphe 6.1(1) du projet de loi. Par exemple, une demande peut être mise de côté si elle est trop volumineuse ou trop complexe, et risque d'entraver de façon sérieuse le fonctionnement de l'institution, ou si son responsable la juge frivole, vexatoire ou entachée de mauvaise foi.
Le projet de loi ne dit pas clairement comment le responsable d'une institution gouvernementale devra appliquer ces critères ou avec quel degré de détail il devra exposer ses motifs de refus au demandeur. Des demandes valides et importantes risquent d'être rejetées en raison de leur complexité ou de leur volume. Je pense entre autres à celles qui touchent le fonctionnement des prisons ou les activités aux frontières.
Essentiellement, les modifications proposées donnent l'impression que la communication d'information au public est une corvée ou qu'elle vient au second plan, et elles renforcent l'idée que l'information appartient au gouvernement et non au public. L'accès à l'information devrait être considéré comme un service public essentiel. Les nouveaux droits de refus envoient le mauvais message aux demandeurs et aux agents chargés de l'accès à l'information.
En plus des obstacles supplémentaires dans la démarche des demandeurs, je trouve important de parler des exceptions et des exclusions prévues dans la Loi, et particulièrement de l'absence de clause de primauté de l'intérêt public.
Selon nous, la primauté de l'intérêt public constitue une garantie primordiale que la Loi doit reconnaître.
L'application des exceptions et des exclusions, dont le projet de loi ne traite presque pas, est complexe et le sera davantage si certaines modifications proposées sont adoptées. Cela dit, au-delà de l'interprétation technique et juridique de l'ensemble des dispositions législatives, la question essentielle qui sous-tend toutes les demandes d'accès est celle de savoir si le public a le droit de savoir. Une clause de primauté de l'intérêt public garantirait qu'une réponse est donnée à cette question, et que cette réponse est la bonne. Certaines provinces ont intégré un tel mécanisme à leur législation. Nous encourageons le Comité à examiner ces modèles et à envisager un amendement au projet de loi par adjonction d'une clause de primauté de l'intérêt public.
Mon prochain point a trait au pouvoir d'ordonnance donné à la commissaire à l'information. L'octroi d'un tel pouvoir a été avalisé et demandé par l'ACLC et beaucoup d'autres organismes depuis belle lurette. Nous sommes fermement convaincus que la commissaire doit avoir ce pouvoir, et c'est ce que fait le régime proposé dans le projet de loi, mais il l'entrave en même temps. Plus précisément, il est prévu d'assujettir les ordonnances de la commissaire à une révision judiciaire, mais l'article 44.1 précise que cette révision devra se faire de novo, que les décisions de la commissaire n'appelleront aucune déférence et que les ministères disposeront de nouveaux motifs de refus.
Très franchement, je n'arrive pas à comprendre pourquoi le pouvoir d'ordonnance est articulé ainsi. Cette approche alourdit le fardeau des tribunaux, elle fait fi de la vaste expertise du bureau de la commissaire à l'information, et elle n'incite aucunement les ministères à produire d'emblée leurs meilleurs arguments ou renseignements, que ce soit aux demandeurs ou à la commissaire.
Le processus, encore plus laborieux, risquera de nuire à l'intention des demandeurs si les renseignements qu'ils finissent par obtenir sont désuets, si tant est qu'ils en voient la couleur un jour.
La commissaire doit disposer d'un pouvoir d'ordonnance solide et, s'il y a révision judiciaire, elle doit porter sur ses ordonnances. Nous recommandons d'amender les dispositions visées du projet de loi.
Pour terminer, je parlerai des nouvelles dispositions concernant la publication proactive s'appliquant…
:
Merci énormément de me donner l'occasion de témoigner devant vous.
[Français]
Je vous remercie de m'avoir offert l'occasion de faire une présentation devant le Comité.
Ma présentation sera entièrement en anglais parce qu'il y a plusieurs termes techniques dans cette question politique. Je devrai pratiquer beaucoup plus mon français pour pouvoir les employer.
[Traduction]
Je ne reviendrai pas sur certains points que Cara Zwibel a abordés dans son témoignage pour le compte de l'Association canadienne des libertés civiles, puisque Démocratie en surveillance est tout à fait d'accord avec les opinions qu'elle a exprimées. Je vais donc me concentrer sur d'autres aspects qui nous préoccupent.
Tout d'abord, dans son ensemble, le projet de loi rompt la promesse formulée dans la partie sur le gouvernement ouvert de leur plateforme électorale libérale de 2015, et il marque un recul, important dois-je ajouter, en matière d'accès à l'information. Les libéraux ont également manqué à leurs engagements, aussi faibles fussent-ils, à l'égard de l'organisme international Partenariat pour un gouvernement ouvert.
Des dizaines de milliers d'électeurs ont transmis des messages par l'intermédiaire de la page de la campagne pour un gouvernement ouvert de Démocratie en surveillance, dans lesquels ils exhortent les partis fédéraux à apporter des modifications majeures à la Loi. Le public a été consulté à plusieurs reprises. J'ai sous les yeux le rapport d'un groupe de travail formé en 2002, ainsi qu'un mémoire que j'ai moi-même déposé en 2009, qui a donné lieu à un rapport unanime du Comité. Devant tant d'efforts, une question s'impose: qu'ont fait les libéraux depuis? En 2009, ils avaient appuyé plusieurs modifications qui ne figurent pas au projet de loi .
En 2011 et 2013, le public et des groupes d'intérêts ont été consultés par l'entremise du processus international Partenariat pour un gouvernement ouvert. La commissaire à l'information a mené ses propres consultations et publié un rapport à la fin de mars 2015, dans lequel elle recommande des modifications importantes. Les libéraux ont aussi fait des consultations sur leur plan dans le cadre du Partenariat pour un gouvernement ouvert 2016-2018.
Dans chaque cas, les consultations ont révélé que le public et les groupes de citoyens réclament haut et fort plusieurs modifications majeures qui sont absentes du projet de loi .
Pour être crédibles relativement à leur promesse de gouvernement ouvert, les membres libéraux du Comité doivent appuyer les modifications importantes au projet de loi qui sont réclamées depuis 15 ans par de nombreux groupes, des comités précédents et divers rapports. La Loi et le régime de gouvernement ouvert ont été examinés à maintes reprises, et les modifications requises pour y arriver font consensus. Absolument rien ne justifie de reporter la réforme souhaitée. Si les modifications réclamées sont opérées, le régime fédéral actuel, qui s'apparente plutôt à un guide sur les moyens de garder des secrets, deviendra enfin une loi sur l'accès à l'information digne de ce nom.
J'aimerais maintenant préciser les modifications que Démocratie en surveillance estime essentielles et vous donner un aperçu de la coalition pour un gouvernement ouvert.
Premièrement, la Loi devrait s'appliquer systématiquement à toute forme de document créé par les entités largement financées par le gouvernement, qui y sont liées ou qu'il a créées pour exercer une fonction d'intérêt public, comme c'est le cas au Royaume-Uni.
Deuxièmement, toutes les exceptions législatives devraient être discrétionnaires et restreintes par un critère de preuve de préjudice et de primauté de l'intérêt public, à l'image de ce qui se fait en Colombie-Britannique et en Alberta.
Troisièmement, chaque entité visée devrait être tenue de créer des documents détaillés étayant leurs décisions et les mesures prises; de publier systématiquement les documents dont la divulgation est obligatoire; de confier à des employés désignés les tâches de créer et de tenir les documents, et d'établir des modalités de tenue des documents qui les rendent facilement accessibles, à l'instar du Royaume-Uni, des États-Unis, de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande.
Quatrièmement, la législation et le régime d'accès à l'information devraient permettre à tous les agents du gouvernement qui mènent des recherches sur les faits et les politiques de s'adresser aux médias publiquement relativement à l'objet de leurs recherches, à leurs découvertes et à leurs conclusions, sans avoir à obtenir d'approbation préalable.
Cinquièmement, pour ce qui a trait à l'ensemble du régime et de son application, des sanctions sévères devraient être prévues pour le défaut de créer les documents requis, la tenue inappropriée de ces documents et la longueur injustifiée des délais de réponse.
Le pouvoir d'ordonnance de la commissaire à l'information n'a pas de poids réel si une infraction à la Loi n'entraîne aucune conséquence ou sanction. Comme toutes les mesures législatives, la Loi sur l'accès à l'information est une série de beaux mots imprimés sur du papier. C'est sa mise en application qui lui donne son sens, et les sanctions jouent pour beaucoup dans l'efficacité de cette mise en application. On dirait que les politiciens, quand ils établissent des règles qui s'appliquent à eux, oublient les sanctions, alors qu'ils n'hésitent jamais à sanctionner lourdement les activités similaires des autres.
La commissaire à l'information devrait avoir des pouvoirs explicites d'ordonner la divulgation d'un document — c'est ce qui est prévu au Royaume-Uni, en Ontario, en Colombie-Britannique et au Québec — et de sanctionner les contrevenants en leur imposant des amendes élevées, des peines d'emprisonnement, ainsi que la perte des indemnités de départ ou la récupération partielle des prestations de pension en cas de démission pour échapper à une sanction.
La commissaire devrait également être habilitée à exiger des changements systémiques visant à améliorer la conformité d'un ministère, au même titre que son homologue au Royaume-Uni.
Il serait plus efficace de hausser le financement pour résorber les problèmes d'arriérés que de multiplier les obstacles administratifs, comme le font actuellement les articles 6 et 6.1 du projet de loi — dont Mme Zwibel a bien résumé les lacunes —, ou d'entraver le processus de demande, y compris en imposant des frais.
Le Parlement devrait procéder à un examen quinquennal de la Loi, tel qu'il est prévu au projet de loi — c'est d'ailleurs l'une des rares mesures intéressantes qu'il propose.
Un autre point important, et je m'arrêterai là, a trait au processus de nomination à la fonction de commissaire. Il est impératif de le revoir avant la nomination du prochain titulaire. Les règles actuelles ne prévoient pas un processus de nomination par les ministres fondé sur le mérite, ouvert, transparent et indépendant. Les ministres gardent le contrôle absolu sur le processus de nomination.
Je vais vous dévoiler quelque chose. J'ai soumis ma candidature au poste de commissaire à l'information. Je travaille depuis 30 ans avec les lois provinciales et fédérales, et je n'ai même pas été contacté après avoir postulé. Je suis certain que beaucoup d'autres personnes très compétentes ne font pas partie de celles que le gouvernement souhaite voir au poste de commissaire à l'information, parce qu'il craint qu'elles le surveillent comme des chiens de garde, et qu'elles n'ont pas non plus reçu de nouvelles.
Les ministres contrôlent encore le processus, de bout en bout. Ce n'est pas un processus indépendant et fondé sur le mérite, à l'abri des ingérences politiques et partisanes. Il faut que cela cesse. Le gouvernement en poste va choisir le commissaire à l'éthique, le commissaire au lobbying, le commissaire à l'information, le commissaire de la GRC, le directeur général des élections et le commissaire aux langues officielles dans le cadre d'un processus politique et partisan. Il est clair qu'avec ce genre de processus, le gouvernement échappe aux chiens de garde, et que nous avons droit à des fiascos comme celui du printemps, quand il a tenté de nommer une ancienne ministre libérale de l'Ontario comme commissaire aux langues officielles.
Il faut changer ce processus pour qu'il devienne véritablement indépendant et fondé sur le mérite, ce qui suppose de constituer un comité dont les membres viennent de l'extérieur du gouvernement. Le comité ferait une recherche publique selon le critère du mérite, et soumettrait une présélection de candidats parmi lesquels les ministres devraient choisir.
Un comité de ce type vient de faire des recommandations pour les postes de juge à la Cour suprême qui se libéreront bientôt. Si c'est bon pour les juges de la Cour suprême, ce l'est tout autant pour ceux qui sont chargés de faire appliquer les lois sur la GRC et en matière d'éthique, de transparence, de protection des dénonciateurs, de langues officielles et d'élections au Canada. Le même processus que celui qui est appliqué pour nommer les juges à la Cour suprême devrait être utilisé. Si les libéraux essaient de placer leurs chiens de poche dans des fonctions aussi importantes pour la démocratie, la bonne gouvernance et la surveillance, vous pouvez être certains que Démocratie en surveillance et beaucoup d'observateurs du public leur mettront des bâtons dans les roues à chaque étape. Il est impératif de modifier le processus avant la nomination d'un nouveau commissaire, et de confier cette tâche à un comité indépendant qui soumettra une présélection de candidats, sur le modèle du processus de nomination des juges à la Cour suprême. C'était la bonne décision. Faites-en de même pour tous ceux qui sont chargés de surveiller si le gouvernement se conforme aux lois, je vous en prie.
Je serai ravi de répondre à vos questions. Merci.
:
Bonjour. Je dirige le Comité canadien pour la liberté de la presse. On m'a demandé de comparaître au nom des Journalistes canadiens pour la liberté d'expression, avec qui nous collaborons souvent. Le Comité canadien pour la liberté de presse est un organisme parrainé par l'UNESCO.
Nous nous réjouissons que le projet de loi accorde à la commissaire le pouvoir de rendre des ordonnances de divulgation, qui nous éviterait de nous adresser aux tribunaux chaque fois qu'il y a un désaccord. C'est un progrès.
Toutefois, nous avons des réserves concernant l'article sur les demandes vexatoires ou entachées de mauvaise foi. S'il est conservé, parce que nous doutons de son utilité, nous aimerions qu'il y soit prévu que la décision de trancher si un renseignement doit être divulgué devrait revenir à la commissaire, et non à un ministère en particulier.
De manière générale, nous estimons que le projet de loi , dans sa forme actuelle, est une occasion ratée. Nous sommes d'accord avec le Centre for Law and Democracy: le projet de loi frappe davantage par ses lacunes. Nous sommes d'accord avec la commissaire quand elle dit que la plupart des modifications législatives proposées marquent un recul — c'est le terme exact qu'elle utilise.
Comme vous le savez, le gouvernement a promis d'être ouvert par défaut. Il a expressément formulé la promesse de modifier la Loi sur l'accès à l'information afin d'y inclure le Bureau du premier ministre et les cabinets des ministres. Or, dans le projet de loi , le Bureau du premier ministre et les cabinets des ministres demeurent exclus des demandes d'accès à l'information soumises en vertu de la Loi. Au titre de dispositions que la BC Civil Liberties Association a qualifiées de tour de passe-passe étrange, le Bureau du premier ministre et les cabinets des ministres seront tenus de divulguer proactivement des renseignements comme leurs dépenses de déplacement et les contrats conclus, mais tout cela à leur entière discrétion.
D'aucuns diront que ces dispositions remplissent une promesse. Pour notre part, nous sommes perplexes. Les Canadiens auraient le droit de consulter certains types d'information, mais ils ne pourraient pas demander d'y avoir accès. C'est peut-être sensé pour certains, mais la logique nous échappe. Ce type de logique est digne de la série Yes, Minister et de son protagoniste, sir Humphrey Appleby, ou davantage encore de Mackenzie King: la transparence si nécessaire, mais pas nécessairement la transparence.
Nous sommes tout de même satisfaits que les lettres de mandats ministériels soient visées par la disposition législative sur la divulgation proactive. C'est un pas vers la transparence du gouvernement au Canada. La codification de cette disposition en assurera la permanence.
Pour conclure, j'ose affirmer que la réforme de la législation fédérale sur l'accès à l'information reste une oeuvre essentiellement inachevée. Nous exhortons le Comité à apporter des améliorations. Le projet de loi représente un progrès, certes, mais force est de constater que ce sera un travail de longue haleine.
Merci.
:
Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité.
J'aimerais commencer par citer une décision de 2006 de la Cour fédérale ayant trait à un contrôle judiciaire pour une demande d'accès à l'information qui avait été adressée à Statistique Canada.
Voici ce que la Cour avait déclaré:
Si la Couronne avait la preuve dont le peuple autochtone a besoin pour prouver le bien-fondé de sa revendication territoriale, il serait absurde et condamnable que le gouvernement ait le droit de la dissimuler. Cela contreviendrait à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.
C'est cette citation qui sert d'entrée en matière à mon témoignage.
Je représente un groupe d'organismes des Premières Nations et des conseils tribaux qui effectuent des recherches pour le compte des Premières Nations, principalement pour étayer les revendications, les griefs et les conflits entre eux et le gouvernement. Il peut s'agir de revendications particulières, qui font l'objet d'une politique du gouvernement fédéral ayant trait aux obligations légales de la Couronne, mais aussi aux titres ancestraux, aux conflits liés aux traités et aux litiges de façon générale. Tous ensemble, nous soumettons des centaines de demandes d'accès à l'information, de façon officielle et non officielle, chaque année. Par expérience, nous savons ce qui facilite ou ce qui nuit à l'accès à l'information.
Notre intérêt est double. Premièrement, la majeure partie des éléments probants relatifs aux revendications, aux conflits et aux griefs des Premières Nations sont entre les mains du gouvernement. Il assume le rôle de défendeur dans ces affaires, mais il est aussi celui qui détient les preuves. Nous sommes donc en présence d'un conflit d'intérêts inhérent. C'est d'ailleurs en partie la raison pour laquelle l’alinéa 8(2)k) de la Loi sur la protection des renseignements personnels a été inclus lors de l'adoption initiale de la loi en 1982. Il indique que si vous êtes mandaté pour effectuer des recherches visant à établir les droits d'une Première Nation, vous pouvez avoir accès à de l'information qui, autrement, serait considérée comme relevant des articles relatifs à la protection des renseignements personnels, de sorte qu'il existe des exceptions eu égard à la documentation des recherches effectuées par les Premières Nations concernant leurs revendications. Cette question a été portée devant la Cour fédérale, qui a confirmé qu'il s'agit d'une obligation juridique qui va bien au-delà de ce à quoi bon nombre de Canadiens ont droit. L'obligation fiduciaire de la Couronne — ou l'honneur de la Couronne, comme on l'appelle parfois — émane de cette obligation juridique et la Cour fédérale a indiqué qu'elle prend sa source dans l'article 35. Cette situation entraîne quelques difficultés importantes du point de vue de l'accès à l'information lorsque les Premières Nations souhaitent documenter leurs revendications.
Les enjeux de politique publique sont une autre raison pour laquelle nous devons avoir accès aux dossiers du gouvernement fédéral, pour obtenir des renseignements ayant une incidence directe sur un intérêt politique, social, économique ou culturel. À titre d'exemple, entre février 2015 et juin 2016, nous avons présenté plus de 37 demandes d'accès à l'information, et neuf plaintes au Commissariat à l'information parce que le gouvernement faisait de l'obstruction à nos demandes. Si vous êtes défendeur dans une affaire, il est évident que vous ne souhaitez pas divulguer les éléments probants dont l'autre partie a besoin pour présenter ses arguments, et c'est précisément ce que fait la bureaucratie fédérale.
Nous éprouvons des inquiétudes au sujet du projet de loi , et pour cette raison, nous y sommes opposés. C'est un projet de loi condamnable. Il introduira de nouveaux obstacles importants pour les Premières Nations et les organismes qui souhaitent obtenir l'accès à des documents pour étayer leurs revendications, leurs contestations et leurs griefs. Il portera atteinte à leur droit d'accès à l'information. Il freinera aussi les efforts du Canada pour respecter les normes au chapitre du redressement des torts historiques qui sont articulés dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. De plus, la ministre de la Justice a, cet été, il me semble, introduit les 10 principes régissant la relation du gouvernement du Canada avec les peuples autochtones. Ce projet de loi viole ces principes.
Je pense que notre inquiétude tient au fait que ce gouvernement en particulier a fixé la barre très haute eu égard à sa relation avec les peuples autochtones, mais qu'avec ce projet de loi, il vient de manquer à ses engagements. Il n'y a eu aucune consultation. On n'a tenu nullement compte des droits ou de l'intérêt des Premières Nations. On n'a pas non plus tenu compte de tous les mémoires ou témoignages que nous avons présentés, soit au Conseil du Trésor ou à ce comité. Nous sommes inquiets parce que nous avons l'impression que cela traduit un manque de cohérence flagrant entre les affirmations et les actes.
J'aimerais aussi aborder brièvement la marche à suivre. Après l'adoption de la version initiale de la législation sur l'accès à l'information, au début des années 1980, le gouvernement avait accepté que pour la première étape, il suffisait de présenter une demande informelle à l'organisme gouvernemental visé. Très souvent, il s'agit de ce qu'il est maintenant convenu d'appeler le ministère des Affaires autochtones et du Nord ou AANC.
Le ministère avait le pouvoir de répondre à ces demandes, et nous recevions les renseignements demandés. Il n'était pas nécessaire d'entreprendre tout le processus officiel de demande d'accès à l'information.
Cette façon de faire a marché assez bien pendant un certain temps, puis les choses se sont détériorées, et au fil des années, nous avons assisté graduellement à un recul de notre droit d'accès lorsque les gens qui répondent à nos demandes dans les ministères du gouvernement fédéral ont commencé à prendre des mesures arbitraires et à recourir gratuitement à des exceptions. Cette situation a entraîné une augmentation du nombre de demandes officielles et de plaintes auprès du Commissariat à l'information.
En juin 2016, nous n'avons appris que très tard que des consultations initiales se tenaient sur la modernisation de la loi. Nous avons bien présenté un mémoire, mais il est arrivé en retard. Je pense que vos audiences avaient pris fin, mais le mémoire a été inclus dans le compte rendu, il me semble. Sinon, nous pourrions en discuter après la séance pour nous en assurer.
À l'époque, nous avions présenté toute une série de préoccupations au comité. Nous exprimions un certain espoir. Les lettres de mandat qui avaient été transmises aux ministres semblaient encourageantes, et mettaient l'accent sur la transparence et sur l'amélioration des relations avec les Autochtones. En mai 2016, le Conseil du Trésor a annoncé des directives provisoires sur l'accès à l'information, mais nous avions fait savoir à l'époque que les Premières Nations et les organismes que nous représentons devaient être consultés afin, tout d'abord, de veiller à ce que leurs droits d'accès soient pris en considération, à ce qu'ils soient inscrits dans la législation, et aussi à ce que l'on prévoie les ressources adéquates pour répondre aux demandes.
Au chapitre de la formation, nous avons découvert qu'au cours des 10 ou 15 dernières années, le personnel n'a reçu aucune formation. Nous présentions une demande, et le personnel ne comprenait pas pourquoi nous avions besoin de ces renseignements. Les revendications des Premières Nations constituent parfois un univers en soi, et il faut que le personnel comprenne la nature de nos demandes.
Nous avions aussi recommandé la décentralisation, et encouragé les contacts individuels. Nous avions en effet constaté, depuis quelques années, que lorsque nous présentions des demandes, plutôt que d'avoir affaire à une personne en particulier, nous recevions des lettres types qui n'offraient aucune forme d'engagement.
Nous avions également recommandé l'abolition du veto ministériel eu égard aux pouvoirs de la commissaire à l'information. À l'époque, nous avions aussi appuyé les autres recommandations que la commissaire à l'information avait formulées lors de l'annonce de la modernisation de la loi.
Personne ne nous a contactés au sujet de notre proposition. Nous en avons transmis des copies au Conseil du Trésor et à Affaires autochtones et du Nord canadien. Personne n'a fait le suivi. Et personne n'a jamais donné suite à nos propositions.
Venons-en rapidement à cette année. Nous vous avons transmis un document, à vous, les membres du Comité, je pense que c'était la semaine dernière. Ce document s'inspire des représentations que nous avions déjà formulées à l'été 2016. Nous l'avions fait approuver par plus de 70 Premières Nations et conseils tribaux, de même que par l'Association du Barreau Autochtone du Canada et par l'Association des Premières Nations. Tous se disent très préoccupés par ce projet de loi. Plus ils en entendent parler, et plus ils s'interrogent sur ce qui est en train de se passer. Ils se demandent aussi pourquoi il entre en contradiction avec toutes ces promesses explicites que le gouvernement fédéral s'est empressé de claironner. Cette situation nous semble étrangement paradoxale.
Nous sommes préoccupés par le projet de loi . Vous avez déjà entendu d'autres témoignages à cet effet, mais permettez-moi de faire quelques commentaires.
Il a été créé de façon unilatérale, sans aucun effort de consultation. Et pourtant, il existe une obligation légale de consulter les Premières Nations. Cette obligation n'a pas été remplie dans le cas présent. La seule fois où le Conseil du Trésor a communiqué avec nous, et ses représentants se sont montrés très cordiaux, ce fut pour nous expliquer ce qu'ils avaient l'intention de faire.
La Couronne a l'obligation de divulguer ses dossiers aux Premières Nations. Au contraire, ce projet de loi offre de nombreuses possibilités de retarder ou même de refuser l'accès à l'information, pas seulement eu égard aux revendications, mais aussi sur des questions qui font partie intégrante de la gouvernance des Premières Nations, comme les registres d'adhésion des membres et les listes des bénéficiaires d'un traité.
Quant à l'article 6, il suscite d'importantes préoccupations, et je suis convaincu que d'autres témoins ont expliqué en quoi il les préoccupe eux aussi. Nous pensons qu'il servira de justification législative à la suppression des éléments probants dont nous avons besoin pour documenter nos revendications à l'endroit du gouvernement. Le gouvernement est en conflit d'intérêts. Si vous accordez ce genre d'outil aux fonctionnaires, ils vont s'en servir au maximum. Nous en avons déjà été témoins avec le régime actuel. D'autant plus, comme je l'ai déjà mentionné, que la première étape consiste à présenter une demande d'accès non officielle. Il arrive parfois que l'on reçoive des réponses très détaillées, et à d'autres moments, il faut attendre jusqu'à un an avant de recevoir une réponse quelconque. C'est à ce moment-là que nous présentons une demande d'accès à l'information officielle si la première demande ne nous a pas permis d'obtenir la pleine divulgation des renseignements. Si nous avons bien compris le projet de loi, il ne sera plus possible de procéder de cette manière. Si nous avons bien compris, une fois que l'on a présenté une demande, et que l'on a obtenu une réponse partielle, on pourrait vous refuser une deuxième demande, c'est-à-dire une demande d'accès officielle.
Je le répète, la loi n'a rien prévu pour mettre fin au conflit d'intérêts dans lequel se trouvent les fonctionnaires fédéraux qui ont la possibilité de refuser l'accès aux éléments probants requis pour étayer nos revendications à l'égard du gouvernement fédéral. Je ne vois rien dans cette loi pour corriger ce problème.
:
Merci d'avoir invité La Presse canadienne à comparaître devant le Comité.
Je vais vous expliquer brièvement qui nous sommes. Nous célébrons cette année notre 100e anniversaire. Nous fournissons des nouvelles et des reportages en provenance des quatre coins du Canada, sur toutes les plateformes, et à presque tous les quotidiens et diffuseurs, ainsi qu'à de nombreuses sociétés et à des ministères. À Ottawa, nous sommes une équipe d'une vingtaine de journalistes, rédacteurs et photographes, anglophones et francophones.
Pour nous, l'accès à l'information est d'une importance vitale. Et nous sommes très impatients de prendre connaissance des efforts du gouvernement pour améliorer la transparence et la reddition de comptes. Chaque année, nous dépensons plus ou moins 7 500 $ pour la présentation de demandes, et ce chiffre était stable, jusqu'à ce que les droits imposés soient réduits récemment. Encore aujourd'hui, nous sommes en bonne voie de dépenser la même somme. C'est l'un des domaines dans lequel nous n'avons pas réduit nos dépenses.
Seulement pour vous donner une idée de l'importance que ces demandes revêtent pour nous, et pour illustrer à quel point elles font partie de nos tâches quotidiennes, la connaissance de la Loi sur l'accès à l'information est une exigence de base pour quiconque souhaite travailler dans notre bureau.
Au fil des années, nous avons eu recours aux demandes d'accès à l'information avec beaucoup de succès et toujours en vue d'atteindre notre objectif commun qui est de provoquer un débat à l'échelle nationale sur la politique publique. L'utilisation des pistolets Tasers par la GRC, les premières indications que le nombre de femmes autochtones disparues et assassinées dénotait beaucoup plus qu'une coïncidence, des renseignements cruciaux au sujet des détenus en Afghanistan, et le scandale des commandites sont tous des sujets dont, non seulement nous sommes à l'origine, mais que nous avons alimentés grâce à notre utilisation de l'accès à l'information. Ce sont des histoires importantes et graves qui ont contribué à changer la perception des Canadiens sur le mode de fonctionnement de leur pays.
Nous nous sommes aussi servis de la loi pour exposer le fait que l'ancienne ministre du Développement international, Bev Oda, avait dépensé 16 $ pour un verre de jus d'orange, et que l'ancien ministre des Affaires étrangères, John Baird, avait commandé des cartes de visite unilingues avec des gravures en relief dorées.
Vous pourriez faire valoir qu'il s'agit là d'exemples de demandes frivoles, ou encore vous pourriez au contraire affirmer qu'elles ont fourni aux Canadiens d'importantes indications de la culture qui régnait au sein du cabinet, et de la manière dont les ministres dépensaient l'argent des contribuables. Bev Oda a dû démissionner à la suite de cette histoire; par conséquent, ce qui est considéré comme frivole et vexatoire dépend beaucoup de la perception, et représente un concept très nébuleux et subjectif.
Nous sommes de plus en plus forcés de faire appel à la Loi sur l'accès à l'information pour obtenir de simples faits à la base d'une politique du gouvernement, ou qui l'expliquent. Il fut un temps où l'on pouvait demander à un bureaucrate ou à un politicien les raisons pour lesquelles on allait dans telle ou telle direction. Je vais vous donner un exemple de l'an dernier, lorsque le gouvernement se préparait à bonifier le Régime de pensions du Canada. Ce n'est que par le truchement de la loi que nous avons pu obtenir toutes les raisons pour lesquelles le gouvernement pensait qu'une telle décision était nécessaire — de simples faits. Une fois que la bonification a été annoncée, ce fut seulement grâce à une demande d'accès à l'information que nous avons pu, un an plus tard, dire exactement combien d'argent supplémentaire l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada devrait investir. Ce sont des faits essentiels qui devraient être mis à notre disposition, mais qui ne le sont pas.
Malgré les succès remportés dans l'utilisation de la loi, ce processus représente aussi une source constante de frustration pour nos journalistes. Parfois, nous devons patienter durant des années avant que le gouvernement ne nous remette des documents. Et il arrive fréquemment que les documents que l'on nous transmet soient tellement noircis qu'ils sont pratiquement impossibles à déchiffrer. Cette situation crée un problème en soi. Surtout quand un journaliste consacre tellement de temps à enquêter sur un sujet, et qu'il reçoit une pile de documents entièrement noircis, la tentation est alors forte d'écrire quand même quelque chose, et d'établir des liens qui n'ont peut-être pas leur raison d'être. Nous nous efforçons autant que possible de ne pas le faire, mais c'est un risque. Dans le même ordre d'idées, les exclusions applicables aux documents confidentiels du Cabinet ou les avis aux ministres sont tellement répandus que nous ne pouvons nous empêcher de penser qu'ils sont utilisés de façon cavalière.
Le manque de cohérence est la source d'un autre problème. À titre d'exemple, nous demandons régulièrement que l'on nous soumette des listes des notes d'information. Parfois, nous recevons des listes complètes avec des parties noircies. Et d'autres fois, nous ne recevons que des listes partielles. Lorsque les députés demandent à recevoir la même information au moyen d'une question à inscrire au Feuilleton, par exemple, ils reçoivent des réponses entièrement différentes. En règle générale, ces réponses sont plus détaillées et fournies beaucoup plus rapidement. Nous travaillons en parallèle, et nous présentons la même demande, mais il est décevant de constater que le résultat est différent.
Nous nous inquiétons un peu lorsque nous considérons les propositions qui sont mises sur la table, et que nous constatons que le gouvernement a trouvé d'autres moyens de nous mettre des bâtons dans les roues et de nous refuser les renseignements demandés.
L'exigence consistant à remplir trois critères pour chaque demande d'accès nuit à l'objectif consistant à comprendre le gouvernement et à faire rapport sur ses politiques. En exigeant des utilisateurs de la loi qu'ils sachent exactement de quel genre de dossier ils ont besoin, dans quel domaine, et en leur demandant de circonscrire la période visée, la législation contribue effectivement à éliminer bon nombre de nos demandes plus générales et de nos tentatives visant à comprendre ce qui se passe au sein du gouvernement. Ce n'est qu'en de rares occasions que nous connaissons ce genre de détails, et même dans ces cas-là, nous avons besoin qu'une personne à l'interne nous guide et nous indique clairement quel document précis il faut demander.
Nous nous inquiétons aussi du virage vers la divulgation proactive. En principe, nous sommes toujours favorables à ce que le gouvernement divulgue toujours plus de renseignements. Cependant, dans ce cas, on constate soit qu'il n'y a pas d'échéancier fixe ou alors que les échéanciers sont plus longs que ceux que nous connaissons avec la législation actuelle. Aussi, avec la divulgation proactive, c'est le gouvernement qui décide de ce qui sera communiqué, ce qui exclut la possibilité pour les citoyens de présenter leurs propres demandes et de comprendre quelles sont les intentions du gouvernement. Si la divulgation proactive était inscrite dans la loi, et si les ministres et les ministères comprenaient qu'en contrevenant aux règles en matière de divulgation, ils s'exposent à en subir les conséquences, par la voie du commissaire à l'information, dans ces circonstances, la divulgation proactive prendrait davantage de sens.
En terminant, nous sommes préoccupés parce que le projet de loi ne s'applique pas aux ministres, aux députés, aux sénateurs, et aux tribunaux, tel qu'il avait été proposé au départ. Le gouvernement a promis à maintes reprises de faire preuve d'ouverture. Cependant, le projet de loi ne permet pas aux citoyens de se faire une idée de ce qui se passe dans ces instances très importantes et très influentes.
Nous sommes intrigués par les mesures qui sont proposées visant à accorder le pouvoir de délivrer des ordonnances, mais à la lecture du projet de loi, nous soupçonnons que les nouveaux pouvoirs du commissaire à l'information seront restreints par les tribunaux, et nous faisons nôtre son propre témoignage à ce sujet.
Le travail que votre comité est en train d'effectuer est très important et influera profondément sur la qualité de nos propres reportages dans le futur.
Je n'ai su que vendredi que je devais comparaître aujourd'hui. Aussi, j'ai beaucoup d'information à mon bureau qui pourrait vous être communiquée ultérieurement, si vous le souhaitez. Il me fera plaisir de vous la fournir. Ceci dit, je suis prête à répondre à vos questions.