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HRPD Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON HUMAN RESOURCES DEVELOPMENT AND THE STATUS OF PERSONS WITH DISABILITIES

COMITÉ PERMANENT DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES ET DE LA CONDITION DES PERSONNES HANDICAPÉES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 25 mars 1998

• 1635

[Traduction]

Le président (M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.)): La séance est ouverte.

J'aimerais commencer par demander à nos témoins de bien vouloir excuser notre retard. Le fait est que lorsqu'il y a un vote à la Chambre, le monde s'arrête de tourner.

Profitons du fait qu'il tourne de nouveau pendant quelques instants pour commencer la séance. Je crois comprendre, MM. MacFarland et Benoît, que vous représentez l'Association des déshydrateurs. Nous avons environ une demi-heure à vous consacrer. Je vous conseille de ne prendre que 10 minutes pour faire votre exposé pour que les membres du comité puissent vous poser des questions. Vous n'ignorez pas que cinq partis sont représentés à la Chambre et leurs représentants voudront tous vous poser des questions, ce qui prendra plus de temps que par le passé. Vous pouvez commencer.

M. Brent MacFarland (directeur, Canadian Dehydrators Association): Je vous remercie, monsieur le président. Je m'appelle Brent MacFarland. Je suis directeur de la Canadian Dehydrators Association. Je suis accompagné de Garry Benoit, directeur général.

Le siège social de notre association se trouve à Edmonton, en Alberta. L'usine que je représente est située à Falher, en Alberta, dans le district de la rivière de la Paix. Nos membres expédient actuellement leur production par les installations terminales pour le chargement des marchandises en vrac Neptune. Nous sommes actionnaires de ces installations et nous avons aussi un intérêt dans les installations d'entreposage réservées aux produits agroalimentaires dont on vient récemment d'annoncer la construction par Vancouver Wharves.

J'aimerais faire une brève déclaration liminaire. La Canadian Dehydrators Association représente les transformateurs et les distributeurs de produits déshydratés à base de luzerne. La plupart des 29 usines membres de notre association se trouvent en Alberta et en Saskatchewan, mais il y en a aussi quelques-unes au Manitoba, en Ontario et au Québec.

Les membres de notre association exportent pour plus de 100 millions de dollars de produits chaque année. Nos principaux marchés sont dans la région du Pacifique. Le Japon est notre meilleur client, mais nous faisons aussi de bonnes affaires en Corée, à Taïwan et aux États-Unis.

Notre industrie à valeur ajoutée se concentre surtout dans les Prairies. Le gouvernement fédéral nous a donnés en exemple comme une industrie synonyme de valeur ajoutée, d'exportations florissantes et de diversification agricole.

Nos produits à destination des pays du Pacifique parviennent au port de Vancouver par chemin de fer. Ils sont ensuite acheminés vers les installations terminales Neptune ou Vancouver Wharves, les deux installations terminales de chargement des marchandises en vrac au port de Vancouver.

Nous faisons partie de ce qu'on appelle le programme des vaisseaux d'épicerie. Des navires océaniques chargent la majeure partie de leur cargaison aux installations terminales agréées dont il est question à l'article 87.7 du projet de loi C-19. Ces navires mouillent ensuite à notre installation terminale. Avant de partir pour l'étranger, on charge dans ces navires entre 3 000 et 5 000 tonnes de nos produits et d'autres cargaisons moins importantes d'oléagineux ou de céréales en vrac transformées.

Le paragraphe 87.7(1) proposé oblige les débardeurs en grève légale à maintenir les services «aux navires céréaliers aux installations terminales ou de transbordement agréées». Il s'ensuivra que l'acheminement des principales céréales qui sont chargées dans les installations terminales agréées sera assuré en cas de grève des débardeurs, ce qui ne sera pas le cas de la cargaison moins importante de luzerne du même navire. Cette situation s'explique du fait que le projet de loi définit le terme «céréales» de la même façon que la Loi sur les grains du Canada. Cette définition ne s'applique pas aux deux installations de chargement de marchandises en vrac où sont acheminées les autres céréales et la luzerne.

Le projet de loi C-19 constitue une importante dérogation à la politique fédérale établie en 1984 dans le cadre de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest. Parce que le gouvernement souhaitait encourager le développement d'industries dans l'Ouest et stimuler les exportations de produits à valeur ajoutée, cette loi visait spécifiquement la luzerne et d'autres produits déshydratés. Cette stratégie a d'ailleurs porté fruit. Notre industrie a crû et a créé des emplois.

Le gouvernement actuel a repris le même principe dans la Loi sur les transports au Canada adoptée en 1996. Ces deux lois importantes visaient spécifiquement la luzerne et les céréales déshydratées ainsi que les oléagineux.

Dans son énoncé de politique sur la Loi sur les transports au Canada, le gouvernement disait avoir pour objectif d'éliminer la discrimination exercée à l'endroit des produits transformés à valeur ajoutée afin de favoriser la diversification et la croissance économique. Notre industrie a atteint ces deux objectifs.

Monsieur le président, nous tenons du ministre de l'Agriculture que les objectifs de l'article 87.7 sont les suivants et je les cite:

    - faire en sorte que les céréales ne constituent plus un outil de négociation pour que les travailleurs et les employeurs soient amenés à régler eux-mêmes leurs différends dans le cadre de véritables négociations collectives; et

    - faire en sorte que le gouvernement n'ait plus à régulièrement s'immiscer dans les conflits de travail.

Cela ne nous rassure guère, monsieur le président, parce qu'il faut en déduire que dans le cas d'une grève des débardeurs, le gouvernement nous laisse à nos propres moyens.

• 1640

Par le passé, l'interruption de l'acheminement des produits visés par la Loi sur les grains au Canada ainsi que de nos propres produits a donné lieu à l'adoption rapide de mesures en vue de mettre fin à la situation, mesures qui pouvaient aller jusqu'à l'adoption d'une loi de retour au travail.

Avec l'adoption du projet de loi C-19, il ne serait plus nécessaire au gouvernement d'intervenir rapidement pour assurer l'acheminement des principales céréales de sorte que les expéditeurs de céréales en vrac et de produits comme les nôtres auraient peu de moyens d'intervention.

Nos clients japonais seraient encore une fois lésés parce qu'ils ne recevraient qu'une partie de leurs commandes de provendes. En outre, notre industrie devrait aussi assumer des frais de faux fret et de surestarie supplémentaires.

Ce projet de loi ne protège pas de la même façon tous les produits en cas de conflit de travail. Or, toute politique publique qui favorise un produit par rapport à un autre est fautive, en particulier si elle compromet l'industrie de transformation, la conservation des sols et la création d'emplois dans les milieux ruraux.

Nous recommandons vivement l'amendement suivant au paragraphe 87.7(1) proposé: qu'on ajoute après les mots «chargement de navires céréaliers aux installations terminales ou de transbordement agréées», les mots «et aux installations de chargement en vrac».

Neptune Bulk Terminals and Vancouver Wharves sont les deux installations terminales de chargement en vrac qui chargent la luzerne et d'autres céréales en vrac. L'amendement que nous proposons fait en sorte que ce projet de loi traiterait de la même façon tous les produits agricoles.

Nos marchés d'exportation dépendent de notre fiabilité comme fournisseurs. Nous avons dans le passé perdu des ventes en raison d'arrêts de travail et d'autres interruptions dans l'approvisionnement. Le 18 août 1995, nous faisions valoir devant la Commission industrielle d'enquête que nos clients à l'étranger s'attendaient à ce que nous puissions leur livrer la marchandise voulue en temps opportun. Nous avons ajouté que des arrêts de travail avaient terni notre réputation comme fournisseurs fiables et compétitifs.

Il y a un an à peine, la Japan Feed Trade Association mettait en garde le gouvernement canadien contre le fait que l'interruption des expéditions risquait d'être, et je cite l'association, «vraiment préjudiciable à la réputation des expéditeurs canadiens et aux exportations canadiennes». L'association songeait en particulier à nos produits et pas aux céréales qui sont visées par le projet de loi C-19.

Monsieur le président, on nous a dit que ce projet de loi visait à régler les problèmes qui se posent dans le domaine des relations de travail et non pas d'assurer l'acheminement des céréales. Nous avons cependant de sérieuses réserves au sujet de la solution à laquelle on a eu recours et nous craignons qu'elle nous porte préjudice même si ce n'était pas l'intention visée.

Nous ne réclamons pas un traitement spécial pour les produits à base de luzerne. Nous devons cependant vous demander de rejeter cet article du projet de loi et de le remplacer par un article qui assurera un traitement égal à tous les produits agricoles.

Le gouvernement fédéral ne devrait pas, d'une part, encourager cette industrie à accroître ses marchés d'exportation et prendre des mesures qui, d'autre part, compromettent ces marchés. Le projet de loi compromet des exportations agricoles représentant 100 millions de dollars.

Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie beaucoup. Vous vous en êtes admirablement bien tenu au temps imparti.

J'accorde d'abord la parole à M. Johnston. Il s'agira de questions de cinq minutes. Si vous voulez partager votre temps avec M. Anders, libre à vous.

M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.): Oui. Je vous remercie, monsieur le président.

Je vous remercie de votre exposé. Vous proposez des amendements à l'article 87.7 du projet de loi qui s'appliqueraient à toutes les installations terminales de chargement en vrac. Vous proposez donc de mettre sur un pied d'égalité le bois, le charbon, la potasse, la luzerne déshydratée, les produits pétrochimiques et les céréales, n'est-ce pas?

M. Brent MacFarland: Nous ne réclamons que le chargement des produits agroalimentaires. Deux installations terminales sont visées. Ces installations chargent non seulement des produits à base de luzerne, mais aussi des granules de son de blé, de la farine de canola et d'autres produits secondaires de l'industrie des céréales. Elles ne chargent pas de bois, de potasse, mais que des produits céréaliers.

M. Dale Johnston: Très bien. Appuieriez-vous un mécanisme de règlement des différends qui permettrait l'acheminement de tous les produits par le port?

• 1645

M. Garry Benoit (directeur général, Canadian Dehydrators Association): Nous appuierions toute mesure qui nous permettrait d'acheminer nos produits à nos clients en cas de grève.

M. Dale Johnston: Les arrêts de travail dans les ports sont parfois aussi dus à des lock-out. Lorsque vous parlez de grèves, vous songez aussi aux lock-out, n'est-ce pas?

M. Garry Benoit: Oui.

M. Dale Johnston: D'après vous, les exportations de produits déshydratés représentent environ 100 millions de dollars. Combien d'usines et de producteurs représentez-vous au Canada?

M. Garry Benoit: Nous représentons une trentaine d'usines de transformation. Au cours des dernières années, nos exportations se sont chiffrées entre 100 et 130 millions de dollars. Cela représente environ 700 000 tonnes de produits.

Je laisserai Brent vous dire combien d'employés travaillent dans son usine et ce que cela signifie pour sa collectivité.

M. Brent MacFarland: Notre usine transforme la production d'environ 400 fournisseurs, soit 400 agriculteurs. Nos usines transforment au total la production de milliers d'agriculteurs. Pendant la haute saison, notre usine emploie 200 travailleurs. À l'heure actuelle, nous séchons au soleil la luzerne et nous employons environ 85 personnes. Il s'agit donc d'un employeur important. Notre usine est certainement le plus gros employeur de la région et la même chose vaut pour beaucoup d'autres usines de déshydratation.

M. Dale Johnston: S'agit-il de travail saisonnier ou transformez-vous la luzerne séchée au soleil pendant la morte saison? Votre usine est-elle exploitée à longueur d'année?

M. Brent MacFarland: Nous transformons la luzerne séchée au soleil et notre saison de production s'étend sur 10 mois. Nous employons 60 personnes à longueur d'année et nous mettons à pied des travailleurs pendant de courtes périodes.

M. Dale Johnston: Vous proposez un amendement à l'article 87.7. Que pourrait faire ce comité pour être utile à votre industrie? Y a-t-il autre chose que nous pourrions recommander outre l'amendement que vous proposez à l'article 87.7? Que pourrait faire ce comité pour répondre aux préoccupations de vos membres?

M. Brent MacFarland: Empêcher que les grèves et les lock-out interrompent l'acheminement des produits agricoles canadiens. Faire en sorte que le Canada soit un expéditeur fiable.

Lorsque je suis allé au Japon, je me suis clairement rendu compte que la réputation du Canada... Certains soutiennent que nous ne sommes pas un fournisseur fiable et cela ne s'applique pas seulement aux produits à base de luzerne. C'est une constatation d'ordre général. L'une des entreprises avec lesquelles nous faisons affaire a décidé de ne pas accepter de chargement de navires en janvier estimant qu'au Canada on ne pouvait pas charger des navires en janvier.

M. Dale Johnston: Faut-il comprendre que vos clients traditionnels cherchent maintenant d'autres sources d'approvisionnement en luzerne? Perdez-vous des marchés parce que vous ne pouvez pas respecter les délais qui vous sont fixés?

M. Brent MacFarland: Oui, certains de nos clients cherchent d'autres fournisseurs pour cette raison.

M. Rob Anders (Calgary-Ouest, Réf.): J'aimerais vous poser une brève question. Vous avez dit que votre production s'élevait à 100 millions de dollars. Quelle est la partie de votre production qui est acheminée par voie maritime?

M. Brent MacFarland: L'industrie exporte plus de 90 p. 100 de toute sa marchandise. Tout est vendu sur les marchés étrangers.

M. Rob Anders: Wow! Eh bien voilà, cela représente donc environ 90 millions de dollars.

M. Brent MacFarland: Ces 10 p. 100 là sont en sus. Les exportations représentent quelque 100 millions de dollars. Tout cela transite par le port de Vancouver.

• 1650

M. Rob Anders: Il y a donc pour 100 millions de dollars de marchandises qui transitent juste par le port de Vancouver.

J'aimerais aussi que vous nous parliez des 200 emplois directs que vous avez mentionnés. Si vous tenez compte du nombre d'employés qui est touché directement par vos entreprises et tous les autres qui sont liés indirectement le long de cette chaîne, quel serait d'après vous le nombre total d'emplois touchés?

M. Brent MacFarland: Je ne sais pas combien il y a d'emplois dans toute l'industrie. Je ne connais que les chiffres de notre propre usine.

M. Rob Anders: Pourriez-vous me donner une approximation?

M. Brent MacFarland: Notre industrie exige beaucoup de main-d'oeuvre. Il faut des centaines de travailleurs pour faire fonctionner notre industrie, et cela représente des millions de dollars en salaire.

M. Garry Benoit: J'ai parlé d'environ 1 000 emplois.

Le président: Merci.

Monsieur Rocheleau.

[Français]

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): On sait que la loi actuelle prévoit des modalités spéciales pour le transport du grain. Dois-je comprendre que vous souhaitez que le législateur applique les dispositions qui prévalent pour le grain aux céréales en général et aux matières périssables?

[Traduction]

M. Brent MacFarland: Oui, et c'est qu'on nous applique le même traitement qu'aux autres produits céréaliers dont la manutention sera effectuée par les installations agréées. Nous voulons simplement que notre marchandise soit traitée de la même façon que les autres produits agricoles.

[Français]

M. Yves Rocheleau: Merci.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Rocheleau.

Monsieur Martin.

M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): J'aimerais connaître la taille de votre effectif. Vous estimez que parmi les membres de votre association, il y a environ 1 000 travailleurs?

M. Garry Benoit: Approximativement, oui.

M. Pat Martin: Quel syndicat les représente?

M. Brent MacFarland: Ce sont des travailleurs non syndiqués.

M. Pat Martin: Quelle a été votre situation au cours des 10 dernières années quant aux pertes de débouchés ou de temps occasionnées par des grèves ou des lock-out dans les ports de la côte Ouest?

M. Garry Benoit: Il y a des grèves dans tout le système, dans le réseau de transport qui amène les marchandises jusqu'aux ports.

M. Pat Martin: Mais nous ne parlons en fait que de la manutention des céréales pour le chargement des navires. Dans ce secteur-là, plus précisément, quelle a été la situation dans votre industrie, dans les 10 dernières années, par exemple?

M. Garry Benoit: Je ne travaille à l'association que depuis quatre ans. Au cours de cette période, il y a eu une grève importante, et je crois que c'était dans le transport ferroviaire.

M. Pat Martin: Mais ce dont nous parlons, c'est des débardeurs. Le projet de loi ne pourrait vous aider que pour ce qui est du chargement des navires, n'est-ce pas?

M. Garry Benoit: Oui.

M. Pat Martin: Vous demandez donc à ce que vous soit accordé le même traitement qu'au secteur céréalier, pour ce qui est du chargement des navires, s'il y a une grève ou un lock-out des débardeurs ou de leurs contremaîtres. De tels événements se sont-ils produits récemment?

M. Brent MacFarland: Non, pas récemment, mais je ne crois pas non plus que les débardeurs aient été récemment privés de travail en raison d'une grève. Auparavant, lorsqu'une grève empêchait les céréales d'arriver, notre marchandise était évidemment bloquée également.

M. Pat Martin: Autrement dit, au cours des 10 dernières années, vos marchandises ont circulé sans problème. On peut en déduire que la plupart des négociations ont été résolues sans grève ni lock-out. En fait, il me semble que c'est vrai dans 97 p. 100 des cas.

Le changement que vous demandez ne concerne que ce qui se fait au port même, n'est-ce pas? Cela n'a rien à voir avec le réseau ferroviaire, etc.?

M. Brent MacFarland: C'est exact.

M. Pat Martin: D'accord. Merci.

Le président: Madame Chamberlain.

Mme Brenda Chamberlain (Guelph—Wellington, Lib.): Les propriétaires et les exploitants des quais par lesquels transitent vos marchandises font partie de la British Columbia Maritime Employers Association et ont la possibilité de participer aux négociations collectives qui sont menées avec les syndicats des débardeurs, contrairement aux exploitants des terminaux de céréales qui n'entretiennent pas de telles relations avec les débardeurs. Est-ce exact?

M. Garry Benoit: Pourriez-vous répéter cela?

Mme Brenda Chamberlain: J'aimerais avoir une précision, parce qu'il me semble que vous avez mentionné que les gens n'étaient pas bien représentés. Les propriétaires et les exploitants des quais par lesquels transitent vos marchandises sont membres de la British Columbia Maritime Employers Association et ont la possibilité de participer aux négociations collectives menées avec les syndicats des débardeurs.

• 1655

Il en va différemment des exploitants des terminaux de céréales qui n'ont pas de telles relations avec les employeurs des débardeurs. Je veux simplement savoir si c'est exact et si vous êtes d'accord.

M. Garry Benoit: Je ne suis certes pas en mesure de répondre à cela.

Nous, nous parlons des installations de chargement de marchandises en vrac Neptune et de Vancouver Wharves, de toutes les installations de chargement des grains et des produits céréaliers. Je ne suis pas au courant de ce que vous avez dit et je ne peux confirmer si c'est vrai. Je n'en ai pas la moindre idée.

Mme Brenda Chamberlain: D'accord, merci. C'était seulement un argument très...

M. Garry Benoit: Nous ne sommes ni propriétaires ni exploitants des installations terminales.

Mme Brenda Chamberlain: Je souhaitais simplement obtenir une précision à ce sujet. Si vous n'en savez rien, d'accord. Merci beaucoup.

Le président: D'accord, c'est tout.

Merci beaucoup d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer.

M. Garry Benoit: Merci.

M. Brent MacFarland: Merci.

Le président: Ces céréales dont vous parlez, ce ne sont pas celles du petit déjeuner, n'est-ce pas?

M. Garry Benoit: Ce sont des céréales pour le petit déjeuner des vaches.

Le président: Oui, eh bien, j'aurais de quoi ruminer.

Nous entendrons maintenant les représentants de l'Association canadienne des avocats du mouvement syndical. Êtes-vous prêts?

M. Michael A. Church (Association canadienne des avocats du mouvement syndical): Nous sommes prêts si vous l'êtes, monsieur le président.

Le président: Nous sommes prêts.

Nous avons déjà entendu certains commentaires au sujet des avocats au cours de nos audiences.

Comme nous l'avons dit aux autres témoins, vous disposez d'environ une demi-heure, selon le nombre de questions. Veuillez limiter vos remarques à environ dix minutes. Faites votre exposé, et les députés vous poseront des questions ensuite.

M. Michael Church: Merci beaucoup. Je vais essayer de m'en tenir à dix minutes de temps normal plutôt que de temps d'avocat.

Le président: Quel est votre tarif?

M. Michael Church: Ici, c'est gratuit.

Bonjour, mesdames et messieurs du comité. Je représente l'Association canadienne des avocats du mouvement syndical. Je suis accompagné de deux collègues, M. Denis Bradet, de Québec, et Mme Elizabeth Mitchell, de Toronto. Mme Mitchell et moi parlerons en anglais. M. Bradet parle couramment nos deux langues officielles et s'adressera probablement à vous en français.

Chacun de nous parlera quelques minutes. Je vais essayer d'être bref. Nous essayerons tous d'être brefs, compte tenu de ce que la séance a commencé plus tard que prévu et de ce que votre temps est limité.

Permettez-moi d'abord de prendre quelques minutes pour vous présenter notre association, pour vous parler de notre rôle dans le processus de consultation et expliquer brièvement notre appui au projet de loi C-19. Ensuite, Mme Mitchell et M. Bradet aborderont quelques sujets dont ils sont venus vous entretenir, puis nous décrirons brièvement notre appui aux modifications essentielles apportées par le projet de loi. Nous serons bien sûr à votre disposition pour répondre à vos questions.

Je m'intéresse particulièrement aux relations de travail des secteurs fédéraux, dont le transport ferroviaire, le transport aérien et le camionnage.

Je tiens à souligner que notre rôle, aujourd'hui, consiste à expliquer à votre comité pourquoi nous appuyons le projet de loi, sous l'angle des praticiens. Nous, nous appliquons le code et nous collaborons avec le Conseil des relations du travail. C'est pourquoi nous essayons de vous expliquer comment le processus fonctionne sous le régime du code et du conseil actuels, comment les nouveaux amendements seront utiles à toutes les parties et dans quelle mesure le nouveau conseil proposé constituera une amélioration par rapport au conseil actuel. Il faut comprendre que nous ne répétons pas les commentaires de nos clients. Les gens que nous représentons peuvent exprimer eux-mêmes leur opinion; ce sont des groupes d'employés, des associations et des syndicats. Nous estimons avoir une perspective unique.

• 1700

Pour accélérer le rythme, si vous voulez savoir ce qu'est l'Association canadienne des avocats du mouvement syndical, veuillez consulter les documents qui vous ont été remis; vous trouverez à l'onglet 3 une description résumée de l'Association. Il s'agit d'une association nationale qui représente les praticiens de toutes les provinces et de tous les territoires, dans les deux langues officielles. Nos membres viennent de partout au Canada. D'une façon générale, les membres de notre association ne travaillent que dans le domaine des relations de travail. Bon nombre d'entre nous travaillent au niveau fédéral.

Vous trouverez à l'onglet 4 un résumé d'une motion adoptée par notre association à son dernier congrès annuel—vous devriez avoir les versions anglaise et française de cette motion—dans laquelle notre association indiquait son appui à ce qui était alors le projet de loi C-66 et déplorait le fait que ce projet de loi n'ait pas été adopté. C'est assez clair; je vous laisse le lire.

D'une façon générale, notre association appuyait le projet de loi C-66. Nous appuyons de la même façon le projet de loi C-19. Nous avons participé dès le début au processus en faisant des démarches auprès de M. Sims et de son groupe de travail, en participant aux tables rondes du ministre, en présentant des soumissions au ministre, en envoyant des lettres, etc.

En fin de compte, le code actuel est insatisfaisant de même que le conseil actuel. Même si les dispositions proposées dans le projet de loi C-19 sont imparfaites et ne sont pas suffisamment progressistes à notre goût, elles constituent néanmoins un compromis acceptable, et nous exhortons le comité à les adopter.

Je pensais passer en revue nos opinions et les résumer, mais je laisserai mes deux collègues vous dire ce qu'il en est. Je vais maintenant laisser la parole à Mme Mitchell. Merci.

Le président: Merci.

Mme Elizabeth Mitchell (Association canadienne des avocats du mouvement syndical): Merci, Michael.

Comme M. Church l'a indiqué, nous sommes venus vous dire aujourd'hui que nous appuyons vigoureusement le projet de loi C-19 car nous estimons qu'il est urgent de réformer le Conseil canadien des relations de travail et de réviser le Code canadien du travail.

Nous apprécions également le consensus qui semble s'être dégagé quant à bon nombre des propositions du projet de loi. Le processus a été très long, il a nécessité de nombreuses études, mais bon nombre des dispositions du projet de loi C-19 ont acquis un degré de consensus probablement inhabituel. Nous sommes satisfaits du processus—comment il a été entamé, la durée des études, le degré de consensus requis et obtenu à l'égard des principales dispositions.

Évidemment, certaines dispositions ont été moins bien accueillies. Nous ne les appuyons pas toutes, mais nous sommes contents qu'un compromis soit intervenu. Nous appuyons ce principe.

À l'onglet 1 de notre petit manuel, vous trouverez le mémoire de notre association. Ce mémoire est divisé en deux parties. Premièrement, nous avons décidé de ne discuter que des deux points pour lesquels nous aimerions que le comité envisage de modifier le projet de loi; nous proposons des amendements mineurs. Deuxièmement, nous passons en revue les modifications les plus importantes. Nous sommes d'accord avec ces modifications.

À l'onglet 5 se trouvent les propositions que notre association avait faites en réponse au projet de loi C-66. Nous avions appuyé dans ce projet de loi bon nombre de dispositions qui se trouvent dans le projet de loi C-19.

Je vais vous parler de la première partie de nos documents, c'est-à-dire des deux amendements qui, à notre avis, amélioreraient le projet de loi sans entraîner de bouleversements dans le reste de la mesure.

Nous proposons que la disposition relative aux travailleurs de remplacement, c'est-à-dire le paragraphe 94(2.1) proposé, soit modifiée de sorte que ce soit les employeurs qui assument non pas le fardeau légal, mais le fardeau de présentation, dans toutes les demandes présentées sous le régime de cette disposition.

Deuxièmement, selon le paragraphe 10(1) proposé, les présidents et vice-présidents du conseil sont nommés pour une période maximale de cinq ans. Le paragraphe ne contient aucune mention de la durée minimale du mandat. À notre avis, il importe de fixer la durée minimale du mandat afin de préserver l'indépendance des membres du conseil.

• 1705

Parlons d'abord du renversement du fardeau de présentation sous le régime du paragraphe 94(2.1) proposé, c'est-à-dire de la disposition relative aux travailleurs de remplacement. Si vous avez déjà lu nos mémoires antérieurs, vous aurez constaté que notre association préconise une interdiction de l'embauche de travailleurs de remplacement. La proposition actuelle n'est pas aussi progressiste que nous l'aurions souhaité. À notre avis, l'interdiction d'embaucher des travailleurs de remplacement diminue le nombre de jours de grève. Les grèves sont moins longues, moins nombreuses et plus pacifiques.

Toutefois, compte tenu du libellé actuel de la disposition, qui a été proposé en compromis, nous estimons que le comité devrait envisager d'y ajouter un renversement du fardeau de présentation dans les audiences. À titre de praticiens, nous savons à quel point il est difficile de traiter une demande lorsque la loi exige que l'on démontre le recours abusif aux dispositions sur les travailleurs de remplacement pour pouvoir obtenir une interdiction du conseil.

Dans toute demande présentée sous le régime de l'article 94, il faut démontrer pour quel motif l'employeur a embauché des travailleurs de remplacement. Eh bien, c'est l'employeur qui sait pourquoi il a pris cette décision, quels étaient ses objectifs et ses intentions. Puisque les employés sont en grève ou en lock-out, les syndicats qui représentent ces employés n'auront pas ces preuves à leur disposition.

Par conséquent, nous avons proposé un libellé très précis qui renverse le fardeau de présentation de sorte que, pour toute demande présentée sous le régime du paragraphe proposé, l'employeur soit le premier à témoigner des raisons légitimes sur lesquelles il a fondé sa décision. Ainsi, on éviterait de nuire au syndicat. À l'heure actuelle, c'est au syndicat d'assumer ce fardeau.

Le libellé que nous proposons se trouve à la page 3 de nos propositions. Ce que nous proposons est très précis.

La deuxième disposition est également très claire. Nous nous soucions de l'indépendance apparente du nouveau conseil. D'après le paragraphe 10(1) proposé, les présidents et vice-présidents ont un mandat maximum de cinq ans. Nous proposons que ce paragraphe soit modifié de façon à y indiquer que le mandat des présidents et vice- présidents est au minimum de trois ans et au maximum de cinq ans.

Nous craignons que, s'il n'y a pas de mandat minimum, le gouverneur en conseil puisse nommer des gens pour des périodes très courtes d'un an ou deux, pour toutes sortes de raisons. Il ne serait pas possible de mettre ainsi sur pied une commission indépendante capable d'attirer des candidats d'expérience à ces postes de présidents et vice-présidents. Nous aimerions que soit ajouté au paragraphe un mandat minimum.

On a beaucoup insisté sur l'indépendance du conseil, comme on a pu le constater aujourd'hui même dans un article du Ottawa Citizen; dans cet article, la Cour fédérale parlait du Tribunal canadien des droits de la personne et de l'indépendance apparente. Nous croyons que la modification que nous proposons accroîtrait cette indépendance apparente, ainsi que l'indépendance réelle du nouveau président et des vice-présidents du nouveau conseil. C'est pourquoi nous proposons que soit indiquée la durée minimale du mandat dans ce paragraphe.

Voilà ce que j'avais à vous dire. Merci.

Le président: Merci.

[Français]

M. Denis Bradet (représentant, Association canadienne des avocats du mouvement syndical): La version française de notre présentation se trouve sous l'onglet 2. Nous nous excusons auprès des francophones de la qualité un petit peu boiteuse de la traduction. Elle est quand même assez bien faite, et je souligne bien amicalement à mes confrères de Toronto qu'elle a été faite à Toronto.

J'aimerais signaler les initiatives auxquelles nous souhaitons particulièrement manifester notre appui. Ces principaux points que nous appuyons se trouvent aux pages 4 et 5 de la version anglaise, ainsi qu'à la fin de la fin de la version française.

Premièrement, nous appuyons plus particulièrement le droit à l'accréditation automatique comme recours dans les situations d'inconduite d'un employeur. Nous croyons que les exigences qui entourent ce droit automatique à l'accréditation font en sorte qu'il s'agit d'une disposition tout à fait acceptable, même si elle est quand même particulière.

Le deuxième point auquel nous accordons notre appui est celui de la protection des employés pendant la période d'accréditation. Il nous semble qu'il est maintenant essentiel qu'il y ait dans le Code canadien du travail une disposition pour protéger les employés pendant cette période cruciale de l'accréditation.

Le troisième point touche à la disposition relative aux employés qui travaillent en dehors des lieux de travail traditionnels. Nous appuyons l'ensemble des dispositions qui touchent cette catégorie d'employés. Je voudrais toutefois parler brièvement de la position du Commissaire à la protection de la vie privée, qui a fait certaines remarques concernant la confidentialité des informations.

• 1710

Comme nous le soulignons dans notre mémoire, nous ne croyons pas que la protection de la confidentialité de la vie privée serait menacée par les dispositions du projet de loi qui autoriseraient la divulgation du nom et de l'adresse de certains salariés qui ne travaillent pas dans un lieu de travail traditionnel.

Notre présentation souligne trois motifs pour lesquels cela ne constitue pas une atteinte à la protection de la vie privée. Premièrement, comme nous le savons tous, plusieurs lois prévoient déjà la divulgation de certaines informations de la même nature, dont les lois fiscales. On divulgue dans bien des cas des informations beaucoup plus importantes. Deuxièmement, nous croyons que la divulgation des informations vise à favoriser le droit d'association, ce qui est un des objectifs fondamentaux du Code canadien du travail. Troisièmement, nous croyons que la protection de la vie privée est quand même assurée par le pouvoir d'ordonnance du Conseil d'entourer la divulgation des noms et des adresses de différentes modalités d'application.

Notre mémoire traite aussi des dispositions de l'article 18.1 proposé dans le projet de loi C-19, qui exigeront désormais qu'on fasse un constat que les unités ne sont plus appropriées avant de les réviser. Autrement dit, il est maintenant nécessaire que le Conseil fasse un constat préliminaire avant de toucher et de modifier les unités de négociation. Nous croyons qu'il s'agit d'un changement essentiel pour protéger la stabilité des accréditations. Dans la même veine, nous croyons que les pouvoirs accordés au Conseil pour régler les problèmes susceptibles de survenir lors de la révision des unités, dont des questions d'ancienneté et de fin de conventions collectives, sont essentiels.

Enfin, nous voulons souligner notre appui à l'introduction dans le Code canadien du travail de nombreuses allusions aux délais et échéances pour poser certains gestes. Nous croyons que ces échéances contribueront grandement à améliorer le processus d'accréditation et l'ensemble du processus protégé par le Code canadien du travail. Et, comme nous l'indiquons à la fin de notre mémoire, nous croyons que ces dispositions contribueront à limiter l'application de l'adage qui veut que les relations de travail remises à plus tard soient des relations de travail déniées. En ce sens, nous appuyons également ces modifications.

Je vous remercie.

[Traduction]

M. Michael Church: Monsieur le président, si vous me le permettez, je vais conclure très rapidement.

À la page 2 de notre mémoire, vous trouverez un résumé de notre position. À notre avis, même si le projet de loi proposé n'est pas aussi progressiste que nous l'aurions espéré initialement, il représente néanmoins un compromis acceptable. Il s'agit d'un compromis entre l'ETCOF et les syndicats représentés par le CTC et de nombreux spécialistes en relations industrielles.

D'après nous, ce projet de loi contient de propose un minimum de modifications et de protections. Également, nous croyons que ce projet de loi n'a rien de révolutionnaire ni de particulièrement onéreux pour les employeurs. En fait, bon nombre de ces dispositions sont semblables à celles que l'on trouve dans le projet de loi 7 qu'avait déposé il y a plusieurs années le gouvernement du premier ministre Harris. Outre ces dispositions semblables, le projet de loi 7 conservait d'autres dispositions, dont l'accréditation automatique en Ontario, qui s'applique au cas d'inconduite de l'employeur. Ce sont des cas très rares dans ma province.

Enfin, il faut que le code soit applicable et que le conseil soit viable. À notre avis, le projet de loi proposé permettrait d'atteindre ces deux objectifs tout en conservant un sain équilibre.

Permettez-moi de prendre un instant de plus pour mentionner un dernier élément dont le comité devrait tenir compte dans ses délibérations. Il n'a pas été inclus dans ce projet de loi, et c'est l'interdiction aux agents de la GRC de partout au Canada d'obtenir une attestation syndicale et d'appartenir à un syndicat. Le groupe de travail Sims a discuté de cette question dans son examen. Cela se trouve aux pages 48 à 50 de son rapport. Le groupe de travail avait recommandé que le gouvernement examine cette question attentivement.

Malheureusement, les agents de la GRC sont encore laissés pour compte. C'est l'un des seuls services policiers au Canada qui ne puisse être syndiqué ou accrédité et qui ne peut avoir de négociations collectives. Nous soumettons respectueusement que cette question ne saurait être oubliée. Nous ne voulons pas retarder l'adoption du projet de loi, mais cette question a reçu l'appui du groupe de travail Sims, qui a produit une recommandation à cet égard. Il s'agit du droit des membres de la gendarmerie.

• 1715

Je crois savoir que cette question aboutira probablement devant la Cour suprême, et si celle-ci rend une décision positive, le conseil actuel ou le nouveau conseil pourrait bien être saisi d'une demande. Le président du nouveau conseil pourrait ainsi se trouver devant un dilemme intéressant, mais c'est une autre question qui sera réglée prochainement. Toutefois, si une telle demande est présentée, il est important qu'elle fasse l'objet d'une audience équitable et objective qui soit perçue comme telle.

Enfin, je crois savoir que les agents de la GRC eux-mêmes vous feront part de leur point de vue le 1er avril. Laissons-les exprimer eux-mêmes leur opinion.

Merci d'avoir pris le temps de nous écouter et de nous avoir permis de vous présenter notre témoignage. Nous sommes prêts à répondre à vos questions, dans la mesure où nous le pouvons.

Le président: Merci.

Vous avez semé la confusion dans mon esprit. J'étais prêt à appuyer ce projet de loi jusqu'à ce que vous disiez qu'il est semblable à un projet de loi de M. Harris.

M. Michael Church: Semblable pour certaines dispositions. Désolé.

[Français]

Le président: Monsieur Rocheleau, une petite question.

M. Yves Rocheleau: Monsieur Bradet, comment interprétez-vous la volonté du législateur, qui a modifié le libellé de la disposition du projet de loi C-66 relative aux travailleurs suppléants en ajoutant les mots «dans le but établi de» dans le nouveau projet de loi C-19?

M. Denis Bradet: J'avoue ne pas avoir vraiment suffisamment examiné cette disposition pour pouvoir répondre précisément à votre question. Un de mes confrères saurait peut-être mieux vous répondre.

[Traduction]

M. Michael Church: Si j'ai bien compris votre question, vous voulez savoir ce qu'il en est quant à la différence de libellé entre les projets de loi C-19 et C-66 dans les dispositions relatives aux travailleurs de remplacement.

Le projet de loi C-19 fournit expressément aux employeurs un argument qu'ils peuvent invoquer pour se défendre. En effet, on dit dans la disposition que les employeurs peuvent utiliser ou continuer d'utiliser les services de travailleurs de remplacement sauf dans le but de miner la capacité de représentation d'un syndicat. Les employeurs peuvent avoir recours à des travailleurs de remplacement pour renforcer leur position dans les négociations ou tout simplement pour exercer leur droit d'exploiter leur entreprise comme à l'ordinaire. Je ne suis pas un expert de la rédaction, et ce n'est pas moi non plus qui ai rédigé cette partie du projet de loi, mais il me semble qu'on codifie dans le projet de loi la défense des employeurs.

J'espère avoir répondu à votre question. La différence se trouve à ce niveau. Je ne sais pas si les collègues ont d'autres choses à ajouter.

Le président: Malheureusement, nous avons pris plus de temps que prévu. J'aimerais donner à chaque député l'occasion de poser une question et je vous demanderais d'être brefs dans vos questions et vos réponses.

Monsieur Dubé.

M. Jean Dubé (Madawaska—Restigouche, PC): Merci, monsieur le président. Je vous prie d'excuser mon retard.

Je suis en train de lire votre mémoire. Je m'interroge quant à l'article 99.1 que vous proposez—l'accréditation comme mesure de redressement. Je n'aime pas du tout cet article du projet de loi, et ce que vous proposez appuie l'inclusion, dans le projet de loi C-19, d'un droit à l'accréditation automatique à titre de mesure de redressement en cas d'inconduite de l'employeur. C'est très grave.

Vous avez sans doute entendu parler de l'affaire Wal-Mart. Si je vous signale cette affaire, c'est que vous êtes des avocats. J'aimerais que vous m'expliquiez ce qui constitue une inconduite grave.

Dans l'affaire Wal-Mart, l'accréditation avait été obtenue à 151 voix contre 43. L'inconduite, dans ce cas, vient de ce que le gérant du magasin a refusé de répondre à la question... si les employés se syndiquaient. Qu'il réponde par oui ou par non, il était perdant dans tous les cas et il a décidé de ne pas répondre. Estimez-vous qu'il s'agit là d'une inconduite grave?

Mme Elizabeth Mitchell: Monsieur Dubé, dans toutes les autres provinces dans lesquelles l'accréditation automatique est accordée en cas d'inconduite grave, il s'agit, dans la vaste majorité des cas, d'employeurs qui congédient des gens pour toutes sortes de motifs spécieux alors que la vraie raison, c'est que ces employés essaient de mettre sur pied un syndicat. Dans la vaste majorité des cas, sous le régime d'articles semblables, c'est pour ce genre d'inconduite grave qu'on applique ce redressement de l'accréditation automatique.

L'affaire Wal-Mart a beaucoup retenu l'attention, parce que les gens... Je ne veux pas avoir l'air condescendante, mais si vous prenez le temps de lire la décision—c'est une longue décision rendue par le conseil ontarien—les directeurs de Wal-Mart ont fait bien plus que refuser de répondre à une question. Les directeurs ont tenu des réunions tous les jours. Cela fait partie de leur travail normal, mais ils ont profité de ces courtes réunions habituelles pour dire à quel point il était avantageux de ne pas avoir de syndicat.

• 1720

Des gestionnaires supplémentaires ont été envoyés à ce magasin de partout au monde. Ils restaient là toute la journée et discutaient avec les commis de leurs problèmes généraux, etc. On a créé de cette façon un environnement très intimidant dans lequel on répondait à toutes les questions que l'employé pouvait poser. On encourageait les employés à poser des questions et on répondait à toutes sortes d'autres questions.

L'employé moyen pouvait en déduire qu'il était trop dangereux pour l'employeur de répondre à cette question particulière et que si les employés se syndiquaient, le magasin serait fermé. Cela devient donc une sorte d'inconduite...

Il ne s'agissait pas d'un cas isolé, du fait de ne pas répondre à une question, mais de tout un groupe de circonstances extraordinaires. Il s'agissait d'une réaction extraordinaire à un moment où les employés de ce magasin étaient très vulnérables. Par conséquent, je ne crois pas que l'inclusion de cet article provoquerait une avalanche de cas. Quel que soit le conseil, cette mesure de redressement ne s'appliquerait qu'à des cas inhabituels, à des circonstances extraordinaires.

Le président: D'accord. Monsieur Martin.

M. Pat Martin: Merci, monsieur le président.

Vous nous avez présenté un excellent mémoire et je vous en remercie. Nous n'avons pas beaucoup de temps, je me limiterai donc à une question. Vous recommandez d'apporter des modifications au paragraphe 94(2.1)...

Pour vous situer dans le contexte, l'une des choses qui nous inquiètent le plus—je suis le porte-parole du NPD en matière de travail—, c'est que dans les projets de loi C-66 et C-19, selon lesquels c'est au syndicat de démontrer que les pratiques déloyales de travail sont suffisamment graves pour justifier, etc... C'est donc là qu'on a déterminé à qui revenait le fardeau de la preuve. Croyez-vous que cet article supplémentaire—et je n'ai pas eu le temps de le lire de façon approfondie—éliminerait ce problème et renverserait le fardeau de la preuve? C'est bien le but visé?

Mme Elizabeth Mitchell: Nous aurions souhaité recommander au comité de renverser le fardeau de la preuve et, dans les cas douteux, d'exiger que la partie qui a enfreint la loi prouve son innocence, comme cela se fait dans le code à l'égard de la discrimination contre certains employés, par exemple. Ce que nous recommandons est également un compromis, comme de tout le reste du projet du loi. Nous recommandons que seule la charge de présentation soit renversée. C'est une proposition très pratique qui permettra d'abréger les litiges présentés devant le nouveau conseil. Le conseil devra déterminer quel préjudice est démontré. Pour établir les motifs de celui qui a pris la décision, le syndicat ne peut compter que sur des preuves circonstancielles.

En demandant aux employeurs de témoigner en premier, de prouver quels étaient leurs vrais motifs, on pourra abréger les litiges et le traitement des demandes présentées sous le régime de cet article tout en exigeant du syndicat de prouver ses prétentions.

M. Pat Martin: Je vois.

Une autre question?

Le président: Non. Bel essai, Pat.

Bob.

M. Robert D. Nault (Kenora—Rainy River, Lib.): Merci, monsieur le président.

Nous avons entendu hier le témoignage des travailleurs canadiens de l'automobile. Le syndicat proposait que soient revus les articles 87.2 et 87.3 du projet de loi, qui instituent un préavis de 60 jours pour le vote de grève et un autre préavis de 72 jours. Nous estimons que ces préavis ne pourront qu'encourager les grèves.

Vous ne mentionnez pas ces dispositions dans votre mémoire, même dans les observations préliminaires du dernier onglet. J'aimerais savoir ce que vous pensez de ces articles, puisque le code ne vise certes pas à encourager les grèves. En fait, c'est plutôt le contraire.

Est-ce que des avocats ont examiné ces deux dispositions particulières? Pourquoi une organisation de l'importance des TCA ferait-elle ce commentaire, et pourquoi une organisation comme la vôtre, qui agit en leur nom et travaille avec elle bien souvent, n'en parlerait-elle pas dans son mémoire? Je cherche à en savoir plus sur le contexte de ces deux dispositions parce que nous voulons nous assurer de faire ce qu'il faut à ce sujet.

• 1725

M. Michael Church: Je vais répondre. Tout d'abord, notre mémoire est court. Nous essayons de présenter un point de vue différent, relatif à la procédure.

La plupart des avocats spécialistes en droit industriel ne participent pas tellement aux négociations collectives. Les syndicats s'en chargent eux-mêmes à moins que ce soit les employés ou les représentants d'une association d'employés. Ils le font eux- mêmes et ils sont très bons et ne tiennent pas à payer des avocats spécialistes en droit industriel pour cela, en toute honnêteté. Habituellement, on ne nous confie des dossiers que bien après les négociations.

Je n'étais pas là hier et je n'ai pas vu le mémoire des TCA, mais sincèrement, je crois qu'ils ont raison. Quand on a une échéance de ce genre, que le syndicat a un vote de grève en poche et que les minutes comptent, cela force parfois les organisations à faire ce qu'elles ne feraient pas autrement. S'il n'y a pas d'exigences particulières ou si les délais sont aussi courts, les syndicats peuvent se sentir obligés de se servir du mandat de grève qu'on leur a donné. Les grèves et les lock-out sont des temps difficiles à vivre pour les employés comme pour les employeurs et ce sont des situations parfois forcées.

Je dois croire qu'ils ont raison. En Ontario, nous avons présenté les mêmes arguments. Le projet de loi 7 exige un vote de grève dans chaque cas, mais ce vote n'est valable qu'un certain temps. J'ai participé à des négociations en Ontario et lorsque les syndicats se voient dans une situation où le vote arrive à échéance, plutôt que de consulter de nouveau les travailleurs, dans une situation où les émotions sont vives, ils ont plutôt tendance à se mettre en grève plus tôt. Je ne dis pas que c'est nécessairement le cas, mais c'est la tendance, c'est la vie. Je ne peux pas vraiment expliquer pourquoi les choses se produisent ainsi et je n'ai pas bien examiné la question jusqu'ici, mais je sais qu'il en va ainsi et qu'il en sera de même au niveau fédéral.

Mme Elizabeth Mitchell: J'ai un commentaire à formuler au sujet de l'article 87.3. Avec les changements apportés en Ontario, le vote de grève devait être donné dans les 30 jours de la fin de la convention collective ou après, plutôt que dans les 60 jours. Il n'est pas nécessaire que ces 60 jours viennent à expiration. Si vous voulez modifier cet article, vous pourriez au moins faire en sorte qu'il n'y ait qu'un vote. À condition que le scrutin ait lieu dans les 60 jours de la fin de la convention, ensuite il serait bon pour le reste du temps.

Je pense que ce que craignent les TCA, c'est qu'au 59e jour, ils soient obligés de décider d'aller en grève, et de le faire à répétition. Au moins, ainsi, on aurait plus de souplesse: si le scrutin a eu lieu dans les 60 derniers jours de la convention collective, le résultat est valable pour toute la série de négociations. Cela peut être une position de compromis que pourrait envisager le comité, afin d'éviter une prise de décision au 59e jour, et d'avoir à répéter le scrutin. Pour l'instant, c'est ainsi qu'est libellé l'article 87.3 proposé.

M. Robert Nault: Une simple clarification: si j'ai bien compris, on peut prolonger la période de 60 jours avec le consentement mutuel des parties. En fait, le syndicat peut s'adresser à la partie patronale et dire que les choses vont relativement bien et qu'on peut donc prolonger le délai de 60 à 120 jours. C'est possible. C'est pourquoi j'étais un peu étonné de l'insistance avec laquelle les TCA se prononçaient contre cette disposition.

Je comprends le problème d'avoir à consulter de nouveau les membres. Comme nous le savons tous, un scrutin relatif à une grève coûte très cher. C'est la préoccupation des syndicats. Si vous avez un gros syndicat comme celui des chemins de fer, par exemple, il est très coûteux de consulter les membres. Est-ce que cette idée du consentement mutuel ne réglerait pas ce problème?

Mme Elizabeth Mitchell: Non, je ne pense pas. Vous parlez de deux adversaires, à la veille d'une grève. L'employeur pourrait ne pas souhaiter épargner de l'argent au syndicat, ni lui éviter la nécessité de redemander un vote de grève. En ajoutant cette exigence supplémentaire d'un accord écrit entre le syndicat et l'employeur au sujet d'une prolongation, à ce moment-là des négociations, on ne règle pas le problème des TCA et des autres syndicats nationaux.

M. Michael Church: Et cela, c'est en présumant que les parties se parlent toujours, en ce 59e jour. Si la situation est si mauvaise qu'elles ne se parlent peut-être déjà plus ou que le comité de négociation pourrait vouloir en finir, même si les membres veulent la lune, et c'est parfois difficile. À ce moment- là, les émotions et le stress sont considérables.

Par ailleurs, dans le secteur ferroviaire, les syndiqués sont éparpillés dans des petits terminaux partout au pays. Un autre vote serait non seulement coûteux, il prendrait beaucoup de temps. C'est très difficile, comme vous savez.

M. Robert Nault: Merci, monsieur le président.

Le président: Monsieur Johnston.

• 1730

M. Dale Johnston: Merci, monsieur le président, et merci aux témoins pour leur exposé.

Je constate que Mme Mitchell se dit en faveur d'une interdiction totale des travailleurs de remplacement parce que d'après elle, les grèves sont alors plus pacifiques et plus courtes. Avez-vous des statistiques pour étayer cette affirmation?

Mme Elizabeth Mitchell: Je suis désolée, monsieur Johnston, je ne suis pas venue avec des statistiques en main. Je pense que la dernière consultation à ce sujet s'est faite, vous vous souviendrez, sous le gouvernement néo-démocrate en Ontario. Dans cette province, pendant une brève période de deux ans, je crois, on a interdit les travailleurs de remplacement. Pendant cette courte période—pas très longue quand on veut recueillir des statistiques—il y a eu une baisse du nombre de jours de travail perdus en raison de grèves ainsi que du nombre de grèves. Si vous voulez mon aide, je peux vous trouver ces statistiques, d'après les chiffres rapportés par Statistique Canada. Je suis convaincue que vos attachés de recherche pourraient également vous les trouver.

C'est certainement donc l'expérience ontarienne, concordant avec des statistiques antérieures. De toute façon, c'est la raison pour laquelle le gouvernement néo-démocrate avait présenté cette mesure. Les néo-démocrates s'étaient fondés sur ce genre de chiffre, ce genre d'étude.

Le président: Avez-vous une autre question?

M. Dale Johnston: Je laisse la parole à Rob.

M. Rob Anders: Je dois dire que je ne crois pas avoir vu quelqu'un défendre avec autant de passion la décision rendue dans l'affaire Wal-Mart que vous aujourd'hui, madame Mitchell.

Mme Elizabeth Mitchell: Merci, monsieur Anders.

M. Rob Anders: Bon. Je vais passer à l'article 42 du projet de loi C-19, se rapportant aux travailleurs de remplacement. Je présume qu'à vos yeux, c'est tout un événement pour la jurisprudence en matière de droit industriel au Canada puisque c'est une façon toute nouvelle de traiter des travailleurs de remplacement. Ce n'est pas une interdiction totale, même si c'est manifestement ce que vous souhaiteriez. Dans son libellé actuel, dans la façon dont on devrait l'interpréter et l'utiliser, c'est quelque chose de tout nouveau en droit des relations de travail au Canada, n'est-ce pas?

Mme Elizabeth Mitchell: Je crois que c'est quelque chose d'unique, en effet.

M. Rob Anders: Ça créerait sans doute plus de travail pour des gens comme vous.

Mme Elizabeth Mitchell: En toute honnêteté, monsieur Anders, si on interdisait les travailleurs de remplacement, je crois bien que j'aurais moins de travail.

M. Rob Anders: Bien, comme vous dites.

J'ai quelques autres questions, si vous le permettez, monsieur le président.

Au sujet des dispositions de l'article 50 se rapportant à la protection de la vie privée et pour ce qui est de leur lien avec le projet de loi C-66 et leur libellé actuel dans le projet de loi C- 19, étiez-vous en faveur de cet article même avant que le commissaire à la vie privée exprime ses préoccupations au sujet de l'infraction à la Loi sur la vie privée, au sujet des listes de télétravailleurs, etc.?

Mme Elizabeth Mitchell: Oui. Entre le projet de loi C-66 et le projet de loi C-19, je pense qu'il y a eu quelques améliorations de la protection de l'accès aux renseignements au sujet des employés. Nous étions en faveur de l'accès aux employés à distance parce que nous pensons que c'est une initiative d'importance dans le monde du travail actuel.

M. Rob Anders: Je voulais simplement le vérifier.

J'ai une dernière question, monsieur le président.

Le président: Voyons à quelle vitesse vous pouvez la poser.

M. Rob Anders: Bien, monsieur le président.

L'article 46 porte sur le scrutin secret et le passage à un système de carte syndicale. Êtes-vous en faveur de ce nouveau système et par conséquent, voulez-vous qu'on ouvre la porte au maraudage syndical que le Conseil canadien des relations du travail a observé par le passé?

M. Michael Church: Il y a déjà un système de carte syndicale. Je pense que nous ne comprenons pas votre question, monsieur Anders.

M. Rob Anders: Eh bien, actuellement, d'après la loi que nous voulons modifier...

M. Michael Church: Le Code canadien du travail, en effet.

M. Rob Anders: Oui. Actuellement, il y a un scrutin secret, où la décision est déterminée par 50 p. 100 du vote plus un.

M. Michael Church: Je pense que vous vous trompez.

Mme Elizabeth Mitchell: C'est 50 p. 100... actuellement, c'est le soutien de la majorité en fonction des cartes; le projet de loi C-19 n'y change rien.

M. Michael Church: C'est la même chose dans cinq autres provinces. Je ne comprends pas ce que vous voulez dire. Peut-être que nous ne partons pas du même point. Il y a un système d'adhésion en vertu du Code canadien du travail...

Le président: C'est évident depuis le début.

M. Michael Church: Sauf votre respect, je pense que vous avez tort.

Mme Elizabeth Mitchell: Au fédéral, c'est un système de carte syndicale qui est en place, je crois, depuis l'arrivée du code.

M. Rob Anders: Bon, je vais vous résumer. Vous êtes en faveur d'une disposition semblable à ce qu'on a vu en Ontario et en Colombie-Britannique, qui permettra la mise en oeuvre de la décision dans l'affaire Wal-Mart. J'en suis persuadé, parce que je n'ai jamais vu une défense aussi passionnée que la vôtre, madame Mitchell, de la décision.

Mme Elizabeth Mitchell: Je suis tout à fait en faveur de cela. Je pense qu'il n'y a aucune autre solution dans les situations graves où il y a violation manifeste des droits des travailleurs de se syndiquer. Étant donné la norme que doit respecter un syndicat pour obtenir cette accréditation automatique, c'est la seule solution sensée.

• 1735

Je pratique dans ce domaine depuis quelques années déjà et je peux vous dire que je suis tout à fait en faveur de cela. Si je suis passionnée au sujet de la décision Wal-Mart, c'est parce que je crois que c'était la bonne décision.

M. Michael Church: Monsieur Anders, cette loi existe en Ontario depuis environ 25 ans. L'accréditation automatique a été mise en place par les gouvernements progressistes-conservateurs à maintes reprises. En fait, le gouvernement Harris n'y a pas touché. On y a rarement recours et encore plus rarement, avec succès. Cette disposition existe depuis longtemps, dans d'autres provinces aussi. Elle existe, elle n'est pas nouvelle et c'est peut-être pourquoi mes propos ont pu semer la confusion dans l'esprit du président. Cette disposition existe depuis longtemps et le gouvernement Harris n'y a pas touché. Elle n'est utilisée que dans des cas extraordinaires et la preuve est très difficile à faire.

Le président: Merci, monsieur Church. Il n'est pas nécessaire de refaire le bilan du gouvernement Harris.

Des voix: Oh, oh!

M. Michael Church: Je voulais simplement être juste.

Le président: Madame Mitchell, notre comité ne s'oppose aucunement à quelque passion que ce soit.

Merci beaucoup. Je vous remercie du temps que vous nous avez consacré.

Mme Elizabeth Mitchell: Merci.

M. Michael Church: Merci.

Le président: Nous accueillons maintenant Mme Glover et M. Lewis de la Chambre de commerce du Canada.

Madame Glover et monsieur Lewis, je ne veux pas vous presser, mais je dois vous dire que nous devrons aller voter tantôt et que je veux vous écouter et éviter que tout le monde ait à nous attendre de nouveau.

M. Dale Johnston: Nous voulons nous assurer de terminer ici avant d'aller attendre à la Chambre.

Le président: Oui, exactement.

Vous connaissez bien la procédure. Nous vous demandons de limiter votre exposé à 10 minutes. Comme vous l'avez vu avec nos derniers témoins, il y a beaucoup de questions et d'intérêt et je ne pourrai accorder du temps à tous si vous dépassez les 10 minutes prévues.

Mme Sharon Glover (vice-présidente principale, Affaires des membres et de la Chambre de commerce, Chambre de commerce du Canada): Merci, monsieur le président. Au nom des membres de la Chambre de commerce du Canada, je vous remercie pour cette occasion de comparaître devant vous pour parler des amendements prévus au Code canadien du travail, dans le cadre du projet de loi C-19. Je suis Sharon Glover. Je suis la vice-présidente des Affaires des membres et de la Chambre de commerce. Voici John Lewis, un associé du cabinet d'avocats Heenan Blaikie.

La Chambre de commerce du Canada est la plus grande et la plus représentative des associations d'affaires du pays. Nos membres se trouvent dans tous les secteurs de l'entreprise privée. Notre réseau de 500 chambres de commerce communautaires nous donne des partenaires affiliés dans la circonscription de chacun des députés fédéraux. Le réseau compte 170 000 membres et comprend beaucoup d'employeurs de régie fédérale qui seront touchés par les changements à la partie I du Code canadien du travail.

Comme vous le savez bien, beaucoup des employeurs que nous représentons, y compris des intervenants clés du secteur des transports, des télécommunications et des banques, offrent des services publics essentiels au pays et forment l'infrastructure de l'économie canadienne. La Chambre de commerce du Canada a participé activement à la consultation publique sur les politiques qui a mené aux modifications proposées dans ce projet de loi et ce, depuis quelques années. En fait, nous travaillons sur cette question depuis le début de 1995.

Avant de vous présenter nos préoccupations se rapportant au projet de loi C-19, je dois dès le départ vous exprimer nos doutes quant aux bouleversements proposés au cadre canadien des relations patronales-syndicales. Nous comprenons la nécessité de certains changements administratifs figurant dans le projet de loi, comme la création du Conseil canadien des relations industrielles, mais nous ne croyons pas qu'on ait prouvé la nécessité de changer le cadre des négociations collectives dans les domaines de compétence fédérale ni que les modifications proposées renforceront la compétitivité du Canada. Au contraire, nous estimons que les modifications proposées à la partie I du Code canadien du travail vont nuire à la position du Canada face à la concurrence des autres pays industrialisés.

• 1740

À cause de cela, nous vous demandons aujourd'hui avant tout de considérer la compétitivité du Canada face au monde, dans un sens large, lors de vos discussions sur les avantages de ce projet de loi et ses répercussions sur les investissements futurs.

Comme pour notre préoccupation plus large relative à la compétitivité, nos craintes plus précises au sujet du projet de loi C-19 sont demeurées les mêmes que celles que nous avions au sujet du projet de loi C-66, malgré les changements apportés avant que le nouveau projet de loi soit déposé. Le nouveau libellé de certaines dispositions clés du projet de loi vont certainement dans le bon sens, mais pas assez loin pour apaiser nos préoccupations les plus fondamentales et les plus anciennes au sujet des amendements proposés au code. Plus précisément, nous contestons trois éléments du projet de loi qui sont cruciaux pour nos membres et dont nous vous parlerons maintenant.

Pour ce qui est de notre première préoccupation, les travailleurs de remplacement et l'interdiction partielle au recours aux travailleurs de remplacement pendant des arrêts de travail légaux, je dois vous dire au départ que nous sommes heureux que le gouvernement fédéral ait tenu compte de nos inquiétudes concernant le libellé antérieur de cette disposition et qu'il en propose un nouveau.

En particulier, l'ajout des mots «plutôt que pour atteindre des objectifs légitimes de négociation» au paragraphe proposé 94(2.1) fera en sorte que tout tribunal qui interprète cette loi sera obligé de tenir compte de la raison pour laquelle l'employeur a embauché des travailleurs de remplacement, plutôt que de protéger uniquement les droits de représentation du syndicat, comme cela était le cas dans le projet de loi C-66.

Pour ce qui est des travailleurs de remplacement, nous jugeons que le nouveau libellé traduit bien mieux l'intention du gouvernement fédéral qui, nous dit-on, est de corriger un comportement jugé inapproprié pendant les négociations plutôt que de renforcer le pouvoir de négociation des syndicats.

Cependant, le nouveau libellé n'élimine pas nos préoccupations les plus anciennes et les plus fondamentales concernant l'inclusion d'une disposition, quelle que soit sa forme, concernant les travailleurs de remplacement dans la partie I du Code canadien du travail. En effet, nous nous opposons au motif invoqué pour justifier la modification du code pour inclure une telle disposition.

Par définition, les entreprises du secteur d'activité fédérale sont d'envergure interprovinciale, nationale ou internationale. Elles comprennent beaucoup de vastes réseaux intégrés qui sont liés par air, par rail, par route ou par la technologie. Les entreprises fédérales sont souvent les services publics essentiels et constituent l'infrastructure même du Canada. Dans bien des cas, l'entreprise fédérale est la seule à offrir certains services au Canada. Par conséquent, entraver la possibilité de l'employeur du secteur fédéral de maintenir des activités, nuit, par définition, au bon fonctionnement de l'économie nationale. Étant donné la nature unique du secteur fédéral, le gouvernement fédéral devrait réfléchir avant de décider d'imiter les réformes faites dans le domaine du travail par des gouvernements provinciaux.

Comme nous l'avons signalé auparavant, l'arme de l'employeur qui équivaut à la grève n'est pas le lock-out, mais plutôt la capacité d'endurer une grève. Après avoir étudié la question longuement, le groupe de travail Sims a dit:

    Par contre, il peut être nécessaire de faire appel à des travailleurs de remplacement pour maintenir la viabilité d'une entreprise quand les conditions économiques sont difficiles et les exigences syndicales inacceptables. Dans un régime de libres négociations collectives, il importe que les employeurs conservent cette option. C'est pourquoi on ne peut interdire entièrement le recours à des travailleurs de remplacement. Si cette option n'existait pas, les employeurs s'organiseraient de façon à réduire leur dépendance à l'égard de leur personnel permanent, pour ne pas être vulnérables, ce qui serait contraire à l'intérêt des travailleurs et à leur propre intérêt.

À notre avis, limiter le recours, même de façon partielle, aux travailleurs de remplacement pendant un arrêt de travail légal, dans le contexte de l'équilibre des forces patronales et syndicales, donne clairement plus de pouvoir aux syndicats.

Pour résumer, même si nous jugeons que le libellé actuel du paragraphe proposé 94(2.1) est meilleur que celui de la version antérieure, nous continuons de nous opposer à l'inclusion de toute disposition qui limiterait, de quelque façon que ce soit, le recours aux travailleurs de remplacement pendant les arrêts de travail légaux. Nous demandons instamment au comité de réexaminer l'inclusion d'une telle disposition dans le projet de loi.

Comme vous le savez, le groupe de travail Sims a identifié de nouvelles catégories d'employés, dont les travailleurs à distance. «De nos jours, il est donc possible de travailler pour un employeur sans qu'il soit nécessaire d'être dans ses locaux ni d'utiliser son équipement.» Le groupe de travail pensait aux employés qui sont liés à l'employeur grâce aux nouvelles technologies et qui peuvent, par conséquent, travailler chez eux ou ailleurs que chez l'employeur. Le groupe de travail s'inquiète du fait que ces travailleurs seraient peut-être «isolés» et qu'il sera «pratiquement impossible» de les trouver et de communiquer avec eux afin de les syndicaliser.

• 1745

Nous reconnaissons que dans la population active actuelle, il y a une nouvelle catégorie de travailleurs qu'on peut qualifier de travailleurs à distance. Cependant, il est important de distinguer entre les travailleurs qui travaillent normalement ailleurs que dans les lieux de l'employeur et ceux qui sont «pratiquement impossibles» à rejoindre.

Bien des employés qui travaillent à distance doivent tout de même se présenter sur les lieux de travail de l'employeur régulièrement. Le recours à la nouvelle technologie pour permettre aux employés de travailler à distance, notamment à la maison, ne justifie pas à notre avis la création d'une nouvelle catégorie d'employés au titre du code du travail, catégorie qui serait considérée comme différente de toutes les autres catégories d'employés auxquelles le code s'applique.

La deuxième chose qui nous préoccupe dans la disposition s'appliquant aux travailleurs à distance, outre sa simple inclusion au code, c'est la transmission de l'information aux employés et la question du consentement. Nous restons très inquiets du fait que ce projet de loi permet au Conseil canadien des relations industrielles de donner aux syndicats, à des fins d'accréditation, les noms et les adresses des employés qui travaillent à distance. Le régime actuel interdit au conseil de donner au syndicat les noms et les adresses de membres potentiels du syndicat.

Même si le projet de loi prévoit que le conseil doit inclure, lorsqu'il donne la liste des employés, les conditions qui doivent être respectées pour veiller à la protection des renseignements personnels et veiller à la sécurité des employés visés, de même que pour empêcher l'utilisation abusive de cette information, nous croyons qu'à tout le moins les employés devraient au préalable donner leur consentement avant que leurs nom et adresse à domicile soient donnés aux syndicats.

C'est la pratique qu'utilise actuellement Industrie Canada qui utilise comme base de protection des renseignements privés un code préparé par l'Association canadienne de normalisation et intitulé «Modèle de code destiné à la protection des renseignements personnels». Ce code stipule qu'aucun renseignement privé ne sera utilisé ni divulgué pour des fins autres que celles pour lesquelles il a été recueilli, sauf sur consentement de l'intéressé.

Nous croyons que la partie 1 du Code canadien du travail pourrait incorporer ce modèle et l'appliquer au syndicat ou au Conseil canadien des relations industrielles dans les communications directes avec les travailleurs à distance.

Le troisième élément important du projet de loi que nous n'acceptons pas, c'est la disposition portant que les céréales doivent continuer à passer par les ports, même pendant les arrêts de travail légaux. Non seulement nous constatons que cette question de grande importance s'est retrouvée dans le projet de loi sans même qu'il en ait été question au groupe de travail Sims, mais nous sommes également convaincus que la proposition du projet de loi porte à faux. C'est en effet la mauvaise solution à un problème de relations industrielles complexes. Traiter de façon sélective certains produits au cours d'un arrêt de travail légal, dénature la dynamique traditionnelle de la négociation collective et risque de prolonger le différend au regard des autres entreprises qui utilisent le port.

Enfin, en ce qui concerne l'accréditation en tant que solution à des pratiques injustes de travail, je conclurai en faisant valoir notre profond déplaisir de voir la façon dont les procédures d'accréditation automatique ont été libellées dans le projet de loi. D'après nous, il est de la plus haute importance dans les cas où l'employeur a usé de pratiques de travail déloyales que l'on respecte les véritables souhaits des employés. Or, la façon la plus efficace de savoir exactement ce que veulent les employés, c'est d'avoir recours au vote.

Je conclurai en rappelant nos demandes au comité. D'abord, éliminer du projet de loi l'interdiction partielle d'avoir recours aux travailleurs de remplacement. Ensuite, retirer l'article 50 du projet de loi qui porte sur les travailleurs à distance. Troisièmement, éliminer la préférence accordée au transport du grain dans le cas d'arrêts de travail légaux dans un port. Enfin, exiger du Conseil canadien des relations industrielles qu'il se demande si toute autre solution de rechange, notamment le recours au vote, en vue d'établir ce que veulent vraiment les employés suffit pour contrer les effets que pourrait avoir l'inobservation de la convention par les employeurs.

C'était le message que souhaitait vous transmettre la Chambre canadienne de commerce aujourd'hui. Maintenant, nous répondrons avec plaisir à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, madame Glover.

Nous commençons par M. Dubé.

M. Jean Dubé: Merci beaucoup, monsieur le Président.

Le président: J'aime quand on m'appelle comme cela.

M. Jean Dubé: Vous serez là la prochaine fois.

Je me reporte à ce que vous avez dit. Vous m'avez secoué avec votre question. Je n'étais pas vraiment préparé.

Le président: Allez-vous passer votre tour?

M. Jean Dubé: Oui, pour l'instant.

Le président: Monsieur Martin.

M. Pat Martin: Je serai très bref.

Dans le dernier résumé des dispositions que vous voudriez voir changées, vous mentionnez la manutention des céréales dans les ports. Avez-vous bien dit qu'à votre avis, le Code canadien du travail n'a pas à stipuler que les céréales devraient être transportées dans un port advenant qu'il y ait une grève légale ou un lock-out?

Mme Sharon Glover: C'est exact.

M. Pat Martin: Vous préféreriez que cela soit éliminé.

Mme Sharon Glover: En effet.

• 1750

M. Pat Martin: Bien. Je voulais être sûr de vous avoir bien compris.

J'ai une autre question au sujet de l'accréditation comme recours contre des pratiques de travail injustes. J'aimerais revenir brièvement à ce que vous avez dit à ce sujet.

Que je sache, l'accréditation n'est pas vraiment accordée pour contrer des pratiques de travail injustes; elle est accordée surtout lorsqu'il a été démontré que l'ingérence de la part de l'employeur est telle qu'un vote ne refléterait pas exactement ce que veulent véritablement les employés. Autrement dit, dans les cas où l'ingérence de l'employeur fausse la réalité.

Voilà ce à quoi sert vraiment l'accréditation automatique, plutôt qu'à contrer les pratiques de travail injustes. Autrement dit, rien ne servirait d'organiser un vote à un moment X parce que, par crainte de représailles, les employés ne révéleraient pas ce qu'ils souhaitent. C'est en tout cas la façon dont cela se passe dans la plupart des provinces.

Voulez-vous commenter?

Mme Sharon Glover: M. Lewis pourrait peut-être répondre pour nous.

M. John Lewis (Chambre de commerce du Canada): Vous avez raison dans un certain sens: l'accréditation automatique est habituellement accordée lorsqu'il y a ce qu'on appelle l'effet paralysant. Cet effet se produit lorsqu'on est en mesure de démontrer que le comportement patronal est tel qu'un vote ne permettrait pas de déterminer ce que souhaitent vraiment les employés. Ces mesures s'inscrivent dans le cadre des pouvoirs réparateurs dont dispose le conseil, lesquels lui permettent de compenser les effets de pratiques de travail injustes. Le conseil a des pouvoirs réparateurs très vastes, et les divers moyens qu'il peut utiliser peuvent aller de réunions obligeant les employés à rencontrer le syndicat jusqu'à l'envoi de lettres à domicile chez les employés pour expliquer que l'employeur a enfreint le code et s'en excuse... Il y a toute une foule de recours.

En Ontario, on a opté pour le compromis. Il a été décidé que le conseil serait obligé d'examiner la situation pour s'assurer que malgré tous les pouvoirs réparateurs qu'il a entre les mains—et qui incluent la tenue d'un vote si tous les autres pouvoirs ont échoué—il ne parvient toujours pas à établir ce que désirent vraiment les employés. Nous suggérons ici que cette démarche se retrouve également dans le Code canadien du travail. D'après le libellé actuel, le Conseil canadien des relations industrielles ne pourrait même pas, en vue de remédier à la situation, proposer un vote supplémentaire aux employés, si les autres démarches avaient échoué, afin de les aider à cerner leurs véritables besoins.

M. Pat Martin: Merci.

Le président: Merci, monsieur Martin.

Monsieur Wilfert.

M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Merci, monsieur le président.

Merci de votre témoignage. Le groupe de travail Sims signalait que, en ce qui concerne les travailleurs de remplacement, la partie patronale comme la partie syndicale s'accordaient pour dire qu'il ne faudrait pas tenter de faire sortir les syndicats des lieux de travail. Dans votre mémoire, au sujet du paragraphe 94(2.1), vous dites ne pas souhaiter de disposition qui limiterait d'une quelconque façon le recours aux travailleurs de remplacement lors d'arrêts de travail légaux.

S'il y a une négociation mais qu'aucune entente n'intervient et que les travailleurs choisissent d'exercer leur droit démocratique de faire la grève, j'ai du mal à comprendre pourquoi vous encourageriez le recours à des travailleurs de remplacement alors que la démarche a été suivie en bonne et due forme même si elle a échoué, au bout du compte, peu importe la raison. Après tout, l'objectif est bien de convaincre les gens de retourner à la table de négociation, n'est-ce pas? Or, le recours à des travailleurs de remplacement aurait pour effet, à mon avis, d'alimenter le conflit et rendrait toute entente encore moins probable.

J'ai été particulièrement surpris lorsque vous avez parlé d'«arrêts de travail légaux». Nous ne parlons pas ici de gens qui auraient déclenché une grève sauvage et dresseraient un piquet de grève au lieu de travail. Nous parlons ici de gens qui ont suivi une démarche de négociation qui, malheureusement, a échoué.

Puis-je avoir vos commentaires?

Mme Sharon Glover: John voudra peut-être ajouter quelque chose, mais nous croyons essentiellement que les syndicats ont le droit de faire la grève, mais que les employeurs ont aussi le droit de faire fonctionner leur entreprise. Nous croyons que rien ne cloche dans le Code canadien du travail, tel qu'il s'applique actuellement, et nous ne croyons pas qu'il soit nécessaire de le modifier pour permettre une interdiction partielle du recours à des travailleurs de remplacement. Le code fonctionne bien tel qu'il est actuellement libellé. Lors de comparutions antérieures, nous avons fourni des statistiques indiquant que là où on avait empêché le recours aux travailleurs de remplacement, les grèves avaient été plus longues, et plus fréquentes.

• 1755

Les statistiques, et particulièrement celles du Québec où cette disposition s'applique déjà depuis plusieurs années, montrent que cela a un effet négatif au lieu de travail et que cela a pour effet de déséquilibrer la balance du pouvoir qui penche actuellement plus du côté des travailleurs.

M. Bryon Wilfert: C'est intéressant, car l'Association canadienne des avocats en droit du travail, qui vient tout juste de comparaître, était d'un avis diamétralement opposé: les avocats ont en effet affirmé que, lorsqu'on interdit le recours aux travailleurs de remplacement, les grèves sont plus courtes, même s'ils ne nous ont pas présenté de chiffres pour étayer leur affirmation.

M. John Lewis: Puis-je répondre? D'abord, dans le cas des grèves, il faut tenir compte de toute une gamme de facteurs, comme du nombre de grèves, de leur fréquence, de leur durée, etc. On peut donc faire dire aux statistiques ce que l'on veut.

L'exemple le plus récent en Ontario remonte à l'époque du gouvernement néo-démocrate, au moment où une disposition très limitative s'appliquait aux travailleurs de remplacement auxquels on avait recours pendant une grève. Cette disposition a été supprimée par l'adoption du projet de loi 7. D'après les derniers chiffres que j'ai vus là-dessus, ou bien la durée et la fréquence des grèves ont baissé en Ontario, ou bien il n'y a eu aucun changement.

Par conséquent, ce que vous a raconté le dernier groupe de témoins n'est certainement pas étayé par les chiffres de grève en Ontario. D'ailleurs, si vous excluez l'importante grève du secteur public qui a eu lieu récemment, de même que la grève des travailleurs unis de l'automobile, il y a moins de grèves qu'avant, en termes de fréquence et de durée.

Le président: Merci. Monsieur Wilfert...

M. Bryon Wilfert: Étant donné que nous semblons entendre deux points de vue très différents, je me demande si nos recherchistes ne pourraient pas nous fournir certaines statistiques, statistiques qui s'appliqueraient particulièrement aux deux dernières années en Ontario, ce qui nous permettrait d'évaluer la situation. Ces deux groupes de témoins fort respectés ont apporté de l'information qui exigerait des précisions supplémentaires, si c'était possible.

Le président: Je crois que M. Nault nous a signalé que nous demanderions de l'information là-dessus. D'ailleurs, notre attachée de recherche qui est des plus compétentes, ira à la pêche aux renseignements dès demain, au retour de sa conférence.

M. Bryon Wilfert: Merci, monsieur le président.

M. Robert Nault: Dans la foulée de ce qui vient d'être dit, je signale que la situation ne s'est posée en Ontario que tout récemment. Il faudrait plutôt se demander ce qui s'est passé au Québec et en Colombie-Britannique, là où les dispositions s'appliquent depuis beaucoup plus longtemps. Cela permettrait de mieux comprendre la façon dont fonctionne la loi, car elle ne s'applique que depuis peu en Ontario. Je suggérerais que nous étudiions le cas de ces trois provinces.

Le président: Nous essaierons de vous donner ces renseignements, monsieur Wilfert. Merci, monsieur Nault.

Madame Brown, vous voulez poser une petite question?

Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.): En effet.

Dois-je comprendre que vous êtes les porte-parole nationaux de votre association et que vous êtes autorisés par les différentes sections à parler en leur nom pour toutes les questions de compétence fédérale?

Mme Sharon Glover: Puis-je vous expliquer rapidement notre structure? Il y a 500 chambres de commerce locales. Généralement, une chambre de commerce locale exerce des pressions et s'intéresse aux problèmes locaux. Les chambres provinciales discutent des questions d'ordre provincial. Nous, nous discutons des questions nationales. Rien n'empêche une chambre locale ou provinciale de s'adresser directement au gouvernement fédéral. Bien que nous soyons les principaux intéressés lorsqu'il s'agit de mesures législatives fédérales, quelles qu'elles soient, les chambres locales ont toujours la possibilité de s'adresser au gouvernement fédéral si elles le souhaitent.

Mme Bonnie Brown: Mais puisque vos chambres se soucient tant de toutes les différentes sections, y compris la vôtre, et puisque vous vous inquiétez à ce point du gaspillage de l'argent du gouvernement, est-ce que cela ne vous ennuie pas autant que moi de nous répéter aujourd'hui exactement les mêmes arguments et les mêmes conclusions que nous avons entendus des représentants de Calgary et d'Edmonton hier? Également, ce sont les impôts de vos membres qui ont payé leur voyage ici, alors que vous êtes déjà à Ottawa, je suppose.

Mme Sharon Glover: En fait, mon bureau est à Toronto.

Mais il s'agit d'un débat public et toute personne qui souhaite prendre la parole devrait pouvoir être autorisée à le faire. Ce n'est certes pas à moi de décider qui devrait s'adresser à votre comité. Cette décision vous appartient.

Mme Bonnie Brown: Si toutes les sections affiliées décidaient de venir ici, vous ne vous y opposeriez pas?

Mme Sharon Glover: Si vous étiez prêts à les entendre, alors, je serais d'accord.

Mme Bonnie Brown: Merci.

Le président: Merci, madame Brown. Il y a de bons impôts et de mauvais impôts.

• 1800

Mme Bonnie Brown: Très intéressant.

Le président: Monsieur Johnston.

M. Dale Johnston: Merci, monsieur le président.

Je vous remercie de votre témoignage. Au paragraphe (c) de la page 9 de votre mémoire, vous dites que la disposition sur les céréales se trouve dans ce projet de loi, même s'il n'en a pas été question dans le rapport du groupe de travail Sims, qui semble avoir servi de modèle au projet de loi.

Je ne sais si vous êtes au courant, mais dans une enquête réalisée auprès des ports de la côte Ouest, on a recommandé que soit mis sur pied un mécanisme de règlement des différends. Pourriez-vous me dire si vous appuyez ou non la mise en place d'un tel mécanisme dans le domaine du transport et dans les ports de la côte Ouest, au lieu de ce qui est proposé.

Mme Sharon Glover: Monsieur Johnston, je suis désolée, je ne suis pas au courant de cela.

John, étiez-vous au courant?

M. John Lewis: Je ne suis pas au courant, et selon le genre de mécanisme de règlement des différends, ce qui nous préoccupe le plus, c'est que tous les employés fédéraux qui travaillent dans le réseau des ports soient traités de façon équitable. La possibilité de mettre en place un mécanisme de règlement des différends qui puisse aider toutes les parties aux prises avec des problèmes dans les ports pourrait bien être une solution intéressante.

Le président: Monsieur Anders.

M. Rob Anders: J'aimerais aborder une question qui est mentionnée dans votre mémoire, à la page 5—et je sais que c'est le cas, car on dit que 700 000 travailleurs sont touchés par le Code canadien du travail—à bien des égards, bon nombre de ces choses sont des services publics essentiels, car bien peu d'entreprises travaillent dans certains de ces domaines et de ces régions. Pourriez-vous nous parler de certaines des entreprises que vous représentez, d'entreprises à caractère national qui pourraient être obligées de fermer leurs portes si elles ne pouvaient avoir recours à des travailleurs de remplacement.

J'aimerais brosser pour le comité un tableau des entreprises, des activités et des services au public qui pourraient être menacés d'élimination s'il était interdit d'embaucher des travailleurs de remplacement.

Mme Sharon Glover: Je vais vous parler de certains de nos membres par type de secteur. Par exemple, il y a les entreprises du secteur des télécommunications, qui offrent des services d'interurbain; je suppose que si de telles entreprises, surtout celles qui offrent des services d'interurbain, devaient fermer leurs portes... On m'a dit que cela poserait un problème grave car il ne nous serait peut-être pas possible de faire et de recevoir des appels interurbains.

Nous avons également parmi nos membres des entreprises du secteur du transport: camionnage, transport ferroviaire et transport aérien. Ne pas pouvoir prendre l'avion de Toronto à Ottawa, cela dérangerait probablement pas mal de gens, mais il serait toujours possible de se déplacer en automobile. Mais dans les localités du Nord, bien des gens doivent compter sur le transport aérien pour obtenir de la nourriture et des médicaments; pour eux, une grève du transport aérien serait plus qu'un inconvénient. Les camionneurs livrent toutes sortes de marchandises pour l'exportation et l'arrêt de ce service est pénible pour bien des entreprises. Je pourrais donner bien d'autres exemples.

Nous comptons parmi nos membres un certain nombre d'entreprises de secteurs divers qui fournissent des produits et des services. Si certains éléments de l'infrastructure venaient à manquer... Bon nombre de nos entreprises appliquent un système de livraison du juste-à-temps. Si un fabricant d'automobiles ne peut obtenir ses matériaux parce qu'une ligne de chemin de fer est fermée, quels sont les effets pour les travailleurs, pour la production des automobiles et pour l'exportation? Tout cela a des conséquences très graves pour bon nombre d'entreprises et d'employés de partout au pays.

M. Rob Anders: D'accord. Permettez-moi d'aborder également un sujet dont nous a parlé hier Buzz Hargrove, qui représente les Travailleurs canadiens de l'automobile. Pour reprendre ce qu'il a dit, il est parfois possible d'amener 70 p. 100 des employés d'une entreprise à prendre une carte syndicale, mais si par la suite on tient un vote auprès de ces employés au sujet de la représentation, le vote peut être négatif.

Par conséquent, si Buzz Hargrove est prêt à admettre que même si 70 p. 100 des gens souscrivent à une carte sur place sans que pour autant le syndicat puisse obtenir le vote de représentation, pourriez-vous nous dire ce que vous pensez des nouvelles dispositions du projet de loi C-19 qui accorderaient une accréditation automatique? Quels effets pourrait avoir cet énorme changement?

Mme Sharon Glover: John, pourriez-vous répondre à cette question?

M. John Lewis: Là encore, c'est pour cela que nous disons qu'il faudrait demander expressément au Conseil canadien des relations industrielles d'examiner la totalité de ses pouvoirs en matière de mesures de redressement, dont le fait qu'il peut ordonner la tenue d'un vote de représentation pour aider à déterminer ce que veulent vraiment les employés. Il y a un cas—on a mentionné l'affaire Wal-Mart—où 70 p. 100 des employés ont voté contre le syndicat, mais 44 p. 100 d'entre eux avaient souscrit au syndicat avant d'aller voter.

• 1805

Même si en signant ces cartes les gens avaient manifesté leur appui au syndicat, ils y ont manifestement réfléchi à deux fois. Il faut que l'on ait en place des mécanismes qui permettent de constater que les gens ont changé d'idée. Pour ce qui est de l'accréditation automatique, nous pensons que le meilleur moyen c'est qu'il soit possible de tenir un vote lorsque c'est nécessaire.

Le président: Merci, monsieur Lewis, monsieur Anders.

Monsieur Rocheleau.

[Français]

M. Yves Rocheleau: On lit aux pages 3 et 4 de votre document que vous vous réjouissez du fait que le gouvernement ait ajouté les mots «plutôt que pour atteindre des objectifs légitimes de négociation» dans le libellé de la nouvelle version du projet de loi C-66, soit le projet de loi C-19, au sujet des travailleurs suppléants.

Faut-il comprendre que vous vous réjouissez parce que vous avez fait des démarches en ce sens-là auprès du gouvernement? Quels arguments avez-vous invoqués auprès du gouvernement pour faire passer cet ajout-là, en plus du mot «établi» sans doute?

[Traduction]

Mme Sharon Glover: Nous parlons de cette disposition depuis un certain nombre d'années. De toute évidence—ou peut-être n'avons-nous pas rendu la chose suffisamment évidente—nous préférerions que cet article soit éliminé, que toute limite sur le recours aux travailleurs de remplacement soit abolie. Comme mesures de rechange, nous avons fourni le libellé d'une autre disposition. Bon nombre d'autres associations d'affaires en ont fait autant, dans des termes semblables.

Quatre-vingt pour cent de ce qu'avait proposé un de nos collègues d'une autre association d'affaires se trouve déjà dans la loi. C'est donc une énorme amélioration, car cela tient davantage compte de l'objectif que s'était fixé le groupe de travail Sims. En fait, dans le projet de loi C-66, on n'avait intégré que la moitié de ce que l'on trouve dans le rapport Sims. La présente disposition rétablit un certain équilibre. Ce n'est pas parfait, mais c'est une amélioration. Nous reconnaissons que des mesures ont été prises pour essayer de rééquilibrer certaines de nos préoccupations quant à l'interdiction partielle imposée au sujet du recours aux travailleurs de remplacement.

Le président: Merci, monsieur Rocheleau.

Je suis désolé de devoir... mais il faut garder la férule à la main pour faire respecter aux députés le temps qui leur est accordé. Merci de votre témoignage.

Mme Sharon Glover: Merci, monsieur le président.

Le président: Nous entendrons maintenant M. Bruce Phillips, commissaire à la protection de la vie privée. Il est venu nous faire part du contenu du dossier de M. Anders.

Bienvenue, monsieur Phillips. C'est toujours un plaisir de vous accueillir. Je sais que vous avez déjà fait l'objet de certaines discussions dans le contexte de ce projet de loi. Je vous laisse la parole.

M. Bruce Phillips (commissaire à la protection de la vie privée du Canada): Merci. Je vais essayer de respecter votre souhait de terminer rapidement pour manger.

Le président: Non, en fait, vous entendrez une sonnerie. Nous devrons aller voter et c'est pour cela que nous avons aussi peu de temps.

M. Bruce Phillips: Tout le monde sait pourquoi je suis ici, et à titre d'introduction, laissez-moi vous rappeler que je ne représente qu'un seul intérêt ici, c'est-à-dire le droit à la vie privée des Canadiens, selon la définition qu'on en trouve dans la Loi sur la protection des renseignements personnels. À titre de commissaire à la protection de la vie privée, je ne suis ni pour les syndicats, ni pour les employeurs. Peu m'importe, du point de vue professionnel, que cette question facilite les communications entre ces deux groupes ou les rende plus difficiles. Tout ce qui m'intéresse, c'est dans quelle mesure les communications qui ont lieu respectent les droits des particuliers tels que définis dans la loi.

Deuxièmement, je vous signale que sous le régime de l'article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, les noms et les adresses des personnes sont considérés comme des renseignements personnels et sont par conséquent protégés sous le régime de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Le Conseil canadien des relations du travail—qui s'appellera bientôt Conseil canadien des relations industrielles—est inscrit à l'annexe de la Loi sur la protection des renseignements personnels et, par conséquent, ses activités doivent être conformes aux lignes directrices énoncées dans la Loi sur la protection des renseignements personnels.

• 1810

La dernière fois que j'ai comparu, c'était au sujet de l'article 50, c'est-à-dire de la disposition par laquelle le conseil peut ordonner aux syndicats de fournir des renseignements, notamment des noms et des adresses. Nous nous étions alors opposés à cette mesure et je dois féliciter le ministère de nous avoir écoutés et d'avoir au moins apporté certaines modifications à ces articles. Toutefois, le motif fondamental de notre opposition existe toujours.

Sous le régime de la Loi sur la protection des renseignements personnels, le droit d'une personne de refuser que soient divulgués des renseignements personnels ne peut être abrogé que pour des impératifs supérieurs d'intérêt public. La loi que je suis chargé d'appliquer énonce dans quels cas particuliers cela peut se faire. Je n'ai toujours pas entendu ici d'argument qui puisse être considéré comme un impératif supérieur d'intérêt public. Si de tels arguments existent, j'aimerais bien les entendre.

Par conséquent, pour abroger ce droit, il faut que la mesure législative elle-même viole la protection des renseignements personnels qui fait l'objet de la loi, et c'est ce qui est ici proposé. Ce qu'on propose, c'est de priver ces personnes de leur droit de refuser la divulgation de ces renseignements.

Cela signifie que le comité doit déterminer s'il s'agit d'un impératif supérieur d'intérêt public.

J'ai entendu les arguments qu'a fait valoir le témoin précédent, qui représentait l'Association des avocats du mouvement syndical. Il a fait valoir qu'on empiète souvent sur la vie privée des gens, comme c'est le cas, par exemple, dans la Loi de l'impôt sur le revenu. Et il a raison. Dans sa sagesse, le Parlement a décidé que dans certains cas, il est impossible de percevoir l'impôt sur le revenu et de gérer les affaires du gouvernement si personne ne fournit ces renseignements. Personne ne conteste cela. À mon avis, ces cas appartiennent à une catégorie différente.

Le témoin a également insisté sur le droit d'association. Nous reconnaissons tous que le droit d'association est un droit très important—mais ce droit dépend également du libre choix des personnes qui souhaitent s'associer.

Je peux seulement vous répéter ce que j'ai dit la dernière fois, que cela irait beaucoup mieux si on donnait aux travailleurs concernés le droit de consentement. Il me semble, et c'est un argument que je vous soumets, qu'on a beaucoup parlé de cette question pendant tous ces mois, mais je n'ai jamais encore entendu personne dire que les gens les plus directement concernés ont été consultés. Il me semble qu'avant de prendre une décision finale sur cette disposition, les députés auraient peut-être intérêt à faire ce genre de chose.

Je ne crois pas avoir autre chose à ajouter pour l'instant, sinon qu'on améliorerait beaucoup ces dispositions en ajoutant une clause exigeant que le conseil, avant d'émettre une telle ordonnance, obtienne le consentement de toute personne dont il souhaite communiquer le nom au syndicat.

Enfin, en ce qui concerne l'article modifié, si j'ai bien compris il signifie qu'on protégera la vie privée après que cette protection aura déjà disparu. Cette information sera communiquée à un syndicat aux termes d'une ordonnance et dans des circonstances où le syndicat semblerait offrir une certaine garantie, une garantie qui n'est pas définie, de confidentialité.

Toutefois, monsieur le président, membres du comité, la véritable question ici est de savoir si une personne consent à ce genre de communication faite en son nom, et sans son consentement. À l'heure actuelle, ce n'est pas prévu, mais ce serait très facile à rectifier; il suffirait d'ajouter un article exigeant le consentement. C'est tout ce que j'ai à dire à ce sujet.

Il y a un autre aspect de ce projet de loi qui porte sur les notes des membres du conseil, et qui fait actuellement l'objet d'un appel devant la Cour fédérale. Là encore le ministère essaie de contourner la cour qui est saisie de cette affaire en adoptant une clause dans ce projet de loi qui soustrait les notes prises par les membres du conseil aux dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Comme je l'ai dit la dernière fois, le ministère devrait attendre la décision de la Cour fédérale sur cette question et ne pas essayer de contourner tout ce processus.

Me suis-je exprimé clairement? Si vous voulez plus de détails à ce sujet, notre conseillère, Mme Harris, se fera un plaisir de vous répondre. Nous sommes à votre disposition.

Le président: Monsieur Martin, c'est vous qui allez commencer les questions.

M. Pat Martin: Ce que j'aimerais savoir, c'est en quoi c'est différent d'une séance d'organisation syndicale, qui est en réalité un processus électoral? Vous demandez aux gens de voter pour décider s'ils veulent être représentés par un syndicat, mais avant cela, vous essayez de leur fournir des informations. En quoi cela est-il différent d'une liste d'électeurs qui est à la disposition de tous les candidats lorsqu'il y a des élections? En quoi est-ce différent d'une séance d'organisation syndicale lorsque le syndicat veut savoir où les électeurs vivent?

• 1815

M. Bruce Phillips: Je vais essayer de répondre à votre question d'un angle un peu différent, monsieur Martin. Vous parlez d'élections, et la Loi électorale du Canada autorise les gens à refuser de se laisser inscrire sur la liste des électeurs. Le gouvernement du Canada, lorsqu'il y a des élections fédérales, doit obtenir le consentement des gens avant d'inscrire leurs noms sur la liste.

Pour que le processus électoral fédéral fonctionne bien, l'intérêt public exige que la liste des électeurs soit la plus exhaustive et la plus complète possible. Et pourtant, dans ces circonstances, le directeur général des élections n'a pas jugé nécessaire de priver les gens de leur droit de consentement.

Par conséquent, si vous voulez dire qu'un syndicat ou que n'importe qui d'autre—peu m'importe qu'il s'agisse d'un syndicat ou d'autre chose—devrait passer outre à un droit qui est respecté lors de la plus haute expression des droits démocratiques de la population, je ne suis pas convaincu.

M. Pat Martin: Une courte question complémentaire?

Le président: Je vous en prie.

M. Pat Martin: Je crois comprendre que dans certaines situations, le conseil pourrait s'occuper de communiquer l'information au nom du syndicat. Dans ce cas, la personne contactée pourrait communiquer directement avec le syndicat si elle le juge bon, et si elle souhaite un complément d'information. Ne pensez-vous pas que c'est une protection suffisante si quelqu'un ne veut pas que le syndicat prenne l'initiative du premier contact? Le premier contact, cela pourrait être une lettre envoyée par le conseil.

M. Bruce Phillips: Monsieur Martin, quand on lit cet article, on peut probablement conclure que les choses pourraient se passer ainsi, effectivement. Mais si vous considérez l'énoncé:

    [...] le Conseil peut, par ordonnance, exiger de l'employeur qu'il lui remette ou qu'il remette à un représentant autorisé du syndicat nommément désigné les noms et adresses des employés...

L'effet même de cet article, c'est que le conseil communique au syndicat les noms et les adresses sans le consentement des intéressés. Je reconnais que cela pourrait être fait autrement, mais avec cet énoncé, rien ne prouve qu'on demandera le consentement des gens, absolument rien. C'est la raison de mon objection.

M. Pat Martin: Merci.

Le président: Monsieur Nault.

M. Robert Nault: Monsieur Phillips, je comprends quel rôle vous jouez dans la protection des renseignements personnels, et je comprends également qu'à votre avis le gouvernement du Canada et le Parlement ont le droit, lorsqu'il y va de l'intérêt public, de passer outre. Or, c'est précisément ce que le gouvernement du Canada essaie de faire avec ce projet de loi. C'est exactement ce que le Parlement fait actuellement avec ce projet de loi. Et cela a été fait à de nombreuses occasions—nous le savons—chaque fois qu'il y allait de l'intérêt public.

Si cela devient un phénomène de l'économie mondiale, lorsqu'il y a de plus en plus de gens qui travaillent chez eux, j'ai du mal à comprendre votre préoccupation en ce qui concerne les renseignements personnels car dans notre société, les gens n'ignorent pas grand-chose de nos affaires à vous et à moi.

Je ne sais pas comment l'organisation des Grands frères et des Grandes soeurs a trouvé mon nom pour me demander une contribution, mais comme plusieurs autres organismes de charité, ils me contactent régulièrement. Je ne leur donne rien, mais ils continuent à me téléphoner. Je pourrais vous citer une longue liste d'organismes qui semblent avoir mon nom dans leur ordinateur. Par conséquent, j'ai du mal à comprendre pourquoi vous voulez empêcher les gens de savoir qu'un syndicat souhaiterait les représenter dans le cadre du système de négociation collective et de relations du travail qui existe au Canada.

Ce qui m'ennuie avec votre argument, c'est que vous semblez penser que le Conseil canadien des relations du travail est le seul mécanisme qui pourrait informer ces syndiqués en puissance qu'il y a un syndicat qui souhaiterait les inscrire dans son unité de négociation.

Ne pensez-vous pas que cela coûterait très cher au gouvernement du Canada et au Conseil canadien des relations du travail de prévenir tous ces syndiqués en puissance, des gens qui, dans la nouvelle économie mondiale, pourraient un jour représenter 30 ou 40 p. 100 de la main-d'oeuvre? Évidemment, cela pourrait devenir très coûteux et très complexe.

• 1820

Quelle est votre opinion sur ces deux questions? D'une part, le fait que le Parlement vous annonce à vous, commissaire à la protection de la vie privée, qu'il a l'intention d'ignorer dans une certaine mesure la protection des renseignements personnels. D'autre part, évidemment, il y a la question du coût.

M. Bruce Phillips: Je vais répondre très rapidement.

La question... évidemment, c'est ce qui figure dans le projet de loi. Effectivement, cela contourne la Loi sur la protection des renseignements personnels. Si le Parlement approuve cette disposition, cela revient à dire qu'à son avis c'est justifié. Cela me semble clair.

Vous abordez un grand nombre de questions et, entre autres, le fait que vous êtes la victime d'un grand nombre de tentatives commerciales non sollicitées, et bien sûr, ce n'est pas vraiment de mon ressort. Cela dit, la plupart des gens déclarent ce genre de chose, tout comme moi, car cela signifie qu'il y a des compagnies qui établissent nos profils, à vous et à moi, pour essayer de nous soutirer de l'argent, et cela, sans jamais me demander ou vous demander si nous sommes d'accord. Sur ce plan-là, ce n'est pas tellement différent.

Je reconnais qu'une personne qui travaille pour une entreprise ou à son propre compte aimerait probablement être prévenue qu'un syndicat souhaite la représenter. Mais peut-être que ce n'est pas le cas. Ce qui est en cause ici, c'est qu'il faut obtenir le consentement d'une personne avant de communiquer des informations personnelles à son sujet. Il faut avoir une raison particulièrement bonne pour priver les gens de ce droit.

M. Robert Nault: Une dernière observation, qui est très importante. Il y a plusieurs années, je travaillais pour les chemins de fer, et je n'avais pas le choix, j'étais forcé d'adhérer au syndicat. À l'époque, on m'avait dit qu'aux termes de la loi, je n'avais pas à donner mon consentement car il s'agissait d'une unité de négociation. J'étais automatiquement membre du syndicat. Quelle est la différence entre cela et un atelier fermé et toute cette question de la décision d'adhérer?

Le président: Monsieur Phillips, avant que vous ne répondiez à cette question, je suis un peu inquiet... La cloche que vous entendez va durer 15 minutes. Je vais donc surveiller ma montre, mais j'ai une suggestion à faire. Plusieurs personnes ont des questions à poser et M. Nault vient d'en poser une. Je vais laisser tout le monde poser très vite sa question, la poser en quelques mots, après quoi, monsieur Phillips, je vous demanderais de répondre en bloc. Cela donnera une chance à tout le monde.

Monsieur Johnston.

M. Dale Johnston: J'aimerais remercier M. Phillips pour son exposé particulièrement concis et éloquent, un exposé, soit dit en passant, avec lequel je suis tout à fait d'accord. J'aimerais lui demander si, à son avis, cela fera l'objet d'une contestation devant les tribunaux et, dans ce cas, est-ce que l'affaire risque d'être gagnée?

Le président: Monsieur Anders.

M. Rob Anders: C'était ma principale question.

Le président: Monsieur Rocheleau.

M. Yves Rocheleau: C'est parfait.

Le président: Monsieur Dubé.

M. Jean Dubé: Monsieur Phillips, vous aviez des inquiétudes au sujet du projet de loi C-66. Nous avons lu vos observations et, à l'époque, vous avez également communiqué avec le ministre. Aujourd'hui, nous entendons que vous avez des préoccupations au sujet du projet de loi C-19. Avez-vous fait part de ces préoccupations au ministre?

M. Bruce Phillips: Certainement, nous avons transmis nos préoccupations au ministre, à la fois par l'entremise de ce comité, et également, je crois, par lettre. Cela dit, ma mémoire n'est pas très sûre à ce sujet et on me reprendra si je me trompe, monsieur Dubé.

Le président: Votre mémoire est bonne, monsieur Phillips.

M. Bruce Phillips: Au sujet d'une contestation devant les tribunaux, je suis désolé, monsieur Johnston, mais je n'ai pas de boule de cristal. Si ce projet de loi est adopté sous sa forme actuelle, tout tournera autour de la question de savoir si le ministère avait le pouvoir de proposer de telles mesures. Je ne suis pas avocat, mais il me semble que la réponse serait assez simple et qu'il n'existe pas de véritable motif de contestation. Cela dit, c'est une réponse que je vous fais à brûle-pourpoint.

Le président: Monsieur Phillips, pouvez-vous répondre à la question de M. Nault au sujet de l'adhésion automatique...

M. Bruce Phillips: Oui, certainement, monsieur Alcock. Il me semble que la réponse est évidente.

La pratique à laquelle vous faites allusion a été jugée injustifiée par le Parlement et d'autres autorités, et cela n'existe plus aujourd'hui. Toutefois, certaines caractéristiques ont été conservées, par exemple la formule Rand, selon laquelle un employé qui profite d'une négociation collective mais qui ne souhaite pas appartenir au syndicat est tout de même forcé de verser une cotisation. Toutefois, il n'est pas obligé d'appartenir au syndicat. En modifiant ces dispositions, on a reconnu qu'un certain élément de consentement était nécessaire. Bref, vous n'aimiez pas beaucoup ce système à l'époque, mais vous auriez probablement moins d'objection aujourd'hui si vous deviez répéter cette expérience.

Le président: Monsieur Phillips, vous êtes—j'allais dire «un vieux de la vieille» mais ce n'est probablement pas le terme exact—vous avez une grande expérience de ces séances de comité. J'apprécie beaucoup votre présence, et je vous demande d'excuser la sonnerie. Cela dit, le message est bien passé.

• 1825

M. Bruce Phillips: C'est la vie. Merci monsieur Alcock, et merci aux membres du comité.

Le président: La séance est levée.