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Je remercie le président et les membres du Comité.
Je m'appelle Frank Zinatelli et je suis le vice-président et l'avocat général de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes. Je suis ici aujourd'hui avec ma collègue Anny Duval.
J'aimerais remercier le Comité de nous donner la possibilité de participer à l'examen de la LPRPDE. Si vous le permettez, monsieur le président, j'aimerais faire quelques commentaires introductifs et présenter ensuite au Comité le point de vue de l'industrie au sujet de l'examen de la LPRPDE.
À titre de contexte, je mentionnerai que l'ACCAP représente les compagnies d'assurances de personnes qui elles-mêmes assurent 99 % des assurances de personnes qui sont en vigueur au Canada. L'industrie protège environ 24 millions de Canadiens et près de 20 millions de personnes à l'international. L'industrie canadienne de l'assurance de personnes offre des produits qui comprennent l'assurance-vie, l'assurance-invalidité, l'assurance-santé, l'assurance-santé complémentaire, les rentes et les pensions. Les assureurs canadiens de personnes utilisent les renseignements personnels des Canadiens depuis plus d'un siècle. Cela fait longtemps que notre industrie sait que la protection des renseignements personnels est une condition qu'il est absolument essentiel de respecter si nous voulons avoir accès à ces renseignements.
Au cours des années, les assureurs de personnes ont joué un rôle de leader dans l'élaboration des normes et des pratiques associées à la gestion appropriée des renseignements personnels. Par exemple, en 1980 déjà, nous avons adopté des lignes directrices au sujet du « droit à la vie privée », qui constituaient le premier code concernant la vie privée qui ait été adopté par une industrie au Canada. Depuis cette époque, l'industrie de l'assurance de personnes a participé activement à l'élaboration des règles en matière de protection des renseignements personnels au Canada, en commençant par les lois québécoises sur le respect de la vie privée en 1994, la rédaction de la LPRPDE, les lois sur la protection des renseignements personnels de l'Alberta et de la Colombie-Britannique au début des années 2000 et les lois relatives aux renseignements concernant la santé adoptées par diverses provinces.
Le secteur de l'assurance de personnes applique la LPRPDE depuis plus d'une douzaine d'années et nous avons constaté que, d'une façon générale, le modèle actuel est à la fois efficace et viable. Cela dit, l'examen de la LPRPDE auquel procède le Comité lui permettra d'examiner des aspects auxquels il serait approprié d'apporter certaines modifications.
Dans ce contexte, je vais maintenant examiner certains de ces aspects.
Un aspect clé dont il a été beaucoup parlé récemment est le modèle basé sur le consentement. L'ACCAP a participé aux consultations qu'a menées le Bureau du commissaire à la protection de la vie privée du Canada au sujet du consentement et de la protection de la vie privée, notamment en assistant à des réunions regroupant des parties prenantes. À notre avis, il est encore faisable et approprié d'obtenir un consentement valable dans ce domaine en utilisant le modèle actuel et il n'est pas nécessaire de revoir complètement la notion de consentement. Il serait peut-être utile d'apporter quelques améliorations à la LPRPDE qui faciliteraient l'obtention du consentement, mais nous ne pensons pas qu'il soit nécessaire de revoir complètement ce modèle pour atteindre cet objectif. Il paraît en fait possible d'apporter quelques améliorations en adoptant des lignes directrices explicatives ou en précisant certains changements législatifs susceptibles de réduire le fardeau qu'assument tant les particuliers que les organisations.
À titre d'exemple, pour répondre à certaines questions qu'ont posées les parties prenantes au sujet de l'incertitude ou des difficultés associées au modèle basé sur le consentement, il serait peut-être bon d'élargir la liste des exceptions au consentement en ajoutant une nouvelle exception qui serait fondée sur la notion d'intérêt commercial légitime. Le nouveau règlement de l'Union européenne au sujet de la protection des données générales autorise les entreprises à utiliser les renseignements personnels sans obtenir un consentement préalable si elles peuvent démontrer que le traitement de ces données est nécessaire pour les fins légitimes que poursuivent ces organismes. Il convient évidemment de concilier ces intérêts avec d'autres intérêts et, dans le contexte de la LPRPDE, de les relier à ce qu'une personne raisonnable estimerait approprié dans les circonstances.
Ma collègue Anny va maintenant poursuivre cet exposé.
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Un autre élément qui, selon nous, requiert une mise à jour est la définition de « renseignements auxquels le public a accès ».
La définition qui figure actuellement dans le Règlement précisant les renseignements auxquels le public a accès ne semble plus refléter la réalité ni les attentes des particuliers qu'elle vise à protéger. Nous estimons que cette définition doit être élargie pour pouvoir couvrir les situations où un individu décide d'afficher des renseignements personnels sur un site Internet accessible au public.
Dans de telles circonstances, nous pensons pouvoir présumer que cette personne renonce à toute attente en matière de protection des renseignements personnels et qu'il ne serait donc pas nécessaire d'obtenir son consentement pour pouvoir recueillir, utiliser et communiquer les renseignements en cause. Toutes les autres dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, ou LPRPDE, continueraient à s'appliquer, comme c'est le cas aujourd'hui, à la collecte, à l'utilisation et à la communication de renseignements personnels auxquels le public a accès.
Le troisième élément que nous voudrions porter à votre attention concerne le modèle de l'ombudsman. L'industrie des assurances de personnes estime que le modèle actuel devrait continuer à être utilisé puisqu'il permet un bon équilibre entre les droits des individus en matière de protection des renseignements personnels et les droits des organisations d'utiliser ces renseignements de façon légitime et raisonnable dans un contexte commercial.
Ce modèle permet au Commissariat d'être plus accessible, informel et souple lorsqu'il aide les parties en cause à résoudre les enjeux. Il lui permet aussi de collaborer avec les consommateurs et les organisations pour que tous comprennent mieux ce qui doit être fait et ce qui ne doit pas être fait, afin d'assurer une protection raisonnable et appropriée de la vie privée.
Un autre aspect du modèle de l'ombudsman est qu'il concentre l'attention du Commissariat sur les réponses à donner aux particuliers qui présentent une plainte, pour pouvoir ainsi mieux la traiter, et sur l'équilibre à atteindre entre les consommateurs et les organisations, plutôt que de consacrer temps et ressources à constituer un dossier à l'appui du traitement d'une possible infraction.
La bonne approche est celle qui met l'accent sur la résolution de problèmes en premier.
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Merci, monsieur le président.
Je m'appelle Randy Bundus et je suis le vice-président principal et le conseiller juridique en chef du Bureau d'assurance du Canada. Mon collègue Steven Lingard, qui est directeur, conseiller juridique et conseiller général adjoint du BAC, m'accompagne.
Nous sommes heureux de représenter le Bureau d'assurance du Canada et nos sociétés membres dans le but de contribuer à la discussion touchant le prochain examen de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques. Nous savons que le Comité souhaite entendre des points de vue sur les questions qui figuraient dans le document du commissaire fédéral à la protection de la vie privée de 2016 qui traitait des défis auxquels les notions traditionnelles de consentement faisaient face, compte tenu de l'évolution des modèles commerciaux et technologiques et également de la possibilité de renforcer la notion de consentement aux termes de la LPRPDE. Les commentaires que présente aujourd'hui le BAC sont fondés sur le mémoire que nous avons déposé en réponse au document d'information du CPVP.
Le BAC est l'association nationale de l'industrie et elle représente plus de 90 % du montant des cotisations des assurances privées multirisques versées au Canada. Au Canada, l'industrie privée de l'assurance multirisques assure les résidences, les véhicules à moteur et les entreprises commerciales dans les différentes régions du pays. Il y a plus de 200 compagnies d'assurances multirisques qui se font activement concurrence au Canada.
L'industrie de l'assurance multirisques vise également à améliorer la qualité de vie dans les collectivités canadiennes en faisant la promotion de la prévention des pertes, de la sécurité routière, de la prévention du crime, de l'amélioration des codes de construction et de la coordination de la préparation des interventions en cas de catastrophe naturelle.
J'aimerais d'abord parler de l'approche au consentement à plusieurs niveaux qu'a adoptée l'industrie de l'assurance. La LPRPDE est une loi relative à la vie privée fondée sur le consentement et qui exige, sauf quelques exceptions limitées, que la personne concernée donne son consentement à la collecte, à l'utilisation et à la communication de ses renseignements personnels.
Le BAC prend note des difficultés et des préoccupations soulevées dans le document d'information préparé par le commissaire à la protection de la vie privée, mais il estime que le modèle actuel fondé sur le consentement de la LPRPDE convient aux assureurs multirisques et à leurs clients et qu'il n'est pas nécessaire de le modifier de façon importante.
La LPRPDE a été modifiée en 2015 par la Loi sur la protection des renseignements personnels numériques, connue aussi sous le nom de projet de loi S-4, qui a introduit la notion de « validité du consentement », selon lequel le consentement n'est valable que s'il est raisonnable de s'attendre à ce qu'un individu visé par les activités de l'organisation comprenne la nature, les fins et les conséquences de la collecte, de l'utilisation ou de la communication des renseignements personnels auxquelles il a consenti.
Il convient de noter que l'industrie de l'assurance multirisques est réglementée, sur le plan commercial, aux paliers fédéral et provincial. Les surintendants provinciaux et territoriaux des assurances surveillent les pratiques commerciales et le libellé des polices tandis que le surintendant des assurances fédéral a compétence sur la gouvernance d'entreprise et la solvabilité. Cette réglementation vient s'ajouter à la réglementation du respect de la vie privée par les assureurs prévue par les commissaires fédéral et provinciaux à la protection de la vie privée.
Les assureurs multirisques canadiens utilisent depuis des années une approche à plusieurs niveaux pour obtenir le consentement à la collecte, à l'utilisation ou à la communication des renseignements personnels. Par exemple, lorsqu'un particulier sollicite une police d'assurance, il est invité à donner son consentement à la collecte, à l'utilisation et à la communication de ses renseignements personnels pour toute une série de fins légitimes immédiates et potentielles en matière d'assurance, y compris l'évaluation du risque — ce que nous appelons la « souscription » — les enquêtes et le règlement des déclarations de sinistre, ainsi que la détection et la prévention de la fraude. La formulation du consentement sur les formulaires de demande d'assurance automobile et les formulaires de déclaration de sinistre est régie par les surintendants des assurances provinciaux et territoriaux et les assureurs et les consommateurs sont tenus d'utiliser les formulaires exigés. Par la suite, si une déclaration de sinistre est présentée aux termes d'une police d'assurance, l'assureur obtient habituellement le consentement de l'assuré pour qu'il puisse recueillir, utiliser et communiquer ses renseignements personnels aux fins d'examiner et de régler le sinistre.
Les assureurs utilisent également d'autres modèles d'entente en matière de consentement au moment où ils fournissent des devis d'assurance ou des services et des produits indépendants. Un exemple en serait l'assurance basée sur l'usage. L'assurance basée sur l'usage ou l'ABU est un produit relativement nouveau au Canada, même s'il est vendu depuis des années dans d'autres pays. L'ABU est un exemple d'offre d'assurance associée à la technologie. Avec l'ABU, l'assureur peut adapter les primes d'assurance-auto pour qu'elles reflètent l'usage réel du véhicule par le client en enregistrant des renseignements généraux, comme la fréquence d'utilisation, la longueur des trajets, l'heure de la journée pendant laquelle le véhicule est utilisé, les virages, l'accélération, la vitesse et l'utilisation des freins. Les renseignements sont obtenus grâce à une interface qui existe entre le véhicule de l'assuré et l'assureur.
L'ABU est un produit facultatif et c'est uniquement au consommateur de décider s'il veut accepter et utiliser cette offre.
Tout comme les autres produits de l'assurance automobile, l'ABU est réglementée par les surintendants des assurances provinciaux. Les surintendants des assurances de l'Ontario et de l'Alberta ont fixé certaines normes concernant la façon dont les assureurs peuvent réunir et utiliser cette information d'ABU. Il y a lieu de noter que le Commissariat à l’information et à la protection de la vie privée de l’Alberta a participé à la réglementation de l'ABU dans cette province.
Il est de plus possible de recueillir les renseignements personnels sur les demandeurs d'indemnisation en cas d'accident automobile, étant donné que l'utilisation de formulaires de déclaration de sinistre automobile est obligatoire. Ces formulaires sont exigés par le surintendant des assurances et ils contiennent également des clauses relatives au consentement et au respect de la vie privée qui sont semblables à celles que contiennent les demandes d'assurance automobile. Cette approche à plusieurs niveaux et basée sur les circonstances donne aux assureurs la possibilité d'informer leurs clients du fait que leurs renseignements personnels peuvent être utilisés et divulgués de façon nouvelle et d'obtenir leur consentement lorsque cela est nécessaire et quand la relation avec la personne concernée évolue, notamment en leur offrant de nouveaux produits d'assurance basée sur la technologie.
J'aimerais maintenant dire quelques mots de la mise à jour du régime du consentement.
Il faut régulièrement réviser les régimes réglementaires et légaux pour qu'ils soient toujours à jour. Le BAC et ses membres appuient les propositions suivantes destinées à renforcer le régime de consentement de la LPRPDE.
Premièrement, pour ce qui est des exceptions au consentement ou des autres solutions, il y a des cas où les assureurs se fondent sur certaines exceptions au modèle actuel prévues à l'article 7 de la LPRPDE, notamment pour les enquêtes sur les réclamations frauduleuses, ou l'obtention de déclarations de témoins pour liquider et régler les demandes d'indemnisation. Le règlement général sur la protection des données de l'UE ou le RGPD, qui entrera en vigueur en 2018, adopte un régime semblable, mais différent. Le RGPD fait référence aux intérêts commerciaux légitimes, mais il est difficile de savoir comment cela s'appliquera en pratique et comment cela différera des exceptions actuelles prévues par la LPRPDE. Il serait peut-être souhaitable d'ajouter les intérêts commerciaux légitimes aux exceptions prévues par la LPRPDE.
L'harmonisation de la LPRPDE et des lois provinciales en matière de vie privée avec le RGPD est une question qui mériterait d'être examinée de façon approfondie par le Comité.
J'aimerais maintenant aborder les données agrégées et anonymisées.
À l'heure actuelle, les assureurs utilisent les données agrégées et anonymisées, sous la forme de données anonymes, et cela devrait continuer à être une alternative viable à l'exigence du consentement. Elles peuvent être utilisées pour diverses fins légitimes et les contrats conclus par les assureurs et les fournisseurs de services tiers contiennent des garanties contre tout usage abusif de ces données.
Pour ce qui est des codes de pratique, les assureurs sont lourdement réglementés par un certain nombre d'organismes de réglementation, en particulier par le Bureau fédéral du surintendant des institutions financières, le BSIF, qui réglemente la solvabilité et la gouvernance d'entreprise, ainsi que par les surintendants des assurances provinciaux et territoriaux qui réglementent les pratiques commerciales, y compris le libellé de certains formulaires et de certaines polices d'assurance obligatoires.
Nous estimons qu'il serait redondant d'envisager l'adoption de codes de pratique parce que cela n'ajouterait pas grand-chose aux exigences strictes déjà mises en place par les autorités de réglementation provinciales et fédérales.
Pour ce qui est du modèle d'application utilisé par le CPVP, le BAC reconnaît que les organismes de surveillance indépendants comme le CPVP jouent un rôle essentiel lorsqu'il s'agit de protéger les intérêts privés des Canadiens. D'après l'expérience acquise par les assureurs dans leur rapport avec le CPVP jusqu'ici, l'industrie estime que le CPVP a fait de l'excellent travail pour protéger la vie privée des personnes grâce aux pouvoirs que lui accorde actuellement sa loi habilitante. Les assureurs prennent très au sérieux leurs obligations en matière de consentement et de vie privée et comprennent l'importance de respecter strictement les conditions qui leur sont imposées par les lois relatives à la vie privée et par les organismes de réglementation des assurances. Les assureurs sont tout à fait conscients de l'importance de ces obligations et il existe un ombudsman interne qui a pour mission d'enquêter de façon impartiale et indépendante sur les plaintes des consommateurs. Le rôle de l'ombudsman devrait probablement être réexaminé si les pouvoirs du CPVP devaient être élargis.
En outre, il est bon de faire remarquer que les modifications apportées en 2015 à la LPRPDE, par le biais de la Loi sur la protection des renseignements personnels numériques, attribuaient au CPVP de nouveaux pouvoirs d'application de la loi, notamment la capacité d'obliger les organisations à conclure des ententes de conformité. De plus, l'évolution récente de la jurisprudence en matière de vie privée, en particulier la création de nouveaux délits civils basés sur la vie privée, couramment appelée « intrusion dans la sphère privée » et « publication de faits privés », incite encore davantage ces organisations à éviter les atteintes à la vie privée pour ne pas compromettre leur réputation et ne pas alourdir les indemnités accordées aux personnes lésées.
Pour ces motifs, le BAC n'estime pas que le CPVP a besoin de pouvoirs supplémentaires pour être en mesure de fonctionner de façon appropriée et remplir sa mission.
Je vous remercie de votre attention. Mon collègue Steven Lingard et moi serons heureux de répondre tout à l'heure à vos questions.
Les commentaires que nous allons vous présenter cet après-midi ont pour thème central l'idée que le cadre légal qu'offre la LPRPDE est très bien adapté à l'innovation.
L'application des principes de la LPRPDE en matière d'information honnête dans un environnement actuel extrêmement dynamique pour ce qui est des données, pose bien sûr certaines difficultés, mais il est évident que, dans l'ensemble, cette loi a donné de bons résultats et propose un régime élégant et efficace qui incite les organisations à traiter avec précaution les renseignements personnels lorsqu'elles élaborent et offrent des produits et des services extrêmement novateurs et utiles.
La réussite de la LPRPDE sous cet aspect et la raison pour laquelle la LPRPDE peut continuer à favoriser l'innovation dépend principalement des aspects clés suivants du cadre légal mis en place. La LPRPDE vise à concilier les intérêts des particuliers et les besoins légitimes des organisations dans le traitement des renseignements personnels, une opération de conciliation qui joue un rôle essentiel dans l'économie numérique d'aujourd'hui. Les règles de la LPRPDE sont fondées sur des principes et ont un effet technologique neutre. Un autre aspect est le principe de responsabilité dont s'inspire la LPRPDE.
La LPRPDE est encore très efficace aujourd'hui parce qu'elle a été rédigée d'un point de vue technologiquement neutre et sans préférence sectorielle et elle est bien conçue pour répondre aux considérations en matière de vie privée apparemment nouvelles que pourraient soulever les avancées technologiques. Au moment de procéder à l'examen de cette loi et d'envisager des modifications éventuelles, il est essentiel que la LPRPDE demeure neutre sur le plan technologique, étant donné que toute obligation légale qui vise un écosystème, processus ou élément numérique particulier risque de devenir obsolète et dépassé, peu de temps après son entrée en vigueur.
Il est également important de faire remarquer que, si l'on dit souvent que la LPRPDE est une loi basée sur le consentement, en pratique, l'aspect le plus important de la LPRPDE est le principe de responsabilité, parce qu'il fournit les règles qui régissent le cycle de vie complet du traitement des renseignements personnels par les organisations. Il est important de mentionner que le consentement exigé par la LPRPDE n'est qu'un aspect des obligations plus larges que cette loi impose aux organisations.
Le modèle de responsabilité mis en place par la LPRPDE est élégant et efficace puisqu'il rend les organisations responsables de leurs pratiques en matière de renseignements personnels et qu'il le fait de façon non impérative. Le principe de responsabilité ne doit pas être impératif parce qu'il accorde ainsi aux organisations la souplesse qui leur permet d'adapter concrètement leurs programmes de protection de la vie privée à l'industrie, au secteur d'activités, à la taille de l'organisation, à la nature des pratiques d'une organisation donnée en matière de renseignements personnels et en tenant compte de l'évolution des besoins commerciaux.
Je vais maintenant vous présenter quelques commentaires sur la viabilité pérenne des obligations qu'impose la LPRPDE en matière de consentement, comme vous l'avez déjà entendu dire.
Comme le Comité l'a entendu de la part des témoins précédents...
Comme le Comité l'a entendu de la bouche des témoins précédents, on parle de plus en plus activement dans le milieu mondial de la vie privée des défis concrets et juridiques que pose l'exigence légale du consentement dans un environnement où les données évoluent, mais malgré toutes ces difficultés, comme on vient de vous le dire, il est important de souligner que, dans de nombreuses situations, les obligations actuelles de la LPRPDE en matière de consentement demeurent un moyen concret et juridiquement viable qui accorde, aux termes de la LPRPDE, aux organisations le pouvoir de réunir, utiliser et communiquer des renseignements personnels dans l'environnement actuel, en utilisant ce que la Cour d'appel fédérale a qualifié d'approche pragmatique, souple et fondée sur le bon sens.
La collecte et l'utilisation de renseignements à des fins de publicité comportementale en ligne, ou ce qu'on appelle maintenant plus couramment la publicité axée sur les intérêts, est un exemple parfait de la viabilité des obligations en matière de consentement qu'impose actuellement la LPRPDE au sein d'un écosystème de données complexe.
En se fondant en grande partie sur les avis émis par le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada relatifs à la PCEL, l'Alliance de la publicité numérique du Canada, un organisme sans but lucratif, et un consortium qui regroupe le BPI et sept autres grandes associations nationales de commercialisation et de publicité, ont mis au point et lancé un programme appelé AdChoices, un programme canadien d'autoréglementation applicable à la publicité comportementale en ligne. Des douzaines d'acteurs clés de l'écosystème de la publicité en ligne et mobile ont adopté le programme AdChoices de l’Alliance de la publicité numérique du Canada, tout cela dans le but de faciliter la conformité avec la LPRPDE et dans l'ensemble, de renforcer la confiance de toutes les parties prenantes du secteur canadien de la publicité numérique.
L'obligation en matière de consentement prévue par la LPRPDE offre également un cadre utile au traitement des renseignements personnels qu'exige l'analyse des données ou de ce que l'on appelle également le traitement des mégadonnées. L'analyse des données fait partie inhérente de la recherche et les perspectives nouvelles découlant de l'analyse des mégadonnées qu'effectuent actuellement les entreprises débouchent sur des progrès majeurs et sans précédent sur le plan des avantages et de l'amélioration de l'efficacité et de la commodité ainsi que sur les nouveaux produits et les offres. Les dispositions de la LPRPDE en matière de consentement, en particulier le principe 4.3.3, envisagent concrètement les circonstances dans lesquelles les organisations sont amenées à traiter les renseignements personnels lorsqu'elles fournissent un produit ou un service, comme c'est le cas de l'analyse des données effectuée pour la recherche et le développement.
Dans le mémoire que nous remettons au Comité, nous présentons plusieurs recommandations au sujet des modifications à la LPRPDE et j'en parlerai brièvement cet après-midi.
Le cadre de la LPRPDE demeure viable, mais il est essentiel de veiller à ce que la LPRPDE puisse à long terme répondre aux défis que pose le modèle basé sur le consentement, étant donné que ces défis vont devenir de plus en plus aigus en raison de la complexité accrue des écosystèmes de données comme l'Internet des choses. La LPRPDE bloquera l'innovation si les entreprises ne sont pas certaines de posséder le pouvoir légal et viable que leur accorde la LPRPDE pour traiter les renseignements personnels. Certaines de ces difficultés peuvent être réglées en modifiant de façon très précise la LPRPDE dans le but d'élargir les cas où les organisations peuvent réunir, utiliser ou divulguer des renseignements en l'absence de consentement. Nous estimons que les modifications à la LPRPDE pourraient, si elles sont rédigées de façon appropriée, résoudre toute une série de défis en conciliant les intérêts de tous les intéressés.
Très brièvement, les modifications proposées comprennent, comme vous l'avez entendu dire il y a quelques minutes, ce qui suit:
Premièrement, élargir les motifs prévus par la LPRPDE qui autorisent, en l'absence de consentement, la collecte, l'utilisation et la communication des renseignements personnels pour des fins commerciales légitimes.
Deuxièmement, modifier la formulation de l'exception accordée à la recherche par la LPRPDE pour qu'elle comprenne expressément les analyses.
Troisièmement, moderniser les exceptions à l'obligation du consentement pour la collecte, l'utilisation et la communication de renseignements publiquement disponibles.
Et enfin, autoriser expressément les organisations à anonymiser les renseignements personnels sans qu'il soit nécessaire d'obtenir le consentement des intéressés.
Nous invitons les membres du Comité à nous poser des questions au sujet de ces recommandations.
J'aimerais faire un dernier commentaire. J'aimerais vous présenter des points de vue au sujet du caractère suffisant des pouvoirs actuels en matière d'application de la loi que la LPRPDE confie au CPVP.
La LPRPDE attribue actuellement au CPVP une série de pouvoirs lui permettant d'assurer la conformité avec la Loi et malgré les appels au renforcement des pouvoirs d'application de la loi qui ont été transmis au Comité, nous sommes convaincus qu'il ne semble pas exister de cas susceptible de démontrer que l'arsenal actuel des pouvoirs attribués au CPVP est insuffisant.
Bien au contraire, jusqu'ici le CPVP a très bien réussi à remplir la mission que lui donne la LPRPDE. Le CPVP est un organisme très respecté dans le milieu international de la vie privée depuis des années à cause de ses activités en matière d'application de la loi. À notre avis, il n'est pas nécessaire de renforcer ou de compléter les mécanismes d'application de la loi dont dispose le CPVP.
En outre, étant donné le souci de concilier les intérêts que reflète la LPRPDE, le régime légal d'application de la loi prévu par la LPRPDE contient une lacune remarquable; en effet, la Loi ne donne pas expressément aux organisations le droit de contester la façon dont le CPVP exerce ses pouvoirs actuels d'application de la loi.
Par exemple, les organisations n'ont pas le droit, expressément prévu par la Loi, de renvoyer une question à la Cour fédérale.
C'est pourquoi nous recommandons que la LPRPDE soit modifiée pour donner aux organisations le droit express de contester l'exercice par le CPVP de ses pouvoirs actuels d'application de la loi.
Je vous remercie encore une fois de m'avoir donné l'occasion de vous parler cet après-midi. Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
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Mon premier commentaire est que le RGPD est une mesure législative extrêmement complexe. Elle est encore à l'étude et il se déploie beaucoup d'efforts au palier mondial pour comprendre le sens de certains aspects de cette mesure. Nous venons de recevoir des orientations politiques de la part des organismes de réglementation de l'UE, qui ont commencé à préciser le sens de certains aspects de cette mesure.
Cela dit, j'ai eu l'occasion d'étudier cette loi pour ce qui est des mandats confiés par les clients et ayant passé des années à travailler avec des données, j'estime qu'il y a de nombreuses parties de la LPRPDE qui sont pratiquement semblables. Il y a bien sûr une différence sur le plan de la nature impérative de certaines dispositions — le RGPD est une mesure beaucoup plus complète et beaucoup plus impérative —, mais il y a des aspects de régime de responsabilité de la LPRPDE, qui ont été pris comme modèle au palier mondial, qui ne changeront pas et qui résisteront à l'épreuve du temps.
Le résultat est que l'adéquation est une question qui relève de l'UE et au minimum, j'estime qu'il conviendrait de procéder à un examen minutieux et y consacrer pas mal de temps pour comprendre plusieurs des éléments, qui, d'après ce qu'a déclaré le Commissariat de la protection de la vie privée, n'existeraient pas. Il y a des éléments, y compris celui que vous avez cité — le droit à l'oubli — et il y en a d'autres qui ne se retrouvent pas dans le RGPD.
À notre avis, du moins sur le plan concret de nos rapports avec nos clients et sur le plan de l'adéquation, ce document permet les flux transfrontaliers de données, même s'il existe d'autres mécanismes qui permettent la circulation transfrontalière des données et qu'il est possible d'adapter. C'est ma première remarque. Deuxièmement, il me paraît très important de ne pas entreprendre une révision précipitée de notre cadre légal, tant que nous ne comprendrons pas vraiment le sens de certaines dispositions, ce qui pourrait prendre pas mal de temps. Au minimum, nous allons obtenir à un moment donné l'avis des autorités de l'UE pour ce qui est du caractère suffisant de notre loi. Ce processus nous permettra de comprendre les nuances et les différences de ce qui nous paraît être des lacunes, et étant donné que c'est une mesure de l'UE, cela devrait servir de point de départ pour examiner la nature des véritables lacunes.
Je vais faire une seule remarque. Je l'ai déjà mentionnée, mais je ne peux pas lui accorder trop d'importance. Il y a de larges pans du RGPD qui pourraient, à mon avis, s'intégrer parfaitement à notre cadre actuel. Je pense que nous, les Canadiens, devrions être très fiers du fait que notre loi a résisté à l'épreuve du temps malgré les changements substantiels qu'a connus la situation mondiale.
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Je vais faire un commentaire initial.
Dans notre industrie, celle des assurances de personnes, nous concluons des contrats qui durent parfois 30, 40 ou 50 ans. Nous recueillons, dans le cadre de l'examen des demandes d'assurance, des renseignements qui pourraient être pertinents dans 40 ou 50 ans. Il y a un genre de renseignements que nous recueillons, à savoir des renseignements légitimes dont nous avons besoin pour étudier les demandes et il y a également les renseignements que nous sommes légalement tenus de recueillir, par exemple, dans le contexte de la lutte contre le blanchiment d'argent, etc.
Effectivement, pour ce qui est des renseignements obligatoires ou ceux qui sont nécessaires pour des fins légitimes, il serait très préjudiciable qu'une personne puisse dire tout à coup: « Je veux que ces renseignements soient supprimés. » Il peut y avoir des cas, comme vous l'avez dit, en ce qui concerne les enfants que l'on pourrait examiner. Bien évidemment, s'il s'agit de renseignements légitimes nécessaires, et si une personne conclut un contrat et fournit ces renseignements, elle ne devrait pas pouvoir dire: « Oublions tout cela. » Je suis certain qu'il existe d'autres cas où il y a lieu de conserver des renseignements pour des raisons valides.
À mon avis, il faudrait prévoir un seuil très élevé pour l'exercice du droit à l'oubli, dans ce genre de cas.
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Je me ferais un plaisir de vous répondre.
Nous avons été amenés, dans le cadre de nos nombreux rapports avec nos clients, à aborder cette question-là. Le meilleur point de départ est en fait votre référence à la COPPA. Avec la LPRPDE, comme nous l'avons entendu dire cet après-midi, le consentement est exigé. Les personnes de moins de 13 ans n'ont pas la capacité de fournir un consentement valable. De façon semblable à la COPPA, mais sans que cela soit formulé, si vous avez 10, 11 ou 12... Prenons un enfant de huit ans par exemple. Il faudrait le consentement de son tuteur ou d'un parent pour pouvoir traiter des renseignements le concernant.
Selon la common law, le consentement des mineurs est généralement exigé par rapport à la capacité de prendre des décisions, de sorte que cela dépendra énormément du contexte lorsqu'on parlera des jeunes de 12 ou 13 ans, l'âge mentionné dans la COPPA, ou de ceux qui ont atteint l'âge de la majorité, qui varie. Juridiquement, il faut se demander s'il est même possible d'obtenir un consentement dans ces circonstances. Quoi qu'il en soit, la LPRPDE contient toute une série de règles qui sont, comme je l'ai mentionné, neutres sur les plans sectoriels et autres.
Ces règles protègent donc les données sensibles, tout comme elles protégeraient tout autre type de données sensibles...