ETHI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mardi 11 avril 2017
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bienvenue à tous à cette 56e séance du Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique.
Conformément à un article du Règlement et à une motion adoptée antérieurement, nous sommes heureux d'accueillir des représentants du CANAFE pour une séance d'information. Nous entendrons, du Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, M. Gérald Cossette, directeur, qui n'en est pas à sa première comparution, et M. Barry MacKillop, sous-directeur chargé des opérations, de la conformité et du renseignement.
Merci d'être là, Barry.
Nous accueillons également M. Paul Dubrule, avocat général.
Messieurs, merci beaucoup. Nous avons environ une heure pour discuter des questions que nous voudrions aborder. Si vous voulez d'abord faire une déclaration liminaire, et je présume que c'est vous qui interviendrez, monsieur Cossette, nous passerons ensuite aux questions. Une fois que nous serons satisfaits de nos échanges, ou au plus tard dans une heure, nous nous arrêterons.
Monsieur Cossette, vous avez la parole.
Merci, monsieur le président, de nous avoir invités pour discuter de la façon dont nous avons traité une demande d'accès à l'information qui portait sur la pénalité que le CANAFE a imposée à une banque canadienne en 2015.
Comme le président vient de le dire, je suis accompagné par Barry MacKillop, le sous-directeur des opérations, et Paul Dubrule, l'avocat général du CANAFE.
J'aimerais prendre quelques minutes cet après-midi pour décrire le mandat du CANAFE et le rôle qu'il joue pour aider à protéger les Canadiens et l'intégrité du système financier canadien. Je fournirai ensuite des explications sur notre programme de pénalités administratives pécuniaires et la décision que j'ai prise relativement à la pénalité imposée à une banque canadienne.
[Français]
Le CANAFE a été créé en 2000 lors de l'adoption de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. À titre d'unité du renseignement financier, le CANAFE facilite la détection, la prévention et la dissuasion en matière de blanchiment d'argent et de financement des activités terroristes, tout en assurant la protection des renseignements personnels qu'il détient.
Les mesures législatives obligent les entités offrant des services financiers, les courtiers immobiliers, les entreprises de services monétaires, les casinos et d'autres entreprises assujetties à la Loi à mettre sur pied un programme de conformité interne, à vérifier l'identité des clients, à surveiller les relations d'affaires, à tenir certains documents et à déclarer certaines opérations financières au CANAFE, dont les opérations douteuses et les télévirements internationaux de 10 000 $ ou plus.
Dans le cadre du régime canadien de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes, le CANAFE assume à la fois des fonctions de supervision et de renseignement, ce qui lui permet d'évaluer efficacement les entreprises réglementées et d'assurer leur conformité, ainsi que de produire des renseignements financiers pour ses partenaires des services de police, de l'application de la loi et de la sécurité nationale.
Au cours de la dernière année, nous avons transmis 1 655 communications de renseignements financiers exploitables à nos partenaires des services policiers et des organismes d'application de la loi et de la sécurité nationale. Ces communications ont contribué aux enquêtes sur le blanchiment d'argent, sur le financement des activités terroristes et sur d'autres menaces à la sécurité du Canada.
Notre renseignement financier est de plus en plus apprécié de nos partenaires, qui l'utilisent pour orienter, définir ou élargir la portée de leurs enquêtes. Il leur permet d'obtenir les mandats de perquisition et les ordonnances de communication dont ils ont besoin pour recueillir des preuves et déposer des accusations criminelles.
Par exemple, il y a quelques semaines, la contribution du CANAFE au projet SILKSTONE a été soulignée par la Police provinciale de l'Ontario, à la suite de l'arrestation de nombreuses personnes qui auraient participé en Ontario, au Québec et aux États-Unis au trafic de 11 500 comprimés contenant du fentanyl et d'autres drogues illicites. Ce n'est qu'un exemple parmi les douzaines de fois au cours des dernières années où nos partenaires de la police et de la sécurité nationale ont remercié le CANAFE de les aider à assurer la protection des Canadiens.
[Traduction]
En décembre 2008, la loi a accordé au CANAFE le pouvoir d'imposer des pénalités administratives pécuniaires aux entreprises qui ne respectent pas leurs obligations prévues par la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes et son règlement d'application.
Que les choses soient très claires. Le régime de pénalités prévu par la loi vise à modifier le comportement des diverses entités et à les amener à se conformer à la loi. Il ne s'agit pas de punir des actes de blanchiment d'argent.
D'autres mesures sont en place pour traiter les situations où nous avons des motifs de croire que les entreprises facilitent des activités de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme ou qu'elles sont sciemment utilisées à ces fins. Cela comprend la communication des cas de non-conformité à la police. Toutefois, ces mesures n'étaient pas admises au moment où nous avons sanctionné une banque à cause de lacunes administratives l'an dernier.
En vertu de la loi, le CANAFE peut publier des informations précises sur une pénalité une fois terminées toutes les instances auxquelles elle a donné lieu. On entend par là que toutes les possibilités de révision et d'appel, y compris les instances judiciaires, ont été épuisées. Le CANAFE a établi et publié des critères pour orienter la prise de décisions liées à la dénonciation publique d'entreprises soumises à une pénalité.
Ces critères internes n'ont toutefois pas préséance sur le pouvoir que le Parlement a conféré au directeur du CANAFE par le Parlement, que I'article 73.22 de la loi autorise à publier ou à taire le nom d'une entreprise sanctionnée.
Lorsque nous avons imposé une pénalité à Manuvie pour manquement à la loi, j'ai exercé mon pouvoir discrétionnaire pour taire son nom. J'ai pris cette décision à cause de la nature administrative des violations. Je le répète: les violations commises par la banque n'avaient rien à voir avec le blanchiment d'argent ou le financement du terrorisme. Pour prendre ma décision, j'ai également tenu compte des mesures que la banque a prises pour régler le problème.
En décidant de ne pas dévoiler le nom de l'entité, nous avons aussi voulu éviter un processus judiciaire qui aurait pu être long. Nous avons constaté que les procédures judiciaires pouvaient prendre des années, l'information étant souvent sous scellé et les résultats incertains. En ne révélant pas l'identité de l'entité, nous avons pu lancer un message de dissuasion opportun aux 31 000 entreprises assujetties à la loi.
Dans nos réponses aux nombreuses demandes d'accès à l'information portant sur cette pénalité, nous avons dû tenir compte du fait que le nom de la banque n'avait pas été dévoilé et que nous avions signé un accord légalement contraignant avec Manuvie afin de mettre fin aux procédures judiciaires. Le CANAFE devait donc omettre des détails dans ses réponses aux demandes présentées en vertu de la Loi sur l'accès à l'information qui risquaient d'identifier la banque. Le CANAFE a aussi délibérément omis de communiquer des renseignements confidentiels et exclusifs fournis par l'entité.
[Français]
De plus, nous savions que l'identité de la banque était connue. Cependant, le CANAFE ne pouvait confirmer cette information. Par conséquent, le Centre a pris soin d'exempter de son évaluation de la non-conformité de la banque les détails qui, s'ils avaient été rendus publics, auraient pu causer préjudice à la position concurrentielle de l'entité ou lui causer des pertes financières. Cela aurait été contraire à l'objectif premier du programme de pénalités, qui, je le répète, est de nature non punitive.
D'après le nombre accru de déclarations que nous avons reçues des entreprises à la grandeur du pays et des discussions que nous avons eues avec elles à la suite de la publication de la pénalité, je crois qu'elles ont très bien compris le message de dissuasion.
Cela dit, il est toujours possible d'apporter des améliorations. Dans cette optique, je me suis engagé à travailler avec le ministère des Finances du Canada afin d'examiner les textes de loi visant notre programme de pénalités. Nous sommes également en train de revoir nos politiques sur les pénalités administratives de nature pécuniaire afin de nous assurer, entre autres, qu'elles établissent un juste équilibre entre le besoin de transparence et les exigences de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.
Je vous remercie, monsieur le président. Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.
[Traduction]
Merci beaucoup, monsieur Cossette.
Nous allons donner la parole à M. Erskine-Smith, qui posera les premières questions.
Merci beaucoup.
J'ai quelques questions à poser. Je crois savoir que, entre 2008 et 2013, les détails et les noms étaient régulièrement rendus publics. La politique de communication a ensuite été modifiée. Serait-il logique de revenir à la politique antérieure, compte tenu de ce qui s'est passé dans le cas de Manuvie?
Nous devons étudier chaque cas à part. Il est très difficile de généraliser l'approche à appliquer.
La politique a été modifiée 2013 parce qu'il m'a semblé que révéler le nom d'entités pénalisées pour de faibles montants leur donnait mauvaise réputation sans nécessairement modifier leur comportement. À ce moment-là, nous avons établi des critères différents pour la communication des noms.
Donc, une banque se fait imposer une pénalité de 1 million de dollars et son nom n'est pas divulgué. J'ai cependant sous les yeux des articles du Toronto Star selon lesquels le PDG d'Altaif Inc. aurait eu une pénalité de 42 600 $ pour deux violations semblables, soit d'avoir envoyé ou reçu des transferts d'argent de plus de 10 000 $. Son nom a été rendu public. Le nom d'une autre personne qui a reçu une pénalité de 12 750 $ a également été dévoilé.
Expliquez-moi la logique de vos décisions.
Commençons par le début du processus. Il y a d'abord une évaluation des entités fondée sur les risques. Nous essayons de repérer celles qui risquent le plus de ne pas se conformer à leur obligation de produire des déclarations. Non de blanchir de l'argent, mais de manquer à leur obligation de produire des déclarations. Cette étape achevée, nous procédons à un examen qui révèle un certain nombre de choses. Si l'entité n'est pas d'accord sur les résultats de l'examen, elle a le droit de demander une révision, qui est confiée à un service distinct du CANAFE. Ce service remet des recommandations au directeur au sujet du maintien des pénalités proposées par les enquêteurs, selon une série de critères ou en fonction de la nature des violations. Par exemple, il est possible de tenir compte de la capacité de payer de l'entité.
Puis, en fonction de ma réponse au sujet du maintien de la proposition de l'enquêteur ou de la modification de sa décision, les entités ont le droit de s'adresser aux tribunaux si elles le souhaitent.
Puis-je intervenir? Je m'y perds. Je croyais que le CANAFE avait comme politique de révéler le nom de l'entité si un de trois critères était respecté: lorsque la personne ou l'entité a commis une violation très grave...
M. Gérald Cossette: Effectivement.
M. Nathaniel Erskine-Smith: ... lorsque le montant de base de la pénalité est de 250 000 $ ou plus...
M. Gérald Cossette: Oui.
M. Nathaniel Erskine-Smith: ... et lorsque la personne ou l'entité récidive et se rend coupable de violations importantes.
M. Gérald Cossette: Oui.
M. Nathaniel Erskine-Smith: Si je comprends bien ces critères, comment se fait-il que le nom de la banque n'a pas été révélé?
Le nom de l'entité ne peut pas être révélé et la pénalité ne peut pas être imposée tant que le processus, qui comprend les instances judiciaires, n'est pas arrivé à son terme. Si une entité s'adresse aux tribunaux, il est possible que l'affaire soit placée sous scellé et on risque alors de ne jamais connaître le nom de l'entité, et la décision judiciaire peut se faire attendre pendant des années.
Entre l'incertitude d'un éventuel processus judiciaire et la certitude de la pénalité, avec son effet dissuasif, j'ai opté pour la pénalité sans divulgation du nom de l'institution.
Il n'y a presque jamais de mise sous scellé et il y a des critères très élevés à respecter pour que les tribunaux l'imposent. Dans les poursuites civiles ou pénales ordinaires... Je vais lire. L'auteur est Richard Leblanc, des universités York et Harvard:
La communication du nom de l'institution suscite l'intérêt des médias, mais les droits de la banque en matière de procédure restent intacts. Si une personne ou une entreprise est inculpée au civil ou au pénal, son nom est presque toujours divulgué, au nom de l'intérêt public et par souci de transparence, au moment de l'inculpation et non après le prononcé de la peine ou l'épuisement des droits d'appel.
Pourquoi traiter les banques différemment dans le régime du CANAFE?
Je peux répondre, monsieur le président.
Aux termes de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, la Cour fédérale est tenue d'envisager la possibilité de tenir des audiences à huis clos, de mettre les documents sous scellé et de s'assurer que toutes les procédures demeurent confidentielles. Des entités déclarantes ont adressé des requêtes aux tribunaux en vertu de cette disposition et ont obtenu le droit à une audition confidentielle.
Bien sûr, je ne conteste pas qu'il y ait des instances judiciaires, mais cela laisse ma question entière. S'il y a une affaire au civil et une affaire au pénal et si le nom est communiqué et les droits protégés en matière de procédure — si, au nom de l'intérêt public et par souci de transparence, le nom de l'entité est communiqué —, pourquoi devrions-nous agir autrement lorsqu'il s'agit d'une banque? La banque peut demander au tribunal de mettre le document sous scellé en vertu des règles, mais...
Est-ce le tribunal qui a demandé la mise sous scellé au départ, ou le CANAFE a-t-il pris la décision?
Il y a eu auprès de la Cour fédérale un appel en vertu duquel la Cour a dit que tout ce qui se rapportait à Manuvie devait être confidentiel.
C'est alors que les parties ont négocié un accord pour faciliter le versement de la pénalité, faire savoir que la pénalité avait été imposée et constituait une mesure dissuasive non seulement pour Manuvie, mais aussi pour toutes les autres entités, qui constateraient qu'une pénalité de plus de 1 million de dollars avait été imposée pour la violation en cause.
Monsieur Cossette, vous avez dit: « ... je suis conscient » que le fait de ne pas dévoiler le nom de la banque « a peut-être été à l’encontre des attentes du public en matière d’ouverture et de transparence ». Vous en tenez-vous toujours à ces propos?
Je crois comprendre, d'après ce que vous avez dit aujourd'hui, que vous restez fidèle à votre décision de ne pas dévoiler le nom de l'entité. Je reçois des messages contradictoires. Vous dites comprendre que la décision n'a pas été à la hauteur des attentes du public, mais vous avez déclaré aujourd'hui que, d'après vous, votre message de dissuasion a été clairement entendu, et que, à l'évidence, vous avez agi correctement du point de vue de la transparence et de la reddition des comptes. Comment concilier ces deux points de vue?
À ce moment-là, le problème se posait pour moi en ces termes-ci: faut-il courir le risque d'instances judiciaires qui mettront des années à donner des résultats ou lancer un message de dissuasion opportun? Certitude ou incertitude? J'ai alors opté pour la certitude et le message à envoyer. Compte tenu de l'augmentation du nombre de déclarations d'opérations que nous avons observées ensuite, je crois que le message a été clairement reçu par toutes les entités soumises au régime.
Pourriez-vous m'éclairer et, du même coup, préciser les propos entendus aujourd'hui? Si je comprends bien, il y a eu dans ce cas-ci négociation et accord avec la banque. On s'est entendu sur l'énoncé des faits et il y a eu accord sur le paiement d'une pénalité, et un accord pour ne pas dévoiler le nom de l'entité.
À la fin de votre réponse aux questions de mon collègue, vous avez dit croire que la façon dont les choses se sont passées a eu pour effet de modifier le comportement des entités et que vous avez constaté une amélioration de la conformité. Sur ce plan, y a-t-il eu une différence dans les déclarations avant et après le dévoilement du nom de Manuvie? Ou est-ce l'annonce de la pénalité qui a retenu l'attention de ce secteur?
Il est difficile de dire si c'est un fait ou l'autre qui a eu une influence.
Ce que nous savons avec certitude, et nous pourrions vous fournir des chiffres qui l'attestent, c'est que nous observons maintenant, comme nous le faisons depuis trois à cinq ans, une augmentation appréciable du nombre de déclarations d'opérations douteuses que nous recevons. L'an dernier, nous en avons reçu 125 000. Ce sont elles qui permettent les analyses financières. Par conséquent, si la raison d'être du régime — et c'est bien sa raison d'être — est de fournir des renseignements à nos associés chargés de l'exécution de la loi ou de la sécurité nationale, c'est le secteur privé qui est la première source de cette information. Ce sont les 31 000 entreprises qui contribuent à l'application du régime.
Toute amélioration de la qualité et de la pertinence des déclarations que nous recevons sur les opérations est précieuse pour le régime. C'est ce que nous observons depuis quelques années: le volume, la pertinence, la qualité et la transparence. À propos de notre relation actuelle avec le secteur bancaire, disons que nous avons participé au Projet Protection. Ce n'est pas tant le projet qui nous intéresse que le fait qu'il a été lancé par le secteur privé et non par nous. La relation évolue, et la crédibilité du CANAFE dans cette relation évolue également.
Très bien.
Voilà qui nous amène à un autre point connexe au sujet de la relation entre le CANAFE et les entités déclarantes. S'il y avait un accord pour ne pas dévoiler le nom de Manuvie, alors que nous savons tous maintenant que c'est d'elle qu'il s'agissait, comment cela va-t-il influencer les négociations ou les discussions futures qui pourraient se trouver devant ce même problème de pénalité et de communication de leur nom?
À l'avenir, nous tiendrons compte des circonstances du moment. Nous étudierons les résultats des examens, les mesures d'atténuation et le comportement de l'entité sur le plan de la conformité au régime et nous prendrons une décision en conséquence.
Je comprends que l'objectif soit d'assurer une meilleure conformité et la production de déclarations plus nombreuses, au lieu de sévir simplement pour sévir, et de modifier le comportement. Mais j'espère que nous continuerons d'obtenir une meilleure conformité, et que le fait que le nom soit d'abord tu, mais ensuite dévoilé ne constituera pas un obstacle.
Je vais maintenant céder la parole. Je ne suis pas sûr qu'il me reste du temps.
Bien sûr. Je n'ai qu'une question rapide, si vous n'avez pas d'objection, monsieur le président.
Je ne m'y retrouve toujours pas très bien. Dans le quatrième paragraphe avant la fin de votre déclaration, vous dites: « ... nous savions que l'identité de la banque était connue. Cependant, le CANAFE ne pouvait confirmer l'information. »
Voulez-vous dire que quelqu'un savait que c'était Manuvie, mais que vous...? Cette phrase me laisse perplexe.
Nous recevions des appels téléphoniques de journalistes qui demandaient s'il s'agissait de telle entité ou de telle autre. Il est donc évident que certains journalistes...
Ils demandaient simplement: « C'est celle-ci, celle-là ou telle autre? » De toute évidence, quelqu'un avait deviné juste ou appris quelque part l'identité de l'entité pénalisée. Même si le nom circulait et malgré le fait que nous ayons un accord de confidentialité avec Manuvie, nous ne pouvions pas confirmer qu'il s'agissait de Manuvie ou de quelque autre entité.
Nous avons déjà fait un certain travail, et nous le poursuivrons, pour établir si, en fait, la fuite est venue de notre organisation ou non.
Nous avons le résultat de la première étape, qui n'a rien révélé. Et nous passerons à la deuxième étape.
Merci beaucoup.
Je suis sûr que votre mot d'esprit aura échappé aux membres du Comité, monsieur le président.
Vous avez dit plus tôt qu'il y avait eu une modification de la politique au sujet de la communication du nom des institutions et des modalités de cette communication. Qui arrête cette politique? Le CANAFE lui-même?
C'est donc vous qui établissez la politique sur le dévoilement des noms.
Je suis certainement d'accord pour dire que la discrétion se justifie parfois et peut parfois constituer la meilleure politique. Avez-vous l'impression, cependant, que le fait de procéder au cas par cas, comme maintenant, risque de contribuer à saper la confiance du public, puisque les décisions semblent arbitraires ou que le nom de certains types d'institutions n'est pas dévoilé, alors que celui d'autres types d'institutions l'est?
Monsieur le président, pour amener le public à comprendre que nous n'agissons pas de façon arbitraire, il faut expliquer à répétition les motifs qui fondent les décisions. Pour nous, c'est la meilleure façon de faire. Le public pourra ainsi constater que la décision a été raisonnable, compte tenu des circonstances. C'est ainsi que notre organisation va continuer à renforcer sa crédibilité.
Vous ne pensez donc pas que le type d'accord de non-divulgation conclu avec Manuvie vous empêche d'expliquer clairement la façon dont les décisions sont prises et les motifs qui les fondent?
Si nous avons signé un accord avec Manuvie, c'est pour éviter de longues instances judiciaires qui auraient pris des années. Au terme du processus, il aurait été possible que les gens ne comprennent pas pourquoi l'inculpé avait été sanctionné. Nous n'aurions eu aucun contrôle sur la décision des tribunaux non plus. Je le répète, à choisir entre l'incertitude — attendre des années avant de connaître la décision, pour peu qu'elle vienne — et l'effet dissuasif, nous avons opté pour l'effet dissuasif.
Craignez-vous que le raisonnement que vous avez tenu dans ce cas risque de faire apparaître des situations où des entités nanties et dotées de moyens juridiques suffisants pour vous menacer d'une longue bataille juridique obtiendront un traitement de faveur? En effet, ce sont elles qui sont en mesure de brandir cette menace; elles risqueraient moins de voir leur nom dévoilé parce qu'elles ont des ressources et non à cause d'autres facteurs? Ainsi, les parties qui n'ont pas les mêmes ressources juridiques et financières auront leur nom dévoilé parce qu'elles ne peuvent pas menacer d'imposer des délais, alors que les institutions importantes comme les grandes banques qui ont les moyens voulus pourront éviter d'être connues en faisant jouer la menace de longues poursuites.
Monsieur le président, il serait mal venu de ma part de dire quoi que ce soit sur l'accès au système de justice.
Très bien, d'accord. Je ne veux pas parler de l'accès d'une organisation donnée au système de justice. Vous ne pensez donc pas que cet accès, si tel est le facteur qui a justifié votre décision, est un élément qui influe sur le type de poursuite qui peut être entrepris?
Dans le cas des clients modestes, qui n'ont pas ces ressources... Traitez-vous le risque de poursuites de la même façon pour toutes les organisations, indifféremment de leurs ressources? Faites-vous abstraction des ressources juridiques et financières des institutions lorsque vous prenez une décision fondée sur le risque de retards attribuables à des démarches judiciaires?
Oui, nous en faisons abstraction parce que, par le passé, nous avons vu des organisations dont les moyens variaient s'adresser aux tribunaux à cause des pénalités imposées.
Le problème ne tient pas tant à la capacité financière des différentes entités de s'adresser aux tribunaux. C'est plutôt que les tribunaux risquent d'imposer la mise sous scellé, de sorte que le processus judiciaire réduit à néant l'effet de dissuasion ou de transparence. C'est là-dessus que la décision repose.
Je peux comprendre que vous fassiez abstraction des ressources juridiques du point de vue de l'argument procédural, mais si le fondement de la politique est que vous devez prendre ces décisions au cas par cas pour pouvoir exercer votre discrétion, l'idée même de la discrétion n'est-elle pas liée à la volonté de tenir compte de tous les facteurs qui jouent?
Si vous réclamez la discrétion, pourquoi dites-vous par ailleurs que vous voulez faire abstraction de certains aspects de la situation que vous êtes invité à évaluer au cas par cas?
Il appartient à l'entité de décider de s'adresser aux tribunaux ou non. Plusieurs raisons peuvent motiver cette décision, notamment l'espoir de l'emporter dans son différend avec nous sur les violations. Son choix repose sur sa propre analyse de ses chances de réussite devant les tribunaux. Je ne peux rien dire de la taille relative des différentes entités.
Ce que nous savons et ce que l'expérience fait ressortir, c'est que des entités de tailles différentes, aux capacités financières variables, ont cité le CANAFE devant les tribunaux sur la base de leur évaluation de la situation.
Votre collègue a dit que l'appel interjeté auprès de la Cour fédérale a été, sauf erreur, l'un des facteurs prépondérants qui vous ont amenés à négocier avec Manuvie pour parvenir à cet accord.
Si Manuvie n'avait pas encore interjeté appel auprès de la Cour fédérale ou ne l'avait jamais fait, si vous faites abstraction de certains faits comme vous l'avez dit, votre décision n'aurait-elle pas été la même, en fin de compte, puisqu'il était possible de s'adresser aux tribunaux? Ou bien le fait que Manuvie se soit effectivement adressée à eux a-t-il influé sur votre décision?
Monsieur le président, je ne suis pas sûr de comprendre la question. Je ne crois pas qu'il soit acceptable de revenir en arrière pour prendre de nouveau la décision à la lumière de circonstances différentes.
J'essaie de comprendre, pour les cas qui surgiront à l'avenir, si le fait que les entreprises ou les institutions font une contestation judiciaire est pertinent ou non, étant donné que vous ne tenez pas compte de leur capacité et de leurs ressources à cet égard. Ma question est sans doute la suivante: cette intention et le fait qu'un appel a été interjeté ont-ils été l'une des raisons qui vous ont incité à négocier? Le fait que l'entité ait pu mener une contestation judiciaire, d'après ce que vous dites, et le fait que vous ne teniez pas compte de l'ampleur de ses ressources juridiques peuvent-ils vous amener à prendre la même décision, que l'entité s'adresse aux tribunaux ou non?
Lorsque nous leur faisons connaître notre décision, les institutions peuvent se tourner vers les tribunaux, et nous devons alors agir en fonction de la position des tribunaux à ce moment-là. Elles peuvent aussi déclarer qu'elles veulent s'adresser aux tribunaux et alors, tant que le processus n'est pas terminé et que les diverses possibilités n'ont pas été épuisées, nous ne dévoilons pas leur identité et nous n'imposons pas de pénalités. C'est le facteur temps qui joue. Le fait de savoir qu'elles s'adresseront aux tribunaux n'influe pas sur notre décision. Nous les informons des pénalités, et les choses suivent ensuite leur cours.
Voici un passage de votre témoignage d'aujourd'hui: « ... les violations commises par la banque n'avaient rien à voir avec le blanchiment d'argent ou le financement du terrorisme ». Étant donné qu'il s'agit d'une amende de 1 million de dollars, pour quelles autres raisons le règlement vous autorise-t-il à imposer des amendes?
Nous considérons essentiellement l'obligation des entités de nous faire des déclarations. Elles sont tenues par la loi de signaler toutes les opérations en liquide de plus de 10 000 $ et de déclarer les télévirements internationaux. Elles doivent produire des déclarations d'opérations douteuses. Si elles constatent que des gens font des opérations financières douteuses qui peuvent être utiles dans le contexte du blanchiment d'argent ou du financement du terrorisme, des pénalités peuvent être imposées.
Nous pouvons aussi imposer des pénalités si les entités ne sont pas dotées d'un régime d'exécution, ce qui comprend des politiques, de la formation et divers processus. Nous établissons les pénalités en fonction du nombre et de la nature des violations. Puis, selon la taille de l'organisation, nous considérons aussi la capacité de payer.
Ce qui me préoccupe, en grande partie comme M. Blaikie, c'est que vous dites qu'il s'agit de décourager les 31 000 autres entités de se livrer à certains types d'activités. Pour moi, le grand danger, c'est d'établir un précédent qui permettra à toutes les entités de vous menacer de recourir aux tribunaux. Non seulement vous ne les dissuaderez pas, mais vous les encouragerez à s'adresser aux tribunaux si elles ont les ressources voulues. Supposons que ce ne soit pas vrai. La prochaine entité dont vous déciderez de dévoiler le nom pourrait contester la décision: « Ce traitement n'est pas équitable. Vous nous traitez très différemment de la banque. » Comment allez-vous gérer ces problèmes?
D'abord, monsieur le président, nous nous sommes retrouvés devant les tribunaux bien avant d'imposer une pénalité à Manuvie. La situation de Manuvie et le fait que nous avons tu son nom n'ont pas nécessairement incité d'autres entités à nous traîner devant les tribunaux. Cela s'est fait bien avant. C'est en 2009 que nous avons été cités devant les tribunaux. L'idée d'amener le CANAFE devant les tribunaux et de faire imposer le scellé sur les procédures remonte bien avant l'incident de Manuvie.
Deuxièmement, nous considérons chaque dossier pour ce qu'il vaut. L'examen de la banque A ne donnera pas les mêmes résultats que l'examen de la banque B. Quelles sont les violations? Dans quel contexte ont-elles eu lieu? Le régime est-il solide? L'absence de déclarations trahit-il la faiblesse du régime global? Tous ces facteurs sont pris en considération avant que nous ne disions que la pénalité sera de 1 million de dollars, de 2 millions de dollars ou de seulement 5 $, du reste.
Je comprends, mais le seul fait que vos décisions soient prises au cas par cas ne vous expose-t-il pas à vous accuser d'être arbitraire? Il y a là une certaine tension. Comme vous nous expliquez les complications du cadre juridique, du régime juridique, y a-t-il dans le règlement des lacunes qui vous semblent responsables de l'obligation où vous êtes d'interpréter et d'appliquer le règlement comme vous le faites? Y a-t-il quelque chose qui manque?
Le règlement est ce qu'il est pour l'instant. Nous travaillons en ce moment avec le ministère des Finances et nous cherchons le meilleur moyen de gérer le régime d'exécution, y compris le programme de pénalités. L'un de nos problèmes, au fond, c'est qu'il y a eu deux affaires, deux décisions judiciaires, qui forcent maintenant le CANAFE à revoir son programme d'exécution. C'est ce que nous faisons. Nous collaborons avec le ministère des Finances.
Nous essayons d'établir un lien plus solide entre les violations et leur valeur sur le plan du renseignement. Pour l'instant, les deux programmes ne sont pas reliés. Il y a une coupure, en quelque sorte. Nous essayons d'associer les deux éléments pour que notre programme, de l'exécution jusqu'à l'analyse financière et à la communication, suive la même logique. En ce moment, notre loi découle du Code criminel tandis que le programme des pénalités administratives pécuniaires se rattache au droit civil. Il y a donc une scission. Sur le plan réglementaire, nous essayons de réaliser la quadrature du cercle.
Merci.
Puisqu'il s'agit d'assurer une plus grande conformité en acceptant, dans ce cas-ci, de ne pas dévoiler le nom de l'entité, croyez-vous que le régime qui s'applique au Canada garantit une plus grande conformité que le régime américain, qui permet de communiquer le nom des institutions soumises à des amendes conséquentes?
Les deux régimes sont semblables, mais non identiques. Les Américains imposent des pénalités pour blanchiment d'argent alors que nous ne le faisons pas. Nos pénalités sanctionnent les manquements à la loi. Si, à la faveur d'un examen, nous remarquons des faits flagrants, nous pouvons les communiquer à la GRC, qui décide s'il y a lieu de lancer une enquête criminelle pour blanchiment d'argent.
Voici une citation:
Me voici aux États-Unis, où on dit: « Quelle sorte de système bancal avez-vous donc? Nous révélons le nom de nos grandes institutions! » Voilà ce que dit Garry Clement, qui a été membre de la GRC pendant 30 ans et qui se spécialise maintenant comme enquêteur des crimes financiers, formateur et conseiller en politique.
Que répondez-vous à M. Clement?
Les deux régimes sont différents. Le CANAFE ne peut pas imposer des pénalités pour blanchiment d'argent. Voilà le premier élément.
Dans le régime américain, il est possible de faire connaître le nom de l'institution et le montant en cause. Nous ignorons le résultat final qui est obtenu. Ce que nous savons, ce sont les faits rendus publics. Y a-t-il des négociations sur le montant final? Nous ne le savons pas.
C'est justement pour cela que cet ancien membre de la GRC, qui y a accumulé 30 ans de service, avance que le régime est plus solide aux États-Unis. On y publie le nom des institutions. Si nous voulons parler de dissuasion, je dirai que le dévoilement du nom est une mesure dissuasive extrêmement puissante. N'en sommes-nous pas conscients?
Vous dites que vous croyez que votre message dissuasif a été clairement entendu, mais nous renonçons à un important moyen de dissuasion en ne révélant par le nom de l'institution, n'est-ce pas?
Le régime américain n'est pas le nôtre. Lorsque, aux États-Unis, on impose des pénalités de centaines de millions de dollars, ces pénalités visent le blanchiment d'argent, non les manquements à l'obligation de faire des déclarations. Les institutions paient des amendes parce qu'elles ont commis des actes criminels.
Voilà qui met fin à ce créneau.
Monsieur Cossette, vous avez tout à fait raison. Vous ne faites qu'appliquer la loi que les gens qui siègent ici même ou leurs prédécesseurs ont adoptée. Nous ne devrions pas vous obliger à répondre d'une loi dont vous n'êtes pas l'auteur.
Y a-t-il d'autres collègues qui veulent poser des questions? Il nous reste quelques minutes. Vous avez terminé?
M. Jeneroux est le prochain sur ma liste, et ce sera ensuite M. Bratina.
Merci.
Dans le même ordre d'idées, si vous êtes ici, c'est en partie à cause de la fuite qui s'est produite. Vous avez terminé la première étape de votre enquête sur cette fuite. Vous en êtes maintenant à la deuxième étape.
À quel titre faites-vous cette enquête? Faites-vous rapport au ministère des Finances? Est-ce une enquête interne? Si le coupable est au service du CANAFE, allez-vous dire que l'affaire est réglée et passer à autre chose? Expliquez-moi les prochaines étapes.
Nous devions d'abord établir, et nous l'avons fait, s'il existait des moyens techniques de confirmer que l'information est venue du CANAFE. On nous a dit qu'elle était venue du CANAFE. Je ne peux pas présumer que c'est nécessairement le cas. Avant de...
Désolé, mais qui vous a dit cela? Cela est-il venu de votre enquête ou est-ce que ce sont les journalistes qui vous l'ont dit?
Non, cette information n'est pas venue de l'enquête. Le fait que la fuite vient du CANAFE nous a été révélé par quelqu'un de l'extérieur qui a dit: « Je connais le nom de la banque, et cela m'a été confirmé par quelqu'un du CANAFE. » En toute conscience, je ne peux pas présumer que c'est juste. Je dois donc agir avec prudence pour éviter que nous n'accusions des gens avant de connaître tous les faits.
Dans une première étape, nous essayons d'établir les faits. Deuxièmement, si nous avons l'impression que la fuite vient peut-être de notre organisation, nous allons établir clairement de qui il s'agit. Un nombre limité de personnes s'occupent de ce dossier. On ne peut pas dire que la fuite peut venir des quatre coins de l'organisation, mais nous devons agir avec le maximum de prudence, car nous devons confirmer un certain nombre de choses au lieu de lancer une chasse aux sorcières qui risque de ne rien donner. Voilà pourquoi nous sommes très prudents.
Ce sont ceux qui ont travaillé aux enquêtes, qui ont examiné le dossier, qui ont examiné l'appel, les avocats, moi-même et des cadres supérieurs...
Monsieur le président, je suis extrêmement désolé. Je déteste ce dernier passage: « Vous trouvez qui c'est. » Pour l'instant, rien ne prouve que la fuite vienne du CANAFE. Je voudrais que ce soit bien clair. Il n'y a pas de preuves et je n'aime pas beaucoup qu'on insinue qu'il y en a. Si nous trouvons un coupable, notre loi prévoit des mesures et nous les appliquerons. Mais jusque-là, je ne veux pas évoquer en public la possibilité que qui que ce soit, au CANAFE, ait commis un acte de cette nature, qui est très grave, aux termes de notre loi. Infiniment désolé.
Je croyais avoir demandé ce qui se passe une fois le coupable repéré. Cela ne veut pas dire que c'est un membre du CANAFE. Ce peut être quelqu'un de l'extérieur. Je prends note de ce que vous dites sur le fait que cette personne peut se trouver au CANAFE ou non.
J'essaie cependant de comprendre la démarche qui est suivie. Une fois la personne en cause repérée, qu'elle soit au CANAFE ou non, que se produit-il? Y a-t-il un mécanisme de rapport à quelque autre instance? La question reste-t-elle confinée au CANAFE? Quelles sont les étapes ultérieures?
Il se peut que cela reste au CANAFE, qui a un processus interne. Le personnel a des obligations, aux termes de notre loi et de notre code de déontologie. Selon nos constatations et les conditions dans lesquelles la fuite a eu lieu, s'il y a eu une fuite, nous déciderons de ce qu'il faut faire ensuite. Mais le processus prévu par l'organisation et la loi comprend des outils importants pour sanctionner ou inculper les présumés coupables. Nous avons des recours.
Je rappelle à mes collègues que les questions doivent se rattacher à l'esprit du mandat du Comité: l'accès à l'information, la protection des renseignements personnels et les questions connexes. Comme parlementaires, nous pouvons nous interroger sur l'efficacité de la loi, mais ce champ d'investigation relèverait d'un autre comité dont le mandat serait différent.
Mes collègues auraient-ils l'obligeance de tenir compte de ce fait dans leurs questions?
Monsieur Blaikie, voudriez-vous aborder un autre sujet?
Monsieur Bratina, je vous en prie.
Je serai bref. Il s'agit d'une énorme société, d'une multinationale depuis longtemps établie. J'ai vérifié. Elle a des actifs de 700 millions de dollars et un effectif de 34 000 personnes. Elle doit savoir ce qu'elle fait. En quoi a-t-elle manqué à ses obligations? Y a-t-il eu des oublis? Au moment de l'enquête, a-t-on avancé une explication, pour peu que vous puissiez nous le dire, sur ces manquements aux obligations? Est-ce au niveau de la gestion que quelqu'un a vu un document attestant l'envoi de 20 000 $ au Liban, par exemple, et ne l'a pas déclaré?
Au fond, que s'est-il passé?
Barry donnera peut-être plus de détails, mais il y avait essentiellement quatre choses. D'abord, compte tenu de la taille de l'organisation et de la maturité de Manuvie, nous nous attentions à trouver un cadre de conformité plus robuste sur le plan des politiques, de la formation et des procédures, et des examens du profil de risque plus fréquents par des cadres supérieurs. Voilà le premier élément.
Le deuxième, c'est que l'entité ne nous a pas déclaré une opération douteuse à propos d'une personne très précise qui était fort bien connue. Étant donné qu'elle savait que cette personne était notoire et qu'elle avait déjà déclaré les faits à des organismes d'exécution de la loi au Canada et aux États-Unis, cette déclaration d'une opération douteuse, du point de vue du renseignement, aurait pu nous être utile. Elle ne l'a pas déclarée. Elle n'a pas déclaré non plus un certain nombre d'opérations douteuses de 10 000 $ et plus. Elle n'a pas déclaré non plus un certain nombre de télévirements de plus de 10 000 $ tant au Canada qu'à destination de l'étranger.
Voilà donc les quatre principaux éléments, les principales violations, si on veut.
Qu'ont dit les gens de Manuvie? Comment cela a-t-il pu se produire et quelles sont les mesures prises pour que cela ne se reproduise plus? Quelle est leur approche?
Entre le moment où nous avons réalisé les examens et celui où nous avons imposé des pénalités, puisque nous devons analyser les résultats de l'examen, ils avaient déjà mis en place un certain nombre de mesures d'atténuation pour éviter que ces problèmes ne se reproduisent.
Ces problèmes surgiront-ils de nouveau? Le prochain examen le dira.
L'explication de ces mesures vous a-t-elle donné satisfaction? Semblaient-elles s'attaquer sérieusement au problème de non-conformité?
Oui.
Le fait qu'elles ne le faisaient pas... justifiait la pénalité d'un million de dollars à payer...
En fin de compte, vous dites que cela s'est répercuté dans l'industrie, que tout le monde a pris bonne note des faits et s'est mis en règle, en quelque sorte.
Je voudrais savoir clairement comment vous en êtes arrivés à cet accord permettant de ne pas dévoiler le nom de la banque. Au départ, c'est Manuvie qui a demandé à la Cour fédérale une sorte d'ordonnance de mise sous scellé provisoire, le temps que toute l'affaire se règle. Elle a obtenu l'ordonnance, ce qui lui donnait un certain poids pour négocier un règlement avec vous. Au bout du compte, il a été convenu de ne pas dévoiler le nom de l'entité.
C'est l'impression générale que je retiens...
Oui.
Manuvie a obtenu de la Cour fédérale une décision voulant que l'appel soit confidentiel, de sorte que, jusqu'à la fin du processus, il n'était pas possible de dévoiler le nom...
Ou mener les instances en privé, l'emporter et dévoiler le nom après le fait? Cela aurait été une autre possibilité.
Oui, sachant que... Prenons l'exemple d'une affaire qui s'est déroulée en public. Je peux donc en parler. Un litige au sujet d'une pénalité oppose la British Columbia Lottery Corporation à Interac. L'affaire a débuté en 2010, et elle est toujours en instance à la Cour fédérale. Dans ce cas, le nom de l'entité a été révélé parce qu'il y a eu une fuite, de la part de l'autre partie, au sujet de la pénalité.
Cela fait simplement ressortir la nature du processus du litige.
Bien sûr. Je peux comprendre, d'autant plus que la décision judiciaire rendue entre-temps a modifié les conditions des négociations.
Monsieur Cossette, je crois que vous vous êtes exprimé très justement lorsque vous avez parlé des attentes du public au sujet de la transparence et expliqué pourquoi vous souhaitez revoir l'ensemble de la politique sur la communication des faits. Avec le recul et en me plaçant du point de vue du public, je suis frappé du fait que le public devrait avoir le droit de savoir si ses institutions financières se font imposer des pénalités pour défaut de conformité.
On s'inquiète de l'utilisation du pouvoir discrétionnaire. Mes collègues Ehsassi et Blaikie ont dit qu'il y avait peut-être une disparité dans l'exercice de ce pouvoir à l'égard des grands et des petits joueurs à cause de la capacité de payer des avocats de haut vol. M. James Cohen, de Transparency International Canada, estime que nous devrions faire disparaître ce pouvoir discrétionnaire et énoncer clairement les critères qui régissent le dévoilement du nom des institutions financières, de façon que tous sachent à quoi s'en tenir.
Selon vous, serait-ce là une façon équitable d'aborder la question, étant donné votre expérience de l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire et la politique en vigueur depuis 2013?
Comme je l'ai déjà dit, monsieur le président, nous avons des échanges avec le ministère des Finances sur les éléments des programmes de conformité et de pénalités qu'il y aurait lieu de revoir.
Quelles seraient les conséquences, si le nom était dévoilé au début du processus? Nous devons aussi évaluer la question sous l'angle juridique.
Il faut être juste: cet échange porte sur l'efficacité de la loi, une question qui devrait être abordée au comité des finances ou au comité de la sécurité publique.
Non, il s'agit d'accès à l'information et du droit du public de connaître les institutions qui ont été soumises à des pénalités.
Je ne suis pas sûr que ce soit nécessairement la réponse qui a été donnée à votre question, monsieur Erskine-Smith.
Quoi qu'il en soit, veuillez poursuivre.
J'ai encore une ou deux questions à poser. Nous allons traiter directement de l'accès à l'information.
En 2016, une demande d'accès à l'information a été soumise, et un certain nombre de motifs ont été invoqués pour refuser de communiquer cette information.
Pourriez-vous résumer les raisons pour lesquelles l'information a été refusée, aux termes de la Loi sur l'accès à l'information?
Je ne sais pas au juste. Paul sait peut-être à quelle information vous faites allusion.
Le problème que nous avons éprouvé dans ce cas a été très différent de ceux que nous avons normalement. D'habitude, nous caviardons les documents conformément aux dispositions de la loi. Dans ce cas-ci, plusieurs facteurs expliquent la longueur des délais. Il y a eu notre accord de confidentialité conclu avec Manuvie, qui explique... Par exemple, nous savions que quelqu'un était au courant de ce nom. Par conséquent, nous avons dû caviarder de l'information qui, normalement, ne nous préoccupe pas. Ainsi, un numéro de téléphone permettrait de confirmer le nom de l'entité.
C'est à cause de cet accord de confidentialité? C'est en fin de compte la raison pour laquelle on a refusé de dévoiler le nom aux termes de l'AIPRP, n'est-ce pas?
Parce que le nom n'a pas été dévoilé en réponse aux premières demandes d'accès à l'information, d'autres renseignements qui auraient normalement été exclus, si le nom avait été connu, ont été rendus publics.
Bien sûr. C'est d'accord.
Ma dernière question porte sur l'équilibre dont le président a parlé entre la conformité, qui est un sujet à part, et l'intérêt public pour la transparence et la reddition des comptes. Je crois comprendre que les deux éléments s'opposent parfois. Entre 2008 et 2013, les noms étaient régulièrement divulgués, mais la politique est modifiée depuis 2013.
La conformité s'est-elle améliorée depuis 2013, si vous considérez cet équilibre?
Je crois effectivement que les entités s'acquittent beaucoup mieux de leurs obligations qu'elles ne le faisaient auparavant.
Nous pouvons examiner les types de lacunes et le nombre de déclarations que nous recevons maintenant et n'obtenions pas par le passé. Compte tenu des relations que nous avons maintenant avec les entités, nous pouvons dire que leur engagement et leur détermination sont bien différents, aujourd'hui, de ce qu'ils étaient en 2008.
Une dernière observation. Je vous exhorte à évaluer la conformité pour voir s'il y a eu une nette amélioration, car, en ce qui concerne la communication du nom des institutions financières, le public se soucie beaucoup de la transparence et de la reddition des comptes. Il veut savoir si certaines institutions manquent à leurs obligations. Si ma banque ne se conforme pas à la loi, je voudrais certainement le savoir.
Merci beaucoup.
Chers collègues, c'est là une chose que nous pourrons tous prendre en considération lorsqu'il s'agira de modifier la loi ou de produire, comme comité, des rapports assortis de recommandations à l'intention du gouvernement.
Merci aux témoins d'avoir comparu. Je leur en suis reconnaissant. Nous avons eu une discussion saine et franche. Ce n'est pas habituel, au Comité, mais cela est certainement précieux.
Merci beaucoup de votre patience, merci d'avoir compris les questions et d'y avoir répondu avec la plus grande franchise possible.
Chers collègues, nous allons faire une pause. Nous allons suspendre la séance et siéger un moment à huis clos pour discuter des travaux du Comité.
[La séance se poursuit à huis clos.]
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication