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HRPD Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON HUMAN RESOURCES DEVELOPMENT AND THE STATUS OF PERSONS WITH DISABILITIES

COMITÉ PERMANENT DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES ET DE LA CONDITION DES PERSONNES HANDICAPÉES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 2 avril 1998

• 0907

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)): Mesdames et messieurs, bienvenue à ces audiences sur le projet de loi C-19.

Je souhaite la bienvenue ce matin aux représentants du Grain Services Union et de l'International Longshoremen's and Warehousemen's Union, au secrétaire-trésorier du Grain Workers Union, section locale 333, ainsi qu'au président de la section locale 514. Je donne la parole à celui d'entre vous que vous avez désigné comme premier interlocuteur.

M. Tom Dufresne (président, Section canadienne, International Longshoremen's and Warehousemen's Union): Bonjour, madame la vice-présidente et membres du comité.

Mon nom est Tom Dufresne. Je représente ici la section canadienne de l'ILW. Merci de me donner l'occasion de présenter aux membres du Comité permanent du développement des ressources humaines de la Chambre des communes cet exposé relatif au projet de loi C-19, Loi modifiant le Code canadien du travail (partie I).

Je suis particulièrement heureux de me joindre aujourd'hui à des collègues d'autres syndicats du secteur de la manutention des grains céréaliers. Tout d'abord, je vous présente M. Ronald Burton, secrétaire-trésorier et représentant commercial du Grain Workers Union, section locale 333. M. Burton vous présentera ses commentaires personnels après mon bref exposé. M. Hugh Wagner, quant à lui, est secrétaire général du Grain Services Union. Enfin, M. Doug Sigurdson, président de l'ILW Ship and Dock Foremen, section locale 514. Nos exposés seront suivis de discussions informatives et constructives avec les membres du comité.

Tout d'abord, je vais vous tracer un très bref portrait du syndicat que je représente ici. La section canadienne, autonome, fait partie de l'International Longshormen's and Warehousemen's Union (ILWU). Cette organisation internationale s'appuie sur une structure mutualiste où les parties égales entretiennent des relations de soutien et une idéologie commune.

La section canadienne comprend trois divisions, qui regroupent quelque 14 000 travailleurs dans les 4 provinces de l'ouest du Canada et en Ontario. Parmi celles-ci, la division des services du grain représente 3 000 employés de bureau et de silos, dans les provinces des Prairies. La division des employés de gros et détail compte 7 500 membres, et la division des débardeurs compte 3 500 membres répartis dans 14 sections locales de la côte de la Colombie-Britannique. Chaque section locale est autonome et transige avec les employeurs sans passer par la section canadienne.

• 0910

Nous prenons nos responsabilités très au sérieux et nous tentons de nous acquitter de nos tâches avec le plus d'efficacité possible.

Nous croyons en effet qu'il est dans l'intérêt de nos membres et de notre pays de promouvoir la qualité des services aux ports de Vancouver et de Prince Rupert, parmi les meilleurs au monde, et de favoriser ainsi la croissance économique et commerciale du Canada.

Comme vous le savez, le projet de loi C-19 est le produit d'années de discussions, de consultations et de compromis. L'ILWU est d'avis que le consensus qui a mené au projet de loi—dont nous attendons avec impatience l'adoption par la Chambre—renforce le Code canadien du travail.

Nous avons certes des réserves concernant quelques dispositions, entre autres celles qui concernent les avis de grève et les travailleurs suppléants, et nous croyons que certaines modifications permettraient d'améliorer la condition de nos membres. Mais nous avons participé au processus en toute bonne foi depuis le début, et nous savons que les concessions faites de part et d'autre permettront d'améliorer le Code canadien du travail. C'est pourquoi nous nous opposons à tout amendement et recommandons l'adoption rapide du projet de loi, tel qu'il a été présenté au comité.

Je vais recourir à une analogie tirée de notre expérience syndicale pour expliquer la nature de mes préoccupations. Si nous tentions d'adopter les recommandations une par une, ce serait comme si nous signions une convention collective seulement si un consensus avait été atteint sur chaque point. Dans de telles circonstances, jamais les négociateurs ne pourraient signer les conventions. Il faut toujours considérer un contrat comme étant un ensemble, et l'adopter comme tel. Il en est de même pour le projet de loi C-19. Si des modifications susceptibles de porter préjudice à nos membres sont apportées à des articles du projet actuel, nous serions forcés de retirer notre appui.

J'aimerais vous parler en particulier du paragraphe 87.7(1) portant sur les services aux bateaux grainiers; celui-ci prévoit la non-interruption du mouvement des grains en cas de grève ou de lock-out dans l'industrie côtière. Il est intéressant de constater que ce paragraphe reçoit l'assentiment des dirigeants syndicaux et de l'industrie, de même que celui du gouvernement et des Employeurs des transports et communications de régie fédérale (ETCOF). L'appui général de la part des deux parties, syndicale et patronale, découle de la reconnaissance du caractère unique de l'industrie céréalière.

À l'ILWU, nous n'avons jamais accepté que des conflits de travail puissent avoir des conséquences fâcheuses pour les fermiers céréaliers de l'ouest du Canada. Non seulement subissent-ils des retards dans les rentrées de fonds, mais ils doivent en outre payer les frais de surestaries, subir de plus longs cycles de rail, et prévoir la possibilité de pertes au chapitre des ventes de grains. Bref, les arrêts de travail sont désastreux dans ce domaine parce que les grains céréaliers sont des denrées périssables. Ils ne peuvent être empilés à l'avance par le vendeur ou l'acheteur s'il y a menace de grève ou de lock-out, comme c'est le cas pour d'autres marchandises comme le charbon, les produits de la forêt, la potasse ou le soufre. Les grains céréaliers sont à la base de l'alimentation de millions de consommateurs étrangers, qu'il faut approvisionner de façon continue et régulière.

L'exportation de grains céréaliers fait vivre 120 000 producteurs des Prairies—qui sont aussi des électeurs. Voilà pourquoi nous n'avons jamais interrompu le chargement des silos terminus malgré la fermeture des ports, et nous n'avons jamais non plus fait de piquet à ces endroits. Nous nous sommes toujours fait un point d'honneur de ne pas interrompre la circulation des grains.

Vous serez d'accord avec moi, le recours légitime au processus de négociation collective ne peut servir de prétexte pour prendre en otage les agriculteurs des Prairies. Un article du projet de loi C-19 donne une solution à ce problème, et nous lui donnons notre appui inconditionnel.

Madame la vice-présidente, je sais que le temps qui m'est accordé est limité, et mes collègues ont des points à ajouter. Je céderai donc la parole à M. Ronald Burton, du Grain Workers Union. Je serai heureux de répondre à vos questions durant la période prévue à cet effet.

M. Ron Burton (secrétaire-trésorier et représentant commercial, section locale 333, Grain Workers Union): Merci, Tom.

Madame la présidente, membres du comité, je suis secrétaire-trésorier et représentant commercial du Grain Workers Union (GWU). Je profite de l'occasion pour expliquer pourquoi le GWU appuie l'adoption immédiate du projet de loi C-19, sans changement.

Tout d'abord, je dois souligner que le GWU est mandaté pour représenter les employés de six silos céréaliers terminus, cinq à Vancouver et un à Prince Rupert, de même que le personnel de bureau de la Columbia Containers Limited et celui de l'Alberta Wheat Pool. Notre effectif comprend quelque 1 000 travailleurs et notre charte d'exploitation a été adoptée en 1951. Nos règlements reflètent la grande importance accordée au processus démocratique dans notre syndicat; ainsi, ce sont les membres qui prennent les décisions finales. Les revenus du syndicat proviennent uniquement des cotisations.

Nous avons travaillé avec acharnement pour faire valoir les intérêts de nos membres, et nous sommes très fiers d'avoir su conserver un excellent dossier des travailleurs du grain, avec très peu d'arrêts de travail.

• 0915

Si vous examinez nos réalisations, vous constaterez que nous n'avons jamais été à l'origine d'une grève des silos terminus. En 1991, en raison d'un lock-out, les travailleurs de Vancouver ont été inactifs pendant 5 jours, mais les travailleurs de Prince Rupert ont poursuivi leurs activités.

Puis, en 1992, alors que les employés de bureau de l'élévateur de l'Alberta Wheat Pool ont fait une grève de 23 jours, les opérations se sont poursuivies normalement dans tous les autres silos de Vancouver et de Prince Rupert.

Enfin, j'aimerais souligner que, entre 1975 et 1995, soit sur une période de 20 ans, la productivité a augmenté de 266,5 p. cent.

Il est évident que nous nous sommes comportés de façon responsable au cours des dernières années, et nous entendons conserver cette attitude tant et aussi longtemps que les règlements seront équitables envers les travailleurs.

Voilà pourquoi nous avons participé avec plaisir à l'élaboration du projet de loi C-19, Loi modifiant le Code canadien du travail, partie I. Nous appuyons sans réserve l'adoption du projet de loi tel quel, qui constitue l'aboutissement de longues négociations et de compromis entre les parties, soit nos membres, les électeurs, les gens d'affaires, les groupes communautaires, ainsi que les représentants du Parlement dont vous faites partie.

Nous considérons que, dans l'ensemble, il en résultera un Code amélioré—ce que nous souhaitons depuis des années—dont nous recommandons l'adoption sans modification.

Le Grain Workers Union n'est pas très visible, mais son rôle est crucial pour l'industrie céréalière de l'ouest du Canada. Auparavant, voilà plus d'une génération, les grains céréaliers voyageaient d'ouest en est au Canada, passant par Thunder Bay et la voie maritime avant d'être expédiés en Europe. La demande d'importation s'est peu à peu déplacée vers l'Asie, et les ports de Vancouver et de Prince Rupert ont pris une plus grande importance. Actuellement, plus de 60 p. cent des exportations de grains céréaliers et de graines oléagineuses transitent par ces 2 ports.

Les exportations de grains céréaliers à partir des ports de la côte Ouest s'élèvent maintenant à plus de 20 millions de tonnes, dont la valeur atteint les 5 milliards de dollars. Si l'on considère l'effet direct sur les 120 000 fermiers céréaliers des Prairies, les retombées économiques incommensurables et les effets multiplicateurs, de l'ordre de dizaines de milliards de dollars, non seulement dans l'Ouest mais dans tout le pays, on imagine facilement les problèmes qu'entraînerait un arrêt de travail dans les ports.

D'autres produits tels que la potasse, le soufre et le charbon comptent pour une bonne partie des activités portuaires, mais l'incidence sur la vie quotidienne est loin d'être aussi importante que dans le cas des activités liées aux grains céréaliers. C'est pourquoi nous appuyons l'ajout du paragraphe 87.7(1) au nouveau Code canadien du travail.

Nous n'avons pas pris cette décision à la légère. Elle va tout à fait dans le sens de notre appui continu à la révision du Code canadien du travail en vue de l'améliorer. C'est d'ailleurs pourquoi nous avons été parmi les premiers à participer aux travaux du groupe de travail Sims, et continuons d'y collaborer.

Nous en sommes arrivés à la conclusion que, bien qu'il ne soit pas parfait, le nouveau Code canadien du travail tel qu'amendé par le projet de loi C-19 constitue un compromis raisonnable compte tenu des intérêts de groupes divers et nombreux, et qu'il devrait être adopté tel quel par le Parlement.

Il reste à développer d'énormes possibilités de croissance dans le domaine des exportations de grains et de graines oléagineuses et de leurs dérivés vers les pays côtiers du Pacifique. Nous serons très heureux de jouer un rôle actif dans cette percée du Canada à l'étranger.

Je pourrai vous donner plus de détails durant la période de questions qui suit. Je passe maintenant la parole à Hugh Wagner, secrétaire général du Grain Services Union.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci.

M. Hugh Wagner (secrétaire, directeur commercial, Grain Services Union (GSU)): Merci, Ron, madame la vice-présidente, membres du comité.

Je vous remercie, comme l'ont fait mes camarades, de me donner l'occasion de présenter un exposé au comité eu égard au projet de loi C-19. Je suis particulièrement heureux que nous soyons réunis ici, une première pour les syndicats de l'industrie de la manutention et du transport des grains céréaliers de l'ouest du Canada.

Avant d'aborder le projet de loi C-19, j'aimerais vous tracer un portrait du Grain Services Union. Il représente des travailleurs des secteurs des services agricoles et de la manutention des grains.

Le premier syndicat fut fondé en 1936 par les employés du Saskatchewan Wheat Pool. L'un de leurs principaux objectifs était d'améliorer les conditions de travail des employés des silos de collecte.

• 0920

Notre bureau principal se trouve à Regina, en Saskatchewan, et un autre bureau affilié se trouve à Calgary. Nous représentons, selon la saison, environ 3 000 travailleurs des 3 provinces des Prairies et de la région de Peace River, en Colombie-Britannique. Les trois quarts de nos membres travaillent dans les silos de collecte et dans les centres de services, de même que dans les installations d'entretien et de manutention des grains. Les deux tiers de nos membres environ travaillent dans les silos de collecte et les installations ou services associés. Bien entendu, l'effectif connaît des fluctuations importantes en fonction de la saison. Mais le GSU représente au moins 50 % des travailleurs de silos de collecte et du secteur des services associés; par ailleurs, nos membres assurent la manutention de plus de la moitié des grains qui sont expédiés en majeure partie vers l'Ouest, mais aussi vers l'Est (jusqu'à Thunder Bay, puis par train vers Montréal).

Nous sommes affiliés à la section canadienne de l'ILWU, au Congrès du travail du Canada, ainsi qu'aux quatre fédérations provinciales de l'Ouest; nous sommes aussi membres du Conseil consultatif des transports de l'Ouest canadien, un organisme tripartite voué à l'examen des dossiers et à la négociation dans le domaine des transports.

Comme vous le savez, le projet de loi C-19 découle de plus de deux années de consultations entre le gouvernement fédéral et le Congrès canadien du travail et ses affiliés, ainsi que les employeurs de régie fédérale. Toutes les parties concernées ont travaillé en étroite collaboration pour élaborer les amendements proposés à la partie I du code régissant les relations de travail. Cette méthode fondée sur la consultation et le consensus a abouti à des réformes modestes mais qui reçoivent l'assentiment de la majorité. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'en donner le détail ici.

Comme mes collègues l'ont mentionné, le projet de loi C-19 ne contient pas tous les éléments que nous souhaiterions voir ajouter au Code canadien du travail, et bien entendu notre point de vue est biaisé. Toutefois, le consensus atteint entre les intéressés devrait être respecté. C'est ce climat de consensus qui renforce le processus de négociations collectives au sein des secteurs de la manutention et de la manutention des grains.

L'article 87.7 proposé, auquel ont fait référence mes camarades, protège les droits des manutentionnaires céréaliers et de leurs employeurs, dont nous faisons partie, de faire des revendications collectives sans intervention extérieure. Le principe de la non-interruption de la circulation des grains en cas de litiges entre des tiers de l'industrie reçoit, chose très rare, le soutien de la partie patronale et celui de la partie syndicale. En tant que vieux routier des négociations provinciales et fédérales visant l'amendement des codes du travail, je considère qu'il s'agit d'un progrès considérable.

Le GSU appuie le projet de loi C-19 et nous recommandons aux membres de la Chambre des communes aussi bien qu'à ceux du Sénat de l'adopter dans les meilleurs délais possible.

Depuis des années, de nombreux experts ont examiné l'incidence des conflits de travail sur la manutention des grains. Malgré toutes les délibérations qui ont eu lieu depuis l'ère de Frances Bairstow au milieu des années 80, le projet de loi C-19 constitue le premier pas réel vers la résolution des problèmes. Il m'est avis que les quelque 120 000 fermiers qui livrent leurs grains sont très enthousiastes par rapport à cet aspect du projet de loi.

Comme je l'ai déjà souligné, nous représentons les employés des silos de collecte des Prairies. Étant donné que nous entretenons des relations de travail très étroites avec les fermiers qui apportent leurs grains aux silos, nous connaissons bien leurs préoccupations relativement à la manutention, à l'entreposage et au transport des grains. De plus, notre syndicat étant associé à d'autres syndicats des domaines liés, nous connaissons les préoccupations des divers groupes de travailleurs. Nos relations avec les fermiers et les syndicats apparentés nous incitent à appuyer le projet de loi C-19 tel qu'il est proposé, et à recommander son adoption sans changement. Nous souhaitons obtenir votre soutien en ce sens.

Merci, madame la vice-présidente. Je sais que nos opinions ont été livrées très succinctement, mais je serai prêt à répondre à vos questions. Je passe maintenant la parole à mon camarade Doug Sigurdson, du Ship and Dock Foremen Union.

M. Doug Sigurdson (président, section locale 514, International Longshoremen's and Warehousemen's Union): Merci, Hugh.

Mon nom est Doug Sigurdson, et je suis président du Longshore Foremen's Union. Merci de me donner l'occasion, madame la vice-présente, de présenter cet exposé, et merci, membres du comité, de vous intéresser à son contenu.

• 0925

La Ship and Dock Foremen constitue l'agent négociateur certifié d'un groupe de travailleurs comprenant des contremaîtres, en mécanique, en électricité, de quai, des directeurs des exploitations, de même que des coordonnateurs. Notre syndicat, le Longshore Supervisory Unit, comprend 470 membres environ, et d'autres unités plus petites en comptent 40 environ.

Nos tâches sont très variées, mais nous avons tous en commun la responsabilité de superviser des débardeurs et divers sites côtiers en Colombie-Britannique. De plus, nous supervisons les travailleurs de plus petites unités de négociation.

Notre syndicat est né au sein d'une compagnie appelée Vancouver Wharves, en 1974, après que le Code canadien du travail a subi des modifications importantes. Auparavant, les superviseurs étaient considérés comme faisant partie du personnel de direction.

Le principal employeur de superviseurs est représenté par la Waterfront Foremen Employers Association, la WFEA. Celle-ci a été fondée en 1977, sous le nom de Waterfront Foremen Employer's Group. Elle fut rebaptisée quelques années plus tard. Il s'agit d'une association non accréditée.

La WFEA représente ses membres lors de négociations collectives, ou lors d'arbitrages, sur les questions touchant la sécurité, les pensions et les avantages sociaux. Chaque employeur reçoit l'accréditation du syndicat qui peut, le cas échéant, négocier des contrats individuels avec un employeur.

La section Ship and Dock Foremen de l'ILWU appuie intégralement le projet de loi C-19 tel que proposé. Il a été soumis à ce comité permanent après des milliers d'heures de travail de la part des employeurs, des politiciens et de leur personnel, des syndicats, des commissions et de leur personnel, de même que d'autres Canadiens intéressés. Toutes les parties ont fait des compromis considérables au début du processus d'élaboration du projet de loi C-66, le prédécesseur du projet de loi C-19.

Il serait dommage que le présent comité permanent balaie les efforts qu'ont faits les membres de la Commission Sims pour trouver des solutions acceptables pour toutes les parties. Toutes les parties visées ont fait montre de prudence. Des Canadiens ayant des opinions divergentes, des allégeances politiques et des croyances religieuses diverses, de même que des intérêts particuliers ont pu travailler de concert pour produire le document soumis à ce comité de la Chambre des communes.

Le projet proposé découlant de la consultation de groupes d'intérêt divers, il doit être analysé de façon globale. La perfection n'existe pas, et le projet de loi C-19 constitue un portrait très représentatif du monde du travail au Canada et, dans cette optique, notre syndicat lui donne son assentiment.

Le paragraphe 87.7(1) proposé suscite sans contredit le plus de controverses. Le paragraphe stipule la non-interruption de la circulation des produits céréaliers advenant une grève ou un lock-out des débardeurs ou des contremaîtres de la côte Ouest. Certaines associations, y compris le BSMEA et le WFEA, s'opposent à l'ajout du paragraphe 87.7(1) proposé, et ils viendront sûrement en expliquer les raisons devant ce comité.

Quant à nous, nous ne nous opposons pas à l'ajout du paragraphe 87.7(1), car nous sommes d'avis que l'arrêt de la circulation des grains dans les ports de la côte Ouest ne bénéficie pas à notre syndicat lors d'un litige. Nous pouvons faire entendre notre point de vue à nos employeurs sans interrompre la circulation des grains.

La circulation des grains dépend de milliers de personnes dans tout le pays. De ce fait, ce produit revêt des enjeux politiques très importants. Ceux qui ont des intérêts personnels exigent avec force l'adoption de lois stipulant le retour au travail quand survient un conflit sur la côte Ouest, et le gouvernement leur a donné gain de cause à maintes occasions.

Cette interférence de la part des élus a contribué à créer un climat de négociations qui est loin de favoriser des ententes faciles avec les débardeurs de la côte Ouest. Les employeurs ne négocient pas dans l'optique d'en arriver à une entente et proposent rarement des conditions susceptibles d'être admises par les syndicats. De leur côté, les syndiqués ne sont pas enclins à accepter les offres des employeurs, car ils se sentent toujours lésés. Nous avons été témoins de nombreux exemples de cela. Si les grains continuent d'être la pierre de touche des négociations sur la côte Ouest, la situation risque de perdurer. Les contremaîtres sont d'avis qu'il faut cesser de mettre les grains au centre des négociations pour que les parties cherchent ensemble des solutions satisfaisantes.

Comme il a déjà été mentionné, les grains céréaliers constituent une marchandise unique qui met en cause des milliers de personnes et génère des millions de dollars de profits et de taxes. On pourrait en dire autant pour d'autres produits, mais aucun n'a cette importance ni la même incidence sur les individus. Les grains céréaliers sont à la base de l'alimentation de millions de personnes, et l'interruption de leur circulation peut entraîner des effets désastreux.

Au contraire des systèmes de transport liés au charbon, que l'on empile la plupart du temps, au bois d'«uvre, à la pâte à papier, au sulfure, à la potasse et à la plupart des autres marchandises, le transport des grains céréaliers est très capricieux. En effet, les grains sont exposés aux infestations par les insectes si on les laisse dans les conteneurs ou les silos. En outre, les grains sont souvent contaminés par les excréments d'animaux si on les laisse sans surveillance et, dans ce cas, le coût des traitements est faramineux. Les rats, les chevreuils, les lapins, les pigeons peuvent se payer un festin et laisser leur signature. Nous ne sommes pas les seuls animaux qui mangeons des céréales...

• 0930

Bref, la section locale 514 est en faveur de l'adoption sans délai du projet de loi C-19. Nous nous opposons farouchement à toute forme d'arbitrage des propositions finales, utile uniquement quand des questions financières sont en jeu. Le processus de négociation est beaucoup trop fragile pour le soumettre à l'arbitrage des propositions finales, un système qui mène souvent, l'expérience le prouve, à des difficultés insolubles quand la fête est terminée.

Le projet de loi constitue à nos yeux un consensus raisonnable issu du travail acharné de toutes les parties. Nous demandons avec instance au comité de recommander l'adoption du projet de loi sans délai.

Merci de votre attention. Je répondrai à toutes vos questions qui sont de ma compétence.

J'ai joint au présent exposé l'historique—que je ne lirai pas ici—des négociations effectuées par la section locale 514 depuis sa création. Merci.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci beaucoup, messieurs. Il n'est pas fréquent en effet que les représentants de quatre syndicats fassent front commun pour faire la même recommandation, soit l'adoption sans délai du projet de loi.

Malheureusement, le temps accordé à votre groupe étant presque épuisé, je dois demander à mes collègues d'être très succincts dans la formulation de leurs questions. Je vous demande aussi de répondre le plus brièvement possible, car il reste seulement dix minutes et de nombreuses personnes ont des questions, j'en suis sûre.

Monsieur Johnston, tout d'abord.

M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.): Merci, madame la vice-présidente. Je vous remercie tous de nous avoir livré un exposé.

Je suis un fermier de l'Alberta et je suis très favorable au libre mouvement des grains d'une goulotte à l'autre—je crois que le terme est juste. Toutefois, des groupes prétendent que le maintien du chargement des grains permet de financer les arrêts de travail dans les ports. Autrement dit, des gens chargeront des grains et en tireront un revenu. Des membres de ce comité—M. Nault a soulevé ce point à plusieurs reprises—soutiennent qu'il faudrait éventuellement subir une grève prolongée avant la reprise des négociations.

J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet, s'il vous plaît.

M. Tom Dufresne: L'affirmation selon laquelle le chargement des grains contribue à maintenir à flots le restant de l'industrie du débardage sur la côte Ouest est une illusion. Moins de 10 p. cent des membres travaillent dans le secteur des services aux bateaux grainiers. Il est donc impossible que ces travailleurs—qui fournissent 10 p. cent des heures-personnes totales—génèrent suffisamment d'argent pour rétribuer le restant des travailleurs. Cela est tout simplement impossible.

De plus, l'ILWU ne possède pas de fonds de grève, et n'en a jamais eu. Nous croyons que l'article 87.7 proposé contribuera à diminuer les conflits et à instaurer un véritable processus de négociations collectives, sans que le gouvernement doive s'en mêler.

M. Dale Johnston: J'accorde sans hésitation mon appui à une méthode qui éviterait le recours aux lois de retour au travail. Je ne suis pas en faveur de celles-ci. J'ai toutefois voté en faveur de la dernière loi de retour au travail parce que je voulais que la circulation des grains reprenne et que les ports ouvrent de nouveau.

M. Tom Dufresne: Le projet de loi C-19 règle la question. Les deux ministres du Travail, soit Gagliano auparavant et MacAulay actuellement, de même que leur personnel, ont fait du très bon travail.

M. Dale Johnston: J'aimerais bien en discuter avec vous, mais je crois que nous n'avons pas le temps.

Des voix: Très bien, bravo!

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Monsieur Rocheleau.

[Français]

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Je voudrais vous faire remarquer, madame la présidente, que seulement deux des quatre mémoires sont en français.

Ma question va porter sur l'article 87.7 proposé. Je voudrais savoir comment, à titre de syndicalistes et de représentants de travailleurs, vous pouvez approuver sans réserve ce projet de loi. L'article 87.7 proposé est, bien sûr, favorable aux intérêts corporatifs, mais on sait que ce même projet de loi autorise l'embauche légale de briseurs de grève, de travailleurs suppléants comme vous dites. Comment pouvez-vous cautionner entièrement ce projet de loi-là en tant que syndicalistes? C'est là la principale réserve du Bloc québécois. Nous avons, et nous ne nous en cachons pas, un préjugé favorable envers les travailleurs. Comment pouvez-vous écrire que vous approuvez entièrement ce projet de loi?

• 0935

[Traduction]

M. Tom Dufresne: Nous comprenons l'inquiétude du Bloc et nous partageons votre point de vue sur le recours aux travailleurs suppléants—ou briseurs de grèves, comme on les appelle communément. Nous ne sommes pas en faveur de leur embauche par les employeurs ni de leur reconnaissance dans le projet de loi, mais ce dernier est un document global issu d'un compromis. Il a fait l'unanimité et, à ce titre, il a reçu l'appui du CTC, comme il en a témoigné la semaine dernière ici. Nous sommes d'avis que le projet est le meilleur compromis possible après toutes les audiences qui ont eu lieu, et nous lui donnons notre appui en tant que projet global. Mais nous ne donnons pas notre appui à l'embauche de travailleurs suppléants.

M. Ron Burton: Très franchement, c'est l'élément du projet de loi qui crée le plus de remous dans le mouvement syndical, comme vous l'avez remarqué. Nous nous attendions à ce que le gouvernement propose des solutions plus justes à ce problème.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci.

Monsieur Nault.

M. Robert D. Nault (Kenora—Rainy River, Lib.): Madame la vice-présidente, je vais poser une seule question, qui fait référence à d'autres exposés de la part d'autres producteurs. Essentiellement, ceux-ci estiment que l'ajout de l'article 87.7 entraînera des pertes financières substantielles en raison de grèves importantes. Maintenant que vous ne faites plus partie, en partie du moins, du tableau—de même que les grains—il n'y a plus de parapluie, car les négociations collectives seront obligatoires et des grèves prolongées auront lieu. Selon eux, cela est injuste envers les autres producteurs, etc.

Pouvez-vous me dire, en vous fiant à votre expérience, comment les choses se dérouleront sur la côte Ouest en ce qui a trait au processus de négociations collectives? Peut-on deviner l'avenir et voir ce que les gens...? Ceux qui prédisent un avenir sombre et difficile, et qui sont bien entendu contre l'article 87.7, suggèrent que telle sera la situation au cours de la prochaine année.

Je suis très curieux à ce sujet parce que, en tant que syndiqués de la côte Ouest, vous savez mieux que quiconque l'infime place qui a été faite aux négociations collectives au cours des dernières années. Et ce qu'on entend actuellement, c'est que l'article 87.7 ne fera qu'empirer la situation. J'aimerais entendre des propos rassurants de la part de syndicalistes comme vous à l'effet que le processus de négociations en tirera profit sur la côte Ouest.

M. Tom Dufresne: Oui. Nous nous sommes engagés à rendre le processus efficace. Au cours des 35 dernières années, nous avons toujours fait en sorte de ne pas empêcher la circulation des grains.

Quand Bryce Mackasey était ministre du Travail, dans les années 70, il a nationalisé l'industrie céréalière durant une journée afin de préserver la circulation des grains.

Nous pensons que ce processus réduira le nombre d'arrêts de travail et qu'il favorise de réelles négociations collectives. La majorité des arrêts de travail sur la côte Ouest ont été causés par des lock-out et non par des grèves. Le groupe Sims énonce dans son rapport que, pour une raison quelconque, les compagnies réussissent toujours à faire des grains l'élément clé ou le déclencheur pour forcer le gouvernement à se mêler du conflit.

Nous croyons qu'il y aura moins d'arrêts de travail et plus de négociations collectives réelles. L'ensemble du projet résulte des consultations qui ont eu lieu dans tout le pays. De nombreuses personnes y ont participé, et toutes les parties intéressées se sont entendues pour que l'entente permette la réduction des arrêts de travail.

M. Robert Nault: Merci.

M. Ron Burton: J'aimerais ajouter que le projet de loi ne peut qu'améliorer les relations de travail sur la côte Ouest. En 35 ans, nous avons signé un seul contrat sans intervention gouvernementale. Ce seul facteur est suffisant à mon avis pour vous convaincre d'adopter le projet de loi.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci, monsieur Nault.

Monsieur Martin.

M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Merci. Je sais que nous avons peu de temps, mais j'aimerais quand même dire à quel point je suis heureux d'entendre un exposé si sérieux et si bien préparé. Nous avons entendu des points de vue très éloignés, et il est intéressant de voir que les travailleurs ont adopté un ton et un point de vue qui semblent communs à tous ceux qui se battent dans le monde des relations de travail, soit la recherche d'un certain équilibre entre les parties sans qu'il faille nier les principes de base. J'ai trouvé l'exposé très instructif.

J'ai aussi remarqué que le groupe qui représentait l'alliance des fermiers hier est présent aujourd'hui. Il serait intéressant que les deux groupes, celui d'hier et celui d'aujourd'hui, puissent se parler. Les fermiers aimeraient sûrement connaître l'historique des négociations qui vous ont conduits aux prises de position actuelles.

• 0940

Si nous avons encore quelques minutes, j'aimerais qu'on examine certains mythes et malentendus qui sont associés aux récentes négociations, tout du moins celles de la dernière décennie. Par exemple, le type d'arrêts de travail que vous avez expérimentés, leur nature et leur issue. Je crois que ce serait une façon utile d'utiliser les dernières minutes qui nous restent.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Vous avez malheureusement épuisé les dernières minutes dans votre introduction. Nous pouvons peut-être entendre parler d'un mythe.

M. Ron Burton: J'ai avec moi un sommaire que je peux distribuer aux membres. On y indique que, depuis 1982, il y a eu 9 grèves et 2 lock-out, pour un total de 127 journées perdues. Parmi ceux-ci, 2 arrêts ont touché 2 silos, qui comptent pour 65 journées perdues parmi les 127 au total. Je crois que le total est de 127 journées de chômage en 16 ans, une performance remarquable.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci beaucoup.

M. Doug Sigurdson: J'aimerais ajouter très rapidement que notre section locale a été accréditée en 1974 et qu'elle participe depuis à des négociations. Depuis 1974, nous comptons 9 jours d'arrêt en tout. À notre avis, c'est une performance hors du commun.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci beaucoup.

M. Doug Sigurdson: Nous passons pour des fauteurs de troubles, une réputation que nous sommes loin de mériter.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci, monsieur Sigurdson, monsieur Burton, monsieur Dufresne et monsieur Wagner.

M. Hugh Wagner: Ce compromis représente à nos yeux la première occasion de trouver une solution réelle et faisable. Depuis 20 ans que nous nous battons pour cette cause, nous considérons cela comme une étape extrêmement positive.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci beaucoup. Je crois que les membres avaient peu de questions parce que vos exposés étaient très clairs et compréhensibles. Nous vous sommes très reconnaissants et vous remercions de votre présence.

Cette partie de la réunion est terminée.

M. Tom Dufresne: Madame la vice-présidente, j'aimerais souligner que des débardeurs de Halifax, de Montréal et de Vancouver sont présents ici afin de représenter l'ensemble des débardeurs canadiens. Merci.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): S'ils voulaient bien se lever, nous pourrions voir de vrais débardeurs. Merci beaucoup.

M. Tom Dufresne: Merci.

• 0945

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue aux représentants de l'Association des pilotes d'Air Canada. Ce matin, nous entendrons Jean-Marc Bélanger, capitaine, et Clyde Shaw, premier officier-pilote.

Messieurs, comme vous l'avez sûrement constaté, nous sommes en retard sur l'ordre du jour. Je vous demanderais de présenter sans tarder vos exposés. Merci.

[Français]

M. Jean-Marc Bélanger (commandant de bord, Association des pilotes d'Air Canada): Madame la présidente, membres du comités, mesdames, messieurs, merci de donner à l'Association des pilotes d'Air Canada l'occasion de faire cette présentation au sujet du projet de loi C-19.

J'aimerais, avant de commencer, signaler la présence de mes collègues de travail pilotes d'Air Canada qui ont pris de leur temps pour venir nous donner leur appui. Je les remercie de leur présence et j'aimerais leur demander de se lever pour qu'on puisse voir le nombre de pilotes qui sont venus nous appuyer aujourd'hui. Je vous remercie, messieurs, de votre présence.

[Traduction]

Je ne lirai pas l'exposé que vous avez en main. Je préfère parler le plus sincèrement possible. Toute l'information que je vous donnerai fait partie du document, mais j'aimerais aussi discuter de certains sujets de litige. En ce sens, ma présentation constitue un approfondissement de l'exposé écrit.

Je serai heureux de répondre à vos questions, dans les deux langues officielles.

Premièrement, je vais vous présenter notre association. Mon nom est Jean-Marc Bélanger. Je suis capitaine de DC-9 et je suis à l'emploi d'Air Canada depuis 19 ans. Mon collègue ici présent, M. Clyde Shaw, est premier officier-pilote de Boeing 767, et il travaille à Air Canada depuis 11 ans.

Nous ne sommes pas des spécialistes des relations de travail, non plus que des professionnels à l'emploi de notre association. Nous sommes des pilotes qui faisons du travail bénévole pour l'association. De temps en temps, nous revêtons notre uniforme bleu et nous effectuons des vols, selon un horaire régulier. Nous sommes des membres élus du bureau de notre association.

J'occupe le poste de président du bureau, soit l'officier principal du bureau national; M. Shaw, quant à lui, est représentant des pilotes de Toronto au même bureau national.

Qui représente l'Association des pilotes d'Air Canada? Nous représentons les 2 100 pilotes d'Air Canada qui travaillent sur les lignes principales. Nous avons formé une association distincte de l'ancienne association qui nous représentait jusqu'en 1995, en raison d'un conflit important entourant une proposition de fusion des listes d'ancienneté des pilotes, et parce que nous nous estimions mal représentés au sein de la structure de l'organisation. Nous sommes donc la seule organisation installée au Canada représentant des pilotes de ligne. Les autres organisations ont quitté le Canada et ont fusionné avec une organisation américaine installée à Washington.

Nous représentons fièrement les pilotes d'Air Canada. À mon avis, nos pilotes de ligne sont les plus qualifiés et les plus professionnels, de même que les plus productifs du monde.

Parlons maintenant de notre problème. Alors que nous voulions accorder une nouvelle accréditation à une unité de négociation en 1995-1996, nous n'avons pas... Honnêtement, nous devions former une nouvelle association en très peu de temps. Nous n'avons pas pu participer au groupe de travail Sims, mais nous comprenons la nécessité de revoir le Conseil canadien des relations du travail.

Nous désirons donner notre appui au projet de loi C-19, à condition que les deux amendements que nous vous avons soumis soient adoptés. Ils sont interreliés et concernent l'article 7 du projet de loi, relatif à l'article 18 du Code du travail. Les termes sont expliqués très clairement dans les documents que nous vous avons expédiés.

Le premier amendement concerne le processus de négociation en une étape proposé en cas de déclaration d'un employeur unique et d'acquisition ou de la fusion de deux compagnies. Le projet de loi stipule un processus en une étape qui, à notre avis, est impossible à gérer et qui annihilerait tout effort de négociation. On ne peut penser que différentes unités de négociations se joignent à un nouvel employeur à la table de négociation et essaient en même temps de résoudre des questions touchant la représentation des droits et la convention collective. Il faut résoudre la question de la représentation avant d'entamer les négociations et, si je peux me permettre, de façon démocratique plutôt qu'imposée.

• 0950

Le projet actuel laisse libre cours à des situations où le Conseil impose des unités de négociation à certains groupes. Ainsi, les membres de notre association devraient peut-être se joindre à une autre association contre leur volonté. Même si la majorité des pilotes se prononçaient pour rester membres de l'association, cela pourrait leur être interdit. Nous considérons que ce procédé est non démocratique et non équitable, et nous ne croyons pas qu'il profitera aux travailleurs ni à aux gestionnaires, pas plus qu'aux entreprises en général.

Le deuxième amendement touche la disposition relative à la fusion des listes d'ancienneté. Pour les pilotes de ligne, l'ancienneté est d'une extrême importance. C'est toute notre vie qui en dépend.

Les pilotes de ligne ne peuvent piloter qu'un seul type d'appareil. Si nous changeons de type d'appareil, nous devons suivre un stage de requalification qui peut durer trois ou quatre mois. C'est pourquoi nous volons selon les horaires et les routes qui sont affectés à un type particulier d'avion, selon nos qualifications. Nous travaillons sur des vols intérieurs ou transfrontières, ou encore sur des vols transpacifiques ou transocéaniques, sur de longues ou sur de courtes distances.

Le nombre d'années d'ancienneté à notre actif détermine le choix de nos vacances, la qualité de notre horaire, les congés de fin de semaine, et même notre lieu de résidence. Je suis Québécois et je préfère vivre à Montréal, où se trouve une base mais, si mon ancienneté n'est pas suffisante, on pourrait m'imposer de vivre à Vancouver, à Toronto ou à Winnipeg.

Mon numéro d'ancienneté détermine aussi les possibilités d'avancement à l'intérieur du système de grades de pilotes. Par exemple, il est très important pour nous de passer du statut de premier officier-pilote—copilote en fait—à celui de capitaine. Ce facteur a été si déterminant au cours des 60 dernières années dans le monde entier que, si un pilote professionnel est engagé par un transporteur, il commence au bas de la liste d'ancienneté. Il n'existe aucun autre pays au monde où un transporteur de ligne principale et de petits transporteurs régionaux ont une entente commune; ailleurs, les pilotes des transporteurs régionaux qui gravissent les échelons et deviennent pilotes de ligne se retrouvent au bas de la liste des pilotes de ligne. Il en est ainsi partout ailleurs dans le monde.

Je vais vous donner un exemple. Au Canada, si un pilote de Lignes aériennes Canadien régional passe à Canadien International, il se retrouve au bas de la liste d'ancienneté de ce dernier. Il en est de même pour les pilotes dÂAmerican Eagle qui passent à American Airlines, ainsi que pour ceux de United Express qui passent à United Airlines, ou pour ceux de Lufthansa CityLine qui passent à Lufthansa. En fait, s'il en était autrement, le Canada serait le seul pays du monde qui permettrait de telles pratiques.

C'est la même chose pour une personne qui était à l'emploi d'un autre transporteur ou qui faisait partie d'un autre corps de métier. Nos pilotes sont déjà très compétents quand ils sont engagés par Air Canada. Nous comptons parmi nos collègues des commandants de chasseurs CF-18. Il s'agit d'un poste qui exige des compétences très élevées au sein des forces aériennes. Quand ces pilotes décident de devenir pilotes de ligne, si Air Canada les engage, leur nom est inscrit au bas de la liste.

Un capitaine de gros-porteur à l'emploi d'une compagnie de charters qui décide de réorienter sa carrière pour venir à Air Canada se trouve aussi au bas de la liste. C'est ce qui m'est arrivé. C'est ce qui est arrivé à Clyde. C'est ce qui nous est tous arrivé depuis les 60 dernières années. Ce sont les règles du jeu, et nous acceptons de faire des sacrifices.

J'aimerais maintenant passer la parole à Clyde Shaw, qui pourra vous parler de l'importance du numéro d'ancienneté pour un pilote de ligne.

M. Clyde Shaw (premier officier-pilote, Association des pilotes d'Air Canada): Merci, madame la vice-présidente, Jean-Marc.

Quelle est l'importance de l'ancienneté pour moi? Toute ma vie j'ai rêvé d'être pilote d'Air Canada. Je travaille depuis l'âge de dix ans pour atteindre cet objectif. J'ai travaillé dur pour acquérir la formation et l'expérience suffisantes. Je suis pilote depuis douze ans, dont sept comme pilote régional—à titre de capitaine la plupart du temps—avant de devenir pilote pour Air Canada.

Une partie de l'entente signée avec Air Canada est que l'on oublie toute l'expérience acquise. Vous êtes engagé comme pilote débutant, et votre nom est inscrit au bas de la liste d'ancienneté, comme Jean-Marc l'a déjà expliqué... et les avantages futurs qui en découlent.

• 0955

Air Canada a transféré de nombreuses routes que nous avions l'habitude de parcourir. Vous en connaissez plusieurs pour les avoir empruntées: Sudbury, Val d'Or, Victoria, et 18 autres, qu'Air Canada a transférées aux transporteurs régionaux.

Le nombre de postes de pilotes diminuait à Air Canada, alors qu'il augmentait dans les compagnies régionales.

En 1993, j'ai été mis à pied en même temps que 243 autres pilotes d'Air Canada. Le climat de morosité était à son comble.

La situation s'est améliorée par la suite et, après deux ans, Air Canada m'a réembauché.

Si le projet de loi est adopté tel quel, les autres pilotes pourraient nous dépasser, moi et d'autres pilotes d'Air Canada, sans que nous puissions faire valoir nos droits. Cette situation serait injuste et entraînerait de l'animosité entre les pilotes de ligne et les pilotes régionaux qui seraient appelés à travailler ensemble dans le même poste de pilotage.

M. Jean-Marc Bélanger: J'aimerais conclure, madame la vice-présidente.

Il est important de souligner que la section principale d'Air Canada est en pleine expansion, ayant engagé 600 pilotes récemment.

Au début du processus d'embauche, on comptait 800 pilotes régionaux à l'emploi des 4 transporteurs régionaux. Parmi ceux-ci, 400 ont été embauchés par Air Canada en vertu des conditions de notre convention collective, c'est-à-dire que leur nom a été porté au bas de la liste d'ancienneté.

Ainsi, la moitié des pilotes régionaux ont fait la transition. Ils ont accepté les conditions. Certains sont avec nous aujourd'hui et peuvent en témoigner.

Beaucoup d'animosité règne et il y a menace de grève. Cette question capitale nous cause beaucoup de soucis. Je prédis que, si vous imposez la fusion de la liste d'ancienneté, la liste théorique—soit le papier qui indique que Clyde et moi pouvons voler ensemble—ne sera pas applicable en vertu de la loi ou des règlements de l'air.

Voyez-vous, nous sommes des pilotes professionnels et nous n'accepterons pas de diminuer la qualité ou la sécurité des vols. Parce que les pilotes veulent travailler ensemble dans un climat de détente qui favorise la compréhension mutuelle, ils n'accepteront pas cette situation. S'ils sont confrontés à d'éventuels problèmes de discipline ou de tension dans le poste de pilotage, ils refuseront de voler ensemble.

Il existera donc une belle liste théorique décrétant que deux personnes données peuvent travailler ensemble mais, dans les faits, si ces deux personnes ne peuvent s'entendre, elles n'accepteront pas de prendre les passagers en otage. Cela nous est tout simplement impossible. Nous ne pouvons pas travailler dans un environnement qui n'est pas sûr. Les règlements de l'air nous l'interdisent. Notre code de déontologie, nos obligations morales de capitaines de vol, et la responsabilité qui nous est impartie d'assurer la sécurité des passagers nous l'interdisent aussi.

Nous demandons donc, madame la vice-présidente, que soit abrogée la disposition du projet de loi autorisant le Conseil à imposer une fusion des listes d'ancienneté entre deux unités de négociation.

Merci. Nous sommes maintenant prêts à répondre aux questions.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci beaucoup. Vos propos ont été très clairs.

Je respecterai les souhaits du comité, mais je vous propose, comme nous sommes en retard, de faire comme la semaine passée et de permettre aux membres de poser leurs questions l'une après l'autre. Les témoins pourront répondre à toutes les questions en même temps.

M. Dale Johnston: Accordé.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Vous êtes d'accord. Bien. La première question sera posée par M. Johnston.

M. Dale Johnston: Merci beaucoup de vous être déplacés, messieurs.

Vous avez exprimé votre point de vue très clairement. Cependant, j'aimerais connaître les raisons qui poussent le gouvernement à se mêler d'un domaine qui semble être du ressort des syndicats, surtout en ce qui a trait à l'ancienneté.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci, monsieur Johnston.

Monsieur Rocheleau.

[Français]

M. Yves Rocheleau: Je voudrais poser une question sur un sujet qui est très délicat et très déchirant, d'après ce que j'en sais. Il est question, sur le plan de l'ancienneté, de fusionner ou de ne pas fusionner des listes d'employés. Appelons cela les deux extrêmes.

• 1000

Y a-t-il moyen de trouver une solution de compromis qui satisferait les deux groupes d'employés, qui ont une vie et une évolution à vivre sur le plan professionnel? Est-ce qu'il y a moyen de trouver une solution de compromis ou s'il faut avoir l'un ou l'autre?

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Nous en prenons note.

Monsieur Nault.

M. Robert Nault: Pourriez-vous expliquer plus clairement les raisons de votre opposition à l'article 7? Je crois comprendre que vous vous opposez surtout à l'alinéa 18.1(4)d) proposé, énoncé à la p. 13 du projet de loi de la façon suivante:

    «apporter les modifications qu'il estime nécessaires aux dispositions de la convention collective qui portent sur la date d'expiration ou les droits d'ancienneté ou à toute autre disposition de même nature».

Je comprends les raisons de votre opposition mais, si vous considérez la partie originale sur l'entente entre les parties, c'est très clair dans le paragraphe 18.1(2) proposé:

    «Dans le cas où, en vertu du paragraphe (1) ou des articles 35 ou 45, le Conseil révise la structure des unités de négociation:

    (a) il donne aux parties la possibilité de s'entendre, dans le délai qu'il juge raisonnable».

Plus loin, l'alinéa 18.1(2)b) stipule que «il peut rendre les ordonnances qu'il juge indiquées pour mettre en «uvre l'entente».

À mon sens, l'article 18.1 proposé alloue aux deux unités de négociation des délais raisonnables pour en venir à une entente sur leurs intentions. Mais si une telle entente ne survient pas, vous nous suggérez d'éliminer du Code toute possibilité donnée au Conseil de s'ingérer dans les questions touchant l'ancienneté.

Vous devez comprendre que la majeure partie des mésententes entre les unités de négociation concerne les droits d'ancienneté. Si les parties ne peuvent s'entendre entre elles, le Conseil peut avoir à prendre une décision. Évidemment, ce n'est pas l'idéal.

J'essaie de voir si je comprends bien la nature de votre demande. Pourquoi vous opposez-vous à cet article si, au début, il stipule que le Conseil vous alloue des délais raisonnables pour permettre aux unités de négociation d'en venir à une entente?

Vous soulevez une question très importante, et je suis très inquiet de savoir que les résultats ne seraient pas ceux que nous avons escomptés. J'aimerais obtenir des éclaircissements à ce sujet, madame la vice-présidente.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci.

Monsieur Bélanger, pouvez-vous répondre à la question de M. Johnston?

M. Jean-Marc Bélanger: J'aimerais vous expliquer les raisons qui poussent le gouvernement à agir ainsi, mais je crois malheureusement que vous devrez poser cette question aux représentants de la Chambre des communes. Je m'excuse.

[Français]

Monsieur Rocheleau, on a déjà fait d'énormes compromis. Le problème est que la solution est impossible si on va dans une direction contraire à celle qui est établie dans la pratique. Les problèmes sont très nombreux. Il y a déjà 400 pilotes sur les 800 qui ont accepté cet état de fait, et c'est ce qui se fait partout dans le monde. Lorsqu'on commence à envisager l'intégration des listes d'ancienneté des pilotes, que faisons-nous de nos 243 pilotes à nous qui ont perdu deux ans et demi d'ancienneté parce qu'ils ont été mis à pied?

À l'Association des pilotes d'Air Canada, nous avons négocié avec notre employeur des conditions de transfert des lignes régionales à la ligne principale qui sont nettement plus avantageuses que les conditions qui sont faites à quelqu'un qui arrive de chez Air Transat ou des Forces armées, par exemple. On a déjà fait cela. On a déjà fait le compromis et cela a été accepté par nos membres lors de la ratification d'une clause de la convention collective.

À nos pilotes régionaux, et il y en a déjà 400 qui l'ont accepté, on donne quatre années de service au plan de leur salaire, de leur régime de retraite et de leurs vacances. On a déjà fait cela. Cependant, ils sont au bas de notre liste d'ancienneté au moment où ils se joignent à nous.

Je vais vous donner un exemple. Jusqu'à tout récemment, un commandant de chasse de F-18 qui arrivait chez Air Canada commençait à 29 000 $ par année. C'est là qu'on commence chez Air Canada. En passant, dans certaines lignes régionales, le salaire de débutant est plus élevé que chez Air Canada. Un pilote régional qui fait la transition et arrive chez nous commence à 45 000 $ ou 50 000 $ par année. Il y a déjà une énorme différence. On essaie d'attirer chez nous les gens des lignes régionales. C'est la façon dont on a réagi à la nécessité d'être un peu plus flexible.

• 1005

Quand il y a des gens qui passent devant d'autres sur une liste d'ancienneté et que tous ces gens sont forcés de travailler de façon professionnelle côte à côte, c'est une situation difficile. Dans notre cas, c'est une situation qui ne peut pas se produire. C'est pour cela qu'il est maintenant reconnu partout dans le monde que, lorsqu'on commence, on est placé au bas de la liste d'ancienneté. J'espère avoir su répondre à votre question.

Donc, le compromis, on l'a déjà fait. On est allés très loin dans cette direction.

[Traduction]

Monsieur Nault, en ce qui a trait à l'atteinte de compromis, il n'existe nulle part dans le monde de jugement définitif relatif à l'ingérence dans les questions d'ancienneté. Certains arbitres ont prononcé des jugements mais, pour ce qui est du problème précis qui nous préoccupe aujourd'hui, c'est-à-dire le transfert entre un transporteur régional et un transporteur de ligne, il y a précédent. Le Canada est le seul pays où il est possible de passer d'un transporteur régional à un transporteur de ligne sans voir automatiquement son nom porté au bas de la liste. C'est tout simplement impossible ailleurs.

Parmi les raisons invoquées, comme je l'ai expliqué à M. Rocheleau, se trouve la durée du temps de service; des pilotes, dont certains travaillaient pour Air Canada, ont été mis à pied et, durant la période de congé, ont travaillé pour Air Ontario, par exemple. Le temps de service accumulé à Air Ontario ne leur permet pas de rattraper leurs confrères d'Air Canada qui ont accumulé plus de temps de service. Ils ont donc perdu deux années par rapport au système d'ancienneté d'Air Canada. Où ces pilotes seront-ils inscrits sur la liste d'ancienneté?

Quand nos 243 pilotes ont été mis à pied par Air Canada, les transporteurs régionaux ne voulaient pas les embaucher au début. En raison des coûts de formation nécessaire, comme je l'ai déjà expliqué. La formation exige du pilote trois ou quatre mois d'indisponibilité. Les transporteurs régionaux savaient que, s'ils engageaient un pilote mis à pied par Air Canada pour lui confier un avion à turbopropulseurs, ils devraient lui donner deux ou trois mois de formation, et que ce pilote retournerait à Air Canada si les choses allaient mieux. Les coûts de formation seraient donc perdus. Les transporteurs régionaux auraient préféré embaucher des pilotes qui ne venaient pas d'Air Canada.

Les transporteurs régionaux ont accepté d'engager des pilotes d'Air Canada seulement quand la direction de cette dernière est intervenue. Quelle position sur la liste d'ancienneté des transporteurs régionaux a été réservée à ces pilotes d'Air Canada? Ils se sont retrouvés au bas de la liste, comme vous l'avez sûrement deviné. S'il en est ainsi dans un sens, il doit en être de même dans l'autre.

M. Robert Nault: Merci.

Ma question ne concerne pas la particularité de votre liste d'ancienneté. J'ai moi-même travaillé dans le monde du transport ferroviaire et la liste d'ancienneté avait aussi ses particularités. Je veux savoir comment vous comptez arriver à vous entendre sur une convention collective distincte ou sur la fusion de deux conventions collectives si aucun mécanisme de négociation n'est prévu? Vous nous suggérez d'éliminer ce mécanisme du Code afin que le Conseil n'ait aucun droit d'ingérence sur cette question. Mais comment pourrait-on résoudre le problème? Vous vous retrouveriez sûrement devant le Conseil pour faire valoir votre point de vue quant au traitement de la liste d'ancienneté, après qu'il a été prouvé que vous ne pouvez arriver à une entente vous-mêmes.

Je vous pose la question suivante: si vous ne voulez pas que le Conseil s'en mêle, qui prendra une décision advenant le cas où vous en êtes incapables par vous-mêmes? Vos deux syndicats ont la possibilité de trouver un terrain d'entente quant au traitement de la liste d'ancienneté. Mais s'ils n'y arrivent pas, qui aura le soin de résoudre ce problème épineux si rien n'est prévu dans le Code à cet effet? Voilà ma question. Je ne connais pas la réponse parce que vous ne me l'avez pas encore dit. Du moins, vous ne l'avez pas exprimé devant ce comité.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Monsieur Shaw, pouvez-vous répondre à la question?

M. Clyde Shaw: La solution existe depuis que le Code du travail existe. Toutes les difficultés concernant l'ancienneté ont été résolues sans que le Conseil s'en mêle. À notre avis, en vertu du projet de loi, la partie qui a le plus à perdre aura tout intérêt à ne pas signer d'entente. Elle n'aura pas à participer au processus de négociation collective et s'en remettra au Conseil. Elle se déchargera de son problème en confiant au Conseil la tâche de résoudre la situation. Le projet de loi tel qu'il est rédigé actuellement donnera lieu à de telles situations.

Mais pis encore, le projet de loi commande au Conseil de tenter de régler les litiges liés à l'ancienneté entre les unités de négociation et l'employeur. Cela est impossible. L'ancienneté est traitée dans la convention collective, comme vous le savez déjà. Une partie négocie avec une autre partie les conditions de cette convention. Avant que les négociations commencent, l'unité de négociation doit déterminer qui rencontrera l'employeur pour négocier les conditions liées à l'ancienneté. Les coûts sont faramineux quand les conditions liées aux listes d'ancienneté sont changées—de l'ordre de 120 000 $, car il faut faire des modifications aux systèmes informatisés et de la formation. L'employeur doit donc absorber des coûts très élevés. C'est pourquoi les négociations sont serrées quand vient le temps de changer les dispositions relatives à l'ancienneté.

• 1010

Notre première inquiétude est que le Conseil nous impose une résolution non démocratique. Les trois parties ne pourront parvenir à une entente parce que celle qui est la plus désavantagée se tournera vers le Conseil. Celui-ci peut s'attendre à des audiences qui dureront deux ans. La nôtre dure depuis maintenant trois ans, je crois—deux ans et demi ou trois ans. Et aucun dénouement n'est en vue, parce qu'il n'y a eu aucun effort commun. Toutes les unités sont distinctes. Tous les pilotes travaillent pour des transporteurs distincts. Ils ont été engagés séparément en vertu de différentes listes d'ancienneté, et se retrouvent au bas de la liste de leur employeur. Ils ont travaillé pour diverses compagnies, y compris Canadien et PWQ, au cours des ans.

Pour répondre à votre question, je crois que cet article fera en sorte que la partie la plus désavantagée s'en remettra au Conseil pour régler les litiges.

La deuxième question relative aux unités de négociation est que quelque 90 p. cent des pilotes d'Air Canada sont en faveur de l'Association des pilotes d'Air Canada, et un très petit nombre... Pour ce qui est de la fusion des unités de négociation, vous devez vous rappeler que des 2 100 pilotes à l'emploi d'Air Canada, 750 seulement sont des pilotes régionaux. En principe, Air Canada serait désignée représentante à l'issue d'un vote sur la représentation. Toutefois, le Conseil pourrait renverser ce vote. Le projet de loi lui donne en effet le pouvoir de décréter que, même si les membres ne veulent pas d'un agent donné, cet agent les représentera malgré tout, et vous ne deviendrez pas l'agent pour cette unité de négociation. C'est le premier problème.

Le deuxième problème relatif à l'ancienneté surgit quand il y a fusion des compagnies. Je vais vous donner un exemple. Supposons qu'Air Canada et Canadien fusionnent leurs activités et procèdent à des rachats et font des promesses de rachat. Les parties devraient s'entendre sur les questions suivantes: la désignation d'un agent de négociation; la négociation avec l'employeur et la convention collective.

Le libellé actuel du projet de loi entrave le processus de négociation collective. Il sera impossible de convaincre nos employeurs de s'engager dans ce processus afin d'en venir à une entente. Nous n'aurons plus aucun pouvoir en ce sens.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci. Pouvez-vous répondre à la question de M. Martin, s'il vous plaît?

M. Pat Martin: Ai-je le temps?

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Vous n'avez pas déjà posé votre question?

M. Pat Martin: Non.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Oh, je suis désolée. Veuillez poser votre question maintenant, monsieur Martin.

M. Pat Martin: O.K.

Ma question porte sur votre convention collective. Elle doit bien comporter des clauses relatives au temps de service continu en tant que facteur déterminant pour toutes les questions liées à l'ancienneté, aux promotions ou aux vacances? Cette clause doit bien stipuler la reconnaissance des services passés en cas de fusion. Je suis sûre que de telles modalités ont déjà fait l'objet de négociations. Pourtant, vous prétendez que, si la cause est portée devant le Conseil, vous n'aurez aucun pouvoir de négociation.

Ma question est la suivante: la nouvelle composition du Conseil constitue-t-elle une amélioration à vos yeux? Il s'agirait d'un Conseil représentatif ou qui comprendrait un représentant des employés, un représentant de la direction et un président neutre. Est-ce que cette nouvelle composition du Conseil vous convient? Si l'affaire est portée devant le Conseil, pourriez-vous obtenir gain de cause?

M. Jean-Marc Bélanger: Non. La nouvelle composition du Conseil nous convient jusqu'à un certain point. C'est pourquoi nous donnons notre appui au projet de loi C-19. Mais nous ne sommes pas d'accord avec le fait que le Conseil soit habilité à prononcer des jugements d'arbitrage eu égard à l'ancienneté. Vous dites que la durée des services est reconnue quand il y a fusion, mais le temps de service n'est pas reconnu quand un employé passe d'un transporteur régional à un transporteur de ligne. Notre convention collective prévoit, comme toutes les conventions collectives des employés de transporteurs de ligne du monde entier, qu'un employé d'un transporteur correspondant ou d'apport qui est embauché par un transporteur de ligne est inscrit au bas de la liste d'ancienneté. Il en est ainsi actuellement, et c'est très bien.

M. Pat Martin: Les services passés ne sont pas reconnus.

M. Jean-Marc Bélanger: Non, malheureusement. En fait, ils sont reconnus d'une certaine façon. ... Comme je l'ai déjà expliqué, la convention collective comporte ces dispositions. Air Canada est le seul transporteur aérien du monde, et nous sommes le seul groupe de pilotes de ligne du monde, qui reconnaît les états de service auprès d'un transporteur régional, non pas pour l'ancienneté, mais pour la rémunération, les conditions de travail, l'octroi de vacances, etc.

M. Pat Martin: Les pilotes sont inscrits dans la structure des salaires.

M. Jean-Marc Bélanger: Non; leur nom est inscrit au bas de la liste. Mais la structure des salaires leur accorde un salaire plus élevé.

M. Pat Martin: C'est gentil.

M. Jean-Marc Bélanger: Si un pilote de chasseur F-18 est engagé et qu'un pilote d'Air Ontario a un numéro de moins que lui, leur salaire peut différer de 15 000 $ par année. Mais le pilote d'Air Ontario est derrière lui sur la liste d'ancienneté.

M. Pat Martin: Je comprends. Merci.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci beaucoup.

Monsieur Shaw.

• 1015

M. Clyde Shaw: L'article relatif à l'ancienneté dans notre convention collective est issu de négociations avec notre employeur. Nous avons dû délaisser beaucoup d'acquis avant d'en arriver aux termes stipulés. Entre autres, nous avons dû accepter la reconnaissance de quatre années de service des employés de transporteurs régionaux, les droits à pension, et ainsi de suite, leur accordant la préséance devant tout autre employé d'un autre type de transporteur, des forces armées ou nouvellement engagé par Air Canada.

Les termes sont très clairs. Ils énoncent tous les ordres du CCRT, tout achat ou toute fusion entre transporteurs. Ils sont énoncés en séquence au bas de la liste. C'est ce dont nous parlons en ce qui a trait aux négociations. Nous avons dû négocier ces termes avec l'employeur. Le processus a duré trois semaines. J'ai signé cet article de la convention collective et j'ai participé au processus. Il s'agissait d'une tentative de résolution du problème, une tentative de compromis. Depuis 1988, aucun compromis ni aucune habilitation n'a permis de résoudre le conflit. Le seul espoir de résolution est que, si une fusion des opérations est effectuée, l'employeur reconnaisse la nécessité de négocier avec l'unité de négociation.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Je vous remercie de nous avoir livré cet exposé. Je crois que vous avez su soulever l'intérêt de tous envers ce problème épineux, dont on entend parler depuis longtemps. Votre association est aux prises avec cette question depuis longtemps déjà. Maintenant, votre problème a des incidences sur notre projet de loi, et notre projet de loi a des incidences sur votre problème.

Je crois que la plupart des membres souhaitent poursuivre la discussion sur ce sujet afin d'en comprendre tous les tenants et aboutissants et de s'assurer que la solution proposée par le projet de loi est adéquate. Si elle ne l'est pas, ils proposeront peut-être des amendements. Je ne sais pas.

Je vous remercie encore une fois de nous avoir fait ces exposés, de vous être déplacés, et d'avoir amené des supporteurs.

M. Jean-Marc Bélanger: Merci, madame la vice-présidente.

• 1020

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): J'aimerais présenter des représentants de l'Université de Toronto, de la Port of Saint John Employers Association, ainsi que du Fraser Institute.

Je crois que nous entendrons tout d'abord le professeur Brian Langille, de l'Université de Toronto.

M. Brian Langille (professeur, Faculté de droit, Université de Toronto): Merci beaucoup. Je suis professeur de droit du travail à l'Université de Toronto. Je m'intéresse aux relations de travail non seulement à titre de professeur, mais aussi en tant que chercheur et qu'arbitre à temps partiel depuis 20 ans. Je suis très heureux d'avoir été invité à faire une présentation au comité et d'avoir ainsi l'occasion de vous faire part de mon opinion sur les amendements proposés au Code canadien du travail, partie I, eu égard aux négociations collectives dans le secteur fédéral.

Je connais bien les dispositions du Code du travail existant; je dois avouer toutefois que je les connaissais mieux voilà 20 ans quand, à ma sortie de l'université, j'ai occupé pendant un an le poste de conseiller juridique principal auprès du président du Conseil. J'ai lu le rapport Striking a New Balance: Review of Part I of the Canada Labour Code, mieux connu sous le nom de «Rapport du groupe de travail Sims». J'ai aussi examiné les dispositions du projet de loi C-19.

J'aimerais tout d'abord émettre des réserves, qui ne font pas partie de mes remarques écrites. Même une lecture attentive du projet de loi C-19 ne vaudra jamais son application quotidienne, qui sera le lot du nouveau Conseil du travail dans l'avenir. Des difficultés imprévues, des incohérences mineures et autres détails seront mis au jour, et peut-être devrons-nous dans 20 ans nous retrouver ici pour entreprendre une nouvelle réforme.

Ma deuxième réserve concerne ma compétence. Je vous parle d'un point de vue légal. On peut analyser l'incidence du projet de loi C-19 de bien des façons. Je possède pour ma part des compétences dans le domaine juridique, et je me limite à cette analyse. Mon analyse couvre trois aspects du processus de refonte en cours: le processus dans lequel s'inscrit la refonte; la refonte des institutions et la refonte des règles juridiques de fond. Mais avant de passer à ces éléments précis, j'aimerais énoncer quelques remarques générales quant à l'importance de la refonte du droit du travail pour la société canadienne moderne.

Le droit du travail comporte des lois visant à améliorer la société canadienne; il s'intéresse particulièrement aux activités productives de la population. En tant que Canadiens, notre objectif est d'améliorer le modèle de justice sociale, avec des valeurs libérales, démocratiques et, avec la compréhension particulière qu'en ont les Canadiens, dans une économie capitaliste ou de marché. S'il existe un corps de loi régissant la production qui puisse favoriser l'évolution d'un tel modèle de société, c'est bien le droit du travail. À mon sens, le droit du travail peut grandement nous aider à atteindre cet objectif.

La mondialisation et les malaises sociaux qu'elle entraîne sont les concepts définitoires de cette fin de siècle. Dans un monde où la plupart des facteurs de production—le capital, les idées, les services, les biens, etc.—sont très changeants, et où les révolutions et les communications dans le domaine de la technologie des transports sont très importantes, il est primordial que l'économie canadienne tienne compte du facteur de production plutôt immobile que constitue la main-d'«uvre. Il est de plus en plus évident que, dans le contexte de la mondialisation des marchés, la politique de l'État en matière de ressources humaines constitue un facteur déterminant pour le succès ou l'échec économique.

• 1025

Cette considération doit toutefois être modérée: les régimes de droit du travail sont inscrits dans des régimes de relations de travail, qui sont à leur tour inscrits dans des régimes économiques infiniment complexes.

L'application du capitalisme étant extrêmement variée d'un pays à l'autre, et devant la complexité des contextes sociaux, culturels et économiques dans lesquels sont enchâssés les régimes de droit du travail, il est très improbable qu'on assiste à l'émergence d'un modèle universel, unique de droit du travail ou de relations du travail.

Il est par ailleurs notoire que les réformes, par essence, participent d'un principe incrémental et progressif. La transplantation d'idées provenant de l'extérieur, bien que tentante, peut s'avérer contre-productive. En effet, ce qui apparaît en surface très simple constitue en fait une partie d'un tout beaucoup plus vaste, quasi organique.

Le système canadien de négociations collectives, tel que présenté dans le Code canadien du travail, en est arrivé à une phase de maturité. Ce système étant essentiellement axé sur la négociation, il est avant tout autoréglementé et possède des capacités intrinsèques d'auto-amélioration, d'évolution et de changement.

La partie I du Code ne contient pas de dispositions fermes relatives à l'emploi. Elle stipule plutôt le droit de recourir à un processus. Ce processus habilite les parties à déterminer le meilleur moyen d'intégrer les changements dus à la mondialisation et leurs conséquences dans le contexte canadien.

Cet élément est fondamental, à mon point de vue. Il n'en reste pas moins que le Code doit énoncer un processus équitable, de façon claire et précise.

Je crois que le projet de loi C-19 offre des solutions de refonte très intelligentes. Il est incrémental et progressif. Il propose des changements majeurs par l'entremise d'éclaircissements mineurs, d'améliorations modestes et de codification de cas de jurisprudence.

Je considère que l'exercice a permis d'affiner dans une large mesure les dispositions du Code. En ce sens, il est très opportun et très utile sur le plan de la révision de la loi. Il ne change pas—et c'est très bien ainsi—de façon radicale le processus déjà en place. Je doute de toute façon qu'un changement aussi radical soit possible. La refonte permet de mieux comprendre les fondements des règles du processus, ce qui est le rôle du Code.

L'application depuis des années de la version originale de la partie I du Code a permis de déceler une longue liste de problèmes mineurs qu'il fallait redresser. C'est ce que fait le projet de loi C-19. Je crois donc qu'il faut féliciter les artisans de la réforme, car ils ont livré un Code équilibré, précis et très pratique.

J'ajouterai une dernière remarque générale. L'un des avantages du métier de professeur de droit du travail est que l'on peut tout simplement se mettre dans la peau de la partie adverse pour vérifier une présomption. Je demande souvent à mes étudiants de le faire. Si l'un d'eux suggère par exemple qu'une disposition d'une telle loi est injuste pour les employés, pour les syndicats ou pour les employeurs, je lui demande de se poser la question suivante: Quelle serait ta réaction si la restriction ou l'habilitation en question était en faveur de la partie adverse? Le droit du travail doit toujours assurer l'équilibre entre les parties dans le système de négociations collectives. Je crois que, comme le souhaite le rapport Sims, le projet de loi C-19 assure un tel équilibre.

J'aimerais par ailleurs ajouter une brève remarque quant au processus de refonte, parce que je suppose que vous en avez entendu parler auparavant. Je suis sûr que d'autres interlocuteurs vous ont indiqué que le processus auquel a recouru le gouvernement fédéral est un contraste bienvenu en regard du processus de refonte unilatéral, qui fait fi de la consultation, en usage ailleurs au pays.

Comme je l'ai déjà mentionné, le régime de droit du travail fédéral est stable. Les employeurs et les syndicats constituent pour la plupart des organisations de grande taille, très bien structurées. Il en est de même au sein de DRHC, particulièrement à SFMC, qui sont confrontés quotidiennement aux conditions des relations de travail. Le processus utilisé par le groupe Sims a été très productif, et les résultats nous le prouvent.

Une petite note maintenant sur les institutions. Des aspects précis du projet de loi visent la refonte des institutions. En particulier, il prévoit la révision complète du Conseil canadien des relations du travail. Cette réforme est motivée et arrive tout à fait à point.

Depuis le début, il était notoire que la structure précédente du Conseil, qui ne faisait plus appel à la représentation tripartite, découlait d'une modification législative inadéquate. L'idée de donner de nouveau une structure tripartite au Conseil contribuera à mon avis à maintenir l'équilibre du droit du travail.

J'aimerais toutefois mettre un bémol. De concert avec d'autres interlocuteurs, je considère que la politisation de la gestion des relations du travail est extrêmement contre-productive. La compétence des membres nommés et la non-politisation du processus de nomination sont fondamentales.

Au Canada, nous avons eu la chance d'éviter en grande partie la politisation, qui est malheureusement monnaie courante dans le régime américain, pourtant semblable au nôtre. Il est essentiel que le nouveau Conseil continue dans le même sens—du moins, ce que l'on a pu observer jusqu'à tout récemment—afin de conserver cette grande qualité des relations du travail au Canada.

Je vais maintenant faire quelques commentaires sur l'essence de la loi. Bien entendu, je ne ferai pas une analyse de toute la loi, ni même de la majorité des dispositions. Comme je l'ai déjà mentionné, la plupart sont des éclaircissements et des améliorations, ou des codifications de jurisprudence.

L'article 29 donne des exemples relatifs au vote par des travailleurs suppléants, et le paragraphe 99(1) contient des exemples relatifs à des ordonnances correctives et à des cas de négociation. D'autres dispositions concernent simplement des règles existantes et en énoncent la forme légale.

D'autres amendements, dont ceux qui portent sur le processus d'arbitrage, sur les «saisons d'ouverture» des renégociations des conventions collectives existantes ou sur la durée d'une première convention imposée, constituent des ajustements mineurs au régime en place.

Je m'attarderai plutôt à deux amendements que je considère plus importants.

• 1030

Le premier est le paragraphe 94.(2.1). Il remplace la disposition relative aux travailleurs suppléants/antibriseurs de grèves. Je suis en faveur de l'ajout de ce paragraphe, car il constitue un élément essentiel du régime légal. D'une part, je suis d'avis que la nouvelle disposition n'ajoute rien à la loi. Elle interdit une pratique inéquitable en vertu des dispositions inéquitables du Code. Pourquoi accorder mon appui à cette disposition et non à une interdiction plus générale? Tout simplement parce que je crois qu'elle s'inscrit très bien dans l'ensemble des dispositions du Code canadien du travail.

Je fais référence surtout à l'article 29, codifiant la règle selon laquelle les travailleurs suppléants ne peuvent participer aux votes d'accréditation ou de révocation d'accréditation, et à l'article 87.6, codifiant les résultats des décisions de l'EPA, bien connus.

J'essaierai d'être bref. Le fondement légal—j'insiste sur le mot légal—de la question est que le recours à des travailleurs suppléants permet aux employeurs de contourner la loi. C'est ce qui arrive quand un employeur engage des travailleurs suppléants, attend la fin de la grève, et permet aux briseurs de grève de participer au vote de révocation de l'accréditation du syndicat. Ces travailleurs votent alors non pas contre le syndicat, mais pour avoir le droit de conserver leur emploi. Cette pratique est interdite par d'autres dispositions du Code canadien du travail, auxquelles j'ai déjà fait référence.

Le Code canadien du travail, au contraire d'autres codes en vigueur au pays, anticipe ce détournement. Ainsi, même si l'élargissement de la notion de travailleurs suppléants peut être justifié en vertu de principes non juridiques—je ne ferai aucun commentaire à cet égard—il n'est jamais justifié par les dispositions du Code. D'autres règles, dont le Code ne fait pas mention, doivent être considérées afin de juger si les lois du travail sont équitables pour ce qui est de la question des travailleurs suppléants.

Pour mieux comprendre cette question, on peut faire une comparaison avec une pratique parallèle à laquelle ont recours les syndicats. Il faut donc se «mettre dans la peau de l'autre», comme je le disais au début. Ainsi, on peut se demander quelle est la possibilité sur le plan juridique qu'un employeur embauche des travailleurs en sous-traitance en cas de grève. Par ailleurs, on peut aussi s'interroger sur la même possibilité qu'un syndicat embauche des employés en sous-traitance durant une grève? Il faut analyser ces deux questions sur un même pied afin de trouver un équilibre.

Une révision complète du Code exigerait l'abrogation de la jurisprudence actuelle stipulant que le refus de traverser un piquet de grève est un droit. Elle exigerait aussi de s'attaquer à la jurisprudence en common law relative au piquetage et au boycottage secondaires, parce que ces règles indiquent aux employés ou aux syndicats dans quelle mesure ils peuvent recourir à la sous-traitance pour les soutenir, de la même façon que la disposition sur les travailleurs suppléants indique aux employeurs dans quelle mesure ils peuvent y recourir pour obtenir du soutien. Il faut chercher un équilibre entre ces deux ensembles de règles.

Le Code ne tient pas compte—cela est impossible—de la jurisprudence en common law. Si c'était possible, je crois que le Code devrait permettre d'obtenir l'équilibre dont j'ai parlé.

Je termine mes remarques en abordant une autre disposition essentielle, soit le paragraphe 99(1). Celui-ci habilite le Conseil à accréditer un syndicat en cas de pratiques de travail inéquitables et graves de la part de l'employeur. Il s'agit d'un ajout nécessaire au régime mis en «uvre par le Code canadien du travail. Cette disposition doit se trouver dans le Code. C'est un rempart qui protège le libre-arbitre des employés, reconnu par le Code.

Nombreux sont ceux qui se méprennent quant au sens de cette disposition, et y voient un empêchement à l'expression du libre-arbitre des employés, et non une protection. Cette conception est profondément erronée, et j'appuie sur le terme erronée. Le paragraphe 99(1) est la meilleure version de cette disposition qui existe actuellement au Canada. Elle formule précisément la condition cruciale en cause: «N'eût été de l'ingérence de l'employeur, les employés auraient voté en faveur du syndicat.» Cette disposition est explicitement liée au respect du choix des employés quand celui-ci est violé ou entravé par l'intervention d'un employeur. Les objections à cette disposition fondée sur la supposition qu'elle entrave le libre choix des employés sont des méprises.

Cette réforme vient juste à point et fournit une solution adéquate à un problème ancien.

En conclusion, je crois qu'il faut considérer l'ensemble des réformes comme étant sensées, opportunes et équilibrées. Je serai très heureux de répondre à vos questions sur les considérations que j'ai formulées ici, ou sur toute autre question dont je n'ai pas pu parler. Je ne prétends pas toutefois pouvoir répondre à toutes les questions. Merci.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci, professeur.

Passons maintenant au porte-parole de la Port of Saint John Employers Association.

[Français]

M. Joseph Day (conseiller juridique, Port of Saint John Employers Association): Merci, madame la présidente. On est de la belle ville de Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Mon nom est Joseph Day. J'occupe le poste de conseiller juridique interne pour le groupe J.D. Irving de Saint John, l'un des utilisateurs du port. Je suis accompagné de M. John King, président de l'Employers Association for the Port of Saint John, et de M. Lorne DeGaust, vice-président et directeur général de l'Employers Association for the Port of Saint John.

• 1035

M. King vous présentera un exposé et chacun de nous pourra répondre à vos questions. L'histoire de notre association est très intéressante, à mon avis; nous traiterons de quelques questions qui nous préoccupent.

Monsieur King.

M. John King (président du Conseil, Port of Saint John Employers Association): Merci, Joe. Bonjour.

La Port of Saint John Employers Association est très heureuse d'avoir l'occasion de présenter son point de vue concernant le projet de loi C-19.

Comme Joe vous l'a déjà annoncé, mon nom est John King et je suis président du Conseil de l'association. Je suis directeur général de la Courtenay Stevedoring Inc., l'une des entreprises d'arrimage du port de Saint John.

Je suis accompagné de Lorne DeGaust, vice-président et directeur général de l'association.

En novembre 1996, le Conseil canadien des relations du travail a accrédité notre association en tant que représentante patronale des compagnies d'arrimage du port de Saint John. Nous avons remplacé la Maritime Employers Association, qui avait fait office de représentante patronale pendant de nombreuses années pour notre port.

En tant que représentant patronal, nous avons la tâche de négocier et d'administrer les contrats de travail signés avec les trois sections locales de l'International Longshoremen's Association auxquelles sont affiliés les travailleurs du port. Conjointement avec les travailleurs, nous administrons les régimes de pensions et d'avantages sociaux accordés aux débardeurs. Nous avons aussi la charge de répartir la main-d'«uvre.

L'association comprend dix compagnies membres qui «uvrent dans les domaines de l'arrimage, de l'exploitation des navires et des agences. Elle engage cinq employés à temps plein et est administrée par un conseil formé de représentants des compagnies membres.

On compte environ 350 employés dans le secteur de l'arrimage au port de Saint John, dont 220 environ sont membres des trois sections locales de l'ILA.

Le port de Saint John est le deuxième plus important au Canada; plus de 21 millions de tonnes de marchandises y ont été manipulées en 1997. C'est le plus grand port de l'est du Canada sur le plan des tonnes de marchandises manipulées. Les opérations sont divisées selon trois champs d'activités: le pétrole; les marchandises en vrac—notamment la potasse, le sucre et le sel—et les marchandises diverses, principalement des produits de la forêt. Le pétrole compte pour 86 p. cent du tonnage; il s'agit en majeure partie de pétrole brut à l'arrivée par bouée de chargement, ou de produits au départ d'un terminal privé dans la baie de Courtenay.

La vaste majorité des emplois offerts au port sont liés à la manutention des 3 millions de tonnes restantes. À peine 1,3 million de tonne justifie le plus grand nombre d'emplois, soit dans le service aux conteneurs ou la manutention des marchandises diverses.

Ce qu'il faut retenir de tout cela, c'est que les marchandises qui permettent de payer la plupart des factures représentent un peu plus de 1 million de tonnes, et que nous devons travailler très dur pour chaque livre.

Mais quel est le rapport avec les relations de travail et le projet de loi C-19? Il est très étroit en fait. Jusqu'à tout récemment, le portrait des relations de travail dans notre port était le même que dans tous les ports de l'est du Canada, et que dans ceux de l'ouest je crois: engoncées dans un carcan d'hostilité, d'opposition et de confrontation, elles étaient extrêmement difficiles depuis les années 60 et 70.

J'aimerais vous dire que nous avons pu régler les problèmes à cause de notre gestion et de notre leadership éclairés, mais ce ne serait pas tout à fait vrai. Nous nous dirigeons vers des relations plus positives avec les employés et les syndicats parce que nous avons reconnu que nous ne pouvons espérer de croissance de l'entreprise si nous continuons à nous battre entre nous et contre les employés. Nous ne pouvons simplement plus nous le permettre dans ce contexte de mondialisation et de concurrence féroce qui rend notre pouvoir bien restreint et nos activités commerciales très instables.

Comme l'un des fondateurs des États-Unis l'a justement fait remarquer durant la révolution, «Il faut nous tenir ensemble ou ils se chargeront de nous faire tenir séparément sur des poteaux!».

La concurrence ne s'exerce pas seulement avec les autres ports, mais aussi avec les autres moyens de transport et les marchés changeants pour nos clients, soit les expéditeurs. Par exemple, le fabricant de papier journal de Saint John, voilà à peine une décennie, expédiait les deux tiers de sa production à partir de nos quais. C'est maintenant moins d'un tiers qui voyage ainsi. L'autre tiers transite maintenant par voie de terre vers les États-Unis.

De quelle façon les choses ont-elles changé en ce qui a trait aux relations de travail? Je vais vous donner des exemples.

• 1040

À la fin de 1995, avant la création de notre groupe mais après le début du processus au cours duquel nous avons quitté l'AEM (Association des employeurs maritimes), nous avons négocié une entente d'une durée de trois ans avec la section locale de l'Association internationale des débardeurs(AID)avant d'avoir étudié l'ancienne entente. Je vous entends déjà dire, et puis après; cela arrive tous les jours. Peut-être, mais pas dans notre industrie. À notre connaissance, cela ne s'est jamais produit dans un port canadien où il y avait une accréditation géographique. Depuis ce temps, nous avons mis en place un programme d'aide aux employés et des programmes de formation pour l'obtention du diplôme d'études secondaires, nous avons rencontré régulièrement les dirigeants syndicaux et nous avons constaté que les relations de travail étaient généralement meilleures. Est-ce que cela signifie que le nouveau millénaire est arrivé? Malheureusement pas. Cela signifie toutefois que nous nous engageons dans une nouvelle direction, une direction qui, nous le croyons, sera bénéfique pour nos entreprises et nos employés. C'est dans cette perspective que nous parlons de ce projet de loi.

Laissez-moi d'abord vous dire que nous sommes en faveur de la majorité des dispositions contenues dans le présent projet de loi. Nous croyons que, dans son ensemble, il offre un contexte plus propice à la promotion de meilleures relations de travail dans le secteur fédéral. Nous sommes particulièrement heureux de constater la place accrue accordée à la résolution, sans intervention, des différends entre les parties. Il est arrivé trop souvent dans le passé que les parties négociaient plus pour obtenir un rapport positif de la part du conciliateur que pour en arriver à une entente.

Il y a cependant des aspects de cette loi avec lesquels nous ne sommes pas d'accord, dont les clauses portant sur les briseurs de grève et le partage avec les syndicats des informations relatives aux employés à domicile. Nous aimerions qu'elles soient modifiées, mais nous pouvons tout de même nous adapter. On a sûrement abordé ce sujet au cours des autres exposés.

Il y a cependant deux clauses qui nous posent problème, des problèmes pratiques et des problèmes philosophiques. Il s'agit des clauses relatives à la manutention des grains et aux contrats de service successifs. Il n'y a presque plus de manutention de grains au port de Saint John; toutefois, on prévoit en 1998-1999 la construction d'un nouveau terminal pour le transport en vrac, ce qui pourrait amener une augmentation de la manutention des grains. Nous croyons cependant que l'accord de considération spéciale pour un type de marchandise constitue un précédent dangereux qui peut entraîner la discorde.

Comme vous le savez, tel que le définit le Conseil canadien des relations de travail, le débardage est la seule industrie au Canada à devoir avoir des associations patronales dans les ports. Cette mesure a été mise en place en partie pour que les employeurs ayant accès au même bassin de main-d'oeuvre agissent de concert. Vous pouvez comprendre les difficultés que cela soulève lorsque des concurrents doivent s'associer et agir selon les intérêts mutuels. Dans les ports possédant une accréditation géographique, on a cependant obtenu un certain succès avec cette mesure. Le succès est en partie attribuable au fait que nous avons réalisé que nous sommes tous dans la même galère et que, jusqu'à un certain point, nous allons réussir ou échouer ensemble.

Le fait est que nous avons besoin de main-d'oeuvre pour charger et décharger les navires et que les exigences du contrat s'appliquent à tout le monde. Les clauses relatives au débardage dans la loi actuelle, bien qu'elles ne soient pas parfaites, ont contribué à la paix sociale qui existe sur les quais de la plupart de nos ports d'importance. Toute disposition qui rendrait obligatoire, dans le cadre d'un conflit de travail, la manutention de certains produits, mais pas de certains autres, ne servira qu'à diviser les associations patronales, rendant ainsi la structure actuelle insoutenable. L'alignement fondamental des intérêts des employeurs sera alors détruit, ce qui entraînera le déclin inévitable de la fonctionnalité des associations.

Nous suggérons fortement que la question de l'intérêt national, surtout en ce qui concerne la circulation continue des grains, soit abordée de façon différente si l'on veut préserver le principe de l'égalité du traitement selon la loi. Selon nous, la loi actuelle offre suffisamment de recours, dont la nomination d'un médiateur et l'ultime sanction de la loi sur le retour au travail.

Les dispositions du projet de loi C-19 portant sur les contrats de service successifs nous préoccupent aussi, pas nécessairement à cause de leur portée actuelle—nous nous y opposons cependant d'un point de vue philosophique—mais plutôt à cause du précédent qui est établi dans ce que nous croyons être une expansion inévitable. Il faut aussi mentionner qu'à Saint John, au moins, on parle de fusionner les administrations du port et de l'aéroport pour en faire une autorité de transport unifiée. Comme nous devons déjà nous conformer à l'accréditation géographique, nos préoccupations ne portent pas sur les activités de débardage qui sont au coeur de notre industrie, pas plus que nous voyons cette question comme un moyen rétrograde de faire baisser les salaires.

• 1045

Nous nous demandons cependant si nos dockers contractuels auront accès aux services accessoires dont ils ont besoin durant les opérations de débardage qui ont lieu dans des conditions de concurrence normale. La protection contre les incendies, la sécurité, le déneigement, la construction, la réparation des routes, le traitement des données, la réparation des équipements, etc. sont au nombre des services accessoires.

Comme je l'ai déjà mentionné, nous vivons dans un environnement très concurrentiel. Toute restriction réduisant notre capacité d'obtenir des produits et services de façon concurrentielle influera fortement sur notre capacité de faire face à la concurrence, la possibilité de croissance de notre entreprise et notre capacité de fournir de l'emploi à tous nos travailleurs. Les dispositions de cet article, si elles sont mises en application comme nous le craignons, viendraient ajouter aux coûts de main-d'oeuvre de ces services accessoires. L'incidence sur notre capacité de pouvoir pleinement faire concurrence est évidente. Nous demandons donc avec insistance l'élimination de cette disposition.

L'objectif de l'Association des employeurs du port de Saint John est simple: offrir un environnement dans lequel nos membres pourront développer leurs entreprises respectives et où nos employés auront accès à des emplois stables au coeur de cette industrie.

Nous sommes d'accord avec les grandes lignes du projet de loi mais nous vous demandons d'examiner attentivement les modifications que nous avons mentionnées.

Je vous remercie de votre temps et de votre attention.

Le vice-président (M. Dale Johnston): Merci, monsieur King, de votre présentation. Nous passerons à la période de questions un peu plus tard.

J'aimerais maintenant que nous écoutions Fazil Milhar, de l'Institut Fraser. Monsieur Milhar, vous avez environ dix minutes pour faire votre exposé, nous passerons ensuite à la période de questions.

M. Fazil Milhar (directeur des études réglementaires, Institut Fraser): Merci, monsieur le président et membres du comité. L'Institut Fraser est très heureux d'avoir aujourd'hui l'occasion de faire un exposé sur les modifications proposées au Code canadien du travail. Je traiterai principalement des grandes questions qui se dégagent du Code canadien du travail, tout cela du point de vue d'un économiste.

Les questions portant sur le fonctionnement du marché du travail canadien ont fait l'objet de nombreuses études. L'Institut Fraser, pour ne nommer que celui-là, s'intéresse particulièrement à cela. Au fil des ans, nous avons bien sûr étudié l'impact du code du travail sur le système d'assurance-chômage, sur l'emploi chez les jeunes, etc. et, étant donné la multitude de lois et de règlements qui régissent le marché du travail, il n'est pas surprenant que ce sujet ait fait l'objet d'une attention toute particulière.

Comme le fonctionnement du marché du travail a une importance vitale pour les Canadiens ordinaires—permettez-moi de souligner l'importance de l'expression «Canadiens ordinaires»—il n'est pas surprenant que le milieu du travail se mobilise.

Comme tous les membres du comité le savent, le taux de chômage élevé et persistant est sans aucun doute le principal problème auquel fait face aujourd'hui l'économie canadienne. Les résultats des recherches basées sur des théories économiques et sur des données empiriques suggèrent que l'inflexibilité des marchés du travail est la source principale du problème.

Si on se fie à ces résultats, il va de soi que des politiques gouvernementales encourageant la flexibilité dans le domaine des relations de travail favorisent la réduction des problèmes de chômage persistant au Canada. Ces résultats sont bien sûr exposés plus en détails dans notre mémoire intitulé «The Case for Liberalizing the Canada Labour Code: Why Enhancing Union Security is Inconsistent with Employment Creation».

Les 1,4 million de Canadiens présentement à la recherche d'emplois sont la preuve vivante du problème qui perdure sur le marché du travail. Le nombre des sans-emploi se traduit par un taux de chômage qui, selon les normes de l'OCDE, est très élevé et près du double de celui qui prévaut aux États-Unis.

Mais ce qui est peut-être plus inquiétant est le fait que malgré une performance de l'économie plutôt acceptable, le taux de chômage n'a presque pas diminué. Si on considère l'importance des coûts sociaux et économiques associés au chômage, il n'est pas surprenant que la création d'emplois soit devenue la priorité de la plupart des gouvernements.

À ce moment-ci, il faut cependant se poser la question suivante: pourquoi un gouvernement si préoccupé par les questions de chômage apporte-t-il des modifications au Code canadien du travail qui contribueront à faire augmenter le chômage?

Le fait que les gouvernements se concentrent sur le manque de demandes, sur une activité insuffisante ou sur les changements technologiques constitue peut-être une explication. Selon moi, le moins que l'on puisse dire est que ces explications sont erronées. La persistance au Canada du taux de chômage élevé est en grande partie attribuable aux trop nombreux règlements qui imposent une très grande rigidité sur le marché du travail canadien. Les politiciens et les décideurs, s'ils sont vraiment intéressés à mettre en place un climat propice à la création d'emplois, devraient porter attention à cette question.

Parlons maintenant du projet de loi C-19. Les résultats montrent clairement que les modifications au Code canadien du travail proposées dans le projet de loi C-19 ne correspondent pas aux objectifs de création d'emplois. Laissez-moi une fois de plus vous rappeler que les syndicats sont une des principales causes de la rigidité qui existe sur le marché du travail et que les modifications proposées au Code canadien du travail serviraient à augmenter les pouvoirs et les privilèges des syndicats et à leur offrir la protection d'une loi fédérale.

• 1050

À l'heure actuelle, certaines dispositions du Code canadien du travail permettent une représentation exclusive et le versement obligatoire de cotisations syndicales par tous les employés, peu importe si un travailleur désire ou non être membre du syndicat. De plus, les modifications proposées prévoient l'interdiction partielle de l'utilisation des briseurs de grève. Je crois qu'il faut ajouter une note à ce sujet. Comme on peut le lire dans le rapport Sims, on n'a pas utilisé beaucoup de briseurs de grève au cours des 10 à 15 dernières années.

Les modifications forceraient les employeurs à fournir aux syndicats les nom et adresse des travailleurs à distance ainsi que l'accès à tout système électronique de communications que l'entreprise possède pour qu'ils puissent accréditer ces travailleurs à distance. Elles serviraient aussi à imposer une structure salariale aux entrepreneurs successifs dans le secteur du transport fédéral et à introduire des mesures de redressement pour l'accréditation qui ne seraient basées que sur l'opinion de la Commission du travail et de l'emploi.

Je vais revenir là-dessus. À mon avis, ces quatre dispositions sont très nuisibles car elles apportent plus de rigidité au Code du travail.

Je dois d'abord vous dire que je suis en faveur des négociations collectives, pourvu qu'elles soient libres et non obligatoires. Bien que les syndicats présentent des avantages pour leurs membres, ils imposent des coûts importants à la société; ils sont la cause principale du taux de chômage élevé. Il y a beaucoup de preuves—accumulées au cours de 30 ans de recherches—qui confirment le fait que les syndicats, grâce à divers mécanismes, ont une incidence négative sur l'emploi. L'effet le plus direct et le plus immédiat se fait ressentir sur les salaires, car le monopole associé au pouvoir de négociation dont ils jouissent se traduit généralement par des salaires plus élevés dans les secteurs syndiqués que dans des secteurs qui ne le sont pas. Les salaires qui dépassent ceux qui sont offerts sur le marché contribuent à réduire le nombre total d'emplois.

La recherche empirique montre aussi que le taux d'emploi dans les industries syndiquées est réduit indirectement à cause de la réalisation de profits plus faibles et des niveaux d'investissements moindres. Laissez-moi vous donner quelques exemples. Dans certains cas, les entreprises syndiquées présentent une marge de profit de 10 p. 100 à 20 p. 100 plus faible que celle d'entreprises non syndiquées comparables. De plus, le capital d'investissement d'une entreprise syndiquée moyenne est 6 p. 100 moins élevé que celui des entreprises non syndiquées. Il faut aussi ajouter que l'investissement annuel en R-D est 15 p. 100 moins élevé dans une entreprise moyenne syndiquée.

Cette réduction du capital et de la R & D, lubrifiants nécessaires à la croissance économique à long terme et à la création d'emplois, devrait être la principale préoccupation des décideurs. Nous sommes en présence d'un cercle vicieux. Si on ne fonctionne pas avec beaucoup de capitaux et des idées innovatrices, on diminue la productivité. Lorsqu'il y a moins de capitaux ou de technologies à exploiter sur le marché du travail, la productivité diminue. Une plus faible productivité se traduit par une diminution de la rentabilité. Si vous générez moins de profits, cela signifie que vous avez moins d'argent à investir en R-D et moins de capitaux pour faire de l'expansion. Le résultat final est le suivant: il y a moins d'emplois. C'est simple, on n'a pas besoin d'être un génie pour comprendre cela.

Les effets négatifs sur l'emploi ont aussi des conséquences sur les secteurs non syndiqués car les entreprises non syndiquées offrent des salaires élevés afin d'éviter que leurs employés obtiennent l'accréditation syndicale, car il y a des coûts liés à une main-d'oeuvre syndiquée. Cette menace est, on peut s'en douter, plus évidente dans les secteurs où il y a une forte proportion de travailleurs syndiqués. On n'a qu'à penser aux travailleurs de l'automobile. TCA-Canada essaie présentement de syndiquer les travailleurs des usines de fabrication d'autos japonaises du Canada —avec succès, dois-je ajouter.

Les modifications au Code canadien du travail auront des répercussions sur toutes les industries réglementées par le fédéral. Au nombre des industries réglementées par le Code canadien du travail, on compte le transport par autobus, le camionnage, le transport de marchandises, le transport aérien, la radiodiffusion, les télécommunications, les banques et les services postaux.

C'est un point important sur lequel j'insiste. Comme les exportations représentent près de 40 p. 100 du PIB du pays, l'économie canadienne repose fortement sur des moyens de transports stables et efficaces et sur les systèmes de communications. Toutes formes de perturbation qui se produiraient dans ces industries à cause de pouvoirs syndicaux excessifs pourraient, de toute évidence, causer des torts immenses à l'économie canadienne; et on ne parle pas seulement des industries réglementées par le fédéral mais bien de tous les secteurs industriels.

À la lumière de ce fait, il est intéressant de noter que la modification au Code canadien du travail proposée, partie I, prévoit une protection spéciale pour l'exportation des grains en cas d'arrêts de travail dans les ports canadiens. Cette disposition fait en sorte que l'exportation des grains ne soit pas interrompue en cas de grève ou de lock-out.

• 1055

Permettez-moi de regarder cela d'un point de vue régional. Je trouve qu'une telle disposition spéciale pour les grains est intrigante et je ne suis pas seul à penser comme cela. Les grains représentent environ 1,8 p. 100 de la valeur des exportations canadiennes. Par contre, le secteur de l'automobile compte pour 25,8 p. 100 de nos exportations; la machinerie et l'équipement pour 19 p. 100; et les produits forestiers pour 13,7 p. 100. Toutefois, aucune de ces industries ne fait l'objet de protection ou de dispositions spéciales dans l'éventualité d'un arrêt de travail. Ces «omissions» auront des conséquences disproportionnées sur certaines régions et sur certaines industries.

Laissez-moi vous donner un exemple. En Colombie-Britannique, l'industrie forestière représente 63 p. 100 des exportations. Tandis qu'en Ontario, le secteur de l'automobile compte pour 40 p. 100 des exportations. Comme ces deux industries sont vitales à l'économie de ces provinces, il est clair que l'impact monétaire lié aux modifications au Code canadien du travail proposées ne se fera pas ressentir également à travers le pays.

Laissez-moi vous donner un autre exemple rapide des conséquences pratiques de tout cela. Prenons par exemple, la Thaïlande, l'Indonésie ou un autre pays de cette région. Ces pays achètent beaucoup de produits intermédiaires des manufacturiers canadiens. Les Canadiens produisent une grande quantité de produits intermédiaires et, de toute évidence, ces pays utilisent ces produits dans leurs productions. S'ils croient qu'ils auront des problèmes d'approvisionnement à certains moments à cause d'une interruption de services dans un port canadien, ils devront diversifier leur base d'approvisionnement. Tout le monde sait qu'il est très difficile de récupérer une part de marché une fois qu'on l'a perdue. Donc, de ce point de vue, nos exportateurs ont beaucoup à perdre.

En fait, nous demandons à nos exportateurs de faire du trapèze, une main liée derrière le dos. Le marché mondial est de plus en plus concurrentiel. Par exemple, à l'heure actuelle, nos produits forestiers sont très chers et leurs prix ne sont pas concurrentiels; et nous allons ajouter d'autres frais généraux.

On peut apprendre beaucoup de choses lorsqu'on étudie les effets des réformes du marché du travail qui ont été apportées dans d'autres pays. D'après les résultats que j'ai mentionnés plus tôt, au Canada, le taux de chômage élevé est principalement attribuable à la relative inflexibilité du marché du travail. Pour remédier à cette situation, il faut qu'il y ait une mobilisation afin de libéraliser le Code du travail. L'expérience internationale en est la preuve.

Considérons, par exemple, l'incidence des réformes du marché du travail qui ont eu lieu au Royaume-Uni et en Nouvelle-Zélande. Nous n'avons pas besoin de réinventer la roue. Nous pouvons nous servir de l'expérience des autres pays.

Avant les modifications législatives présentées par Mme Thatcher, les syndicats britanniques jouissaient d'un pouvoir incroyable qui a donné lieu à une croissance économique très faible et à des taux de chômage très élevés. En réduisant dans une certaine mesure la portée du code du travail, en éliminant l'accréditation syndicale obligatoire et, en bout de ligne, en protégeant le droit du travailleur de négocier lui-même son contrat de travail, on a réussi à ramener en grande partie la prospérité économique au Royaume-Uni. Le Royaume-Uni présente aujourd'hui le taux de chômage le plus faible et le taux de création d'emplois le plus élevé de toute l'Europe occidentale.

En Nouvelle-Zélande, les modifications apportées au marché du travail dans le cadre d'un train de mesures plus complet ont aussi contribué à réduire de taux de chômage d'au moins 4 p. 100 au cours des cinq dernières années.

Je n'essaie pas de vous dire que la protection du droit d'un individu de travailler dans des industries réglementées par le fédéral constitue une panacée à notre problème de chômage. Pour être réellement efficaces, des lois semblables devraient être adoptées par les provinces et intégrées aux différents codes provinciaux du travail.

Il existe aussi d'autres facteurs de distorsion, notamment les programmes d'assurance-emploi et les programmes sociaux qui ont tendance à réduire la flexibilité du marché du travail.

La plupart des Canadiens croient que le taux de chômage élevé et persistant est le problème numéro un au pays. La persistance de ce problème, malgré plusieurs années de forte expansion macro-économique, nous laisse croire que les mesures traditionnelles de lutte au chômage ne fonctionnent pas. Les résultats des mesures prises dans d'autres pays nous indiquent fortement que nous devons adopter des réformes permettant d'augmenter la flexibilité des marchés si nous voulons renverser la tendance.

Je ne parle pas seulement des études réalisées par l'Institut Fraser. Il y a aussi des études qui ont été menées entre autres par la Banque mondiale, le FMI et l'OCDE et qui indiquent toutes que le marché du travail canadien est relativement rigide comparativement à celui des États-Unis. Nous devrons donc étudier les résultats obtenus ailleurs si nous voulons corriger cette situation.

Suite à la présentation de ces résultats, je considère que le comité devrait songer à éliminer certaines des dispositions suivantes. Il y a d'abord l'interdiction partielle d'engager des briseurs de grève. Ensuite, obliger les travailleurs à fournir les nom et adresse des travailleurs à distance ainsi que l'accès à tout moyen de communication électronique, ce qui évidemment faciliterait la tâche des syndicats dans leurs efforts d'accréditation de ces travailleurs.

Je suggérerais aussi que le comité songe à éliminer la continuité des salaires à laquelle sont astreints les différents entrepreneurs du secteur fédéral des transports, ce qui fait que le secteur des transports n'est pas très concurrentiel.

Finalement, on devrait abandonner les modifications visant l'accréditation de rattrapage uniquement basée sur la détermination faite par la Commission des relations industrielles.

Merci beaucoup.

• 1100

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci beaucoup.

Je m'en remets au comité. Désirez-vous que nous procédions comme nous l'avons fait avec le groupe précédent, chaque personne peut poser une question et les témoins répondront ensuite dans l'ordre? Êtes-vous d'accord?

M. Dale Johnston: Je crois que c'est la seule façon dont on peut s'en sortir, car nous avons beaucoup de terrain à couvrir en peu de temps.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Oui. Si les questions et les réponses sont assez courtes, nous aurons peut-être assez de temps pour une autre série de questions, mais pour cela il faudrait que tout le monde fasse preuve de discipline durant les interventions.

Nous allons commencer par la question de M. Johnston.

M. Dale Johnston: Merci, madame la présidente.

Messieurs, je vous remercie de votre exposé. Je tiens à vous dire que nous sommes désolés d'avoir eu à vous réunir ensemble dans le même groupe.

J'aimerais que vous me fassiez part de vos commentaires sur la question de la protection de la vie privée soulevée par le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada en ce qui concerne le dévoilement des noms et adresses des travailleurs à distance à des organisateurs syndicaux.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Monsieur Rocheleau.

[Français]

M. Yves Rocheleau: Madame la présidente, je voudrais porter à votre attention le fait que deux documents sur trois ne sont présentés au comité qu'en anglais. Ma question va s'adresser à M. Milhar.

Monsieur Milhar, je connaissais l'Institut Fraser sous un autre angle. Je le connais davantage aujourd'hui sous l'angle des opinions à caractère socioéconomique. Êtes-vous conscient que vous partagez la pensée unique qui préside actuellement à l'évolution du monde et que, si on mettait en oeuvre de tels propos, on assisterait à la tiers-mondialisation ou à la mondialisation de la misère? En fait, vous préconisez la concentration de la richesse et l'accentuation de l'écart entre les riches et les pauvres.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Monsieur Charbonneau.

[Français]

M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): J'aimerais poser une question à l'Association des employeurs du Port de Saint-Jean.

Messieurs, vous avez entendu le point de vue de l'Institut Fraser, qui prend son inspiration dans la pensée de Mme Thatcher et de certains gouvernements très à droite des dernières années. À entendre l'Institut Fraser, il faudrait que l'adhésion syndicale soit complètement libre, il ne faudrait pas qu'il y ait d'accréditation, etc. Messieurs les employeurs du Port de Saint-Jean, pourriez-vous gérer vos opérations dans un monde de relations de travail organisé comme le souhaite le Fraser Institute? Est-ce qu'on se dirigerait dans la bonne direction? Ces messieurs du Fraser Institute disent: «Non seulement du point de vue théorique, mais du point de vue empirique, voici ce que nous proposons.» Donc, on suppose que cela repose sur une certaine expérience des choses. Est-ce que votre expérience appuie aussi leur théorie?

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci. Monsieur Martin.

M. Pat Martin: Merci.

C'est difficile lorsque vous avez un large éventail d'exposés au cours de la même période.

Je demanderais au premier intervenant de bien vouloir nous donner de plus amples commentaires sur l'accréditation automatique lorsqu'il y a interférence de la part de l'employeur.

Si nous avons le temps, je lui demanderais aussi de nous donner son opinion sur le fait que, pour qu'il y ait équilibre, il faut que les libertés et les restrictions soient égales, par exemple, s'il n'y a pas d'interdiction générale pour les briseurs de grève. Lorsqu'un employeur embauche une tierce partie, en l'occurrence des briseurs de grève, c'est qu'il cherche une porte de sortie. Serait-il alors plus équitable de permettre un accès égal aux tierces parties en faisant...? La question, je crois, porte sur les privilèges qui accompagnent une grève secondaire sur la ligne de piquetage, en d'autres termes une grève de solidarité.

Merci.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci, monsieur Martin.

En ce qui concerne la première question, nous entendrons trois réponses portant sur la question de la protection de la vie privée lorsqu'un employeur donne au syndicat la liste des noms et adresses des travailleurs.

Nous entendrons d'abord le professeur Langille.

M. Brian Langille: Merci beaucoup.

Brièvement, je tiens à dire que je considère qu'il ne s'agit pas d'une disposition controversée et que je ne crois pas que cela soulève de questions fondamentales de droits de la personne ou de protection de la vie privée.

• 1105

La disposition qui m'intéresse dans le code est l'actuel paragraphe 8(1), qui dit que:

    L'employé est libre d'adhérer au syndicat de son choix et de participer à ses activités licites.

C'est la base du code.

Je pourrais faire un peu de recherches et trouver la disposition portant sur la pratique déloyale du travail qui empêche les employeurs de contrevenir à l'article 8. La question suivante est régulièrement débattue durant les cours de droit du travail: Pourquoi, lorsqu'un employeur refuse une demande raisonnable, cela ne constitue-t-il pas une violation des droits des employés selon l'article 8?

Pour moi, cela n'apporte rien, si ce n'est que de démontrer ce que serait un arbitrage délicat selon les dispositions actuelles. Je ne trouve pas qu'il y a matière à controverse.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Monsieur King.

M. John King: Nous nous préoccupons des questions ayant trait à la protection de la vie privée. Je ne crois qu'il s'agisse d'un problème crucial mais nous préférerions que cela n'apparaisse pas dans la loi.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Monsieur Milhar.

M. Fazil Milhar: Je pense que M. Terence Corcoran du Globe and Mail l'a très bien exprimé lorsqu'il a dit: «Ding-dong, le syndicat pour vous servir.»

Le fait est qu'il s'agit d'une violation du droit à la protection de la vie privée des individus. Je partage entièrement les inquiétudes du Commissaire à la protection de la vie privée et je crois que cette disposition devrait disparaître.

Merci.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): La deuxième question s'adressait à M. Milhar et je crois que vous l'avez prise en note. Pourriez-vous y répondre, s'il vous plaît?

M. Fazil Milhar: Oui.

En ce qui concerne le premier point, j'ai fait parvenir une copie de mon exposé une semaine à l'avance afin qu'il puisse être traduit en français. L'Institut Fraser ne publie pas en français—nos ressources ne nous le permettent pas—mais nous aimerions le faire. En ce qui a trait à la question de fond, celle qui porte sur le fait que le Canada soit en train de devenir un pays du tiers monde à cause de la mondialisation, du libre-échange, etc. et bien sûr de la libéralisation des marchés, il faut savoir que tous les résultats de recherche indiquent en fait que le coût unitaire de la main-d'oeuvre au Canada est plus faible qu'aux États-Unis ou qu'au Mexique ou même qu'en Malaisie ou qu'en Inde. Lorsque les gens parlent de niveaux de salaires, je crois que cela n'est pas pertinent car on ne peut pas comparer un dollar au Mexique avec un dollar au Canada. Vous devez comparer ce que cela vous permet d'acheter, quelles sortes de biens et services vous pouvez vous procurer au Mexique avec un dollar comparativement à ce que vous procure le même dollar au Canada.

Si vous prenez ce que les économistes appellent la «parité des pouvoirs d'achat» et que vous tenez compte des différences de productivité qui existent entre les pays, vous constaterez avec surprise que les «coûts unitaires de la main-d'oeuvre» au Canada et aux États-Unis sont inférieurs à ceux de la Malaisie, de l'Inde et des Philippines.

Donc, tous les gens qui sont assis là et qui se demandent comment on peut concurrencer un salaire d'un dollar de l'heure au Mexique comparativement à seize dollars de l'heure au Canada parlent pour ne rien dire parce qu'on ne peut pas comparer les deux. Il faut examiner les coûts unitaires de la main-d'oeuvre. Par exemple, en Malaisie, le salaire moyen dans l'industrie manufacturière équivaut à environ 15 p. 100 de celui qui est offert au Canada ou aux États-Unis, toutefois la productivité est aussi de 15 p. 100.

Nous n'allons pas devenir un pays du tiers monde car nous allons nous spécialiser dans les domaines où notre production est la plus efficace. C'est exactement ce que nous disent les théories sur le commerce international et c'est exactement ce qui se passe.

Laissez-moi ajouter ceci. Les gens croient qu'il n'y aura plus d'usines de fabrication de chaussures dans le monde occidental à cause de l'arrivée sur le marché des produits chinois et de la main-d'oeuvre chinoise à bon marché. Le fait est que nous nous spécialisons dans les produits de haute qualité. Par exemple, les Britanniques fabriquent les chaussures de marque Rockport et Clark, les Allemands fabriquent les produits Rohde et les Italiens produisent les chaussures Ferragamo. Nous recherchons les créneaux de marché. Nous laissons à la Chine ou à Hong Kong les produits de main-d'oeuvre de moindre qualité et nous produisons des articles plus sophistiqués auxquels nous ajoutons de la valeur. Il n'est pas question que nous soyons éliminés. Cela ne s'est pas produit malgré toutes les prédictions.

Je suggère aux membres du comité de lire Globaphobia, récemment publié par Brookings Institution; ce livre vous permettra de mieux comprendre comment tout cela fonctionne.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci beaucoup.

La troisième question s'adressait aux représentants de Saint John. L'un d'entre vous pourrait-il répondre à la question? Pourriez-vous fonctionner dans le genre de système dont a parlé M. Milhar?

M. Joseph Day:

[Note de la rédaction: Inaudible]... dans ce climat de travail. De façon pratique, je ne nous imagine pas faire cela. Je n'en vois pas la nécessité. Nous sommes capables de travailler de concert avec les syndicats. Et je crois qu'ils veulent travailler en collaboration avec nous, dans l'intérêt commun de tous. En ce qui nous concerne, ce n'est pas un problème.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci.

La quatrième question s'adresse au professeur Langille. Pourriez-vous, s'il vous plaît, y répondre?

M. Brian Langille: Je vais faire de mon mieux.

Nous sommes en présence de deux points techniques. Il y a d'abord l'accréditation automatique. Je crois qu'il s'agit là d'une disposition rédigée avec beaucoup de précision et de finesse.

• 1110

C'est une triste réalité de la vie, mais pour être franc il faut avouer que certains employeurs—j'espère qu'il n'y en a pas beaucoup dans cette pièce—violent systématiquement l'article 8 portant sur les droits des travailleurs. En fait les dispositions que favorise M. Martin reflètent un principe juridique fondamental: c'est-à-dire qu'une personne ne devrait pas tirer profit de ses propres injustices. L'employeur ne devrait obtenir les sièges résultants suite à un acte illégal au cours duquel il a enfreint les droits de l'article 8. Il faut remédier à cette situation.

De tels cas sont toutefois plutôt rares. J'ai consulté certaines statistiques à Toronto. La Commission ontarienne a reçu environ 6 500 demandes d'accréditation durant une certaine période de temps. Dans 31 des cas, cette disposition a été soulevée et je ne suis pas certain du pourcentage de fois où elle a été invoquée.

On peut donc dire que ce sont les employeurs crapuleux qui cherchent à violer les droits protégés par l'article 8. Mais je crois qu'il est essentiel que ces mesures soient en place.

Je crois que la disposition a été rédigée de façon très précise. Je tiens à féliciter les rédacteurs pour leur excellent travail. Dans les autres provinces, comme en Ontario, la disposition n'est pas rédigée avec autant de précision ou de finesse. Je vais laisser cela de côté.

Deuxièmement, le principe du traitement égal en ce qui concerne la question des briseurs de grève est fondamental. Je vous offre une analyse légale, mais je crois que la clé de toute analyse légale est l'égalité, ou si vous préférez, traiter les cas semblables de la même façon ou dans le cas du droit du travail, traiter les deux parties de la même façon.

Il y a plusieurs façons d'atteindre cet équilibre. On pourrait interdire l'embauche de briseurs de grève, mais pour cela il faudrait restreindre les syndicats et par exemple, leurs droits d'avoir des lignes de piquetage. On pourrait permettre aux employeurs d'embaucher des briseurs de grève mais il faudrait alors permettre aux travailleurs de faire appel au soutien d'une tierce partie et de demander à ces travailleurs de ne pas rentrer au travail. Il faut que ce soit équitable peu importe la position que vous allez adopter. Tout ce que je dis c'est que si le Code tend d'un côté sur certains points, vous devez ajuster la situation pour que ce soit équitable.

Étant donné que les dispositions contenues dans le Code interdisent ce que j'appelle ce moyen de contourner la loi, je crois que le principal argument en faveur d'une interdiction plus complète des briseurs de grève n'existe plus.

Ce n'est pas parfait. Comme je l'ai dit, il y d'autres problèmes. Le Code ne dit rien sur la façon dont les juges réglementent les grèves et les lignes de piquetage secondaire. Si c'était possible, on devrait le faire—cela viendrait aussi régler certains problèmes—mais ce n'est pas le cas. Mais dans l'ensemble, je crois qu'il s'agit d'une bonne disposition.

Merci.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci.

J'ai reçu des demandes de questions. Nous allons nous limiter à celles de l'opposition officielle et du gouvernement.

Monsieur Johnston, une question rapide.

M. Dale Johnston: Le professeur Langille a dit qu'il n'était pas en faveur des nominations obtenues par favoritisme. J'imagine qu'il fait référence à la CCRT et à l'OCRI, dans le cas où la nouvelle loi serait adoptée. Très brièvement, comment proposez-vous que nous sélectionnions ces personnes?

M. Brian Langille: Je ne suis pas un expert en la matière. Je parle ici à un niveau très général et je ne tiens pas à entrer dans des détails administratifs.

J'ai remarqué que dans le projet de loi C-19, il était brièvement question d'un processus de consultation avec les parties concernée et je crois que la consultation tripartite est une approche qui a été souvent utilisée avec succès en Ontario. Malheureusement, le gouvernement actuel et le gouvernement précédent se sont tous les deux éloignés de ce processus normal de consultation. Je crois que nous en payons maintenant le prix. Il y a présentement contestation en cour de différentes nominations à la Commission des relations de travail de l'Ontario. Je crois qu'il est important que vous évitiez ce genre de controverse. Je crois que les principaux intéressés sont bien connus. Ils ont joué un rôle important dans les consultations qui entourent le projet de loi C-19. Je vous conseille vivement de rechercher la qualité et d'obtenir le consentement des collectivités intéressées.

M. Dale Johnston:

[Note de la rédaction: Inaudible]

M. Brian Langille: Je crois que c'est le plus qu'on peut demander.

M. Robert Nault: J'aimerais connaître l'opinion du professeur Langille en ce qui concerne les commentaires émis par les représentants de Saint John. Et je cite:

    Toute disposition qui rendrait obligatoire, dans le cadre d'un conflit de travail, la manutention de certains produits, mais pas de certains autres, ne servira qu'à diviser les associations patronales, rendant ainsi la structure actuelle insoutenable.

• 1115

Au cours de votre exposé, vous n'avez pas du tout parlé de la façon dont cela touche la section 87.7 proposée, qui est bien sûr une question très importante du point de vue légal et une question très importante pour les puristes. Elle singularise un genre de marchandises en particulier et une structure particulière à l'intérieur du port lui-même, afin que les activités puissent continuer en cas d'arrêt de travail. Avez-vous des commentaires à apporter sur la manière dont vous croyez que cela peut fonctionner? Comme il doit y avoir pas mal de discussions dans vos cours sur l'absence de négociations collectives sur la côte Ouest, je me demande quelle est votre opinion sur la section 87.7.

M. Brian Langille: Je dois vous dire que je viens de la Nouvelle-Écosse, les différends portant sur les grains semblent donc bien loin. Je croyais que vous alliez me demander mon opinion sur le mémoire de l'Institut Fraser, ce que j'aurais apprécié, mais je vais me retenir.

M. Bob Nault: Je suis certain que vous auriez aimé mieux cela.

M. Brian Langille: Je crois que vous avez soulevé un point intéressant et je voudrais revenir sur une de mes premières remarques. Dans ma remarque initiale, j'ai voulu vous présenter une analyse légale et j'essaie de coller le plus possible à ce que je considère comme la cohérence du système: c'est un système et si vous en remaniez une partie, cela aura des répercussions sur tout le reste. Je ne crois pas que ce soit un système dans lequel vous pouvez rejeter l'idée d'aller...

Laissez-moi seulement vous dire que tout à l'heure, en réponse à la question que vous avez posée, on aurait pu dire que nous vivons actuellement dans le monde qui était en demande durant les années trente. Dans un certain sens, il est bon d'étudier le passé pour voir comment certaines suggestions de réforme peuvent se traduire. Nous les avons déjà essayées, pas toutes avec succès.

Pour revenir à votre question, bien que, avec tout le respect que je vous dois, je considère qu'il s'agisse d'un élément politique—c'est-à-dire non technique ou légal—du code. D'un point de vue purement légal, j'en conclus qu'il y a des problèmes d'uniformité.

Je dois aussi dire que cela représentait pour moi un nouveau point d'intérêt. Je n'avais jamais pensé que ce genre de sélectivité pourrait créer un froid à l'intérieur d'associations patronales qui, en d'autres occasions, partagent les mêmes intérêts. Je n'ai pas de commentaires à faire là-dessus. Ça a été pour moi une révélation intéressante, une nouvelle façon de voir les choses et je vous en remercie.

Ce que j'essaie de dire c'est que je ne crois pas que je possède l'expertise nécessaire pour commenter sur ce genre de rafistolage sélectif. J'adhère au principe juridique et à l'analyse légale mais je suis aussi très pragmatique. Après un certain temps, je crois qu'il faut admettre que le code dans son ensemble ne peut pas être un tout cohérent. Il y a des omissions, des compromis et des rapiéçages qui sont là pour des raisons évidentes et je ne possède pas l'expertise nécessaire pour les critiquer ou en faire la recommandation.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci beaucoup messieurs. Il a été très intéressant d'entendre des exposés de trois points de vue si différents, cela va nous obliger à examiner différemment les mémoires qui sont devant nous.

Je vous remercie de votre participation et de l'attention que vous avez consacrée aux autres participants. Je vous assure que nous considérons vos mémoires avec beaucoup de sérieux; ils nous seront très utiles durant le processus de révision de la loi.

M. Brian Langille: Merci.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Mesdames et messieurs les membres du comité, il y a un changement à l'ordre du jour. À cause des horaires d'avion et surtout à cause de la courtoisie du Business Council of British Columbia, nous allons maintenant entendre l'exposé de l'Association minière du Canada. J'inviterais Mme Jacob et M. Keenan à venir à la table.

Certaines personnes ont dépassé les dix minutes allouées à la présentation, je voudrais vous rappeler que vous êtes en fait limités à dix minutes. Cela permet ensuite aux membres d'intervenir plus librement.

Lequel d'entre vous va commencer? Allez-y, monsieur Keenan.

M. John Keenan (président, Comité des ressources humaines, Association minière du Canada): Madame la présidente, mesdames et messieurs, il me fait plaisir de venir vous parler au nom de l'Association minière. Je m'appelle John Keenan et je suis président du Comité des ressources humaines de l'Association.

• 1120

Dans mon autre vie, je suis vice-président des ressources humaines chez Falconbridge Limitée. Falconbridge est une importante société internationale de métaux de base, d'origine et de propriété canadiennes, qui possède une longue histoire dans ce pays. Nous employons près de 6 800 personnes dans plus de 12 pays, dont plus de 4 500 au Canada.

Je crois donc posséder une certaine connaissance du sujet lorsque je parle au nom de l'Association minière et de Falconbridge.

Je suis accompagné aujourd'hui par Mme Gisèle Jacob, vice-présidente des relations publiques de l'Association minière.

L'Association minière est l'organisme national de l'Industrie minérale du Canada. Nos membres oeuvrent dans les domaines de l'exploration minière, de l'extraction, de la fusion, du raffinage et de la production de métaux, de minerais industriels et de combustibles minéraux. Les sociétés membres sont responsables de la majeure partie de la production canadienne des métaux et des principaux matériaux industriels.

L'exploitation minière est une industrie tout à fait canadienne. L'industrie est gérée et contrôlée à plus de 70 p. 100 par des Canadiens. Notre secteur a contribué de façon significative à l'activité économique du pays et ne cesse de le faire.

Globalement, en 1996, le secteur des mines et de l'exploitation minière a contribué l'injection de près de 23,7 milliards de dollars dans l'économie, ce qui représente environ 4,3 p. 100 du PIB du pays. Cela représente plus de 350 000 emplois, de l'exploration à l'exploitation en passant par la fabrication de produits en métal. Dans l'industrie, le salaire hebdomadaire moyen est supérieur à 1 000 $, c'est le salaire hebdomadaire moyen le plus élevé au pays, peu importe le secteur industriel. L'exploitation minière est la principale source d'emplois dans 150 collectivités du pays, la plupart du temps situées dans des régions rurales ou dans des régions éloignées.

Nous sommes particulièrement fiers du fait que, dans notre industrie, au cours de la décennie qui s'est terminée en 1996, la productivité du travail a augmenté de près de 50 p. 100 et qu'en ce qui concerne les activités de fusion et de raffinage, elle a augmenté de plus de 37 p. 100.

Mais ce qui importe le plus, dans le cadre des présentes audiences, est que l'exploitation minière constitue un joueur clé au sein du réseau de transport. Près de 65 p. 100 du volume total des produits destinés à l'exportation qui transitent dans les ports canadiens sont des produits ayant trait aux minéraux. Les minerais et les minerais ouvrés représentent une source de revenus et un tonnage important pour le système de transport du Canada, particulièrement les marchandises en vrac comme le charbon, la potasse, le soufre et le minerai de fer. En 1995, les chargements de produits miniers bruts ou ouvrés expédiés par trains se sont chiffrés à 140,5 millions de tonnes, correspondant à 55 p. 100 de tous les revenus liés au transport de marchandises au Canada.

Le projet de loi C-19 est donc très important pour l'industrie minière canadienne et ce pour deux raisons. Premièrement, bon nombre de nos sociétés membres exploitent des mines au nord du 60e parallèle, elles sont donc directement touchées par les dispositions du Code. Deuxièmement, toutes nos sociétés membres sont de très grands utilisateurs, comme je l'ai déjà mentionné, des systèmes de transport ferroviaire, maritime et aérien du Canada qui sont régis par le Code.

Laissez-moi d'abord vous dire que l'industrie minière canadienne n'est aucunement opposée au mouvement syndical. En fait, notre relation de travail avec les syndicats est à la fois constructive et productive. Pour tout dire, notre industrie est fortement syndiquée. De plus, au cours des dernières années, nous avons mis sur pied, avec le concours des principaux syndicats de notre industrie, le Mining Industry Training and Adjustment Council, le MITAC, auquel collaborent les employeurs, les représentants des employés et les syndicats afin de développer des programmes de formation et de mise à jour des qualifications qui correspondent aux besoins des travailleurs de l'industrie minière canadienne.

Dans le monde du travail, la main-d'oeuvre syndiquée est un fait de la vie et tant qu'il y a un équilibre des pouvoirs dans le système des relations de travail, nous pouvons travailler en harmonie avec nos collègues des syndicats.

Auparavant, le Code canadien du travail veillait au maintien de cet équilibre des pouvoirs mais nous croyons que malheureusement les modifications proposées, de la façon dont elles sont présentement rédigées, désavantagent les employeurs.

Nous ne sommes pas venus ici pour vous demander de favoriser la position des employeurs dans les modifications proposées mais nous espérons que vous ferez tout ce qui est en votre pouvoir pour restaurer l'équilibre et l'équité dans la partie I du Code. Après avoir examiné les modifications proposées, nous croyons que le Code révisé contribuera à polariser les relations employeurs-employés et à nous ramener à la sombre période des années cinquante et soixante, période où les relations de travail étaient à leur point le plus bas dans ce pays. Nous avons réalisé beaucoup de progrès et ce n'est pas le temps de revenir en arrière.

Dans la présente loi, un certain nombre de questions préoccupent notre industrie. Parmi celles-ci, mentionnons l'accréditation de rattrapage, les services aux bateaux céréaliers, l'interdiction presque totale de l'utilisation de briseurs de grève et les contrats de service successifs.

• 1125

Je ne tiens pas à aborder ces questions en détails car je sais que bon nombre d'associations patronales vous ont déjà dit quelle influence ces mesures auront sur les opérations commerciales normales au Canada. Il me fera cependant plaisir de répondre à toutes les questions que vous pourriez poser sur ces dispositions particulières.

Je veux que vous sachiez que nous sommes très préoccupés par les dispositions et leur incidence sur l'avantage concurrentiel du Canada à un moment où notre gouvernement—le présent gouvernement— insiste sur la concurrence à l'échelle mondiale dans toutes ses politiques économiques. On pourrait se demander, à quoi ça sert d'aller à travers le monde avec Équipe Canada si, à la maison, nos entreprises n'ont pas de lois du travail justes et équitables pour les soutenir?

Donc, au lieu d'examiner ces dispositions et de vous parler de leur incidence sur les entreprises, j'aimerais plutôt me concentrer sur deux autres sujets. Je tiens d'abord, à exprimer notre frustration face au soi-disant processus de consultation du gouvernement. J'aimerais ensuite vous proposer des façons de ramener l'équilibre dans les modifications au Code proposées.

En ce qui concerne le processus de consultation, malgré le fait que le gouvernement ne cesse de répéter aux médias et au public qu'il a tenu de nombreuses consultations relativement à cette loi, je tiens à dire clairement que nous—un important organisme national comme le nôtre—n'avons jamais eu l'impression que nos préoccupations étaient prises au sérieux. Si cela avait été le cas, je ne crois pas que votre comité aurait reçu autant de demandes de présentation.

En fait, le gouvernement n'a répondu à aucune de nos préoccupations. Les modifications peu importantes qui ont été apportées au projet de loi C-19 confirment cet état de fait. Les préoccupations en matière de protection de la vie privée, de liberté de vote lors de l'adhésion à un syndicat, de respect des pratiques culturelles des employés autochtones—nous croyons qu'on a fait une entorse aux droits fondamentaux de notre société dans le but de s'ajuster à un cadre législatif imparfait. Nos arguments ne sont pas du tout d'ordre économique. Nous sommes par contre très préoccupés par les conséquences que cette loi aura sur les droits des travailleurs d'opérer dans un système ouvert, équitable et transparent.

Si, comme le gouvernement le soutient, la loi est si équilibrée, pourquoi le Commissaire à la protection de la vie privée, le PDG de CN Rail et les PDG de la plupart des grandes sociétés minières et bien d'autres viennent-ils vous faire part de leurs inquiétudes?

Pourquoi le gouvernement est-il d'une part déterminé à accorder un traitement de faveur au secteur céréalier dans le projet de loi C-19 et que d'autre part il met en place un processus de révision de toute la question des grains? Pourquoi le ministre MacAulay n'attend-tl pas les résultats de cette révision avant d'installer des dispositions réglementaires qui pourraient bien être contraires aux recommandations du juge Estey?

J'imagine que les membres du présent comité se posent les mêmes questions. Si cette loi doit accomplir ce pour quoi elle a été conçue,—c'est-à-dire

    servir de cadre pour les négociations collectives afin d'aider le syndicat et la partie patronale à formuler leurs propres ententes et ainsi permettre une résolution efficace et rapide des conflits de travail

... alors pourquoi tant d'employeurs sont-ils inquiets?

Je vous en prie, posez-vous cette question et essayez de trouver des moyens de ramener un sentiment d'équilibre et d'équité dans la loi.

Nous avons quelques suggestions qui, nous le croyons, pourraient ramener l'équilibre.

Il faudrait d'abord considérer les trois parties du Code canadien du travail comme un tout. Dans le cadre de l'économie mondiale où nous évoluons aujourd'hui, il est difficile d'imaginer que nous réformions à la pièce toute l'infrastructure de notre pays. Vous révisez présentement les modifications apportées à la partie I du Code sans tenir compte du travail qui est fait à la partie III, la section portant sur les normes du travail, et à la partie II, les sections portant sur la santé et sécurité en milieu de travail.

Je propose que le gouvernement, avec votre concours, essaie de développer une vision qui réunirait les trois sections du Code et qu'il propose des modifications qui viennent soutenir cette vision. Le processus de consultation serait alors de nature beaucoup plus stratégique et globale car les employeurs et les syndicats pourraient voir la situation dans son ensemble.

En ce qui concerne la question des grains, j'ai deux options à vous proposer: retirer complètement cette disposition du projet de loi C-19, puisque cette dernière disposition ainsi que d'autres questions fondamentales relatives aux grains seront étudiées par le juge Estey ou prendre en considération la proposition qui a été présentée par la coalition des associations patronales. Nous en avons des copies si vous n'avez pas encore reçu les vôtres.

En ce qui concerne l'accréditation de rattrapage, cette disposition est contraire au principe qui veut que l'accréditation soit basée sur le soutien de la majorité des employés de l'unité de négociation. Nous respectons ce principe et nous croyons que la disposition devrait d'abord faire en sorte que toutes les mesures soient prises pour que les formalités de vote se déroulent dans un environnement libre, sans coercition et qu'ensuite la Commission des relations industrielles du Canada n'utilise cette disposition qu'en cas de comportement excessif et inadmissible de la part de l'employeur.

• 1130

De plus, je recommande que soient revues les dispositions du projet de loi, particulièrement celles qui ont trait aux travailleurs suppléants et au processus d'accréditation syndicale, et qu'on évalue leur applicabilité en matière d'emploi des autochtones. Je crois que le projet de loi serait considérablement amélioré s'il tenait compte des conditions d'emploi particulières qui règnent dans le vaste nord de notre pays, où tant de nos membres travaillent.

J'espère que vous trouverez ces suggestions utiles et que vous recommanderez au Parlement un projet de loi équilibré et bien articulé avec les deux autres parties du Code canadien du travail.

Mesdames et messieurs, merci.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci, monsieur Keenan.

Le comité veut-il revenir à l'ancien système ou est-ce qu'une série de questions vous convient?

M. Dale Johnston: Respectons-nous l'horaire?

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Non. Nous avons environ une demi-heure de retard. Le groupe actuel devrait terminer à 11 h 30. Nous sommes probablement 20 minutes en retard.

M. Dale Johnston: Nous disposons de combien de minutes pour les questions, madame la présidente?

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Si nous ne voulons pas perdre plus de temps, nous devrions prendre environ 10 minutes.

M. Dale Johnston: J'aimerais poser des questions très brèves.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Pourquoi ne pas les énoncer, et nous ferons ensuite le tour.

M. Dale Johnston: D'accord. Merci, madame la présidente.

Merci pour votre exposé.

Je constate que vous êtes préoccupé par quatre choses différentes. Pour ce qui est des trois premières, je suis à peu près certain de bien vous suivre, mais j'aimerais vous donner la possibilité de nous expliquer en quoi les services par contrats successifs pourraient toucher votre industrie—les droits du successeur.

M. John Keenan: Je pense que la réponse la plus simple est de vous dire que pour notre industrie, nous ne croyons pas qu'il y aurait des conséquences significatives. Ce qui nous préoccupe, c'est que ce genre de dispositions ont été mises à l'essai par d'autres instances. L'une des choses qui nous préoccupent vraiment, c'est qu'une bonne partie des dispositions de ce projet de loi ont été mises à l'essai dans diverses provinces canadiennes et qu'elles ont échoué, et que cela ne semble pas avoir été pris en compte.

Du point de vue de l'industrie minière au Canada, une grande partie du projet de loi concerne plutôt le transport, l'industrie bancaire, et ainsi de suite. Nos préoccupations, comme je l'ai fait remarquer, ont principalement trait au nord et aux conséquences que peut avoir le système de transport pour nous.

M. Dale Johnston: Merci

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Monsieur Rocheleau.

[Français]

M. Yves Rocheleau: Madame la présidente, je vous ferai remarquer d'entrée de jeu que la copie n'a été remise qu'en langue anglaise.

Premièrement, je demanderais aux témoins dans quelle proportion les employés des mines sont syndiqués.

Deuxièmement, face à l'embauche potentielle d'employés de remplacement, est-ce que vous n'appréhendez pas de la violence sur la ligne de piquetage pendant le conflit? Ne craignez-vous pas que le conflit de travail dure plus longtemps? Est-ce que vous avez fait une réflexion sur le climat de travail qui régnerait au lendemain du règlement d'un conflit pendant lequel on aurait embauché des travailleurs de remplacement?

Mme Gisèle Jacob (vice-présidente, Affaires publiques, Association minière du Canada): Pour l'instant, environ 35 p. 100 de la main-d'oeuvre minière est syndiquée.

Quant à la spéculation concernant la violence, le Code canadien du travail s'applique surtout à nos opérations dans le Grand Nord, où une grande partie de la main-d'oeuvre est autochtone et où les opérations sont limitées à certains mois bien précis de l'année.

Ce n'est pas tellement une question qu'il ait de la violence quand on remplace les employés. La période pendant laquelle on peut exécuter les opérations minières est très limitée, et on a une main-d'oeuvre qui elle-même préfère le travail temporaire. Le déroulement des opérations est plus difficile quand il nous est interdit d'avoir recours à des employés de remplacement, surtout à cause des conditions atmosphériques et saisonnières des opérations minières dans le Grand Nord.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci.

Monsieur Wilfert.

M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Merci, madame la présidente.

Tout d'abord, merci pour votre mémoire. J'ai été un peu frappé par le ton de votre mémoire, particulièrement par votre commentaire à l'effet que ce projet de loi nous ramène dans les années cinquante et soixante. Je n'ai entendu aucun employeur ou organisme présenter ce point de vue jusqu'ici.

• 1135

J'ai été un peu surpris d'entendre votre point de vue sur le déséquilibre si évident du projet de loi, ce que je n'avais pas entendu jusqu'ici. Ce n'est pas parfait, mais d'un autre côté, considérant tous les organismes que nous avons entendus, bon nombre aux deuxième et troisième rondes de mémoires dans quelques cas... nous avons entendu ou ils ont dit que certaines choses avaient été modifiées.

Peut-être que vos préoccupations n'ont pas été intégrées pour diverses raisons, mais je comprends qu'en regard du processus de consultation, vous avez participé aux audiences de la Chambre des communes et du Sénat concernant le projet de loi C-66. Vous n'avez pas participé au processus de consultation qui a mené aux amendements proposés à la partie I.

Selon vous, devrait-on permettre aux employeurs d'utiliser des travailleurs suppléants aux fins de miner la capacité de représentation d'un syndicat?

M. John Keenan: Votre question est bien relative. Je crois que l'on a admis depuis longtemps, si l'on se reporte au rapport Woods sur les relations de travail, qui a maintenant plus de 35 ans, que l'équilibre dans les relations de travail, c'est l'équilibre entre le droit de grève des syndicats et le droit de l'employeur à poursuivre ses activités.

Lorsque cet équilibre est miné en enlevant à l'employeur le droit de poursuivre ses activités, vous créez un environnement qui au premier chef décourage l'investissement. Mon point de vue sur ce sujet est très clair tenant compte des expériences vécues dans les provinces. Si l'on considère la nature de l'emploi et la nature de la croissance et l'environnement en Colombie-Britannique et le climat nécessaire pour attirer les investissements—c'est la même chose au Québec—les statistiques sont là, et nous l'avons vu en Ontario. Lorsque vous perturbez cet équilibre, vous dissuadez et découragez les investisseurs. Cet aspect a été souligné dans ce rapport. L'événement le plus significatif de l'évolution des relations de travail dans ce pays a probablement été le rapport produit par le groupe de travail Woods.

Je ne crois pas qu'un employeur devrait pouvoir miner la légitimité d'un syndicat, mais le fait est que nous ne parlons pas de miner la légitimité d'un syndicat. Les divers conseils du travail au pays sont tout à fait responsables, en vertu d'à peu près toutes les lois, de déterminer si des pratiques de travail déloyales surviennent. Cela devrait être suffisant pour créer, selon le libellé de la loi, une disposition qui provoque un déséquilibre, car il est dit que le conseil du travail doit regarder au-delà de ce que les conseils du travail ont traditionnellement regardé. Ceci provoquera un déséquilibre pour ce qui est de déterminer ce qui mine la légitimité d'un syndicat.

Actuellement, le Conseil canadien des relations du travail peut trancher la question dans les cas de pratiques de travail déloyales et cela fonctionne très bien. Alors pourquoi changer cette façon de faire?

C'est une réponse interminable à votre question. Je m'en excuse.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Nous passons maintenant à monsieur Martin.

M. Pat Martin: Merci. Les points que je désire soulever sont dans la même veine. Vous énumérez quatre points à la page 4 comme étant vos principales préoccupations. Le troisième a trait à la quasi-interdiction des travailleurs suppléants. Je vous ferai remarquer qu'il n'y a pas d'interdiction générale relativement aux travailleurs suppléants.

• 1140

Concernant l'exemple cité par Mme Jacob, expliquant que dans les camps isolés où il peut y avoir des chemins d'hiver et qu'il est nécessaire d'avoir accès au matériel ou au réapprovisionnement rapide en essence ou en marchandises, je ne peux m'imaginer le Conseil du travail se prononçant sur un cas semblable, où il faut s'assurer que des fonctions essentielles sont mises en place. Je soutiens seulement que selon ce que vous nous avez présenté, ce n'est pas vraiment un problème.

L'autre chose que je voulais soulever est l'une des choses que vous avez citées dans le haut de cette page—que ce projet de loi ne prévoit pas la reconnaissance du respect des peuples autochtones. Il n'y a rien concernant les salaires équitables et les conditions de travail qui va à l'encontre des valeurs culturelles autochtones. En fait, je dirais que la redistribution de la richesse, la justice sociale et l'équité salariale sont des aspects que le mouvement ouvrier partage avec la communauté autochtone et qu'il voudrait voir renforcés.

J'ai remarqué que dans presque tous les mémoires présentés par l'industrie minière, il a été question de ce problème avec la communauté autochtone, ou que d'une façon ou d'une autre le projet de loi C-19 contient des dispositions qui peuvent avoir des conséquences négatives pour la communauté autochtone. Si vous avez des commentaires sur ce point, j'aimerais les entendre, mais je veux seulement exprimer mon désaccord sur l'idée que le projet de loi contient des ramifications négatives pour le peuple autochtone.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Très rapidement, s'il vous plaît.

Mme Gisèle Jacob: Je pense qu'il s'agit d'une question que vous aimeriez peut-être vérifier directement avec les peuples autochtones. Je pense que nous vous avons donné le point de vue de l'industrie minière dans le nord, et les différences culturelles, et l'adaptation aux conditions de travail dans le nord tenant compte des communautés autochtones et des différences culturelles. Il se peut que vous désiriez vérifier directement avec les peuples autochtones et ne pas vous en tenir seulement à notre version.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci beaucoup.

Je vous remercie beaucoup d'avoir représenté votre association et de nous avoir expliqué clairement votre point de vue. Nous sommes conscients du temps et des efforts que vous consacrés à ce travail, et nous prendrons votre mémoire en considération. Merci beaucoup.

Nous invitons maintenant les représentants du Business Council of British Columbia, monsieur Tim McEwan et monsieur Doug Alley. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour présenter votre mémoire et que nous passerons ensuite aux questions. Nous avons perdu un peu de temps ce matin lorsque sept personnes se sont présentées à la table, et comme vous êtes deux, je vais essayer de reprendre un peu du temps perdu. Je pense que c'est juste, considérant la distance que tous ont dû parcourir pour venir ici. Allez-y, s'il vous plaît.

M. Doug Alley (vice-président, Ressources humaines, Business Council of British Columbia): Merci, madame la présidente. Merci de nous donner la possibilité de vous rencontrer et d'exprimer le point de vue du Business Council ce matin.

Mon nom est Doug Alley. Je suis vice-président, Ressources humaines du Business Council et je suis accompagné de Tim McEwan, notre analyste de politique générale.

Je vous ferai d'abord une brève description de ce qu'est le Business Council. Notre organisme a vu le jour en 1966 en tant qu'association représentant approximativement 165 moyennes et grandes entreprises de la Colombie-Britannique. Nous sommes une association intersectorielle, active dans les principaux secteurs de l'économie de la province. Ils sont énumérés dans notre mémoire. Nous représentons des employeurs des secteurs privé et public.

Nous comptons au sein de nos membres 24 entreprises assujetties à la législation fédérale, qui oeuvrent dans les domaines des télécommunications, des services financiers et du transport interprovincial, maritime et aérien. Depuis sa création en 1966, le Business Council s'est intéressé de façon active aux relations de travail, à l'échelle provinciale ou fédérale.

M. Tim McEwan (analyste de politique générale, Business Council of British Columbia): Le Business Council a participé aux délibérations du groupe de travail Sims portant sur la partie I du Code canadien du travail et nous avons comparu devant le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, qui a délibéré sur le projet de loi C-66, le printemps dernier.

Le Business Council a aussi fait des représentations écrites et il a rencontré l'actuel ministre du Travail, l'honorable Lawrence MacAuley ainsi que ses prédécesseurs l'honorable Alfonso Gagliano et l'honorable Lucienne Robillard.

• 1145

La quête d'une législation du travail équilibrée est un des thèmes centraux de l'examen effectué par le groupe de travail Sims. La Business Council est, de façon générale, satisfait de l'équilibre réalisé par le groupe de travail dans les réformes qu'il a recommandées à la partie I du Code canadien du travail. Il est impératif que cet équilibre existe dans le Code canadien du travail considérant la nature des engagements inhérents à cette législation—industries qui sont, j'ajouterais, la clé de la compétitivité de l'économie canadienne.

Le Business Council remarque que certaines améliorations ont été apportées au projet de loi C-19 par rapport au projet de loi C-66. Que l'on pense aux dispositions proposées dans l'article 109.1 concernant les travailleurs à distance. Par ailleurs, la formulation de l'interdiction relative aux travailleurs suppléants se rapproche plus de la recommandation de fond contenue au rapport du groupe de travail Sims.

Malgré les modestes améliorations qu'apporte le projet de loi C-19, le Business Council est vivement préoccupé par deux dispositions empruntées du projet de loi C-66. Nous croyons que ces dispositions minent réellement l'équilibre recherché, et selon nous réalisé, par l'examen du groupe de travail. Il s'agit de l'article 87.7, qui exige que les services portuaires qui touchent l'expédition du grain soient maintenus pendant une grève ou un lock-out, et l'alinéa 47.3(1)b) qui traite des services à contrats successifs. À titre d'information, nous aimerions faire remarquer qu'aucune de ces dispositions ne fait partie, sur le fond, du rapport Sims. Il n'y a aucune recommandation expresse concernant l'exclusion du grain, et l'article 47.3 n'est tout simplement pas traité dans le rapport Sims.

M. Doug Alley: Seulement pour vous donner une idée de mon expérience, avant de travailler avec le Business Council, j'ai été, pendant 17 ans, négociateur pour les principales entreprises de traitement du poisson de la côte Ouest. J'ai participé à bon nombre de négociations, et je veux seulement vous dire que lorsque j'examine le paragraphe 87.7(1), je considère qu'il s'agit d'une atteinte majeure à la libre négociation des conventions collectives. Je ne crois pas que ce soit bon pour qui que ce soit, parce qu'ainsi on ouvre la porte à un droit de grève sélectif pour les employés. Si aujourd'hui, ils travaillent à l'expédition du grain, que feront-ils demain? Est-ce que ce sera le charbon? Ou bien la potasse? Ou encore la pulpe? Singulariser le grain constitue à mon avis une violation du droit de grève des employés.

De la perspective d'un employeur, laissez-moi seulement dire, pour les dossiers, que contrairement à l'opinion populaire ou aux perceptions, les négociations fonctionnent dans les ports de la côte Ouest actuellement. De fait, au cours de la dernière ronde de négociations, une entente a été conclue à l'expiration. Que vous n'en ayez pas entendu parler ne signifie pas que les négociations n'aient pas eu lieu.

Ce qui me préoccupe à titre de négociateur, ce sont les conséquences que pourraient avoir les dispositions du paragraphe 87.1(1). En permettant la manutention du grain, on modifie l'équilibre de la négociation collective en enlevant la pression qui pèse sur les syndicats de négocier de façon responsable et expéditive, et en plaçant la pression sur les employeurs qui devront négocier des conditions plus coûteuses qu'il n'aurait été autrement nécessaire. Pour les entreprises membres du Business Council, cela peut signifier une atteinte à notre réputation de fiabilité dans le monde entier. Nous travaillons fort pour obtenir des contrats, et si les services portuaires sont interrompus pendant une longue période—ce qui arrivera, je crois, en enlevant la disposition concernant le grain—les syndicats ne seront pas incités à régler alors que les gens travaillent toujours. Les dommages à notre réputation seront très difficiles à surmonter pendant un certain temps.

Je pense également qu'il s'agit d'un mauvaise politique publique. C'est très difficile de justifier auprès des travailleurs de la Colombie-Britannique que le grain des prairies puisse être manutentionné alors que le bois de sciage provenant de la scierie reste sur le quai. Selon moi, je commence à me demander si le grain est devenu un produit à part.

J'aimerais réfuter quelque chose qui a été dit par le ministre la semaine dernière. Je comprends qu'il a fait référence au grain comme à une carte maîtresse. Le grain peut constituer une carte maîtresse pour certaines personnes pendant la présente ronde de négociations, mais est-ce que ce sera le charbon la prochaine fois? Et la fois suivante, est-ce que ce sera la pulpe? Les producteurs agricoles ont un lobby efficace si vous avez reçu leurs appels lors des précédents conflits, mais si les producteurs voient le grain sortir des ports, vous allez recevoir encore plus de téléphones des gens de l'industrie de la pulpe, de l'industrie du bois de sciage, de l'industrie de la potasse, de l'industrie du soufre, de l'industrie pétrochimique. Et ainsi de suite.

Nous offrons une solution. Tout d'abord, nous demandons que cette clause soit supprimée au complet. Si elle ne l'est pas, nous fondons alors notre proposition de rechange sur une recommandation qui vous a été faite, à laquelle M. Keenan a fait allusion, par le biais d'une coalition d'employeurs. C'est une proposition réellement fondée sur les recommandations issues de l'enquête menée dans les ports de la côte Ouest.

• 1150

Pour terminer, nous avons seulement une question: pourquoi le gouvernement fédéral procède-t-il avec cette disposition alors que le juge Estey procède à une étude globale relativement au transport et à la manutention du grain? Pour nous, il semble que l'on met la charrue devant les boeufs.

M. Tim McEwan: Pour revenir à notre dernière question, les services à contrats successifs, le projet de loi C-19, comme vous le savez probablement, inclut une disposition qui obligera les entrepreneurs désignés relevant de la compétence fédérale qui remplacent un entrepreneur à payer les taux de rémunération qui étaient consentis par cet entrepreneur.

Même si dans l'immédiat, l'application de cette disposition est limitée aux services du contrôle de la sécurité du préembarquement dans l'industrie aéronautique, le cabinet peut désigner d'autres industries auxquelles cette disposition pourrait s'appliquer.

Nous sommes très préoccupés par l'alinéa 47.3(1)b), qui permet au cabinet d'étendre les droits et obligations du successeur à d'autres industries. Nous croyons que cet alinéa permet effectivement au ministre du Travail de suspendre la négociation collective et d'ouvrir les appels d'offres au sein du secteur contractuel régi par le gouvernement fédéral.

Selon nous, ce n'est tout simplement pas raisonnable que le ministre ait le pouvoir de prédéterminer la structure des coûts salariaux d'une entreprise en dehors des processus de négociation collective et d'appels d'offres ouverts. Fondamentalement, on ne devrait pas pouvoir empêcher les entreprises régies par le gouvernement fédéral de s'engager par contrat auprès de fournisseurs de services à moindre coût, si leur structure de coûts leur dicte que c'est nécessaire.

Nous avons vu des exemples au cours des dernières années, particulièrement dans l'industrie du transport aérien, où il a été nécessaire d'utiliser le moindre coût. Il s'agit de l'un des éléments clés ou de l'une des dispositions qui minerait leur capacité de procéder à ce genre de restructuration des coûts, le cas échéant.

En conclusion, le Business Council of British Columbia aimerait voir cet alinéa retiré complètement. Il s'agit de l'alinéa 47.3(1)b).

C'est tout.

M. Doug Alley: Nous aimerions seulement conclure en disant que nous croyons que l'équilibre du rapport Sims est miné par la disposition relative au grain et par les dispositions relatives aux services à contrats successifs. Vous avez entendu nos recommandations sur ces deux points.

Même si les remarques du Business Council of British Columbia ont porté essentiellement sur la disposition relative au grain et les dispositions en matière de services à contrats successifs, il y a un certain nombre d'autres aspects du projet de loi C-19 qui sont remis en question par d'autres employeurs ou associations d'employeurs que nous demandons au comité de considérer attentivement.

Comme commentaire final, je dirais que le processus qui a mené aux projets de loi C-19 et C-66 fait la démonstration que le processus qui mènera aux modifications législatives des parties II and III du Code canadien du travail devrait être universel et représenter les intérêts des autres employeurs régionaux et nationaux. Le Code canadien du travail a des répercussions sur les employeurs qui sont sous réglementation provinciale, et ils doivent être entendus.

Au nom du Business Council of British Columbia, merci de nous avoir donné la possibilité de vous faire part de nos préoccupations ce matin.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci, monsieur Alley et monsieur McEwan.

Je pense que chacun peut élaborer sa question. Nous ferons le tour et vous pourrez alors répondre à toutes les questions. Aussi, il serait peut-être bon que vous preniez quelques notes concernant les questions qui vous sont posées.

Nous commençons avec monsieur Johnston.

M. Dale Johnston: Merci, madame la présidente. Merci, messieurs, pour votre mémoire.

Monsieur Alley, vous nous avez indiqué que vous aviez une assez vaste expérience des négociations, et vous avez mentionné l'enquête qui a été menée dans les ports de la côte Ouest.

Dans cette enquête, il y avait une recommandation d'instaurer un mécanisme de règlement des différends, ce qui brille par son absence dans le projet de loi que nous étudions. Je me demande si vous aimeriez nous faire part de vos commentaires relativement à une telle disposition.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Madame Chamberlain.

Mme Brenda Chamberlain (Guelph—Wellington, Lib.): Je me demandais si la communauté des affaires pourrait nous faire ses commentaires à savoir si elle est satisfaite de la nouvelle composition du nouveau conseil. Aussi, quelle confiance a-t-elle en ce nouveau modèle de représentation? J'aimerais entendre leurs commentaires à ce sujet.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci. Monsieur Martin.

M. Pat Martin: En rapport avec l'alinéa proposé 47.3(1)b), j'aurais d'abord un commentaire, puis une question.

L'idée ici, je crois, est de soustraite les salaires à la concurrence afin que les entrepreneurs puissent miser sur leur habileté, leur capacité et leur productivité, non sur leur capacité de trouver de la main-d'oeuvre à coût moindre.

On a vu des exemples récemment, comme le service de livraison parallèle à Goose Bay, par exemple, où des gens ont été mis à pied à 15 $ l'heure et réembauchés à 7 $ l'heure parce que cette protection n'existait pas. Je crois que c'est ce à quoi vous faites allusion.

• 1155

Y a-t-il d'autres commentaires que vous aimeriez faire sur ce sujet?

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci beaucoup. Maintenant, monsieur Alley ou monsieur McEwan, peut-être pouvez-vous répondre à ces questions dans l'ordre, celle de M. Johnston pour commencer.

M. Doug Alley: Pour ce qui est de la recommandation à propos d'un mécanisme de règlement des différends dans les ports de la côte Ouest, nous sommes d'accord avec cela. Malheureusement, monsieur Johnston, nous ne savons pas pourquoi elle ne fait pas partie de la présente législation.

Ce que je comprends du rapport Sims, c'est que M. Sims a différé sa recommandation jusqu'à ce que le sujet soit de nouveau étudié, et l'enquête sur les ports de la côte Ouest a effectivement étudié la question. Je comprends qu'il y a une recommandation additionnelle dans Sims qui devrait être discutée. Mais comment on en est venu à cette interdiction... nous ne voyons pas très bien où le lien s'est fait.

C'est pourquoi je ne peux répondre à votre question en ce sens, mais nous sommes favorables au mécanisme de règlement des différends dont il est question dans l'enquête sur les ports de la côte Ouest.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): La question de Mme Chamberlain maintenant.

M. Doug Alley: Le conseil représentatif ressemble beaucoup au conseil du Business Council et il est largement accepté en Colombie-Britannique comme la bonne façon de procéder. Mais il y a un aspect sur lequel il faut être très prudent, c'est-à-dire qui est le président et qui sont les personnes qui sont représentatives? Il faut une personne tout à fait spéciale pour être capable de laisser son programme à la porte et prendre une décision de façon équitable. Nous avons pu constater que cela fonctionne très bien en Colombie-Britannique, mais avec quelques exceptions. En ce qui concerne le Business Council, nous sommes d'accord avec un conseil représentatif.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): La question de M. Martin.

M. Doug Alley: En vertu de cette disposition, monsieur Martin, ce qui est finalement accrédité, c'est le travail plutôt que les employés. Cet argument a cours actuellement en Colombie-Britannique. En Colombie-Britannique un comité vient tout juste de se pencher sur l'opportunité de modifier le code provincial et les membres se sont prononcés contre un tel changement, car il maintient les prix artificiellement élevés. L'exemple que j'ai utilisé devant la commission de la Colombie-Britannique était, pourquoi un concierge, par exemple, devrait-il être protégé, mais non un ouvrier de scierie? L'ouvrier de scierie ou la personne qui fait du moulage en vue de la fabrication d'un produit final par quelqu'un d'autre n'a pas ce genre de protection. Ils sont en concurrence en fonction du prix et de la qualité. Nous disons donc qu'il devrait en être de même pour n'importe quel genre d'emploi. La question devrait être, pouvez-vous faire le travail à un prix juste et à une juste valeur?

Avez-vous quelque chose à ajouter, Tim?

M. Tim McEwan: J'ajouterais seulement, comme j'y ai fait allusion dans nos commentaires, que dans le cas de certaines industries, lorsqu'elles détiennent un avantage, que cela peut faire la différence entre la perte ou le maintien d'emplois. Nous avons vécu un exemple notoire au sein de l'industrie du transport par avion il y a quelques années. C'est, il faut en convenir, hypothétique, mais si l'industrie du transport aérien, considérant les contrats qu'ils ont en ce qui a trait aux installations aéroportuaires, avait besoin de réduire ses coûts, elle ne pourrait pas se soustraire à cette option. C'est ce qui résulterait de cette disposition.

M. Pat Martin: Pourquoi ne peuvent-ils pas négocier cela après le fait? Après avoir remporté le contrat sur d'autres facteurs, leur habileté et leur capacité, pourquoi ne peuvent-ils pas parler à leurs employés après le fait et essayer de...? En réalité, ce dont nous parlons, c'est de gagner... dans un cas comme celui de Gagetown ou de Goose Bay, où ils procèdent actuellement à des appels d'offres sur ce genre de travail. Nous disons, soustrayez les salaires à la concurrence. Ne pensez-vous pas que ce serait plus raisonnable? Par la suite, si après le fait vous avez toujours un problème en raison d'un fardeau salarial trop élevé, vous êtes à la table de négociation et vous pouvez y régler la question. Peut-être que nous parlons de deux choses différentes.

M. Doug Alley: Mon expérience des tables de négociation—et comme vous le savez l'industrie des pêches de la côte Ouest n'est pas aussi florissante qu'elle l'a déjà été. Pendant les années où j'ai participé à la table, nous avons essayé de négocier des réductions dans les conventions collectives et nous n'avons rien obtenu. Ce n'est que lorsqu'une entreprise en particulier a fait faillite, il y a quelques semaines, que le commissaire à la protection des emplois a pu s'en mêler et négocier le genre de convention collective que nous essayions de négocier il y dix ans lorsque je faisais partie de l'industrie.

Les gens sont réticents à voir leurs salaires diminuer. Soustraire les salaires du modèle ne fait en quelque sorte pas partie du modèle de libre négociation des conventions collectives.

M. Pat Martin: Nous pourrions continuer, mais nous avons probablement dépassé le temps dont nous disposons.

• 1200

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Oui. Merci.

M. Alley, auriez-vous un commentaire pour terminer? Monsieur McEwan.

M. Tim McEwan: Ça va, merci.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci beaucoup d'avoir répondu aussi efficacement aux questions et merci d'être venus et d'avoir partagé la position de votre association avec nous.

Nous appelons maintenant le représentant de la Coal Association of Canada, monsieur Downing.

Bienvenue monsieur Downing. Veuillez procéder.

M. Donald O. Downing (président, Association charbonnière du Canada): Madame la présidente, mon nom est Don Downing et je suis président de la Coal Association of Canada. Je suis reconnaissant d'avoir la possibilité de parler devant le comité permanent aujourd'hui au nom de l'industrie canadienne du charbon.

L'Association charbonnière du Canada est l'organisme qui représente les producteurs et les exportateurs de charbon ainsi qu'un grand nombre d'organisations qui fournissent des services à l'industrie d'un océan à l'autre. Au total, 70 organisations représentant tous les secteurs de l'industrie font partie de notre organisation.

Mesdames et messieurs, ma présentation sera brève. Le but de ma présentation est de traiter des modifications proposées à la partie I du Code canadien du travail, en particulier les modifications proposées au paragraphe 87.7(1) intitulé «Services aux navires céréaliers».

Pour situer mes commentaires sur la législation proposée, j'aimerais décrire les principaux attributs de l'industrie minière canadienne. En 1997, la production de charbon a atteint environ 78 millions de tonnes provenant de 29 mines dans 5 provinces. La consommation totale a été de 55,5 millions de tonnes, principalement dans des stations de production d'électricité dans 6 provinces et dans l'industrie sidérurgique en Ontario. Environ 15 millions de tonnes de charbon sont importées au centre et dans l'est du Canada. Les exportations totalisent 37,5 millions de tonnes. La production, la consommation et les exportations ont à nouveau connu des records en 1997.

Le charbon est une marchandise en vrac, ce qui fait ressortir l'importance du transport pour l'industrie. Le charbon est la marchandise dont le plus fort volume, 40 millions de tonnes, est transporté par les grandes compagnies ferroviaires, et il est un des principaux générateurs de revenus pour le chemin de fer. Il existe une forte dépendance réciproque entre le charbon et le système de transport; chacun étant dépendant du succès de l'autre.

Les exportations en particulier nécessitent un système de transport efficace et rentable car le marché international du charbon est extrêmement compétitif. Les exportations à partir des ports de la côte Ouest dépassent maintenant 36 millions de tonnes annuellement. Les pays asiatiques sont les principaux marchés pour le charbon, principalement le Japon, la Corée et Taiwan, mais le Canada exporte du charbon dans plus de 20 pays un peu partout dans le monde.

Nos principaux concurrents pour ce qui est du charbon métallurgique sont l'Australie et les États-Unis et, pour ce qui est du charbon thermique, ce sont l'Afrique du Sud, l'Indonésie et la Colombie. Chacun de ces pays offre certains avantages naturels à leurs producteurs par rapport aux producteurs canadiens, l'un de ceux-ci, mais pas le moindre, étant des distances beaucoup plus courtes pour le transport ferroviaire jusqu'à la côte—en général de 100 à 300 kilomètres par rapport à 1200 kilomètres au Canada.

Pour ce qui est des retombées économiques, l'industrie minière emploie 7000 personnes directement, qui sont parmi les travailleurs les mieux payés au Canada. L'industrie minière crée un important effet d'entraînement sur l'économie ou un effet multiplicateur. Nos plus récentes analyses économiques réalisées en 1995 indiquent un coefficient multiplicateur de 3:1 pour les services de soutien aux mines, ce qui se traduit par un total d'emplois directs et indirects dans le secteur minier de plus de 24 000.

Le transport du charbon, ferroviaire et maritime, crée 28 000 autres emplois directs et indirects. Chaque emploi dans l'industrie du charbon crée six emplois additionnels dans les secteurs du soutien aux mines et du transport. Les retombées économiques de l'industrie du charbon et du transport mis ensemble se chiffrent à environ 4 milliards de dollars en dollars de 1997.

Ce sont les exportations d'outre-mer qui sont la source de l'interaction avec les ports et les fournisseurs de services maritimes. Les exportations de charbon sont évaluées à 2,5 milliards de dollars, ce qui n'est pas sans importance.

Ces commentaires visent à faire connaître au comité un important secteur de l'économie canadienne, un secteur qui contribue à l'investissement, à la croissance, à l'emploi et au commerce et qui sert d'appui au secteur du transport. Le charbon est un produit important pour le Canada.

Je signale aussi qu'il n'y a guère de ralentissement dans le système de transport du charbon, parce que les mines, situées principalement dans la région des Montagnes rocheuses, disposent d'une capacité d'entreposage limitée et comptent sur une expédition rapide par chemin de fer. Nous expédions présentement des volumes de charbon vers les ports d'exportation qui s'élèvent à un taux moyen de 700 000 tonnes par semaine et la capacité d'entreposage des mines est restreinte—plus limitée que la capacité d'entreposage du grain dans les prairies, par exemple.

• 1205

D'autres produits, bien qu'ils constituent des exportations importantes, sont de plus faible volume et disposent d'une plus grande flexibilité en terme d'entreposage. La capacité d'entreposage du soufre, par exemple, est extrêmement grande sur les sites de production. Les exportations de potasse sont plus faibles, et on dispose pour les exportations d'options ferroviaires et portuaires.

Les modifications proposées à la partie I du Code canadien du travail semblent refléter l'idée que le grain est plus important que le charbon. En fait, on pourrait être amené à croire que le grain est le produit le plus important dans ce pays. Ce n'est manifestement pas le cas. La modification proposée, en faisant des exportations de grain un cas particulier, diminue l'importance de l'industrie du charbon et de toutes les autres industries productrices de produits de base.

Ironiquement, parce qu'il s'agit d'une législation dans le domaine du travail, elle met en évidence la valeur d'un travailleur par rapport à celle d'un autre. Une personne qui travaille dans le grain est plus importante que celle qui travaille dans le charbon, la potasse, le soufre, le cuivre ou les produits pétrochimiques.

Ces commentaires sont évidemment dirigés vers le paragraphe 87.7(1), services aux navires céréaliers. On ne doit pas permettre une telle modification, car elle établit une discrimination entre les différents produits de base et en particularise un. Elle laisse entendre que le gouvernement du Canada accorde la priorité ainsi qu'un statut spécial au grain, point de vue qu'il nous serait impossible d'expliquer aux précieux clients qui achètent notre charbon dans plus de 20 pays.

Je ne suis pas un spécialiste des questions du travail et je ne prétends pas être qualifié pour offrir des solutions de rechange pour résoudre les situations complexes concernant la main-d'oeuvre portuaire. Je crois, cependant, que des groupes d'employeurs spécialistes de ces questions ont présenté des solutions viables. Une coalition d'employeurs a offert une alternative au paragraphe proposé 87.7(1) en septembre 1997. Aucune de ces solutions ne plaçait un produit de base au-dessus des autres sur le plan de l'intérêt national ou des retombées économiques.

J'allègue, avec respect, que toute discrimination entre les produits de base devrait être éliminée des modifications proposées au Code canadien du travail. Merci beaucoup de m'avoir donné la possibilité de vous faire part de ces remarques.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci beaucoup. Je crois que nous allons continuer avec le système que nous avons utilisé pendant une bonne partie de l'avant-midi. En ce sens, monsieur Downing, vous devriez prendre quelques notes au fur et à mesure que les questions sont posées. Nous n'avons pas à répartir les questions entre plusieurs répondants, puisque vous êtes le seul.

Monsieur Johnston.

M. Dale Johnston: Merci, madame la présidente et merci, monsieur Downing pour votre exposé.

Je suis un producteur agricole et il est très tentant d'appuyer l'article 87.7, parce que ce sera utile. Il s'agit d'une petite étape de franchie par la communauté agricole concernant le transport du grain. Mais nous avons suggéré qu'au lieu de singulariser un produit, nous devrions envisager un mécanisme de règlement des différends qui encouragerait la négociation entre les parties concernées. Si elles n'arrivent pas à une solution, elles pourraient être forcées par une législation de choisir ensemble un arbitre et d'en arriver à un règlement de cette façon.

Selon nous, cette façon de faire ne singulariserait pas un produit mais encouragerait les négociations sérieuses entre deux parties en vue d'en arriver à une solution. J'aimerais entendre vos commentaires sur ce point.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Monsieur Rocheleau.

M. Yves Rocheleau: Je n'ai pas de question.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Monsieur Nault.

M. Robert Nault: Ma question a trait au point de vue présenté par l'industrie du charbon et les autres qui ont présenté des mémoires ce matin, que d'une certaine façon l'article 87.7 reflète l'idée que le grain est plus important que le charbon. D'abord, ce n'est pas du tout le cas si l'on se réfère à cet article de la législation. L'intention est, en raison des carences en matière de négociation collective sur la côte Ouest, de ramener le processus de négociation collective dans les échanges entre employeurs et employés.

Le Parti réformiste a proposé un mécanisme de règlement qui introduit une tierce partie en tout temps. Il y a aussi l'option que nous avons présentement, à savoir qu'il n'y ait pas de négociation collective, mais une législation forçant le retour au travail dans tous les cas, ou presque tous les cas. Le résultat final est le même mécanisme que défend le Parti réformiste, qui est en fait un mécanisme de règlement des différends, parce qu'une tierce partie est introduite et essaie de déterminer une solution.

• 1210

Selon ce que vous nous avez dit, vous laissez entendre que vous avez proposé une solution de rechange, mais en fait ce n'est pas le cas. Votre proposition est sensiblement la même que celle de M. Johnston, c'est-à-dire une tierce partie qui décide à votre place au lieu que ce soit les employés et les employeurs qui en viennent eux-mêmes à résoudre leurs difficultés.

Aussi, j'aimerais savoir si en fait vous croyez qu'il n'y a pas de négociation collective actuellement sur la côte Ouest, et si c'est le cas, ne seriez-vous pas d'accord pour accepter que la proposition qui est faite dans cette modification est une tentative de bonne foi de la part du gouvernement du Canada de se sortir de l'arbitrage par une tierce partie, ce qui a été le cas au cours des dernières années?

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci, monsieur Nault.

Monsieur Downing, voulez-vous commencer par la question de M. Johnston?

M. Donald Downing: Dans l'optique d'un individu qui représente un produit, non pas un employeur ni un représentant syndical, je ferais une observation personnelle lorsque je dis que nous appuierions le mécanisme qui sert le mieux la négociation collective active et encourage une résolution de bonne foi des conflits de travail. Je pense que selon ce que nous avons vu des mécanismes que vous avez décrits, ceux-ci correspondrait mieux à cette idée que les dispositions qui sont contenues dans la législation.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Maintenant, la question de M. Nault, monsieur Downing.

M. Donald Downing: Je pense qu'elles sont semblables. Il est évident... Je crois que si l'intention du gouvernement est de régler une situation très complexe et très sérieuse en matière de conflit de travail, l'idée de promouvoir le travail continu pour un seul produit de base qui représente un volume minoritaire si l'on considère la proportion qui passe par Vancouver, par exemple... selon moi, ceci n'aiderait pas la résolution de situations ouvrières complexes. Il me semble que peu importe le coeur du conflit, la situation demeurerait inchangée dans ces cas.

Je crois que la préoccupation de l'industrie du charbon est que la disposition telle qu'elle est rédigée actuellement pourrait mener à un accroissement des conflits de travail parce que les personnes auraient la possibilité de continuer à travailler dans le port alors qu'un conflit de travail est en cours et affecte d'autres produits. C'est, selon nous, plus négatif que positif.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Monsieur Nault.

M. Robert Nault: L'autre question que je voulais poser—et je voulais poser la même question au Business Council, parce que ce sont surtout eux qui ont amené cette idée, ainsi que votre organisation. Je suis certain que vous connaissez un groupe d'employeurs désigné à la table comme ETCOF, qui est un groupe d'employeurs assujetti à la législation fédérale, et que ce groupe a beaucoup d'intérêts dans cet aspect particulier de la législation. Ce groupe est venu ici et a dit qu'il approuvait l'article 87.7.

Vos entreprises, bien entendu, sont toutes assujetties à la réglementation provinciale.

Donc, d'une part, nous avons des employeurs du côté fédéral qui disent qu'il s'agit d'un assez bon équilibre. D'autre part, nous avons des employeurs provinciaux qui sont liés de façon accessoire à ceci, parce qu'évidemment nous sommes un pays exportateur, donc nous expédions beaucoup de marchandises à l'extérieur du pays, et ils disent qu'ils sont complètement en désaccord avec ceci. Nous avons donc deux groupes d'employeurs, un provincial, un fédéral, qui ont des perceptions très différentes de la législation.

Laissez-moi vous demander ceci. Si en fait vous ressentez tant d'attachement envers cette législation fédérale que l'on appelle le Code canadien du travail, pourquoi des groupes comme le vôtre ou le Business Council ne sont-ils pas en faveur d'un code du travail unique dans ce pays? Pourquoi en avons-nous onze? Si c'est en fait la justification que nous utilisons, que ceci s'applique à vous également, alors nous pouvons tout aussi bien n'avoir qu'un seul code et travailler avec lui et ne pas avoir tous ces codes différents un peu partout.

J'ai de la difficulté à prendre au sérieux un groupe d'employeurs qui vient ici et qui n'était pas à la table et qui n'a pas suggéré cet équilibre, alors que l'autre groupe d'employeurs l'a fait, et ils nous ont dit il y a seulement quelques jours qu'il s'agit d'une très bonne législation et que nous devrions l'adopter—et très rapidement. Quels sont vos commentaires relativement à cela?

• 1215

M. Donald Downing: Je ne me sens pas... je n'ai pas du tout pensé à cela, pour dire la vérité, et je ne suis pas expérimenté pour ce qui est des codes du travail fédéral ou provinciaux, de façon générale. Je préférerais que d'autres groupes d'employeurs répondent à cette question.

Je regarderais l'aspect du volume. Il y a des millions et des dizaines de millions de tonnes de marchandises qui transitent par le port de Vancouver. Pour ce qui est du charbon, il doit être transporté rapidement. Nous avons des clients dans 20 pays qui comptent sur nous pour que le produit leur soit livré à temps. S'il y a un conflit de travail, je ne crois pas que l'on doive établir de distinction entre un produit ou un autre pour ce qui est du mouvement des marchandises.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): M. Johnston.

M. Dale Johnston: Il est fort possible que nous devions faire face bientôt à une interruption du transport ferroviaire, comme vous le savez sûrement. Ce qui, dans les faits, empêcherait le transport de votre produit vers le port. Pourriez-vous nous dire où vous pensez que vous pourriez perdre vos marchés? Vous avez parlé d'autres secteurs, mais les pertes de marché dont vous pourriez souffrir en raison d'une grève de cette nature se situeraient dans quel pays? Je sais que c'est très hypothétique, mais des clients que vous pourriez perdre, quelles seraient vos chances de les reconquérir? Votre produit est-il similaire à celui des autres pays?

M. Donald Downing: Le charbon métallurgique canadien, par exemple, constitue la majeure partie ou probablement 80 p. 100 des exportations canadiennes, et l'Australie et les États-Unis sont nos principaux concurrents. Il s'agit d'un marché extrêmement concurrentiel. Alors qu'il n'y a que quelques pays, il y a un grand nombre de fournisseurs en Australie et aux États-Unis qui font partie de ce marché.

Nous pouvons citer, à titre d'exemple, la faillite en 1992 de l'un de nos plus grands exportateurs—Weststar Mining en Colombie-Britannique a fermé. Cette entreprise exploitait deux mines et exportait environ 8 millions de tonnes de charbon. Conséquemment à la faillite, les mines ont été fermées pendant environ neuf mois pendant que le syndic de faillites essayait de vendre les actifs à d'autres entreprises.

Pendant cette période, 8 millions de tonnes d'exportation de charbon ont été perdues, et il a fallu environ quatre ans pour reconquérir ces marchés. Nous venons tout juste de revenir au niveau d'exportation de 1991, en cette année 1997, année où nous avons établi un record d'exportation du charbon métallurgique. Il faut des années pour reconquérir des marchés perdus et une somme incroyable de travail. Il n'y a pas de garantie dans un marché concurrentiel que nous reprendrons les marchés perdus.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Monsieur Nault.

M. Robert Nault: Monsieur Downing, j'étais seulement curieux, à titre informatif. Vos organisations—les mines de charbon, particulièrement en Colombie-Britannique—sont-elles syndiquées?

M. Donald Downing: Oui.

M. Robert Nault: Normalement, comment négociez-vous avec elles? Est-ce au moyen de l'arbitrage par une tierce personne, ou procédez-vous à des négociations collectives avec vos syndicats?

M. Donald Downing: Il y a une négociation collective à chaque mine. Il y a des syndicats différents et il y a des sections locales pour les différents syndicats. La négociation se fait habituellement pour chacune des mines.

M. Robert Nault: Il arrive qu'elles aillent en grève alors?

M. Donald Downing: Nous avons connu des grèves, la dernière remonte en 1992.

M. Robert Nault: Est-ce que la province de la Colombie-Britannique a forcé le retour au travail dans le cas de ces grèves?

M. Donald Downing: Je ne me rappelle pas d'un conflit de travail dans le secteur minier qui s'est terminé par une loi forçant le retour au travail.

M. Robert Nault: Considérant cela, pourquoi voudrions-nous traiter quelqu'un d'autre différemment, alors, dans le sens de forcer le gouvernement du Canada à continuer de forcer le retour au travail, alors que dans les faits cela ne se produit pas dans votre industrie?

M. Donald Downing: L'industrie du charbon n'est pas en faveur du règlement de la négociation collective par voie de législation. Je suppose que dans le cas où une grève aurait des retombées suffisamment graves au plan municipal ou régional, qu'une partie ou l'autre pourrait inviter une tierce partie pour régler le conflit—ceci n'est pas arrivé selon mon souvenir. Les parties négocient en général jusqu'à la conclusion d'une entente. Certaines grèves sont longues; d'autres sont brèves, évidemment.

L'une des raisons qui fait que cette situation prévaut, je pense, est que si une mine est en grève, il n'y a pas nécessairement d'incidence sur les autres mines ou sur les autres produits. Si vous avez une grève dans le port, tout est fermé, alors les pressions et les tensions sont un peu différentes.

M. Robert Nault: Considérant le fait que vous croyez davantage en la négociation collective que vous êtes d'accord avec la position du Parti réformiste enlevant la négociation collective...

M. Dale Johnston: Voyons, ce n'est pas juste.

• 1220

M. Robert Nault: ... pourriez-vous alors accepter ceci comme un argument, à savoir que si l'article 87.7 fonctionne de la façon qui est prévue, que si dans les faits cet article ramène la négociation collective dans les ports de la côte Ouest, que vous seriez prêt à nous réécrire—je ne m'attends pas à ce que vous le fassiez aujourd'hui—et dire: «Je m'excuse humblement d'avoir suggéré que cela pourrait ne pas fonctionner, et que c'était une mauvaise chose de procéder ainsi.»?

Bien franchement, ce que le gouvernement du Canada et l'assemblée législative essaient de faire ici est exactement ce que vous voulez, la négociation collective, et d'enlever ces tierces parties de façon à ce que vous puissiez continuer vos affaires et poursuivre votre négociation avec vos employés. Nous essayons de faire la même chose au fédéral.

Donc si cela arrive—parce que c'est l'argument qui est avancé ici par le gouvernement—que cela fonctionnera et améliorera la négociation collective—seriez-vous prêt alors à accepter cela?

M. Donald Downing: Bien, monsieur Nault, nous ne pensons pas que cette disposition puisse fonctionner. C'est pourquoi nous nous y opposons. Mais, elle sera, je l'espère, retirée, donc nous n'aurons pas à considérer la possibilité de vous écrire relativement au succès de la mise en place de cette disposition. Nous appuyons les résolutions qui permettent à tous les produits d'être transportés en vertu des mêmes règles, ou de ne pas l'être, le cas échéant.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Monsieur Johnston.

M. Dale Johnston: Il s'agit d'une explication sur un point personnel, madame la présidente, si M. Nault choisit de ne pas considérer l'idée que nous avons mise de l'avant—le mécanisme de règlement des différends—je suppose que cela le concerne, mais s'il veut m'accuser de ne pas appuyer la négociation collective, cela me concerne.

Il a présenté la situation de façon complètement erronée. Le Parti réformiste est totalement favorable à la négociation collective. Nous pensons qu'un mécanisme de règlement des différends serait mis en place seulement dans les cas où la négociation collective achoppe et seulement dans les cas où les ports sont la seule solution, lorsqu'il n'y a pas d'alternative.

Aussi, madame la présidente, pour les dossiers, je m'objecte à ce qu'il me fasse dire ces mots.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Vous avez pris votre propre défense, monsieur Johnston. Je n'étais pas du tout inquiète à ce sujet.

D'autres questions? Tout le monde est-il satisfait?

Merci beaucoup, monsieur Downing, pour votre exposé. C'était clair et vous avez répondu aux questions d'une façon qui semble avoir satisfait tout le monde. Merci d'être venu et de nous avoir présenté le point de vue de votre association.

Mesdames et messieurs, le prochain témoin est inscrit à 12 h 30 et il n'est pas arrivé pour le moment. Je crois que nous avons le devoir d'attendre au moins jusqu'à 12 h 31, pour nous assurer de ne pas être absents si cette personne se présente. Nous prendrons une pause de six minutes.

• 1223




• 1230

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Notre témoin ne s'est pas présenté, je vais donc déclarer cette séance terminée.

Nous reprendrons à la salle 306 de l'édifice de l'Ouest à 15 h 30.

La séance est levée.