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HRPD Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON HUMAN RESOURCES DEVELOPMENT AND THE STATUS OF PERSONS WITH DISABILITIES

COMITÉ PERMANENT DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES ET DE LA CONDITION DES PERSONNES HANDICAPÉES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 28 mai 1998

• 1120

[Traduction]

Le président (M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.)): Avant que nous ne commencions, j'aimerais faire quelques brèves remarques. Je me suis engagé à faire cette déclaration, et j'aimerais que la greffière en prenne bonne note, car je veux que le Parti réformiste sache que j'ai tenu ma parole.

Comme Steve et John le savent—ce que le reste d'entre vous ne savent pas nécessairement—la demande a été faite il y a quelque temps... Steve, John et moi nous sommes réunis il y a plusieurs mois pour discuter de la comparution possible du conseil devant le comité, étant donné l'importance de ses travaux dans le domaine de la politique publique. Lorsque nous avons choisi cette date pour la tenue de la réunion, nous ne savions pas quelle serait la date du congrès du Parti réformiste. La semaine dernière, lorsque nous l'avons apprise, nous avons tenté de reporter la réunion à mardi prochain. Le président du conseil m'a alors fait remarquer en termes non équivoques que Steve et lui-même n'étaient pas les seuls que ce changement incommoderait, étant donné que vous deviez tous être ici.

Le sujet intéresse tous les membres du comité. Le fait que les membres du Parti réformiste ne soient pas ici ne signifie nullement qu'ils ne s'y intéressent pas. C'est plutôt le contraire. Leurs représentants auraient voulu être ici. Ils ont demandé qu'après la réunion John et Steve les rencontrent pour leur donner des explications sur les documents qu'ils transmettront au comité. Je tenais donc à expliquer pourquoi les membres du Parti réformiste ne sont pas ici.

Les Réformistes tiennent leur congrès national, et il y a une entente entre les partis voulant que rien ne soit fait qui puisse perturber le congrès d'un parti. Je tenais donc à le signaler.

Permettez-moi maintenant de vous souhaiter la bienvenue à tous. Je connais bon nombre d'entre vous. Je sais que d'autres membres du comité connaissent aussi un certain nombre d'entre vous, et je suis de près le travail du comité depuis au moins 1975. Je soupçonne, John, que vous avez une déclaration préliminaire à faire. Nous avons reçu des exemplaires de vos plus récents rapports, et je m'attends à ce qu'on vous pose quelques questions sur ceux-ci. Hardy peut répondre à quelques questions, et vous devrez répondre à celles qui sont les plus simples.

Des voix: Oh, oh!

M. John Murphy (président, Conseil national du bien-être): Je vous remercie beaucoup, Reg.

Je vous signale que j'ai parlé avec Mme Diane Ablonczy hier, ou avant-hier, et que nous avons déjà convenu d'un moment où nous rencontrerions l'ensemble du caucus réformiste ou les trois députés qui ne sont pas ici actuellement. Nous les mettrons donc au fait de ce qui s'est passé.

Nous sommes très heureux de comparaître devant le comité. Si je comprends bien, nous allons discuter librement des questions qui nous intéressent et qui vous intéressent aussi.

Si vous me le permettez, Reg, je vais d'abord faire une déclaration préliminaire.

Vous savez peut-être que je m'appelle John Murphy et que je viens de la métropole de Canning, en Nouvelle-Écosse, qui compte 500 personnes. Je suis président du conseil. Bon nombre d'entre vous me connaissent déjà. J'ai été député en 1993, pendant la 35e législature.

Le président: Je me souviens aussi que vous étiez un très bon député.

M. John Murphy: Je vous remercie.

J'aimerais dire quelques mots au sujet du conseil, de notre rapport et du profil du bien-être, après quoi Armand, notre vice- président, fera quelques remarques.

Avec votre permission, Reg, je demanderai aux membres du conseil de se présenter eux-mêmes.

Le président: Ce serait très intéressant, et je leur demanderai en particulier de nous dire de quelle partie du pays ils viennent.

M. John Murphy: Oui. Ils pourraient nous dire d'où ils viennent et quels sont leurs antécédents. Le conseil se compose de membres talentueux, dynamiques et expérimentés.

Commençons par Bruce.

M. Bruce Hardy (Conseil national du bien-être): Je m'appelle Bruce Hardy. Je viens de Vancouver, Colombie-Britannique. Il s'agit de mon deuxième mandat au sein du conseil. Dans ma province, je travaille dans le domaine de l'aide à l'enfance, et j'interviens notamment auprès des jeunes familles qui traversent une crise, des adolescentes enceintes et des adolescents qui élèvent des enfants. Je travaille pour un organisme à but non lucratif qui offre des services directement aux familles, et je donne aussi des cours portant sur le sujet dans divers collèges communautaires et universités.

• 1125

[Français]

Mme Doris Bernard (Conseil national du bien-être social): Je m'appelle Doris Bernard. Je viens de l'ouest de la province de Québec.

C'est aujourd'hui ma première rencontre avec le Conseil national du bien-être social. Mes 20 dernières années de bénévolat ont été consacrées surtout à la condition féminine, de même que mon travail rémunéré. Merci.

[Traduction]

Mme Lorraine Tardiff (Conseil national du bien-être): Je m'appelle Lorraine Tardiff. Je viens de Fort Smith, dans les Territoires du Nord-Ouest. Je suis métisse. Je fais du travail social auprès de divers groupes. Nous offrons des services aux familles et aux enfants, aux aînés et aux personnes handicapées ainsi qu'à des particuliers et à des groupes.

Le président: Pour la gouverne des membres du comité, la personne suivante vient de Winnipeg. Nous essayons depuis des années de faire en sorte que son travail n'ait plus sa raison d'être, mais nous n'y sommes malheureusement pas encore parvenus.

David.

M. David S. Northcott (Conseil national du bien-être): Je m'appelle David Northcott et je viens de Winnipeg. Je travaillais autrefois pour une société de fiducie au sein de laquelle j'étais directeur de l'épargne et des prêts. Je travaille depuis 14 ans pour une banque alimentaire. Je suis un membre fondateur de l'Association canadienne des banques alimentaires. Je travaille d'arrache-pied à Winnipeg à faire en sorte que les banques alimentaires puissent fermer leurs portes.

Mme Joanne Roulston (conseillère principale en matière de politique et agente principale de recherche, Conseil national du bien-être): Je m'appelle Joanne Rouslton. Je suis agente de recherche au conseil.

[Français]

M. Armand Brun (vice-président, Conseil national du bien-être social): Je m'appelle Armand Brun. Je suis de Shediac au Nouveau-Brunswick, la capitale mondiale du homard, comme vous le savez. Je suis vice-président de la Fondation de l'Hôpital Georges-L.-Dumont, à Moncton, et président de la coopérative de Shediac. Dans la vie, j'ai fait ma marque comme enseignant et directeur d'école. J'ai fini, après 37 ans, comme directeur de la Polyvalente Louis-J.-Robichaud, à Shediac. Je suis au Conseil du bien-être social depuis deux ans et j'agis maintenant à titre de vice-président.

[Traduction]

M. John Murphy: Je m'appelle John Murphy et je suis travailleur social dans le domaine des soins psychiatriques de formation. J'ai dirigé pendant une trentaine d'années un centre de santé mentale et j'ai enseigné aussi pendant cette période à l'Université Acadia. Je travaille maintenant au sein de la Division de la santé mentale du ministère de la Santé dans le domaine en particulier de la réadaptation et des soins à long terme, et je suis aussi président du conseil.

M. Steve Kerstetter (directeur, Conseil national du bien-être): Je m'appelle Steve Kerstetter. Je suis directeur du secrétariat du conseil.

Mme Dana Howe (Conseil national du bien-être): Je m'appelle Dana Howe. Je suis commissaire des services sociaux à la ville de Windsor, en Ontario. Je travaille pour la ville depuis 28 ans et je suis commissaire depuis 17 ans. Je suis aussi coprésidente du comité provincial Hard-to-Serve en Ontario. Je n'en dirai pas plus.

Mme Olive Crane (Conseil national du bien-être): Bonjour. Je m'appelle Olive Crane et je viens de l'Île-du-Prince-Édouard. Je suis directrice d'un organisme de santé qui offre des services en matière de soutien du revenu, de création d'emplois et d'amélioration de l'emploi.

Mme Helen Margaret Finucane (Conseil national du bien-être): Bonjour. Je m'appelle Helen Finucane et je viens de Regina, en Saskatchewan. Je travaille depuis 18 ans dans un centre de traitement à domicile privé à but non lucratif qui accueille des adolescents perturbés. Je viens d'être affectée à l'organisme de charité qui nous est associé et dont le rôle est de trouver des logements pour les personnes à faible revenu.

Le président: Peut-être que les membres du comité devraient aussi se présenter.

Libby.

Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Bonjour. Je m'appelle Libby Davies et je représente le NPD au sein du comité. Je suis porte-parole du parti pour l'enfance, la jeunesse, l'enseignement postsecondaire et la politique sociale.

Le président: Nous avons séparé Libby et Bruce pour qu'ils puissent nous parler tous deux de la situation de la Colombie-Britannique.

Bonnie.

Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.): Je m'appelle Bonnie Brown. Je suis députée d'Oakville, en Ontario, et je suis vice-présidente du comité. Avant d'être élue députée, j'ai oeuvré sur la scène politique municipale. J'étais présidente de Parents anonymes, membre du conseil d'administration de la Société d'aide à l'enfance et présidente du Child Abuse Council. Il y a des gens comme moi dans les collectivités qui sont des touche-à-tout.

M. Larry McCormick (Hastings—Frontenac—Lennox and Addington, Lib.): Bonjour. Je m'appelle Larry McCormick et je représente la circonscription d'Hastings—Frontenac—Lennox and Addington, dans l'est de l'Ontario. J'appartiens au Parti libéral. J'ai travaillé dans le domaine de la petite entreprise et des services communautaires. Voilà comment je suis arrivé ici. Je suis membre de ce comité depuis la fin de 1993. J'ai participé à l'examen des services sociaux au cours duquel nous avons rencontré certains d'entre vous ainsi que certains de vos collègues dans le reste du pays. Je me réjouis d'entendre ce que vous avez à nous dire, car je suis conscient du fait que vous avez beaucoup à nous apprendre. Je suis heureux que vous soyez ici.

Le président: Brenda, nous vous avons oubliée au début.

Mme Brenda Chamberlain (Guelph—Wellington, Lib.): Bonjour. Je m'appelle Brenda Chamberlain et je représente la circonscription de Guelph—Wellington. Je suis fière d'être Libérale. Je viens du domaine de l'enseignement et des affaires.

Le président: Je m'appelle Reg Alcock. Je suis président du comité. Pendant ma carrière, j'ai travaillé à tour de rôle pour Bruce et David.

Keith.

• 1130

M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Je vous remercie, monsieur le président. Je m'appelle Keith Martin et j'appartiens au Parti réformiste. Je représente la circonscription d'Esquimalt—Juan de Fuca.

Le président: Stéphan.

[Français]

M. Stéphan Tremblay (Lac-Saint-Jean, BQ): Je m'appelle Stéphan Tremblay. Je suis député de la circonscription de Lac-Saint-Jean, membre du Bloc québécois et critique en matière de formation et de jeunesse.

M. Jean Dubé (Madawaska—Restigouche, PC): Je m'appelle Jean Dubé et je suis le fier député progressiste-conservateur de la circonscription de Madawaska—Restigouche, au Nouveau-Brunswick. C'est une très belle région de la province. M. Brun, du Nouveau-Brunswick, est le bienvenu.

[Traduction]

Le président: Monsieur Murphy.

M. John Murphy: Permettez-moi d'abord de dire au sujet du conseil que pour la première fois il a mis à la disposition du public une base de données statistiques complète sur le bien-être. Il s'agit du rapport que vous avez tous reçu. Si vous n'en avez pas un exemplaire, nous veillerons à ce que vous en receviez un. Le conseil a pu établir ce profil grâce à la collaboration des gouvernements fédéral et provinciaux.

Le rapport est une mine de renseignements sur le bien-être, et nous espérons qu'il détruira certains mythes et stéréotypes au sujet du bien-être et des assistés sociaux.

La base de données permet de faire des centaines d'observations. Parce que le temps manque, je n'en mentionnerai que trois.

Premièrement, il n'existe pas de cas d'assisté social type. Les stéréotypes au sujet du bien-être ne se justifient pas.

Deuxièmement, le bien-être est une source de soutien essentiel pour les enfants ainsi que pour les adultes. D'après les chiffres les plus récents, 1,1 million d'enfants, et je crois même qu'il s'agit maintenant de 1,5 million d'enfants, sont des assistés sociaux. De toute évidence, s'ils sont des assistés sociaux, c'est parce que leurs parents et leurs tuteurs le sont.

La troisième observation que nous pouvons faire est que les prestations d'aide sociale sont devenues une source de revenu à long terme pour un nombre étonnamment élevé de Canadiens. En mars 1997, plus de la moitié des assistés sociaux, c'est-à-dire 54 p. 100 d'entre eux, touchaient des prestations d'aide sociale depuis au moins 25 mois. C'est une statistique effrayante.

Nos recherches au fil des ans nous ont permis d'établir que la question de la réforme du régime d'aide sociale est complexe. Voici ce qu'il nous faut: un financement fédéral-provincial stable, des prestations suffisantes, une aide accrue pour faciliter la transition entre l'aide sociale et un travail rémunéré, des politiques sur le marché du travail propices à la création de bons emplois et des régimes d'assurance-invalidité qui répondront aux besoins des personnes souffrant d'incapacité à long terme et d'incapacité permanente.

Les assistés sociaux qui peuvent travailler ont besoin d'une aide supplémentaire dans le domaine des soins de santé et des soins dentaires, d'un allégement fiscal et d'une diminution du taux de récupération des prestations lorsqu'ils gagnent un revenu.

Pour venir en aide aux assistés sociaux qui ont une déficience, j'ai déjà mentionné le fait qu'on devra mettre sur pied un régime national d'assurance-invalidité. Il serait aussi bon que les assistés sociaux plus âgés puissent jouir de la préretraite lorsqu'ils ne sont plus en mesure de travailler ou qu'ils sont affligés de problèmes de santé chroniques.

Pour ce qui est des mères chefs de familles monoparentales—on pense souvent que ces femmes ont beaucoup d'enfants, mais les statistiques montrent qu'elles ont un ou deux enfants—la solution passe par des services de garde abordables et l'exécution des pensions alimentaires.

Nous avons formulé des dizaines de recommandations dans ces domaines au fil des ans, et j'espère que le comité lira notre rapport. Nous serions heureux de revenir devant le comité pour en discuter de façon plus détaillée lorsque nous reviendrons à Ottawa.

Cette réunion, Reg, constitue pour nous un point de départ. Nous aimerions entamer un dialogue plus suivi avec votre comité, parce que 10 p. 100 de notre population, soit 2,7 millions de gens, sont des assistés sociaux. C'est une honte dans un pays qui se veut l'un des meilleurs pays où vivre.

Le crédit d'impôt constitue une mesure progressive, et nous sommes maintenant parvenus à faire diminuer le déficit. Le moment est donc venu maintenant de collaborer, et nous voudrions participer au dialogue et à la recherche de solutions.

Je demanderai à Armand de vous présenter notre profil sur la pauvreté, le document le plus récent du conseil. Soit dit en passant, ces deux documents ont été très bien accueillis dans tout le pays.

Armand.

• 1135

[Français]

M. Armand Brun: Cela me fait plaisir d'être ici pour vous présenter le rapport qui a été présenté à la presse le 11 mai dernier. Vous en avez probablement eu des copies. Il s'intitule: Profil de la pauvreté 1996. Je n'ai pas eu le plaisir mais la tâche de présenter ce rapport, parce que ce n'était pas un message très encourageant. Mais c'est quand même une tâche qu'il fallait accomplir, et cela m'a fait plaisir de le faire au nom de notre président.

Le conseil publie chaque année ce bilan particulier de la pauvreté au Canada, utilisant des données de l'Enquête sur les finances des consommateurs de Statistique Canada. Les renseignements factuels présentés dans Profil de la pauvreté sont un outil de base utilisé dans la recherche partout au pays. Comme les Nations unies ont décrété que 1996 était l'Année internationale pour l'élimination de la pauvreté, le contenu du rapport de cette année revêt une importance particulière.

Nous avons choisi de mettre en évidence cinq faits qui, croyons-nous, sont particulièrement importants pour comprendre la tendance de la pauvreté en 1996.

Premièrement, bien que la dernière récession ait pris fin en 1991, les taux de pauvreté ont constamment monté depuis. Nous nous attendions à ce que les pauvres aient leur part au retour de la prospérité. Nous avons plutôt constaté que les taux de pauvreté ont augmenté lentement après la récession pour atteindre 17,6 p. 100 en 1996. Ainsi, plus de cinq millions de personnes, soit 5 190 000, vivaient dans la pauvreté au Canada en 1996.

Deuxièmement, 1996 a aussi été l'année au cours de laquelle le gouvernement fédéral a remplacé le Régime d'assistance publique du Canada par le Transfert social canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Le soutien accordé par le gouvernement fédéral au régime d'aide sociale, aux services sociaux, à l'assurance-maladie et à l'enseignement postsecondaire a chuté de près de 3 milliards de dollars de l'exercice 1995-1996 à l'exercice 1996-1997.

Troisièmement, ces réductions ont eu de dures répercussions sur les personnes pauvres. Le revenu total de la tranche de 20 p. 100 la plus pauvre de la population canadienne a chuté de façon importante par rapport à 1995, tandis que les 20 p. 100 qui étaient les plus riches devenaient encore plus riches au Canada. Statistique Canada a conclu que cet état de chose était attribuable à une combinaison de facteurs tels que la diminution des gains et les réductions au niveau des paiements de transfert de la part des gouvernements.

Quatrièmement, la pauvreté chez les enfants a atteint également son plus haut niveau depuis 17 ans, s'établissant à 20,9 p. 100. Près d'un million et demi d'enfants vivaient dans la pauvreté en 1996.

Cinquièmement, les familles qui avaient comme chef une mère seule avec des enfants de moins de 18 ans étaient les plus susceptibles d'être pauvres. Leur taux de pauvreté s'établissait à 61,4 p. 100. Dans le cas des familles dont le chef était une mère seule de moins de 25 ans, le taux de pauvreté atteignait le pourcentage presque incroyable de 91,3 p. 100.

Le Conseil national du bien-être social est attristé de voir augmenter la pauvreté, en particulier à un moment où le Canada connaît une période de croissance financière. Le fait que le taux de pauvreté a augmenté et que le gouvernement fédéral a considérablement réduit son financement des programmes d'aide aux pauvres pendant l'Année internationale pour l'élimination de la pauvreté nous inspire de sérieuses préoccupations au sujet de l'engagement du Canada à combattre la pauvreté.

Le conseil croit que le meilleur avis qu'il peut vous donner, comme députés et comme membres de ce comité, est de consentir des efforts beaucoup plus sérieux pour vous acquitter de votre engagement suivant la résolution de 1989 de la Chambre des communes, motion qui a été adoptée unanimement, ayant pour objet de mettre fin à la pauvreté des enfants d'ici l'an 2000. Nous croyons que le Canada peut et doit mettre fin à la pauvreté des enfants.

Maintenant que le déficit a été éliminé, le gouvernement est bien placé pour soutenir les programmes et les politiques qui feront en sorte que le Canada puisse être à la hauteur de ses engagements à l'égard de ces enfants et de leurs familles. Pour enrayer la pauvreté des enfants, nous avons besoin de bons programmes d'aide sociale et d'autres formes de soutien au revenu, ainsi que de vastes efforts pour réduire le taux de chômage et raffermir le marché du travail.

Nous invitons donc le gouvernement fédéral à consacrer le prochain budget à la réduction de la pauvreté chez les enfants.

Merci, monsieur le président.

• 1140

[Traduction]

Le président: Je vous remercie beaucoup.

Nous allons procéder de façon assez informelle. J'invite les autres membres du conseil à se joindre à la discussion si un sujet donné les intéresse tout particulièrement.

Monsieur Dubé, voulez-vous poser la première question?

M. Jean Dubé: Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.

J'ai deux ou trois questions à poser. J'ai lu le rapport du conseil, et quelques questions ont attiré mon attention.

Dans le dernier rapport du conseil, intitulé Profil du bien- être social: mythes et réalités, et le profil de la pauvreté de 1996, on lit que le taux de pauvreté chez les enfants atteint le taux alarmant de 17,6 p. 100, c'est-à-dire que 1,5 million d'enfants vivent dans la pauvreté. Le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires travaillent maintenant à mettre en oeuvre une prestation nationale pour enfants de manière à faire en sorte que les enfants ne relèvent plus des régimes de bien-être social provinciaux, et que les économies ainsi réalisées soient réinvesties dans d'autres systèmes de soutien.

Dans le rapport du conseil intitulé Profil du bien-être social, on mentionne le fait que d'autres provinces songent à améliorer les prestations versées à l'égard des enfants pour faire en sorte que les enfants cessent d'être des assistés sociaux, sans pourtant reconnaître le fait qu'il est impossible de le faire si leurs parents continuent d'être des assistés sociaux.

J'aimerais savoir ce qu'en pense le conseil. Avez-vous des suggestions à faire quant à la façon d'améliorer le système national de prestations pour enfants? Le conseil pense-t-il que c'est la façon d'éliminer la pauvreté des enfants?

Il est aussi question à la page 120 du rapport du conseil de la réforme dans le domaine de l'aide sociale:

    Quelle que soit la façon dont les gouvernements comptent remplacer le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, le gouvernement fédéral devrait s'engager fermement à respecter ses responsabilités financières envers les provinces et les territoires. Le climat des relations fédérales-provinciales s'est détérioré au cours des dernières années en raison de décisions arbitraires et unilatérales prises par le gouvernement fédéral.

On lit aussi ce qui suit dans la même page du rapport:

    En contrepartie d'une loi assurant un soutien financier fédéral stable dans le domaine des programmes sociaux, les provinces et les territoires devraient accepter l'établissement de normes nationales minimales relativement à ces programmes.

Comme vous le savez, le Parti progressiste-conservateur est favorable à l'établissement d'un pacte canadien aux termes duquel le gouvernement fédéral s'entendrait avec les provinces pour établir des normes nationales. Quelle serait, à votre avis, la conséquence la plus importante pour les programmes sociaux de l'établissement d'un tel système?

Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.

M. John Murphy: Je commencerai et je demanderai ensuite aux autres membres du conseil de poursuivre.

Pour ce qui est de la question fiscale, nous espérons évidemment que le partenariat entre le gouvernement fédéral et les provinces nous permettra d'aider tous les pauvres, qu'ils soient des assistés sociaux ou qu'ils travaillent. Je crois que c'est très important.

Nous ne savons pas au juste quel type d'accords font l'objet des négociations entre les provinces. Le discours du Trône de ma propre province parle d'un réinvestissement dans le domaine des programmes sociaux. À notre avis, il faut réinvestir dans les services offerts aux enfants et aux familles. Nous voulons collaborer dans ce domaine avec le gouvernement fédéral.

Quelqu'un veut-il ajouter quelque chose?

Mme Dana Howe: Je viens de l'Ontario, et en Ontario on vient d'adopter deux nouvelles lois dans le domaine des services sociaux, la Ontario Works Act et la Ontario Disability Support Act. Comme vous le savez, les taux d'aide sociale ont été réduits de 21,6 p. 100 en Ontario en 1995, ce qui a beaucoup aggravé la situation précaire dans laquelle se trouvent les assistés sociaux.

Il faudrait aussi songer aux personnes seules qui ne peuvent même pas se loger avec l'argent qu'on leur donne maintenant. Les chefs de familles monoparentales ont certainement beaucoup de mal à répondre aux besoins essentiels de leurs enfants. Ces familles consacrent au logement l'argent qu'elles devraient consacrer à l'alimentation. Comme les contrôles sur les loyers ont été levés, les pauvres s'appauvrissent.

• 1145

Je crois que c'est une chose absolument extraordinaire que le gouvernement se soit engagé à assurer des prestations aux enfants à l'échelle nationale. Évidemment, le succès de ces prestations dépendra de la décision des provinces, à savoir si elles récupéreront ce montant ou pas. S'il y a récupération de cette prestation, cela aura un impact sur les prestations d'aide sociale, et je ne crois pas que dans ces circonstances les pauvres se tireront mieux d'affaire.

Je crois qu'il importe que les provinces s'associent au gouvernement fédéral dans ce dossier pour que ce soit vraiment les plus pauvres des pauvres qui aient accès à cette nouvelle prestation. S'il y a récupération et qu'on se sert de l'argent ainsi obtenu pour le distribuer à un autre groupe de pauvres, et je pense ici aux petits salariés de l'Ontario—je crois qu'ils songent dans cette province à offrir un dégrèvement pour frais de garde de 400 $ pour le premier enfant—j'aimerais rappeler qu'il existe déjà des services de garderies subventionnés dans la province. En fait, en offrant un dégrèvement pour frais de garde pour que les gens puissent ainsi avoir accès à des services de garderies non réglementés et non officiels, on pourrait en un sens miner le système de services de garderies de qualité en offrant cette prestation pour enfants.

Personnellement, je crois que vous avez fait un bon pas vers l'avant, et il importe que les provinces vous emboîtent le pas.

Le président: De quelle province venez-vous?

Mme Dana Howe: De l'Ontario.

Le président: Cette province a un gouvernement conservateur? Oui.

Une voix: C'est un gouvernement hybride, réformiste- conservateur.

Le président: Keith.

[Français]

M. Keith Martin: Merci beaucoup, monsieur le président.

[Traduction]

Je vous remercie d'être venus aujourd'hui. Je suis très heureux de vous rencontrer.

Je me pose de sérieuses questions sur votre orientation. On parle beaucoup de l'État providence, mais il ne faut pas oublier qu'il existe deux types de bénéficiaires de l'aide sociale. Comme vous le savez, il y a ceux qui ont vraiment besoin de l'État providence, parce qu'ils ne peuvent pas travailler, pour des raisons sur lesquelles ils n'exercent aucun contrôle; il existe également un bon nombre de gens qui en fait exploitent le système. Il y a des gens qui sont en mesure de travailler, mais nous avons créé chez eux une attitude de dépendance. J'aimerais savoir quelles sont les mesures concrètes que vous avez prises pour que ces gens travaillent et cessent de recevoir des prestations sociales.

En Grande-Bretagne on a mis ces gens au pied du mur. On leur a dit: «Vous avez le choix. Vous êtes aptes au travail, vous êtes jeunes. Voici ce que vous pouvez faire. Vous pouvez aller acquérir les compétences suivantes pour devenir employables. Si vous ne le faites pas, vous ne recevrez pas de prestations de bien-être social. Cependant, si vous faites quelque chose qui vous permettra de trouver un emploi, et de ne plus recevoir de prestations sociales, nous vous aiderons.»

J'espère qu'une de vos deux grandes activités sera de donner aux gens les outils dont ils ont besoin afin qu'ils ne dépendent plus de l'aide sociale; il faut leur donner l'encouragement nécessaire. N'oubliez pas que cela vous permettra d'avoir plus d'argent pour aider ceux qui ne peuvent pas travailler et qui ne peuvent pas se tirer d'affaire seuls et qui ont désespérément besoin d'aide.

Si on apporte des réductions générales au nombre des bénéficiaires, les gens qui ont vraiment besoin d'aide en sont les victimes et se trouvent dans une situation encore pire qu'auparavant. C'est une tragédie. Quant à ceux qui n'ont pas besoin d'aide sociale et qui pensent que le système est une farce et qui en abusent allégrement—et je connais des gens qui font cela; j'ai vécu avec eux—eux ils s'en foutent éperdument.

Quelles mesures actives prenez-vous pour faire disparaître cette attitude de dépendance que nous avons créée chez certains particuliers? Quelles initiatives novatrices avez-vous lancées pour encourager ces gens à aller chercher un emploi? Pouvez-vous les mettre au pied du mur et leur dire: «Cesse de demander des prestations sociales. Voici les possibilités qui s'offrent à toi; profites-en ou tu ne recevras plus de prestations.»

Merci.

Le président: J'aimerais intervenir avant que vous ne répondiez. Je crois que les questions qu'a posées Keith et la façon dont il a présenté les choses, sont un bon premier jalon pour la discussion des mythes qui entourent l'aide sociale. Il existe des mythes en région urbaine sur le système d'aide sociale, et je crois qu'il importe d'en discuter. Je sais que le conseil a fait beaucoup de travail dans le secteur, et il y a aujourd'hui ici des gens qui connaissent bien le domaine. Je crois qu'il faudrait consacrer un peu de temps à une discussion de la question. Il y a des experts ici aujourd'hui.

M. John Murphy: Bruce.

M. Bruce Hardy: J'aimerais faire quelques commentaires. Tout d'abord, je crois qu'une bonne étude des faits et des mythes qui caractérisent le système d'aide sociale s'impose et nous permettra de bien comprendre dans quelle mesure il y a des abus et de la fraude.

• 1150

Malheureusement, puisqu'il y a au Canada abus du système, les gouvernements ont tendance à punir tous les bénéficiaires. De cette façon au moins ils peuvent punir entre autres ceux qui abusent vraiment du système. Je crois que l'expérience de l'Ontario est assez révélatrice: afin de mettre fin à la fraude, tout le monde connaît une réduction de 21,6 p. 100 des prestations. Je crois qu'il est vrai que de cette façon certains de ceux qui abusent du système sont pénalisés. Cependant, cela n'aide pas ceux qui ont vraiment besoin du système.

Je suis d'accord avec vous. Je ne crois pas que qui que ce soit pourrait dire qu'il appuie la fraude en matière de prestations d'aide sociale, mais je crois qu'il faut faire la part des choses. Il y a deux grands types de fraude. Il y a la fraude du système à laquelle se livrent ceux qui reçoivent des prestations, et la fraude à laquelle se livrent ceux qui exploitent les bénéficiaires de l'aide sociale.

Pour éliminer les prestations d'aide sociale, vous devez offrir des programmes d'éducation, donner aux gens les mécanismes et outils nécessaires. Aider les gens à trouver de petits boulots temporaires ne garantit rien à long terme et ne leur permet pas en fait de cesser de dépendre du système de prestations d'aide sociale.

Le gouvernement provincial de la Colombie-Britannique a annoncé tout récemment que tous les adultes de la province qui veulent terminer leurs études pour avoir l'équivalent d'un diplôme de 12e année pourront le faire sans frais. Il s'agit là à mon avis d'une mesure concrète qui est prise pour aider les gens à ne plus dépendre des prestations d'aide sociale. Des frais de scolarité de 200 $ ne semblent peut-être pas trop élevés, mais c'est un montant absolument pharamineux pour ceux qui vivent dans la pauvreté.

Je n'ai jamais vu de données vraiment fiables ou concrètes sur le nombre de personnes qui abusent du système d'aide sociale. J'ai lu un rapport il y a environ deux ans où l'on disait qu'il y a à peu près autant de gens qui abusent du système de bien-être social que de gens qui fraudent le fisc.

Je crois que les gens trouvent des moyens d'exploiter le système—il y aura toujours des gens qui le feront. Nous pouvons trouver des façons innovatrices de les identifier. Cependant, si le programme qui vise à vous permettre d'identifier les fraudeurs vous coûte plus cher que le fait de verser des prestations à ces fraudeurs, je crois qu'il faut revoir ce programme.

Je me souviens du programme qu'avait mis sur pied le Manitoba, qui avait placé dans tous les coins de la province des affiches géantes sur fond noir encourageant les gens à dénoncer les fraudeurs du système d'aide sociale. Ce qui s'est produit, c'est qu'il y a eu des gens qui ont dénoncé leur ancienne femme parce qu'ils n'étaient pas heureux de la rupture du ménage; en fait le programme a pris fin quand les médias ont cessé d'en faire les louanges.

M. Keith Martin: Les fraudeurs peuvent se livrer à ces activités sans crainte de représailles, parce qu'ils savent qu'il n'existe aucun système de responsabilisation au sein du programme. Et si vous leur en parlez—j'exerce la médecine d'urgence—ils vous diront que c'est une vraie farce. Ils riront carrément; et cela se produit souvent. On a quand même 12 ans d'expérience dans le domaine.

Le président: Madame Howe, vous venez de Windsor et vous oeuvrez dans ce secteur.

Mme Dana Howe: Oui. J'aimerais bien dire quelques mots sur la question, parce que je crois, monsieur Martin, que vous n'êtes pas juste à l'égard des bénéficiaires de l'aide sociale en disant que le problème est généralisé.

Si vous étiez homme d'affaires et que vous essayiez de trouver de nouveaux clients, concentreriez-vous vos efforts sur les 98 p. 100 de gens qui achèteraient votre produit ou sur les 2 p. 100 qui ne seraient pas intéressés? Nous essayons d'établir au Canada un système de services sociaux, mais on le fonde sur des perceptions erronées des pauvres.

En fait, à Windsor, au coeur de la récession, nous avions environ 6 800 clients; nous en avons maintenant environ 3 700. La liste a diminué de 42,7 p. 100. À l'échelle provinciale, elle a baissé de 27 p. 100.

Le programme Ontario au travail a été mis sur pied en 1995 pour forcer les assistés sociaux à agir. La liste des prestataires a diminué de 27 p. 100. Nous venons de lancer un programme Ontario au travail à Windsor en janvier; la liste des clients a déjà baissé de 42,7 p. 100 sans que l'on mette les gens au pied du mur.

L'expérience m'a appris que la majorité des gens veulent travailler; après qu'on a vécu une grave récession, comme ce fut le cas en 1993, que les coûts montent en flèche et que le taux de chômage est deux fois plus élevé, les gens sont durement ébranlés et doivent demander des prestations d'aide sociale.

J'oeuvre dans le secteur depuis 28 ans, et je n'ai jamais rencontré quelqu'un qui aime dépendre de l'aide sociale. Les gens n'aiment pas être pauvres. Ils n'aiment pas vivre dans des taudis, ne pas avoir trois repas par jour et ne pas pouvoir se livrer aux mêmes activités que les autres. Je crois qu'il est regrettable que certains essaient de généraliser cette perception fautive à un point tel que ceux qui vivent le problème...

M. Keith Martin: Madame, comme votre collègue vient de le dire, il n'existe pas de statistiques sur le nombre de fraudeurs.

Comme je l'ai dit dans mes commentaires liminaires, il y a deux catégories de bénéficiaires de l'aide sociale, ceux qui voudraient être indépendants et ceux qui voudraient continuer à percevoir des prestations. Il y en a un bon nombre.

• 1155

Mme Dana Howe: Mais vous avez dit qu'il y en avait un bon nombre. Il n'y a pas de statistiques pour le prouver, et je ne sais pas pourquoi vous dites qu'il y en a un bon nombre.

J'oeuvre dans le secteur depuis 28 ans, et je dois dire qu'à mon avis le nombre de fraudeurs est peu élevé. En fait, quand les gens me parlent de fraude, je leur dis: de qui parlez-vous? De clients ou de vendeurs? J'ai eu...

M. Keith Martin: Je parle d'une attitude de dépendance par rapport au système social qu'on a créé au Canada.

Mme Dana Howe: Certains ne comprennent pas l'ampleur du problème et avancent toutes ces perceptions erronées qui rendent les choses difficiles à ceux qui cherchent vraiment à aider ceux qui ont besoin d'aide sociale. Si vous voulez aider les gens à devenir indépendants, vous devez leur fournir les systèmes de soutien personnels et familiaux qui leur permettront de devenir progressivement indépendants.

Vous n'aidez pas les gens en les punissant. Ce n'est pas ce qui les encouragera ou les aidera à devenir indépendants.

M. Keith Martin: Ce n'est pas ce que je disais.

Mme Dana Howe: Oh, je crois que oui.

M. Keith Martin: Je crois que j'ai dit clairement—et je terminerai là-dessus—qu'il faut offrir aux gens des choix. Il suffit d'étudier le système britannique. La majorité des gens veulent devenir indépendants et ne plus recevoir de prestations sociales. La majorité veulent avoir accès aux outils qui leur permettront de trouver un emploi. Certains n'ont pas les outils voulus et d'autres ne sont pas encouragés à les trouver non plus.

Au lieu de créer une attitude de dépendance envers le système social, ce qui existe depuis longtemps, et essayer de renforcer cette dépendance, il faudra plutôt renforcer le système pour qu'il aide ceux qui ont vraiment besoin d'aide et donner aux autres la possibilité de devenir indépendants, mais tout cela de façon fort positive.

Le président: J'aimerais intervenir, si vous me le permettez. Je ne veux pas vous interrompre. Je crois qu'il s'agit d'une question importante dont il faut discuter en détail.

Je connais Keith comme député depuis plusieurs années, et il a été vraiment très utile à l'égard de plusieurs questions. Je crois cependant qu'il soulève une question qui sous-tend des décisions politiques au Canada. Nous n'avons pas suffisamment de renseignements. Ce groupe, cependant, dispose de renseignements utiles.

Je suis désolé, je n'arrive pas à voir votre nom sur votre insigne. Je ne me souviens jamais des noms. Oui, Dana. Je me souviens de vous avoir rencontrée à Windsor, vous et votre groupe. C'est un des programmes de bien-être les plus actifs, les plus évolués, les plus agressifs que nous ayons, et il fait exactement ce que vous voulez. Mais d'un autre côté, quand elle dit que les décisions de politique publique sont prises sur la base de mythes, c'est une chose que nous devons essayer d'éliminer.

David, j'aimerais que vous donniez votre opinion à ce sujet.

M. David Northcott: Je travaille pour une banque alimentaire à Winnipeg. Avant cela, j'étais gérant de l'épargne et du prêt pour une compagnie de fiducie, et quand la compagnie a été rachetée on m'a envoyé prendre l'air.

Quand on parle de filet de sécurité, je sais de quoi on parle. Je suis très fier de notre filet de sécurité. Cela comprend les soins de santé, l'éducation, le bien-être. Cela fait partie de tout ce qui rend le Canada unique. Cela me plaît beaucoup. J'aime savoir que mon gouvernement tendra une main secourable si je trébuche.

Un des participants à notre banque alimentaire est un ancien député qui n'a pas réussi à trouver du travail et qui fait partie de l'équipe Winnipeg Harvest.

C'est peut-être étrange, mais je suis d'accord avec certaines choses que vous avez dites, et je trouve que cette sincérité est très rassurante. Cela dit, ces positions doivent être fondées sur des faits et des informations, et non pas sur des sous-entendus. C'est là qu'il faut prendre garde. Les sous-entendus conduisent à la partisanerie.

Pour être franc, je suis enchanté de cette diversité culturelle, anglaise, française, et de préférence autochtone également, et j'espère que cela aura des retombées positives sur la communauté et sur les différentes parties. C'est une preuve de respect pour l'extrême pauvreté qui existe dans tout le pays.

À Winnipeg Harvest, nous nous débattons avec deux questions. D'une part, nous considérons que le taux de violence contre les gens est de 100 p. 100: quiconque est forcé de faire appel à une banque alimentaire est maltraité par le Canada. Les gens ne devraient pas être forcés de faire appel à une banque alimentaire. Autrement dit, l'année dernière, un peu plus de 3,2 millions de Canadiens ont mangé de la nourriture fournie par une banque alimentaire au moins une fois. Nous considérons que ces gens-là ont été maltraités. Parmi eux, 44 p. 100 sont des enfants. Peut-on dire que les enfants abusent des banques alimentaires? Non.

Il faut également nous demander quel est le taux d'abus national dans ces programmes. Revenu Canada a effectué des sondages et déterminé qu'environ 44 p. 100 des gens avouent avoir payé comptant pour éviter de payer la TPS. Dans ce cas particulier, c'est un taux d'abus de 44 p. 100.

Par conséquent, si c'est le taux d'abus national, et si les épiceries de détail et les autres magasins de détail ont un taux de vol de 8 à 28 p. 100 du public et des employés, si ce sont les abus dans l'ensemble du public, on peut dire que les abus du système de bien-être, les abus des programmes de lutte contre la pauvreté sont d'environ 0,5 p. 100, d'après ce que nous voyons à Winnipeg. Il y a un système très sévère pour s'assurer que cela ne se fait pas. Mais lorsque cela arrive, effectivement, je préférerais que le taux d'abus soit nul. Je suis tout à fait d'accord.

Le processus de transition entre un filet de sécurité qui vous rattrape—qui vous rattrapait jadis, mais qui ne vous rattrape plus très bien à l'heure actuelle, car trop de gens font appel aux banques alimentaires—et une situation où les gens trouvent des emplois dans notre économie n'est pas facile. C'est une transition qui ne se fait pas bien du tout.

• 1200

À Winnipeg, il y a des gens qui prennent un emploi au salaire minimum et qui ont moins d'argent qu'ils n'en avaient lorsqu'ils étaient au bien-être. Ramener le bien-être au niveau du salaire minimum ne fonctionne pas, car les gens, ne pouvant absolument pas participer à l'économie, se tournent vers d'autres moyens pour acquérir des biens, parfois des moyens illégaux. On voit de plus en plus d'activités illégales, et cela impose beaucoup de stress aux familles, comme les gens l'ont très bien exprimé.

Le filet de sécurité doit donc être suffisamment solide pour au moins rattraper les gens, pour leur permettre de réintégrer une économie où il y a de la place pour eux. C'est ce qu'il y a de bon au conseil: la possibilité de voir les choses dans cette optique élargie et de dire: nous avons besoin d'un filet de sécurité qui peut véritablement rattraper les familles—nous savons que les enfants vivent dans des familles pauvres—et offrir une économie qui récompense l'initiative. Au lieu d'un agriculteur manitobain qui paie moins que le salaire minimum à ses employés—et c'est ce qu'ils font—nous devons pouvoir dire qu'une famille a besoin de respect, qu'elle doit survivre et que pour ce faire elle a besoin d'outils. Nous devons montrer ce respect et l'aider à réintégrer la société.

Je suis donc d'accord avec vous. J'éprouve une grande impatience, et je dénote chez vous la même impatience. Cela dit, quand les gens viennent me dire à la banque alimentaire: «Seigneur, David, ne fermez pas la banque avant que je trouve une autre source», mon impatience n'a plus de limite. C'est un souci permanent.

Merci. Merci aussi pour vos observations.

M. Keith Martin: Oui, je suis d'accord avec vous.

Le président: D'accord. Libby.

Mme Libby Davies: Pour commencer, je tiens à vous remercier d'être venus, car je crois comprendre que c'est la première fois que vous comparaissez devant ce comité. Votre présence aujourd'hui est très importante, car vous nous apportez des informations objectives sur la situation du bien-être au Canada.

D'autre part, je représente une circonscription, Vancouver-Est, où il y a beaucoup de quartiers à faible revenu, y compris l'est du centre-ville. Dans ce quartier-là, environ 60 p. 100 de la population reçoit une forme ou une autre d'un complément du revenu. Il y a une chose qui m'inquiète vraiment, une autre lutte que nous devons livrer; ce n'est plus seulement la pauvreté croissante, mais le fait que les pauvres sont de plus en plus attaqués. Encore aujourd'hui, nous avons entendu l'opinion du Parti réformiste. C'est une opinion que nous entendons également à l'Institut Fraser, au sujet des barèmes d'aide. C'est une opinion qu'on trouve dans les médias, et on a l'impression que les gens qui sont au bien-être, et même les pauvres qui travaillent, sont de plus en plus les victimes de cette opinion.

La pauvreté des enfants, ce n'est pas la même chose. On peut parler de la pauvreté des enfants, les enfants qui sont pauvres, c'est quelque chose que nous voulons tous supprimer. Mais, par contre, leurs parents, qui sont souvent au chômage parce que le taux de chômage augmente, c'est une autre affaire. C'est vraiment une très grosse préoccupation, cette attaque systématique contre les pauvres, qui est de plus en plus visible depuis quelques années. Nous devons vraiment repenser les politiques du gouvernement qui favorisent la pauvreté, et penser non seulement à la pauvreté absolue en termes statistiques, mais également à la profondeur de cette pauvreté.

Je sais que vous avez abordé le problème dans certains rapports, et j'aimerais demander à Steve ou aux autres de parler un peu plus de ce phénomène incroyablement vaste de la pauvreté profonde.

Je suis une nouvelle députée. Plusieurs fois, j'ai essayé d'aborder le problème de la pauvreté à la Chambre, et chaque fois, et c'est systématique, le gouvernement répond en mentionnant la prestation fiscale pour enfants. Cela me rend furieuse, car, comme on l'a signalé ici aujourd'hui, la prestation pour enfants ne s'applique pas aux gens qui sont au bien-être et n'est pas non plus indexée. D'autre part, il ne semble pas qu'on s'attaque aux véritables causes de la pauvreté que sont le chômage, les coupures dans sur les programmes de soutien du revenu, les coupures de l'assurance-emploi, etc.; la liste est longue.

Nous avons cette résolution de la Chambre des communes—c'est une excellente résolution—mais il ne faut pas oublier non plus que la pauvreté est également délibérée, dans la mesure où elle fait partie d'une stratégie de faibles salaires. Pour que les salaires n'augmentent pas, nous avons besoin de cette grande masse de pauvres. Ça, c'est une chose qu'on ne dit pas souvent.

Je sais que j'ai posé beaucoup de questions, mais j'aimerais que vous parliez de la pauvreté profonde, de la façon dont la nature de la pauvreté a évolué au cours des années, et également du rapport qui existe entre la pauvreté et la politique du gouvernement. J'aimerais avoir l'opinion de tous ceux qui voudront bien répondre. D'autre part, si vous voulez parler un peu plus de la culpabilisation des pauvres, qui deviennent de plus en plus des boucs émissaires, c'est également un sujet très important.

M. Steve Kerstetter: Vous avez posé plusieurs questions particulièrement importantes. Dans Profil de la pauvreté, il y a un chapitre sur la pauvreté profonde où l'on trouve des détails qui devraient intéresser les membres du comité.

• 1205

D'une façon générale, le taux de la pauvreté parmi les personnes âgées a baissé considérablement depuis 20 ans, de même que la profondeur de la pauvreté dans ce groupe. C'est un des grands succès de notre génération. Malheureusement, à l'inverse, les gens de moins de 65 ans qui vivent dans la pauvreté vivent souvent loin au-dessous du seuil de la pauvreté. Résoudre le problème de la pauvreté dans le groupe des moins de 65 ans, dans les familles et chez les gens qui vivent seuls est un énorme défi.

Dans nos profils de la pauvreté nous discutons périodiquement et longuement de la pauvreté chez les aînés. Une chose mérite d'être observée; c'est que la pauvreté chez les aînés n'a pas disparu comme par enchantement. Si elle a disparu, c'est parce que les gouvernements se sont concertés pendant les années 60 et ont amélioré les pensions qui contribuent à la sécurité de la vieillesse. Ils ont mis en place un supplément de revenu garanti et une allocation au conjoint, et, en collaboration avec les provinces, le Régime de pensions du Canada, et le Régime des rentes du Québec.

Tous ces programmes ont été le résultat d'un effort concerté des deux paliers de gouvernement, qui, à l'époque, avaient déclaré: «Le problème de la pauvreté chez les personnes âgées est très grave, et nous devons faire quelque chose.» Grâce à cette entente et à cette collaboration, le taux de pauvreté parmi les aînés et la profondeur de cette pauvreté n'ont cessé de diminuer au cours des années.

En ce qui concerne les prestations pour enfants et la pauvreté dans d'autres groupes de la population, il ne faut pas se faire d'illusions: ces formes de pauvreté ne vont pas disparaître comme par enchantement. Il y a peut-être eu une époque au Canada où les taux de pauvreté diminuaient considérablement lorsque l'économie était florissante, mais, apparemment, cela ne se produit plus pendant les années 90.

La leçon qu'il faut tirer de tout cela, c'est que si les gouvernements veulent vraiment faire quelque chose pour lutter contre la pauvreté parmi les groupes plus jeunes, ils vont devoir faire un effort conscient. D'autre part, ils vont devoir le faire en collaboration les uns avec les autres, et ils vont devoir engager les ressources nécessaires—cela veut dire des dollars—pour exécuter ces programmes. À notre avis, c'est le seul moyen de lutter contre la pauvreté.

Mme Libby Davies: Très bien. Est-ce que j'ai le temps de poser une question complémentaire?

Le président: Oui.

Mme Libby Davies: Voilà deux excellents exemples: dans un cas les politiques du gouvernement ont véritablement réussi à diminuer la pauvreté, et, dans l'autre cas, un manque de politiques ou des politiques mal conçues ont aggravé la situation ailleurs.

À ce propos, en 1989, la Chambre des communes a adopté une résolution qui voulait éliminer la pauvreté chez les enfants d'ici à l'an 2000. Nous, du NPD, nous avons vraiment essayé de fixer des objectifs. C'est bien joli d'avoir un objectif, mais il me semble qu'il est important d'avoir des objectifs réalistes, qu'il s'agisse de la pauvreté chez les enfants ou de la pauvreté en général, ou qu'il s'agisse des taux de chômage, pour pouvoir commencer à voir des résultats.

Quelle est votre opinion? Quels objectifs réalistes en matière de programmes et de politiques devrions-nous adopter en vue de supprimer véritablement la pauvreté?

M. John Murphy: Pour commencer, c'est une chose que de fixer des objectifs—et je comprends très bien ce que vous voulez dire—mais pour fixer des objectifs il faut également établir des politiques qui permettent de progresser vers ces objectifs.

On a parlé de ce document au sujet des mythes, et on a dit que dans certains cas nous avions élaboré des politiques sur la base de ces mythes. Dans notre rapport, nous essayons de nous en tenir aux faits et de débusquer ces mythes. Une fois cette étape passée, le conseil et moi-même pensons qu'il faut rechercher de nouvelles solutions, des solutions créatrices sur la base de problèmes réels—et non de mythes—sur la base de la réalité du bien-être.

Quant à l'observation de Steve sur les personnes âgées, nous avons effectivement mis en place une politique au Canada qui a fait quelque chose pour les aînés, et je pense que nous pouvons en faire autant pour les enfants et les familles.

Je vous encourage dans votre travail. Nous aimerions travailler de concert avec vous à la recherche de solutions créatrices nous permettant peut-être de réaliser certains des objectifs que vous mentionnez. Mais si nous n'examinons pas de politiques novatrices...

Nous pourrions commencer par supprimer les considérations partisanes pour nous attaquer de front au problème terrible de la pauvreté qui existe au Canada.

• 1210

Quelqu'un a peut-être quelque chose à ajouter...

Le président: Il n'y a pas de partisanerie dans cette salle.

M. John Murphy: Non.

Le président: Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil.

Avant de donner la parole à Steve et Dana, je vais permettre à Stéphan de faire des observations, puisque nous n'avons pas encore entendu parler les représentants du Bloc, et je sais que lui, il s'intéresse beaucoup à cette question.

[Français]

M. Stéphan Tremblay: Je pense qu'actuellement, le problème de base est au plan idéologique. On fait face à des crises économiques qui prennent beaucoup d'ampleur, qui font en sorte que beaucoup trop de gens dans notre société voient comme inévitable la création de la pauvreté si l'on veut croître comme société. C'est quelque chose qui me désole beaucoup.

Un autre courant idéologique que je vois souvent ici et dans les autres sociétés, c'est celui de lutter contre la culture du bien-être, du welfare, comme mon collègue le disait plus tôt. D'ailleurs, quand on fait une réforme de l'assurance-emploi—là, je ne veux pas faire de politique—, on resserre les normes pour les jeunes en disant que si on leur met trop d'argent dans le bec, ils seront moins portés à trouver du travail et on aura une culture de la paresse.

Or, en même temps qu'on a ce courant idéologique, on fait face à un problème. Vous savez comme moi que le meilleur moyen de répartir la richesse est l'emploi. On fait face à une crise de l'emploi ou à une révolution technologique—appelez cela comme vous le voulez. Je vous donne un exemple. Dans ma circonscription, une nouvelle usine de transformation d'Alcan sera bientôt construite. On y produira trois fois plus de richesse, trois fois plus d'aluminium, mais avec le même nombre d'employés. On ne peut pas dire aux jeunes de ma circonscription qu'ils vont pouvoir se trouver de l'emploi puisqu'il y a eu un investissement, le plus gros au Québec et même dans l'est de l'Amérique, car il n'y aura pas d'emplois de créés. Donc, on produit de la richesse, mais elle n'est pas redistribuée.

Le gouvernement peut-il la redistribuer? Bien sûr, l'idéal serait de la redistribuer sous forme de travail pour ne pas favoriser une culture du welfare, mais d'un autre côté, on a quand même des gens qui crèvent de faim. Leur donne-t-on des chèques? Personnellement, je pense que le défi du prochain siècle sera de redistribuer l'argent alors que des personnes recevront de l'argent provenant d'une richesse qu'on aura produite collectivement, bien que ces personnes n'auront pas vraiment pris part à la production de cette richesse.

Je vous parlais de la transformation de l'aluminium. D'où proviendront les revenus du jeune de ma circonscription qui n'a pas la chance de travailler dans cette aluminerie? C'est la même chose dans le secteur des pêches, par exemple, où les quantités de poisson diminuent, etc. Je pense que c'est un défi qui va bien au-delà de la cuisine politique, c'est-à-dire mettre un programme sur pied ici et là. Il faut plutôt un changement historique, dirais-je. Il va falloir se poser de sérieuses questions de base. Qu'est-ce qu'on fait? Comment fait-on pour redistribuer la richesse?

Monsieur Brun, j'aimerais bien vous entendre là-dessus.

[Traduction]

Le président: En 25 mots ou moins.

[Français]

M. Armand Brun: Je viens d'entendre ce que vous avez dit et je suis pleinement d'accord avec vous que la création d'emploi n'est pas facile. Par exemple, au Nouveau-Brunswick, il y a quelques jours, on a vécu un événement. Une usine de transformation du sucre qui comptait 220 employés déménagera ses pénates à Montréal. Les gouvernements, celui du Nouveau-Brunswick comme celui du Québec, s'arrachaient ses emplois-là. Finalement, le gouvernement du Québec a payé 20 millions de dollars pour créer environ 40 emplois à Montréal. Pendant mon retour en avion, j'ai lu la revue Les Affaires. Dans l'éditorial, on disait qu'on avait dépensé beaucoup d'argent parce que l'usine allait être installée dans l'est de Montréal, qui, comme on le sait, est plus pauvre que l'autre côté, qu'il y avait beaucoup d'emplois qui avaient été perdus là et qu'il valait la peine de dépenser 20 millions de dollars pour créer 40 emplois, soit 500 000 $ par emploi. C'est exorbitant.

Au Nouveau-Brunswick, lorsqu'une compagnie veut s'établir dans la province, elle cherche les endroits où il y a moins d'emplois parce qu'il y a de la main-d'oeuvre. Lorsque vient s'établir une usine de textile qui paie le salaire minimum et offre de 50 à 100 emplois, les demandes d'emploi se chiffrent par milliers. Il y a des milliers de personnes qui se mettent en ligne pour décrocher un emploi. Donc, cela contredit un peu ce que monsieur a dit plus tôt, à savoir que les gens veulent rester sur le bien-être social.

• 1215

Ils sont prêts à travailler, même au salaire minimum. Ils se pénalisent dans certains cas parce qu'ils auront en fin de compte moins d'argent disponible en travaillant.

M. Stéphan Tremblay: Mais que fera le jeune qui n'a pas eu l'emploi? Ils font la file. Ils vont chercher de l'emploi, mais que feront ceux qui n'ont pas eu la chance de se trouver un emploi? Il faut quasiment parler de chance maintenant. Trouver un emploi, c'est quasiment gagner le gros lot dans certains secteurs. Faudra-t-il développer une idéologie voulant que l'État distribue des chèques sans qu'ils aient à travailler? On n'est quand même pas pour les laisser crever. C'est quand même la richesse collective.

M. Armand Brun: Les gens s'expatrient. C'est un phénomène qu'on voit chez nous. Ils vont travailler ailleurs. Il y a de l'emploi en Alberta et en Colombie-Britannique. Il y en a peut-être moins maintenant en Colombie-Britannique, mais en Alberta, il y a un boom. Il y a beaucoup de nos jeunes qui vont là pour travailler. Donc, il se produit une émigration, et c'est dommage. Même dans la circonscription de M. Dubé, dans le nord de Campbellton, l'année dernière, on a vu des entreprises entières déménager en Alberta parce qu'il y avait du travail là-bas et pas de travail chez nous.

M. Stéphan Tremblay: Ce n'est pas une solution à long terme.

M. Armand Brun: Ce n'est pas une solution à long terme, je le sais.

M. Stéphan Tremblay: Merci.

[Traduction]

Le président: Je donne d'abord la parole à M. Hardy, ensuite M. McCormick, et ensuite à Dana.

M. Bruce Hardy: On a consacré beaucoup d'énergie à des débats sur ce qui constitue le véritable seuil de pauvreté, à quel moment commence la véritable misère. On a aussi beaucoup parlé du nombre de personnes qui trichent en faisant appel à l'assistance sociale.

Abstraction faite de ces deux questions, il y a des Canadiens qui vivent dans la pauvreté, et cela est inacceptable. J'estime que les mesures destinées à faire sortir les enfants de la pauvreté ne coûtent pas grand-chose par rapport aux conséquences à long terme du maintien du statu quo en ce qui concerne ces enfants.

Tous les rapports statistiques que nous avons examinés indiquent que les enfants qui vivent dans la pauvreté réussissent moins bien à l'école, ont donc moins de possibilités professionnelles et font beaucoup plus appel au système de soins de santé au cours de leur vie. Ce sont des coûts qui peuvent atteindre des sommes considérables.

Nous avons fait un travail sur la santé des parents, où on dit qu'il s'agit simplement de consacrer un peu d'argent à la bonne alimentation, comme on la fait à Montréal, ce qui permet de réduire le nombre de naissances prématurées et aussi d'accroître le poids à la naissance. Grâce à un peu d'argent consacré à ces familles, ces enfants finissent par coûter peu de choses en dépenses médicales. Quand on a mis fin à ce programme pour économiser un peu d'argent, les coûts à long terme sont devenus astronomiques.

Alors, sans parler de raisons morales ou éthiques, on peut faire appel à un raisonnement économique: il en coûte beaucoup moins de dépenser pour les enfants que de régler le problème des adultes. Essayons d'accomplir quelque chose pour les enfants maintenant, et ces enfants auront à l'avenir de bien meilleures possibilités de travail, d'être en santé et d'apporter leur contribution à la société.

Le président: Monsieur McCormick.

M. Larry McCormick: Merci, monsieur le président.

Encore une fois, je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie d'être venus.

Comme l'a fait remarquer Bruce, tôt ou tard, il faut payer. Nous avons entendu cela à plusieurs reprises.

Je n'ai pas beaucoup d'expérience de la politique; cela fait quatre ans que je suis ici. On devient cynique et parfois on se pose la question: est-ce qu'il y a parmi les décideurs des personnes qui ont jamais travaillé, sans parler de la catégorie des pauvres qui travaillent, ou qui ont jamais eu une connaissance directe de l'assistance sociale? Je pense que cela discrédite le gouvernement.

Voici une de mes préoccupations... Ma circonscription est une région très rurale de l'Est de l'Ontario. À bien des égards, elle est comparable au Nouveau-Brunswick, au Québec et aux provinces de l'Est. Et je donne souvent mon appui à des programmes, parce que les gens souffrent de la situation.

J'ai même dit, comme je suis un peu cavalier, que ceux qui préparent ces statistiques... Et ceux d'entre vous qui connaissent bien nos régions rurales savent—je pense à Lorraine, entre autres mais je ne vous connais pas tous—que les travailleurs à faible revenu sont plutôt des assistés sociaux. Certains d'entre nous ont grandi de cette façon, sans le savoir, bien sûr.

• 1220

J'estime que vivre dans les régions rurales du Canada comporte certains avantages. Parfois les gens sont très experts dans l'utilisation des ressources naturelles pour survivre.

Il est certain que le gouvernement fédéral transfère de l'argent aux provinces, et que le gouvernement fédéral a trop réduit ses paiements. Cependant, il s'agit d'un financement global, et l'on s'inquiète beaucoup de la façon dont ces fonds sont dépensés par les provinces. À la suite du budget fédéral, ici en Ontario—et ce n'est pas que M. Harris ait des leçons à recevoir de nous—l'enseignement est à la mode, et certains diraient même qu'il est «sexy», et la santé, qui est si importante, est également à la mode. Les assistés sociaux et les travailleurs à faible revenu ne sont pas à la mode. Ces problèmes ne suscitent pas le même intérêt.

Donc j'aimerais savoir de vous, qui avez tant de connaissances, quelle est la prochaine mesure à prendre. Qu'est-ce que le gouvernement fédéral doit faire pour affecter les ressources voulues à ce problème de la façon la plus efficace? Je sais que la question n'est pas si simple, mais j'aimerais entendre vos points de vue, s'il vous plaît.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci.

Monsieur Brun.

M. Armand Brun: Brièvement, je pense que M. Martin a bien fait de souligner le problème des abus du régime. La question a été soulevée au début des années 80. Lorsque Monique Bégin a essayé de faire adopter la Loi canadienne sur la santé, tout le monde disait qu'il y avait de l'abus, et qu'il fallait faire des recherches et informer la population si elle voulait faire adopter la loi.

Lorsque les Canadiens ont appris qu'il y avait un taux d'abus de 4 p. 100 dans le domaine de la santé, ils ont dit que ce n'était pas si mal, parce que les propriétaires des dépanneurs vous diront que 4 p. 100 de leurs marchandises sont volées.

Donc, un taux de 4 p. 100, ce n'est pas de l'abus; c'est normal dans n'importe quelle société. Par conséquent, si nous pouvons convaincre les Canadiens que l'abus existe, mais qu'il n'y en a pas beaucoup, je pense qu'ils vont accepter de contribuer généreusement pour aider ces gens.

Donc il faudra soit augmenter les impôts, soit faire des compressions ailleurs afin d'affecter les transferts aux personnes pauvres.

Le président: Je vais donner la parole à Mme Brown. Je sais qu'elle n'a pas encore eu l'occasion de poser une question. Dana a quelque chose à dire, et moi aussi.

Mme Bonnie Brown: Merci beaucoup, monsieur le président, et je remercie tous nos témoins d'être venus.

Contrairement à notre très généreux président et à nos témoins très patients, je ne suis pas contente de savoir que notre comité est devenu une autre tribune pour la diffusion de la haine contre les pauvres.

J'ai même moins d'espoir aujourd'hui qu'il y aura un jour une diminution du nombre de pauvres, malgré la reprise économique. Je n'ai qu'à penser aux millions de dollars dépensés depuis 10 ou 15 ans par ceux qui ont intérêt à les dépenser, pour faire faire des études bidon par de soi-disant comités de sages pour essayer de faire accepter ces idées. Il y a aussi des éditeurs de journaux dont les clients sont justement ce faible pourcentage qui comprend les plus riches de la société.

Il me semble—et parfois vous avez probablement la même impression—que vous utilisez des lance-pierres pour lutter contre les armes nucléaires. C'est mon impression.

Je regrette que notre comité ait accepté de faire consigner au compte rendu des témoignages mal informés, mal fondés et anecdotiques, alors que nous avons parmi nous des gens qui savent de quoi ils parlent.

La raison pour laquelle je pense que nous aurons du mal à diminuer le nombre de pauvres, c'est qu'en plus de tous les problèmes qu'ils ont pour devenir indépendants, comme vous l'avez si bien dit, Dana, nous savons également qu'ils ont d'autres problèmes. Ce sont des gens à qui on donne l'impression—dans les journaux et dans les publications politiques—qu'ils sont devenus les ennemis de la population et de l'État, des êtres peut-être pas tout à fait humains. C'est l'image qui est véhiculée à leur sujet.

• 1225

Même si Libby est préoccupée parce que la prestation fiscale pour enfants vise les enfants, ceux d'entre nous qui étaient en faveur de cette initiative l'ont trouvée bonne. Nous savons que la population n'a aucune sympathie pour les pauvres, mais qu'elle accepterait peut-être d'aider les enfants pauvres. Heureusement, c'est toujours le cas.

L'argent va aux familles pauvres—les adultes et les enfants. On l'appelle «prestation fiscale pour enfants» pour contourner justement cette haine qui existe contre les adultes pauvres. Le nom du programme était un geste politique et stratégique.

Quoi qu'il en soit, je pense que les pauvres vont avoir plus de mal à s'en remettre parce qu'ils essaient de rebâtir leur amour-propre même au moment où les possibilités d'emploi se présentent. C'est ce qui se passe dans mon comté. Heureusement, il y a une base industrielle solide chez nous. Nous avons dû créer des programmes spéciaux pour aider les mères seules et les jeunes adultes qui étaient en chômage pendant la récession à croire qu'ils ont des talents à offrir. Nous avons dû mettre en place une série de programmes psychologiques pour rehausser leur amour-propre.

Une personne sans espoir a suivi un programme d'une semaine, et à la fin elle était extrêmement heureuse. Le mardi suivant elle a trouvé un emploi avec un salaire de 50 000 $ par an, mais 10 jours avant elle pensait n'avoir rien à offrir parce qu'elle avait été assistée sociale pendant deux ou trois ans. Les répercussions de cette haine se font sentir à long terme.

Je ne veux pas continuer à présenter mes théories. Je veux poser une question. Avec tous ses défauts, la prestation fiscale pour enfants—et je sais qu'elle n'est pas parfaite—a quand même réussi à affecter 1,7 milliard de dollars à ce groupe. La mise en oeuvre du programme illustre bien les problèmes qu'a le gouvernement fédéral à faire en sorte que les pauvres reçoivent l'argent.

Je suis de l'Ontario, et personnellement je ne veux pas donner un sou au gouvernement de Mike Harris, compte tenu des mesures cruelles qu'il a prises contre les pauvres—y compris la réduction du supplément pour l'alimentation des femmes enceintes. Ce gouvernement a été si brutal, si cruel, que je ne veux pas lui donner un sou.

J'aimerais poser la question suivante à chacun d'entre vous. Préférez-vous que le gouvernement fédéral, éventuellement grâce à un nouveau mécanisme, donne des fonds directement aux pauvres, ou qu'il continue à donner de l'argent aux gouvernements provinciaux? Je dois souligner que certains d'entre eux font un excellent travail, tandis que d'autres risquent d'utiliser les fonds destinés à la garde des enfants pour construire une route ou un port près d'une garderie. Ces provinces ne vont pas créer de nouvelles places en garderie ni embaucher de nouveaux animateurs.

Que préférez-vous? Est-ce que le gouvernement fédéral doit transférer les fonds directement, ou est-ce qu'il doit les donner aux provinces?

Le président: Bruce.

M. Bruce Hardy: J'ai félicité le gouvernement fédéral de son travail depuis quelques années, surtout ses efforts de collaboration avec les provinces. Je trouve qu'il est important qu'il n'y ait pas de rapport d'opposition entre les deux niveaux de gouvernement.

Mais, en même temps, je pense qu'il faut absolument que le gouvernement fédéral fixe des normes concernant les transferts fédéraux. Si les normes ne sont pas respectées, le gouvernement fédéral doit réévaluer la situation.

Mme Bonnie Brown: Nous avons renoncé à ce pouvoir il y a très longtemps. La meilleure façon de provoquer un tollé de la part des provinces contre le gouvernement fédéral serait d'essayer de réimposer ce genre de conditions.

J'ai abandonné cette idée. Nous avons essayé de contourner ce problème pendant quatre ans. Une des raisons pour lesquelles la prestation fiscale pour enfants a donné de bons résultats, c'est qu'on a transféré aux provinces une somme importante à laquelle elles ne s'attendaient pas; donc elles étaient très contentes.

Par conséquent, on dit maintenant qu'on a un bon rapport avec les provinces. Imaginez la réaction, pourtant, si on disait aux provinces qu'il y a un autre 100 millions ou un milliard de dollars, mais qu'il faut respecter des normes nationales. Il y aurait des protestations tumultueuses. C'est pourquoi je commence à penser qu'il vaudrait mieux que le gouvernement fédéral envoie le chèque directement aux personnes pauvres.

M. Bruce Hardy: Je ne pense pas que nous soyons en désaccord. Idéalement, j'aimerais que les provinces reconnaissent le rôle du gouvernement fédéral pour ce qui est des normes, entre autres. Si ce n'est pas possible, l'autre choix c'est le financement direct. Idéalement, j'aimerais que le gouvernement fédéral travaille directement avec les provinces. Il faudrait que les deux niveaux de gouvernement travaillent en étroite collaboration.

• 1230

Le président: Puis-je me permettre de faire une remarque? Bonnie a demandé à tous de faire un commentaire. Nous avons beaucoup de témoins aujourd'hui, et on commence à manquer de temps. M. Martin veut faire une remarque. J'ai l'impression—et ce n'est qu'une impression—que M. Tremblay va avoir quelque chose à dire au sujet des normes nationales. Moi aussi, même si je préside, j'ai quelque chose à dire.

Je vais donner à tous la possibilité de répondre brièvement à la question posée par Bonnie. Commençons là-bas, par la personne dont je n'arrive pas à lire le nom. Doris.

[Français]

Mme Doris Bernard: Je suis du même avis que Bruce. Il devrait y avoir une entente, si difficile soit-elle à réaliser, avec les provinces.

[Traduction]

Mme Lorraine Tardiff: Je pense qu'il serait préférable que le gouvernement fédéral envoie un chèque directement aux bénéficiaires.

M. David Northcott: Nous avons tout un défi à Winnipeg. J'aimerais beaucoup pouvoir exercer des pressions sur les provinces grâce aux normes nationales. Il y a beaucoup de mal qui est fait en ce moment.

Cependant, il faut que le gouvernement fédéral soit très prudent par rapport aux partenaires autres que les provinces. Par exemple, le secteur sans but lucratif et le secteur bénévole vont peut-être proposer de s'occuper de la prestation de beaucoup de programmes. Dans ces cas, vous pourriez profiter de ces partenariats pour établir des normes nationales.

M. Armand Brun: Les normes nationales pourraient être semblables à celles de la Loi canadienne sur la santé.

Le président: John et Steve cèdent leur tour. Dana.

Mme Dana Howe: À mon avis, il n'existe pas de solution simple à la pauvreté. Avant que les gens puissent devenir autonomes et se sentir valorisés, il faut répondre à leurs besoins essentiels. Il faut qu'ils aient un logement et puissent nourrir leur famille. Ensuite, ils doivent commencer à devenir autonomes.

Pour vous donner une réponse simple, compte tenu de la réduction du nombre de cas à Windsor et compte tenu du fait que les cas qui restent sont si difficiles, il faut donner à ces gens les outils dont ils ont besoin pour devenir indépendants. Entre-temps, il faut leur donner un revenu suffisant pour qu'ils puissent nourrir leur famille et ne pas créer, chez leurs enfants, une nouvelle génération ayant les mêmes problèmes.

Je pense que le fait de ne pas bien nourrir les enfants canadiens risque un jour d'entraîner leur destruction. Je crois aussi—et je dis cela en passant—que les politiques actuelles vont provoquer une recrudescence inouïe de la violence faite aux enfants dans l'avenir.

Le président: Merci. Olive.

Mme Olive Crane: Je ne vais peut-être pas répondre à la question, mais je vais parler d'un problème plus général.

Moi, je viens des Maritimes. Nous avons beaucoup de mal à composer avec la différence entre le chômage structurel et le chômage cyclique. Je comprends la dame qui a dit qu'elle était chanceuse, parce qu'il y a beaucoup d'emplois là-bas à l'heure actuelle dans le secteur industriel. Non seulement les enfants sont pauvres, mais aussi ils n'acquièrent pas les outils dont ils auront besoin pour occuper les emplois créés par l'économie du savoir.

À mon avis, nous devons nous concentrer sur les assistés sociaux et les travailleurs à faible revenu. Je crois qu'environ 50 p. 100 des assistés sociaux à l'Île-du-Prince-Édouard travaillent en effet au salaire minimum. Mais au fur et à mesure que ces emplois disparaissent totalement de l'économie, le plus grand défi est de nous assurer que les gens poursuivent leurs études jusqu'en 12e année, ou encore plus loin.

Donc, je vous lance ce défi.

Mme Bonnie Brown: Pourriez-vous vous concentrer sur l'affectation de fonds aux pauvres plutôt que sur les programmes dont ils ont besoin? C'est le «comment» qui nous intéresse.

Mme Helen Finucane: En Saskatchewan, notre gouvernement provincial a une conscience sociale, mais ce n'était pas toujours le cas. Il y a quelques années, nous avions un gouvernement qui se souciait peu des pauvres.

Si vous, les décideurs, dites que l'on ne peut pas faire confiance aux provinces, et je me rends compte que nous pourrions avoir un changement de régime en Saskatchewan et nous retrouver avec un gouvernement moins généreux, alors je dirais que le chèque doit venir du gouvernement fédéral.

Le président: D'accord, mais permettez-moi de faire quelques observations. Dans quelques instants, je dois m'absenter. De fait, je pense qu'il nous faudra lever la séance très bientôt, car nous avons très peu de temps.

Keith et Libby ont demandé la parole pour faire quelques commentaires, et moi, j'ai déjà dit que M. Tremblay voudrait faire des observations aussi, mais malheureusement je crois que nous n'avons pas le temps voulu pour élargir cette discussion.

• 1235

Toutefois, comme tous les autres ont eu l'occasion de faire quelques remarques, je voulais mentionner un problème. Je voudrais revenir sur la perception selon laquelle les pauvres profitent du système.

À mon avis, ce problème n'est pas nouveau. Au milieu des années 60, je travaillais dans des maisons d'entraide au centre-ville de Winnipeg, et même à cette époque les gens croyaient que les assistés sociaux profitaient du système. Vous connaissez tous les arguments—qu'ils prennent l'argent et achètent de l'alcool, etc. Ces vieux mythes n'ont pas beaucoup changé.

Au fur et à mesure que les gouvernements ont fait des compressions, et tous les gouvernements l'ont fait, y compris le nôtre, les gens ont pris l'habitude de descendre les victimes afin de justifier les compressions. Il faut diffamer les victimes. C'est facile à faire avec les pauvres, parce que tout le monde s'y lance avec joie. Nous avons fait la même chose avec les universités. Nous l'avons fait avec les hôpitaux. De nos jours, nous critiquons les hôpitaux et les infirmières constamment, mais ce n'est qu'un prétexte. Nous les diffamons afin de pouvoir justifier les compressions.

Mme Bonnie Brown: Pas nous. Ce sont les gouvernements des provinces qui font cela. C'est eux qui choisissent d'agir de cette façon.

Le président: Nous devons assumer une part de la responsabilité.

Il y a une autre chose qui m'intéresse. Je la mentionne tout simplement parce que David Northcott est avec nous. Plus tard dans ma vie professionnelle, j'ai travaillé dans le domaine de la protection de l'enfance, et c'est David qui m'a fait remarquer que la pauvreté a changé. Par exemple, les banques d'alimentation ont vu le jour. Avant 1981 ou 1982, il n'y avait pas de banques d'alimentation à Winnipeg, à l'exception d'une soupe populaire que l'Armée du salut tenait pour les alcooliques au centre-ville. Les banques d'alimentation ont vu le jour quand la récession très sévère a commencé, et elles n'ont pas disparu depuis cette époque.

David, je me souviens que vous m'avez présenté, non pas à une famille d'assistés sociaux coincés dans un cercle vicieux à cause de leur faible scolarité, et tout ça, mais plutôt à une jeune femme qui avait fait tous les bons choix. Elle avait terminé ses études, s'était mariée, avait élevé ses enfants à la maison, et tout d'un coup elle avait rompu avec son mari, avait divorcé, et elle n'avait rien. Elle a vécu le rêve canadien pendant toute sa vie, et tout d'un coup, elle a dû se présenter à la banque d'alimentation parce qu'il fallait des aliments pour nourrir ses enfants, et elle ne savait pas quoi faire. Au fur et à mesure que le filet de sécurité s'est défait, de plus en plus de gens sont entrés dans le système, et nous n'avons pas les mécanismes qu'il faut pour les sortir du système.

David, je vous donne quelques instants pour répondre, et ensuite, Keith, je vous donne la parole.

M. David Northcott: Merci beaucoup.

Vous avez parfaitement raison. Nous avons constaté l'émergence des «nouveaux pauvres», par manque d'une meilleure expression. Chose curieuse, la majorité des clients de la banque d'alimentation de Winnipeg ne sont pas des Autochtones, mais la majorité des gens pensent que tous les clients des banques d'alimentation sont des Autochtones qui ont des problèmes d'alcool et qui vivent sur la Main. Ce n'est pas ce que nous voyons. Nous avons vu beaucoup de familles éclatées. Nous avons vu des mises à pied. Il y avait un homme dans le stationnement qui avait trois enfants à l'université. Avant, il avait un bon emploi dans un hôpital, et maintenant il cherche un travail à temps partiel comme préposé dans une station-service. Il n'arrive pas à faire éduquer ses enfants. Nous avons trouvé cet homme, au début de la cinquantaine, en larmes dans le stationnement.

Nous voyons beaucoup de familles éclatées. Notre téléphoniste actuel s'est trouvé obligé de prendre une retraite anticipée. Il travaille chez nous comme bénévole, et nous lui donnons un panier d'aliments régulièrement.

Les choses ont changé énormément. Toutefois, un de nos défis, c'est de bien mesurer ces changements plutôt que de vous raconter des anecdotes, afin de pouvoir cerner le problème définitivement. Mais ces gens ne sont pas très enthousiastes à l'idée d'être sondés. Ils sont sondés constamment.

Le président: Oui.

Keith, John, et ensuite je vous donne la parole de nouveau. À ce moment-ci, il se peut que je lève la séance, à moins que les membres du comité ne protestent trop catégoriquement.

Oui, je vais vous donner la parole.

Mme Bonnie Brown:

[Note de la rédaction: Inaudible]

Le président: Écoutez, pouvez-vous vous calmer? Prendriez-vous une pilule, ou quelque chose? Seigneur, vous ne m'avez pas fichu la paix...

Keith.

M. Keith Martin: Merci, monsieur Alcock.

Vous avez donné deux exemples parfaits de gens qui souffrent beaucoup trop dans notre collectivité, et ce n'est pas du tout leur faute. Comment renforçons-nous le filet de sécurité sociale pour les gens qui en ont vraiment besoin? Comment est-ce que nous les aidons à acquérir les compétences nécessaires pour intégrer la société de nouveau?

Je voudrais vous poser quelques questions. D'abord, êtes-vous en faveur du travail obligatoire pour toucher l'aide sociale? Deuxièmement, croyez-vous qu'il faut offrir des encouragements pour inciter les gens à travailler? Certains acceptent des emplois minables, et en fait leur situation est pire qu'avant parce qu'ils n'ont pas de régime de soins de santé ni d'autres avantages. Donc, ils essaient de rester sur le bien-être social pour des raisons très pragmatiques.

Êtes-vous d'accord pour dire qu'il faut innover pour faire en sorte que ces gens puissent réintégrer le marché du travail et en même temps acquérir les compétences dont ils ont besoin pour décrocher un emploi, atteindre leur potentiel et gagner le respect de soi que donne le travail?

• 1240

Mme Dana Howe: À l'heure actuelle, notre agence se sert des garderies comme centres de travail et d'apprentissage pour les gens. Nous avons quelques mères très jeunes, et certaines ont même trois enfants, qui travaillent dans la garderie pour jusqu'à six mois. Elles travaillent quatre jours par semaine dans la garderie, et pendant la cinquième journée elles suivent des cours de préparation à la vie active.

Nous avons élaboré des modules de travail pour ces mères. Elles travaillent dans la cuisine avec le chef et elles apprennent la nutrition. Elles travaillent dans la salle de classe avec les enseignants et elles apprennent l'art d'être parent et comment éduquer les enfants. Elles travaillent avec le commis et elles apprennent comment gérer leur propre dossier personnel. Elles travaillent aussi avec le concierge pour apprendre comment nettoyer. Elles acquièrent des compétences qu'elles pourront utiliser dans le monde du travail.

Le premier groupe de 12 mères vient de finir, et nous avons réussi à les placer dans des emplois à temps partiel ou dans des cours de formation. Certaines ont décidé de retourner aux études à la suite de ce programme. Mais encore mieux, nous avons vu qu'elles sont beaucoup plus prêtes, beaucoup mieux préparées à élever leurs enfants, et elles comprennent beaucoup mieux les principes qui permettent d'élever les enfants sainement.

À mon sens, ce programme est certainement un très bon moyen d'aider les gens à acquérir les compétences nécessaires. Nous leur payons un supplément qui s'ajoute à l'aide sociale, mais la province récupère la moitié de ce qu'elles gagnent. Mais toutefois, elles font des progrès. Donc, il nous faut aider les gens en offrant la formation et l'appui dont ils ont besoin pour faire des progrès.

Le président: Merci, Dana.

John.

M. John Murphy: Merci, monsieur le président.

Quand j'écoutais nos délibérations, je me demandais comment le plan de travail du comité s'annonce pour les mois à venir. Peut-être pourriez-vous nous donner des précisions. Pourrions-nous vous aider pour tel ou tel élément de votre plan de travail? Pourrions-nous collaborer avec vous ou travailler en partenariat avec vous?

Je tiens également à vous dire que nous attendons avec impatience l'occasion de vous rencontrer de nouveau et de continuer notre dialogue sur ces questions. Si nous devons faire preuve de créativité, nous aurons à débattre davantage de certaines questions qui ont été soulevées aujourd'hui.

Le président: Permettez-moi de répondre très rapidement.

Le 11 juin, ce comité tiendra une table ronde sur les jeunes et la préparation à l'apprentissage. Comme on l'a déjà mentionné ici, les politiques divisent les gens: le gouvernement fédéral est responsable de certaines activités, tandis que la province est responsable pour d'autres. Dans certains domaines nous sommes en mesure d'agir, mais dans d'autres domaines, nous n'avons pas le droit d'entrer. Manifestement, il existe des besoins pendant cette période qui s'étend entre les soins prénataux et l'école. Ces besoins comportent la prévention de la criminalité, la santé maternelle et infantile, les garderies, etc.

Nous allons amorcer ce débat, mais je ne sais pas où cela va nous mener. Ce sera probablement la dernière tâche de ce comité avant le congé estival. Nous allons reprendre nos travaux vers la fin de septembre, une fois que le comité sera constitué. À la fin de septembre ou au début d'octobre, le comité se réunira pour la première fois. Cela va probablement être une réunion assez longue du comité directeur pour préparer le programme de travail pour l'automne. Le programme dépendra en partie de la Chambre et en partie de nos propres priorités.

Pendant la discussion, surtout quand nous parlions des jeunes, j'ai demandé à nos attachés de recherche d'entrer en contact avec les organisateurs de la table ronde sur les jeunes pour déterminer si un d'entre vous pourrait participer à cette table ronde et nous faire un exposé. Je ne peux pas répondre au nom du comité, mais, à la lumière de l'intérêt suscité lors de cette discussion, je soupçonne que nous allons vous inviter à revenir pour examiner plus en détail cette question de la façon dont... Très franchement, je suis un peu scandalisé par certaines informations ici, surtout les profils, par rapport à... Personnellement, je voudrais examiner cela de plus près. Il nous faudra voir ce que décidera le comité.

Le gouvernement a lancé un défi lors des dernières élections, et au fur et à mesure que le déficit diminue la question de nouveaux investissements refait surface. Nous sommes effectivement aux prises avec la décision quant à savoir où investir de nouveau. Cette question fera sans doute l'objet d'un bon débat pour ce groupe.

• 1245

Je vais m'arrêter là à cause du temps, mais j'aimerais aussi dire ceci: au plan personnel, j'utilise les renseignements du conseil depuis sa création, ou presque. Le conseil a été une des rares sources de renseignements d'ordre général qui permettent d'établir des comparaisons au Canada. Nous apprécions le travail que vous faites, nous apprécions les renseignements que vous contribuez, et j'espère que nous pourrons nous revoir cet automne.

Je sais que le groupe qui se réunit ici est gentil, et je suis sûr que Bonnie, qui présidera probablement la prochaine réunion, continuera dans la même veine.

M. John Murphy: J'ajouterai, monsieur le président, que le conseil, par le truchement de Joanne, va s'attaquer à la même question que vous le 11 juin. Elle pourra vous en dire un petit mot.

Mme Joanne Roulston: Bruce a mentionné le document intitulé «Parents en santé, bébés en santé», et nous prévoyons publier une série de rapports sur les enfants. Donc, d'ici à cet automne, nous espérons publier quelque chose sur les enfants d'âge préscolaire et examiner ces questions.

Le président: Seriez-vous prête à en parler dès le 11 juin?

Mme Joanne Roulston: Très probablement, oui.

M. Steve Kerstetter: Est-ce que vous êtes libres aujourd'hui?

Le président: Nous n'avons pas besoin de prendre de rendez-vous; les recherchistes communiqueront avec vous à ce sujet.

Keith, avez-vous une question sur la discussion?

M. Keith Martin: Je prendrai juste quelques instants pour vous annoncer que la motion portant sur le programme national Bon départ a été adoptée cette semaine.

Le président: Merci.

Libby, comme je lui ai permis de faire une déclaration, je vous donne 30 secondes.

Mme Libby Davies: Juste un petit mot sur les normes nationales, car c'est une question importante; je voulais signaler, car il faut le dire, qu'il ne faudrait pas faire des provinces des boucs émissaires, parce que les paiements de transfert ont été réduits de 7 milliards de dollars. Quant à savoir si le gouvernement fédéral devrait émettre un chèque directement ou s'il faudrait des normes nationales... Je crois qu'il nous faut des normes nationales, mais le gouvernement fédéral doit fournir des fonds. C'est tout ce que je voulais dire.

Le président: Il n'y a rien comme de vieilles politiques. Merci.

Mme Libby Davies: C'est une bonne politique.

M. John Murphy: Je voudrais vous remercier beaucoup de nous avoir invités. Notre groupe a hâte de revenir. Nous participerons à la table ronde le 11 juin, si possible. Nous avons le même objectif, nous sommes sur la même longueur d'onde, et nous communiquerons avec le président. Merci de votre invitation.

Le président: Merci.

La séance est levée.