C'est bien de revoir tout le monde après une semaine passée dans nos circonscriptions. Il s'agit de notre première séance. Avant de passer aux témoins, je rappelle aux nouveaux membres, c'est-à-dire nous tous, que, lorsque nous avons recours à la vidéoconférence, comme ce matin, il y a un décalage entre ici et l'autre lieu, en l'occurrence aujourd'hui Montréal, Toronto ou l'Alberta.
Je vais donc vous demander d'attendre quelques secondes si vous voulez changer de langue ou si vous prenez la parole pour poser vos questions après qu'une autre personne vient d'arrêter de parler. C'est la même chose que lors d'une conversation au téléphone cellulaire, lorsque deux personnes commencent à parler en même temps. C'est ce qui se produit parfois. Je demande donc à ceux qui n'ont jamais fait l'expérience d'une vidéoconférence de tenir compte du décalage pour faciliter la tâche à nos interprètes et pour faire en sorte que la réunion se déroule aussi efficacement que possible.
Lors de notre dernière séance, nous avions prévu d'inviter certains témoins. Nous avions parlé d'inviter les commissaires à la protection de la vie privée et les commissaires à l'information d'autres provinces. Nous en accueillons quelques-uns aujourd'hui.
Je souhaite la bienvenue à Diane Poitras et à Jean-Sébastien Desmeules, de la Commission d'accès à l'information du Québec. Je souhaite aussi la bienvenue à M. Brian Beamish, de Toronto, et à Mme Jill Clayton, de l'Alberta, d'où je suis originaire.
Madame Clayton, nous sommes ravis de vous avoir avec nous aussi tôt ce matin. Vous êtes accompagnée de Kim Kreutzer Work et de Sharon Ashmore.
On vous a informés du sujet de notre étude. Je vais d'abord laisser chacun d'entre vous transmettre certaines informations au Comité, et ensuite, nous passerons aux questions.
La réunion devrait durer environ une heure et demie. Si chaque témoin présente un exposé d'au plus 10 minutes, il nous restera environ une heure ou 50 minutes pour les questions. Nous allons veiller à ce tout le monde puisse poser des questions, et, durant les 20 à 30 dernières minutes, nous pourrons nous attarder aux aspects plus détaillés de notre étude.
Sans plus tarder, je cède la parole à Mme Poitras.
Vous avez la parole pour 10 minutes.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je m'appelle Diane Poitras, et je suis vice-présidente de la Commission d'accès à l'information du Québec. Je m'adresse à vous en l'absence de Me Jean Chartier, président de la Commission, qui est présentement à l'extérieur du pays. Je suis accompagnée de Me Jean-Sébastien Desmeules, secrétaire général et directeur des affaires juridiques de la Commission.
Je vous remercie et je remercie les membres du comité pour cette invitation qui me donne l'occasion de vous entretenir brièvement au sujet de la législation applicable au Québec en matière d'accès aux documents et de protection des renseignements personnels, de même que de la Commission d'accès à l'information.
Tout d'abord, en ce qui concerne la législation, la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, adoptée en 1982, s'applique à environ 2 700 organismes publics au Québec, soit essentiellement le gouvernement, l'Assemblée nationale, les ministères, les organismes gouvernementaux, municipaux et scolaires, ainsi que les établissements de santé et de services sociaux. Elle prévoit que toute personne qui en fait la demande a droit d'avoir accès aux documents détenus par ces organismes publics. À l'instar des autres lois relatives à l'accès à l'information, la législation québécoise prévoit évidemment certaines situations où un organisme public peut ou doit refuser l'accès à un document.
La loi sur l'accès prévoit aussi qu'une personne peut demander de prendre connaissance ou de rectifier les renseignements personnels qui la concernent. Là encore, un organisme public peut invoquer évidemment certains motifs pour refuser cette demande. L'organisme qui refuse l'accès à un document administratif ou à un renseignement personnel doit motiver ce refus. Le citoyen peut alors demander à la Commission d'accès à l'information de réviser cette décision.
Afin de favoriser la transparence, la loi sur l'accès et un règlement d'application qui la complète prévoient qu'un certain nombre de renseignements et de documents doivent être diffusés de manière proactive par les ministères et les organismes gouvernementaux. Entre autres, tout document rendu accessible à la suite d'une demande d'accès doit être divulgué dans le site Internet de l'organisme au bénéfice de l'ensemble des citoyens. Il en est de même, par exemple, des études ou des rapports de recherche dont la diffusion présente un intérêt pour l'information du public et d'un certain nombre de renseignements relatifs, par exemple, aux contrats ou à d'autres dépenses de l'organisme public.
Enfin, la loi sur l'accès prévoit que les organismes publics doivent assurer la protection des renseignements personnels qu'ils détiennent. Des obligations leur sont imposées tout au long du cycle de vie d'un renseignement personnel, de sa collecte ou de sa création jusqu'à sa destruction.
Pour sa part, la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, adoptée en 1994, s'applique à toutes les entreprises qui exercent une activité économique au Québec. Le Québec a d'ailleurs été le premier gouvernement au Canada à adopter une loi qui vise la protection des renseignements personnels dans le secteur privé.
Cette loi impose aux entreprises privées des obligations visant à assurer la protection des renseignements personnels qu'ils détiennent et qu'ils communiquent, même à l'extérieur du Québec. Elle prévoit également qu'une personne peut demander de prendre connaissance ou de rectifier les renseignements personnels qui la concernent et qui se trouvent dans un dossier qu'une entreprise détient à son sujet. En cas de refus, le citoyen peut faire une demande d'examen de mésentente à la Commission d'accès à l'information.
Ces deux lois, que je viens de décrire très brièvement, sont prépondérantes sur toute autre loi applicable au Québec. Elles témoignent de la volonté du législateur de marquer le caractère primordial de ces lois et l'importance des droits qu'elles accordent aux citoyens.
Il y a un dernier élément à souligner concernant la législation. La Commission doit faire rapport au gouvernement tous les cinq ans au sujet de l'application de ces lois. Elle y formule des recommandations visant à améliorer la transparence gouvernementale et la protection des renseignements personnels au Québec. Ce rapport est déposé à l'Assemblée nationale. Il est par la suite étudié en commission parlementaire et peut donner lieu à des modifications législatives.
Je vais maintenant dire quelques mots au sujet de la Commission d'accès à l'information.
La Commission a été créée en 1982 et compte environ 50 employés, dont 7 membres nommés par l'Assemblée nationale. Leur mandat, qui peut être renouvelé, couvre une période d'au plus cinq ans. Pour la mise en oeuvre des mandats qui lui sont confiés, la loi prévoit un partage des responsabilités de la Commission entre deux sections: une section juridictionnelle et une section de surveillance.
Parlons d'abord de la section juridictionnelle de la Commission.
La section juridictionnelle agit comme un tribunal administratif et décide des demandes présentées par toute personne qui s'est vu refuser l'accès à un document administratif ou à un renseignement personnel. Cette section reçoit environ 2 000 nouveaux dossiers par année.
Les membres affectés à la section juridictionnelle siègent généralement en audience, au cours de laquelle les parties impliquées ont l'occasion de faire valoir leurs représentations. Celles-ci peuvent parfois être faites plutôt par écrit lorsque le membre saisi du dossier le juge opportun.
Après avoir entendu les parties, la Commission peut décider de toute question de fait ou de droit et rendre toute ordonnance propre à sauvegarder les droits des parties. Elle peut notamment ordonner la communication d'un document et fixer les conditions qu'elle juge appropriées pour faciliter l'exercice d'un droit conféré par la loi.
La décision que rend la Commission est publique. Cette décision est exécutoire 30 jours après sa réception par les parties, sous réserve d'un droit d'appel prévu à la Cour du Québec sur une question de droit ou de compétence seulement. Ce droit d'appel s'apparente, en fait, à une révision judiciaire.
Lorsqu'une décision devient exécutoire, elle peut également être déposée à la Cour supérieure. Elle acquiert alors la même force et le même effet que s'il s'agissait d'un jugement émanant de cette cour.
La Commission met à la disposition des parties un processus de médiation confidentiel basé sur une démarche libre et volontaire. Celui-ci vise à favoriser le règlement à l'amiable des dossiers. La médiation permet présentement de régler 80 % des demandes soumises à la section juridictionnelle de la Commission, dont 30 % dans les premiers 90 jours de l'ouverture d'un dossier.
Le règlement de ces dossiers à la satisfaction des parties permet de réduire les délais pour la mise au rôle d'audience des autres dossiers de la Commission. En outre, même dans les cas où une entente ne peut être conclue entre les parties, l'information fournie par le médiateur peut les aider à circonscrire le débat et à mieux se préparer à l'audience.
Je terminerai en disant quelques mots sur la section de surveillance de la Commission.
Dans le cadre de ses fonctions de surveillance, la Commission est responsable de la promotion de l'accès aux documents et de la protection des renseignements personnels. Elle voit aussi, évidemment, à l'application de la législation en ces matières. Pour ce faire, elle réalise des enquêtes au sujet de situations potentiellement problématiques portées à son attention. Elle s'assure ainsi que les organismes publics et les entreprises privées respectent les dispositions de la législation.
La Commission peut faire des recommandations et rendre des ordonnances exécutoires au terme de ces enquêtes. Si une ordonnance n'est pas respectée, la Commission peut aviser le gouvernement, exposer la situation dans son rapport annuel, soumettre un rapport spécial à l'Assemblée nationale ou, dans le cas d'une entreprise privée, publier un avis pour en informer le public. Des poursuites pénales peuvent également être intentées.
Récemment, la Commission a mis en place un service de traitement préliminaire des plaintes qui lui permet de régler 60 % de ces dossiers. Il s'agit d'une façon efficace et rapide de faire modifier les pratiques des organismes publics et des entreprises.
En conclusion, je souligne que le gouvernement du Québec a annoncé qu'il souhaite moderniser sa loi sur l'accès, notamment en donnant suite à plusieurs recommandations formulées par la Commission dans ses rapports quinquennaux précédents. Toutefois, le gouvernement et plusieurs intervenants considèrent que le pouvoir de rendre des ordonnances exécutoires constitue une des forces du modèle actuel. La Commission est également de cet avis. Elle a réitéré, dans le cadre de ses travaux de modernisation, l'importance d'offrir aux citoyens un recours efficace permettant l'obtention d'une décision exécutoire, et ce, dès le premier palier de recours.
Je vous remercie, monsieur le président.
Je répondrai avec plaisir à vos questions et à celles des membres du comité.
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Je vous remercie beaucoup.
Bonjour à tous.
Je m'appelle Brian Beamish et je suis le commissaire à l'information et à la protection de la vie privée de l'Ontario. Je suis ravi d'avoir l'occasion de m'adresser à vous dans le cadre de votre étude de la Loi fédérale sur l'accès à l'information.
Je suis très heureux de pouvoir vous entretenir de l'expérience de l'Ontario en ce qui a trait à l'accès à l'information. Au cours des 10 minutes dont je dispose, je vais m'attarder à la question des pouvoirs de surveillance et particulièrement à celle du pouvoir de rendre des ordonnances dont nous disposons en Ontario par rapport au régime de style ombudsman prévu dans la loi fédérale.
Avant d'aborder ces sujets, permettez-moi de vous donner un aperçu du travail que nous accomplissons. Mon bureau s'occupe de l'application de trois lois: la Loi sur l'accès à l'information et la protection de la vie privée de l'Ontario, la Loi sur l'accès à l'information municipale et la protection de la vie privée et la Loi sur la protection des renseignements personnels sur la santé de l'Ontario.
Quant aux pouvoirs que nous pouvons exercer en vertu de ces lois, en ce qui concerne l'accès à l'information, nous disposons d'un plein pouvoir de rendre des ordonnances, ce qui signifie que nous réglons des dossiers en rendant une ordonnance notamment dans des cas où des institutions n'ont pas pris de décision, des frais posent problème, d'autres recherches documentaires s'imposent ou même dans des situations où la divulgation de documents a été refusée. En vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels sur la santé, nous disposons également d'un plein pouvoir de rendre des ordonnances, de sorte que, lorsque nous procédons à une enquête, nous pouvons ordonner à un professionnel ou à un organisme responsable d'information sur la santé de prendre des mesures précises pour se conformer à la loi. En ce qui a trait à la protection de l'information dans le secteur public, notre pouvoir de rendre des ordonnances est très limité. Nous pouvons seulement rendre des ordonnances à l'intention d'institutions qui recueillent des renseignements; autrement, nous avons pour rôle d'effectuer des examens et des recommandations.
Voilà un aperçu de ce que nous faisons. Il est important de savoir que, même si dans le domaine de l'accès à l'information nous disposons d'un plein pouvoir de rendre des ordonnances, nous rendons des ordonnances dans seulement très peu de situations. En mai 2015, les institutions provinciales et municipales en Ontario ont reçu environ 58 000 demandes d'accès à l'information. Il s'agit là des demandes initiales reçues par des organismes gouvernementaux. Parmi celles-ci, notre bureau a été saisi de 1 400 appels, ce qui représente environ 3 % de toutes ces demandes initiales d'accès à l'information, et nous avons été en mesure de régler à peu près 77 % de ces appels sans devoir rendre une ordonnance, ce qui signifie que nous avons, au bout du compte, rendu seulement 243 ordonnances. C'est donc dire que les 58 000 demandes initiales ont donné lieu à seulement 1 400 appels, et ces appels ont donné lieu à seulement 243 ordonnances. Cette situation est attribuable en grande partie, à mon avis, au fait que nous disposons d'un pouvoir de rendre des ordonnances.
Permettez-moi maintenant de vous parler de notre expérience relativement à ce pouvoir. Je peux vous dire qu'elle est largement positive. Avant d'occuper le poste de commissaire, j'occupais les fonctions de commissaire adjoint et je dirigeais les services de tribunal, ce qui m'avait permis d'acquérir une expérience directe de ce pouvoir. Je suis d'ailleurs très favorable au modèle exécutoire. Il s'agit d'un modèle qui est profitable non seulement pour les demandeurs, mais aussi pour les institutions assujetties à la loi, et il favorise un accès rapide, rentable et efficace à l'information.
Permettez-moi maintenant de vous parler des avantages précis que nous observons. Premièrement, le modèle exécutoire permet de faire respecter le droit d'accès d'une manière efficace. Il incite clairement les institutions à fournir, en réponse à la demande initiale, le plus d'information possible et à diminuer leur fardeau administratif et celui du demandeur.
Il est important de se rappeler qu'il peut y avoir un véritable déséquilibre des forces dans le système d'accès à l'information. La majorité des demandeurs sont des personnes qui n'ont pas nécessairement les ressources requises pour mener une longue bataille contre un organisme gouvernemental, parfois devant un tribunal. Notre système est conçu pour faciliter l'accès à l'information et pour permettre un examen des décisions initiales du gouvernement.
Étant donné que nous avons le pouvoir de rendre des ordonnances, nous sommes en mesure de mettre en place des mécanismes qui garantissent que le processus de révision d'une décision initiale rendue par une institution ne s'éternise pas. S'il traîne en longueur, nous pouvons veiller à ce qu'il soit mené à bien grâce à une ordonnance.
Je sais que ce qu'on reproche notamment au régime de style ombudsman, particulièrement à l'échelon fédéral, c'est qu'il ne favorise pas la conformité. Le commissaire à l'information au fédéral formule des recommandations, mais les institutions ne les appliquent pas. Nos ordonnances sont exécutoires. Elles sont définitives en ce sens qu'il est impossible d'en faire appel devant les tribunaux.
Les institutions ou les parties insatisfaites peuvent demander une révision judiciaire, mais il s'agit d'un processus de révision très restreint. En effet, l'an dernier, seulement 6 des 243 ordonnances que nous avons rendues ont fait l'objet d'une révision judiciaire. En général, nos ordonnances sont définitives et lient les parties, ce qui met un terme au processus.
Deuxièmement, grâce à notre pouvoir de rendre des ordonnances, nous établissons une jurisprudence sur laquelle peuvent s'appuyer les demandeurs, le public, les institutions gouvernementales et notre personnel. Au fil des ans, nous avons rendu des milliers d'ordonnances liées à l'interprétation et à l'application de la loi. Cette jurisprudence sert de guide pour toutes les parties, permet aux institutions de rendre des décisions plus judicieuses et complètes en matière de divulgation et permet également, lorsqu'il y a un appel, de donner une idée aux parties de la façon dont notre bureau va régler l'appel.
Troisièmement, selon moi, le pouvoir de rendre des ordonnances facilite le règlement des dossiers. Ce pouvoir dont nous disposons [Note de la rédaction: difficultés techniques] n'exclut pas la médiation. En fait, je crois qu'il permet de faciliter le processus de médiation. Lorsqu'il y a un appel, les parties ont tout intérêt à tenter la médiation et à trouver un terrain d'entente pour éviter l'arbitrage et éventuellement une ordonnance.
La commissaire Legault a souligné la semaine dernière que le pouvoir de rendre des ordonnances a l'avantage d'établir une distinction claire entre le processus de médiation et le processus d'arbitrage. Dans notre système, s'il n'y a pas d'entente dans le cadre d'une médiation, il y a arbitrage et il peut s'ensuivre une ordonnance. Le processus de médiation est confidentiel. Les parties peuvent s'engager dans une discussion franche et ouverte, car elles n'ont pas à s'inquiéter du tort que leurs propos pourraient leur causer au cours d'un processus d'arbitrage. Cela facilite la médiation.
En 2015, 63 % des appels ont été entièrement réglés dans le cadre d'un processus de médiation. Cela démontre qu'un pouvoir de rendre des ordonnances n'empêche pas la tenue d'un processus de médiation. En fait, il l'améliore.
Quatrièmement, il y a la question des appels que je qualifierais d'administratifs. Je souligne encore une fois ce que la commissaire Legault a précisé la semaine dernière: jusqu'à 40 % des dossiers dont son bureau est saisi sont de nature administrative. Ils sont liés à des questions de procédure et non pas à la question de savoir si une personne a le droit ou non d'avoir accès à l'information.
D'après nos statistiques [Note de la rédaction: difficultés techniques], moins de 10 % de nos dossiers concernent des appels liés à des questions de nature administrative. L'année dernière, ce pourcentage s'élevait à environ 8 %. Généralement, une institution n'a pas respecté son obligation de fournir une réponse dans un délai de 30 jours, et le demandeur nous informe de cette situation. Nous sommes en mesure de régler ces dossiers directement, car les parties savent que nous pouvons rendre une ordonnance et que nous le ferons afin d'obtenir une réponse. Nous nous adressons directement à l'institution qui n'a pas fourni de réponse. Nous essayons de négocier une échéance. Si nous n'y parvenons pas, nous rendons une ordonnance pour obliger l'institution à donner une réponse. Il arrive qu'il s'écoule plusieurs mois sans qu'une institution respecte son obligation de fournir une réponse au demandeur.
Selon nos statistiques de l'année dernière, nous n'avons pas eu à rendre d'ordonnance parce qu'une institution refusait de fournir une réponse. Nous avons été en mesure de négocier à chaque fois et d'obtenir une réponse dans un laps de temps de 40 jours en moyenne. Je crois qu'il s'agit d'une façon très rapide et efficace d'obtenir des réponses auprès des institutions.
Enfin, le dernier avantage que j'aimerais souligner, et que j'ai déjà mentionné, c'est qu'il permet de boucler la boucle du processus d'accès à l'information. Il n'existe aucune possibilité de faire appel devant les tribunaux. Il est seulement possible de demander une révision judiciaire, mais cela se fait très rarement. Les demandeurs ne dépendent pas des tribunaux pour exercer leur droit d'accès à l'information. Je crois que, si un citoyen, un demandeur ordinaire doit s'adresser aux tribunaux pour exercer son droit, cela revient en grande partie à empêcher l'accès, et ce n'est pas une solution appropriée pour un gouvernement qui souhaite être ouvert et transparent.
Je vais m'arrêter là. Je serai ravi de répondre à vos questions. Je tiens à le souligner: nous comprenons que détenir un pouvoir de rendre des ordonnances représente une énorme responsabilité dont nous devons nous acquitter judicieusement et non pas sans discernement et de façon arbitraire. Nous prenons cette responsabilité très au sérieux. Nous croyons que ce pouvoir constitue un élément fondamental d'un solide régime d'accès à l'information.
Je vous remercie beaucoup.
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Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Je suis heureuse d'avoir été invitée à vous entretenir du travail qu'effectue mon bureau. Je suis accompagnée de Kim Kreutzer Work, qui est directrice de la Gestion du savoir, et de Sharon Ashmore, qui est avocate générale et directrice des services juridiques.
En ma qualité de commissaire à l'information et à la protection de la vie privée de l'Alberta, je suis une fonctionnaire indépendante de l'Assemblée législative et je suis chargée de surveiller l'application des lois en matière de libre accès à l'information et de protection de la vie privée. Il s'agit précisément de la Loi sur l'accès à l'information et la protection de la vie privée, à laquelle est assujetti le secteur public, la Loi sur les renseignements sur la santé, qui s'applique dans le secteur des soins de santé, et la Loi sur la protection des renseignements personnels, à laquelle sont assujettis les organismes du secteur privé réglementés par la province.
De vastes pouvoirs me sont conférés en vertu de ces lois, notamment le pouvoir de mener des enquêtes, soit de mon propre chef, soit en réponse à des plaintes, et le pouvoir d'examiner les réponses à des demandes d'accès à l'information. Je m'occupe également de donner des conseils et de faire des recommandations d'ordre général, de renseigner le public au sujet de l'administration des lois, d'expliquer les répercussions sur l'accès à l'information et la protection de la vie privée des mesures législatives ou des programmes proposés, d'examiner des évaluations des répercussions sur la vie privée, et puisque notre bureau est un tribunal administratif quasi judiciaire, j'ai le pouvoir de tenir des enquêtes et de rendre des ordonnances exécutoires.
Mon exposé d'aujourd'hui portera essentiellement sur notre loi qui s'applique au secteur public, c'est-à-dire la Loi sur l'accès à l'information et la protection de la vie privée, que j'appellerai la LAIPVP. En Alberta, la LAIPVP porte sur l'accès à l'information et la protection de la vie privée. Elle s'applique aux organismes publics, notamment les ministères provinciaux, les commissions et les agences, les écoles et les écoles à charte, ainsi que les institutions publiques locales, les municipalités, les services de police, les organismes de gestion des logements, les universités et d'autres institutions de la sorte. Essentiellement, la LAIPVP confère le droit d'accès à tout renseignement sous la garde ou le contrôle d'un organisme public, sauf dans certains cas précis et restreints énoncés dans la loi.
La LAIPVP est entrée en vigueur il y a plus de 20 ans, et depuis, elle a fait l'objet de trois examens réalisés par des comités spéciaux de l'Assemblée législative composés de représentants de tous les partis. Deux de ces examens, le premier en 1998-1999 et le deuxième en 2001-2002, ont donné lieu à des modifications à la loi. À la suite d'un troisième examen, mené en 2010, un certain nombre de modifications ont été recommandées, mais elles n'ont pas été apportées. En 2013, le gouvernement de l'Alberta a annoncé qu'il allait procéder à son propre examen de la loi. Il y a eu un processus de consultation, mais aucun rapport n'a été publié et aucune modification n'a été proposée.
J'ai présenté deux mémoires au gouvernement dans le cadre de son examen en 2013, que vous pourrez trouver sur notre site Web. L'un de ces mémoires portait principalement sur des modifications techniques. L'autre mémoire comportait des idées, des suggestions et des recommandations en vue d'actualiser et de renforcer la loi.
Parmi les principales recommandations que j'ai formulées dans mon deuxième mémoire, il y avait un examen de la portée de la loi pour s'assurer que les organismes publics qui devraient être assujettis à la loi le soient effectivement, confirmant ainsi la pertinence des exclusions existantes. J'ai recommandé également qu'on procède à un examen des exceptions à l'accès énoncées dans la loi pour s'assurer qu'elles sont pertinentes, qu'on exige que les organismes publics déterminent des catégories de documents qui devraient être rendus publics sans qu'il soit nécessaire de faire une demande officielle d'accès et qu'on veille à ce qu'il y ait un cadre législatif et stratégique approprié qui prévoit des pratiques de gestion de l'information et des documents qui favorisent la transparence, la reddition de comptes et le respect de la LAIPVP. Cela implique qu'on exige des organismes publics qu'ils créent des documents servant à documenter raisonnablement les décisions et les mesures prises, les conseils et les recommandations formulés et les délibérations.
Ces deux recommandations que je viens de mentionner sont semblables à celles formulées dans le rapport du Commissariat à l'information du Canada intitulé Viser juste pour la transparence, en vue de moderniser la Loi sur l'accès à l'information.
En outre, dans ce rapport, on recommande aussi de renforcer la surveillance du droit d'accès en adoptant un modèle exécutoire similaire à celui qui existe déjà en Alberta et dans d'autres provinces. Je crois savoir que le Comité s'intéresse particulièrement à l'expérience de l'Alberta à l'égard du pouvoir de rendre des ordonnances, alors je vais consacrer le temps qu'il me reste à expliquer comment notre bureau gère ce pouvoir.
À l'instar de la Loi fédérale sur l'accès à l'information, la LAIPVP confère un droit d'accès à des documents qui sont sous la garde ou le contrôle d'un organisme public, sauf dans certains cas restreints et précis. Si un demandeur n'est pas satisfait de la réponse fournie par un organisme public, il peut m'adresser une demande de révision de la décision à la suite de l'inaction de l'organisme public à l'égard de son insatisfaction. Par exemple, un ministère gouvernemental peut accepter de divulguer certains documents au demandeur, mais refuser de divulguer d'autres documents en invoquant une exception prévue dans la loi. Il est possible que la divulgation porterait atteinte à la vie privée d'une personne ou qu'on pourrait raisonnablement s'attendre à ce que la divulgation nuise à une affaire qui relève de la police ou aux intérêts économiques d'un organisme public.
Si le demandeur s'adresse à moi, je peux vérifier si les exceptions à l'accès invoquées par l'organisme public s'appliquent. C'est ce que nous appelons une demande de révision. Lorsqu'un demandeur demande une révision d'un refus d'accès, j'autorise normalement un membre de mon personnel à mener une enquête et à tenter un processus de médiation ou à essayer de régler la question. Il s'agit d'un processus informel, qui aboutit à des recommandations non exécutoires et qui permet de régler entre 80 et 85 % des cas.
Si le dossier n'est pas réglé au terme du processus informel, je peux autoriser une enquête, qui permet de déterminer tous les points de fait et de droit. Les enquêtes constituent un processus administratif quasi judiciaire dans le cadre duquel le fardeau de la preuve incombe généralement à l'organisme public, qui doit prouver que le demandeur n'a pas le droit d'avoir accès au document ou à une partie du document.
Au terme de l'enquête, une ordonnance est rendue, soit par moi-même, soit par l'arbitre que j'ai nommé pour entendre la cause. À titre d'exemple, l'ordonnance peut viser à imposer à l'organisme public de divulguer au demandeur le document en entier ou en partie, à confirmer la décision de l'organisme public de refuser l'accès, à confirmer ou à réduire les frais d'accès ou à exiger de l'organisme public qu'il s'acquitte d'une responsabilité imposée par la loi.
Une ordonnance rendue par un commissaire en vertu de la LAIPVP est finale et elle est déposée auprès du greffier de la Cour du Banc de la Reine. Après le dépôt, l'ordonnance est mise en application en tant que jugement ou ordonnance de cette cour. Depuis que la LAIPVP est entrée en vigueur en 1995, nous avons rendu plus de 675 ordonnances en vertu de cette loi, et la totalité de ces ordonnances ont été respectées. Toutes les ordonnances sont rendues publiques par l'entremise de notre site Web et de bases de données juridiques accessibles au public. Les ordonnances permettent non seulement de régler des dossiers, mais elles créent aussi des précédents qui peuvent être utiles pour d'autres organismes publics et contribuer à améliorer les pratiques en matière de gestion de l'information.
Les ordonnances rendues par mon bureau et d'autres commissariats constituent une jurisprudence qui renseigne et guide les organismes publics sur le plan de l'interprétation et de l'application de la loi. Cette jurisprudence peut permettre également de diminuer les dédoublements en évitant que des cas similaires fassent à répétition l'objet d'un processus de médiation, d'une enquête ou d'un processus d'arbitrage.
Le fait qu'une ordonnance exécutoire permette de régler un dossier présente des avantages considérables. Les procédures appliquées par mon bureau n'exigent pas que les parties soient représentées par un avocat, par exemple, ni qu'elles déboursent une certaine somme. Ceci dit, les causes entendues lors d'une enquête sont parfois portées devant les tribunaux. Même si les ordonnances sont finales, elles peuvent faire l'objet d'une révision judiciaire. Depuis que la LAIPVP est entrée en vigueur, on a enregistré environ 30 demandes de révision judiciaire. Dans à peu près la moitié des cas, l'ordonnance a été maintenue telle quelle.
Comme je viens de le mentionner, je suis d'avis que le modèle exécutoire de l'Alberta comporte des avantages considérables. Nous avons constaté qu'il favorise la clarté, l'uniformité des décisions et qu'il peut s'avérer plus rapide, moins coûteux et moins axé sur la confrontation qu'un processus judiciaire tout en fournissant tout de même une solution définitive pour les parties.
Dans l'ensemble, j'estime que le pouvoir de rendre des ordonnances a favorisé le droit d'accès en Alberta. Je serai ravie de répondre à vos questions.
Je vous remercie.
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Il y a plusieurs aspects à considérer.
La Commission demande qu'un plus grand nombre d'organismes soient assujettis à la Loi sur l'accès à l'information. Présentement, certains organismes financés à 100 % ou en majorité par des fonds publics ou d'autres encore qui exercent des fonctions assimilables à des fonctions publiques ne sont pas assujettis à la Loi.
En ce qui concerne l'accès aux documents, le principal enjeu de la modernisation de la Loi sur l'accès à l'information est la manière dont les restrictions sont rédigées. Cette loi date de plus de 30 ans et les restrictions sont rédigées dans des termes fort larges qui portent beaucoup à interprétation. Cela peut générer plus de recours et plus de refus de la part des institutions, qui ont une plus grande discrétion pour refuser l'accès à l'information. Je vais vous donner un exemple précis à ce sujet.
La loi québécoise prévoit qu'on peut refuser l'accès à un avis ou à une recommandation qui date de moins de 10 ans. Il n'y a aucun critère ou d'obligation pour l'organisme public qui souhaite refuser l'accès à un avis ou à une recommandation de démontrer l'incidence ou la conséquence néfaste que pourrait avoir cette divulgation. La notion d'avis ou de recommandation est quand même assez large et elle a nécessité une certaine interprétation de la part de la Commission.
Je pourrais parler d'une autre situation. Les lois des provinces de mes deux collègues qui sont ici présents par vidéoconférence contiennent une disposition permettant de refuser l'accès aux avis et recommandations, mais un deuxième alinéa vient préciser que cette restriction ne peut s'appliquer dans certaines situations précisément identifiées à l'égard de certains documents précis. Or nous n'avons pas cela au Québec. À mon avis, c'est l'un des principaux enjeux relatifs à l'accès aux documents.
Concernant le volet de la vie privée, et sans entrer dans les détails, je vous dirais que c'est une loi qui date d'une époque où on fonctionnait essentiellement avec le papier. La loi ne permet pas de faire suffisamment face aux enjeux soulevés par l'utilisation des nouvelles technologies au regard de la vie privée et de la protection des renseignements personnels.
Il y a quelque chose qui n'existait pas en 1982, mais qui est davantage dans l'air du temps. Je parle de la possibilité de diffuser proactivement des documents plutôt que d'attendre qu'une demande d'accès soit déposée.
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Oui. Les retards ne sont pas un problème systémique dans tous les organismes publics assujettis à la loi, mais il en existe certainement dans certains services isolés et sur certaines questions. Nous avons mis en place des processus, certainement grâce à notre processus de reddition d'ordonnances, pour essayer de répondre à certains de ces problèmes.
Par exemple, je sais que nous avons rendu un certain nombre d'ordonnances, tout récemment, contre un organisme public, pour une situation semblable à celle que le commissaire Beamish a décrite, l'organisme n'ayant pas répondu à une demande d'accès à l'information. Le problème a été porté à notre connaissance. Nous avons court-circuité le processus de médiation et d'enquête, pour obtenir une décision opportune, une ordonnance exécutoire obligeant l'organisme à répondre au demandeur.
Comme je l'ai dit, il se peut que, pour certains organismes publics ou pour certaines questions, les retards soient un problème — peut-être pas délibérément, mais, dans certains cas, parce que la question a besoin d'être résolue et que, parfois, la solution est trouvée par enquête ou par examen judiciaire.
Mais, globalement, comme le commissaire Beamish, je dirai que nous n'avons pas tout à fait le même problème de retards que dans l'administration fédérale.
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En Alberta, en vertu des trois lois dont je surveille l’application, il y a des infractions et des sanctions.
En vertu de la LAIPVP, il s’agit le plus souvent d’infractions volontaires à la loi plutôt que d’une simple négligence qui fait l’objet de médiation et de recommandations. En l’occurrence, on ne se conforme pas volontairement à la loi ou bien on détruit des dossiers assujettis à la loi, ou l’on demande à quelqu’un de le faire dans le but d’éviter une demande d’accès.
Pour les particuliers, la loi prévoit une amende de 2 000 $ à 10 000 $, et dans le cas d’autres personnes, une amende de 200 000 $ à 500 000 $.
Il faut remarquer que nous n’avons pas eu de poursuite fructueuse en vertu de la LAIPVP. Par contre, en vertu de la législation relative à la santé, qui prévoit des infractions semblables et des sanctions légèrement différentes, nous avons mené un certain nombre d’enquêtes qui ont abouti à des poursuites fructueuses devant les tribunaux. Nous menons l’enquête, nous communiquons les preuves à la Couronne et cette dernière procède aux poursuites. Je crois que nous avons gagné quatre procès en Alberta et il y a eu cette année quatre autres accusations portées en vertu de la Loi sur les renseignements médicaux personnels.
Dans ce dernier cas, il s’agit d’aller chercher volontairement des renseignements médicaux personnels. Si cela arrive plus souvent dans le secteur de la santé que dans le secteur public, c’est que dans ce dernier, la plupart des cas dont nous sommes saisis ont trait à l’accès à l’information. La majorité des plaintes dont nous sommes saisis ne concerne pas les gens qui fouinent dans les affaires des autres. Le plus souvent il s’agit d’une réponse donnée à une demande d’accès pour laquelle il faut déterminer si elle a été refusée de façon inappropriée. Il n’est pas toujours facile de trouver la preuve que quelqu’un a volontairement détruit des dossiers pour éviter une telle demande.
C’est ce genre de dossiers qui a mené à des poursuites en vertu de la Loi sur les renseignements médicaux personnels plutôt que ce qui concerne la Loi sur l’accès à l’information.