HRPD Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON HUMAN RESOURCES DEVELOPMENT AND THE STATUS OF PERSONS WITH DISABILITIES
COMITÉ PERMANENT DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES ET DE LA CONDITION DES PERSONNES HANDICAPÉES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 4 mai 1999
La présidente (Mme Albina Guarnieri (Mississauga-Est, Lib.)): Puis-je avoir votre attention?
Comme je vois que nous avons le quorum, j'ouvre la séance. J'aimerais souhaiter la bienvenue aux représentantes du Metro Labour Education Centre, Mme Trish Stovel, directrice exécutive, et Mme Beverly Brown, coordinatrice du Programme d'adaptation au marché du travail.
Je vous prie de bien vouloir commencer.
Mme Trish Stovel (directrice exécutive, Metro Labour Education Centre): Je vous remercie. Étant une travailleuse âgée type, la technologie me pose certaines difficultés. Je n'arrive pas à mettre mon écouteur, mais j'y serai parvenue au moment où vous me poserez des questions.
La présidente: Cette observation m'indique que nous pouvons nous attendre à un exposé divertissant.
Mme Trish Stovel: J'aimerais d'abord vous remercier de nous avoir invitées à comparaître devant vous aujourd'hui. Nous sommes très heureuses de cette occasion sans pareil qui nous est donnée de vous entretenir d'un sujet qui nous tient à coeur. Comme bon nombre d'entre vous le savent, les différents conseils et fédérations du travail et notamment le Congrès canadien du travail du Canada se préoccupent depuis longtemps du manque de services offerts aux travailleurs qui ont perdu leurs emplois. Nous apprécions beaucoup l'occasion qui nous est donnée de vous faire part de nos expériences et de nos suggestions quant à la façon dont nous pouvons collaborer à améliorer la vie des travailleurs âgés déplacés.
Comme nous ne sommes pas du tout habituées à venir parler à des gens à Ottawa, nous avons apporté des documents qui ne sont malheureusement seulement qu'en anglais. La greffière me dit qu'elle veillera à les faire traduire. Je m'excuse à l'avance si je fais référence à des données que vous n'avez pas sous les yeux.
Je suis la directrice exécutive du Metro Labour Education Centre, MLEC, un projet spécial du Labour Council of Metropolitan Toronto and York Region. Nous sommes un centre d'éducation des travailleurs à but non lucratif qui offre des services éducatifs ainsi que des services de formation aux travailleurs qui occupent un emploi ainsi qu'à ceux qui sont au chômage.
Je suis accompagnée aujourd'hui de ma collègue, Bev Brown. Bev pourra vous parler des visites qu'elle a effectuées dans des usines. Bev est elle-même une travailleuse âgée déplacée. Elle était vice-présidente de la section du syndicat de l'usine Inglis qui a fermé ses portes en 1987. C'est à compter de cette date que nous avons mis sur pied la plupart de nos programmes.
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Nous sommes ici aujourd'hui pour vous parler de nos
expériences. Nous nous intéressons tout particulièrement à un
modèle d'adaptation global destiné aux travailleurs déplacés. Nous
allons vous entretenir des obstacles à la formation auxquels font
face les travailleurs âgés dans le système actuel et de l'état de
l'infrastructure de formation des organismes à but non lucratif et
nous allons évidemment aussi vous faire certaines recommandations.
DRHC accorde des fonds à notre Centre depuis 1987 pour aider les travailleurs qui ont perdu leurs emplois parce que leur usine a fermé ou a fait faillite ou qu'on y a réduit les effectifs. Jusqu'à ce que la province supprime la subvention qu'elle nous accordait, nous constituions le plus important programme de formation de base sur le marché du travail en Ontario. Nous offrions aux travailleurs non seulement des cours d'anglais langue seconde, mais aussi des programmes d'adaptation à la technologie dans le domaine de l'informatique et de la lecture de plans.
La province nous a accordé des fonds pour faire des recherches sur l'adaptation des travailleurs au marché du travail. L'un de nos premiers rapports portait sur l'incidence de l'adaptation au marché du travail des immigrantes ayant perdu leur emploi lors de fermetures d'usine. Notre relation avec DRHC a été interrompue à plusieurs reprises parce que le ministère a supprimé les fonds accordés pour la mise en oeuvre de bon nombre de nos programmes. Le financement accordé au modèle d'intervention précoce a été supprimé malgré le fait que l'évaluation faite en 1995 de notre programme par la maison Ernst and Young concluait que les travailleurs ayant participé à ce programme parvenaient à trouver plus rapidement des emplois mieux rémunérés. Ce rapport concluait également que ce programme offrait aux travailleurs la possibilité de faire des choix plus éclairés et d'avoir davantage confiance en eux-mêmes en leur donnant accès à de l'information et à des conseils, que les travailleurs ayant participé au programme trouvaient des emplois mieux rémunérés de 65 p. 100 que ce qu'on avait prévu et que le modèle lui-même constituait une utilisation plus efficace, moins coûteuse et plus opportune des ressources des secteurs public et privé. Il s'agit du programme que je vais vous décrire.
Nous sommes le principal organisme de travail du pays à oeuvrer dans le domaine de l'ajustement au marché du travail. Nous avons beaucoup travaillé avec les syndicats et les groupes communautaires de notre municipalité. Nous avons notamment aidé l'Union internationale des travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce à mettre sur pied son programme national d'adaptation au marché du travail. Nous avons aussi aidé les Travailleurs et travailleuses canadien(ne)s de l'automobile à faire de même. Nous avons également collaboré à cet égard avec la municipalité et nous avons mené un projet pilote de développement économique communautaire ayant fait ressortir les résultats positifs d'un système de pré-alerte qui permettrait de prévenir les fermetures d'usine. Nous aimerions bien cesser d'aller à des enterrements.
Nous étions un courtier pour le programme Transition, un programme provincial aux termes duquel les travailleurs de plus de 45 ans pouvaient obtenir le remboursement de leurs frais de scolarité. Nous étions le plus important courtier pour ce programme en Ontario. Nous étions aussi un point d'accès aux travailleurs pour le programme de formation et d'adaptation de la main-d'oeuvre du secteur de la santé et nous avions établi un partenariat actif avec des organismes comme le Conseil canadien du commerce et de l'emploi dans la sidérurgie.
Nous avons aidé les travailleurs visés par 220 fermetures d'usine, pas seulement dans la région du Grand Toronto, mais dans tout l'Ontario. Bev y était—Elliot Lake, Red Lake... On nous a aussi souvent demandé... nous avons formé le comité à la société Volvo, à Halifax, et nous avons aussi aidé les travailleurs visés par la fermeture de l'usine de Coca-Cola dans la même ville. Nous sommes un organisme basé à Toronto, mais nous oeuvrons dans tout le pays et, dans certains cas, aux États-Unis.
Notre organisation participe aussi activement aux travaux de différents organismes oeuvrant dans le domaine de la mise en oeuvre des programmes et de l'élaboration des politiques dans le domaine de l'emploi et de la formation. Certains de nos employés travaillent dans des conseils de formation locaux à Toronto et dans la région de York. Je travaille depuis six ans dans le service de développement économique de la ville et je siège actuellement au comité directeur du maire sur le développement économique avec des collègues comme le président de la Chambre de commerce et le président de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. En fait, les entreprises et les syndicats collaborent toujours dans les dossiers qui portent sur la rétention et la perte d'emplois.
J'ai également siégé au groupe de travail sur la formation spécialisée du Grand Toronto et je siège à tous les comités du travail qui étudient cette question. Je siège également au comité consultatif national sur les travailleurs âgés avec les représentants de l'organisme La Voix qui comparaîtra après nous. Je suis également coprésidente de l'organisme qui regroupe les formateurs communautaires à Toronto et je représente le côté syndical au sein de la Coalition de l'alphabétisation de l'Ontario.
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Notre organisme trouve ses racines dans l'industrie
manufacturière de Toronto. Une bonne part de nos membres continuent
de travailler dans ce secteur. C'est un secteur où les travailleurs
âgés ont été particulièrement touchés. On me dit que vous aimeriez
savoir ce qu'on considère comme un travailleur âgé. D'après notre
expérience, les travailleurs de 45 ans et plus...
Mme Brenda Chamberlain (Guelph—Wellington, Lib.): Oh, non!
Des voix: Oh, oh!
Mme Brenda Chamberlain: Je veux quitter ce comité.
Mme Trish Stovel: ...et j'en déduis que nous sommes tous des travailleurs âgés.
Mme Brenda Chamberlain: Quel malheur!
Mme Trish Stovel: Pas tous les travailleurs de plus de 45 ans peuvent être considérés comme des travailleurs âgés, mais certains d'entre eux. Le programme ontarien Transitions, que j'ai mentionné plus tôt, tenait compte de ce fait et offrait du recyclage à ces travailleurs.
Lorsque les travailleurs âgés perdent leur emploi, ils ont tendance à demeurer au chômage pendant plus longtemps que les travailleurs plus jeunes. Statistique Canada vous a fait un exposé qui vous aurait donné l'impression que les travailleurs âgés trouvent de l'emploi. Ce n'est pas ce que révèle notre expérience. Statistique Canada n'a pas tenu compte du nombre de travailleurs découragés qui ont tout simplement cessé de chercher un emploi.
Soixante—quinze pour cent de tous les travailleurs déplacés qui n'arrivent pas à trouver un nouvel emploi ont 45 ans et plus. De tous les travailleurs qui ont perdu un emploi entre 1991 et 1996, plus du quart avaient perdu leur emploi en raison d'une mise à pied ou d'une fermeture d'usine. En 1994, 67 p. 100 de tous les travailleurs au chômage qui avaient plus de 45 ans ont dit ne pas avoir quitté volontairement leur emploi.
Aider les travailleurs déplacés plus âgés dans la région de Toronto est à la fois plus facile et plus difficile qu'ailleurs. D'une part, la taille du marché du travail et la diversité de celui-ci tendent à aider les travailleurs à trouver de nouveaux emplois. Par ailleurs, cet élément positif masque les difficultés réelles auxquelles font face les travailleurs âgés déplacés. Je suis sûr que la même constatation vaudrait dans le cas des travailleurs âgés déplacés de Montréal et de Vancouver.
Lorsqu'une importante industrie ferme ses portes dans une ville où il n'y a qu'une industrie—et Bev sait ce dont je parle—on fait grand cas de la nécessité d'offrir de l'aide et des services aux travailleurs. Cette situation pose un problème particulier dans la mesure où les perspectives d'emploi ne sont pas très nombreuses dans ce genre de ville et dans la mesure où les travailleurs âgés déplacés tendent à ne pas vouloir déménager ailleurs.
Les besoins spéciaux de ces travailleurs ne devraient cependant pas nous amener à négliger ceux des travailleurs qui travaillent depuis longtemps dans une industrie qui ferme ses portes dans un grand centre urbain. Il arrive souvent que les travailleurs dans ce genre d'industrie comptent 20 ans d'expérience et qu'ils n'aient occupé qu'un seul emploi après avoir terminé leurs études ou depuis leur arrivée au Canada. Le nombre d'usines à fermer leurs portes ou à faire faillite ainsi que le nombre d'usines à réduire leurs effectifs n'ont pas diminué. Le phénomène est simplement devenu largement invisible. Nous insistons donc sur le fait que l'ajustement au marché du travail des travailleurs âgés constitue un problème important dans la région du Grand Toronto.
Des caractéristiques spéciales s'appliquent aux travailleurs âgés qui ont perdu leur emploi. Le plus souvent, ils n'ont pas terminé leurs études secondaires. Quarante-six pour cent des Canadiens âgés de 55 à 64 ans ne détiennent pas un diplôme d'études secondaires. Les travailleurs âgés de cet âge qui ont perdu leur emploi n'ont pas aussi les connaissances technologiques qui sont demandées sur le marché du travail. Nous avons mis au point des programmes pour répondre à leur besoin dans ce domaine. Quatre-vingt-treize pour cent de nos clients ont suivi un cours d'initiation à l'informatique de deux semaines qui leur permet ensuite de suivre un cours dans un programme ou dans un établissement privé.
Il arrive souvent que les travailleurs âgés aient un niveau d'alphabétisation insuffisant ou maîtrisent mal l'anglais comme langue seconde. Vingt-deux pour cent des adultes canadiens ne lisent pas suffisamment bien pour pouvoir s'acquitter de tâches quotidiennes. Quarante-quatre pour cent des Canadiens âgés de 56 à 65 ans sont considérés comme ayant un niveau d'alphabétisation insuffisant.
Pour les travailleurs âgés, le chômage signifie la fin de leurs rêves, un avenir financier incertain et la menace de la pauvreté. La plupart d'entre eux espéraient compter sur un revenu assuré pendant leur retraite. Le fait de se retrouver au chômage en fin de carrière les oblige à puiser dans leurs économies et à perdre une partie de leur revenu de retraite. Bon nombre de travailleurs sont d'ailleurs forcés de prendre une retraite prématurée.
Dans son exposé devant le comité, Statistique Canada aurait dit que les travailleurs âgés déplacés disent avoir pris leur retraite par «choix personnel». Il faut se demander si l'on a présenté l'option «retraite forcée» aux personnes interrogées. Un sondage mené par Statistique Canada entre 1990 et 1992 indiquait que 211 000 retraités avaient dit avoir pris leur retraite plus tôt que prévu. Quarante-deux pour cent d'entre eux ont dit l'avoir fait pour des raisons économiques et la moitié de ceux-ci ont mentionné avoir perdu leur emploi.
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Il ne fait aucun doute que le taux de chômage ne reflète pas
le nombre élevé de travailleurs «découragés» qu'on compte parmi les
personnes ayant pris une retraite anticipée plutôt que parmi les
personnes au chômage.
Les travailleurs âgés au chômage coûtent cher au Trésor. Outre les milliards de dollars versés en prestations d'assurance-emploi et d'aide sociale, l'économie canadienne a été privée en 1994 de plus de 14 milliards de dollars de revenus et de 4 milliards de dollars en recettes fiscales. Compte tenu du fait que les travailleurs âgés sont obligés de puiser dans leurs économies, l'appauvrissement des personnes âgées causera sous peu au Canada un problème encore plus grave. Après avoir travaillé d'arrache-pied pendant des décennies, les travailleurs âgés se voient privés de leurs économies à un moment où il leur est impossible de les remplacer.
D'après notre expérience, un modèle d'adaptation global est clairement bénéfique pour les travailleurs âgés. En août 1998, DRHC Toronto a mené une consultation auprès de travailleurs âgés à l'issue de laquelle il a été recommandé de regrouper sous un seul toit les évaluations, la gestion des cas, les ateliers liés à l'emploi, les programmes d'alphabétisation et d'initiation à la technologie, la planification des carrières, le counselling et l'aide en matière de formation, le placement des emplois et le suivi. C'était exactement le genre de modèle que nous avons adopté au MLEC.
Le système actuel des services d'adaptation au marché du travail est morcelé et dessert les travailleurs. Ainsi, l'achat de la formation n'est pas intégré à la gestion des cas. Les travailleurs âgés ont besoin d'être conseillés pour s'assurer que leurs choix répondent à leurs besoins. Un conseiller met un certain temps à établir une relation de confiance avec son client, un processus qui est impossible lorsque les travailleurs doivent s'adresser à différents endroits pour obtenir les services dont ils ont besoin.
L'octroi d'une aide pendant la période antérieure à la fermeture de l'usine est également très efficace. Nous avons offert des services aux travailleurs de GM dans les deux années et demie qui ont précédé la fermeture de l'usine. Nous avons offert des cours de recyclage et des cours d'informatique aux travailleurs pendant qu'ils continuaient de travailler. Ces travailleurs n'ont donc pas eu besoin de ces services lorsqu'ils se sont mis à toucher de l'assurance-emploi. Une approche que je peux recommander—et j'espère que le comité invitera des représentants de ces organismes pour lui en parler—est le modèle sectoriel adopté par le Conseil canadien du commerce et de l'emploi dans la sidérurgie, le CSTEC, et le MITEC, le Conseil canadien de l'industrie minière sur la technologie. MITEC est un conseil sectoriel récemment créé dans le domaine minier. Ces conseils font du travail très intéressant et je pense que leur témoignage serait utile au comité.
Dans le domaine de la formation, les travailleurs âgés sont défavorisés avant d'être mis à pied. Les travailleurs âgés de 55 ans et plus sont moitié moins susceptibles que les travailleurs de moins de 45 ans d'obtenir une aide de leur employeur pour obtenir une formation liée à l'emploi. Lorsque nous avons mis en oeuvre notre programme d'adaptation à la fin des années 80, le bureau local de DRHC soutenait que 80 p. 100 des travailleurs ayant perdu leur emploi ne voulaient pas être recyclés. Lorsque nous avons expliqué aux travailleurs quelles étaient les compétences dont ils avaient besoin sur le marché du travail et lorsque nous leur avons fourni l'information voulue sur le recyclage et sur les programmes d'aide financière, 80 p. 100 d'entre eux ont demandé à être recyclés. Nous avons donné à nos propres employés le titre de «défenseurs du recyclage» pour refléter les intérêts des travailleurs.
Les travailleurs âgés font face à un certain nombre d'obstacles pour ce qui est d'avoir accès à la formation. Par le passé, les travailleurs dans les secteurs connaissant des difficultés étaient encouragés à se former en vue d'une nouvelle carrière. Pour obtenir une subvention du fonds d'investissement en ressources humaines, les travailleurs devaient cependant suivre une formation cadrant avec leur expérience de travail antérieure—ah, ah—même s'il n'existait plus d'emplois dans ces domaines. Le programme a récemment été modifié de sorte qu'il est maintenant possible à un travailleur d'obtenir une formation en vue de changer de carrière. C'est du moins possible en théorie, mais il reste difficile d'obtenir l'approbation d'une formation menant vers une nouvelle carrière.
Par le passé, les prestations des travailleurs étant prêts à suivre un programme de recyclage pouvaient être prolongées d'une année et de 64 semaines au maximum s'ils suivaient un cours de formation spécialisé. Même avant la création du Fonds, on avait cessé de subventionner la formation linguistique. Seuls les travailleurs possédant au moins une 8e année pouvaient suivre des cours de recyclage et des travailleurs dont l'anglais était la langue seconde et qui vivaient au Canada depuis longtemps ont été privés de cours de langue pour les immigrants au Canada. Il est devenu presque impossible aux travailleurs de se perfectionner après la création du Fonds d'investissement en ressources humaines.
La durée limite fixée pour la formation fait en sorte qu'il est presque impossible de répondre aux besoins des travailleurs. À Toronto, la durée maximale de la formation est de 26 semaines. Des instituts privés ont comprimé en 26 semaines la formation autrefois dispensée sur une période variant entre 52 et 64 semaines. Les travailleurs âgés qui ont besoin d'améliorer leurs compétences en mathématique et en lecture sont presque assurés d'échouer des cours de formation ainsi condensés.
• 1125
L'annulation du programme ontarien Transitions a également
rendu la formation encore plus inaccessible aux travailleurs parce
que les prestataires d'assurance-emploi pouvaient autrefois
bénéficier de ce programme. Les travailleurs de plus de 45 ans
avaient droit en vertu de ce programme au remboursement de leur
frais de scolarité jusqu'à concurrence de 4 500 $ ainsi qu'à des
services de counselling. Il s'agissait d'un excellent programme que
le comité devrait étudier.
Depuis 1997, on évalue les moyens financiers des travailleurs au chômage pour établir s'ils ont droit à une subvention de formation. Le revenu et les dépenses familiales totales sont pris en compte dans cet examen. On s'attend à ce que les travailleurs puisent dans leurs économies pour financer leur formation. Il n'existe cependant pas de lignes directrices transparentes et uniformes sur la façon d'évaluer les besoins financiers des travailleurs au chômage. Ainsi, un travailleur peut se voir accorder 1 000 $ et un autre travailleur dans la même situation, 2 000. Ce manque d'uniformité est attribuable au système actuel de courtage de la formation. Il incombe au courtier en formation d'établir si le travailleur a droit à la formation ainsi que l'importance de la subvention qui lui sera accordée. Nous ne nous occupons pas de cet aspect-là de la question. Nous intervenons seulement auprès des travailleurs.
Nous avons constaté d'énormes différences dans les décisions qui sont prises et nous déplorons le caractère arbitraire et le manque d'uniformité du système actuel. Les travailleurs n'auront bientôt d'autre choix que de s'endetter pour acheter leur formation, particulièrement si on tient compte du revenu familial. Les travailleurs âgés dont les enfants poursuivent des études dans des établissements postsecondaires ne seront pas en mesure d'emprunter pour payer leur formation. Il est important de noter que les familles au sein desquelles l'un des parents âgés de 45 à 54 ans est au chômage compte des enfants à charge dans une proportion de 57 p. 100 et que le tiers des familles sont dans cette situation si le parent au chômage est âgé entre 55 et 64 ans.
J'ai déjà parlé de la perte des crédits directs de formation. Ces crédits relevaient de DRHC. Aucun autre ministère n'intervient dans ce domaine. L'élimination de ces programmes a eu un effet dévastateur sur l'infrastructure de formation. Ainsi, les collèges ne sont plus en mesure d'offrir des cours de perfectionnement en anglais langue seconde en Ontario, et comme la province a refilé aux municipalités sa responsabilité à cet égard, les conseils scolaires ne sont plus en mesure d'offrir cette formation.
Nous nous préoccupons beaucoup de la façon dont on évalue actuellement l'efficacité des programmes. En effet, on ne tient compte que de l'efficacité à court terme, c'est-à-dire ce qui peut être économisé en un an en prestations d'assurance-emploi. On juge les organismes au nombre de travailleurs auxquels ils peuvent trouver un emploi. Certaines provinces songeraient à remplacer les frais de service par des frais de placement. Ce genre d'approche fondée sur les résultats à court terme favorise ce qu'on appelle «l'écrémage», c'est-à-dire qu'on encourage les organismes à se désintéresser des travailleurs qui sont difficiles à placer pour concentrer leurs efforts sur les candidats très instruits et hautement spécialisés qu'il leur sera facile de placer. Cette approche est désastreuse pour les travailleurs âgés qui ont besoin de plus d'aide. Les conséquences à long terme de l'adaptation des travailleurs âgés au marché du travail—services d'aide à l'emploi, placement, formation et obtention d'emplois stables bien rémunérés—ne seront connues que dans plusieurs années.
Bref, la décentralisation et la spécialisation ont atteint un tel niveau que Toronto est maintenant considéré comme sept marchés du travail différents. Imaginez, sept! Il existe une certaine coordination entre les divers intervenants, mais celle-ci n'est pas suffisante. Le sentiment de frustration des entreprises et des travailleurs à Toronto a atteint un niveau inégalé. À titre de membre du Comité du développement économique de la ville de Toronto, je peux vous assurer que la ville se préoccupe beaucoup de ce qui peut être fait pour créer une main-d'oeuvre spécialisée. Nous ne voyons pas comment les sept marchés du travail qui ont été créés peuvent vraiment aider à améliorer la situation.
Celle-ci est tellement mauvaise que notre Centre doit s'adresser au fonds pour la population de Santé Canada plutôt qu'à DRHC pour obtenir l'aide financière voulue pour lui permettre de mettre en oeuvre son approche globale à l'adaptation des travailleurs. Nous ne pensons pas que nous devrions avoir à aller d'un ministère à l'autre pour trouver des fonds pour mettre en oeuvre ce programme. Développement des ressources humaines Canada devrait lui-même adopter ce modèle et voir comment il pourrait faire profiter les travailleurs déplacés des avantages qu'il présente.
• 1130
Le 30 juin, on distribuera des subventions de transition. Des
travailleurs obtiendront des fonds pour acheter leur formation d'un
institut pouvant émettre un reçu à des fins d'impôt. Cette mesure
éliminera complètement du domaine les organismes de formation
communautaires à but non lucratif puisque nous ne pouvons pas
émettre de reçus à des fins d'impôt. Les travailleurs ne seront
donc plus en mesure de suivre les cours de préparation à l'emploi
et les cours de préparation à la vie active qu'offrent les
organismes communautaires depuis des années. Nous avons dénoncé
cette situation à l'échelle locale. Nous apprécierions toute aide
que vous pourriez nous fournir à cet égard.
En Ontario, la question de la dévolution retient beaucoup l'attention. L'Accord sur le développement du marché du travail n'a pas été signé. Nous aimerions beaucoup qu'il ne le soit pas. La dévolution aura des conséquences désastreuses en Ontario. Harris se servira de ce prétexte pour mettre en oeuvre son programme de privatisation, notamment. À l'heure actuelle, à Toronto, 87 p. 100 des clients de DRHC sont des prestataires d'aide sociale de la province.
Cela étant dit, que pouvons-nous faire? La partie II de la loi comporte une mesure qui s'appelle des suppléments de revenu. Je ne sais pas si les gens en sont conscients. J'ai ici un rapport de DRHC qui a été fait par des spécialistes du domaine. Nous avons demandé à plusieurs reprises qu'on songe à cette mesure dans le cas des travailleurs âgés—et non pas au supplément salarial ciblé. Tous ceux que nous avons consultés l'an dernier sur la question des travailleurs âgés ont été unanimes: il ne faut pas recourir aux salaires ciblés pour les travailleurs âgés. Nous n'avons pas à soudoyer les employeurs pour les amener à accepter des employés qualifiés dont l'expérience et la loyauté seraient un atout pour eux. Il nous faut cependant aider ceux qui ont perdu un emploi très bien rémunéré qui ne veulent pas envisager la possibilité d'accepter un emploi moins bien payé.
Les prestations de supplément de revenu élargiront les possibilités d'emploi des travailleurs âgés si on leur donne également la possibilité d'améliorer leurs compétences et d'acquérir les connaissances qui leur font défaut ans certains domaines.
Je sais que vous avez aussi étudié le PATA, c'est-à-dire le Programme d'adaptation des travailleurs âgés. Ce programme comportait des lacunes, mais il était tout de même utile. Le principal reproche que nous lui faisons est qu'il était fondé sur les besoins de chaque milieu de travail et non sur ceux de chaque personne. Il devrait plutôt répondre aux besoins individuels des travailleurs. Cela étant dit, il convient de trouver une solution aux problèmes des travailleurs âgés qui sont mis à pied par leur travailleur—dans les syndicats, nous avons aussi à sensibiliser nos membres à cette question—et nous ne souhaitons pas qu'on ait recours au PATA pour aider ceux qui voudraient trouver un nouvel emploi.
On me dit aussi que vous avez étudié l'initiative visant le travail indépendant. En 1995, nous avons obtenu une subvention du Secrétariat ontarien du développement économique communautaire dont nous nous sommes servis pour établir la forme que devrait prendre le développement économique local. Pour nous, le développement économique local devrait comporter les trois éléments suivants en ordre de priorité: stratégies de rétention des emplois, stratégies de conversion des emplois—c'est-à-dire comment aider les organisations à s'adapter à la nouvelle économie et aux marchés d'exportation—et création d'emplois.
Nous avons étudié le programme d'aide au travail indépendant qui nous semble convenir aux besoins de nos clients dont la majorité sont des travailleurs âgés. On pourrait aussi recourir à des options de développement économique communautaire comme les coopératives de travailleurs et les entreprises communautaires. Nous pensons que ces options pourraient être viables, mais le programme actuel d'aide au travail indépendant ne prévoit pas suffisamment de temps pour permettre aux travailleurs d'acquérir la formation voulue. On pourrait cependant étudier ce genre d'options qui conviendraient peut-être dans les régions rurales en particulier où l'on trouve des villes à industrie unique.
En ce qui touche la recherche et le développement dans notre domaine, nous déplorons vivement le démantèlement de la CCMMO, la Commission canadienne de mise en valeur de la main-d'oeuvre. Cette commission a très bien su surveiller et évaluer l'incidence des programmes. Nous nous demandons qui va bien pouvoir faire ce genre de recherche maintenant que la Commission a disparu. La recherche joue cependant un rôle fondamental dans l'élaboration de nouvelles méthodes et de nouvelles approches. Nous pensons que des organismes qui s'intéressent directement au sort des travailleurs âgés comme La voix, le Congrès du travail du Canada, les coalitions d'alphabétisation, les groupes communautaires et les municipalités devraient jouer un rôle dans ce domaine.
• 1135
Nous aimerions également qu'on envisage la possibilité de
créer un nouveau bureau ou un nouveau service de Développement des
ressources humaines Canada dont le mandat serait de coordonner tous
les services spécialisés s'adressant aux travailleurs âgés ainsi
que de distribuer des fonds pour la recherche et le développement
dans ce domaine.
En conclusion, nous aimerions insister de nouveau sur l'importance de l'élaboration de politiques et de programmes publics à moyen et à long termes destinés aux travailleurs âgés déplacés. Des fonds doivent être accordés pour l'intervention précoce, l'octroi de services à l'étape précédant la fermeture d'usine, la création de guichets uniques et l'adaptation après la mise à pied, et cela est possible en vertu de la loi actuelle.
Il faut également accorder aux travailleurs l'accès garanti aux programmes de recyclage, leur donner le temps voulu pour y participer, leur offrir un soutien du revenu, financer l'acquisition de l'anglais langue seconde, l'alphabétisation, les programmes d'initiation à la technologie, les services d'aide à l'emploi actuel, le PATA, les suppléments de revenus ainsi qu'une aide accrue en matière de placements... Les travailleurs âgés ont beaucoup de mal à prospecter le marché du travail. Ils ont vraiment besoin d'une aide à cet égard.
Nous voudrions de nouveau vous remercier de l'occasion qui nous a été donnée de comparaître devant vous aujourd'hui. Je suis enchantée que le comité ait décidé de se pencher sur une question aussi importante et nous ferons tout ce que nous pouvons pour vous fournir des renseignements supplémentaires ou pour vous adresser au besoin à des gens qui en savent davantage que nous.
Je vous remercie.
La présidente: Je vous remercie.
Madame Brown, avez-vous quelque chose à ajouter ou pouvons- nous passer aux questions?
Mme Beverly Brown (coordonnatrice, Programme d'adaptation au travail, Metro Labour Education Centre): Je n'ai pas vraiment de commentaires à faire, mais j'aimerais simplement vous donner certaines statistiques se rapportant aux travailleurs d'une usine auxquels nous sommes venus en aide simplement pour que vous vous fassiez une meilleure idée du type de clients que nous desservons.
L'usine en question se trouve au centre-ville de Toronto. Nous avons évalué la situation de 161 travailleurs de cette usine il y a deux semaines. Quatre-vingt-dix-neuf d'entre eux sont âgés de 45 ans ou plus. Les travailleurs de ce groupe d'âge représentent une proportion très élevée des travailleurs de l'usine. Soixante-sept de ces 99 travailleurs comptaient 20 années d'ancienneté au sein de cette société et certains jusqu'à 33 ans. Cinquante et un des 99 travailleurs sont les seuls membres de leur famille à gagner un revenu et ils ne peuvent compter sur aucune aide financière. Quatre-vingt-huit d'entre eux gagnent plus de 16 $ l'heure. L'anglais est la langue seconde pour soixante de ces 99 travailleurs. Un nombre très élevé de travailleurs de cette usine n'ont pas terminé leurs études secondaires. À titre d'exemple, 37 travailleurs n'ont pas plus d'une huitième année; ce sont des gens qui ont terminé leurs études en troisième, en quatrième ou en cinquième année et qui sont venus du Portugal. Je crois que les trois principales langues qui sont parlées dans cette usine sont le portugais, l'italien et le grec.
Compte tenu de ces statistiques et comme ces travailleurs gagnaient 16 $ l'heure malgré le fait qu'ils avaient abandonné leurs études en cinquième année, et compte tenu de la situation actuelle, où ces travailleurs vont-ils trouver des emplois qui seront moitié aussi bien rémunérés que ceux qu'ils auront perdus? Soyons réalistes. C'est une situation qui est très difficile pour une personne qui est le seul membre de sa famille à gagner un revenu.
Soixante-douze d'entre eux n'ont aucune compétence en informatique. Lorsqu'on leur a demandé dans quelle mesure ils avaient besoin de trouver un emploi, 23 des 99 dans ce groupe d'âge—je parle uniquement de ceux qui ont 45 ans ou plus, mais nous aurons un rapport plus détaillé que vous recevrez plus tard qui l'indique—ont répondu qu'ils devaient trouver un emploi de toute urgence. Nous parlons des travailleurs âgés qui ont... j'ai dit 45 ans ou plus, mais certains de ces travailleurs avaient 55 ans. Pendant que nous introduisions les données, l'un des employés de soutien a dit: «, e type a 64 ans et a besoin de trouver un emploi de toute urgence.» Il est à une année de la retraite, mais comme sa pension sera très faible elle ne lui permettra pas de soutenir son revenu ou même de prendre une retraite anticipée.
Lorsque vous examinez ce genre de statistiques et que vous apprenez que 23 sur 99 ont besoin de trouver un emploi... Compte tenu de cela, nous savons que leur âge constituera un important obstacle dans leur quête d'un autre emploi.
• 1140
Nous leur avons demandé ce qu'ils considéraient comme les plus
grands obstacles à leur recherche d'un nouvel emploi. Voici ce
qu'ils ont dit: 77 ont cité leur ignorance du marché du travail, 42
ont cité des études et une formation insuffisantes, 35 des
difficultés à lire et à écrire et 34 ont cité l'absence de
compétences monnayables. Ce sont les facteurs qu'ils ont indiqués
eux-mêmes. Sur les 99 travailleurs interrogés, 75 ont indiqué
qu'ils voulaient une forme quelconque d'information, pas
nécessairement du recyclage, mais de l'information concernant les
possibilités de recyclage. Sur ces 99 travailleurs, 49 voulaient
améliorer leur aptitude à la lecture et à l'écriture, 36 voulaient
améliorer leur compétence en mathématiques et 35 voulaient
améliorer leur habileté en expression orale.
Donc ils savent déjà quels sont les obstacles. Il leur suffit de lire le journal et de parler à leurs amis et à leurs voisins. Pendant le processus d'évaluation, un certain nombre d'entre eux ont déclaré qu'ils comptaient beaucoup sur leur employeur—qui est maintenant leur ancien employeur, étant donné qu'ils ont tous été mis à pied le 30 avril—et le syndicat pour qu'ils leur trouvent des emplois. C'est simplement parce qu'ils savent quelle est la situation. Leur intérêt pour le recyclage...
Lorsque la plupart de ces types ont été engagés par cette entreprise—et cela vaut pour tous les cas de compressions d'effectifs et de fermetures d'entreprises qui touchent des travailleurs âgés—ils n'avaient pas besoin d'avoir terminé leur secondaire, ils n'avaient jamais dû préparer un curriculum vitae et ils n'avaient jamais passé d'entrevues. La plupart d'entre eux avaient été engagés sans même avoir à remplir une demande d'emploi parce que leur mère, leur frère, leur père, leur oncle ou leur tante les avait dirigés vers l'employeur. Ils n'avaient pas besoin de recevoir une formation spéciale. Tout employeur qui mettait sur pied sa chaîne de production se précipitait sur la première personne qui passait; il suffisait de pouvoir marcher et respirer pour être embauché. Ils n'avaient pas à avoir terminé leur secondaire ni à passer une entrevue comme doivent le faire maintenant les travailleurs. Comment s'étonner alors que les travailleurs âgés soient confrontés à de si nombreux obstacles lorsqu'ils se trouvent en chômage?
En ce qui concerne des programmes comme le PATA, je le connais bien car j'ai travaillé à l'usine Inglis à Toronto qui était désignée admissible au PATA. Cent trente de nos travailleurs étaient admissibles au Programme d'adaptation des travailleurs âgés, et certains d'entre eux arrivent à la fin du programme. Comme vous le savez, il y a aujourd'hui 10 ans que cette usine a fermé; certains d'entre eux arrivent donc à la fin. Ces travailleurs ont bénéficié de nombreux avantages que beaucoup d'autres travailleurs n'ont pas eus et que n'auront pas les travailleurs futurs à moins que l'on mette sur pied un programme comme le PATA qui leur sert de filet de sécurité. Ces travailleurs ont donc eu droit à des avantages que bien d'autres travailleurs n'auront jamais. Ce filet de sécurité leur a facilité la transition jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge de 65 ans.
Cela devient donc vraiment un clivage entre les nantis et les démunis. En 1991, lorsque notre usine a été désignée, parmi toutes les entreprises qui ont fermé leurs portes ou qui ont comprimé leur effectif, mettant ainsi au chômage des travailleurs âgés, seulement 595 des travailleurs en Ontario ont été admissibles au PATA. En raison de critères vraiment restrictifs et sévères, beaucoup de travailleurs ont été exclus.
J'aimerais ajouter une chose à propos de ce milieu de travail en particulier et à propos d'autres milieux de travail où il y a des travailleurs âgés. Nous avons constaté ici qu'un certain nombre de travailleurs—pas une grande majorité—qui, parce qu'ils faisaient de gros travaux et levaient des charges lourdes, avaient été blessés au travail et par conséquent continuaient à travailler mais pas dans les mêmes emplois. L'employeur leur a trouvé du travail moins exigeant afin qu'ils n'aient pas à lever des charges lourdes. Certains d'entre eux reçoivent de petites pensions de la Commission des accidents du travail qui continueront à leur être versées.
Mais en ce qui concerne ces travailleurs en particulier, certains d'entre eux connaissent un problème supplémentaire, à savoir qu'ils ne sont pas en forme. Ils ne passeraient probablement pas un examen médical si cela était exigé par un autre employeur. Cela soulève tout un autre éventail de problèmes auxquels font face les travailleurs âgés, surtout s'ils sont blessés au travail. Comme vous le savez, un employeur est tenu de leur assurer un travail quelconque. Puis, lorsqu'ils perdent cet emploi, ces travailleurs sont encore plus défavorisés que les travailleurs du même groupe d'âge parce qu'ils sont incapables de se trouver un autre emploi.
La présidente: Madame Brown, nous avons une si longue liste de questions...
Mme Beverly Brown: Désolée.
La présidente: ...et de toute évidence vos observations nous ont beaucoup donné à réfléchir. Nous pourrions peut-être passer aux questions.
Monsieur Johnston, je crois comprendre que vous partagez votre temps avec Diane Ablonczy.
M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.): Je vous remercie, madame la présidente.
Je tiens à vous remercier de votre exposé, mesdames. J'ai constaté que vous avez parlé d'une usine en particulier où le taux d'analphabétisme est très élevé. Je me demande à quel point le problème de l'analphabétisme est répandu parmi les travailleurs âgés au chômage. Lorsque vous parlez d'analphabétisme, est-ce que vous parlez de l'aptitude à lire et à communiquer ou parlez-vous aussi de l'absence de compétences en matière technologique? Pourriez-vous me donner des chiffres là-dessus? Dans votre exposé, vous avez parlé d'un taux d'analphabétisme de 22 p. 100, madame Stovel, mais je n'ai pas tout à fait compris...
Mme Trish Stovel: Les statistiques que j'avais indiquaient que 22 p. 100—et ces chiffres proviennent d'AILS, et le Secrétariat national à l'alphabétisation de DRH pourra sans doute vous en fournir de meilleurs—des Canadiens adultes n'arrivent pas à lire suffisamment bien pour faire face aux exigences de lecture de la vie de tous les jours. Ils sont incapables d'utiliser du matériel écrit pour acquérir de nouvelles compétences. Vingt-six pour cent ne peuvent lire que du matériel qui est écrit et conçu clairement. Parmi les travailleurs âgés entre 56 et 64 ans, 44 p. 100 affichent le plus grave problème d'analphabétisme.
Vous parlez de compétences technologiques. D'après notre expérience, 93 p. 100 de nos clients suivent notre programme d'initiation à la technologie, et c'est une constante généralisée. Ce pourcentage pourrait atteindre pratiquement 100 p. 100. Ce qui ajoute au problème, comme vous le savez, c'est qu'en raison de la façon dont le nouveau système a été établi, les centres de ressource sont autonomes, c'est-à-dire que l'on s'attend à ce que les gens sachent utiliser un ordinateur pour pouvoir utiliser les services offerts par un kiosque.
M. Dale Johnston: Oui.
Mme Trish Stovel: C'est pourquoi des centres comme le nôtre n'ont pas beaucoup de succès.
M. Dale Johnston: Bien entendu, dans ces kiosques, on procède par auto-éducation si on peut dire; on touche l'écran et on vous donne des instructions du genre «appuyez ici pour l'anglais ou le français»... Même moi, je suis capable de faire fonctionner l'un de ces ordinateurs.
Des voix: Bravo!
Mme Trish Stovel: Oui, mais vous seriez étonné...
M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.): Mais vous ne trouveriez jamais d'emploi...
Des voix: Oh, oh!
Mme Trish Stovel: Mais conjugué à...
M. Dale Johnston: On nous dit que les anciens politiciens n'arrivent pas à se trouver de l'emploi...
Mme Trish Stovel: Oui, mais...
M. Dale Johnston: ...et la plupart d'entre nous sont des travailleurs âgés.
Mme Trish Stovel: Lorsque vous ajoutez l'aspect linguistique à l'équation, c'est-à-dire la connaissance de l'anglais et du français... La raison pour laquelle nous avons le plus important programme à l'intention des travailleurs en Ontario c'est qu'à Toronto, 60 p. 100 de la population active était des usagers de la langue seconde ou des travailleurs âgés, des Canadiens âgés qui sont arrivés des Maritimes à Toronto avec une cinquième ou une sixième année. C'est pourquoi nous avons mis sur pied nos programmes d'anglais au travail.
M. Dale Johnston: C'est peut-être une question très générale. Ce sera ma dernière question, puis je céderai la parole à Mme Ablonczy. Quelle est la mesure, à votre avis, que nous pourrions prendre immédiatement pour améliorer le sort des travailleurs peu spécialisés, âgés et déplacés? Quelle est la première étape à suivre? Et quels sont les coûts qui s'y rattacheraient à votre avis?
Mme Trish Stovel: Eh bien, il y a—et cela ne vient pas de notre propre initiative uniquement mais des consultations que nous avons eues avec les travailleurs âgés à Toronto—la question d'un service d'adaptation global. Par «global», nous voulons dire depuis le moment où ils perdent leur emploi jusqu'au moment où ils reçoivent des services d'une tierce partie qui se spécialise dans les services aux travailleurs âgés. Ces services sont financés à l'heure actuelle grâce aux fonds existants. Ils ne sont pas réservés expressément pour les travailleurs âgés, mais à moins d'être aussi persévérants que nous le sommes, on ne peut pas tout faire sous un seul toit.
M. Dale Johnston: Donc c'est une forme de guichet unique.
Mme Trish Stovel: Ce n'est pas simplement une question de... Qu'il s'agisse de MLEC ou du Centre d'orientation juif ou du YWCA ou du Centre communautaire Woodgreen, nous sommes tous en mesure, ce que nous avons d'ailleurs toujours fait par le passé, d'offrir des services globaux. C'est cet effet de spécialisation, qui correspond à l'interprétation sur le terrain de la façon dont les choses doivent se faire; ce n'est pas le mandat de la loi. Je dirais que c'est probablement là que vous pouvez jouer un rôle important.
Qu'en pensez-vous, Beverly?
Mme Beverly Brown: Oui... et à moins de trouver un moyen d'encourager les employeurs à engager des travailleurs mûrs, expérimentés.
Mme Trish Stovel: Nous savons que les employeurs ne sont pas censés faire de la discrimination fondée sur l'âge, mais nous connaissons également les choix qu'ils vont faire, ils engageront des gens plus jeunes, à l'esprit plus agile... Nous savons que c'est la réalité telle qu'elle existe. Par conséquent nous avons entre autres envisagé le placement ciblé. C'est l'une des premières choses que nous avons recommandées à cette usine en particulier: que le comité envisage en fait le placement ciblé, afin d'encourager les employeurs à... Si vous allez voir un employeur en lui disant que vous avez une main-d'oeuvre mûre et expérimentée, l'employeur sait alors à quoi s'en tenir au sujet de l'âge des travailleurs. Il vaut mieux procéder de cette façon que de simplement essayer de placer un travailleur qui se présente alors à l'entrevue sans que son curriculum vitae indique qu'il possède 30 ans d'expérience ou indique son âge. Lorsqu'il se présente à l'entrevue, soudainement, il est immédiatement écarté.
Mme Trish Stovel: En fait, j'aimerais ajouter que nous avons essayé de cibler les travailleurs âgés malgré ce qui se fait sur le terrain. En fait, j'ai triplé le nombre d'employés affectés au placement. Les résultats ont été excellents, non seulement pour nous-mêmes mais pour l'ensemble des organisations communautaires, parce que nous avons partagé l'information et coopéré. Lorsque je suis retournée au bureau local de DRHC en lui demandant de poursuivre l'expérience, il a refusé. Mais c'est possible. Ce que Bev vous dit est absolument vrai et je pense que le groupe La Voix qui vous renseignera plus à fond sur les préjugés de l'employeur.
Mais ici encore, en ce qui concerne les problèmes entre autres de préjugés de l'employeur, j'ai travaillé en collaboration avec le président de la Chambre de commerce à d'autres titres et lui ai dit que nous voulions aider les travailleurs âgés. Je lui ai demandé s'il serait disposé, ainsi que la ville de Toronto, à organiser un forum où nous pourrions aborder la question de la sensibilisation et de la formation, parce qu'il s'agit vraiment d'une question d'attitude. Il a répondu qu'il serait heureux de le faire.
La présidente: Je vous remercie.
Madame Ablonczy.
Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Réf.): Je me demande simplement combien de temps il me reste.
La présidente: Oui, je surveille l'heure.
Mme Diane Ablonczy: Je pense que c'est peut-être à cause du peu de temps...
La présidente: Vous avez encore trois minutes.
Mme Diane Ablonczy: Je suis sûre que mon compétent collègue a abordé cet aspect.
La présidente: Je vous remercie.
[Français]
Madame Girard-Bujold.
Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Je vous remercie d'être venus. Le tableau que vous nous avez dressé est réaliste. Vous avez mis les points sur les i dans les catégories et nous avez part des incidences de la situation sur les travailleurs âgés.
J'aimerais aller un peu plus loin parce que lorsqu'on fait un constat, c'est pour aller vers quelque chose d'autre. Présentement, les personnes âgées qui veulent réintégrer le marché du travail font face à deux inconvénients. Il y a les entreprises qui ne veulent pas les engager et il y a aussi les PME qui veulent engager des jeunes; 57 p. 100 des PME sont très restrictives quant à l'emploi de personnes âgées.
Vous savez que ces personnes âgées possèdent de l'expérience de travail. Vous avez élaboré des idées sur beaucoup de choses. Pensez-vous que les gouvernements devraient mettre sur pied des programmes de transfert des connaissances, c'est-à-dire des programmes permettant aux personnes âgées de transmettre aux jeunes l'expérience qu'ils ont acquise?
Avez-vous étudié également la transition au travail par opposition à la retraite? Avez-vous fait un choix à cet égard? Avez-vous aussi étudié le mode de retraite traditionnel par rapport à une nouvelle façon de prendre sa retraite? Vous disiez aussi, dans votre exposé, qu'il y avait un supplément de gain salarial ciblé. Vous en avez fait l'expérience. J'aimerais vous entendre sur ces sujets. Merci.
[Traduction]
La présidente: Pourrais-je vous demander de donner de courtes réponses? Comme Diane a eu la bonté de nous le signaler, nous commençons à manquer de temps et nous voulons permettre à tout le monde de poser des questions.
Mme Trish Stovel: Très bien. En ce qui concerne les employeurs et les employés qu'ils veulent engager, je pense qu'il sera préférable que vous posiez la question au groupe La Voix parce qu'ils ont fait d'excellentes études à ce sujet.
• 1155
Quant à savoir si nous pouvons faire quelque chose pour
permettre aux travailleurs âgés de transmettre leurs compétences et
leur maturité comme travailleurs, je suis tout à fait d'accord.
J'envisagerais la chose sous forme de situation de formation au
travail, un mentorat en quelque sorte. En fait, c'est l'un des
arguments que nous pouvons faire valoir aux employeurs, à savoir
que les travailleurs âgés peuvent servir à former à l'interne de
façon informelle les jeunes.
Ils pourraient également jouer un rôle par exemple dans les entreprises communautaires ou les coopératives de travailleurs. Lors du programme Transitions, les travailleurs âgés ont manifesté le désir d'aider les jeunes travailleurs à se lancer en affaires. Ils étaient prêts à travailler avec eux parce qu'ils savaient que ces jeunes travailleurs tenaient à continuer à travailler longtemps. Eux-mêmes ne le voulaient pas, mais ils étaient prêts à partager leurs compétences et à aider ces jeunes à lancer leur nouvelle entreprise. Grâce au programme Transitions, nous pouvions choisir des gestionnaires et des responsables de la mise en marché, mélanger le tout pour obtenir instantanément une petite entreprise.
Je pense qu'il y a deux façons de procéder: d'une part dans le cadre de la population active, nous encourageons les employeurs à le faire, et d'autre part, dans le cadre du développement d'entreprises, où la maturité des travailleurs âgés représenterait vraiment un atout.
[Français]
La présidente: Avez-vous d'autres questions?
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Non, je préfère attendre.
La présidente: Merci, c'est gentil.
Monsieur Dubé.
[Traduction]
M. Jean Dubé (Madawaska—Restigouche, PC): J'ai simplement une très brève question. En ce qui concerne les travailleurs âgés, vous dites qu'en Ontario il y avait un programme destiné à les aider. Comment s'appelait ce programme?
Mme Beverly Brown: Il s'agissait du programme d'adaptation des travailleurs âgés. Ce programme ne fonctionnait pas uniquement en Ontario. Il était financé, je crois, à 70 p. 100 par le gouvernement fédéral et à 30 p. 100 par les provinces. Il s'agissait d'un programme national—le PATA.
M. Jean Dubé: Quelle en était la réputation? Était-ce un bon programme? Comment était-il perçu par ses utilisateurs?
Mme Beverly Brown: Que voulez-vous dire?
M. Jean Dubé: Ce programme était-il efficace?
Mme Beverly Brown: Oh, je pense que c'était un programme très efficace, parce qu'il leur permettait de travailler de façon temporaire, à temps partiel; le montant qu'ils recevaient chaque mois était réduit s'ils travaillaient pendant ce mois-là. Mais en ce qui concerne la plupart des gens avec qui j'ai eu des contacts personnels, beaucoup d'entre eux ne sont pas arrivés à obtenir un emploi à temps plein pendant cette période de transition de 55 à 65 ans, et ce programme leur a effectivement été utile jusqu'à l'âge de 65 ans.
Mais les critères étaient extrêmement restrictifs. Simplement pour vous en donner un bref exemple, dans la péninsule, d'un côté de la rue, vous pouviez avoir une usine avec 400 travailleurs qui étaient désignés admissibles au PATA, et de l'autre côté de la rue, une usine avec 400 travailleurs présentant à peu près les mêmes caractéristiques, mais qui n'étaient pas admissibles à ce programme. La désignation était fonction de l'industrie. Dans un cas il s'agissait d'une fonderie et dans l'autre d'une usine électrique. La fonderie était désignée admissible, mais pas l'usine électrique. Vous pouviez avoir des maris et des femmes qui travaillaient dans une usine et dans l'autre, ou votre voisin... Les critères d'admissibilité étaient extrêmement sévères.
M. Jean Dubé: Ce programme n'est plus en vigueur?
Mme Beverly Brown: Non.
M. Jean Dubé: Donc ce serait probablement une recommandation de votre part.
Mme Trish Stovel: Oui.
M. Jean Dubé: Au Nouveau-Brunswick, nous avions le programme Compagnie de travailleurs du Nouveau-Brunswick. C'est probablement la même chose.
Andy, s'agit-il d'un programme analogue?
M. Andy Scott (Fredericton, Lib.): Oui.
M. Jean Dubé: En fait, il a eu beaucoup de succès au Nouveau- Brunswick. La réaction des gens âgés du secteur privé a été très bonne. Disons donc que c'est l'une de vos recommandations.
Mme Beverly Brown: Oui, la seule chose, comme Trish vous l'a indiqué plus tôt, c'est que la désignation ne se ferait pas en fonction de l'usine ou de l'emplacement mais davantage en fonction du particulier.
Mme Trish Stovel: Oui.
M. Jean Dubé: En fonction du particulier.
Mme Beverly Brown: Parce que sûrement les travailleurs âgés entre 55 et 65 ans—ceux dont j'ai parlé qui ont subi des blessures ou qui connaissaient d'autres obstacles plus graves à l'emploi—seraient considérés admissibles à ce programme, par opposition à quelqu'un qui, disons, avait 55 ans et voulait conserver un emploi et ne voulait pas nécessairement... Il y a tout un éventail de travailleurs qui seraient à mon avis tout à fait admissibles à ce genre de programme.
La présidente: Pourrais-je demander un éclaircissement? Notre attaché de recherche m'informe que le programme dont vous parlez n'avait pas été accepté par toutes les provinces...
Mme Beverly Brown: L'Alberta.
La présidente: ...et qu'il devait être approuvé par la province.
Mme Beverly Brown: Oui, effectivement. Je pense que l'Alberta était la seule province à ne pas y pas participer.
La présidente: Et l'Île-du-Prince-Edouard.
Mme Beverly Brown: L'Île-du-Prince-Edouard?
La présidente: Je vous remercie.
M. Jean Dubé: Je peux donc compter sur votre appui lorsque j'encouragerai le gouvernement à...
Mme Beverly Brown: Oh, tout à fait.
Mme Trish Stovel: Oui.
La présidente: On m'informe que le Nouveau-Brunswick est la troisième province.
Avez-vous d'autres questions, monsieur Dubé?
M. Jean Dubé: Non, j'ai terminé. Je vous remercie.
La présidente: Andy Scott, la parole est à vous.
M. Andy Scott: Nous avions le programme Compagnie des travailleurs au lieu du PATA, et il s'agit d'un programme assez différent. Je tiens à le préciser. Il est davantage axé sur la fonction publique; c'est une mesure active qui permettra aux gens de travailler dans la fonction publique pour un certain pourcentage de rémunération et ainsi de suite. C'est l'une des options disponibles, mais il s'agit d'un programme très précis dans ce cas.
Je me demande si vous avez constaté qu'il y a un clivage entre les milieux urbains et les milieux ruraux à cet égard. Si nous acceptons le fait qu'il existe une vaste gamme de solutions pour traiter de ce problème... Par conséquent, dans certains cas, il pourrait s'agir de recyclage dans une collectivité où le taux de chômage est inférieur à 7 ou 8 p. 100. Si le taux de chômage est de 40 p. 100 et que les gens ne sont pas prêts à quitter leur collectivité—parce qu'ils ont payé leur maison, etc.—la solution peut être différente.
Je n'ai pas l'intention d'exclure qui que ce soit ni d'obliger qui que ce soit à toucher sa pension ou à prendre ces mesures de façon prématurée ou sans raison, mais le fait est... Ne croyez-vous pas que parmi ces solutions, il existe des mesures très actives selon lesquelles vous pouvez permettre à quelqu'un de retrouver de l'emploi assez rapidement grâce à la formation etc., mais qu'il y a d'autres situations où cela n'est pas possible? Êtes-vous d'accord avec cela? Est-ce qu'on décide trop rapidement de mettre une croix sur ces gens?
Mme Trish Stovel: Sur qui voulez-vous mettre une croix?
M. Andy Scott: Personne. Je ne veux mettre de croix sur personne.
Mme Trish Stovel: Oui, je pense qu'il y a une distinction...
M. Andy Scott: Je pose la question parce qu'au bout du compte la situation diffère entre les milieux ruraux et les milieux urbains. Si vous vivez dans une collectivité qui affiche un taux de chômage de 40 p. 100, la possibilité pour un travailleur de se recycler à 50 ans ou à 45 ans... ces travailleurs ne quitteront pas leur collectivité parce qu'ils sont propriétaires de leur maison et pour toutes sortes d'autres raisons.
Mme Trish Stovel: La différence entre les milieux urbains et ruraux... Tout d'abord, en milieu urbain, où il y a de nombreux emplois, sans les interventions dont nous avons parlé...
M. Andy Scott: Je vois.
Mme Trish Stovel: ...les travailleurs âgés ne les obtiendront pas.
M. Andy Scott: Je vois.
Mme Trish Stovel: Ici encore, il ne faut pas mettre uniquement l'accent sur la formation. À mon avis, dans les milieux ruraux, il faudra mettre davantage l'accent sur le développement économique local comme on l'a fait à Elliott Lakes. Terre-Neuve a fait diverses expériences en ce sens, mais c'est en milieu urbain. Je pense qu'il faut mettre davantage l'accent sur la création d'emplois, après quoi les autres interventions...
M. Andy Scott: Très bien.
Mme Trish Stovel: Après quoi nous pourrons trouver des emplois, et c'est pourquoi j'ai mentionné le développement d'entreprises dérivées. L'autre aspect de l'équation, c'est déterminer comment empêcher que des localités dépendent d'une seule industrie. C'est pourquoi je pense qu'il faut parler aux membres du secteur, à MITAC, qui représente le secteur minier, aux membres de l'industrie primaire comme l'Association forestière de la Colombie- Britannique, parce que c'est le défi qu'ils doivent relever et je pense qu'il y aurait peut-être ici un élément de solution. Il y a également les mises à la retraite avec primes.
M. Andy Scott: J'aimerais également préciser que les représentants des personnes handicapées—nous faisons partie d'un autre sous-comité—ont également mentionné le problème de l'«écrémage» et les conventions de travail à cet égard.
Mme Trish Stovel: Oui.
M. Andy Scott: Les personnes handicapées sont également victimes des mesures sévères qui sont appliquées.
Mme Trish Stovel: Oui, tout à fait.
M. Andy Scott: Je pense qu'il est important d'entendre ce genre d'argument de la part d'autres groupes aussi. Je pense qu'il est important que le gouvernement le sache.
Mme Trish Stovel: Oui.
La présidente: J'ai une petite question. Tout à l'heure, vous avez cité l'exemple de groupes de personnes qui ne voulaient pas suivre des cours de recyclage. Vous souvenez-vous de l'exemple que vous avez cité?
Mme Trish Stovel: Si je me souviens bien, je pense que je parlais du début de notre programme dans les années 80. Les agents du CEC local nous disaient que les travailleurs n'étaient pas intéressés par le recyclage. Ils trouvaient que MLEC les bombardait d'information. Donc ils nous disaient que 80 p. 100 d'entre eux n'étaient pas intéressés par le recyclage. D'après notre expérience, lorsqu'on leur donnait une information complète, 80 p. 100 d'entre eux se montraient alors favorables au recyclage.
La présidente: Pourquoi au départ refusaient-ils?
Mme Trish Stovel: Surtout pour des raisons financières parce qu'on ne leur avait pas dit qu'ils obtiendraient de l'assurance- emploi, parce qu'on ne leur avait pas indiqué les types d'aide dont ils pourraient bénéficier, parce qu'on ne les a pas mis au courant des mécanismes qui existaient et qu'on ne les a pas pleinement informés au sujet du marché du travail. Nous avions souvent affaire à des gens mis à pied à la suite d'une fermeture d'usine. Les travailleurs veulent travailler et s'ils peuvent obtenir un autre emploi, immédiatement ils le prennent. Puis cette usine fermait elle aussi. Souvent nous avions affaire à des gens qui venaient nous voir après avoir perdu leur deuxième emploi; c'est alors qu'ils se rendaient compte qu'ils avaient besoin de recyclage ou de rééducation professionnelle.
La présidente: Madame Brown, un dernier mot...
Mme Brown: Je peux vous donner un très bref exemple. À Toronto, nous avons été témoins de la désindustrialisation du centre-ville de Toronto. Nous avons vu des entreprises comme Goodyear fermer leurs portes six ans avant Inglis. À l'époque, tout ce que voulait un grand nombre des travailleurs de Goodyear, c'était un autre emploi. Tout ce qu'ils voulaient, c'était un autre emploi. Ils étaient comme des âmes en peine, victimes d'une fermeture d'usine après l'autre. La question de la formation n'est devenue pour eux une réalité qu'au moment où ils se sont trouvés pris dans ce cycle. Ils nous ont dit, lorsqu'ils se sont retrouvés à Inglis, «je ne peux pas revivre cette situation. Je ne veux pas retrouver un autre emploi, travailler un an ou deux puis me retrouver au chômage. Je veux vraiment me concentrer sur les options qui s'offrent à moi à l'avenir, et j'ai besoin d'une forme quelconque de recyclage parce que je ne veux plus jamais me retrouver dans cette situation.»
C'est ce que j'ai constaté moi-même et c'est ce que m'ont dit les gens qui venaient de ces usines, et ensuite d'Inglis. Nous avons essayé de les faire participer à des programmes de recyclage, mais un grand nombre d'entre eux n'ont pas pu s'en prévaloir.
La présidente: Merci beaucoup.
Dale Johnston a déjà souligné l'intérêt que nous portons à cette étude en tant que politiciens vieillissants. Merci d'être venus pour nous parler des difficultés des travailleurs âgés.
Merci.
Mme Beverly Brown: Merci.
La présidente: Nous allons suspendre la séance pendant deux minutes.
La présidente: Merci. Nous allons reprendre nos délibérations.
Avant de commencer, je dois faire une mise au point. J'ai enfreint une règle d'or. Quand j'ai parlé de politiciens vieillissants, je parlais seulement pour moi. Tous mes collègues sont très jeunes d'esprit.
J'ai le plaisir d'accueillir M. Yvan Hale, secrétaire national, et M. Tony Palmer, directeur de l'expansion de l'association de La Voix—Le Réseau canadien des aîné(e)s.
Je ne veux pas empiéter sur votre précieux temps. Allez-y.
Monsieur Palmer, allez-vous commencer, ou est-ce M. Hale?
M. Tony Palmer (directeur, Expansion, La voix—Le Réseau canadien des aîné(e)s ): Monsieur Hale.
La présidente: Monsieur Hale, je vous en prie.
M. Ivan Hale (secrétaire national, La Voix—Le Réseau canadien des aîné(e)s): Merci beaucoup. C'est avec plaisir que nous sommes venus ici aujourd'hui.
Il est intéressant de voir à quel point nous voulons résister au vieillissement et quel que soit notre âge, nous n'avons pas l'impression d'être vieux. Quand vous rencontrez un groupe de personnes âgées—et les membres de notre conseil d'administration sont tous des aînés—nous disons pour plaisanter qu'une personne âgée est quelqu'un qui a cinq ans de plus que vous, quel que soit votre âge.
Des voix: Oh, oh!
M. Ivan Hale: Je suis l'un des plus jeunes d'entre nous, mais je suis quand même considéré comme un travailleur âgé et c'est avec plaisir que je comparais devant vous accompagné de Tony Palmer, qui administre les initiatives pour les travailleurs âgés, dans notre organisme. J'ai fouillé dans les dossiers pour me préparer à venir ici aujourd'hui et j'ai constaté que c'est en novembre 1997 que je suis venu devant le comité et que j'ai profité de l'occasion pour aborder les difficultés des travailleurs âgés. Après la réunion, j'ai discuté avec le président qui m'a dit que vous alliez peut- être entreprendre une étude sur la question et je suis donc ravi que vous l'ayez fait. Le besoin est grand et je sais maintenant que vous vous intéressez à ce problème.
• 1210
Malheureusement, nous avons tendance à dire que les besoins
sont trop grands et qu'il n'existe pas de solution. J'espère que
cela ne va pas nous conduire à abandonner, car le travail que nous
réalisons dans ce domaine, depuis sept ans environ, nous permet de
croire qu'il existe des solutions tout à fait adéquates. Il suffit
de les mettre en lumière et de les promouvoir.
Nous sommes ici aujourd'hui pour représenter un organisme qui s'intéresse aux questions entourant le vieillissement. C'est l'année internationale des personnes âgées et notre organisme est One Voice—the Canadian Seniors Network, La Voix—le Réseau canadien des aîné(e)s. En fait, nous avons pour mission de nous pencher sur les problèmes qui préoccupent la population âgée à l'échelle nationale. Autrement dit, nous ne nous intéressons pas uniquement aux aînés d'aujourd'hui. Nous sommes à la recherche de solutions à long terme. Nous cherchons à faire en sorte que les aînés soient des membres actifs et à part entière de la société canadienne. Nous le faisons en collaboration avec d'autres organismes et de façon non sectaire.
Notre action auprès des travailleurs âgés remonte, comme je l'ai dit, aux environs de 1991, l'année où nous avons convoqué une réunion pour examiner des solutions communautaires pour répondre aux besoins des travailleurs âgés. Depuis plus d'une décennie, nous avons au Canada des organismes communautaires à but non lucratif qui aident les travailleurs âgés à retrouver un emploi, mais ces programmes ont été sporadiques et ils ont certainement manqué d'uniformité d'un bout à l'autre du pays. Tous ont eu également des problèmes de financement. Leur mandat a dû être modifié en fonction des caprices du gouvernement.
Au départ, la plupart d'entre eux ont été constitués pour s'occuper des travailleurs âgés. Ces derniers ont été définis comme les travailleurs de 55 ans et plus, mais comme le gouvernement fédéral est la seule source de financement, il leur a fallu abaisser l'âge de leur clientèle jusqu'à 45 ans. Ils se sont d'ailleurs rendu compte que les gens de 45 ans qui se retrouvaient en chômage aujourd'hui avaient à peu près les mêmes difficultés et les mêmes besoins que le chômeur de 62 ans. Donc, même s'il y a eu des hésitations au départ, cela s'est avéré bénéfique.
La situation est toutefois très confuse. Notre pays n'a pas encore décidé quel rôle le gouvernement fédéral doit jouer pour aider les Canadiens à retrouver du travail ou à en trouver, par opposition au rôle des provinces ou à celui du secteur privé ou des organismes bénévoles. C'est une question qu'il faut examiner plus attentivement. Nous ne savons pas si nous voulons que les services soient fournis à tous ces niveaux et si les fournisseurs de services seront les mêmes d'une région à l'autre. C'est une question qu'il faut certainement examiner.
Nous croyons qu'il y a toute une série de principes sous- jacents qui doivent être inclus dans une politique concernant les travailleurs âgés. Nous croyons que tous les Canadiens, quel que soit leur âge, ont droit au travail. C'est un droit qui s'étend sur toute la vie active et qui permet d'avoir accès aux mêmes avantages que les autres. Nous croyons que c'est nécessaire pour pouvoir participer réellement au processus démocratique, que personne ne devrait être évincé en raison de son âge et que ceux dont les compétences doivent être actualisées, devraient obtenir de l'aide pour combler leurs lacunes.
À notre avis, les Canadiens ont la responsabilité collective de tenir compte de la diversité et de l'évolution démographique de notre pays. Nous sommes une société vieillissante qui va bientôt connaître un papy boom, avec des répercussions aussi spectaculaires que le baby boom en a eues sur notre société. Nous avons la chance d'avoir le temps de nous y préparer, mais cela va nous toucher très bientôt.
Nous croyons que la dignité et la valeur d'une personne sont étroitement liées au fait de pouvoir continuer à contribuer à notre société, et l'emploi en est un élément essentiel. Nous considérons que l'emploi contribue à la cohésion sociale dans notre pays et même à l'unité nationale.
• 1215
Si nous prenons la situation des travailleurs âgés et
certaines suggestions que nous voudrions faire aujourd'hui... Comme
je l'ai dit, il faudrait redéfinir le rôle du gouvernement dans
notre société. Le transfert des responsabilités gouvernementales se
fait peut-être au détriment des programmes destinés aux Canadiens,
ce qui est une triste réalité, et nous devons faire en sorte que
les gens n'en deviennent pas victimes.
Mais que se passe-t-il dans le domaine de l'emploi étant donné l'évolution de la population active? Nous constatons qu'au lieu d'assumer la responsabilité des programmes de soutien de l'emploi, le gouvernement fédéral signe des accords fédéraux-provinciaux et nous n'avons pas l'impression que ces accords contiennent des dispositions adéquates pour répondre aux besoins des travailleurs âgés.
Quelqu'un devrait surveiller ces nouvelles ententes. Quelqu'un devrait les évaluer et c'est un rôle qui devrait incomber au gouvernement fédéral.
Les bureaux locaux du ministère des Ressources humaines, les anciens centres de main-d'oeuvre, doivent maintenant établir des plans de travail ou des plans d'affaires. Quelqu'un examine-t-il ces plans d'affaires pour s'assurer qu'ils englobent les travailleurs âgés, les travailleurs handicapés ou les autres sous- groupes? On ne nous a pas rassurés à ce sujet lorsque nous avons soulevé la question.
Lorsque nous avons fait valoir que ces nouvelles ententes fédérales-provinciales défavoriseraient peut-être les travailleurs âgés, les hauts fonctionnaires de Développement des ressources humaines Canada nous ont répondu: «Ne vous inquiétez pas. Si ces ententes ne donnent pas de bons résultats d'ici trois ans, nous pouvons les annuler». Et que va-t-il se passer en attendant? Cette attitude ou cette réponse n'est pas satisfaisante.
En deux mots, nous avons grandement besoin d'un bon leadership au niveau national et ce rôle revient au gouvernement fédéral. Nous croyons qu'il faudrait établir des normes de service nationales. Des initiatives telles que des campagnes de sensibilisation du public ou des employeurs, des programmes novateurs en milieu de travail, de la recherche, l'élaboration de politiques et l'exploration des nouvelles tendances et options de retraite sont autant de choses qu'il faut coordonner. Nous devons veiller à ce que les études requises soient faites et à tirer la leçon de l'expérience acquise. Cela ne veut pas dire que c'est au gouvernement de se charger lui-même de tout ce travail; il devrait simplement veiller à ce que cela se fasse.
Nous voudrions également recommander que le gouvernement fédéral, probablement par l'entremise de Développement des ressources humaines Canada, établisse des relations stables et durables avec ses partenaires. Il est temps de laisser tomber les subventions et contributions à court terme qui n'offrent aucune sécurité à ceux qui les reçoivent et qui ne permettent pas de faire de la planification à long terme.
Vous pourriez vous tourner vers des associations nationales comme le Conseil national de la réadaptation et du travail et le Conseil canadien de développement social et engager des organisations d'aînés. Il y en a d'autres. Bien entendu, il n'est pas réaliste de s'attendre à ce que le gouvernement s'en charge tout seul. Il y a des organismes de politiques sociales et de services sociaux qui sont prêts à s'acquitter d'une partie de la tâche.
Au lieu de continuer à octroyer des subventions et des contributions à une foule d'organismes en laissant chacun agir de son côté sans communiquer avec les autres, le gouvernement ne pourrait-il pas songer à favoriser la communication et l'échange d'information entre ces groupes et même à en faire une priorité?
• 1220
Nous pensons également qu'il faudrait mettre en place des
mesures de soutien financier à long terme pour reconnaître le fait
que les travailleurs âgés ont besoin de plus de temps et d'un
recyclage plus important pour retrouver leur place sur le marché du
travail. Les témoins précédents avaient parfaitement raison. Tout
ce qu'ils vous ont dit était exact. Nous avons réalisé des études
nationales qui le confirment et je vais seulement vous en citer
une.
Nous avons fait une enquête auprès des centres de Ressources humaines Canada de tout le pays, à l'exception du Québec étant donné qu'il n'a pas voulu participer. Il s'agissait d'un questionnaire écrit qui s'adressait aux gestionnaires et d'un autre pour le personnel de première ligne à qui nous avons demandé quels étaient, à leur avis, les principaux obstacles auxquels les travailleurs âgés se trouvaient confrontés pour réintégrer le marché du travail. Ils ont dit que ce n'était pas que les travailleurs âgés avaient des attentes peu réalistes. Autrement dit, le travailleur âgé a déjà compris que ses connaissances étaient périmées et qu'il devrait sans doute accepter un emploi moins rémunéré ou comportant moins de responsabilités ou encore qu'il devrait peut-être déménager. Ces travailleurs ont déjà pris conscience de cette réalité. Ils l'ont fait avant de rechercher un emploi et le problème ne se situe donc pas à ce niveau.
Quand nous avons demandé où se situait le problème, les employés qui travaillaient auprès des travailleurs âgés ont tous répondu que c'était l'attitude des employeurs, qui n'étaient pas prêts à donner une chance aux travailleurs d'un certain âge. Comment changer les attitudes? Les emplois sont là, mais comment changer les mentalités? C'est une tâche gigantesque. Ce genre de problème a été abordé au niveau national, mais à moins que quelqu'un ne s'y attaque sérieusement, nous en resterons au même point et dans cinq ou dix ans, nous en serons toujours à nous lamenter.
Mais cela n'excuse pas l'inaction. Nous estimons que tous les niveaux de gouvernement devraient promouvoir, favoriser, soutenir et encourager les stratégies novatrices en milieu de travail portant sur l'emploi, la formation, le perfectionnement et l'avancement professionnel des travailleurs âgés, tant dans le secteur privé que dans le secteur public. Le secteur public n'est pas mieux placé; nous ne pouvons pas prétendre qu'il en fait plus que le secteur privé. Mais il y a ici et là quelques exemples positifs qu'il vaut la peine de faire connaître.
Pour conclure, j'aurais plusieurs choses à mentionner. Lorsque nous entendons parler des difficultés des jeunes, on nous dit que leur plus gros handicap pour obtenir un emploi, est leur manque d'expérience. Il est question ici de travailleurs expérimentés et nous constatons que l'expérience ne suffit pas. Que faut-il en conclure? Il faudrait y réfléchir.
N'oubliez pas que tout le monde pourrait se retrouver dans cette situation. Cela peut nous arriver n'importe quand et c'est une situation très pénible. La majorité des travailleurs âgés ne sont pas prêts à prendre leur retraite. Ils n'en ont pas les moyens financiers et ils ne sont pas prêts psychologiquement, et une situation aussi traumatisante vous atteint non seulement jusqu'à l'âge «normal» de la retraite, mais jusqu'à la fin de vos jours. Il faut donc y remédier.
Enfin, je voudrais terminer sur une note positive. Les travailleurs âgés représentent de précieuses ressources. Quand vous allez chez Réno-Dépot, vous êtes accueilli par un travailleur âgé et c'est la même chose chez Wal-Mart. Des sociétés comme McDonald essaient d'embaucher des travailleurs âgés. Pourquoi? Parce qu'elles commencent à se rendre compte qu'ils sont plus loyaux que les jeunes, qu'ils ont le sens du devoir et que le milieu du travail bénéficie de la qualité de leurs services et de leur stabilité.
• 1225
La main-d'oeuvre canadienne vieillit comme celle des autres
pays et je dirais que c'est un défi que la plupart des sociétés
vont devoir relever. Si nous pouvons examiner le problème et
trouver des solutions, cela nous conférera un avantage important
sur nos concurrents. Ce simple facteur justifierait qu'on
investisse de l'argent dans ce domaine. Les travailleurs âgés
continuent à contribuer à la société en payant des impôts, et comme
l'argent circule, c'est un investissement très rentable.
Une dernière chose. Voyez qui a retiré de l'argent des REER. Malheureusement, une bonne partie de cet argent est retiré par des travailleurs âgés qui ont besoin de subsister en attendant d'avoir droit à leur pension. Ce n'est pas un tableau encourageant. Vous devez puiser dans votre épargne-retraite alors que vous avez sans doute encore un prêt hypothécaire à payer et des personnes à charge étant donné que les enfants restent à la maison plus longtemps ou reviennent vivre chez leurs parents.
Ne voulant pas être trop pessimiste, je dirais que d'importantes initiatives sont en cours. Nous avons entrepris des études et nous disposons de divers rapports que nous serions prêts à mettre à votre disposition. Nous avons apporté plusieurs exemplaires de trousses d'information sur les travailleurs âgés. Si cela vous intéresse, je crois qu'elles sont sur la table à l'arrière.
La présidente: Merci beaucoup.
Monsieur Palmer, avez-vous de brèves observations à faire?
M. Tony Palmer: Merci, madame la présidente. Je voudrais simplement souligner que nous acceptons sans réserve les chiffres fournis par le témoin précédent. Le comité devrait savoir que, dans le premier cas, on s'attend à ce que le nombre de travailleurs âgés passe de six millions à environ huit millions d'ici 2008-2009. Les conséquences vont donc augmenter de façon exponentielle avec les années.
Il faut également souligner qu'un travailleur âgé qui perd son emploi met environ deux fois plus de temps qu'un de ses collègues plus jeune à retrouver un emploi. Étant âgé et ayant été en chômage, je peux vous dire qu'il est long et difficile de retrouver du travail.
C'est tout ce que j'ai à dire. Merci.
La présidente: Merci, monsieur.
Madame Ablonczy.
Mme Diane Ablonczy: Je vous remercie de vos exposés. Comme on l'a déjà dit, c'est une question qui intéresse de près la plupart d'entre nous, surtout en tant qu'élus politiques. Nous savons que tôt ou tard, nous nous retrouverons sans emploi ou que nous perdrons du moins celui-ci.
La présidente: C'est elle qui l'a dit, cette fois.
Mme Diane Ablonczy: Nous savons qu'il faut penser à l'avenir.
J'ai écouté avec intérêt vos propos concernant la retraite. D'après les enquêtes que j'avais vues, je croyais que la majorité des Canadiens espéraient prendre leur retraite vers 55 ans. Apparemment, cela ne correspond pas tout à fait à ce que vous avez dit, à savoir que les gens veulent continuer à travailler. Néanmoins, la question n'est pas là. Il s'agit plutôt de voir comment nous pouvons faire en sorte que ceux qui veulent ou qui doivent continuer à travailler puissent le faire.
Vous avez parlé de stratégies novatrices en milieu de travail. Je ne sais pas exactement ce que vous entendez par là et j'aimerais davantage de détails sur les mesures permettant d'assurer des emplois aux travailleurs âgés.
Je voudrais également vous demander quelle est la responsabilité des travailleurs. Le problème ne s'est pas posé du jour au lendemain. Nous savons non seulement que notre population vieillit, mais que notre milieu de travail évolue rapidement. L'époque où on travaillait pendant 45 ans chez le même employeur et qu'on prenait sa retraite en recevant une montre en or et une poignée de main du président de la compagnie, est révolue. Les choses ont changé. Tous les travailleurs âgés savent que leur sécurité d'emploi a sans doute énormément diminué, si elle n'a pas disparu. Ils savent qu'ils vont devoir s'adapter, qu'ils vont devoir changer.
Pouvons-nous aider les travailleurs âgés à assumer ces responsabilités? Par exemple, ne devrions-nous pas mettre de côté des fonds pour notre formation, sur le modèle des REER? Des fonds pour l'éducation afin que nous puissions mettre à jour nos connaissances... Comme l'a dit mon collègue, un grand nombre d'entre nous auraient sans doute beaucoup de difficultés à se servir des technologies nouvelles et de l'inforoute. Devrions-nous faire quelque chose en mettant de l'argent de côté pour ne pas se retrouver à 55 ou 60 ans sans une pension de retraite suffisante, pour ne pas avoir à nous dire: «J'espère que quelqu'un va m'engager», alors que nous n'aurons rien fait pour devenir employable?
M. Ivan Hale: Vous avez soulevé d'excellentes questions. Je vais essayer d'y répondre rapidement.
Nous nous efforçons d'établir quelles sont les innovations qui ont été faites dans les milieux de travail où une crise est survenue et où les gens ont trouvé une solution. À Vancouver, une petite entreprise fabriquant du matériel forestier s'est trouvée dans cette situation. Sa main-d'oeuvre est âgée. Un bon nombre d'ouvriers travaillent là depuis 20 ou 30 ans. Avec le ralentissement dans l'industrie forestière, l'entreprise s'est retrouvée au bord de la faillite. Ses employés l'ont rachetée et ont pris un bon nombre des mesures dont vous avez parlé en ce qui concerne le recyclage et la formation.
Lorsque ces initiatives donnent de bons résultats, il faut les faire connaître car malheureusement, les médias mentionnent toutes les fermetures d'usine, mais n'accordent pas beaucoup de place aux bonnes nouvelles. Les éléments positifs prennent du temps et ne sont pas toujours très spectaculaires. Il y a aussi des échecs et il faut le reconnaître.
La planification de la retraite est un concept important. Quand vous demandez aux Canadiens à quel âge ils voudraient prendre leur retraite, la plupart d'entre eux disent qu'ils espèrent le faire à 50 ou 55 ans, mais si vous poussez l'interrogatoire plus loin et si vous leur demandez à quel âge ils pensent pouvoir quitter leur emploi, ils vous diront qu'ils devront sans doute travailler jusqu'à 72 ans. Ce changement a eu lieu et les gens se rendent compte qu'ils ne peuvent plus compter sur leur pension ou la sécurité de la vieillesse pour assurer la majeure partie de leur revenu de retraite. Ils se rendent compte qu'ils vont devoir faire en sorte d'avoir une qualité de vie adéquate quand ils seront vieux.
Mais ce sera une faible consolation pour ceux qui se sont déjà engagés dans une voie où les règles étaient différentes. Si vous avez déjà 55 ans, il ne vous reste pas beaucoup d'années pour changer votre façon de faire, même si vous en reconnaissez la nécessité. Vous ne pouvez pas faire tellement de changements à ce moment-là.
Cela souligne l'importance non seulement de planifier sa retraite, ce que l'on fait généralement au cours de ses dernières années de carrière, mais de planifier sa carrière dès son entrée sur le marché du travail afin de se prévaloir des possibilités d'apprentissage. Heureusement, de plus en plus de Canadiens de tous âges sont convaincus qu'ils ont tout intérêt à poursuivre l'apprentissage leur vie durant. Il y a un changement dans les mentalités.
Vous avez posé une question concernant l'accès à la formation. Je dirai seulement que dans de nombreux milieux de travail, les travailleurs âgés se voient souvent refuser l'accès à des cours de formation payés par l'employeur. On les offre aux jeunes et non pas aux vieux. Par conséquent, même si le travailleur accepte d'assumer cette responsabilité, on peut lui refuser l'occasion de le faire.
[Français]
La présidente: Je donne la parole à la jeune Mme Girard-Bujold.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Vous êtes très gentille, madame la présidente.
Votre exposé a suscité énormément de questions chez moi. Je vais partir de ce que vous venez de dire. Vous dites qu'il faudrait que les jeunes pensent actuellement à l'âge auquel ils prendront leur retraite, soit à 55 ou à 60 ans. Présentement, on est dans le réel. Ces jeunes vont pouvoir envisager une tout autre situation étant donné que près de six millions d'individus, comme M. Palmer le disait, sont actuellement considérés comme des travailleurs âgés. Dans cette catégorie, il y a énormément de personnes âgées qui ont perdu leur emploi ou qui le perdront bientôt, et c'est cette catégorie qui m'intéresse. Quant aux jeunes, on va pouvoir les éduquer. J'espère qu'on trouvera la façon de faire en sorte qu'ils planifient bien leur retraite ainsi qu'une formation continue.
Je veux revenir à ces gens qui se retrouvent actuellement face à des pertes d'emploi massives. Ils sont souvent dans des situations dramatiques parce que la plupart d'entre eux ont fait un travail physique; ils travaillaient dans des usines. Leur santé se détériore et ils ne peuvent pas se recycler parce qu'ils n'ont pas fait d'études appropriées.
• 1235
Qu'envisagez-vous pour cette clientèle
à la suite des études et des
sondages que vous avez faits?
Les gouvernements pourraient-ils faire immédiatement
quelque chose pour que ces personnes puissent
avoir une porte de sortie ou un air de
fraîcheur?
M. Ivan Hale: Je m'excuse de vous répondre en anglais, madame.
[Traduction]
Il faut également reconnaître que même si l'âge de la retraite a baissé au Canada, de nombreuses personnes se demandent s'il baissera encore. Certains prédisent même qu'il pourrait commencer à remonter...
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Oui, c'est exact.
M. Ivan Hale: Les gens ne peuvent peut-être pas prendre leur retraite à l'âge où ils pensaient être prêts, car ils ne le seront plus.
Il faut absolument trouver des moyens de faciliter un départ graduel pour la retraite, de réduire la semaine de travail de 40 heures à 20 heures, par exemple. Il serait autant dans l'intérêt de l'employé que dans celui de l'employeur d'offrir ce genre de latitude étant donné que, dans certaines catégories d'emploi, les gens peuvent être déjà usés à un âge relativement jeune.
Je citerai l'exemple mentionné par les médias il y a une semaine, quand des représentants de DEVCO, au Cap-Breton, sont venus à Ottawa et ont parlé des mineurs qui perdaient leur emploi avec la fermeture de DEVCO. Qu'ont-ils dit? Ils ont dit que les gens qui faisaient un travail épuisant étaient souvent usés bien avant l'âge de la retraite. C'était la même situation dans les usines Maple Leaf, dans l'industrie de la viande, où vous finissez par avoir tellement mal au dos que vous ne pouvez plus continuer.
Il est important de pouvoir réduire ses heures de travail, mais également de pouvoir passer d'un travail fatigant à un travail moins fatigant, éventuellement dans la même entreprise. Il est important d'avoir ce genre d'options. Mais il faut pour cela fournir à l'employé la formation nécessaire pour qu'il réponde aux exigences de ses nouvelles fonctions.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Chez moi, il y a de grosses usines: l'Alcan, l'Abitibi-Consolidated, etc. Vous savez que toutes ces grosses entreprises ont fait le virage technologique, qui a été la cause de mises à pied. Pour ces personnes, il est difficile de s'adapter à la nouvelle technologie, et elle n'ont pas travaillé assez longtemps pour prendre leur retraite. Vous savez aussi que la vie coûte cher aujourd'hui. On ne peut pas prendre sa retraite avec une pension de 15 000 $ ou 16 000 $; c'est le seuil de la pauvreté. Ces gens étaient habitués à gagner de gros salaires.
À l'Alcan, à Arvida, on a mis sur pied un programme avec les deux paliers de gouvernement et l'entreprise; on a fait du 38-40. Les travailleurs travaillaient 40 heures mais étaient payés pour 38 heures; il leur manquait deux heures. On a fait cela pendant trois ans. Tous ceux qui le désiraient pouvaient adhérer à ce programme. Sur 2 000 employés, 1 800 y ont adhéré. Les deux heures non payées leur permettaient d'accumuler des congés, et les gens âgés pouvaient travailler pour combler les semaines ou les mois qu'il leur manquait pour prendre leur retraite.
Les gouvernements n'ont pas voulu reprendre ce programme. Il avait créé 125 nouveaux emplois pour les jeunes et avait permis de garder à l'emploi entre 100 et 200 travailleurs. Vous voyez que c'était une mesure active. Pensez-vous qu'on doit implanter ce type de mesure ou qu'on doit s'y prendre d'une autre façon?
M. Ivan Hale: C'est une option qui doit exister.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Avez-vous d'autres façons?
M. Ivan Hale: Oui, mais je ne les ai pas ici aujourd'hui.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: D'accord. Allez-vous pouvoir nous les transmettre?
M. Ivan Hale: Oui, certainement.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Merci beaucoup.
[Traduction]
La présidente: Merci.
Monsieur Palmer, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Tony Palmer: Pas pour le moment, merci.
La présidente: Madame Brown.
Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.): Merci, madame la présidente.
Il y a tellement de choses dont je pourrais vous parler. Avec la suppression du programme PATA, le seul programme que nous avions pour les travailleurs âgés, nous n'avons plus de mesures spéciales à leur intention. Par conséquent, si nous recommandions la mise en place d'un programme, je crois qu'il faudrait commencer par trouver les ressources nécessaires pour le financer, et ensuite le cibler afin d'en obtenir le maximum pour notre argent.
Cela me rappelle une campagne électorale en ce sens que, lorsque vous êtes candidat ou organisateur en chef, vous devez faire les mêmes genres de choix avec des ressources limitées. Vous pouvez aller frapper aux portes et déposer des prospectus dans un quartier où 85 p. 100 des gens vont voter ou dans un autre où ce pourcentage est de 30 p. 100. Ce sont des gens tout aussi charmants, mais vous préférez évidemment le quartier où le taux est de 85 p. 100, car la seule chose dont vous devez convaincre les gens est de voter pour vous. Dans l'autre quartier, vous devez commencer par les convaincre d'aller voter et ensuite de vous choisir. Il est beaucoup plus facile d'atteindre un objectif que deux.
Ce matin, pour la première fois, nous avons eu une meilleure idée de la situation de la fabrication dans un centre urbain grâce au Toronto and District Labour Council.
Avant cela, la plupart des exemples que nous avions étaient ceux de villes mono-industrielles, où tout le monde travaille pour DEVCO par exemple, où les travailleurs sont, comme vous le dites, épuisés, où leur santé est moins bonne qu'elle ne l'était quelques années auparavant et où ils sont souvent appelés à accomplir des tâches physiques comportant un risque pour leur sécurité. Ils sont propriétaires de leurs maisons dans la collectivité, ils sont peu qualifiés et peu motivés à aller ailleurs dans l'espoir de se retrouver un travail. Voilà pourquoi nous devons investir deux fois plus d'argent. Nous devons investir davantage pour les aider à se recycler mais avant, nous devons favoriser le développement économique local afin de créer le genre d'entreprises susceptibles de les embaucher, et ensuite nous leur donnons la formation nécessaire. Cela se fait en deux temps.
Par contraste, dans un centre urbain, il y a davantage d'emplois disponibles et quand les travailleurs sont mis à pied, il nous suffit de leur donner de la formation. Là c'est un processus en une seule étape. Le système de transport est suffisamment étendu pour que l'on puisse partir de n'importe quel endroit dans la région métropolitaine de Toronto pour se rendre à n'importe quel autre endroit pour prendre un emploi. Ce qui manque c'est la capacité de faire le travail et à ce moment-là il est possible d'assurer la formation requise.
Comprenez-vous ce que j'essaie de dire? Nous avons deux tableaux différents: DEVCO et mines B.C. à Thetford Mines d'une part, et la situation urbaine d'autre part.
M. Ivan Hale: Oui.
Mme Bonnie Brown: Il me semble que la situation est plus facile en milieu urbain parce qu'il nous suffit d'assurer la formation aux travailleurs à la recherche d'un emploi. Nous n'avons pas à créer les emplois.
M. Ivan Hale: Je crains que si vous appliquez cette logique... C'est cette même logique que l'on a servie à ceux qui gèrent les Centres de ressources humaines Canada, à savoir que les ressources sont limitées...
Mme Bonnie Brown: Oui.
M. Ivan Hale: ...et quand un client vient se présente, il faut déterminer à quels clients on peut rapidement trouver du travail au moindre coût possible. Voilà ce qui se passe. Et qui est désavantagé dans tout cela? Les travailleurs âgés.
Mme Bonnie Brown: Oui.
M. Ivan Hale: Ainsi, c'est légèrement différent... Tandis que si nous prenons votre scénario, en investissant dans les centres urbains vous laissez pour compte les collectivités rurales. Je suis convaincu que ce n'est pas là votre intention.
Mme Bonnie Brown: Non, j'essaie de déterminer ce que nous devons faire dans un premier temps. M. Johnston a demandé à quelqu'un plus tôt—je ne sais pas si c'était à vous ou aux témoins précédents—ce qu'ils feraient en premier. Les deux scénarios que j'ai décrits sont si différents l'un de l'autre. En outre, à mon avis, dans notre pays, nous avons toujours cherché à créer des entreprises là où elles faisaient défaut et c'est un investissement à fonds perdus. On peut penser à des usines de concombres à Terre- Neuve et autres choses de ce genre. Ce sont des anecdotes qui nous parviennent. Il y a sans doute aussi des exemples de réussite mais cela coûte deux fois plus cher de créer de l'emploi et de former ensuite les travailleurs qui occuperont ces emplois.
Mais je vois ce que vous voulez dire quand vous dites que cette logique est dangereuse.
M. Ivan Hale: Cela peut nous mener là où on ne veut pas aller.
Mme Bonnie Brown: D'accord.
J'ai une dernière question, madame la présidente, si vous me le permettez...
Il y avait de la passion dans votre voix quand vous avez dit que DRHC devrait entretenir des relations stables avec ses partenaires et que s'il accordait des subventions et des contributions à ces partenaires, il faudrait qu'il y ait une bonne communication et un échange d'information entre les partenaires. Je ne sais pas qui sont ces partenaires.
M. Ivan Hale: Si vous me permettez de donner un exemple, il y a le Fonds d'intégration des personnes handicapées qui dispose, je crois, d'environ 30 millions de dollars par année dont 27 millions sont administrés par les bureaux régionaux et 3 millions de dollars par l'administration centrale. Son but précis c'est d'aider les travailleurs handicapés à se trouver de l'emploi. Qui sont les partenaires? Ce sont des groupes comme l'Association canadienne des paraplégiques, le Conseil canadien de la réadaptation et du travail, notre organisation et 15 ou 18 autres, il me semble.
Il y a toutefois très peu d'occasions de mettre en commun notre expérience et nos idées. Malheureusement, nous sommes tous surmenés ces jours-ci et nous nous occupons chacun de nos petites affaires. Or, quand on fragmente l'action de cette façon et que chacun s'occupe de ses petites affaires, qui a une vision d'ensemble? Voilà le problème.
Mme Bonnie Brown: Merci, madame la présidente.
La présidente: Merci.
Monsieur Wilfert.
M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Madame la présidente, je suis désolé d'avoir raté le premier exposé mais je devais assister à la réunion d'un autre comité.
L'une des difficultés que je vis presque directement tient à l'attitude des gens envers les travailleurs âgés. Depuis des années, nous mettons l'accent sur la grande valeur des jeunes. Manifestement, nous sommes davantage portés maintenant à nous intéresser au vieillissement de la population; vous dites qu'elle sera de six, voire de huit millions en l'an 2008. Mais il m'apparaît clairement qu'il y a un problème qui tient à l'attitude des employeurs face aux travailleurs âgés.
Dans ma propre famille, mon épouse a perdu son emploi après 25 ans d'enseignement et ce n'est pas parce qu'elle le souhaitait. Elle est maintenant coûteuse...
Des voix: Ah, ah.
M. Bryon Wilfert: Elle est coûteuse à maints égards, mais...
Des voix: Ah, ah.
M. Bryon Wilfert: Elle est coûteuse parce qu'elle est au niveau le plus élevé de sa catégorie.
Mme Bonnie Brown: Oui.
M. Bryon Wilfert: Je ne la mettrais pas dans la catégorie des travailleurs âgés même si j'ai entendu quelqu'un mentionner ici «45 ans»...
La présidente: On dirait l'heure de vérité.
M. Bryon Wilfert: Le fait est qu'elle aurait probablement pu travailler encore 12 ans. Elle aurait pu travailler 15 ans ou 10 ans de plus, tout dépend... Nous souhaitons tous prendre notre retraite le plus tôt possible et aucun de nous n'a remporté le gros lot à la loterie en fin de semaine, sans quoi, j'imagine, nous ne serions pas là.
Ainsi, nous avons beaucoup de rêveurs et peu de gagnants comme nous avons beaucoup de travailleurs âgés mais peu d'emplois. Le problème c'est que, quand on atteint le plus haut niveau de sa catégorie dans l'enseignement, par exemple—ça peut être un autre secteur d'activités—il est difficile de se retrouver du travail en raison de l'attitude d'un grand nombre d'employeurs—et malheureusement c'est ce qui semble lui arriver—qui retiennent les services d'un comptable très en demande lequel lui dira qu'il a trop de travailleurs âgés parmi ses effectifs et qu'il pourrait économiser beaucoup d'argent s'il remplaçait un travailleur âgé par deux employés à plein temps et un à mi-temps... Je me montre très libéral en disant que les travailleurs âgés... j'ai abaissé l'âge à 45 ans et...
On semble croire que les travailleurs âgés ne sont pas employables et c'est donc un problème d'attitude qui nous oblige à découvrir comment nous pouvons réintégrer ces gens à la population active. Je n'en sais rien. Nous parlons de projets de création d'emplois et de suppléments de revenu, de subventions salariales, et autres mesures de ce genre, mais la réalité c'est que les travailleurs qu'on embauche ont peut-être l'expérience mais ils n'ont pas la valeur des travailleurs âgés. Les gens disent qu'ils coûtent trop cher.
Elle voudrait prendre sa retraite à 50 ans mais le fait est qu'on s'habitue à un certain mode de vie et la retraite a des incidences économiques et sociales. Je ne sais pas par quel mécanisme... Il est bien clair que l'éducation est un facteur mais quand un employeur décide de restructurer son entreprise et de comprimer ses effectifs pour réaliser quelques économies, les premières cibles sont les travailleurs les plus coûteux. Ce ne sont pas les jeunes mais bien les travailleurs plus âgés et par conséquent, notre société n'attache pas autant de valeur qu'elle le devrait à leur travail. Au fur et à mesure que la population vieillira, dans 15 ou 20 ans, nous y attacherons davantage de prix mais cela n'aide en rien ceux qui aujourd'hui... C'est comme jeter un habit de mauvaise qualité payé 10 $; c'est comme dire... nous n'avons plus besoin d'eux, nous les mettons à l'écart.
La question est de savoir quels seront les effets à long terme mais aussi à court terme sur notre société?
• 1250
Vous avez parlé de partenariats. Pour ma part j'aimerais voir
si nous ne pourrions pas élaborer... j'hésite à utiliser le mot
«programme» parce que cela semble toujours si bureaucratique. Nous
devons certainement tenter de mieux scolariser les gens mais nous
avons aussi parlé d'horaires souples et de la réduction des heures
de travail pour préserver des emplois. Nous devons surtout, à mon
avis, changer d'attitude et accorder une juste valeur aux gens et
je ne sais pas si les subventions salariales et les autres mesures
que nous avons mises en place sont de véritables solutions au
problème. Je ne sais pas si ces mécanismes sont très utiles.
M. Tony Palmer: J'aimerais faire quelques commentaires et réagir à l'intervention de Mme Brown de façon assez désordonnée, si vous voulez bien me le pardonner.
La présidente: Allez-y.
M. Tony Palmer: En 1995, Watson Wyatt a publié un rapport sur la compression des effectifs, les restructurations, le reprofilage, ou peu importe le nom que vous donnez au phénomène, dans lequel il disait essentiellement que 80 p. 100 des initiatives sont vouées à l'échec. Elles sont vouées à l'échec parce que la première mesure prise c'est de comprimer les effectifs. Les entreprises disaient d'une part: «Notre ressource la plus précieuse se sont nos employés», mais d'autre part quand venait le moment de prendre des décisions épineuses, ils les mettaient à pied.
Comme l'a dit M. Wilfert, les travailleurs âgés sont les premiers mis à pied parce qu'ils sont les plus coûteux. Tout à coup, les entreprises se sont mises à perdre la mémoire et la continuité auxquelles elles devaient leur succès. Elles se sont retrouvées avec des jeunes travailleurs tout feu tout flamme qu'on orientait vers l'objectif mais personne ne pouvait savoir ce qu'était l'objectif parce que les capacités de mentorat avaient disparu.
Ce qui fait la valeur des travailleurs âgés en milieu de travail c'est notamment leur capacité d'agir comme mentors. Oui, il en coûte généralement un peu plus par jour de garder un travailleur âgé mais sa valeur pour l'organisation est absolument immense puisqu'il est source de continuité, de mentorat et de développement des protégés qui aident les jeunes travailleurs à reprendre la houlette quand le travailleur âgé part tout naturellement à la retraite.
Prenons l'exemple des infirmières en Ontario. Vérifiez les offres d'emploi dans le Ottawa Citizen ou le Toronto Star et vous verrez qu'il y a énormément de demandes pour des infirmières, et pourquoi? Parce qu'elles ont été les premières mises à pied quand on a restructuré le secteur de la santé en Ontario. Quelles infirmières ont été les premières mises à pied? Les plus expérimentées, les mieux rémunérées, les plus âgées—je peux dire «les plus âgées» car je suis moi-même...
La présidente: Et moi aussi.
M. Tony Palmer: C'était un commentaire typique d'un mâle.
Ainsi, quelles infirmières ont été les premières mises à pied? Celles qui avaient des années et des années d'expérience. Maintenant, les hôpitaux recherchent des infirmières pour remplacer celles qui sont parties et ils ont énormément de difficulté parce que celles qui ont été victimes de restructuration dans le passé se sont trouvé d'autres emplois et ne sont pas prêtes à revenir travailler dans les hôpitaux. Ainsi, M. Harris réinvestit pour embaucher des infirmières, mais elles ne sont pas disponibles. Ces ressources sont perdues pour le système médical ontarien. Je soupçonne que des exemples comme celui-là se répètent dans tout le pays.
Ce qu'il nous faut—monsieur Wilfert, vous dites hésiter à parler d'un programme—ce serait, à mon avis, une stratégie nationale qui aurait une date de début mais pas de date de fin, de sorte que quand le programme prendra fin, on ne jettera pas au rebut toutes les leçons apprises. Il nous faut une stratégie nationale qui ait une durée de vie plus longue que celle d'un parti politique porté au pouvoir, une stratégie nationale qui nous mènera au-delà de 2020 et où l'on verra les plus jeunes travailleurs accéder à des postes de direction.
Merci.
La présidente: Merci.
[Français]
Vous avez d'autres questions?
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Non, je crois qu'il a bien su résumer le tout.
[Traduction]
La présidente: Si vous me le permettez, j'aimerais poser une courte question.
Monsieur Hale, vous avez demandé qui a une vision d'ensemble et, monsieur Palmer, vous avez souligné la nécessité d'une stratégie nationale. J'aimerais revenir à ce que disait Mme Ablonczy plus tôt pour ajouter que dans le secteur de la santé, par exemple, nous avons une stratégie axée sur la médecine préventive. Croyez-vous qu'il serait nécessaire d'intervenir de façon préventive plutôt que d'attendre que les travailleurs arrivent à la fin de leur vie active? Au lieu d'attendre qu'ils soient mis à pied, devrions-nous adopter une stratégie nationale pour aider à la reconversion des travailleurs avant qu'ils ne perdent leur emploi?
• 1255
Nous pourrions créer un fonds de formation des travailleurs
qui serait modelé sur les REER, par exemple, et grâce auquel le
travailleur pourrait s'inscrire à des programmes de formation
pendant qu'il a un emploi. Avez-vous réalisé des études ou des
essais pour démontrer qu'il serait préférable d'assurer la
formation des travailleurs pendant qu'ils ont un emploi au lieu
d'attendre qu'il l'ait perdu?
M. Ivan Hale: Nous n'avons rien fait de ce genre mais nous en sommes certainement venus à la conclusion que la prévention est la voie à privilégier du point de vue des travailleurs ou du secteur puisque dans le cas de ce dernier cela l'aide à réussir la transition vers l'avenir. L'aide à la restructuration pour les secteurs ou pour les employeurs est tout aussi importante.
La présidente: Monsieur Palmer.
M. Tony Palmer: Le modèle médical démontre que mieux vaut prévenir que guérir de sorte que toute stratégie axée sur les besoins à long terme—c'est-à-dire sur la prévention plutôt que sur la recherche de remède après coup—aurait certainement mon appui.
La présidente: Le Congrès américain a récemment publié un rapport décrivant la crise de la formation aux États-Unis. Avez- vous des documents semblables qui décriraient une tendance comparable ici au Canada?
M. Ivan Hale: Je n'en connais pas.
M. Tony Palmer: Moi non plus. Je peux toutefois citer un exemple d'un établissement médical local où les employés peuvent, indépendamment de leur ancienneté, prendre une journée par année de travail pour mettre à niveau leurs compétences. S'ils veulent suivre d'autres cours, ils doivent le faire en prenant leurs jours de congé annuel ou de congé de maladie.
La présidente: Merci.
Monsieur Wilfert, à vous la dernière question.
M. Bryon Wilfert: J'aimerais poser rapidement une question sur cette stratégie nationale. Quels en seraient les éléments clés pour la rendre acceptable à l'employeur ou à l'opinion publique étant donné le retard qu'accuse notre société? Nous avons des parents vieillissants et pourtant, si vous deviez demander congé pendant quelques semaines ou pendant un mois ou deux pour vous occuper d'une personne qui n'est pas institutionnalisée, vous deviendriez rapidement l'un de ces travailleurs âgés—vous vous retrouveriez à la rue.
Nous ne sommes donc pas aussi avancés que certains pays comme la Suède, par exemple. Je me demande quels éléments vous souhaiteriez retrouver dans une telle stratégie—très rapidement—surtout si vous envisagez une stratégie qui restera en place pour les 20 prochaines années grosso modo.
M. Ivan Hale: Comme elle existe depuis quelques années déjà, ce serait peut-être utile d'examiner la stratégie d'emploi des jeunes pour voir quels éléments ont donné de bons résultats. Ce serait peut-être enrichissant.
Nous sommes certainement d'avis que certaines stratégies pourraient servir de cadre d'orientation aux employeurs et au gouvernement, et j'ajouterais même aux travailleurs et aux particuliers. Il faudrait que cette stratégie favorise la réalisation de travaux de recherche pertinents et la diffusion des résultats. Nous osons espérer qu'une telle stratégie favoriserait la mise en place de programmes novateurs, la création de projets pilotes et l'évaluation des résultats; il est essentiel de faire l'évaluation des résultats.
La présidente: Vos commentaires ont inspiré une dernière question à Mme Girard-Bujold.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Monsieur Hale, des personnes âgées—ou des sages, devrais-je dire, parce qu'elles préfèrent cette appellation—qui font partie d'un comité sont venues me rencontrer. De nos jours, on ne sait plus si on est sage à 20 ans ou à 90 ans. Elles disaient que les gouvernements devaient tenir compte de l'important travail bénévole qu'elles effectuent et songer à leur accorder un crédit d'impôt à titre de reconnaissance pour les nombreuses heures qu'elles y consacrent. Que pensez-vous de leur suggestion?
[Traduction]
M. Ivan Hale: Nous abordons là une toute autre série de questions. En tant que membre d'un organisme national de bénévoles et de tout le secteur bénévole, nous nous sommes saisis de cette question et nous avons certainement rencontré le ministre des Finances à ce sujet.
La difficulté qui se présente, bien sûr, c'est la valeur qu'on doit accorder au temps du bénévole. Si vous commencez à rattacher un crédit à ce temps, devez-vous à ce moment-là accorder ce crédit à tout le monde qui participe à de telles activités?
• 1300
Je vous donne un exemple. Ce week-end, j'ai participé à une
réunion où il était question des personnes prodiguant des soins aux
personnes âgées à titre non professionnel. Si vous accordez un
crédit d'impôt pour cela à certaines de ces personnes, ne vont-
elles pas toutes le réclamer? Il n'y a pas de solution facile. Il
semble souhaitable de procéder ainsi Nous savons déjà que les
adultes plus âgés sont parmi les plus généreux, tant par leurs dons
caritatifs personnels que par leur don de leur temps. Ils se
donnent sans vouloir de l'argent ou un bénéfice quelconque. Ils le
font parce qu'ils veulent partager avec les moins fortunés la
chance que leur a donnée la vie. Qu'arrive-t-il lorsqu'on tente
d'institutionnaliser tout cela? Je ne suis pas convaincu que ce
soit la voie que les Canadiens veulent emprunter.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Un tel crédit d'impôt leur permettrait dans certains cas de combler un manque à gagner. Je ne crois pas que toutes les personnes bénévoles tiendraient à en bénéficier, mais nous pourrions cibler un certain nombre d'elles qui n'ont pas un emploi qui leur permet de bénéficier d'une pleine pension à la retraite. Je suis consciente que nous ne pourrions pas en faire bénéficier toutes ces personnes.
M. Ivan Hale: Nous pourrions sans doute étudier cette proposition.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Je vous fais part de la proposition qu'elles m'ont soumise.
[Traduction]
La présidente: Merci beaucoup de nous avoir donné au début une nouvelle définition de ce qui constitue un «aîné». Nous en sommes tous enrichis. Merci beaucoup pour un exposé bien réfléchi.
La séance est levée.