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ETHI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique


NUMÉRO 007 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 12 avril 2016

[Enregistrement électronique]

(0845)

[Traduction]

    Je vous souhaite un bon retour de cette relâche parlementaire plutôt longue. J’espère que mes collègues ici présents ont tous eu l’occasion de discuter avec leurs électeurs et même de se détendre. Nous en avons pour longtemps, car d’ici la fin du mois de juin, le Parlement siégera pendant neuf semaines, et il n’y aura que deux semaines de relâche. Nous avons beaucoup de travail à faire.
    Je tiens à remercier M. Lightbound d’avoir assuré la présidence pendant mon absence lors de la semaine précédant la relâche.
    Aujourd’hui, nous accueillons M. Drapeau, de l’Université d’Ottawa, qui n’en est pas à sa première comparution au Parlement. Bienvenue. Nous accueillons également l’ambassadeur de Suède, M. Per Ola Sjogren. Soyez le bienvenu, monsieur. Enfin, M. Toby Mendel, du Centre for Law and Democracy, témoignera par vidéoconférence.
    Messieurs, nous vous sommes reconnaissants d’être avec nous ce matin. Nous commencerons par vos exposés.
    Nous étudions la Loi sur l’accès à l’information. Pour vos exposés, vous avez 10 minutes chacun; puis, nous passerons aux questions. Je vais suivre l’ordre qui figure sur la liste.
    Nous commençons par vous, monsieur Drapeau; allez-y, s’il vous plaît.
     Merci de cette introduction, monsieur le président. Je remercie également les membres du Comité de m’accorder l’honneur de comparaître au Comité ce matin.

[Français]

     En guise d'ouverture, permettez-moi de vous dire que je m'intéresse depuis 1992  au fonctionnement de la Loi sur l'accès à l'information, et ce, à titre de demandeur au profit de mes clients, d'auteur d'un texte sur la Loi sur l'accès à l'information et de professeur qui enseigne le droit de l'accès à l'information.

[Traduction]

    Au cours des deux dernières décennies, j’ai assisté à l’érosion graduelle de la pertinence du régime d’accès à l’information. Je suis convaincu que cette situation ne tient pas tant de lacunes ou de la désuétude de la Loi sur l’accès à l’information qui empêcheraient la prise en compte de changements radicaux. À mon avis, cette descente dans l’insignifiance découle plutôt de deux facteurs interreliés.
    Le premier est l’effet conjugué du manque de volonté systémique des institutions fédérales à respecter l’esprit et la lettre de la Loi sur l’accès à l’information et de l’absence de surveillance par ceux qui sont tenus d’exiger des comptes à tout ministère récalcitrant ou fautif. Par conséquent, il n’existe aucune pénalité ou aucune réprimande relativement à la violation du droit d’accès quasi constitutionnel — une situation à laquelle s’habituent les Canadiens —, de sorte que le non-respect de la Loi sur l’accès à l’information est maintenant une pratique acceptée dans bien des secteurs de l’appareil fédéral. Chaque année, des milliers d’utilisateurs du régime d’accès voient leurs demandes d’information traitées dans le mépris total de leur droit à obtenir une réponse complète dans les délais prescrits par la Loi.
    Deuxièmement, seule une faible proportion des utilisateurs privés de leurs droits se prévaut du droit de porter plainte prévu dans la Loi. La plupart du temps, toutefois, ceux qui portent plainte doivent attendre un an ou deux, voire plus longtemps, pour obtenir une réponse. Évidemment, ils se rendent rapidement compte que plus ils attendent, moins leur plainte est pertinente. En outre, ces gens seront moins portés par la suite à se prévaloir du droit de porter plainte pour obtenir des informations. Cela se transforme en un cercle vicieux qui enlève tout pouvoir aux demandeurs d’accès.
    Je souligne au passage que pendant le dernier exercice, 78 000 demandes d’accès ont été présentées aux divers organismes fédéraux. De ce nombre, 1 600 dossiers ont fait l’objet de plaintes auprès du commissaire à l’information. Cela signifie qu’à peine 2 % des requêtes initiales ont fait l’objet de plaintes auprès du commissaire à l’information.
    Comme je l’ai indiqué dans mon mémoire, je suis préoccupé par le débat continu sur la réforme de la Loi sur l’accès à l’information. Premièrement, je suis contre l’idée d’accorder au commissaire un pouvoir d’ordonnance pour le règlement de certaines plaintes. Deuxièmement, je m’inscris en faux contre l’hypothèse non encore prouvée selon laquelle accorder un tel pouvoir au commissaire améliorerait le régime d’accès.
    Permettez-moi d’apporter des précisions.

[Français]

    Premièrement, je crois véritablement que l'intention de donner au commissaire le « pouvoir d'ordonner » désavouerait la validité même de la doctrine et des principes fondamentaux qui forment l'assise du régime d'accès. Cela transformerait le rôle du commissaire de façon magistrale, à savoir en celui d'un officier de justice n'ayant pas le moindre impact sur le sort de la très grande majorité des demandeurs d'accès.

[Traduction]

    Deuxièmement, je suis convaincu que les pères du régime d’accès ont trouvé la bonne formule dans le Livre blanc de 1977 en choisissant l’option parlementaire, une option qui donne au commissaire un droit d’accès au Parlement et l’oblige à rendre des comptes de son rendement directement à ce comité.
    Dans un tel scénario, le Parlement demeure un des acteurs principaux quant à la gestion et au contrôle du régime d’accès. Toutefois, comme je l’ai indiqué plus tôt, accorder à la commissaire un pouvoir d’ordonnance modifierait forcément cette relation. La commissaire deviendrait alors une fonctionnaire judiciaire qui serait, à ce titre, tenue d’agir judiciairement à l’égard du Parlement, des institutions fédérales et des utilisateurs du régime d’accès. De plus, cela obligerait également la commissaire à accroître davantage son effectif déjà important.
    Par conséquent, je suis loin d’être certain qu’accorder un pouvoir d’ordonnance au commissaire permettrait d’atténuer le malaise qui règne actuellement concernant le régime d’accès. Je suis plutôt d’avis qu’il ne faut pas modifier de façon importante le rôle fondamental du commissaire. Je propose et recommande que le vérificateur général mène un examen exhaustif et systématique de la structure, de l’organisation et de l’effectif du Bureau d’accès à l’information de façon à assurer la mise en place de la structure organisationnelle la plus économique et la plus efficace possible. À mon avis, ce n’est pas le cas actuellement.
    Dans le même ordre d’idées, je recommande aussi, pour le Commissariat à l’information et le Commissariat à la protection de la vie privée, la remise en place d’un service administratif commun semblable à ce qui existe actuellement au Service administratif des tribunaux judiciaires. Je recommande aussi de rationaliser les postes de gestion, d’administration et des services juridiques jugés redondants par le vérificateur général et d’utiliser ces ressources pour accroître l’effectif actuel d’enquêteurs, ne serait-ce que pour réduire l’arriéré important de plaintes. Actuellement, le temps de traitement est de deux ans.
(0850)

[Français]

     Dans mon mémoire, je m'attarde aussi sur 12 propositions de réforme. Par exemple, je propose que les coordinateurs de l'accès à l'information, qui sont éparpillés dans quelque 200 institutions fédérales, soient dorénavant nommés par le gouverneur en conseil. Après tout, ces coordinateurs sont dans le feu de l'action. Ils sont les premiers et souvent les seuls intervenants à l'intérieur du régime d'accès. Ils sont aussi ceux et celles qui ont le lourd devoir de répondre aux demandeurs d'accès tout en tenant compte des directives et des décisions prises par la chaîne hiérarchique au sein de chaque ministère concernant l'accessibilité aux documents demandés en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.
    S'ils étaient nommés par le gouverneur en conseil, ces coordinateurs, au sein des divers ministères, auraient dorénavant l'autorité et l'indépendance requises pour faire respecter le droit d'accès des demandeurs.

[Traduction]

    Avant de terminer, je souligne que l’une des recommandations de mon mémoire est d’assujettir la Chambre des communes et le Sénat à la Loi sur l’accès à l’information. Comme vous le savez probablement, c’est la situation qui prévaut actuellement au Royaume-Uni; cela permet d’offrir aux résidants des îles britanniques un droit à l’accès à la fois important et bienvenu à certains documents qui relèvent des parlementaires. Les Canadiens ne doivent s’attendre à rien de moins.
    En conclusion, le Canada mérite d’avoir un gouvernement ouvert, honnête et responsable. Cela peut se faire — du moins en partie — par la mise en place d’un régime d’accès à l’information fonctionnel. Or, à l’heure actuelle, le régime d’accès à l’information est en crise. La priorité actuelle qui consiste à accorder au commissaire le pouvoir d’ordonner la communication de documents ne devrait pas être vue comme une panacée permettant de pallier les lacunes de la Loi sur l’accès à l’information, qui a été rendue inopérante, en quelque sorte. Le Québec a appris cette leçon, et semble réticent à maintenir le pouvoir d’ordonnance comme mode de fonctionnement pour le commissaire à l’information de la province.
    Cependant, même si ce pouvoir d’ordonnance était accordé, il convient de garder l’esprit que cela permettrait de s’attaquer qu’à une très faible proportion de la pointe de l’iceberg. Par conséquent, j’exhorte respectueusement le Comité à se concentrer plutôt sur les 90 % des demandeurs — ou le reste de l’iceberg —, dont les dossiers relèvent actuellement exclusivement du coordonnateur de l’AIPRP de chaque organisme. Je suis d’avis que la commissaire a un rôle important à jouer au sein du régime d’accès à l’information. Elle est en effet chargée de recevoir et d’examiner les plaintes des utilisateurs de l’accès à l’information, d’en faire rapport et de tenir le Parlement au courant. La Loi sur l’accès à l’information offre à la commissaire un arsenal complet de pouvoirs exhaustifs en matière d’examen des plaintes, et ces pouvoirs doivent être pleinement utilisés, ce qui n’est pas le cas en ce moment. De plus, la commissaire dispose d’un puissant droit d’accès au Parlement qui lui permet d’alerter les acteurs de la démocratie canadienne lorsque le gouvernement et les institutions civiles manquent à leurs obligations. Messieurs, cela doit être maintenu.
    C’est là-dessus que se termine mon exposé.
(0855)
    Merci beaucoup, monsieur Drapeau. C’était très instructif; vous nous avez présenté de nouvelles idées que nous n’avions pas entendues auparavant. Je suis certain qu’on vous posera beaucoup de questions, mais si ce n’est pas le cas, j’en aurai quelques-unes lorsque tout le monde aura terminé.
    Nous passons maintenant à Son Excellence l’ambassadeur du Royaume de Suède, M. Per Ola Sjogren, pour 10 minutes.
    Je remercie les membres du Comité de m’avoir invité à présenter un aperçu des mesures législatives de la Suède en matière de liberté d’expression et d’accès à l’information.
    Permettez-moi d’abord de dire que l’ouverture est l’une des valeurs fondamentales de la Suède. La liberté d’opinion, la liberté d’expression et le respect des principes liés à un accès libre et gratuit aux documents officiels figurent parmi les pierres d’assise d’une société ouverte. L’enjeu dont le Comité est saisi est donc une question qui nous préoccupe.
    J’aimerais d’abord vous parler brièvement de la constitution suédoise. La constitution fixe les modalités de la composition du Parlement et du gouvernement, et leurs modalités de fonctionnement. La liberté d’opinion et d’expression ainsi que d’autres droits et libertés bénéficient d’une protection spéciale en vertu de la constitution. Trois des quatre lois fondamentales qui forment la constitution suédoise régissent les droits et libertés liés à la liberté d’opinion et d’expression. Ces droits sont donc fortement ancrés dans notre constitution.
    J’aimerais d’abord parler des documents que j’ai fait parvenir aux membres du Comité. Le premier document est un aperçu des trois lois fondamentales liées à la liberté de parole, d’expression et d’opinion. La première porte sur les instruments du gouvernement; le chapitre 2 de la loi protège la liberté d’expression personnelle, « que ce soit de vive voix, par des illustrations, par écrit, ou par tout autre moyen. »
    La deuxième loi fondamentale est la Loi sur la liberté de presse, qui protège la liberté de la presse écrite, ainsi que le principe d’accès libre et gratuit aux dossiers publics — l'enjeu dont le Comité est saisi aujourd’hui — et le droit de communiquer de l’information à la presse de façon anonyme.
    La troisième loi fondamentale est la Loi fondamentale sur la liberté d’expression, qui prévoit des protections semblables à celles offertes par la Loi sur la liberté de presse pour d’autres médias, notamment la télévision, la radio et les sites Web que l’on trouve sur Internet. Il s’agit de la plus récente des lois fondamentales de la Suède.
    La quatrième loi n’est pas l’une des lois fondamentales, mais elle a toute sa pertinence par rapport à cet enjeu. Il s’agit de la Loi sur l’accès à l’information et sur la confidentialité, qui a été adoptée par le Parlement en 2009. Elle contient des dispositions complémentaires à la constitution, en particulier la Loi sur la liberté de presse, et porte sur le droit d’obtenir des documents officiels. L’ouverture est une règle fondamentale; la confidentialité doit être clairement définie, et c’est ce que fait la loi.
    La Loi sur la liberté de presse a été adoptée par la Suède en 1776 et est devenue, dans son intégralité, la loi fondamentale il y a déjà 250 ans. La Suède est alors devenue le premier pays du monde à permettre la liberté de presse.
    La protection constitutionnelle offerte en vertu de la Loi sur la liberté de presse et de la Loi fondamentale sur la liberté d’expression signifie que l’administration publique ne peut limiter la liberté d’expression que dans les cas précisés dans ces deux lois fondamentales, et selon les modalités prescrites. L’interdiction de la censure est l'un des aspects centraux de la Loi fondamentale sur la liberté d’expression; ce principe était déjà énoncé dans la version de 1766.
(0900)
    Il est aussi important de souligner que la Loi sur la liberté de presse vise les organismes administratifs et d’autres organismes publics.
    La Loi sur la liberté de presse et la Loi fondamentale sur la liberté d’expression protègent les organismes de presse par l’intermédiaire de deux dispositions traitant respectivement du caractère public des documents officiels et de la protection des sources.
    Les règles constitutionnelles sur le caractère public des documents officiels sont énoncées au paragraphe 1 du chapitre 2. Vous les trouverez dans le troisième document que je vous ai distribué aujourd’hui. On y lit ce qui suit:
Chaque citoyen suédois a droit à un accès libre et gratuit aux documents officiels, afin de favoriser l’échange d’opinions et la disponibilité de renseignements complets.
    Tout document conservé par les organismes publics est, par définition, un document officiel, peu importe s’il a été reçu ou rédigé par l’organisme, et sans égard à son contenu.
    Un document officiel peut donc être public ou confidentiel. Le chapitre 3 de la Loi sur la liberté de presse comprend aussi d’autres définitions et restrictions. Par exemple, les registres de données électroniques ainsi que d’autres documents physiques et électroniques sont considérés comme des documents.
    Dans le cas des documents émanant d’un organisme public, on considère en général qu’ils deviennent publics lorsqu’ils sont présentés sous forme définitive. Les ébauches et les propositions deviennent aussi des documents publics si elles sont classées et enregistrées après le traitement d’un dossier.
    Donc, en principe, tout document officiel est public. Il doit être accessible, habituellement sous sa forme initiale, à toute personne qui souhaite l’obtenir. Les particuliers ont le droit de recevoir une transcription ou une copie du document, et peuvent aussi le reproduire ou en faire une copie à l’aide de leur propre équipement.
    Les exceptions au principe du caractère public des documents officiels, c’est-à-dire les cas où un document officiel doit demeurer secret, doivent être énoncées dans une mesure législative spéciale. Il s’agit de la Loi sur l’accès à l’information et sur la confidentialité, dont j’ai parlé plus tôt, et d’autres mesures législatives qui renvoient à cette loi, dans les cas exceptionnels.
    Dans le prochain document que j’ai fait circuler, on traite du paragraphe 2(2) de la Loi sur la liberté de presse. Ce chapitre précise les motifs liés à la confidentialité. L’accès au document ne peut être restreint qu’en conformité à ce principe et aux lois subséquentes et subordonnées.
    Je ne ferai pas la lecture de ces sept principes. À titre d’exemple, toutefois, pour mon ministère, le premier principe — les relations avec un autre État ou une organisation internationale — est naturellement le motif le plus fréquemment invoqué pour justifier le caractère confidentiel d’un document.
    Si une autorité publique autre que le Parlement de la Suède ou le gouvernement refuse une demande d’examen d’un document public, le demandeur peut interjeter appel auprès du tribunal administratif de première instance. Si l’appel est rejeté par la cour d’appel, l’appelant peut s’adresser à la Cour administrative suprême. La procédure d’appel est définie au paragraphe 2(15). Tout appel concernant une décision d’un ministre se fait auprès du gouvernement.
    Tous les dossiers concernant l’accès aux documents officiels doivent être traités rapidement. Le libellé exact du dernier paragraphe de la Loi sur la liberté de presse — le paragraphe 2(13) —, c’est que toute demande d’une transcription ou d’une copie d’un document officiel doit être traitée dans les plus brefs délais. Concrètement, cela signifie qu’il faut la traiter immédiatement. Lorsque nous recevons une demande d’accès à un document, nous devons y répondre immédiatement.
    Je vais maintenant parler brièvement de deux autres principes liés au principe de l’accès libre et gratuit aux documents officiels.
(0905)
    Comme le prévoient les dispositions préliminaires de la Loi sur la liberté de presse et de la Loi fondamentale sur la liberté d'expression, les sources ne sont pas assujetties à une responsabilité légale. La protection à l'égard de la responsabilité légale ne se limite pas aux procédures judiciaires. Une source ne peut pas être tenue légalement responsable dans le cadre de procédures spéciales lorsqu'il est jugé que la divulgation de l'information contrevient à la loi, qu'elle constitue une infraction. Dans la pratique, le cas le plus important est celui du fonctionnaire d'une administration locale ou autre qui transmet à un destinataire compétent, à des fins de publication, des renseignements visés par la Loi sur les secrets officiels. La principale règle est que le fonctionnaire ne peut pas être reconnu coupable d'avoir contrevenu à l'obligation de garder le secret.
    Le deuxième principe, qui se rapporte également à la question à l'étude, est le droit de demeurer anonyme, dont il est question au chapitre 3 de la Loi sur la liberté de presse. La divulgation du nom de sources ou d'auteurs qui souhaitent garder l'anonymat est une infraction punissable pour tous ceux qui participent à la production de documents imprimés, ou d'un élément d'information protégé par la constitution. Ils peuvent se soustraire à l'obligation de garder le secret seulement dans des cas très spéciaux, qui sont énoncés au paragraphe 3(3) de la Loi sur la liberté de presse.
    C'est ce que je voulais dire en guise d'introduction au sujet de la législation dans son ensemble et de la façon dont la liberté d'accès à l'information provenant de documents publics est réglementée dans la constitution et dans des lois connexes. Je serai heureux de participer aux discussions et de faire mon mieux pour répondre aux questions. J'ajoute que nous sommes très favorables à ce que des démarches soient entreprises afin qu'un constitutionnaliste suédois comparaisse devant votre comité, si vous le souhaitez. Si les membres du Comité veulent également se rendre à Stockholm pour approfondir davantage leur étude des règles suédoises portant sur ces questions, ils sont les bienvenus.
    Merci.
    Merci beaucoup, Votre Excellence. Ces deux options semblent fort intéressantes. Nous vous en sommes reconnaissants. Je m'adresse à vous pour féliciter votre pays, car je crois que le 250e anniversaire de vos lois sur l'accès à l'information, ou du droit à l'information, de votre pays, et de celles de la Finlande, approche. Je crois que c'est pour bientôt, et c'est tout un événement à célébrer. Nous vous adressons nos meilleurs voeux à l'occasion de cet anniversaire.
    Nous allons maintenant passer à M. Mendel. Vous avez 10 minutes, monsieur.
    Je suis heureux de me joindre à vous à distance. J'espère qu'Ottawa s'est remis de sa récente chute de neige. À Halifax, nous avons l'habitude de ce genre de tempêtes et de la sloche, et nous vous plaignons donc un peu.
    Je vais faire quelques observations préliminaires au sujet de mon organisme, le Centre for Law and Democracy, ou le CLD, dont le siège se trouve à Halifax. C'est un organisme international de défense des droits de la personne qui fait la promotion des droits fondamentaux à la démocratie, notamment ce que nous appelons le droit à l'information, ou l'accès à l'information dans le langage canadien, car c'est reconnu comme un droit de la personne en vertu du droit international.
    Nous travaillons dans ce dossier à l'échelle internationale. Je crois qu'il est juste de dire que nous collaborons avec les principales organisations intergouvernementales qui se concentrent sur ce droit: le Rapporteur spécial de l'ONU sur la liberté d'expression, d'autres organismes des Nations unies, le Conseil de l'Europe, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et ainsi de suite.
    Le CLD est d'avis — ce qui, je crois, ne diffère pas du point de vue général de la société civile au Canada — que le système fédéral d'accès à l'information ne fonctionne pas. Même en tant qu'organisation de la société civile, nous pesons très soigneusement nos paroles. Nous n'employons pas très aisément des expressions comme « ne fonctionne pas », mais je pense, à ce stade-ci, que c'est un point de vue bien connu, qui est appuyé par de nombreuses études menées sur une très longue période de temps. Nous pensons qu'il est approprié de dire que la loi ne fonctionne pas.
    Je souscris à la plupart des critiques formulées par M. Drapeau, mais je ne suis pas du même avis que lui au sujet de la loi. Mon organisme a collaboré avec Access Info Europe pour créer un classement des lois en matière de droit à l'information. Il s'agit d'une méthode reconnue à l'échelle internationale pour évaluer les forces et les faiblesses des cadres juridiques qui régissent le droit à l'information. Je dirais que cette méthode est reconnue partout dans le monde. À titre d'exemple, des acteurs comme la Banque mondiale et l'UNESCO s'en servent souvent pour faire leur travail dans différents pays. D'ailleurs, pas plus tard qu'hier, l'UNESCO m'a contacté parce qu'elle étudie la possibilité de recourir au classement pour évaluer un projet de loi sur l'accès à l'information qui est préparé en Palestine. De concert avec la Banque mondiale et l'UNESCO, nous avons souvent utilisé le classement à ce genre de fins.
    Le Canada, c'est-à-dire le cadre fédéral, a obtenu 79 points sur un total possible de 150 points. Je crois que c'est grave. Le pays ayant obtenu la meilleure note, qui, fait surprenant, est la Serbie, a obtenu 135 points, ce qui montre que le classement n'est pas un ensemble irréaliste de mesures rigoureuses. Beaucoup de pays obtiennent une note supérieure à 100.
    Ce qui est encore peut-être plus révélateur, c'est que le Canada se classe maintenant au 59e rang parmi les 102 pays dont les lois ont été évaluées, et qu'il occupe chaque année un rang de plus en plus inférieur à mesure que d'autres pays réforment leur législation ou en adopte une qui est plus rigoureuse que celle du Canada. Je crois que le classement des lois en matière de droit à l'information indique très clairement que le cadre juridique canadien présente de graves problèmes.
    Nous aimerions d'abord mentionner que nous voyons d'un très bon oeil les améliorations rapides que Scott Brison a annoncées le 31 mars. Nous avions demandé toutes ces modifications à la loi. Nous pensons qu'elles sont d'une importance cruciale. En même temps — et je crois que le classement des lois en matière de droit à l'information le montre clairement —, c'est loin d'être suffisant. Nous estimons qu'une réforme plus en profondeur de la loi est absolument nécessaire pour la faire concorder davantage à ce que la plupart des Canadiens considéreraient comme une position respectable pour le Canada à l'égard d'un droit de la personne reconnu à l'échelle internationale, à savoir le droit à l'information.
    Nous n'appuyons pas l'idée de remettre à 2018 l'examen complet de la loi. Nous pensons que les Canadiens, de toute allégeance politique et des différents secteurs, demandent maintenant depuis de nombreuses années la réforme de cette loi. À notre avis, il est inutile et essentiellement inacceptable de la reporter de deux ans.
    Nous signalons également avec inquiétude que les améliorations rapides annoncées par Scott Brison sont identiques aux engagements figurant dans sa lettre de mandat.
(0910)
    Nous craignons que remettre la réforme à 2018 puisse entraîner d'autres retards et d'autres prolongations, de sorte qu'elle n'aurait pas lieu au cours de la présente législature. Nous estimons que ce serait très regrettable.
    En janvier 2013, nous avons préparé une présentation dans le cadre de l'examen de la loi effectué par le Commissariat à l'information, et nous avons proposé des modifications dans quatre domaines.
    Le premier concerne la portée ou l'application de la loi. C'est ici que les améliorations rapides qui ont été proposées ont la plus grande incidence et font donc avancer le plus les choses. Parallèlement, nous avons remarqué qu'il y a plusieurs domaines dans lesquels la portée de la loi serait malgré tout trop limitée. Nous attirons l'attention sur l'exclusion générale du Cabinet dans la portée de la loi; le caractère limité de la liste d'organismes publics de l'annexe 1 qui n'est pas régulièrement mise à jour à mesure que la nature de ces organismes change; et le fait que la loi se limite aux citoyens et aux résidants plutôt qu'aux particuliers, contrairement à la loi suédoise dont nous venons d'entendre parler et à beaucoup d'autres lois.
    Le deuxième domaine dans lequel nous avons constaté que des changements étaient nécessaires se rapportent aux exceptions de la loi. Les améliorations rapides ne comportent pas de propositions de modification à cet égard. Nous signalons que l'annexe 2 comprend presque 60 [Note de la rédaction: difficultés techniques] garder le secret. L'ambassadeur de la Suède vient tout juste de nous dire que son pays a une loi qui établit les principes pour les cas d'exception, et qu'aucune autre loi ne peut s'en écarter. Nous appuyons fermement cette approche. Malheureusement, les exceptions de l'annexe 2 vont bien au-delà des principes établis dans la Loi sur l'accès à l'information ou qui sont mieux reconnus en vertu du droit international.
    Nous signalons également que plusieurs exceptions sont trops vastes ou foncièrement illégitime. Beaucoup d'exceptions ne satisfont pas au critère de préjudice. La divulgation nuirait à un intérêt particulier — ce genre de langage. En vertu du droit international, le principe est que toutes les exceptions devraient être dictées en fonction du préjudice. L'information ne devrait être retenue que lorsqu'elle porterait atteinte à un intérêt protégé.
    Enfin, nous faisons remarquer, encore une fois pour ce qui est des exceptions, que la dérogation fondée sur l'intérêt public que comporte la loi est très limitée. En 2010, la Cour suprême du Canada a étendu sensiblement la portée du critère de l'intérêt public en l'étendant à toutes les exceptions non obligatoires, ce qui signifie que les organismes publics doivent maintenant tenir compte de l'intérêt public pour ce qui est de l'ensemble des exceptions non obligatoires, ce qui n'est toujours pas le cas.
    À propos des procédures, je suis certain que d'autres témoins vous en ont parlé. La version actuelle de la loi comporte deux principaux problèmes. L'un d'eux est les délais. M. Drapeau a parlé des cas où des organismes publics obtiennent un vaste pouvoir discrétionnaire afin de prolonger le délai dans lequel ils doivent répondre à une demande d'accès à l'information. Par conséquent, il faut parfois attendre très longtemps avant qu'une demande soit traitée, contrairement à ce qui est fait dans les autres pays, qui ont des échéanciers strictes et fixes. Nous avons des propositions très concrètes pour améliorer ce système. Nous estimons que c'est une des choses les plus importantes à régler.
    L'autre question qui doit être réglée par rapport aux procédures concerne les frais. Des frais peuvent être imposés en vertu de la loi. Un barème de frais a été préparé. Il n'est pas conforme aux estimations de coûts réalistes. Même le montant demandé pour les photocopies est beaucoup plus élevé que ce qu'un Canadien pourrait s'attendre à payer auprès d'une entreprise commerciale.
    Il s'agit de deux questions se rapportant aux procédures.
    Enfin, pour ce qui est des appels, je suis encore une fois en désaccord avec M. Drapeau en ce qui a trait au pouvoir exécutoire du commissaire à l'information. C'est une question que mon organisme a étudiée très soigneusement. Comme vous le savez, dans beaucoup d'autres pays et dans différentes provinces canadiennes, il y a un mélange de pratiques. Compte tenu des preuves irréfutables provenant de l'étranger et du Canada, nous pensons qu'un pouvoir exécutoire est beaucoup plus important et efficace. Nous signalons qu'un tel pouvoir aurait vraisemblablement une forte incidence positive non seulement sur les processus décisionnels entrepris par le commissaire, mais aussi sur les processus de médiation.
(0915)
    Il y a de bonnes raisons de croire qu'avoir en main le pouvoir exécutoire, si je puis m'exprimer ainsi, dans un contexte où il y a des procédures de médiation, lesquelles sont au coeur du règlement des différends en vertu de la législation sur l'accès à l'information, rend ces procédures plus efficaces. Nous appuyons donc fermement l'octroi d'un pouvoir exécutoire au commissaire. Nous convenons que ce n'est pas une panacée en vertu de la loi. Beaucoup de changements doivent être apportés, et nous convenons aussi qu'il doit y avoir une vague de changements culturels pour ce qui est de la façon dont la loi est appliquée. Nous estimons toutefois que ces importantes modifications doivent être apportées à la loi.
    Je terminerai en disant que, partout au Canada, la réforme des lois sur l'accès à l'information a fait l'objet d'un peu d'immobilisme, alors qu'il arrive souvent que certaines provinces comparent leur loi à celle d'autres provinces et constatent qu'elle n'est pas très différente, que cela fonctionne suffisamment bien. Nous faisons remarquer que Terre-Neuve est sortie du lot en apportant des modifications audacieuses à sa loi, et qu'elle devance donc de loin les autres provinces canadiennes au classement des lois en matière de droit à l'information. Nous encourageons vivement le gouvernement fédéral à s'engager dans un processus semblable de réforme pour ce qui est de la Loi sur l'accès à l'information.
    Merci.
(0920)
    Merci beaucoup, monsieur Mendel.
    Je pense que nous aurons une très bonne discussion ce matin. Les trois exposés étaient excellents et nous donnent amplement matière à réflexion.
    Nous allons commencer la première série de questions, en donnant aux intervenants sept minutes pour poser leurs questions et écouter les réponses. J'invite les députés et les témoins à faire preuve de concision.
    Nous allons commencer par M. Lightbound.
    Monsieur Drapeau, merci de votre exposé. C'était très intéressant.
    Votre dernière recommandation à l'intention du Comité m'a beaucoup intriguée, à savoir que les coordonnateurs de l'AI au sein des ministères et des institutions fédérales devraient être nommés par le gouverneur en conseil. Je me demande si vous pourriez en dire davantage sur les lacunes du système actuel et en quoi ce serait avantageux pour quelqu'un comme moi qui vient d'arriver à Ottawa. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
    Dans une vie antérieure, j'étais secrétaire de direction au Quartier général de la Défense nationale. La coordonnatrice de l'accès à l'information travaillait pour moi, et je travaillais pour les sous-ministres et le chef d'état-major de la Défense, et je communiquais quotidiennement avec le chef de cabinet du ministre. J'étais essentiellement responsable du personnel de coordination de l'accès à l'information, de l'évaluation du rendement de la coordonnatrice et de donner à cette dernière des directives et d'écouter ses conseils. Elle était fondamentalement au bas de l'échelle, et son travail se faisait parfois sous la supervision d'un fonctionnaire ainsi que d'un employé du cabinet du ministre. Elle avait très peu de pouvoir ou d'autonomie pour donner suite à l'intention du demandeur, pour obtenir le type de renseignements demandé. La coordonnatrice relève du ministère. Dans certains cas, dans certains ministères, sa capacité à appliquer la loi ou à exclure de l'information est plutôt limitée. On lui dit ce qu'elle peut et ne peut pas communiquer.
    Ce que je veux dire, c'est qu'il s'agit sans aucun doute d'un poste clé. Parmi les 78 000 demandes reçues, seules 1 600 font l'objet d'une plainte. La seule personne que le demandeur voit, contacte et qui lui fournit des réponses est la coordonnatrice. Le système ne prendra jamais son envol si elle n'a pas les moyens de faire son travail — l'autorité nécessaire pour demander et divulguer des renseignements. C'est exactement de quoi il s'agit.
    Lors de la commission Gomery  — et il y en a eu une autre dont j'ai oublié le nom —, certains coordinateurs se sont manifestés — surtout lors de la commission Gomery — et ont dit à quel point ils avaient les mains liées et étaient punis s'ils osaient fournir l'information à laquelle un utilisateur avait droit en vertu de la loi. C'est pourquoi je dis qu'ils devraient — il y en a environ 160 — être nommés par le gouverneur en conseil. Ils devraient relever du ministre. Au bout du compte, le ministre devrait avoir un pouvoir politique et rendre compte au Parlement et à votre comité de son rendement à l'égard de la loi. C'est un droit quasi constitutionnel. L'une des façons d'y parvenir est de lui donner les moyens nécessaires. Le ministre ne pourrait pas se soustraire à cette obligation, ou dire qu'il ne le savait pas, qu'il n'en était pas conscient, ou qu'il ne savait pas ce que le ministère avait fait. Il serait responsable, et la personne à qui il demande de faire le travail ou à qui il le délègue serait nommée par le gouvernement en conseil et aurait la protection, l'autonomie et l'autorité qui découlent d'une telle nomination.
    Merci.
    Ma deuxième question porte sur votre deuxième recommandation, qui vise à fusionner le rôle des commissariats à la protection de la vie privée et à l'information. Pourriez-vous simplement nous présenter les avantages qui en découleraient?
    À une époque, ces deux commissariats étaient réunis et avaient des services administratifs communs. C'était de 1983 à 2001 environ, si ma mémoire est bonne — je pourrais me tromper d'une année ou deux. Il y avait un directeur pour les services ministériels, un directeur pour les ressources humaines, et l'organisation était relativement modeste. Si vous examinez la structure actuelle, vous constaterez qu'elle a été scindée depuis, et que chaque division a son propre directeur de l'administration organisationnelle. Cette structure coûte cher, surtout si un employé de niveau EX-03 s'occupe d'une organisation de 100 employés. J'ai déjà été directeur général des services ministériels de niveau EX-01 au ministère de la Défense nationale, où je supervisais 800 employés. Il y a quelque chose qui cloche ici. Il y a aussi des économies à réaliser en ce qui a trait au personnel. Ensemble, les deux organisations comptent 25 avocats. Ceux-ci ne devraient-ils pas se trouver dans un bureau central qui offrirait davantage de services, de conseils et de fonctions communes, quelles qu'elles soient? C'est ce que le Service d'administration des tribunaux fait à l'heure actuelle en regroupant les services administratifs de la Cour d'appel fédérale, de la Cour de l'impôt et de la Cour d'appel de la cour martiale.
    Mon objectif n'est pas de diminuer les effectifs. Je veux en quelque sorte réaliser des économies, qui permettront ensuite de modifier la composition du personnel pour avoir plus d'enquêteurs. Pourquoi? Il y a actuellement un retard de deux ans. Le Commissariat à l'information a reçu certaines de mes plaintes il y a six ou sept ans. Et la situation est exactement la même du côté du Commissariat à la protection de la vie privée. La seule tâche de ces deux organisations est de faire enquête sur les plaintes. C'est tout — après quoi les commissariats doivent faire leur travail. Je ne vois pas pourquoi moins de 50 % du personnel de ces deux bureaux s'occupe d'enquêter sur les plaintes, alors que la proportion devrait être de 75 ou 80 %. Lorsque je porte plainte — et il ne s'agit que de 1 600 plaintes sur 78 000 —, je ne peux pas m'adresser aux tribunaux tant que je n'ai pas reçu de réponse, même si ma plainte est rejetée. Je ne peux pas me prévaloir de mon droit de recourir aux tribunaux avant de recevoir un rapport du commissariat. Dans l'intérêt de mes clients, j'ai déjà supplié le personnel de me donner un rapport disant que ma plainte n'était pas fondée pour que je puisse m'adresser aux tribunaux.
    À vrai dire, non seulement notre système est défectueux, mais en plus, il est désuet et n'avance pas. Une des façons de régler le problème... à moins d'examiner l'organisation du commissariat et de veiller à ce que sa seule responsabilité soit non pas de proposer une réforme de la loi, mais bien de faire enquête sur les plaintes, il faut lui confier ce mandat et lui fournir le personnel nécessaire.
(0925)
    Combien de temps me reste-t-il?
    Vous avez 35 secondes.
    J'ai simplement une brève question, dans ce cas. Vous avez parlé de redevances, et la plateforme électorale du Parti libéral prévoyait notamment de supprimer toutes les redevances, à l'exception d'une somme de 5 $. D'après votre analyse de ce qui se fait ailleurs, le maintien de cette redevance de 5 $ constitue-t-il un obstacle, ou s'agit-il simplement d'une façon d'éviter les demandes vexatoires ou futiles?
    Je ne crois pas que ce soit le cas. Avec 78 000 demandes, je ne pense pas que le public profite du système au quotidien. À vrai dire, les redevances constituent un obstacle. Par exemple, il n'y a aucuns frais ni aux États-Unis ni au Royaume-Uni. Les redevances peuvent empêcher une personne de soumettre une demande électronique étant donné qu'elle doit ensuite envoyer un chèque. Or, la plupart des gens et des jeunes à qui je parle n'ont pas de carnet de chèques, mais seulement des cartes de débit ou de crédit. Ils doivent donc se rendre au bureau de poste — peu importe le mot employé pour le désigner — pour payer les redevances. C'est pénible. Je pense que l'administration du programme nous coûte quelque 35 millions de dollars par année, alors que comparativement, nous ne recevons que des miettes en redevances. Je sais que ce n'est pas ce que vous proposez, mais le gouvernement Harris en Ontario a augmenté les redevances à 25 $, ce qui a eu un effet néfaste ou inhibiteur sur le système. Ce que je veux dire, c'est qu'il faut se débarrasser des redevances pour que les gens puissent bel et bien exercer leur droit. J'ai fait une demande aux systèmes américains et britanniques à partir de l'Internet de mon bureau, puis j'ai obtenu une réponse en moins de 48 heures étant donné que je n'ai rien à payer et que tout est fait par voie électronique.
    Merci beaucoup.
    C'est maintenant au tour de M. Kelly, qui dispose de sept minutes.
    Merci, monsieur le président. Je remercie tous les témoins qui sont avec nous aujourd'hui. Nous avons entendu d'excellents points de vue sur la question, dont certains étaient fort intéressants.
    Ma première question s'adresse à M. Drapeau. Lorsque le budget a été présenté, certains d'entre nous ont peut-être été surpris — puisque le Comité était en train d'examiner ces questions — de constater à la page 241 que « le gouvernement s’emploiera à respecter ses engagements en vue de redynamiser l’accès à l’information, notamment en permettant au commissaire à l’information d’ordonner la publication de renseignements du gouvernement ».
    Pourriez-vous commenter ce passage? Notre comité a pour mandat d'examiner différents modèles et de demander à des témoins ce qu'ils pensent des différentes options qui s'offrent à nous. Mais à la lecture du budget, je me demande si la décision n'a pas déjà été prise. Pourriez-vous nous en parler?
    Permettez-moi d'être franc un instant, car je pense que c'est mon devoir de l'être. Il y a bien longtemps, sous le gouvernement de Joe Clark en 1979, vos prédécesseurs au pouvoir ont écouté et ont créé un Livre vert sur l'accès, puis ils ont examiné différentes options y compris l'émission d'ordonnances. À l'autre extrémité, ils se sont penchés sur le modèle de l'ombudsman, qu'ils appelaient l'option parlementaire. Pourquoi? Ils voulaient tenir un ministre responsable devant la Chambre, le public et les contribuables de l'utilisation efficace de l'accès, de sorte que ce ministre doive rendre des comptes à votre Comité. En vertu de la loi, la commissaire a en fait un rôle de commissaire, de médiatrice et d'ombudsman.
    Nous utilisons le modèle suédois, qui nous a bien servi. J'ai discuté avec M. Clark et Francis Fox, qui était le ministre des Communications responsable de l'introduction de la loi initiale en 1980; il l'avait présentée à la Chambre et avait fini par la faire adopter en 1983. C'est ainsi que notre système fonctionne depuis. C'est une sorte de mécanisme de médiation, et le Commissariat à l'information ne fait enquête que sur les plaintes qui sont signalées au ministère chaque année, et il s'adresse à votre Comité aussi souvent que nécessaire pour que la pression du public demeure sur les décideurs, à savoir les ministres.
    Votre Comité a joué un rôle très important au fil des ans, de même que dans la création de l'accès à l'information en 1983. J'ai parlé à chaque commissaire qui a été en poste. Le fait d'apporter des modifications changerait le mécanisme de même que la relation avec la commissaire, qui ne viendrait plus ici pour vous rendre des comptes. Vous ne joueriez plus le rôle que vous êtes actuellement censé jouer, aux termes de la loi. Lorsque la commissaire aurait des fonctions judiciaires, comme c'est le cas au Québec, elle ne mènerait plus les enquêtes qui sont réalisées en ce moment. Il s'agirait d'un processus judiciaire dans lequel chaque parti ferait des demandes écrites ou verbales. Au Québec, une personne qui porte plainte doit ensuite se présenter devant le comité. Elle doit se rendre à Montréal pour passer devant le comité, retenir les services d'un avocat et présenter ses observations. Le commissariat fait ensuite une déclaration, puis rend sa décision. Si vous n'êtes pas satisfait, vous pouvez faire appel aux tribunaux. Peu de gens le font tellement le processus est long. J'ai représenté des entreprises dans le système québécois, et elles ont décidé de retirer leur plainte à mi-chemin. Pourquoi? Parce qu'elles n'avaient toujours pas été appelées devant le comité un an et demi plus tard. Est-ce bien ce que nous voulons?
    Regardez la taille actuelle du Commissariat à l'information, avec son personnel, ses 14 avocats et tout le reste. L'organisation va continuer à prendre de l'ampleur. Vous allez perdre le contrôle, puis vous lirez dans le Globe and Mail qu'une décision a été rendue, mais vous n'aurez aucune idée de la direction que doit prendre l'accès à l'information, ni aucun contrôle là-dessus.
    J'ai une dernière remarque. Les commentaires émis par vos dirigeants et qui se trouvent dans le budget ne sont le fruit du travail intellectuel ni de votre Comité, étant donné que vous n'étiez pas formé, ni du Comité de la législature précédente. C'est ce que proposent de nombreux partis très intéressés de la société civile, de même que la commissaire à l'information. Mais je m'y oppose. Comme prévu, le rôle de la commissaire à l'information consiste à appliquer la loi telle qu’elle a été rédigée, et non pas à la modifier ni même à la réformer.
    Vous qui êtes nos représentants élus, je vous supplie de prendre position sur une chose aussi fondamentale qu'un droit quasi constitutionnel. C'est ce qu'ont dit la Cour suprême, la Cour d'appel fédérale et la Cour fédérale. Il vous incombe de prendre une décision et de structurer la loi. Vous voudrez peut-être la restructurer. Je vous encourage à le faire, mais la décision doit venir de votre Comité, et non pas de gens de l'extérieur, encore moins de bureaucrates qui ont pour tâche d'appliquer la loi.
(0930)
    Je vous remercie de vos commentaires et de votre réponse. J'espère que notre comité aura bel et bien l'occasion de présenter un rapport, de sorte que le gouvernement puisse prendre une décision plutôt que d'annoncer dans le budget que nous allons adopter un modèle exécutoire.
    Je pense qu'il ne me reste que quelques minutes. Encore une fois, monsieur Drapeau, j'étais peut-être surpris de votre recommandation ou suggestion voulant que le vérificateur général vérifie l'efficacité et les activités du personnel responsable de l'accès à l'information au commissariat, puisque vous ne croyez pas que les ressources actuelles sont nécessairement utilisées à bon escient. Pourriez-vous nous dire ce qui justifie cette proposition?
     Je vous ai présenté dans mon mémoire la composition du personnel, que j'ai obtenue au moyen d'une demande d'accès à l'information. Lorsque je dis qu'il y a 28 enquêteurs et 14 avocats au Commissariat à l'information, je considère que ce sont les employés de première ligne qui mènent les enquêtes et rendent les décisions. Les quelque 52 autres employés sont des gestionnaires comme le directeur du personnel, le directeur des relations avec les médias, le directeur des ressources humaines et d'autres directeurs généraux qui s'occupent de divers aspects. Dans toute entreprise, et il s'agit bel et bien d'une entreprise ici, il faut que les employés de première ligne qui s'occupent du volet opérationnel, et qu'on appelle les baïonnettes en termes militaires, soient davantage... C'est en quelque sorte le ratio de l'effectif opérationnel à l'effectif de soutien.
    Je constate une chose: soit il y a quelque chose que je ne saisis pas, soit la situation est tellement complexe qu'un aussi grand nombre de gestionnaires est nécessaire.
    Je ferai remarquer que Me Racicot, le coauteur de l'ouvrage, a travaillé au Commissariat à l'information entre 2001 et 2007. Je lui ai demandé combien d'avocats étaient en poste à l'époque, et il m'a dit qu'il y en avait quatre, et que le nombre de plaintes était le même qu'aujourd'hui. Or, ils sont aujourd'hui 14.
    Nous pouvons retenir les services d'avocats jusqu'à ce que... Le retard est maintenant de deux ans ou plus, mais je suis d'avis qu'il devrait plutôt être de deux mois ou plus. Vous devriez compter le délai en mois, si vous voulez respecter le droit d'accès et lui donner un sens.
    Il est aujourd'hui plus rapide d'obtenir un examen judiciaire à la Cour fédérale — le délai est de neuf mois — que de porter plainte au Commissariat à l'information. Ce système ne fonctionne pas.
    Voilà pourquoi je demande au vérificateur général d'examiner la question et de donner des conseils.
(0935)
    Merci beaucoup.
    Votre temps est écoulé, monsieur Kelly.
    Nous allons maintenant écouter l'ancien président du Comité, M. Pierre-Luc Dusseault. Vous avez sept minutes.
    Bon retour.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
     Je remercie nos invités d'être venus de nous faire part de leurs commentaires.
    Monsieur Drapeau, je pense que la question de la structure du Commissariat à l'information du Canada a été bien couverte. Vous en avez traité dans la partie II de votre mémoire.
    J'aimerais revenir sur la possibilité d'élargir l'application de la loi. Il a été question du Cabinet et d'autres entités gouvernementales. Je voudrais également que vous nous parliez des recommandations de la commissaire à ce sujet.
    Dans les versions antérieures du livre auquel j'ai fait allusion, je recommandais entre autres que la chancellerie du gouverneur général, qui s'occupe des médailles et d'autres choses du genre, soit assujettie à la loi. Les services administratifs des cours — et je ne parle ici ni des jugements ni de la transcription de notes, mais du soutien administratif — devraient être assujettis à la loi, tout comme le Sénat et la Chambre des communes. Je ne parle pas ici de vos activités parlementaires, législatives ou autres, mais de diverses dépenses. C'est le cas maintenant en Europe, et certainement en Angleterre. Je pense que cela a augmenté l'autorité et favorisé le respect des contribuables envers leurs représentants au niveau de la législature. Ces organisations devraient être assujetties à la loi. Cela pourrait se faire du jour au lendemain et, à mon avis, ce serait profitable à tout le monde.
    Je ne pourrais pas m'opposer au fait que les services administratifs des cours ou la chancellerie soient assujettis à la loi. Je ne verrais aucune raison de le faire, au contraire. Laissez-moi vous donner un exemple à ce sujet.
    Il y a plusieurs années, un commerçant m'a engagé à titre d'avocat pour que j'obtienne des renseignements sur l'octroi de contrats par la chancellerie, qui travaille sous l'autorité du gouverneur général et qui fabrique des médailles du Canada, notamment pour l'Ordre du mérite militaire. On parle d'un contrat de plusieurs centaines de milliers de dollars, mais parce que c'était fait au sein de la chancellerie, qui n'est pas assujettie à la loi, on ne pouvait pas recevoir ces contrats.
    Selon moi, cela devrait être le plus universel possible, pour tous et chacun, sauf pour des exceptions précises comme le Cabinet, le gouverneur général et les cours, ce qui ne me cause aucune difficulté.
    Merci.
    Je voudrais revenir à M. Mendel.
    Vous avez parlé assez longuement du nombre d'exceptions incluses dans la loi et des recommandations de la commissaire visant à limiter ce nombre. Certaines exceptions sont tout à fait légitimes, mais nous avons l'impression, comme vous, que leur nombre s'étend au point d'en devenir déraisonnable.
    J'aimerais que vous nous parliez de la possibilité de limiter ces exceptions ainsi que de la portée que devraient avoir ces limites pour que ce soit assez précis et que certaines choses soient en effet protégées.

[Traduction]

    En vertu des normes internationales, les exceptions devraient être définies à partir de trois critères. Premièrement, elles doivent protéger les intérêts légitimes. L'ambassadeur de la Suède affirme que la loi nationale prévoit une liste de sept principes qui correspondent aux sept catégories d'intérêts. Or, le droit canadien compte bien plus d'exceptions. Il vaudrait mieux avoir un nombre relativement limité d'intérêts pouvant être protégés, comme c'est le cas ailleurs. Bien sûr, les modalités particulières d'une telle protection pourraient être définies dans une autre loi. Par exemple, la législation sur l'accès à l'information reconnaît que la protection des renseignements personnels est un intérêt. La Loi sur la protection des renseignements personnels vient ensuite préciser cette protection.
    Le deuxième critère en vertu du droit international, c'est que les exceptions doivent uniquement s'appliquer si la divulgation de l'information porte préjudice à l'intérêt.
    Je vous vois hocher la tête, étant donné que c'est tout à fait logique et évident.
    C'est seulement lorsque la divulgation de l'information pourrait porter préjudice que l'information peut être cachée, ou que sa divulgation peut être refusée. Or, de nombreuses exceptions prévues à la législation canadienne ne respectent pas ce critère. Nul besoin que la divulgation porte préjudice. Les documents du Cabinet sont systématiquement protégés, un point c'est tout — ce qui ne correspond pas au critère du préjudice, ni même à celui de l'intérêt. Si une tierce partie estime qu'un renseignement est confidentiel, celui-ci demeurera confidentiel même si sa divulgation ne porte préjudice à aucun intérêt légitime. C'est une sorte de droit de veto des tierces parties. Il y a donc toutes sortes d'exceptions dans la législation canadienne.
    Enfin, les normes internationales et les pratiques exemplaires prévoient une dérogation dans l'intérêt public. Si une divulgation est dans l'intérêt du public de façon générale — n'oublions pas que le droit d'accès est le plus souvent considéré comme un droit de la personne au Canada, et qu'il fait partie du droit à la liberté d'expression —, l'intérêt du public doit avoir préséance sur la confidentialité. Disons que j'ai un intérêt mineur en matière de protection de la vie privée, mais que l'information apporte une preuve de corruption. Celle-ci devrait tout de même être divulguée.
    Dans bien d'autres textes législatifs — comme la loi suédoise, la loi de l'Inde, la loi de l'Afrique du Sud et la loi du Mexique —, les exceptions respectent ces trois critères. Ce n'est toutefois pas le cas de nos lois. Je pense que si nous adoptions ces principes, des exceptions fort différentes seraient prévues au Canada. Ce serait selon moi plus logique et plus facile à appliquer pour les fonctionnaires. Aussi, moins de motifs déraisonnables seraient invoqués pour refuser de fournir de l'information sans raison valable. Je pense qu'il y a beaucoup de chemin à faire sur le plan des exceptions.
(0940)

[Français]

     Merci, monsieur Mendel.
    Aujourd'hui, vous vous êtes dit favorable à la proposition voulant que des pouvoirs d'ordonnance soient octroyés à la commissaire. Ce sont des pouvoirs importants qui ne sont pas octroyés à d'autres commissaires. Je suppose qu'il s'agit de donner à la commissaire le pouvoir légal d'ordonner la publication d'informations qui, selon elle, devraient être rendues publiques.
    Pourriez-vous simplement nous confirmer que c'est effectivement votre position aujourd'hui et nous dire si on la retrouve également dans d'autres juridictions et d'autres lois?

[Traduction]

    Tout d'abord, cela correspond exactement à ma position. Ensuite, je signale que bien que dans quelques pays, le pouvoir de rendre des ordonnances n'existe pas — en particulier ceux où les anciennes lois ont été adoptées, comme des pays européens et le Canada —, la plupart des pays modernes sont passés à un modèle donnant le pouvoir de rendre des ordonnances au chapitre de l'accès à l'information, dont la Grande-Bretagne, l'Australie, l'Inde, le Mexique et l'Indonésie. Dans la plupart des pays, il y a des pouvoirs de rendre des ordonnances.
     Cela n'a rien à voir avec les voies hiérarchiques de cet organisme. Rien ne justifie qu'un commissaire à l'information qui a des pouvoirs de rendre des ordonnances cesserait de faire rapport au Comité. C'est ce qui se passe en Inde, en Angleterre et en Australie. Les organismes sont toujours tenus de rendre des comptes au Parlement; rien ne change à cet égard.
    Pour ce qui est de la crainte que ces pouvoirs aient pour effet de prolonger le processus décisionnel, nous croyons qu'elle n'est pas fondée. Nous sommes d'avis, comme M. Drapeau l'a souligné, que le processus est déjà trop long et qu'il comporte trop de lourdeurs administratives, et ce, même si le système n'inclut pas de pouvoirs de rendre des ordonnances. Nous croyons également qu'il est tout à fait possible de resserrer les règles quant aux délais, pour qu'ils soient restreints. Il s'agit en partie d'une question de ressources, mais encore davantage de la façon dont les appels sont traités et dont les règles sont appliquées à cet égard. Dans un modèle non contraignant, la commissaire à l'information a peu d'influence sur ces questions. Or, dans un modèle contraignant, elle serait beaucoup mieux à même d'accélérer le traitement des appels en réduisant le nombre d'aspects procéduraux. Il ne s'agit pas d'un appel judiciaire. Ce n'est pas le modèle qui est en vigueur en Grande-Bretagne, en Australie ou en Inde, ou dans les autres pays. L'idée, c'est que le processus soit rapide. Il ne joue pas ce rôle. Un pouvoir contraignant de rendre des ordonnances pourrait être conçu de façon à réduire grandement les délais. Nous en voyons des exemples dans différents pays.
(0945)
     Merci beaucoup. Nous avons largement dépassé le temps prévu, mais c'est correct. Je crois que nous avons du temps, et c'était une réponse très intéressante.
    C'est maintenant au tour de M. Saini, pour la dernière intervention de sept minutes. Nous passerons aux interventions de cinq minutes par la suite.
    Bonjour messieurs.
    Votre Excellence, je vous remercie beaucoup de votre présence aujourd'hui. J'ai des questions sur l'approche que votre pays a adoptée.
    Tout d'abord, combien de demandes d'accès à l'information recevez-vous par année? Auriez-vous des données à ce sujet par hasard?
    Non, je ne connais pas le nombre exact. S'il ne s'agit pas du gouvernement ou du Parlement, ce sont les tribunaux qui s'en occupent. On peut faire appel devant un tribunal. Il n'y a pas beaucoup de cas par année, mais je pourrai fournir le nombre exact au Comité.
    À votre avis, combien de demandes font l'objet d'appels? Avez-vous une idée du pourcentage?
    Non, en fait. Je devrai vous revenir là-dessus.
     Nous avons un système ouvert, et le fait est que nous devons divulguer les documents immédiatement — le jour même, en principe. Cela a été montré dans bien des exemples pour ce qui est de notre ombudsman qui, de façon régulière, effectue un examen minutieux de l'administration publique sur le plan de la divulgation de documents publics.
    J'ai une question sur le processus d'appel. Vous dites que si l'on présente une demande au ministre, et que pour une raison ou une autre, elle est refusée, il est possible d'en appeler au gouvernement.
    Oui.
    Si l'on fait une demande auprès d'une autre autorité, on peut en appeler à une cour de justice. Pourriez-vous m'expliquer les étapes du processus d'appel?
    En ce qui concerne le gouvernement, et il s'agirait ici de la décision d'un ministre ou de ministres, la question est renvoyée au gouvernement, pour une décision en appel. C'est la procédure qui est suivie.
     Pour ce qui est du comité constitutionnel de notre Parlement qui effectue de façon régulière un examen minutieux de tous les ministres qui accomplissent du travail lié à la transparence lorsqu'il s'agit de documents publics, il fait un examen administratif approfondi de chaque ministre tous les ans. Dans le cadre de cet examen, il peut également faire rapport sur les retards et les irrégularités relativement à la divulgation de documents.
    Il peut s'agir également de la demande d'un parlementaire. Un parlementaire peut demander au comité constitutionnel d'examiner une pratique d'un ministère concernant la divulgation de documents. Par exemple, dans mon ministère, celui des Affaires étrangères, il y a, chaque année, un certain nombre de questions au sujet desquelles le ministre doit faire rapport au comité constitutionnel à cet égard. Cela peut avoir trait tant à la confidentialité qu'aux retards.
    Puis, il y a l'ombudsman, qui examine l'ensemble de l'administration publique. Il se penche sur les plaintes et fait des recommandations à l'administration sur la mesure dans laquelle cela se rapporte à une demande de divulgation d'un document ou de documents. Dans un certain nombre de cas, l'ombudsman a dit que la divulgation devait se faire « immédiatement » — c'est le mot que j'ai utilisé —, ce qui signifie le même jour. Si un fonctionnaire du ministère suédois reçoit une demande, il faut principalement que cette personne agisse dans l'immédiat. S'il s'agit d'une question complexe, elle peut être renvoyée au responsable du ministère et, en dernier lieu, au ministre, mais il appartient à chaque fonctionnaire d'agir tout de suite après avoir reçu une demande de divulgation d'un document public.
    Je dirais que nous avons une culture de transparence, ce qui fait en sorte que les tribunaux et le gouvernement reçoivent relativement peu de plaintes, mais je vous fournirai les données exactes.
(0950)
    Si une affaire est renvoyée à la Cour, et disons qu'il s'agit de la Cour suprême, est-ce que des coûts s'y rattachent? La personne ou l'entité doivent-elles payer elles-mêmes pour plaider leur cause devant la Cour suprême?
    Je ne crois pas, mais je devrai le vérifier et je vous le confirmerai.
    Recevez-vous de nombreuses demandes d'accès à l'information de la part de gouvernements ou d'individus étrangers? Traitez-vous ces demandes séparément ou...?
    Non, je ne pense pas. Je n'ai pas les données exactes, mais je dois dire que c'est rare.
    Traite-t-on ces demandes de la même façon que les autres?
    Si la demande provient d'un gouvernement étranger?
    Oui, supposons qu'un étranger ou un gouvernement étranger fait une demande d'information à votre gouvernement ou à une entité suédoise, l'information serait-elle traitée de la même façon que s'il s'agissait d'une personne...
    C'est le ministère qui la traiterait. Il ne s'agirait pas d'un individu, donc ce serait au ministère. J'en suis sûr.
    Me reste-t-il du temps?
    Il vous reste une minute et quelques poussières.
    Monsieur Mendel, j'ai une brève question complémentaire à vous poser.
    Vous avez parlé du modèle de Terre-Neuve-et-Labrador. Pourriez-vous nous donner un aperçu de ses faiblesses et de ses forces?
    Ce que je voulais dire principalement au sujet de Terre-Neuve-et-Labrador, c'est qu'elle a entrepris un vaste processus de réforme, dans lequel elle a vraiment examiné la loi de fond en comble, déterminé ce qu'il fallait modifier, entre autres, et qu'elle a fini par adopter des mesures législatives beaucoup plus rigoureuses qu'auparavant. Autrement dit, la province s'est lancée dans un vrai processus de réforme et elle a nettement amélioré la loi.
    Par exemple, dans notre évaluation de l'accès à l'information, nous avons grimpé de 20 points, et nous sommes au 15e rang mondial, je crois. Puisque seuls les pays sont évalués, nous ne sommes pas véritablement au 15e rang, mais si Terre-Neuve-et-Labrador était un pays, ce serait le cas.
    J'encourageais le gouvernement fédéral à faire la même chose plutôt que d'entreprendre des réformes partielles maintenant et de remettre à plus tard une véritable réforme.
    Le modèle de Terre-Neuve-et-Labrador est hybride en quelque sorte. Nous attendons toujours de voir à quel point il fonctionne bien. Il est vraiment unique. Il donne beaucoup de pouvoirs au commissaire concernant l'approbation sur les délais supplémentaires dans le traitement des demandes et le prolongement de la période pour la présomption du secret de 20 ans. Je ne me souviens pas exactement de ce que la loi stipule. On a vraiment resserré le régime des exceptions de façon significative, de sorte qu'il semble très différent de celui du fédéral ou de bien d'autres provinces canadiennes. Les procédures ont été améliorées de façon à ce que le processus de demandes, les frais, les prolongations, comme on l'a mentionné, doivent être approuvés par la commission.
    Le modèle terre-neuvien a réglé bon nombre des aspects que j'ai soulevés dans mon exposé. Bien entendu, il n'est pas parfait. On est en train de l'analyser, et il est un peu difficile de déterminer si ce modèle hybride s'avérera la réussite espérée, mais ce que je voulais surtout dire, c'est que la province n'a pas entrepris qu'une réforme partielle. Elle s'est lancée dans un véritable processus de réforme.
    Merci beaucoup, monsieur Saini. Nous en sommes déjà à huit minutes. Le temps passe très vite. C'est maintenant au tour de M. Jeneroux.
    Puisque nous passons maintenant aux interventions de cinq minutes, essayons de faire en sorte que les questions et les réponses soient concises, et nous nous en tirerons bien.
    Monsieur Jeneroux.
    Formidable. Je vous remercie tous les deux de votre présence, qui nous aide énormément, et monsieur Mendel, merci de collaborer avec nous par vidéoconférence.
    Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, monsieur le président, avant que je commence à poser mes questions, je veux dire que je suis déçu que cela soit inclus dans le budget. C'est quelque chose que nous avions entrepris, et le Comité était prêt à y consacrer beaucoup de temps. Nous avions une longue liste de témoins, mais malheureusement, il semble que le gouvernement va de l'avant dans l'élaboration d'un modèle, sans entendre le débat approfondi du Comité.
    Cela dit, j'aimerais connaître l'opinion de chacun d'entre vous, je l'espère; cela dépend du temps dont nous disposons, mais j'aimerais commencer par vous, monsieur l'ambassadeur.
    La commissaire à l'information recommande entre autres d'ouvrir cela aux gens qui ne sont pas des citoyens, qui ne sont pas Canadiens, mais qui font des demandes. J'espère avoir le point de vue de chacun d'entre vous sur ce que cela signifie pour le nombre de demandes et, monsieur l'ambassadeur, sur les engagements financiers qui pourraient encombrer le commissariat, selon l'expérience de votre pays.
    Si vous le voulez bien, vous pourriez tous les trois en dire un peu plus à ce sujet.
(0955)
     Je dirai brièvement que j'imagine que cela pourrait entraîner une augmentation de la charge de travail pour l'administration.
    Je vais parler ici de notre expérience, du fait que la transparence est notre principe de base dans le traitement des cas liés à des documents publics. Si nous avons une forte culture de transparence et que nous agissons rapidement lorsque nous recevons des demandes, la charge de travail liée aux appels et à d'autres procédures administratives lourdes diminue.
    Par conséquent, au chapitre de la transparence, notre système comprend les lois, les lois fondamentales et subordonnées. Il s'agit d'une question culturelle au sein de notre administration: essayer de faire preuve de la plus grande ouverture possible relativement aux demandes de documents publics. Cela se traduirait probablement par une réduction des questions administratives, comme les appels. Le nombre d'appels est relativement peu élevé dans notre pays, et je vous fournirai les données exactes.
    Je crois que la transparence contribue à régler les choses.
     Je vais prendre une approche plutôt philosophique. Théoriquement, je ne vois aucun problème à ce que ce soit universel. C'est ainsi que les choses fonctionnent aux États-Unis et au Royaume-Uni. Toutefois, en tant que Canadien, j'aimerais bien avoir ma part en premier lieu, et par la suite, j'aimerais que mes demandes et mes plaintes soient traitées dans un délai raisonnable avant que nous incluions la Chine, le Mexique et tous les autres pays; autrement, je ne verrai jamais la fin.
    Si nous adoptons le concept de données ouvertes, et la plupart des renseignements sont facilement accessibles sur Internet — par exemple, l'information du gouvernement, qu'il s'agisse d'un contrat, ou d'autre chose, ce qui est le but —, les demandes d'accès à l'information pour un accès formel devraient être quelque chose d'exceptionnel. La plupart des autres renseignements devraient être facilement accessibles. Ensuite, en temps voulu — et des années s'écouleront avant que ce soit le cas —, pourquoi ne pas ouvrir cela à n'importe quel citoyen du monde?
    Il y a un prix à payer, car il y aura une augmentation du volume. Nous devons faire en sorte que notre système fonctionne bien auparavant, et il nous faudra encore de nombreuses années avant d'en arriver là.
    Monsieur Mendel, avez-vous des observations à ce sujet?
    Tout d'abord, l'expérience d'autres pays, comme nous le constatons avec la Suède, montre que le nombre de demandes formelles est très faible. Malheureusement, les gens ne s'intéressent pas autant à nous que nous le souhaiterions, et je pense que nous pouvons constater que le fardeau à cet égard serait probablement très limité.
    J'ai un autre point à soulever, qui est diamétralement opposé à cela. Je crois que nous pouvons accroître l'efficacité et réduire les coûts de façon très importante si nous éliminons cette question et celle des frais, et si nous adoptons un système qui comporte presque exclusivement des demandes électroniques. Ce serait un gain d'efficacité énorme.
    En éliminant cela, nous supprimerions un obstacle qui est imposé aux responsables qui traitent les demandes — ils doivent déterminer si l'individu est un citoyen ou un résident. Ainsi, ils n'auraient plus à le faire. S'il n'y avait pas les frais, ils pourraient tout faire par voie électronique, ce qui serait beaucoup plus efficace. Je crois que les demandes seraient traitées plus rapidement, et non l'inverse.
    Les cinq minutes se sont écoulées, juste comme cela.
    Monsieur Erskine-Smith, allez-y, s'il vous plaît.
    J'aimerais commencer par poser une question sur l'idée d'étendre l'application de la Loi.
    Monsieur Drapeau, vous avez mentionné l'idée d'élargir l'application de la Loi au Parlement, aux bureaux des ministres et à l'administration des tribunaux judiciaires, mais la commissaire à l'information recommande en fait d'étendre l'application aux institutions financées par l'État et aux institutions qui assument une fonction publique. Sur demande, la commissaire à l'information a fourni des éclaircissements. Parlons d'abord des institutions financées par l'État. Elle a suggéré qu'un modèle pourrait être qu'une entité reçoive 5 millions de dollars ou plus du gouvernement fédéral ou que plus de 50 % de son financement provienne du gouvernement, ou une combinaison des deux.
    Je me demande, monsieur Drapeau, si vous pouvez nous parler de l'idée d'étendre l'application de la Loi aux institutions financées par l'État et si vous pouvez nous dire si le modèle que la commissaire à l'information a proposé est logique.
(1000)
    En principe, c'est logique, mais le modèle présente un problème de taille. Nous devons d'abord régler le problème, car le modèle ne fonctionne pas en ce moment. Il est trop limité à l'heure actuelle.
    Ensuite, nous voulons être restrictifs, autant que je le suis pour l'accès. Autrement, si j'ai un contrat important où des entrepreneurs fournissent certains types de services aux forces armées, que ce soit des services de transport aérien ou des services alimentaires, cet organisme, en tant que tierce partie, est-il assujetti à la Loi sur l'accès à l'information? Premièrement, il y a des répercussions juridiques, et deuxièmement, il y a des processus et des coûts administratifs associés à la gestion.
    Je recommande de faire preuve d'une grande prudence avant d'étendre l'application de la Loi.
    Les organismes financés par l'État qui sont maintenant couverts sont les fondations. Ce ne sont pas toutes les fondations, mais la plupart.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Mendel, je vais vous poser la même question en ce qui concerne les institutions financées par l'État et celles qui assument une fonction publique, et le fait d'étendre l'application de la Loi à ces organismes.
    Nous faisons preuve de prudence extrême à l'égard de cette loi depuis 30 ans. Je pense que nous devons arrêter d'agir de la sorte.
    Un grand nombre de pays couvrent les entités financées par l'État et celles qui assument une fonction publique. C'est bel et bien un changement. Je pense que si l'on veut faire des affaires avec le gouvernement et que l'on veut recevoir du financement du gouvernement, alors on doit comprendre et accepter ce modèle. Dans les pays où l'on applique ce modèle, et où il est compris, je ne pense pas qu'il pose problème pour ces entreprises. Bien entendu, nous espérons que cela ne s'appliquera qu'aux fonctions qui ont été effectuées dans le cadre de ce financement public. Ce serait une restriction importante. Autrement, j'appuie l'idée. C'est un modèle solide à l'échelle internationale.
    M. Mendel et M. Drapeau pourraient-ils passer en revue les recommandations de la commissaire à l'information portant précisément sur l'idée d'étendre la portée de l'application de la Loi aux entités qui reçoivent 5 millions de dollars ou plus — dans les cas où plus de 50 % du financement provient du gouvernement —, et pourraient-ils expliquer comment la commissaire et son bureau définissent une fonction publique et transmettre au Comité des observations écrites pour dire s'ils sont d'accord ou contre et, s'ils sont contre, pourraient-ils expliquer précisément comment ils définissent...
    Oui.
    Et M. Mendel?
    Oui, certainement.
    Merci beaucoup.
    En ce qui a trait aux pouvoirs de rendre des ordonnances, monsieur Drapeau, à l'heure actuelle, le Commissariat à l'information s'adresse aux tribunaux pour demander la divulgation de renseignements qu'on a indûment refusé de divulguer. En ce qui concerne les pouvoirs de rendre des ordonnances, en confiant ces pouvoirs au Commissariat à l'information, est-ce qu'on ne fait pas simplement retomber le fardeau sur le gouvernement pour ensuite laisser aux tribunaux le soin de trancher?
    En ce moment, la commissaire à l'information enquête et remet ses conclusions et ses recommandations à l'institution. Si l'institution décide de ne pas adopter les conclusions et les recommandations et de ne pas rendre les dossiers publics, alors le demandeur a l'option d'aller en cour, ou la commissaire à l'information a l'option d'aller devant les tribunaux avec le consentement du demandeur. De plus, la commissaire à l'information, plus particulièrement dans un cas où une institution ne répond pas très souvent aux demandes, peut déposer sa propre plainte, enquêter et porter l'affaire devant les tribunaux. À l'heure actuelle, elle dispose d'un outil très puissant car en tant que mandataire du Parlement, elle peut rédiger un rapport annuel ou un rapport spécial, ce qu'elle a fait dans le passé. À l'occasion, lorsqu'elle veut ou doit le faire, elle peut s'adresser à la Cour fédérale. C'est très vaste.
    Si je peux intervenir, j'aimerais également interroger MM. Drapeau et Mendel sur ce qui suit.
    Je pense que les 85 recommandations du Commissariat à l'information sont un bon point de départ pour les travaux du Comité.
    Monsieur Drapeau, vous avez dit que les pouvoirs de rendre des ordonnances sont une source de désaccord.
    Serait-il possible encore une fois que votre organisation et vous, monsieur Mendel, nous fournissiez des mémoires écrits dans lesquels vous présentez d'autres sources de désaccord, ou que vous nous fassiez part des recommandations auxquelles vous souscrivez parmi les 85 recommandations et que vous soumettiez d'autres propositions, le cas échéant?
    Oui, nous pourrions fournir des éléments clés à ce sujet.
    J'aime les députés qui respectent le temps qui leur sont imparti. C'est fantastique.
    Nous allons revenir à M. Jeneroux.
    Mettez le chronomètre en marche.
    Je trouve qu'il est assez redondant de la part des libéraux de vous demander votre opinion sur quelque chose qui a essentiellement déjà été décidé dans le budget. Je suppose que je vais me montrer conciliant pour l'instant et poursuivre avec mes questions.
    Pour revenir à la question que j'ai posée sur l'idée d'élargir la portée à l'extérieur du Canada, je veux parler d'un témoin que nous avons reçu récemment. Un représentant de Citoyenneté et Immigration Canada a comparu devant nous et a souligné que le nombre de demandes doublerait si nous élargissons la portée à l'extérieur du Canada. Je voulais le signaler également pour que vous le sachiez. Bien entendu, vous n'étiez pas là lorsqu'il a comparu, alors je tenais à le préciser.
    Monsieur Drapeau, vous avez parlé d'un modèle fondé sur les priorités. Avez-vous fait quelques recherches à ce sujet, que nous pourrions examiner un peu plus? Vous avez plus particulièrement dit que les citoyens canadiens auraient la priorité sur les citoyens à l'extérieur du Canada. Des recherches, pas forcément menées par vous, ont-elles été effectuées à ce sujet?
(1005)
    On ne s'est pas penché là-dessus, et je conviens que Citoyenneté et Immigration est l'un des ministères qui a reçu le plus de demandes et qui fait l'objet du plus grand nombre de plaintes. C'est l'un des 10 ministères qui font l'objet du plus grand nombre de plaintes. Il ne fait aucun doute que si nous ouvrons l'accès au public — et nous sommes en fait un pays qui reçoit des immigrants —, nous voudrons peut-être obtenir de l'information dans certains secteurs si nous rendons ce droit un droit universel à l'accès.
    C'est ce que je dis. Je n'ai aucune donnée qui indique le nombre de demandes que nous recevrions — 20 000, 50 000 ou 90 000. Je pense que quelqu'un d'autre doit se pencher là-dessus et quantifier la charge de travail connexe.
    Toutefois, avant de faire quoi que ce soit, nous devons nous assurer que notre propre système fonctionne. S'il s'agit d'un droit quasi constitutionnel que nous accordons aux Canadiens, alors ces Canadiens ont le droit de s'attendre de recevoir une réponse dans un délai approprié. Ce n'est pas ce qui se passe à l'heure actuelle. Avant de rendre cet accès public au monde, assurons-nous de mettre de l'ordre dans notre propre loi, ce qui, je suppose, prendra quelques années, à l'aide des directives et des conseils de votre comité.
    Merci de vos remarques, monsieur Drapeau.
    Je suppose que s'il n'y a rien en place à l'heure actuelle, je suis d'accord avec vous qu'il faudra du temps pour y parvenir. Toutefois, le budget de 2016 prévoit 12,9 millions de dollars sur cinq ans, selon les données que j'ai ici, pour mettre sur pied un nouveau portail sur l'accès à l'information où les Canadiens peuvent demander de l'information. C'est le libellé.
    Il y a également un délai de 30 jours pour des demandes d'information personnelle. Nous avons reçu des représentants des ministères de l'Immigration et de la Défense. Ces deux ministères ont indiqué qu'ils avaient du mal à répondre à ces demandes.
    Monsieur Drapeau, vous avez également indiqué que le délai est très long. D'après votre expérience, je crois que vous avez dit que le délai au ministère de la Défense est entre six et sept ans?
    Je crois qu'il nous reste environ une minute. Pourriez-vous tous vous prononcer sur cette suggestion d'avoir un portail d'information et des fonds de 12,9 millions de dollars — là encore, en tenant compte que nous ne savons pas vraiment combien de demandes supplémentaires arriveront si nous ouvrons le système aux étrangers également? Je vais m'arrêter ici; il vous reste maintenant environ 30 secondes.
    Pour ce qui est des demandes, si nous examinons les 70 000 demandes qui sont actuellement dans le système, sans compter les nouvelles qui arrivent, et les nombreuses demandes que mon bureau présente, nous recevons chaque jour des lettres de ministères dans lesquelles ils se donnent des délais de 180 ou de 200 jours pour répondre.
    Nous avons ensuite un choix: soit nous attendons patiemment, soit nous déposons une plainte. Si nous faisons une plainte, nous savons qu'il faudra deux ans avant d'avoir une réponse. Que pouvons-nous faire? Nous prenons notre mal en patience et attendons 180 jours. Ensuite, lorsque nous recevons une réponse, si elle ne nous satisfait pas, nous déposons une plainte. C'est ce que nous voulons dire lorsque nous disons que le système ne fonctionne pas.
    Je ne peux pas obtenir des demandes d'information ou d'accès à des dossiers par l'entremise du processus officiel, et lorsque je les reçois, je ne peux pas avoir recours au processus de plainte, car l'arriéré est de deux, trois ou quatre ans.
    Par conséquent, au moment où nous les supplions d'examiner notre plainte, il arrive parfois que j'aie une poursuite judiciaire dans le cadre de laquelle j'entends me défendre. J'ai besoin de ces dossiers tout de suite. Parfois nous les recevons et d'autres fois, non.
(1010)
    Merci beaucoup, monsieur Drapeau.
    Nous allons maintenant poursuivre avec M. Bratina, puis nous entendrons M. Dusseault, ce qui mettra fin aux séries de questions officielles prévues dans nos motions d'intérêt courant. Mais pour le moment, il nous restera du temps pour tous ceux qui veulent poser des questions.
    Monsieur Bratina, s'il vous plaît, pour cinq minutes.
    Tout d'abord, monsieur Drapeau, votre déclaration sur le « manque de motivation » m'a intéressé. On peut voir dans une tyrannie pourquoi ils ne veulent pas que vous sachiez certaines choses. Pourquoi pensez-vous qu'il y a un manque de motivation? Est-ce le malaise de devoir faire face aux médias, au public, notamment? Quel est ce manque de motivation?
    C'est parce qu'ils comprennent, perçoivent les signaux. Ils interprètent les signaux du centre, du greffier du Conseil privé, du sous-ministre, du sous-ministre adjoint ou du directeur général.
    Les conséquences sont plus grandes si vous faites du zèle dans la divulgation des dossiers qui sont demandés et que vous les traitez avec rigueur, en excluant seulement ce qui doit être exclu, alors que vous avez le pouvoir discrétionnaire de ne pas exempter certaines parties et de divulguer l'information. Elles sont moins grandes lorsque vous dites, retardez ou invoquez des exceptions et laissez les demandeurs recourir au mécanisme de plaintes.
    Je pourrais vous donner, si ce n'était de mon secret de privilège, tellement d'exemples où nous faisons appel au mécanisme de plaintes lorsqu'une institution demande des frais exagérés. Mais je risque d'attendre deux ans avant d'obtenir une décision où l'on fait état que notre plainte est fondée. Eh bien, alléluia, deux ans se sont écoulés.
    Il est préférable de ne pas répondre à une demande d'accès à l'information en temps opportun et de la manière la plus complète possible. Il n'y a absolument aucune pénalité. On devrait convoquer les fonctionnaires et leur dire, « Vous avez mal agi car vous n'avez pas répondu à cette demande ». Vous serez plus souriant si vous avez pu utiliser votre pouvoir pour empêcher la divulgation.
    Monsieur Sjogren, pour qu'un journal soit couvert par la très longue expression « liberté de la presse », il doit être enregistré et avoir un rédacteur en chef responsable. Il y a la loi fondamentale sur la liberté qui est semblable pour d'autres médias, dont la télévision, la radio et les sites Web.
    Donc, le problème, c'est qu'un blogueur n'a pas de rédacteur en chef. C'est un loup solitaire. Comment contrôler cette situation en ce qui concerne la presse, qui doit avoir un rédacteur en chef responsable et probablement une assurance-responsabilité en cas de poursuite judiciaire, par rapport à un blogueur qui fait cavalier seul?
    Y a-t-il des protections pour l'information et les blogueurs en Suède?
    La Loi sur la liberté de la presse fait référence à la presse écrite. La presse écrite a besoin d'un rédacteur en chef responsable qui est le maître d'oeuvre. Il en va de même pour l'auteur d'un livre, par exemple. Ceux qui ont fourni l'information qui se trouve dans le livre de l'auteur ne sont pas responsables; c'est l'auteur du livre qui est responsable. Cela s'inscrit dans la liberté de la protection des sources.
    Ces règles fondamentales s'étendent à d'autres médias par l'entremise de la loi fondamentale de la liberté d'expression, ce qui comprend Internet et les sites Web. Dans ce cas, ce serait la personne qui a écrit les propos haineux ou le blogue, par exemple, qui sera responsable.
    Il est responsable.
    Enfin, monsieur Mendel, je pense que je gagnerais de nombreux paris en disant que la Serbie s'est classée au premier rang en ce qui a trait au droit à l'information, sans vouloir manquer de respect à ce pays. Est-ce quelque chose qui a changé récemment dans la constitution du pays ou est-ce un fait historique?
    J'aimerais beaucoup savoir comment ce pays a réussi à atteindre ce classement.
(1015)
    Nous avons également été très surpris lorsque nous avons vu que le pays s'était classé au premier rang. La Slovénie est au deuxième rang, et un grand nombre des pays de l'ex-Yougoslavie sont bien classés, car ils ont tous appris ensemble à créer des lois de groupe.
    Leur loi — il faudrait que j'examine à nouveau le classement — est assez récente, et j'ai 2006 qui me vient à l'esprit. Ils ont une garantie constitutionnelle qui remonte à plus loin que cela. Si l'on regarde le classement, une grande partie des lois qui fonctionnent bien sont les lois les plus récentes, car ils ont appris ce qui fait qu'une loi est bonne. Des normes internationales ont été élaborées au cours de cette période.
    C'est également un point très important pour le Comité. Le Canada, lorsqu'il a adopté cette loi, était le sixième ou le septième pays au monde à adopter une loi de la sorte. Il était vraiment un chef de file sur la scène mondiale dans ce domaine, mais au cours des 30 années depuis, il a réformé sa loi, et nous avons pris beaucoup de retard. Nous devons agir.
    Quelle est la méthode la plus rapide pour accéder aux normes universelles dont il est question ici? Où pouvons-nous trouver ces normes?
    Notre classement des lois en matière de droit à l'information compte 61 indicateurs distincts, ce qui tient compte des normes internationales relativement aux délais, aux exceptions et aux mécanismes d'appel. C'est une version ultrasimplifiée: la réalité est plus compliquée que les 61 indicateurs, mais ils vous permettront de connaître les problèmes.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Dusseault, s'il vous plaît.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    J'aimerais revenir à M. Drapeau.
    Votre position concernant le modèle exécutoire n'est peut-être pas une opposition de fond. Elle est peut-être surtout due au fait que, selon vous, il y a d'autres choses à régler avant d'adopter un tel modèle. Comme l'a mentionné M. Erskine-Smith, ce modèle donnerait lieu à un renversement du fardeau de la preuve, qui incomberait désormais au gouvernement. Si on accordait à la commissaire ces pouvoirs quasi judiciaires, ceux-ci lui permettraient d'ordonner la publication de certains documents. Il reviendrait alors au gouvernement d'en appeler de cette décision et de défendre son secret relativement à des exceptions et des exclusions.
     Ce renversement est peut-être un bon moyen de raccourcir les délais. Même s'il faudrait un certain temps pour évaluer tous les faits de chaque côté avant la publication de documents, le fait que la commissaire puisse ordonner cette publication de documents pourrait améliorer la situation. Si le comité ou le gouvernement recommande d'adopter cette façon de faire, je pense que cela devra être assorti de ressources supplémentaires.
     Dans le cas où ce modèle exécutoire serait adopté, seriez-vous d'accord pour qu'on accorde des ressources à cette fin, et ce, selon un mandat clair, plutôt que de considérer que les entités touchées n'ont qu'à assumer ces coûts, par exemple en modifiant leurs dépenses ou leur fonctionnement interne?
    En toute franchise, je trouve que la recommandation voulant qu'on octroie au commissaire le pouvoir de prendre des décisions exécutoires est simpliste, en ce sens qu'elle ne règle qu'une très petite fraction des problèmes principaux. En effet, 93 % de toutes les demandes en souffrance concernent des institutions qui n'ont pas de pouvoir d'ordonnance. Elles n'ont aucun pouvoir et ne disposent pas non plus des ressources nécessaires. Leurs ressources ne se comparent certainement pas à celles dont dispose la commissaire présentement.
    Si vous décidez d'accorder au commissaire le pouvoir de prendre des décisions exécutoires et d'assortir cela de ressources additionnelles, soit, mais vous vous limiterez alors à un très petit pourcentage des demandes. Il y en a 1 600, mais ce pouvoir ne s'appliquera qu'à une petite fraction des demandes. Faites-le, si c'est là votre décision, mais de grâce, déployez autant d'énergie et de générosité en termes de ressources pour vous occuper des 70 000 autres demandes qui sont en souffrance.
    La commissaire a parlé de la culture du retard dans les ministères qui ne fournissent pas l'information dans un délai approprié. Le ministère de la Défense nationale avait demandé un délai de 1 110 jours, un fait dont vous êtes certainement au courant, étant donné que vous avez travaillé dans ce ministère.
    À votre avis, les recommandations de la commissaire voulant que des limites soient imposées à la prolongation des délais seraient-elles applicables et souhaitables? Le but est de limiter la prolongation et la période où il est possible d'en demander une. On veut que la durée de la prolongation soit logique dans le temps.
(1020)
    Tout l'univers des demandes repose maintenant sur des délais excessifs. Comme je le mentionnais plus tôt, si je soumets une demande à un ministère et que ce dernier s'autorise un délai de 180, 200 ou 300 jours, je dois décider si, oui ou non, je veux déposer une plainte. Si le délai est inférieur à 200 jours, je ne porterai pas plainte de façon à ne pas avoir à attendre deux ans.
    On juge sévèrement les institutions, mais on devrait aussi le faire à l'égard du Bureau du commissaire, qui, à l'heure actuelle, fait face à un retard de deux ans et plus dans le traitement des demandes et des plaintes. Dans certains cas, ces demandes concernent des questions de frais, d'exemption et ainsi de suite. C'est toute la culture qu'il faut changer. Si on parle de 30 jours dans la loi, mais qu'on la bafoue de façon constante et qu'on n'indique absolument aucune limite quant aux plaintes qui doivent être reçues et traitées dans un délai raisonnable, le processus est deux ou trois fois plus long que si on va à la Cour fédérale. Cela n'a aucun sens. Cependant, on permet cela présentement. Je pense qu'il devrait y avoir une justice égale pour tous. Toutes les institutions qui s'occupent de plaintes ou de demandes d'accès à l'information devraient avoir des échéances qui les forceraient à réagir à l'intérieur d'une période donnée.
    Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup. Nous aurons l'occasion aujourd'hui de permettre à chaque député de poser une question.
    Nous allons maintenant passer à M. Masse, s'il vous plaît.

[Français]

    On a beaucoup parlé de la culture en matière d'accès à l'information, mais j'aimerais que vous nous parliez de la structure de l'accès à l'information. Comme vous le savez, il y a au gouvernement fédéral de nombreux employés et un bon nombre de ministères. L'information est disséminée dans divers systèmes, dossiers et structures de dossier. J'aimerais que vous nous parliez de la gestion de l'information.
    Est-ce qu'il existe de bonnes pratiques qui pourraient nous être utiles?
    Ma question s'adresse aux trois témoins.
    En tant qu'ancien fonctionnaire et ancien secrétaire du Conseil des Forces armées canadiennes, je peux vous dire que nous avions des difficultés à deux niveaux. Si ma mémoire est bonne, la première difficulté remonte à 1986-1987. Au cours de cette période, des compressions assez draconiennes ont été appliquées au sein de l'administration. On s'est tout simplement dépossédé de tout le personnel administratif qui s'occupait d'archiver les documents.
     Pour les dossiers antérieurs à 1990, par exemple, ceux des Archives nationales sont normalement très complets et très bien répertoriés, ce qui facilite la recherche. Les choses ont changé depuis, parce que les services centralisés de contrôle des documents dans les grands ministères ont disparu, et ce, à peu près en même temps que les courriels ont fait leur apparition. Si vous me permettez l'expression, je dirai que c'est devenu alors un free-for-all. Le fait qu'il y ait ou non un contrôle et qu'on puisse avoir accès à certains renseignements lorsqu'on en fait la demande varie selon les dossiers, les ministères et les directions.
    Je pense que le gouvernement dans son ensemble ainsi que les ministères essaient maintenant de remettre en ordre ce genre de processus, mais c'est long et difficile. En outre, cela nécessite des ressources financières et beaucoup de pouvoir informatique. Nos demandes réagissent en conséquence: dans certains cas, on reçoit ce qu'on avait prévu recevoir, dans d'autres cas, cela prend du temps et dans d'autres cas encore, il y a des trous béants, parce que les dossiers n'ont pas été conservés.
    Je pense que ce problème appartient à notre siècle. Il est relié à l'abondante communication par courriel et autres moyens de ce genre. Il arrive que des perles fassent surface dans le cadre d'un échange de courriels, ce qui prend tout le monde par surprise, les ministères probablement autant que nous, d'ailleurs.
    Il n'y a pas de solution évidente à cela. Je demeure à l'affût des diverses procédures que le gouvernement applique pour tenter de garder le contrôle sur cela, ce qu'il a intérêt à faire. Or ce parcours est rempli d'embûches. C'est un travail de bénédictin.
    Si je comprends bien, vous êtes d'accord pour dire qu'il y a un défi quant à la culture, à la gestion et à l'accès à l'information.
    Monsieur Sjogren, voulez-vous ajouter quelque chose à ce sujet?

[Traduction]

    La question de la culture est très importante, et je crois que notre culture de communication de documents publics est solidement établie. Pour plusieurs raisons: notre longue tradition d'accès aux documents publics, d'abord, qui remonte à 1766, grâce à une loi jamais modifiée.
    Sur le plan pratique, nous y sommes initiés dès l'école, et, à notre arrivée dans la fonction publique, nous y sommes formés — c'est un enjeu. La responsabilité n'incombe pas en premier lieu au chef du service ou à la direction, mais au fonctionnaire. Pour celui qui reçoit une demande, la consigne générale est, quel que soit son niveau dans l'administration, de s'en occuper, toutes affaires cessantes, et de communiquer le document le jour même. Notre ombudsman recommande, et c'est le fondement des règles pratiques générales en la matière, un maximum de deux ou trois jours. Ce n'est pas compliqué.
    Quand le document compte plusieurs centaines de pages, etc., 500 par exemple, nous le communiquons parfois par tranches: 100 une journée, 100 autres le lendemain, pour permettre la découverte d'éventuels secrets. C'est aussi une question de prestige pour le ministre de ne pas être critiqué pour avoir dirigé un ministère qui lambine avant de communiquer ses documents.
    Aucun délai n'est fixé, mais nous devons nous plier à des règles très rigides, qui sont suivies à l'interne par chaque fonctionnaire et par l'administration, puis, en fin de compte, par les tribunaux et l'ombudsman.
    Je comprends les questions sur notre processus d'appel, mais, sur cette question, les appels sont relativement peu nombreux. Il y en a et ils sont complexes, mais, pour nous, ce qui importe, c'est la gestion quotidienne de la question.
(1025)
    Je vois. Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Massé.
    La parole est maintenant à M. Long, pour quelque temps.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie aussi tous nos témoins, dont les exposés ont été très instructifs.
    J'allais questionner M. Drapeau, mais je crois que je vais opter pour M. Mendel. Je viens, moi aussi, de la région de l'Atlantique. Je vais donc poser quelques questions à quelqu'un de ma région.
    Encore une fois, les exposés d'aujourd'hui ont été excellents, mais plus j'entends... Je suis un nouveau venu en politique et je suis certainement un nouvel élu préoccupé et ébranlé. On entend des remarques comme « tomber dans l'insignifiance », « paralysie », « deux années d'arriéré », « la loi vise à refuser la communication », « les intérêts de l'État bernent ceux du public ». Puis vous, monsieur Mendel, vous venez nous parler de la qualité de notre droit d'accès à l'information qui nous place 59es sur 102. Et nous dégringolons.
    Dans une vie antérieure, j'étais président d'une équipe de hockey et de plusieurs entreprises. Je reviens encore à la culture. Cela se change, mais pas du jour au lendemain. Il faut de l'effort, du renforcement, parfois beaucoup d'années.
    Monsieur Mendel, qu'est-ce qui explique cette culture du retard, ou, essentiellement, une culture qui ne convient simplement pas? Pouvez-vous me donner votre opinion?
    Ensuite, si nous avons le temps, je questionnerai M. Drapeau.
    Je pense qu'il faut décortiquer un certain nombre de niveaux. Pour moi, le droit et la culture interagissent en douceur.
    Si la loi permet de fixer un long délai pour répondre à une demande de renseignements, sans, au fond, obligation de rendre des comptes — et M. Drapeau l'a très bien décrit, parce que, si on interjette appel, ce sera encore plus long — cela revient à dire aux fonctionnaires qu'il suffit, s'ils ne veulent pas communiquer un renseignement, d'assortir la communication d'un long délai. Si la loi fourmille d'exceptions malléables, formulées de façon générale, qui permettent d'invoquer le secret pour à peu près tout, le message aux fonctionnaires est que ce n'est pas sérieux, qu'on leur donne une foule de motifs pour protéger tout ce qu'ils ne veulent pas communiquer. C'est ainsi, essentiellement, que s'est développée cette culture au Canada.
    Nous avons constaté que, dans beaucoup de pays, particulièrement les pays en développement, qui viennent souvent de traverser des périodes de secret vraiment nocives, comme la Bulgarie, le Mexique, l'Inde, où les fonctionnaires ont traité le public avec arrogance, et qui possèdent maintenant cet outil, la société civile et les citoyens rejettent cette culture, et les lois ne sont pas conçues pour qu'elle s'installe.
    Je pense que le public canadien est devenu apathique, en raison de la complexité du processus de demande, de sa longueur et du risque de ne pas obtenir l'information. Indéniablement, la fonction publique ne prend pas la chose au sérieux, ne se sent pas responsabilisée et se croit à l'abri des sanctions. La loi en prévoit, mais elles ne sont jamais appliquées — cela n'est jamais arrivé depuis son adoption.
    Les raisons sont multiples. Je pense que l'absence de pouvoirs clairs et contraignants de la part du commissaire à l'information y est aussi pour beaucoup. S'il pouvait forcer la main des organismes publics et déclarer que c'est absolument illégal, que les fonctionnaires sont obligés de le faire... Les facteurs sont très nombreux. Mais, pour nous, qui avons étudié les systèmes appliqués dans le monde entier, il faut vraiment commencer par réformer la loi. Il faudra du temps pour changer la culture des organismes publics, parce que, comme vous l'avez dit, c'est difficile et lent à changer.
    Changer la loi ne se fait pas si rapidement, mais c'est plus rapide que changer la culture. Il faut passer par là pour provoquer un changement culturel.
(1030)
    Merci beaucoup.
    En fait, je vais demander à M. Drapeau de répondre à la même question.
    En fin de compte, cela se résume par un mot: leadership.
    Le premier geste du président Obama, il y a huit ans, à son arrivée à la Maison-Blanche a été un décret sur la liberté de l'information par lequel il ordonnait aux fonctionnaires de privilégier l'accès à l'information, peu importe si le gouvernement risquait d'être embarrassé. Depuis, les choses ont changé de façon spectaculaire.
    Dans l'administration antérieure, celle de Clinton, la ministre de la Justice Janet Reno a édicté que les chefs des organismes, l'équivalent de nos ministères, seraient aussi évalués. Pour les promotions, les bonus et ainsi de suite, on évaluerait leur rendement, entre autres choses la capacité de l'organisme qu'ils dirigeaient de répondre aux demandes d'accès à l'information.
    Si notre premier ministre et le greffier du Conseil privé devaient tous deux déclarer leur conviction que c'est une loi quasi constitutionnelle, qu'elle est exécutoire et que tous les niveaux de la hiérarchie doivent la respecter et y donner suite, le changement serait immédiat, grâce à cette impulsion qui viendrait d'en haut; tous le sauraient. Actuellement, il n'y a rien de tel.
    Qu'arriverait-il si le greffier du Conseil privé devait charger son sous-ministre d'évaluer dès maintenant le rendement des dirigeants des organismes d'après les langues officielles, l'égalité entre les sexes, les rapports du vérificateur général et ainsi de suite, y compris l'accès à l'information, notamment le nombre de plaintes, de demandes et ainsi de suite? Du jour au lendemain, le sous-ministre convoquerait le coordonnateur de l'accès à l'information, pour lui demander s'il a besoin de plus de ressources, s'il comprend sa mission, et pour lui dire que son travail consiste à le bien faire paraître. Il y aurait alors du changement.
    Actuellement, c'est presque le contraire: le mot d'ordre, implicite, subtil, est qu'on ne veut pas lire dans un grand quotidien de reportage inspiré par l'accès à des dossiers. Il s'ensuit que l'accès à l'information est essentiellement entravé.
    Messieurs Mendel et Drapeau, quand, d'après vous, cette culture a-t-elle commencé? Quand a-t-elle changé?
    Au Canada, voulez-vous dire?
    Oui.
    Je n'en suis pas certain. Mon étude de la question remonte loin, mais pas jusqu'au début, en 1983. Je pense que, depuis 15 ans au moins, la culture n'a pas changé pour le mieux. Des rapports de l'époque le montrent. Si on se fie aux demandes de renseignements, on peut le constater. Cela pourrait même remonter plus loin.
    Comme je l'ai dit, quand, en 1982, nous avons adopté la loi, nous détenions une position très influente. À l'époque, nous n'étions pas tellement au courant de tous les ajouts qui rendent une loi efficace et contraignante, des paramètres que nous connaissons très bien aujourd'hui. Par exemple, en ce qui concerne les délais, une disposition les régissait, parce que nous ne savions pas si 30, 60 ou 90 jours, c'était raisonnable et que nous ne voulions pas en demander trop aux organismes publics. À l'époque, c'était acceptable, mais, maintenant, nous devons nous adapter au progrès des connaissances, à l'étranger et ici même.
    Je pense que la véritable cause du problème est la vétusté de notre loi, qui a besoin d'être actualisée.
    Je peux en parler. En ma qualité d'auteur, mon devoir est d'examiner le passé. Je pense que le système a commencé à changer dès sa mise en oeuvre. Il a essentiellement été mis en place par un gouvernement libéral, celui de M. Trudeau, mais le premier gouvernement à y être assujetti a été celui de Mulroney.
    Peu après son arrivée au pouvoir, les accessoires de la loi aidant, l'information était effectivement accessible. Les demandes n'arrivaient pas encore en grand nombre, mais on en recevait. Une demande a concerné, si je m'en souviens bien, les dossiers reliés aux travaux d'aménagement, dans la résidence du premier ministre, promenade Sussex, d'un garde-robe pour les souliers de Mme Mila Mulroney. À l'époque, la consigne a été que, avant de communiquer de tels renseignements, qui faisaient de la femme du premier ministre de l'époque..., il fallait vérifier auprès de « Fred », c'est-à-dire, si je m'en souviens bien, le secrétaire du Cabinet du premier ministre.
    Depuis, une sorte de résistance se fait sentir, une sorte d'instinct de survie. On se faisait dire, avant une communication de renseignements, qu'il fallait d'abord vérifier, de crainte de subir la colère des chefs politiques. À l'époque, une sorte de climat de précaution entourait ce qu'on pouvait communiquer en réponse à des demandes légitimes, un climat qui n'est jamais dissipé.
(1035)
    M. Long est très intelligent. Il a utilisé près de 10 minutes du temps du Comité.
    D'ici la fin — peut-être que nous ménageons le meilleur pour la fin — quelques collègues, ici, voudraient poser des questions supplémentaires. Il nous reste une dizaine de minutes.
    Chers collègues, avec votre permission, je voudrais en poser moi aussi. Je ne veux pas manquer de temps. Je vais donc vous le demander. Pas de mutinerie, s'il vous plaît. J'en ai une ou deux, et si nous avons le temps, nous reviendrons aux membres du Comité. Êtes-vous d'accord?
    Ma première question, je la pose principalement à MM. Drapeau et Mendel, simplement parce qu'ils ont fait des observations à ce sujet et qu'il y a désaccord sur le pouvoir exécutoire.
    Monsieur Drapeau, je suis devenu très excité à vous entendre parler d'accorder des pouvoirs aux politiciens, aux comités ou aux députés et de responsabiliser davantage le Parlement. Je pense que c'est absolument fantastique.
    Si vous n'êtes pas d'accord avec le système actuel ni avec les demandes actuelles de pouvoirs exécutoires par la commissaire, à qui confier ces pouvoirs, sachant que notre Comité n'en possède vraiment aucun officiel? Nous avons certains droits, parce que nous sommes un comité. Nous pouvons obliger des témoins à venir témoigner, mais pas le ministre. Je tiens à vous demander de m'éclairer sur un éventuel nouveau rôle pour notre Comité, après modification de la loi, et sur la nature des pouvoirs nécessaires et leur détenteur, si ce n'est pas la commissaire.
    Je ne crois pas qu'ils devraient changer. Je pense que le Livre vert l'exprime bien et qu'il décrit un système fonctionnel, sauf qu'il a souffert de grands défauts. L'un des principaux, d'après moi, est de trop se concentrer sur le rôle. Il est important, mais ce n'est pas le seul joueur dans le régime d'accès, qui est celui du Comité lui-même. Si la commissaire n'a pas les ressources pour bien faire son travail, traiter convenablement la plainte, nous devrions alors lui en accorder davantage. Mais assurons-nous qu'elle utilise bien ce dont elle dispose.
    Il faut accorder plus de pouvoirs à la première ligne, qui traite 90 % des demandes. Donnez-lui les ressources, le pouvoir, le genre d'encouragements dont elle a besoin. Ce n'est qu'ensuite et si c'est nécessaire que nous devrions augmenter ces pouvoirs, certainement ceux de la commissaire, avec le pouvoir exécutoire, parce que je ne crois pas que ça servira à résoudre des problèmes. Au mieux, ce ne sera qu'une petite fraction des 2 % de demandes qui font l'objet d'une plainte. Ça peut nous réconforter, réduire le nombre global de plaintes qui aboutissent devant les tribunaux fédéraux, mais, en fin de compte, ça n'aidera pas le système, détraqué en première ligne, où, plus de 90 % des demandes forment un bouchon. Voilà!
    L'impression que je retiens, grâce à mes 10 années d'expérience parlementaire, est que si un fonctionnaire fait une erreur pour je ne sais quelle raison, le système est ainsi construit, les récompenses ainsi distribuées, le leadership ainsi exercé qu'il est presque impossible, pour ce fonctionnaire, d'avouer l'erreur et de la corriger. C'est de ce problème de culture dont nous parlons.
    En ce qui concerne les demandes d'accès à l'information, il me semble que la culture bureaucratique incitera à les rejeter, sauf motif pour y répondre favorablement, alors qu'elle devrait, au contraire, inciter à y accéder automatiquement et à ne chercher de motif pour les rejeter que dans des cas très précis, comme ceux que l'ambassadeur de Suède a énumérés. Je pense que ça réglerait le problème du Canada, comme M. Mendel l'a signalé, et que nous nous élèverions au-dessus du 59e rang mondial.
    Les secrets cesseraient immédiatement de faire la manchette comme c'est le cas actuellement. Habituellement, ce n'est pas l'information même, mais son camouflage qui alimente les reportages. Le grand jour est absolument purificateur.
    Je pense que notre commissaire veut s'engager dans cette direction. Chers membres du Comité, pensez-vous que les recommandations qu'elle a formulées nous y conduiront?
(1040)
    Certaines oui, d'autres non. J'ai fait valoir mes arguments dans mon mémoire et dans mes remarques tout à l'heure.
    L'accès à l'information peut être comparée à une longue chaîne de montage. Le demandeur croit que vous avez accès à certains renseignements. Ceux-ci doivent exister. Vous devez pouvoir les retrouver, les examiner pour savoir s'il y a une exemption, une exclusion, et ainsi de suite. C'est ce en quoi consiste le gros du travail. Ultimement, les renseignements sont communiqués au demandeur. S'il n'est pas satisfait, il porte plainte. Et s'il n'est pas satisfait du traitement de sa plainte et de la décision de la commissaire, alors il s'adresse aux tribunaux. C'est une chaîne.
    Nous devons nous intéresser autant, sinon davantage, au premier maillon de la chaîne, où finissent 90 % des demandes, demandes qui voient leur sort entièrement décidé par le coordonnateur de l'accès à l'information du ministère en question. C'est là qu'il faut regarder. Ces bureaux ont-ils les effectifs nécessaires? Je ne crois pas. Je pourrais vous nommer plusieurs institutions qui manquent de personnel — des institutions comme la GRC, dont on s'attend qu'elle coopère et connaisse la loi. Pourtant, c'est l'une de celles qui sont le plus souvent visées par les plaintes. Pourquoi? Cela se passe avant même que la commissaire à l'information n'intervienne.
    Je dis simplement qu'il faut se concentrer sur les deux endroits et en particulier au point de départ, c'est-à-dire à l'échelon ministériel. Sur ce point, je ne suis pas d'accord avec la commissaire à l'information. Son univers, ce sont les 1 600 plaintes qu'elle reçoit chaque année, tandis que le mien, ce sont les 78 000 demandes faites par les Canadiens.
    Merci.
    Allez-y, monsieur Mendel.
    M. Drapeau souligne que seulement 2 % des demandes font l'objet d'un appel. C'est peut-être vrai, mais sur les 78 000 demandes, l'impact n'est pas négligeable. Quelqu'un a parlé du délai de 1 110 jours que le ministère de la Défense s'était permis d'imposer. J'ai suivi une affaire où le tribunal a finalement décidé que le ministère n'avait pas le droit d'imposer un tel délai. Cela a aussi un impact sur les 78 000 demandes, ce ne sont pas seulement les 2 % qui vont en appel.
    Je conviens entièrement que la nature des appels n'est pas le seul élément du système qui requiert une attention, et que les ressources nécessaires doivent être affectées en première ligne. Je ne sais pas très bien où se situe le problème. Notre sujet est la loi, et j'ai parlé des changements que nous aimerions y apporter. Octroyer au commissaire le pouvoir de rendre des ordonnances renverserait le fardeau quant à celui qui doit faire des démarches auprès des tribunaux. Ce serait un changement majeur et les organismes publics seraient beaucoup plus vigilants au lieu de suivre seulement les décisions du commissaire. Je pense que tout le système s'en trouverait amélioré, car ces décisions auraient force exécutoire et seraient respectées par ceux qui traitent les 78 000 demandes.
    Merci beaucoup.
    J'ai une dernière question très brève pour M. Drapeau, étant donné qu'il a abordé le sujet. Notre Comité jouit d'un certain pouvoir et d'une certaine influence vu les 10 députés qui prennent place à la table. Vous demandez que le vérificateur général cherche des moyens de rendre les commissariats plus efficaces. Nous, les députés, mettons parfois ces commissaires sur un piédestal parce que, soyons francs, ils ont beaucoup d'influence et il nous arrive de les craindre. Mais en réalité, ils doivent eux aussi nous rendre des comptes, et je crois que nous pourrions fort justement reprendre une partie du terrain que nous semblons avoir perdu.
     Il est intéressant de constater, quand on songe aux quatre commissariats, que le commissaire au lobbying et le commissaire à l'éthique ont chacun leur poste budgétaire, tandis que le commissaire à la protection de la vie privée et le commissaire à l'information partagent un seul et même poste dans le budget. Pourtant, chacun possède son propre appareil administratif, qui pourrait être plus efficace.
    Je vais vous poser une question très claire. Si notre Comité était saisi d'une motion demandant que le vérificateur général fasse une étude sur ces deux commissariats en vue de formuler des recommandations, croyez-vous que ce serait une bonne idée?
(1045)
    Ce serait le point de départ. Les deux commissariats assument peut-être des tâches qui ne sont pas prévues par la loi. Je sais que c'est le cas. Par exemple, réformer la loi. Cela ne figure nulle part. Pourtant, on y consacre d'énormes ressources. Il y a aussi des emplois à créer, mais les ressources ne sont peut-être pas adéquates. Laissons une entité indépendante comme le vérificateur général faire une étude et formuler des conclusions sur la question des services partagés. Il existe peut-être une meilleure formule ou une formule plus efficace qui rehausserait la prestation des services. Voilà ce que nous devrions faire à mon avis.
    Très bien. J'entrevois qu'une telle motion sera proposée à une réunion prochaine.
    Par ailleurs, chers collègues, j'ai pris tout le temps qu'il nous restait. Je suppose que d'autres comités ont besoin de la salle. Je m'excuse de ne pas avoir laissé assez de temps.
    Je remercie nos trois invités d'être venus témoigner aujourd'hui et d'avoir pris le temps de nous éclairer. Je sais que nous pourrons à nouveau compter sur vous dans le cadre de nos délibérations. Votre présence nous a été fort utile.
    Nous nous reverrons jeudi. Le Comité accueillera alors la ministre Diane Lebouthillier et le commissaire Therrien, qui viendront à leur tour témoigner. Je vous encourage tous à assister à cette réunion, qui s'annonce très intéressante.
    L'ordre du jour énumérant les témoins de la semaine prochaine vous sera envoyé le plus tôt possible.
    Merci.
    La séance est levée.
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