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Merci de m'avoir accueilli ici aujourd'hui.
Permettez-moi de commencer en soulignant que le sujet de notre conversation d'aujourd'hui, la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada, est essentiel. La communication d'information est essentielle pour assurer la sécurité nationale. Ce fait a été reconnu dans le rapport de la commission sur le 11 septembre aux États-Unis et, au Canada, dans le rapport de la Commission Arar, qui, en fait, découlait d'une commission d'enquête sur la façon dont une mauvaise communication d'information pouvait entraîner des violations des droits de la personne. Ce fait a aussi été reconnu par la Commission Air India dans le cadre de la commission d'enquête sur l'échec systématique de la communication d'information.
Dans la présentation que Kent Roach et moi avons préparée, nous voulons faire deux choses. Premièrement, je vais cerner les principaux défis liés à la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada. Puis, mon collègue Kent Roach formulera des suggestions sur la façon de peaufiner l'une des principales composantes de la loi habilitante, c'est-à-dire la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada, la LCISC, une loi qui faisait partie du projet de loi , en 2015.
Dans un premier temps, les lois canadiennes sur la communication d'information ayant trait à la sécurité nationale constituent un ensemble disparate et confus. Comme le faisait remarquer une note d'information interne du SCRS rédigée avant le projet de loi :
À l’heure actuelle, les ministères et les organismes de l’État se servent d’un ensemble disparate de pouvoirs législatifs pour orienter la communication de renseignement. […] Généralement, les lois habilitantes de la plupart des ministères et organismes d’État n’autorisent pas de façon non équivoque la communication efficace de renseignements pour les besoins de la sécurité nationale.
Cependant, la question qu'il faut se poser est la suivante: que doit-on faire à ce sujet? La note d'information du SCRS précise ensuite ce qui suit:
Souvent, les pouvoirs législatifs existants et les ententes de communication de renseignements permettent la communication d’information pour les besoins de la sécurité nationale. Avec des instructions précises et un cadre approprié, il serait possible d’apporter des améliorations importantes afin d’encourager la communication de l’information pour les besoins de la sécurité nationale, sur la base des pouvoirs législatifs existants.
Cependant, le projet de loi a plutôt réagi aux préoccupations légitimes au sujet de la compartimentation de l'information en ouvrant toutes grandes les portes dans le domaine de la communication de l'information, mais il l'a fait d'une façon tellement complexe et sans nuance, que la seule conséquence certaine est une réduction du droit à la vie privée des Canadiens.
Je vais maintenant énumérer certaines de nos préoccupations au sujet de la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada de 2015, la loi adoptée par l'intermédiaire du projet de loi .
Premièrement, la loi permet aux représentants du gouvernement du Canada de communiquer de l'information au sujet d'une nouvelle notion très vaste, celle des « activités portant atteinte à la sécurité du Canada ». Il est difficile d'exagérer à quel point une telle définition ratisse large, même comparativement aux définitions de portée générale existantes en matière de sécurité nationale comme celle de « menace envers la sécurité du Canada » contenue dans la Loi sur le SCRS ou du concept de « sécurité nationale » dans la Loi sur la protection de l'information, la loi canadienne portant sur les secrets officiels.
La seule exception prévue dans la LCISC à l'égard de la définition des « activités portant atteinte à la sécurité du Canada » vise les activités « de défense d'une cause, de protestations, de manifestations d'un désaccord ou d'expression artistique ». Cette liste portait initialement sur les activités « licites » de cette nature, mais, sous la pression des groupes de la société civile, le Parlement a retiré le mot « licites ».
Ce changement nous a renversés. Nous avions proposé de supprimer le mot « licites » pour ensuite recommander le même compromis que celui figurant dans la définition d'une activité terroriste dans le Code criminel, c'est-à-dire d'exclure à la fois les activités de protestations licites et illicites, mais seulement dans la mesure où elles n'étaient pas liées à la violence.
Des activités de protestations ou de défense des droits violentes d'une envergure suffisante peuvent être considérées comme un enjeu lié à la sécurité nationale, ce qui justifie la communication d'information. Cependant, en laissant simplement tomber le mot « licites », la nouvelle loi semble interdire tout nouveau pouvoir lié à la communication d'information relativement à toutes sortes de manifestations, activités de défense d'une cause ou de dissidence, peu importe leur niveau de violence.
Les avocats du gouvernement trouveront une façon de contourner cette exception formulée de manière insouciante. En effet, le Livre vert publié par le gouvernement renferme une solution inventée: on y précise que l'exception n'englobe pas les « activités violentes ». Même si elle sensée, ce n'est pas une norme énoncée dans la loi actuelle. C'est une prise de position politique qui n'est pas exécutoire et qui n'est nullement évidente à la lecture du texte législatif lui-même.
Deuxièmement, la portée démesurée du concept même de sécurité et de ce qui en est exclu est donc amplifiée par les pouvoirs d'exécution énoncés dans la loi.
La principale disposition d'exécution de la loi prévoit que plus de 100 institutions gouvernementales peuvent, à moins d'en être empêchées par une autre loi, communiquer des renseignements à 17 institutions fédérales — et peut-être davantage — si ces renseignements se rapportent à la compétence ou aux attributions de l'institution destinataire à l'égard d'« activités portant atteinte à la sécurité du Canada », « notamment en ce qui touche la détection, l'identification, l'analyse, la prévention ou la perturbation de ces activités ou une enquête sur celles-ci ». Ces termes ne sont pas tous définis, même s'ils pourraient l'être. Le fait de ne pas les avoir définis, que ce soit en modifiant la loi ou dans un règlement, risque de se traduire par l'application incohérente de nombreux termes contenus dans la nouvelle loi, un danger que le commissaire à la protection de la vie privée a déjà soulevé.
Troisièmement, en l'absence de normes définies de façon plus minutieuse, la seule protection, c'est que, dans le paragraphe 5(1) de la loi, le nouveau pouvoir de communication d'information s'applique « sous réserve des dispositions de toute autre loi fédérale ou de tout règlement [...] interdisant ou restreignant la communication d'information ».
Ce que cela signifie est incertain, mais nous croyons que la loi actuelle, la Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada, doit être appliquée conformément, entre autres, à la Loi sur la protection des renseignements personnels. Cette protection n'est pas idéale compte tenu des multiples exceptions que comporte la Loi sur la protection des renseignements personnels. C'est là quelque chose, mais nous ne savons pas trop comment interpréter les récents documents du Livre vert du gouvernement. On y lit que, puisque la nouvelle Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité autorise la communication, elle correspond à l'exception portant sur l'autorité législative de la Loi sur la protection des renseignements personnels, ce qui lui accorde la préséance.
Au bout du compte, toute l'architecture de la nouvelle loi est source de confusion et d'incertitude, et il faut régler ce problème.
Mon collègue Kent Roach vous parlera maintenant de certaines de nos propositions.
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Je tiens à remercier le Comité de nous avoir invités et de me permettre de comparaître à distance. Je me rends bien compte que ce n'est pas une situation idéale.
Pour commencer, j'ai travaillé pour les commissions Arar et Air India, et je tiens à rappeler ce que mon collègue a dit: nous devons faire les choses correctement dans le dossier de la communication d'information, et cette loi, qui a été rédigée rapidement et qui est de qualité médiocre, n'est pas à la hauteur.
Grâce à la saga Arar, nous avons pu constater les dangers de communiquer de l'information qui n'est pas fiable et qui n'est pas réellement nécessaire à la réalisation du mandat de l'institution destinataire. Cette situation met en lumière les dangers extrêmes pouvant découler d'une communication d'information excessive ou inappropriée.
Cependant, et c'est tout aussi important, la Commission Air India nous a appris les dangers de ne pas communiquer suffisamment d'information. En effet, l'une des choses qui ont été omises dans la loi, c'est la recommandation du juge Major, selon laquelle le SCRS devait obligatoirement communiquer les renseignements précis et pertinents dans le cadre de poursuites relatives aux infractions liées au terrorisme.
Plutôt que de créer un système qui mise sur une forme précise de communication d’information, ce que nous voyons est l’article 2 de la Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada, ce qui est un changement radical et ce, même comparativement à la définition générale de menaces à la sécurité du Canada au titre de la Loi sur le SCRS, qui existe depuis 1984. Pour ce qui est des modifications, l’une des premières choses qu’il faudrait envisager, c’est d’élaguer la définition vraiment trop générale figurant à l’article 2.
Je tiens à souligner que, pour que les Canadiens fassent confiance à cette communication d’information, il faut prévoir plus de limites dans la législation et il faut accroître la transparence au sujet de la communication d’information, parce que, comme mon collègue l’a souligné, si plus de 100 ministères peuvent communiquer de l’information en vertu de cette loi à 17 institutions destinataires ou plus, tous ces échanges se produisent à la lumière d’interprétations juridiques auxquelles le grand public n’a pas accès. On peut difficilement demander à la société civile ou au grand public de ne pas avoir de préoccupations et, en fait, de soupçons au sujet de la communication d’information, alors que nous avons une définition tellement radicale et générale d’« activités portant atteinte à la sécurité du Canada », y compris non seulement des sujets légitimes, comme le terrorisme, mais aussi, par exemple, une activité qui a lieu au Canada et qui porte atteinte à la sécurité d’un autre État. Selon moi, il est très important de revoir l’article 2.
L'article 4 de la loi compte un certain nombre de principes directeurs, et ces principes directeurs sont bons en soi, même si j'aimerais qu'on mette davantage l'accent sur la fiabilité de l'information communiquée. Le juge O'Connor dans le rapport de la Commission Arar a souligné qu'il devait y avoir des garanties que la fiabilité de l'information allait être abordée en plus du respect des mises en garde, ce qui est mentionné à l'article 4.
Le problème au sujet de l'article 4 actuel, c'est simplement que les principes sont là, mais ils n'ont pas de mordant, sauf si on exige le respect de protocoles grâce à la réglementation ou par l'intermédiaire de modifications apportées aux lois. C'est aussi quelque chose que le commissaire à la protection de la vie privée a mentionné.
Comme mon collègue l'a souligné, les articles 5 et 6 sont très mal rédigés. Il faut les rendre précis et clairs, parce que, malheureusement, le Livre vert reflète une ambiguïté fondamentale quant à la façon dont la loi sera interprétée.
Bien sûr, l’interprétation que nous trouvions viable et celle que nous préférions, soit que la loi ne possédait pas en elle-même le pouvoir de l'emporter sur la Loi sur la protection des renseignements personnels, est en partie invalidée dans le Livre vert. Le Livre vert nous donne une certaine idée de la façon dont les avocats du gouvernement interprètent la loi et, malheureusement, leur interprétation, comme celle des articles 5 et 6, est aussi limpide que de la vase, alors il est très, très important d’examiner ces deux articles très fondamentaux.
De plus, nous sommes favorables à ce que le commissaire à la protection de la vie privée a dit, soit qu’il ne faut pas simplement communiquer tous les renseignements pertinents et qu'il doit y avoir une certaine exigence concernant la nécessité. Nous aimerions ajouter ici que la jurisprudence de la Cour suprême, comme l’arrêt Wakeling, laisse entendre que la communication d’information — pas seulement l’acquisition d’information, mais la communication d’information, du genre qui est autorisé par la loi — est assujettie à la Charte, et par conséquent, une norme concernant la nécessité ou la proportionnalité serait beaucoup plus susceptible de résister à un examen minutieux fondé sur la Charte que la simple notion de pertinence.
Je tiens à souligner à nouveau pourquoi cette disposition et la question des activités du SCRS visant à contrecarrer les menaces sont probablement les deux éléments les plus controversés du projet de loi C-51 puisqu'ils font référence non seulement à la détection, l'identification et l'analyse d'activités, mais aussi à la prévention et à la perturbation de ces activités. Par conséquent, je crois qu'il faut indiquer clairement que cela n'élargit pas les mandats de l'ensemble des institutions destinataires.
De plus, pour revenir sur le thème de la raison pour laquelle autant de personnes au sein de la société civile ont raison d'être méfiantes au sujet de cette loi, l'article 9 offre une très grande immunité en matière civile. Cela non seulement agite le spectre de l'autorisation du genre d'activités de communication d'information qui ont nui à Maher Arar et à tant d'autres personnes, mais constitue un autre obstacle à l'obtention d'une indemnisation civile si des activités de communication d'information — et je tiens à souligner en particulier les activités d'échange d'information au sujet des menaces à la sécurité — sont préjudiciables à des personnes, qui pourraient très bien vouloir obtenir une indemnisation ou qui voudraient peut-être rétablir leur réputation.
La réputation de M. Arar a été rétablie, du moins au Canada, mais il ne faut pas par le fait même oublier que c'est en raison de l'événement extraordinaire que constitue une enquête publique. Un des aspects probablement les plus contestables du projet de loi C-51, c'est qu'il permet un régime de communication d'information très général, trop général et permissif. Il le fait d'une façon imprécise et mal rédigée, sans garantir qu'il y aura une communication obligatoire des renseignements qui sont les plus pertinents au sujet des menaces directes aux réels intérêts en matière de sécurité du peuple canadien.
Merci beaucoup.
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Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître aujourd'hui.
L'Association canadienne des libertés civiles est une organisation non gouvernementale indépendante et non partisane, qui, depuis 52 ans, s'efforce de protéger les droits et les libertés et, tout particulièrement, de lutter contre l'injustice et les actes répréhensibles. Nous soutenons des actions gouvernementales en conformité avec la Constitution qui permet d'assurer efficacement la sécurité. Il s'agit selon moi d'une importante mise en contexte avant d'y aller de mes commentaires aujourd'hui.
Nous sommes très préoccupés par la Loi sur la communication de l'information ayant trait à la sécurité du Canada, que j'appellerai la LCISC, et par toute la confusion supplémentaire provoquée par le Livre vert. J'ai cerné cinq considérations dont je vous ferai part aujourd'hui.
Premièrement, la communication d'information est une composante essentielle de la lutte contre les activités terroristes, mais une telle communication d'information doit être efficace. Cela signifie que les renseignements recueillis doivent être fiables et assujettis aux exigences constitutionnelles de nécessité et de proportionnalité et être visés par les garanties constitutionnelles, y compris des mises en garde sur l'utilisation, la conservation, l'accès et la communication. Tous ces éléments ainsi que des dispositions ayant force exécutoire manquent dans la LCISC.
La portée des renseignements dont la communication est permise découle de la définition dans la Loi des « activités portant atteinte à la sécurité du Canada », que nous trouvons étonnamment générale et qui peut inclure toutes sortes de renseignements inutiles et au caractère disproportionné sur des activités légitimes, reléguant ainsi en fait les Canadiens au rôle de suspects potentiels.
Deuxièmement, le cadre de communication d'information superpose une importante communication d'information et les structures de communication d'information imparfaites déjà en place au Canada. En effet, il y a 17 agences, dont seulement trois se sont dotées de structures d'examen, dans plus de 100 ministères. Encore une fois, des renseignements sont communiqués malgré des structures d'examen inadéquates ou inexistantes.
Même si nous comprenons que la LCISC contient peut-être certaines précisions qui serviront à des représentants zélés et hésitants, qui estimeront maintenant avoir le feu vert pour communiquer certains renseignements, le cadre en tant que tel ne fait absolument rien pour accroître la fiabilité des renseignements ou garantir que les principes constitutionnels de nécessité et de proportionnalité et les mesures de protection associées aux mises en garde sont respectés.
Troisièmement, l'augmentation et l'intégration des pouvoirs de collecte et de communication de renseignements ne sont pas accompagnées dans la loi de structures d'examen accrues et intégrées, et il s'agit là d'une importante préoccupation pour l'ACLC. Notre pays a été témoin de graves injustices découlant d'activités de communication d'information erronées, fautives et même mal fondées. Trois commissions d'enquête fédérales — Arar, Iacobucci puis Air India — ont formulé des observations et des leçons qui n'ont pas été appliquées, ni même, semble-t-il, reflétées, dans la LCISC.
Mon avant-dernier point, c'est que la LCISC fait intervenir l'article 7 de la charte des droits des particuliers. La définition d'activités portant atteinte à la sécurité du Canada est indûment vague et peut avoir un impact sur les droits à la sécurité et à la liberté des personnes, qui figurent à l'article 7.
Vu la structure du cadre, des violations peuvent se produire sans que la personne touchée ne le sache, et même si elle le sait, sans une structure d'examen appropriée, il est impossible de déposer une plainte, vu, justement, l'absence de toute structure d'examen ayant une compétence pour examiner tous les organismes qui ont le droit de communiquer de l'information.
Dans le passé, le gouvernement a déclaré que le commissaire à la protection de la vie privée et le vérificateur général avaient des pouvoirs d'examen, mais leurs mandats et ressources ne leur fournissent pas la compétence et les pouvoirs qui seraient requis pour examiner de façon appropriée les activités de communication de l'information réalisées au titre de la LCISC.
Comme l'ACLC l'a souligné dans sa demande, qui est en suspens devant les tribunaux, même les trois organismes d'examen actuels du SCRS, du CST et de la GRC n'ont pas le pouvoir d'exiger du gouvernement qu'il respecte certaines interprétations précises de la loi. De plus, le caractère secret des activités de communication rend toute défense contre une communication illégale illusoire.
Enfin, l'ACLC est très préoccupée par le fait que la communication d'information fait intervenir l'article 8 de la Charte tel que défini par la Cour suprême du Canada selon ses interprétations dans l'arrêt Wakeling. La LCISC permet une forme de communication d'information qui est déraisonnable au sens de l'article 8, et il n'y a aucun frein et contrepoids relativement à une telle communication.
Merci.
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C'est très difficile, parce que les renseignements se déplacent, et il est très difficile d'en faire le suivi. Ils peuvent se retrouver à différents endroits et dans différentes bases de données.
L'accumulation de renseignements au sein de différents organismes est un problème de toujours; il y a donc des mesures de protection. La première mesure de protection survient au moment de la collecte. Historiquement, la protection de la vie privée consistait à limiter la capacité du gouvernement de recueillir des renseignements d'entrée de jeu. Ensuite, une fois l'information recueillie, il y a la question de la conservation et de l'utilisation, alors les mesures de protection incluent des limites quant à la période durant laquelle l'information peut être conservée dans une base de données précise, avant qu'il faille l'éliminer. Cela inclut aussi des mesures des limites touchant la façon dont l'information peut être utilisée et, lorsqu'on parle d'« utilisation » de l'information, cela inclut aussi ces communications.
La mise en place de protocoles pour atténuer la transmission de renseignements d'un organisme gouvernemental à l'autre est probablement la meilleure chose que nous puissions faire, lorsqu'on y ajoute des activités de vérification efficaces par la suite pour garantir la conformité et le respect de ces directives.
Je soupçonne que Mme Pillay aura peut-être elle aussi certaines choses à vous dire à ce sujet.
Je suis d'accord avec tout ce que M. Forcese vient de dire.
En plus de la collecte, de la conservation et de l'utilisation, nous sommes aussi préoccupés par la question de l'accès, et nous sommes très préoccupés par ce qui peut se produire en l'absence de mise en garde. S'il n'y a pas d'ententes écrites sur la façon dont l'information est recueillie et de quelle façon il faut l'utiliser, et s'il n'y a pas de limites quant à la façon dont l'information est utilisée et à qui elle est communiquée, une fois que cette information quitte les mains d'une personne, elle est en dehors du contrôle de cette personne. Comme je l'ai mentionné dès le début, nous sommes très préoccupés par les injustices qui peuvent se produire lorsqu'un élément d'information est communiqué par erreur ou lorsque — comme dans le cas de Maher Arar , les renseignements qui sont communiqués sont remplis d'erreurs et de sous-entendus pouvant entraîner un grave préjudice pour une personne.
J'ai aussi mentionné, tout comme M. Roach, les nombreux enjeux soulevés dans le cadre de la Commission d'enquête sur le vol d'Air India, notamment les préoccupations au sujet des renseignements qui ont été cachés par erreur entre les organismes. Aucun de ces problèmes n'est réglé ou éliminé de façon appropriée par la LCISC et le Livre vert ne fournit aucun éclaircissement à ce sujet.
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Si les gens peuvent m'entendre, je n'ai aucun problème à répondre rapidement à cette question et à réagir à un autre point qui a été soulevé.
La préoccupation serait liée à l'alinéa 2(i), dans une situation où, si votre électeur se livre à une activité au Canada qui porte atteinte à la sécurité d'un autre État, même un État répressif, il est possible que cette information sera non seulement communiquée... mais, si vous regardez l'article 5, le critère associé, entre autres choses, aux activités de détection et de prévention est la pertinence.
Une des préoccupations soulevées au sujet du critère de pertinence, c'est qu'il permet l'exploration de données. Cette pertinence associée à la détection et à la prévention peut inclure un large éventail de renseignements qui, à eux seuls, peuvent être inoffensifs, mais qui, associés à d'autres renseignements qui sont accessibles dans les bases de données informatiques, peuvent révéler beaucoup de choses.
La dernière chose que je vais dire est liée à ce que mes collègues ont dit, soit l'importance des examens. Je crois qu'il est très important pour le Comité de ne pas examiner cette loi de manière isolée. L'absence d'une structure d'examen crédible dans toutes les institutions, combinée au fait que le gouvernement semble, dans le Livre vert, envisager sérieusement de tirer plus de données des métadonnées et d'autres sources, accroît ce que j'appellerais la méfiance justifiée de bon nombre de Canadiens à l'égard de la façon dont les renseignements seront communiqués, une fois qu'ils auront été recueillis par un organisme du gouvernement.
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Seulement de façon très générale. Les règles en matière de protection des renseignements personnels dans les différentes administrations varient beaucoup.
Pour ce qui est de la communication d'information à l'échelle internationale — ce sur quoi portait votre question précédente au sujet du Groupe des cinq —, de façon générale, il y a, à ma connaissance, relativement peu de lois au sein du Groupe des cinq permettant d'assurer une gouvernance minutieuse et exhaustive.
D'un autre côté, une des différences est que, de façon générale, les alliés du Groupe des cinq ont des cadres d'examen plus solides et plus complets. Lorsqu'il est question de communication d'information à l'échelle internationale, la difficulté, c'est toujours de concilier les examens nationaux réalisés par des organismes d'examen nationaux, et un processus internationalisé pouvant inclure les intérêts d'États étrangers. Je ne crois pas que quiconque a pour l'instant trouvé la solution parfaite à ce problème.
Pour ce qui est des lois nationales sur la protection des renseignements personnels, elles varient beaucoup. Je dirais que le Canada — comparativement à certains pays du Groupe des cinq — possède des lois assez solides en matière de protection des renseignements personnels à l'échelle nationale.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence parmi nous aujourd'hui.
J'aimerais revenir sur un point évoqué par M. Saini. Il a été question de la possibilité de transmettre à des pays étrangers des informations qui pourraient, dans certaines situations, compromettre la sécurité de personnes qui vivent dans un pays dominé par un régime répressif.
Pourrait-il y avoir une certaine forme de rempart à ce genre de situation? Pensons, par exemple, à l'information transmise en Arabie Saoudite par un Canadien qui communique avec quelqu'un de ce pays. Cette personne, qui vit sur le territoire saoudien, pourrait voir sa sécurité mise en danger si l'information se rendait aux dirigeants.
Existe-t-il un mécanisme qui pourrait empêcher la transmission d'informations lorsque cela mettrait une personne en danger dans certains pays?
Monsieur Forcese, qu'en dites-vous?
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Une des choses que je dirais, comme je l'ai souligné, c'est qu'il n'y a pas une loi précise régissant ce genre d'arrangement, et la loi actuelle qui est à l'étude durant l'audience d'aujourd'hui n'aborde pas directement la question de la communication d'information à l'échelle internationale.
Comme vous le savez peut-être, il existe des directives ministérielles produites par le ministère de la Sécurité publique qui remontent à 2011 et qui étaient destinées à l'Agence des services frontaliers du Canada, au SCRS et à la GRC; elles visaient à encadrer les situations où il y a une possibilité que la communication sortante de renseignements puisse mener à de mauvais traitements ou à de la torture. On tentait aussi de composer avec la possibilité que des renseignements entrants aient été obtenus sous la torture.
Au bout du compte, ces directives ministérielles ont permis la mise en place de protocoles visant à réduire au minimum ces risques, mais, en réalité, au bout du compte, les directives ministérielles laissaient la porte ouverte — dans les situations les plus difficiles — à la possibilité de communiquer de l'information si, du moins aux yeux des représentants responsables, le risque de torture peut être atténué d'une façon ou d'une autre.
Le problème, bien sûr, dans toutes ces situations, c'est qu'on ne peut pas nécessairement contrôler ce qui se produira en réaction à l'information une fois qu'elle sera communiquée. Selon le rapport de la Commission Arar, même lorsqu'il y a un motif de sécurité justifié, il existe des situations où il faut refuser de communiquer de l'information, et c'est probablement, honnêtement, la vérité. C'est un grand dilemme moral et éthique avec lequel la loi a de la difficulté à composer.
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Je suis tenté de décrire la nouvelle loi comme un effort de couvrir les fissures d'un toit avec du papier peint. En d'autres mots, on superpose un nouveau cadre juridique sur des règles juridiques déjà en place qui, elles-mêmes, sont un ancien ensemble de mesures disparates difficiles à interpréter.
Je vais vous donner un exemple: l'ASFC, l'Agence des services frontaliers, applique plusieurs lois dans le cadre de son mandat, et ces lois contiennent chacune des dispositions sur la communication d'information dans l'intérêt de la sécurité nationale, qui sont de nature générale. Cependant, ces dispositions utilisent toutes des termes différents et sont rédigées de façons différentes, alors un même organisme applique des normes différentes en vertu de différentes lois.
Si je devais faire une recommandation globale, ce ne serait pas de mettre en place une loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada pour dissimuler toutes ces fissures. Ce serait plutôt de se pencher sur les lois appliquées par tous les organismes et d'éliminer les règles différentes qui sont appliquées à la gestion de la communication d'information.
Je tiens aussi à ajouter que la Loi sur la protection des renseignements personnels contient elle-même un certain nombre d'exceptions qui permettent la communication de renseignements privés, y compris une dérogation liée à l'intérêt public. Dans les situations où un organisme estime qu'il est dans l'intérêt public de communiquer de l'information et que cet intérêt doit l'emporter sur la protection de la vie privée de la personne, l'information peut être communiquée.
En somme, je ne sais pas exactement quel problème cette loi tentait de régler, à part d'informer le gouvernement qu'on allait accroître la communication d'information.
Je dirais que oui, absolument, il faut en faire plus et, évidemment, les deux autres témoins sont des experts qui peuvent vous parler de ce qu'il faut faire.
En bref, comme je l'ai mentionné, nous demandons un cadre d'examen intégré. Un cadre d'examen serait différent d'un cadre de surveillance, comme M. Forcese l'a souvent dit. L'examen est réalisé après coup, mais il procure un élément de responsabilisation qui fait actuellement défaut et, puisqu'une bonne partie de ces organismes travaillent maintenant — comme je l'ai déjà mentionné — d'une façon de plus en plus intégrée, nous avons besoin d'un genre de structure permettant de réaliser de tels examens de façon intégrée.
Puis, au sein des organismes, je crois personnellement qu'il devrait y avoir un genre de — le mot utilisé par l'interprète est « contrôle ». Il devrait y avoir un genre de mécanisme de contrôle. Il faudrait mettre en place certains protocoles régissant ce qui est communiqué, quand et pourquoi.
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Merci beaucoup de la question.
Selon moi, c’est probablement une question qu’il faut laisser aux tribunaux, et je serais en faveur de l’élimination pure et simple de l’article 9 de la LCISC. La Cour suprême met actuellement au point des éléments de jurisprudence concernant les dommages-intérêts au titre de la Charte, qui incluraient les dommages-intérêts associés à la violation des droits à la vie privée. La Cour l’a fait d’une façon qui tient compte d'un large éventail de raisons d’attribuer des dommages-intérêts, une indemnisation pour des pertes pécuniaires et non pécuniaires, la justification et la dissuasion, tout en respectant les justifications gouvernementales. Ce que la Cour dit, c’est que, une fois qu’on a établi un droit à des dommages-intérêts, c'est au gouvernement de justifier pourquoi ces dommages-intérêts devraient être inappropriés ou pourquoi une autre réparation serait préférable. Selon moi, le paragraphe 24(1) de la Charte fournit un mécanisme plus souple pour gérer les dommages-intérêts.
Cela dit, j'ajouterais que les dommages-intérêts ne peuvent pas remplacer un examen efficace, parce que, comme le juge O'Connor l'a souligné, la plupart des gens ne savent pas si on communique des renseignements à leur sujet. M. Arar et d'autres Canadiens qui ont été torturés en Syrie — en raison de la communication d'information par le Canada — l'ont su en raison des conséquences dévastatrices qu'ils ont vécues, mais vous et moi ne pourrions pas savoir si, actuellement, certains renseignements à notre sujet sont communiqués. Par conséquent, même si des dommages-intérêts devraient être disponibles, nous ne devons pas nous y fier, et nous avons besoin d'une meilleure structure d'examen pour mener des vérifications indépendantes des pratiques en matière de communication d'information.
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Monsieur Forcese, en réponse à la question de M. Dusseault au sujet de la nécessité de toutes les dispositions du projet de loi C-51, ces dispositions étaient-elles nécessaires, ou y avait-il des lois déjà en vigueur qui étaient suffisantes et qui permettaient une communication appropriée d'information?
Vous avez mentionné la dérogation générale au titre de la Loi sur la protection des renseignements personnels, mais cependant, lorsqu'un crime catastrophique comme celui dans le dossier Air India a eu lieu — et c'était il y a 30 ans maintenant —, après que les commissions d'enquête subséquentes ont permis de mettre en lumière la communication déficiente entre les institutions, il y a eu un grand tollé. Dans l'éventualité où un crime de cette envergure se produisait à l'avenir, si on en venait à découvrir que les organismes d'application de la loi avaient des renseignements en leur possession, mais ne pouvaient pas ou ne voulaient pas les communiquer ou craignaient de le faire, je ne peux qu'imaginer le tollé général.
Bien sûr, le public accorde de la valeur à la protection de la vie privée. Nous le savons. C'est quelque chose que nous avons entendu dans le cadre des travaux du Comité, et c'est une bonne chose, mais, cependant, l'idée que les organismes d'application de la loi possèdent des renseignements et qu'ils omettent d'agir en conséquence serait aussi très perturbante pour les Canadiens. Si la dérogation était assez bonne... Je ne suis pas sûr que les Canadiens seraient d'accord. Cette loi existait même il y a 30 ans.
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Dans le dossier Air India, le problème tenait non pas à la loi qui était inadéquate, mais aux pratiques opérationnelles.
Pour ce qui est de la réticence à communiquer de l'information, dans un premier temps, la GRC et le SCRS ne sont pas vraiment touchés par la nouvelle loi en ce qui a trait à la communication d'information. Les dispositions actuelles qui sont en vigueur depuis 30 ans, comme vous l'avez mentionné, permettent la communication d'information entre ces organismes. Franchement, cette loi ne fait rien pour améliorer ou modérer l'échange d'information entre la GRC et le SCRS ni quoi que ce soit d'autre.
La question que soulèvent vos commentaires concerne la raison pour laquelle le SCRS serait réticent à communiquer de l’information à la GRC, ce qui est un problème récurrent, qu’on a constaté aussi récemment que dans l'affaire du groupe des 18 à Toronto. Le problème, ici, c’est ce qu’on appelle toute la question des « renseignements mis en preuve ». Le SCRS craint que, s’il communique de l’information à la GRC, les renseignements de nature délicate seront ouverts à divulgation devant les tribunaux en raison de la portée de notre Code criminel et des règles de communication prévues dans la Charte. Ça n’a rien à voir avec la présente loi. La situation est liée à la façon dont est structuré l’épineux problème des renseignements mis en preuve.
C'est la raison pour laquelle la Commission Air India a recommandé la création d'une clause conditionnelle afin de mettre en place un système en vertu duquel le SCRS communiquerait les renseignements à une tierce partie — un conseiller à la sécurité nationale avait été proposé — qui pourrait décider si l'information devait servir à des fins de renseignement ou aux fins de preuve dans un procès criminel. Au bout du compte, ce ne serait pas le SCRS qui prendrait la décision. Une entité externe au SCRS s'assurerait que, si une information était nécessaire dans un procès criminel, on y aurait accès.
On touche ici plutôt au domaine de Kent qu'au mien, alors je vais peut-être lui céder la parole pour qu'il puisse vous répondre lui aussi.
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Pour être honnête, nous ne savons pas. Nous n'avons jamais eu accès à un compte rendu des événements ce jour-là, à part un certain rapport censuré des services de police quant à la situation touchant la sécurité sur la Colline. On peut juxtaposer cet événement à la réaction australienne à un incident similaire survenu en décembre 2014 et à la réaction britannique au meurtre du fusilier Lee Rigby, en 2013. À la suite de ces événements, des rapports complets ont été produits sur le contexte des mesures prises par les services de sécurité. Les rapports décrivaient aussi les échecs opérationnels et la façon d'améliorer la situation.
En d'autres mots, nous n'avons pas procédé à un exercice de « leçons apprises ». Cela signifie qu'il est pratiquement impossible de regarder les événements d'octobre 2014 et de dire que, à coup sûr, si cette loi avait été en vigueur à ce moment-là, les choses auraient été différentes.
Ce que je soupçonne, à la lumière des renseignements publics, qui consistent principalement en des comptes rendus journalistiques, c'est que les dispositions du projet de loi C-51 ne donnent pas suite de façon concrète aux événements d'octobre 2014. Je ne peux nier que, dans certains de nos travaux j'ai parlé du fait que non seulement le projet de loi C-51 réagit de façon excessive, de certaines des façons dont nous avons discuté vu sa trop grande portée, mais, en même temps, il n'en fait pas assez en ne donnant pas vraiment suite aux points qui ont été soulevés dans le cadre de notre dernier échange sur les causes de l'écrasement de l'avion d'Air India.
C'est le fruit de la relation bizarre entre le SCRS et les services de police, ce qui signifie que nous ne faisons pas de notre mieux dans le cadre de nos enquêtes sur le terrorisme. C'est ce que j'aime exprimer en disant que, au chapitre de la sécurité nationale, au Canada, c'est « le monde à l'envers ». Selon moi, l'incapacité d'harmoniser les pratiques de communication d'information de ces deux organismes sous-tend une bonne partie des solutions de rechange qu'on voit à divers endroits dans le droit canadien, y compris le projet de loi C-51.
Si je devais fournir une recommandation au gouvernement actuel, c'est de régler ce problème, tout comme les Britanniques l'ont fait entre le MI5 et la police britannique. C'est ce qu'ils ont fait après les attaques du 7 juillet. Une fois que nous aurons réglé ce problème, nous déterminerons si nous avons besoin de toutes ces autres mesures qui, à première vue, semblent tellement extrêmes.
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Je vais tenter de formuler une réponse, parce que je sais que Mme Pillay aura aussi quelque chose à dire à ce sujet.
Je crois que M. Roach et moi serions dans le camp de ceux qui disent que le projet de loi C-51 tentait de régler des problèmes bien réels, mais comme je l'ai laissé entendre, qu'il a réagi de façon excessive à certains égards et n'en a pas fait assez, à d'autres endroits.
Pour ce qui est de ce qu'il faut faire, nous avons préparé un document de 37 pages en réaction au document de consultation produit par le gouvernement et nous proposons certaines mesures très concrètes qui permettront de faire de notre mieux pour améliorer le contenu du projet de loi C-51, tout en mettant de l'avant des choses comme la question des renseignements mis en preuve, élément qui, encore une fois, constitue selon nous un des problèmes sous-jacents du droit canadien.
Ce que nous vous dirions, c'est: réparez le régime, parce qu'on tentait vraiment de régler des problèmes bien réels. Cependant, ce n'est pas le point de vue de tout le monde.
L'ACLC a toujours dit qu'elle ne savait pas pourquoi le projet de loi C-51 était nécessaire. Nous savions qu'il y avait eu des événements tragiques. Nous étions tous d'accord pour dire que ces événements étaient tragiques, mais nous ne savions pas quelles étaient les lacunes législatives en cause dans l'incident d'octobre 2014 que venait corriger le projet de loi C-51. Ce que nous savons, c'est que le projet de loi C-51 crée un ensemble de nouveaux problèmes — des problèmes très graves — et cela nous préoccupe.
J'imagine que, en résumé, je vous dirais que les problèmes épineux que nous voyons dans le projet de loi C-51 doivent être réglés. Je suis aussi tout à fait d'accord avec M. Forcese et M. Roach, qui ont dit ailleurs que les problèmes que nous éprouvons en ce qui a trait aux renseignements mis en preuve doivent être réglés. Nous en revenons, d'une certaine façon, à la question que vous avez posée un peu plus tôt et à ce dont j'ai parlé dans ma déclaration préliminaire, soit qu'il n'y a rien dans la LCISC qui garantit que nous aurons accès à des renseignements fiables. Si l'objectif est d'assurer la sécurité des Canadiens et de les protéger contre les menaces terroristes et les activités terroristes, nous devons disposer de renseignements fiables, et ce n'est pas le cas.
Nous avons mentionné ailleurs dans nos observations le cas de William Binney, un dénonciateur aux États-Unis. Vous avez tous déjà entendu cette analogie, mais je crois qu'il faut la répéter aujourd'hui: si vous cherchez une aiguille dans une botte de foin, ne créez pas plus de foin. J'ai bien peur que c'est ce que nous avons fait, mais nous n'avons pas seulement créé plus de foin, nous avons aussi créé d'autres problèmes, ce qui est plus grave.
Je vais poursuivre dans une lancée similaire et demander à nos témoins de fournir d'autres commentaires sur les diverses lois et la communication d'information dans certaines situations.
Monsieur Roach et monsieur Forcese, je sais que, dans vos exposés, vous avez tous les deux mentionné que le cadre juridique sur la protection des renseignements personnels et la communication d'information est compliqué et fragmenté. Diverses lois permettent divers types de communication dans certaines situations, tandis que d'autres semblent limiter la communication dans des cas similaires.
Selon vous, quelle serait une façon de concilier les dispositions disparates dans un régime complet et raisonnable? De quelle façon entreprendriez-vous un projet de consolidation pour unifier les différentes dispositions au sein d'un organisme responsable? Votre analogie, monsieur Forcese, c'est qu'on a mis du papier peint pour cacher les fissures. Vous avez déjà formulé certains commentaires à ce sujet, mais je vais vous permettre de poursuivre et de nous dire de quelle façon vous répareriez les choses plutôt que de les recouvrir de papier peint ou d'une couche de peinture.
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C'est une question difficile, parce que cela exige de passer en revue beaucoup de lois, et c'est là beaucoup de travail. J'espérerais que le ministère de la Justice donne un coup de main.
Je vais vous donner un exemple dans le contexte du terrorisme, qui est, de toute évidence, pertinent dans notre conversation. Il y a une définition de ce qu'on appelle « activité terroriste » dans le Code criminel. Il y a une notion d'« infraction terroriste » dans le Code criminel. La Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada parle de « terrorisme ». La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés parle aussi de « terrorisme ». Certaines des dispositions qui sont liées à l’ASFC parlent des activités liées au terrorisme. En d’autres mots, il y a une prolifération de termes, et certains de ces termes, lorsqu’on finit par les utiliser devant un tribunal, ont été interprétés de façon différente. La notion de terrorisme dans le cadre du droit de l’immigration a été interprétée différemment par la Cour suprême de la définition d’activités terroristes dans le Code criminel.
Imaginez maintenant que vous êtes le responsable chargé de décider s’il faut communiquer de l’information parce qu'on a invoqué la notion de terrorisme dans la Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada et que vous devez jongler avec tous ces termes différents. Quelle définition faut-il choisir? Ce que j’aurais préféré, c’est qu'on ait une définition consolidée de tous les enjeux qui, selon nous, sont liés à la sécurité nationale. Il s’agirait d'une définition beaucoup moins générale que celle qui figure actuellement à l’article 2, et on garantirait que cette définition devienne le moyeu d’une roue plus grande. Elle serait au carrefour de toutes les dispositions sur la communication d’information qui existent dans d’autres lois, ce qui en ferait donc une définition consolidée. Cela exige cependant beaucoup de révisions des lois actuelles, et ce sera beaucoup de travail, mais probablement que le jeu qui en vaut la chandelle, parce que cela nous simplifierait la vie.
Je vais rappeler un des principaux points que j'ai soulevés au départ, et c'est le fait, que même avec le meilleur libellé juridique possible, on dépend tout de même des gens qui l'interprètent, ce qui signifie qu'il faut un cadre d'examen indépendant pour s'assurer que ces interprétations sont raisonnables.
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Je procéderais de façon un peu plus chirurgicale en ce qui a trait à l'élimination complète du projet de loi C-51.
Je crois que certains aspects du projet de loi C-51 ne passeraient pas le test de constitutionnalité ni le test de raisonnabilité. Le nouveau crime lié au discours qui préconise ou formente la « perpétration d'infractions de terrorisme générales » est tellement vaste qu'il inclut les discours qui pourraient bien être à des kilomètres de toute incitation à la violence. Il n'y a aucune justification pour cette infraction. De plus, je crois qu'on ne reconnaît pas assez la mesure dans laquelle les discours qui sont liés de près à la violence sont déjà une infraction terroriste en vertu des 15 ou 14 infractions terroristes qui existaient déjà avant le projet de loi C-51.
Cependant il y a d'autres aspects qui sont plus complexes. Prenez, par exemple, les pouvoirs de réduction de la menace du SCRS. Les gens auront des points de vue différents à ce sujet. J'estime qu'il est effectivement possible de penser que le SCRS devrait avoir la capacité d'agir concrètement — dans certaines situations limitées, c'est-à-dire d'être plus qu'observateur. Cependant, la façon de formuler une telle disposition est très différente de ce qui a été fait dans le projet de loi C-51.
L'autre limite actuellement du projet de loi C-51 en ce qui concerne les situations dans lesquelles le SCRS peut passer à l'acte est très extrême. La possibilité que le SCRS puisse, avec un mandat de la Cour fédérale, enfreindre les dispositions de la Charte va à l'encontre de notre tradition constitutionnelle. Qui plus est, cette possibilité est tout aussi contraire aux genres de pratiques qu'on constate dans d'autres administrations où on a mené des activités de réduction des menaces couronnées de succès.
Dans le contexte britannique, les activités de réduction de la menace du MI5 sont généralement dirigées de façon à faciliter les procès criminels. Selon les dossiers publics, au Royaume-Uni, les activités de perturbation consistent habituellement à s'assurer que la personne visée est arrêtée parce qu'elle n'a pas payé ses impôts locaux. Il y a peut-être une crainte terroriste derrière, mais ils ne peuvent pas y donner suite, alors les services de police intentent des poursuites pénales de bonne foi en fonction d'autres motifs. Par conséquent, il y a perturbation. Le système de justice pénale est tissé serré là-bas.
Nous n'avons pas forcé ce rapprochement selon la façon dont le projet de loi C-51 a été rédigé. La crainte de M. Roach et la mienne, c'est que la loi pourrait en fait être contreproductive. Les activités de réduction de la menace du SCRS pourraient être contreproductives au moment de trouver une solution pénale au terrorisme.
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Dans l'intérêt d'une divulgation pleine et entière, M. Roach et moi comparaissons deux fois aujourd'hui. Nous allons nous présenter devant le comité permanent responsable du projet de loi C-22. Nous avons déjà nos idées là-dessus, pour ainsi dire.
Je dirais que le projet de loi C-22 offre une solution nécessaire, c'est-à-dire qu'il offre aux parlementaires, pour la première fois dans l'histoire canadienne, une fonction d'examen liée à la sécurité nationale. Cela dit, je réitère les mêmes préoccupations au sujet de la portée de la divulgation d'information. Ce n'est pas seulement que le gouvernement peut, dans certaines situations, refuser de fournir l'information, il y a en fait des exclusions obligatoires, ce qui est assez inhabituel comparativement à ce que font nos partenaires du Groupe des cinq.
Au Royaume-Uni, les exclusions d'information sont discrétionnaires, et il y a un protocole qui a été négocié entre l'exécutif et le comité parlementaire pour faire en sorte que ces exclusions ne seront utilisées que dans de très rares cas. En d'autres mots, les dirigeants ne pourront pas exercer leur pouvoir discrétionnaire pour refuser de donner de l'information.
Dans notre système, il y a un ensemble de renseignements qui, au bout du compte, seront automatiquement exclus. J'ajouterai que, parmi les renseignements qu'on refusera automatiquement de fournir au comité du projet de loi C-22, il y a les enquêtes d'application de la loi en cours. Cette exclusion semble raisonnable, sauf lorsqu'on tient compte du fait que la GRC a encore une enquête en cours sur l'accident d'Air India.
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Je vous remercie de cette clarification. C'était très instructif, encore une fois.
J'aimerais revenir sur un point qui a été mentionné par plusieurs experts ainsi que par le commissaire à la protection de la vie privée, à savoir que l'étendue de la communication d'information ouvrirait la porte à la surveillance du gouvernement.
Actuellement, la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada comporte-t-elle de nouvelles façons que pourrait utiliser le gouvernement pour recueillir l'information ou encadre-t-elle simplement la communication de l'information?
Selon certains experts, cela augmenterait la surveillance des citoyens canadiens par le gouvernement.
Pouvez-vous confirmer que, dans la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada, il y a de nouveaux pouvoirs pour recueillir plus d'information que ce qui est déjà permis par la loi?
Mme Pillay pourrait peut-être répondre à cette question.
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Je ne vais pas répondre à la première question qui concerne la raison pour laquelle c'est arrivé, parce que cela exigerait que je porte un jugement politique, et je ne suis pas plus qualifié que n'importe qui d'autre pour formuler un tel jugement politique. Honnêtement, je ne sais pas pourquoi c'est arrivé. Il y a probablement un certain nombre de raisons.
Votre deuxième question est importante. Ce sont de réels problèmes. La sécurité nationale est un enjeu épineux. La façon dont il faut gérer ce dossier, tant légalement que d'un point de vue opérationnel, est aussi une question épineuse. Une des difficultés, au Canada, c'est que, à ce sujet, nous n'adoptons pas assez une méthode discursive; c'est-à-dire que l'expertise dans ce domaine a tendance à être monopolisée au sein du gouvernement. Le gouvernement a tendance à demeurer muet sur les enjeux touchant la sécurité nationale Il n'y a pas de diffusion de l'expertise, parce que nous n'avons pas une conversation, ou, du moins, nous n'en avions pas eue jusqu'à maintenant.
L'une des choses que M. Roach et moi avons dit à la suite du projet de loi C-51, c'était que, peu importe ce qu'on pense des mérites de ce projet de loi, on ne peut pas réaliser un autre processus du genre. Il faut avoir une discussion stratégique plus préméditée. Je crois que l'idée d'un processus de consultation sur la sécurité nationale — un processus que nous n'avons jamais eu avant — est très valable.
M. Roach et moi avons affirmé avoir des préoccupations au sujet de certains aspects du Livre vert, et c'est vrai. Cependant, nous n'avons aucune préoccupation concernant l'existence du Livre vert. Nous saluons les consultations qui ont lieu un peu partout au pays et que vous avez mentionnées. En tant que particuliers qui essayons de rester à jour, nous les apprécions, mais nous trouvons quand même le processus un peu exténuant. Ce processus encouragera ainsi la réflexion et l'expertise dans ce domaine et cultivera une telle expertise à l'extérieur du gouvernement.
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J'imagine que je devrai fournir la même réponse que j'ai donnée un peu plus tôt, soit que nous avons demandé, lorsque le projet de loi C-51 a été présenté, pourquoi il était nécessaire? Nous avions déjà des lois en vigueur. Nous n'avons jamais obtenu une réponse appropriée, et je ne sais pas pourquoi.
Ce que je sais, c'est que ce n'est pas une simple aspiration que de dire que nous devons nous assurer de mettre en place et de garder à l'esprit des mesures de protection constitutionnelles. Je demande instamment au Comité de se rappeler qu'il ne faut pas obligatoirement choisir entre la sécurité et les libertés civiques. Au contraire, je crois que nous pouvons seulement assurer une sécurité efficace lorsque nous veillons au maintien de nos libertés civiques.
Les libertés civiques n'empêchent pas, dans le contexte de la LCISC, par exemple, la communication de renseignements pertinents, nécessaires et proportionnels. Au contraire, ces libertés permettent de garantir que seuls les renseignements pertinents, nécessaires et proportionnels seront communiqués.
Nous avons accès à une grande quantité de renseignements fournis par trois commissions d'enquête fédérales qui concernent directement ces enjeux liés à l'information. Je tiens vraiment à demander aux honorables membres du Comité d'en tenir compte et d'y donner suite dans toutes les recommandations que vous formulerez.
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Je vais commencer, puis Kent pourra prendre le relais.
L'affaire Wakeling concernait des renseignements communiqués par la GRC aux autorités américaines au titre de ce qui est connu comme la partie VI du Code criminel, soit la disposition sur l’écoute téléphonique. Il était question des résultats de l’écoute téléphonique menée de façon licite qui était conforme à la Charte, et les renseignements en question ont ensuite été transmis aux États-Unis. La Cour suprême a conclu que, même si l’information avait été recueillie de façon licite, elle était tout de même assujettie aux dispositions sur la protection de la vie privée contenues dans la Charte qui devaient encadrer la façon dont l’information était communiquée.
Dans ce cas, la GRC, au titre de la partie VI du Code criminel, a réussi à prouver le caractère constitutionnel de cette communication d’information, parce que la structure de la partie VI était suffisante pour définir qui allait recevoir l’information et imposer des mesures de protection quant à la façon dont l’information devait être transmise. En cours de route, la Cour a souligné en passant que le dossier Arar était un exemple de situation où la communication d’information peut tourner au vinaigre.
Et maintenant, transposons les données relatives à ce dossier dans le contexte de la Loi sur le SCRS pour le service et dans le contexte de la Loi sur la défense nationale pour le Centre de la sécurité des télécommunications. Il n'y a absolument pas une telle architecture qui a rendu le Code criminel constitutionnel. On ne retrouve aucune trace d’une telle architecture dans la Loi sur le SCRS ni dans la Loi sur la défense nationale, et, malgré tout, ces deux organismes, le SCRS et le CST sont des joueurs centraux dans le domaine de la communication d’information aux fins de soutenir les activités du Groupe des cinq et d'autres intervenants.
Je crois que M. Roach et moi avons été surpris que le gouvernement ne saisisse pas l'occasion, soit dans le projet de loi C-51, ou, avant, dans le projet de loi C-44, de mettre en place une telle architecture de façon à ce que cette communication essentielle d'information s'appuie sur un fondement constitutionnel plus solide.
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Eh bien, je crois que ça dépend à qui vous posez la question. Le CSARS a vu son budget et ses effectifs augmenter en réaction aux nouveaux pouvoirs de réduction de la menace accordés au SCRS et au fait que le Service peut maintenant mener des opérations à l’étranger. Au bout du compte, tout organisme d'examen devra procéder à une vérification partielle. Ce ne sera pas possible, durant une année donnée, de vérifier toutes les activités d’un service, c’est inéluctable. On ne pourra pas reproduire l’ampleur et la portée des activités de l’organisme examiné.
D’un autre côté, si on met en place un système de triage à même l’organisme d’examen pour déterminer ce qui fera l’objet d’une vérification une année donnée et en tenant compte des enjeux juridiques et constitutionnels pouvant être soulevés par cette pratique, sa notoriété et son caractère nouveau et inédit, alors je crois qu'un CSARS ou un super CSARS qui possède des ressources raisonnables traiterait probablement en priorité les activités de collecte d’information au moment de choisir les cibles de ces vérifications, en raison des aspects sensibles connexes.
Bien sûr, la conséquence, c'est que les représentants de cette organisation n’examinent pas nécessairement d’autres choses, alors, au bout du compte, tout organisme d'examen devra procéder à un certain triage. Lorsqu’on pose la question des ressources, en fait, il faut déterminer combien d’activités de triage on est prêt à payer. Historiquement, je crois que le CSARS a été sous-financé compte tenu de la croissance du SCRS depuis le 11 septembre, mais la situation commence à se corriger.
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Merci, monsieur le président.
En réponse à M. Massé, je dirai que cela a été fait lors de la dernière législature, dans le projet de loi .
L'erreur que font trop de gouvernements est de répondre à des situations ponctuelles et uniques en adoptant des lois. Parfois, ces lois sont trop draconiennes et ont des conséquences insoupçonnées. De plus, elles ne sont pas nécessairement adoptées dans l'intérêt du public, mais plutôt dans l'intérêt politique d'un gouvernement. Malheureusement, plusieurs députés de la dernière législature sont tombés dans le piège du projet de loi .
Cela dit, j'aimerais revenir sur la question de la surveillance des organismes de sécurité nationale et de l'organisme qui sera créé si le projet de loi est adopté.
Que pensez-vous de la possibilité que les organismes de surveillance déjà en place et celui qui sera composé de parlementaires examinent les informations en temps réel plutôt que celles concernant des situations passées? Serait-il adéquat que tous les organismes de surveillance, incluant celui des parlementaires, puissent avoir l'information en direct et non pas après coup?
Ma question s'adresse à vous, monsieur Forcese.
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On discute souvent de la comparaison entre l'examen et la surveillance. Il existe une certaine confusion au sujet de ces termes, mais, en pratique, au Canada, la surveillance signifie le commandement, le contrôle et la coordination. L'entité de surveillance autorise les activités ou a un rôle à jouer dans leur autorisation.
L'examen consiste à regarder le rendement d'un organisme en fonction des normes établies. Habituellement, il s'agit de déterminer si le comportement de l'organisme était légal et conforme aux directives ministérielles.
L’examen est réalisé après coup, ou dans la mesure où l’organisme doit agir avant qu'on puisse examiner ce qu’il a fait, mais l’examen peut suivre de près dans la mesure où l’examen n'a pas nécessairement à être mené 20 ans après coup ou même un an ou un mois après. D’après ce que j’ai compris, les examens du CSARS sont réalisés de plus en plus tout de suite après l’opération en tant que telle, alors c’est tout de même après coup, mais pas de beaucoup.
Ce devrait probablement être la même chose pour le comité parlementaire prévu dans le projet de loi C-22, c'est-à-dire qu'il a la compétence de réaliser des examens. Il ne dirige pas ni ne contrôle la surveillance, et je crois que ce ne serait pas approprié pour cet organisme de le faire. C'est un organisme qui s'occupe d'examen, mais je ne crois pas qu'il devrait craindre de réaliser ses examens peu de temps après les opérations en tant que telles, tant qu'il n'y fait pas obstacle.
Là où il pourrait y voir une controverse, c'est la mesure dans laquelle l'exécutif peut refuser au comité l'information dont il a besoin pour réaliser ses examens en temps plus opportun.
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Chers membres, je ne m'attendais pas à être président. Si vous me le permettez, j'ai quelques questions à poser.
Nous avons appris au cours des dernières années, principalement grâce à CBC, l'existence de divers programmes réalisés par le CST, comme EONBLUE, dans le cadre duquel des capteurs ont été intégrés au réseau de base d'Internet, et l'impact et l'inspection ont été utilisés pour balayer une grande quantité de données qui transitent sur Internet.
Il y a d'autres programmes comme Levitation, si je ne me trompe pas, qui examinent de 10 à 15 millions de téléchargements pour trouver des événements suspects, puis transmettent les résultats à nos organismes de sécurité.
Dans un autre cas, on a examiné le wi-fi dans un aéroport canadien, et des métadonnées de Canadiens ont été stockées et analysées dans le cadre d'un projet pilote.
Le CST recueille beaucoup d'information. Il n'est pas censé espionner les Canadiens, mais il peut le faire par inadvertance. Lorsqu'il possède de tels renseignements, vu le libellé actuel de la LCISA, si un organisme d'application de la loi voulait obtenir des données au sujet d'un Canadien, techniquement, il devrait obtenir un mandat dans la foulée des dossiers Spencer et Wakeling.
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C'est un domaine où il y a un peu de confusion.
J’ai mentionné rapidement il y a quelques minutes qu'il y avait beaucoup d’incertitude dans ce domaine quant à la façon dont les diverses règles législatives sont interprétées par le gouvernement. Un des domaines d’incertitude concerne la pratique qu'on pourrait appeler processus des expurgations. Le CST, dans le cadre de ses activités de renseignement à l’étranger et ses activités, peut acquérir des métadonnées, et ces métadonnées peuvent inclure des métadonnées d’une source canadienne en raison de la nature d’Internet. Il ne dirige pas ses activités vers les Canadiens, mais il peut obtenir certaines données canadiennes dans le cadre de ses activités.
Par la suite, lorsqu'il communique ses produits d'analyse concernant ces métadonnées, il est censé réduire au minimum les renseignements permettant d'identifier des Canadiens. En d'autres mots, il doit expurger les renseignements permettant d'identifier des Canadiens. Ce caviardage peut être enlevé à la demande du SCRS et de la GRC.
La question, qui, selon moi, reste sans réponse, concerne le fondement juridique de cette demande. De ce que j'ai vu, il est clair qu'il faut se conformer à la Loi sur la protection des renseignements personnels dans la mesure où toutes les parties s'entendent sur le fait qu'elles doivent s'y conformer. S'il y a une enquête, le SCRS peut demander à ce que le caviardage soit enlevé dans le cadre de son enquête.
Ce que je n'arrive pas à comprendre, c'est s'il faut aussi présenter un mandat, parce que, s'il n'y en a pas, alors le SCRS peut tout de même avoir accès à des renseignements qu'il ne pouvait pas recueillir licitement lui-même en raison de la collecte par inadvertance de telles données par le CST. En plus, les activités de collecte du CST n'ont jamais été supervisées par un juge indépendant. Par conséquent, il reste à voir, selon moi, si, quand le SCRS ou la GRC demande que le caviardage soit retiré, ils doivent le faire avec un mandat. En d'autres mots, je ne sais pas.
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J'admets que je parle peut-être à des gens qui ont tendance à déjà s'intéresser à cet enjeu, mais j'ai bien sûr aussi parlé à des gens qui ne s'y intéressaient pas.
Cependant, j'ai vu des Canadiens se réunir relativement au projet de loi C-51 et j'ai constaté un niveau de préoccupation au sujet de la portée des activités de collecte d'information que je n'avais pas vu au cours des dernières années. À la lumière de ces faits, en fonction des réactions que l'ACLC a reçues à la demande que nous avons formulée et des motifs très précis figurant dans notre demande qui concernaient la LCISC en particulier et aussi, de façon générale, le projet de loi C-51, je répondrais que nous avons eu beaucoup de soutien parmi les Canadiens.
J'aimerais aussi souligner que d'autres collègues dans d'autres organisations de défense des libertés civiques ont rédigé des pétitions qui ont été signées par des centaines de milliers de Canadiens, alors je crois que les Canadiens sont très préoccupés. Nous ne voulons pas d'une société où le gouvernement est partout, et sait tout, tout le temps. Nous ne voulons pas d'une société où la surveillance est totale.
Nous reconnaissons aussi dans notre pays qu'une dissension et une protestation légitime et que des désaccords et des contre-discours sont des droits protégés par la Constitution au Canada, peu importe si ces opinions visent le gouvernement canadien ou un gouvernement étranger. Tant qu'il n'y a pas de violence, ce sont des activités qui sont protégées. Selon moi, à la lumière des personnes qui se sont inscrites et qui ont fait des dons dans le cadre des campagnes qui ont été lancées à ce sujet, les Canadiens sont tout à fait favorables à ce qu'on protège notre vie privée et qu'on s'assure que tous les renseignements communiqués sont nécessaires et proportionnels.