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HRPD Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON HUMAN RESOURCES DEVELOPMENT AND THE STATUS OF PERSONS WITH DISABILITIES

COMITÉ PERMANENT DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES ET DE LA CONDITION DES PERSONNES HANDICAPÉES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 27 novembre 1997

• 0844

[Traduction]

Le président (M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.)): Nous déclarons ouverte la 10e séance du comité pour la nouvelle législature. Tout d'abord, je souhaite la bienvenue à tous et vous remercie de votre disponibilité.

Vous avez tous participé à une série de débats sur cette question, et nous espérons que la journée d'aujourd'hui sera fructueuse, car, en tant que comité responsable du ministère du Développement des ressources humaines, nous allons présenter un rapport à la Chambre, peut-être dès jeudi prochain, en formulant une série de recommandations au gouvernement et au ministre des Finances en vue du prochain budget. Par conséquent, votre témoignage nous sera très utile.

• 0845

D'abord quelques détails logistiques. Nous avons prévu que cette réunion durera de 8 h 30 ce matin à 13 heures cet après-midi. Elle pourrait ne pas durer aussi longtemps si nous estimons que nous avons fait le tour de la question et que nous pouvons commencer à préparer notre rapport.

Vers 10 heures, la cloche sonnera le début des délibérations de la Chambre. S'il y a lieu à ce moment-là, nous pourrions prendre une pause de 10 ou 15 minutes pour nous détendre et boire un café avant de poursuivre nos travaux.

Je vais d'abord demander à M. Townsend de résumer le travail qui a été fait dans le cadre des ateliers la semaine dernière, et ensuite nous entendrons les représentants des associations ici présentes et nous essaierons de procéder à un débat au cours duquel les députés pourront poser des questions et obtenir des éclaircissements. Après l'exposé de chaque association, je demanderai aux autres participants de poser librement des questions.

Est-ce assez clair? Avez-vous des questions sur l'organisation et la structure du débat? Aucune.

Monsieur Townsend, vous avez la parole.

M. Thomas Townsend (directeur général, Apprentissage et alphabétisation, Développement des ressources humaines Canada): Merci, monsieur le président.

Pour gagner du temps, je parlerai d'emblée des thèmes qui ont émergé de l'atelier, et qui sont énumérés à la page 4 du document en anglais que j'ai présenté et à la page 3 du document en français.

[Français]

Le rapport sera distribué au début de décembre. Voici quelques-uns des thèmes présentés pendant la conférence.

La première priorité identifiée par les intervenants a été la dette. Les intervenants ont souligné que l'endettement des étudiants, à la fin de leurs études, continue d'augmenter et constitue le problème le plus important. Des solutions devraient inclure des bourses initiales et des mesures pour réduire les dettes au cours du paiement après les études.

[Traduction]

Les participants ont considéré à maintes reprises la réduction de la dette au cours du remboursement comme le facteur le plus important. Les mesures de réduction de la dette doivent être liées au revenu. Quant au régime actuel d'exemption d'intérêt, même si les participants en ont souligné l'utilité, ils ont proposé qu'on élargisse et qu'on prévoie des intérêts échelonnés.

Bien des participants seront réticents à l'idée d'accroître la période de remboursement, car le niveau d'endettement d'un certain nombre d'étudiants demeure encore assez faible pour que le remboursement se fasse au cours de la période normale d'amortissement de 9,5 ans. Les participants à l'atelier ont estimé que la période maximale de remboursement qui soit acceptable est de 15 ans.

Les subventions initiales constituent la seconde priorité. Elles visent à empêcher que la dette devienne accablante. Les participants ont accueilli favorablement la subvention aux étudiants ayant des personnes à charge. Les subventions accordées en première et en deuxième années sont considérées comme prioritaires, non seulement pour promouvoir les inscriptions dans l'enseignement postsecondaire, mais aussi pour assurer la rétention des étudiants inscrits. Les subventions doivent être accordées en fonction des besoins financiers au-delà des limites de prêt actuelles et de la capacité des programmes de prêts aux étudiants de fournir de l'aide financière.

• 0850

[Français]

L'admissibilité devrait dépendre des besoins plutôt que du mérite. Il serait préférable d'utiliser le système actuel plutôt que de créer un système parallèle.

[Traduction]

Les participants ont aussi cerné un certain nombre de mesures fiscales qui seraient utiles pour promouvoir les inscriptions dans l'enseignement postsecondaire. Ils ont proposé des initiatives d'amélioration des REEE. Ils ont aussi suggéré que l'on puisse transférer des fonds entre les REER et les REEE. Enfin, ils ont préconisé la possibilité d'une déduction fiscale des intérêts sur les prêts aux étudiants.

La communication est la troisième priorité. En effet, il faudrait développer la communication avec les établissements scolaires, les étudiants et leurs familles en ce qui concerne le système de prêts aux étudiants, les pratiques budgétaires et les autres outils d'aide financière dont ils peuvent bénéficier pour mener à bien leurs études postsecondaires. Il faut encourager les étudiants et leurs familles à économiser en vue des études postsecondaires, et il faut faire en sorte que le programme soit plus facile et plus compréhensible pour les participants.

La quatrième priorité est l'harmonisation des programmes fédéral et provinciaux d'aide aux étudiants. Les participants ont mis l'accent sur l'harmonisation. En effet, la participation des deux paliers de gouvernement aux programmes de prêts aux étudiants est importante, mais d'après les étudiants il faudrait un seul prêt par étudiant. Cela ne signifie pas nécessairement un seul type de prêt dans tout le pays, car il existe des différences importantes entre les provinces, et la nature des programmes de prêts doit refléter ces différences.

Dans le cadre du débat sur l'harmonisation, les participants ont notamment mentionné les normes nationales, la période de grâce de six mois après la fin des études, l'allégement des intérêts, la transférabilité des prêts aux étudiants d'une province à l'autre, la désignation des établissements scolaires, et l'octroi de bourses et de subventions.

Enfin, je voudrais souligner une autre préoccupation qui a émergé à maintes reprises pendant l'atelier: le remboursement en fonction du revenu. L'écrasante majorité des participants a estimé que l'idée du remboursement en fonction du revenu ne semble pas être une option viable. De grandes inquiétudes ont été exprimées en ce qui concerne la durée du remboursement dans ce genre de programmes, qui est souvent de 20 ou 25 ans. De plus, dans certaines formules pures de remboursement en fonction du revenu, on permet la capitalisation de l'intérêt, ce qui crée un amortissement négatif et le risque d'une augmentation du prêt pour certains emprunteurs. En outre, la complexité administrative globale de ces régimes est problématique.

Monsieur le président, ainsi se termine mon rapport sur les thèmes. Je tiens à préciser que le rapport de l'atelier n'est pas terminé; il le sera vers la fin de la semaine prochaine. Voilà donc les notes que j'ai prises au cours de la conférence.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Townsend.

Je constate que dans cet arrangement je ne vois pas les députés; je vais donc demander aux participants d'indiquer un peu plus directement que d'habitude s'ils veulent poser des questions.

Peut-être faut-il donner la parole aux étudiants pour qu'ils nous disent ce qu'ils pensent de cette question.

• 0855

Avez-vous convenu d'une façon de procéder?

Une voix: Rubina Ramji va commencer.

Mme Rubina Ramji (présidente, Conseil national des étudiants diplômés): Bonjour, monsieur le président. Je suis présidente du Conseil national des étudiants diplômés. Avant de commencer, je vais vous présenter mes collègues.

Je suis accompagnée de M. Robert Best, directeur des relations gouvernementales et des affaires publiques à l'Association des universités et collèges du Canada, et M. Pierre Killeen, agent des relations avec les membres et le gouvernement de la même association; M. Robert Léger, agent des relations gouvernementales de l'Association canadienne des professeurs d'université; et Mme Judy Stymest, directrice de l'aide aux étudiants et conseillère des étudiants internationaux à l'Université McGill, et représentante régionale du Québec au sein du conseil d'administration de l'Association canadienne des responsables de l'aide financière aux étudiants.

À partir de l'automne 1996, nos cinq organisations, de concert avec la Fédération canadienne des étudiants et l'Alliance canadienne des associations d'étudiants, ont commencé à se réunir régulièrement pour discuter de l'aide aux étudiants. Nous sommes unis par une préoccupation comme au sujet de l'endettement croissant des étudiants et de ses conséquences sur l'accessibilité, et par une conviction commune relativement à l'importance de la participation continue du gouvernement fédéral à l'aide aux étudiants, surtout par le biais des programmes canadiens de prêts aux étudiants.

En janvier 1997, nous avons publié un projet de réforme intitulé «Renouveler l'aide aux étudiants au Canada», et nous avons continué à travailler de façon constructive pour proposer des mesures visant à réduire l'endettement des étudiants et à accroître l'accessibilité depuis lors.

Aujourd'hui, nous vous présenterons nos propositions mises à jour, qui sont pleinement appuyées par les sept organisations de la table ronde sur l'aide aux étudiants. Je vous signale que deux de nos organisations partenaires, la Fédération canadienne des étudiants et l'Alliance canadienne des associations d'étudiants, ont accepté l'invitation du comité à présenter séparément leurs témoignages.

Je demanderai maintenant à Bob Best et Pierre Killeen de lire la déclaration liminaire au nom de nos groupes.

M. Robert Best (directeur, Relations gouvernementales et affaires publiques, Association des universités et collèges du Canada): Merci, Rubina.

Monsieur le président, membres du comité, l'endettement étudiant est devenu un grand sujet de préoccupation dans notre pays. Depuis 1990, le niveau d'endettement de l'étudiant moyen qui emprunte pour financer ses études postsecondaires a pratiquement triplé, d'après les estimations de Développement des ressources humaines Canada. L'augmentation des limites des prêts fédéraux, ainsi que l'accroissement des coûts, y compris les frais de scolarité, et en particulier l'abolition des programmes de subventions provinciales, ont contribué à cet alourdissement spectaculaire de la dette de nos jeunes.

Le niveau d'endettement moyen des étudiants canadiens est maintenant comparable à celui des diplômés des établissements privés offrant des programmes de quatre ans aux États-Unis, tels que Harvard et Yale.

Le Conference Board du Canada a déclaré le mois dernier que «sans instruction, on est condamné à vie à un revenu faible». Nous sommes d'accord. L'accessibilité de l'enseignement postsecondaire est nécessaire pour accroître la capacité de nos citoyens, de nos institutions et de notre économie d'acquérir des connaissances à l'ère de la mondialisation. Si l'enseignement postsecondaire au Canada n'était accessible qu'aux plus nantis, ce serait déraisonnable. Si nous ne mettons pas fin à l'endettement croissant des étudiants, nous risquons de miner les principes fondamentaux de justice et d'équité dans notre système éducatif.

Au cours des derniers mois, dans le discours du Trône, dans la réponse du premier ministre au discours du Trône et dans l'énoncé économique et financier du ministre des Finances, on a mis l'accent sur la nécessité de remédier à l'endettement des étudiants. Nos associations sont ravies de la détermination du gouvernement de réduire les obstacles à l'enseignement postsecondaire par le biais de réformes supplémentaires au Programme canadien de prêts aux étudiants et de l'augmentation de l'aide aux étudiants ayant des personnes à charge.

Tous nos groupes ont participé à la réunion des intervenants nationaux dont M. Townsend a parlé, et nous sommes très heureux du large consensus qui a été obtenu en ce qui concerne la réforme du système d'aide aux étudiants. Nous continuerons à collaborer avec le gouvernement dans ce domaine, car nous croyons que le renouvellement du Programme canadien de prêts aux étudiants est la meilleure garantie d'espoir et de possibilités pour les Canadiens qui s'efforcent de répondre aux exigences de la nouvelle économie axée sur les connaissances.

Monsieur le président, en janvier, nous avons dévoilé une série de propositions de réforme dont Rubina a parlé tout à l'heure. Nous croyons que ces réformes sont nécessaires pour améliorer le système national d'aide aux étudiants. La semaine dernière, nous avons publié une mise à jour sous forme d'un document de trois pages comportant les éléments clés de la réforme, document que nous avons déjà fourni au comité.

Nous parlons d'une «série» précisément parce qu'il s'agit d'un ensemble de mesures qui sont nécessaires pour régler les problèmes liés à l'accessibilité et à l'endettement des étudiants. Il n'y a ni réponse unique, ni panacée, ni solution magique. Notre mise à jour comporte à la fois des programmes de subventions et de remise, des mesures fiscales et des changements de programmes visant à encourager la souplesse en matière de remboursement. Ces mesures sont très semblables à celles dont M. Townsend a parlé, et elles ont fait l'objet d'un grand débat et d'un consensus considérable lors de la réunion des intervenants la semaine dernière.

• 0900

Appliquées ensemble, ces mesures permettront de réduire le nombre d'étudiants dont l'endettement est insupportable; de réduire les défauts de paiement et les faillites chez les étudiants; d'accroître la marge de manoeuvre de tous les emprunteurs; et de lier l'obligation de rembourser à la capacité de payer.

[Français]

M. Pierre Killeen (agent des relations avec les gouvernements, Association des collèges communautaires du Canada): Bonjour.

D'abord, nous invitons le gouvernement à créer un programme de bourses destinées aux étudiants et étudiantes de première et deuxième années qui, pour des raisons ayant trait à leurs origines familiales modestes ou à leur statut d'étudiant indépendant, ont besoin d'une aide financière qui dépasse la moyenne.

Il s'agit d'une période critique pour ces étudiants et étudiantes, car c'est souvent à ce moment qu'ils et elles prennent conscience de l'ampleur de la dette qui les attend à la fin des études. Dans certains cas, ce constat se traduit par l'abandon des études. De nombreuses études tendent à démontrer que de telles bourses encouragent la persévérance scolaire. Bien entendu, il est possible que le nouveau Fonds des bourses d'études du millénaire puisse jouer ce rôle s'il est bien conçu. Mais, quoi qu'il advienne, la nécessité d'offrir des bourses fondées sur l'évaluation des besoins nous semble incontournable.

Dans un deuxième temps, nous souhaitons l'introduction de programmes travail-études. Ces programmes offrent aux étudiants et étudiantes qui ont de grands besoins financiers une aide non remboursable en échange de laquelle ils s'engagent à travailler, généralement en exerçant une activité universitaire ou professionnelle sur le campus, sans pour autant prendre la place du personnel de soutien. Les établissements qui participent aux programmes reçoivent des subventions salariales qui contribuent partiellement à couvrir les dépenses scolaires. Bien entendu, les bénéficiaires acquièrent une expérience de travail précieuse, mais il s'agit là d'un élément secondaire, car les programmes travail-études ne sont pas des programmes de formation. Nous recommandons au gouvernement fédéral de s'affairer rapidement avec les provinces et les établissements postsecondaires pour lancer un tel programme à l'échelle nationale. Ces mesures sont nécessaires durant les études.

Enfin, nous devons nous attaquer au problème du fardeau de l'endettement qui suit l'obtention du diplôme. À cet égard, nous invitons le gouvernement à introduire un programme de bourses différées. Un bon nombre de provinces offrent déjà des programmes de remise de la dette provinciale à leurs étudiants et étudiantes suivant la fin de leurs études. Ces programmes visent généralement à réduire la dette globale de l'étudiant sans égard à la capacité de rembourser.

Notre approche est un peu différente car elle privilégie des remises de dettes plus ciblées qui utilisent des barèmes fondés sur le ratio endettement-revenu. La remise de dette peut se faire d'un seul coup, lorsqu'il devient clair que les personnes ayant éprouvé des problèmes de remboursement persistants au cours des trois ou quatre premières années ayant suivi la fin de leurs études ne pourront rembourser les sommes dues. La remise de dette pourrait également s'effectuer d'une manière plus graduelle, sur une base mensuelle, couvrant tantôt une partie des intérêts, tantôt les intérêts en entier et parfois même une partie du capital.

Nous croyons aussi qu'il faudrait incorporer certaines mesures dans le régime fiscal pour que les études soient plus abordables. Dans le budget de février, on s'est beaucoup rapproché de nos recommandations touchant le traitement fiscal de l'épargne-études et des droits obligatoires. C'est encourageant, mais nous ne croyons pas que ces mesures constituent une solution suffisante à long terme.

Premièrement, il faudrait plutôt que les contributions aux régimes enregistrés d'épargne-études soient déductibles de l'impôt.

Deuxièmement, il devrait être permis de retirer des fonds des régimes enregistrés d'épargne-retraite afin de promouvoir la formation permanente.

Dans un dernier temps, nous croyons aussi que les intérêts payés sur les prêts étudiants devraient être déductibles de l'impôt. Ce serait un grand soulagement pour les emprunteurs qui négocient la transition entre l'école et le monde du travail. Les États-Unis ont adopté récemment une mesure de ce genre. À la différence d'autres mesures fiscales d'aide à l'éducation, qui visent plutôt l'ensemble des étudiants, les avantages de celle-ci visent carrément les étudiants démunis qui doivent emprunter de fortes sommes pour financer leurs études.

• 0905

[Traduction]

M. Robert Best: Jusqu'ici, monsieur le président, les recommandations que nous avons faites sont des variations d'un thème que nous avons cerné en janvier dernier. Comme on l'a dit tout à l'heure, nous venons de mettre à jour nos propositions. Les changements importants concernent la souplesse dans le remboursement et la nette amélioration du système d'allégement des intérêts et de remise ciblée de la dette. Par conséquent, nous recommandons trois changements au système actuel de prêts afin de réduire l'endettement des étudiants et d'assouplir le remboursement des prêts.

Premièrement, donner à tous les emprunteurs la possibilité de suspendre leur remboursement pendant la période de transition de trois à cinq ans entre la fin des études et le marché du travail, afin de réduire le montant mensuel exigé et de permettre plus de souplesse dans le remboursement. Si les intérêts sont payés, cela n'entraîne aucune dépense de la part du gouvernement.

Deuxièmement, offrir aux emprunteurs nécessiteux une version réformée et plus échelonnée du programme actuel d'allégement des intérêts au cours de la même période de transition de trois à cinq ans, afin d'aider la minorité d'étudiants qui ne peuvent même pas payer l'intérêt tout seul.

Troisièmement, accorder une réduction de dette quelconque aux emprunteurs qui ont d'énormes difficultés à rembourser leur dette après la période de transition. On pourrait le faire en leur accordant une seule remise substantielle à la fin de la période d'allégement des intérêts ou par le biais d'un allégement des mensualités pour les emprunteurs nécessiteux à n'importe quel moment après la fin de la période d'allégement des intérêts, ou une combinaison des deux. Dans l'un ou l'autre cas, le montant de la remise ou des remises serait calculé en fonction de la capacité de payer et du niveau d'endettement.

Enfin, en ce qui concerne la longueur de la période de remboursement, même si nous sommes favorables à l'idée d'une certaine souplesse au-delà de 10 ans, nous ne pensons pas que l'aide aux étudiants devrait être source d'un endettement à vie. La période de remboursement ne doit pas être trop longue, et elle ne devrait certainement pas dépasser 15 ans.

Ainsi se termine la déclaration commune de cinq de nos sept organisations. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup.

Carolyn, voulez-vous obtenir des éclaircissements ou poser une question de fond?

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Je veux obtenir des éclaircissements sur les résultats des ateliers.

Monsieur Townsend, en parlant des thèmes qui ont émergé... En tout cas, d'après ce que nous ont dit les étudiants à qui nous avons parlé... Je pense qu'on peut tout regrouper sous le thème de l'accroissement de la souplesse, mais les étudiants m'ont parlé de la rigidité du système actuel, qui les force à déclarer faillite au bout de 30 mois. Ils aimeraient être en mesure de payer un montant réduit ou de bénéficier d'un certain allégement. Je pense que la rigidité du système actuel n'a aucune incidence réelle... pour commencer à accéder au marché du travail. Je suis étonnée que, dans le rapport sur les ateliers, on n'ait pas mentionné la menace de la faillite pour des gens qui n'ont même pas encore trouvé leur premier emploi.

M. Thomas Townsend: En prenant des notes à la fin de la réunion, je n'ai pas entendu parler précisément de la faillite. Cependant, les participants ont indiqué la nécessité d'accroître la souplesse, non seulement en allégeant l'intérêt, mais aussi en accordant des remises aux personnes qui ont du mal à payer. Je pense que les thèmes reflètent les préoccupations des participants, qui n'ont pas indiqué de façon précise que ces mesures réduiraient le nombre de faillites, ce qui est tout à fait vrai.

Mme Carolyn Bennett: J'ai aussi entendu parler à maintes reprises de l'aversion à l'égard de la dette. De toute évidence, cela préoccupe davantage les personnes à faible revenu. L'idée des subventions règle-t-elle ce problème? Si l'on prévoyait des subventions, les gens qui ont peur de s'engager sur la voie de l'endettement seraient plus susceptibles d'aller à l'école. Il faudrait veiller à ce que les gens se sentent à l'aise pour aller à l'école.

• 0910

M. Thomas Townsend: Les participants à l'atelier ont proposé deux solutions à ce problème. Premièrement, la prévisibilité. Si les étudiants connaissaient les ressources qui leur sont accessibles tout au long de leurs études, cela serait utile, car ils seraient capables de prévoir leur niveau total d'endettement à l'issue de leurs études.

Deuxièmement, le fait de concentrer les subventions au début des études, évitant ainsi la nécessité d'emprunter, aurait un impact particulier sur la dette.

Le président: Peut-être pourrions-nous passer à un des principaux partenaires de ce programme, c'est-à-dire les provinces.

Monsieur Patry, ou monsieur Smith, vous voulez intervenir?

[Français]

M. Bill Smith (président, Comité consultatif intergouvernemental de l'aide aux étudiants): Merci, monsieur le président. J'aimerais commencer par vous remercier de nous avoir donné l'occasion de venir discuter des préoccupations dans le domaine de l'aide financière aux étudiants et particulièrement d'écouter non seulement des groupes d'intervenants, mais aussi des partenaires du gouvernement fédéral, des provinces et des territoires.

[Traduction]

Nous savons tous que le programme d'aide aux étudiants est là pour surmonter les obstacles financiers auxquels se heurtent certains étudiants qui devraient pouvoir poursuivre leurs études après le secondaire, mais qui ne peuvent le faire si ces obstacles ne sont pas supprimés. Le programme doit leur permettre non seulement d'entreprendre des études postsecondaires, mais également de les mener à bien.

J'aimerais mettre les observations des provinces et des territoires dans le contexte des trois principes inhérents à l'aide aux étudiants: volume suffisant, accès et équité. Ce sont les principes dont nous avons discuté avec les provinces et les territoires et qui ont conduit aux recommandations détaillées que vous avez reçues et qui ont été approuvés par tous les ministres de l'Éducation du Canada après étude par les premiers ministres au début d'août.

Premièrement, je tiens à dire que beaucoup de travail a été accompli. Apparemment, après une assez longue période, nous en arrivons à un consensus et à une solution. Stimulés par les travaux de la table ronde sur la réforme de l'aide aux étudiants, des travaux qui ont abouti à l'atelier si bien décrit par mon collègue, Thomas, nous arrivons finalement à des arrangements à long terme qui nous donneront un bon programme d'aide aux étudiants, un programme qui évite certains des problèmes actuels. Cela dit, il y a des problèmes plus immédiats que je placerai dans les contextes que j'ai déjà mentionnés.

En ce qui concerne le volume suffisant de l'aide, trois problèmes se posent; premièrement, les programmes actuels d'aide aux étudiants sont souvent insuffisants pour les étudiants qui ont des personnes à charge. Les programmes actuels ne donnent pas suffisamment d'argent aux gens qui font des études dans des établissements qui ne sont pas subventionnés. Troisièmement, l'aide aux étudiants, les prêts, sont des sommes fixes, qui ne sont pas indexées à des facteurs qui pourraient indiquer les coûts réels. Pour cette raison, les provinces et les territoires sont tout à fait en faveur d'une mesure annoncée dans le discours du Trône, c'est-à-dire un programme spécial de subventions destinées aux étudiants qui ont des personnes à charge. En même temps, on reconnaît que les prêts maximums accordés dans le cadre du programme fédéral ne sont pas adaptés aux coûts réels.

Pendant huit ans, jusqu'à 1994-1995, ces limites n'ont jamais changé. À ce moment-là, il y a eu une grosse augmentation, puis on les a indexées à l'IPC moins 3 p. 100, ce qui est un type d'indexation très bizarre quand on considère que les frais de scolarité ont augmenté de 240 p. 100 pendant les dix dernières années et représentent maintenant le tiers des frais des étudiants.

La deuxième question, celle de l'accès, est beaucoup plus complexe qu'une simple dette. Dans le cadre de mon autre fonction, je fournirai au comité des exemplaires d'une étude qui vient d'être effectuée par la Commission de l'enseignement supérieur des provinces Maritimes. Cette commission vient de consacrer quelques mois à la question de l'accès et au rôle de l'aide aux étudiants. Ces conclusions ont confirmé que le coût et la dette constituent deux obstacles, et des obstacles plus graves pour les étudiants d'un milieu à faible revenu.

Dans le résumé de Thomas, on en déduit qu'il faut mesurer plus attentivement la proportion subvention/prêt pendant les premières années des études postsecondaires pour s'assurer que l'aide aux étudiants, au lieu de constituer un obstacle supplémentaire, aplanit les obstacles pour les gens qui veulent faire des études supérieures.

• 0915

Troisièmement, au sujet de l'équité, les provinces et les territoires considèrent que la dette est le principal problème, et un problème très crucial. D'autre part, ce n'est pas un problème qu'on peut résoudre en créant un programme qui commencera dans trois ans.

Monsieur le président, vos observations sur des recommandations au ministre des Finances pour l'avenir immédiat m'ont beaucoup encouragé. En effet, c'est un problème très immédiat, et un problème fondamental qui met les Canadiens qui réussissent dans leurs études dans une situation très injuste.

Le président: C'est votre ministre des Finances que je...

M. Bill Smith: En fait, en ce qui concerne ma province, mon ministre des Finances et le vôtre se sont rencontrés pour discuter de cette question, et il y a deux jours, dans le discours du Trône, nous avons annoncé quelque chose à ce sujet.

Voici le problème: par définition, avec ce programme, ce sont les gens des milieux les plus pauvres qui s'endettent le plus. Lorsque nous avons modifié le programme il y a quelques années pour le rendre plus substantiel en donnant cette possibilité d'emprunter, nous avons permis aux Canadiens les plus pauvres de s'endetter beaucoup plus avant la fin de leurs études.

Je vais vous donner un exemple de ma province, un exemple très frappant, car dans ce domaine les moyennes ne sont pas très révélatrices.

En 1992-1993, la dernière année des programmes de baccalauréat dans ma province, 37 personnes avaient une dette étudiante de plus de 25 000 $, et une personne une dette de plus de 30 000 $. En 1996, il y avait 980 personnes avec une dette étudiante de plus de 25 000 $, et la moitié d'entre elles environ avaient une dette supérieure à 30 000 $.

Nos ministres demandent ce que cela signifie: eh bien, pour une personne qui termine ses études avec une dette de 25 000 $, le taux d'intérêt reste à 7,5 p. 100, et elle doit payer 305 $ par mois pendant un peu plus de neuf ans pour rembourser ses études de baccalauréat. Le sondage de DRHC a suivi les revenus des diplômés pendant une période de cinq ans, et quand on regarde cette enquête, on voit qu'une telle dette les empêche d'acheter une maison, d'acheter des biens de consommation durables, et, d'autre part, les endette pendant une période excessive.

Quant aux possibilités de solution à court terme, les provinces et les territoires dépensent beaucoup d'argent pour éviter les dettes étudiantes en accordant des bourses et des subventions au début des études. Le plus représentatif de ces programmes se trouve dans la province de Québec, qui a renoncé au programme de prêts étudiants du Canada. Toutefois, il existe également des programmes en Colombie-Britannique et dans ma propre province. À l'heure actuelle, il existe des programmes de remise de dette en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan, en Ontario et en Nouvelle-Écosse.

Nous pensons que la seule solution pour régler ce problème d'iniquité fondamentale, ce système qui endette plus lourdement les plus pauvres, c'est de demander au gouvernement du Canada de commencer à payer sa juste part en contribuant aux programmes qui existent actuellement dans les diverses provinces.

Par conséquent, nous avons trois recommandations à formuler: premièrement, mettre en place le programme de subventions pour initiatives spéciales pour les étudiants qui ont des personnes à charge et reconsidérer le cas des gens qui sont mal servis par les limites de prêt actuelles; deuxièmement, indexer ces limites de prêt sur quelque chose de raisonnable, en rapport avec les frais véritables des étudiants; et troisièmement, à court terme, contribuer aux programmes des provinces et des territoires pour régler les problèmes de non-remboursement de la dette, de réduction de la dette, et, dans le cas de l'Ontario, pour permettre de mieux gérer la dette.

Voilà nos observations pour l'instant, monsieur le président. Merci de nous avoir écoutés.

Le président: Monsieur Smith, j'aimerais vous poser une question. Vous recommandez une augmentation des limites de prêt. Il y a eu une augmentation il y a quelques années... monsieur Townsend, pouvez-vous m'aider: ces limites sont passées de 105 à 165 $?

M. Thomas Townsend: C'est exact.

Le président: Cela contribue beaucoup à l'augmentation de la dette. Avez-vous discuté d'un niveau optimum?

M. Bill Smith: Non. C'est une question dont nous devons discuter dans notre atelier; nous devons déterminer quelle est la meilleure proportion subvention/prêt au début des études. Pendant cette période-là, les subventions sont très disponibles, mais le total, c'est-à-dire subvention plus prêt, doit être suffisant pour que les gens aient assez d'argent pour fréquenter l'école, qu'ils aient des personnes à charge ou qu'ils se trouvent dans une autre situation.

Nous sommes d'accord avec tout le monde pour reconnaître que la priorité absolue, la plus immédiate, c'est la dette, et nous savons bien qu'en augmentant les limites de prêt on fait augmenter les niveaux de dette. Cela dit, ce que nous recommandons, c'est de remettre en question la limite des prêts fédéraux une bonne fois pour toutes, pour que les étudiants aient suffisamment d'argent, et par la suite cette limite devrait être indexée sur un facteur qui tienne compte des augmentations des frais de scolarité et du coût de la vie. D'autre part, si l'on remplaçait ce prêt par un système de prêts plus subventions, cela permettrait de surmonter une partie du problème de la dette.

• 0920

Le président: Vous avez bien dit également que les frais de scolarité avaient augmenté de 240 p. 100?

M. Bill Smith: D'après la publication de Statistique Canada, Tendances sociales canadiennes, entre 1986 et 1996, si je me souviens bien, les frais de scolarité ont augmenté de 240 p. 100, et le coût de la vie a augmenté d'environ 36 ou 37 p. 100. Les frais de scolarité représentent le tiers des frais d'un étudiant du premier cycle universitaire, et le coût de la vie environ les deux tiers.

Le président: Merci, monsieur Smith.

Maintenant, nous allons écouter M. Scott, qui représente les banques, autres partenaires de ces programmes.

M. Kelly Scott (coprésident adjoint, Groupe de travail sur les arrangements financiers): Merci, monsieur le président.

Je n'ai pas grand-chose à ajouter à ce qui vient d'être dit. En règle générale, les institutions financières qui participent au Groupe de travail sur les arrangements financiers, les IF qui ont adhéré au programme de partage des risques en 1995, sont d'accord avec les recommandations que vous avez vues jusqu'à présent. L'importance des dettes étudiantes est une source de préoccupation. Nous avons pu constater que cela causait d'importantes difficultés à nos clients, c'est-à-dire les étudiants qui obtiennent leur diplôme. Ils ont ensuite des difficultés à rembourser, des problèmes de non-remboursement, et pour les institutions financières il en coûte plus cher de continuer à participer au programme.

Ce n'est un secret pour personne: certains prêteurs ont même remis en question leur participation aux programmes de prêts aux étudiants. Il est certain que les problèmes de non-remboursement, les faillites d'étudiants, etc., ont beaucoup attiré l'attention. C'est une préoccupation pour nous également, et nous sommes certainement en faveur de tout ce qui pourra être fait pour réduire les dettes de nos clients.

L'harmonisation en notre nom est un élément très important. À l'heure actuelle, nous parlons au nom de la Banque Royale; nous participons à neuf programmes provinciaux et au programme fédéral, et nous avons beaucoup de mal à expliquer aux étudiants les complexités et les différences entre les deux paliers de l'aide aux étudiants qu'ils reçoivent actuellement. Dans la plupart des cas, ils ne se rendent même pas compte qu'ils ont en fait deux emprunts, deux programmes, deux séries de règles différentes. En règle générale, nous essayons de leur expliquer... En fait, ce que nous essayons d'expliquer, c'est probablement le programme de prêts aux consommateurs le plus complexe qui existe, et les gens auxquels nous devons l'expliquer sont ceux qui ont le moins d'expérience des affaires financières. Cela donne parfois des résultats assez désastreux.

Nous sommes en faveur de tout système de remboursement flexible. Je suis assez d'accord avec ce que vous avez entendu jusqu'à présent. Il nous semble que 15 ans est un maximum absolu pour le remboursement. L'idée d'un système de remboursement à vie n'est certainement pas une solution. Après une période de 15 ans, l'emprunteur encourt des coûts exceptionnels, mais l'impact sur les versements mensuels est négligeable.

Nous pensons qu'une période de transition est nécessaire. Nous considérons que les trois à cinq premières années sont déterminantes en ce qui concerne les habitudes de remboursement de l'étudiant. D'un autre côté, nous savons bien que c'est le moment où ils ont le plus de mal à entrer dans la vie active. En tant que prêteurs, nous sommes donc tout à fait disposés à utiliser tous les outils possibles pour aider l'étudiant.

Le principe de l'aide échelonnée nous plaît beaucoup également. Cela dit, je dois faire une mise en garde: ce n'est pas quelque chose qui peut être mis en place immédiatement. Il faut prévoir des coûts de développement, des délais, et même si on décidait d'établir quelque chose de ce genre, il faudrait prévoir un certain délai pour la préparation interne. Je le répète, nous sommes en faveur du principe.

Je le répète, d'une façon générale, en tant que prêteurs, nous sommes d'accord également avec les principes et les préoccupations qui vous ont été soumis.

Le président: En l'absence de questions au sujet de cet exposé, je vais donner la parole à M. Léon et à M. Gravel. Vous pourriez parler maintenant, après quoi nous ferons le tour de la table pour donner la parole à tous ceux qui n'ont pas encore parlé.

[Français]

M. Atïm Léon Germain (vice-président, Fédération étudiante universitaire du Québec): Merci, monsieur le président. Avant tout, qu'il nous soit permis de remercier le Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées pour sa généreuse invitation.

• 0925

La Fédération étudiante universitaire du Québec ainsi que la Fédération étudiante collégiale du Québec sont honorées par l'intérêt que portent les élus du gouvernement fédéral à leur opinion sur une question qui touche une majorité de nos membres.

Permettez-moi de rappeler rapidement que la FECQ et la FEUQ regroupent à elles deux plus de 225 000 étudiants de toutes les régions du Québec. Elles sont établies depuis 1990 et ont pour mandat de défendre les droits et intérêts des étudiants auprès des gouvernements et de divers autres intervenants. Depuis leur création, elles se sont employées à défendre une éducation humaniste comme choix de société, une éducation de qualité et accessible.

D'entrée de jeu, et ce sera peut-être une note discordante par rapport aux autres interventions, il faut que nous soulignions notre profond malaise à traiter devant vous d'une question qui relève exclusivement du gouvernement du Québec. Par contre, étant donné que le financement de l'éducation, et en particulier l'aide financière aux études, est au centre de nos préoccupations, nous avons cru bon de venir faire cette courte présentation devant vous.

Nous aurions aimé par cette présentation traiter plusieurs aspects de l'aide financière, comme l'ont fait les intervenants précédents, mais malheureusement, nous n'avons eu que quelques heures pour nous préparer. Nous avons été avertis hier ou avant-hier et nous allons donc limiter cette présentation à ce qui nous semble essentiel.

Nous allons parler du financement fédéral de l'éducation postsecondaire, en lien avec l'aide financière, et de l'intention du gouvernement fédéral de mettre en place un fonds de bourses pour le nouveau millénaire.

M. Dany Gravel (Fédération étudiante universitaire du Québec): Les transferts financiers fédéraux au Québec n'ont cessé de décroître depuis le début des années 1980. Ils sont passés d'environ 28,9 p. 100 des revenus budgétaires québécois à l'époque à environ 7,6 p. 100 cette année. Dans le dernier budget du Québec, les coupures dans les transferts du gouvernement fédéral représentaient 60 p. 100 des réductions de dépenses pour 1997-1998. De plus, depuis 1993, la moitié des réductions des dépenses du gouvernement fédéral ont été faites en sabrant dans les transferts aux provinces. À l'évidence, tout indique que la réduction du déficit fédéral s'opère par un pelletage savant des réductions budgétaires vers les gouvernements provinciaux.

Il est désormais clair que le gouvernement libéral fait ce qu'il reprochait dans son Livre rouge au Parti conservateur d'avoir fait pendant neuf ans. L'année dernière, lors de la création du Transfert social canadien, le TSC, les transferts pour la santé, l'éducation postsecondaire et l'aide sociale ont été amputés de 2,5 milliards de dollars pour 1996-1997.

Le TSC sera diminué de 4,5 milliards de dollars pour 1997-1998, ce qui signifie une diminution nette de 7 milliards de dollars sur deux ans des investissements canadiens dans les programmes sociaux prioritaires. Le ministre des Finances du gouvernement du Québec annonçait dans son dernier discours du budget que 60 p. 100 des réductions budgétaires dans les programmes sociaux du Québec étaient dus à la réduction du Transfert social canadien.

Les coupures nettes dans le financement de l'éducation postsecondaire ont donc des répercussions directes sur la qualité de la formation collégiale et universitaire au Québec et sur son accessibilité. Pour l'année 1997-1998, les coupures fédérales dans le financement des programmes sociaux se traduiront par un manque à gagner de 1,4 milliard de dollars pour le Québec, ce qui, aux niveaux collégial et universitaire au Québec, se traduit par une coupure nette de plus de 280 millions de dollars pour la même année.

Par ailleurs, il importe de souligner que le gouvernement fédéral finance le système universitaire québécois dans une proportion d'environ 13 p. 100, c'est-à-dire moins que ce que contribue l'ensemble de la population étudiante québécoise, qui est d'environ 15 p. 100.

En ce qui a trait au programme québécois d'aide financière aux étudiants, on peut constater qu'il a subi les conséquences des réductions budgétaires. Notons tout d'abord que ce programme a souffert 20 modifications réglementaires majeures depuis 1986, que le montant du prêt maximal a été augmenté pendant 14 années consécutives, que la contribution attendue des étudiants a augmenté à plusieurs reprises depuis le début des années 1980 et que les sessions d'admissibilité aux bourses ont été réduites par deux fois depuis 1991.

• 0930

Ajoutons qu'en parallèle, les frais de scolarité ont augmenté de plus de 200 p. 100 depuis 1990 et que le pouvoir d'achat des 18-24 ans a chuté de plus de 25 p. 100 depuis le début des années 1980, selon Statistique Canada.

La conséquence directe de cette situation est une augmentation sensible de l'endettement des étudiants. Au cours des cinq dernières années, la dette moyenne prise en charge par les diplômés universitaires a subi une augmentation moyenne de 30 p. 100. Par contre, la capacité de rembourser ces dettes ne semble pas augmenter pour autant. Il est assez significatif de constater qu'en 1995-1996, tandis que 55 329 ex-étudiants prenaient en charge le remboursement de leur dette, 27 281 ex-étudiants se déclaraient incapables de rembourser leurs mensualités.

Voilà, nous semble-t-il, une des conséquences directes des réductions budgétaires: une augmentation nette de l'endettement étudiant. Tandis que l'on est capable de calculer que la dette étudiante au Québec dépassait allégrement le cap de 2,5 milliards de dollars l'année dernière, les conséquences socioéconomiques de cet endettement, elles, restent incalculables.

Aux yeux de la FECQ et de la FEUQ, l'éducation est la pierre angulaire du développement à long terme de la société. C'est même le moteur de notre développement social, culturel, démocratique et économique. Par ailleurs, selon Statistique Canada, 65 p. 100 des nouveaux emplois qui ont été créés au Canada entre 1990 et 1993 exigeaient un minimum de 14 à 15 ans de scolarité, et les prévisions du Conseil des sciences et de la technologie du Québec portent à croire que d'ici le prochain siècle, 65 p. 100 des nouveaux emplois exigeront une formation universitaire.

Face à la situation actuelle, il est clair pour nous que deux options se présentent pour le gouvernement fédéral s'il veut respecter ses engagements en matière d'éducation. D'une part, il pourrait réinvestir en éducation tous les montants amputés dans les transferts destinés à l'éducation postsecondaire, cela échelonné sur plusieurs années. Alors que cette alternative nous paraît hautement improbable, le gouvernement pourrait d'autre part attribuer au gouvernement québécois—et aux autres gouvernements provinciaux, cela va de soi—les points d'impôt fédéraux correspondant aux paiements de transfert versés au chapitre de l'enseignement postsecondaire. Nous ne sommes pas les seuls à parler de cela, puisqu'il y a eu, le 2 février 1995, une motion unanime de l'Assemblée nationale à cet effet. J'aimerais la lire:

    Que l'Assemblée nationale du Québec exprime sa solidarité envers l'ensemble des intervenants du milieu de l'éducation en dénonçant les coupures envisagées par le gouvernement fédéral en matière d'enseignement postsecondaire et lui réclame les points d'impôt correspondant aux actuels paiements de transfert versés au Québec au chapitre de l'enseignement postsecondaire.

Donc, la FECQ et la FEUQ considèrent primordial pour le développement à venir du Québec que cette proposition unanime soit respectée par le gouvernement fédéral.

Cela nous mène à la troisième partie de notre présentation, qui traite du retour à la stabilité budgétaire du gouvernement fédéral et de l'aide financière aux études. C'est probablement la partie la plus intéressante pour ce comité.

Le gouvernement fédéral a annoncé cette année qu'il commencerait à gérer des «surplus» pour l'année prochaine. Bien évidemment, nous mettons «surplus» entre guillemets, parce qu'à partir du moment où on les utilise, ce ne sont plus des surplus. Les estimations quant au volume de ces «surplus» sont diverses, mais il reste qu'il s'agirait dans tous les cas de plusieurs milliards de dollars. Selon notre point de vue, l'État ne peut ignorer, dans l'utilisation de ces «surplus», le fait que les réductions budgétaires antérieures ont, entre autres, augmenté de façon significative l'endettement des étudiants partout au Canada.

Cet endettement, qui touche principalement des citoyens des classes à faible et moyen revenus, deviendra bientôt une nouvelle plaie sociale, comme on l'a dit plus tôt, si rien n'est fait dans les plus brefs délais. On ne sait trop si c'est dans l'esprit de réduire cet endettement que le gouvernement fédéral a annoncé la mise en place d'un fonds destiné à octroyer des bourses. En ce moment, cela reste très flou. Il y aurait, selon les annonces de M. Chrétien, un montant dépassant les 700 millions de dollars pour le Fonds des bourses d'études du millénaire.

• 0935

C'est notre rôle, comme fédération étudiante, que de rester vigilants et critiques des politiques gouvernementales autant en temps de restrictions qu'en temps de réinvestissements. Il nous semble d'ores et déjà que la question du réinvestissement des «surplus» du gouvernement canadien risque de faire autant de vagues que celles causées par les réductions budgétaires.

On se pose plusieurs questions. Quelle est l'intention du gouvernement fédéral en créant ce fonds du prochain «millénaire», pour reprendre les mots du premier ministre? Veut-il signifier, par cette intention, par cette annonce, que les programmes d'aide financière aux études en place actuellement au Canada ne sont pas assez efficaces, voire même erronés? Devons-nous comprendre que le gouvernement fédéral ne considère pas nécessaire que le régime de prêts et bourses du Québec et d'autres provinces soit amélioré?

Par ailleurs, si l'intention du gouvernement fédéral est de verser des bourses sur une base de mérite ou encore d'excellence, nous ne pouvons que signifier notre désaccord face à cette initiative. Nos programmes d'aide financière ont pour objectif précis d'améliorer l'accessibilité des études postsecondaires et non pas d'inciter à l'excellence. À titre de comparaison, cela reviendrait à dire que l'assurance-emploi ne devrait être versée qu'aux travailleurs qui ont été les plus productifs en emploi. Cela, on le sait, ne tient pas la route.

Si le gouvernement veut insister sur l'excellence, il y a divers moyens, à nos yeux, de le faire. On peut, par exemple, investir des sommes plus importantes dans l'encadrement des étudiants, un critère reconnu de la qualité d'une éducation, qui est de plus en plus déficitaire à travers le pays. Mais lier le pain et le beurre, comme on dit chez nous, des étudiants les plus démunis à leur performance en classe relève d'une idéologie que nous ne saurions cautionner.

À la lumière de ce que nous avons exposé jusqu'ici, il est clair à nos yeux que les «surplus» budgétaires destinés à servir d'aide financière aux études devraient être transférés aux gouvernements provinciaux afin qu'ils améliorent leurs programmes d'aide financière, puisque ceux-ci ont subi des coupures. Il ne s'agit là que de cohérence et, à notre avis, d'honnêteté intellectuelle de la part du gouvernement fédéral.

Ce programme, malgré ses défauts, reste un des meilleurs au Canada; je parle du programme du gouvernement du Québec. Si ce transfert vers le gouvernement du Québec est effectué, les sommes dont il est question nous permettent d'anticiper une réduction considérable de l'endettement des étudiants québécois et une amélioration sensible du programme d'aide financière du Québec. Nous saurons aller chercher l'approbation de l'Assemblée nationale à cet effet, soyez-en certains. Merci beaucoup.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Kitchen.

M. Paul Kitchen (directeur général, Association nationale des collèges carrières): Merci beaucoup d'avoir accepté de nous entendre.

Je suis le directeur général de l'Association nationale des collèges carrières, qui représente les établissements de formation privés postsecondaires dans tout le pays. Environ 400 établissements membres appartiennent à notre association, mais j'aimerais profiter également de cette occasion pour parler au nom des étudiants qui fréquentent ces établissements, car ils ne disposent pas d'un organisme pour exprimer leurs opinions collectives.

En une minute ou deux, j'aimerais vous parler de ce secteur de l'environnement postsecondaire qui est souvent mal compris ou mal connu. C'est un élément du système postsecondaire qui a servi les étudiants sans interruption pendant près de 130 ans, le premier collège ayant ouvert ses portes en 1868. Aujourd'hui, nous avons plus de 150 000 étudiants dans tout le Canada, et nous en avons dans toutes les provinces. D'ordinaire, ce sont des établissements moins grands que les autres, et qui se consacrent à l'acquisition de compétences spécifiques. Ils offrent un système d'apprentissage qui attire particulièrement certains secteurs de la population. Ce système ne correspond certainement pas aux besoins de tous les étudiants, mais de plus en plus il y a des étudiants qui le préfèrent. Ils appartiennent à une population un peu différente, et je reviendrai sur cela dans un instant.

• 0940

Depuis cinq ans notre organisme est membre du Groupe consultatif national sur l'aide financière aux étudiants, et, à ce titre, nous avons participé à la réunion des intéressés il y a deux semaines. Nous sommes d'accord avec les recommandations qui ont été formulées à la fois par la coalition publique et par M. Townsend, dans son résumé. Je ne reviendrai donc pas sur ces recommandations, qui ont été très bien exprimées.

Toutefois, j'aimerais insister sur le fait que dans notre secteur on considère que le Programme canadien de prêts aux étudiants est un outil excellent pour les gens qui souhaitent faire des études postsecondaires pour accéder ensuite au marché du travail. Effectivement, certains changements sont nécessaires, et on en a discuté, mais, dans l'ensemble, c'est un outil d'une grande utilité, et nous sommes tout à fait d'accord avec le principe.

Pour nous, les questions d'équité et de choix sont des éléments clés. Les étudiants ont le droit de choisir le système d'apprentissage postsecondaire qui leur convient le mieux. Dans notre secteur, tout cela est axé sur l'acquisition de compétences.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, la population que nous servons est un peu différente, comme le prouvent certaines statistiques publiées par DRHC et par certaines provinces, où on voit qu'un nombre disproportionné de parents qui élèvent seuls leurs enfants se tournent vers le secteur privé pour obtenir une formation. En fait, cela est confirmé par des chiffres distribués récemment lors d'une réunion du GCNAFE, qui indiquent que 15 p. 100 des emprunteurs fréquentent des établissements privés, mais que 40 p. 100 des étudiants qui ne trouvent pas de financement ou dont le financement est insuffisant fréquenteraient également ce type d'établissements. D'autre part, il est certain que la majeure partie d'entre eux sont des parents qui s'occupent seuls de leurs enfants, qui ont des besoins accrus, et ils ont choisi de se tourner vers le secteur privé.

Nous sommes en faveur des subventions pour initiatives spéciales à l'intention des étudiants qui ont des personnes à charge, subventions récemment annoncées. Il est logique de leur donner un coup d'épaule pour leur permettre de réintégrer le marché du travail. Nous sommes en faveur d'une telle mesure.

L'autre catégorie d'étudiants dont je voudrais parler est celle des étudiants handicapés. Une fois de plus, les subventions pour initiatives spéciales accordées aux étudiants leur sont extrêmement importantes, et il faudrait probablement les renforcer et les assouplir.

Je vais vous parler brièvement de mon expérience personnelle. J'ai acquis une déficience visuelle pendant ma dernière année d'université, il y a quelques décennies. À l'époque, les programmes de soutien étaient rares. J'ai eu beaucoup de mal à terminer mes études postsecondaires. J'étais en dernière année. Il m'a fallu déployer beaucoup d'efforts et de temps.

Les programmes que nous avons mis en place sont très importants pour ces étudiants. Dans notre secteur, près de 5 p. 100 des étudiants se disent handicapés, mais je pense qu'il est très important d'investir dans des initiatives visant à aider les personnes ayant besoin d'un peu plus de temps et d'argent pour terminer leurs études et accéder au marché du travail.

Pour terminer, je dirai que notre secteur est favorable à l'idée de responsabiliser le volet institutionnel du système d'enseignement postsecondaire et de prêts aux étudiants. En effet, nous croyons que les établissements doivent faire preuve de responsabilité dans leurs pratiques d'admission et de rétention des étudiants dans les programmes. Ils doivent examiner le travail qu'ils font pour placer les étudiants diplômés et pour les aider dans leurs activités de placement. Voilà des moyens essentiels d'utiliser efficacement le Programme canadien de prêts aux étudiants.

• 0945

Il faudrait prendre des mesures pour renforcer la responsabilité des établissements dans leurs domaines de compétence. Une fois de plus, il faut examiner les pratiques de recrutement, de rétention, de placement, la pertinence de la formation et les rapports avec l'industrie et le marché du travail pour mettre en place des programmes pertinents et aider en conséquence les étudiants qui participent à ces programmes.

Telle est assurément la situation dans les écoles professionnelles. De toute évidence, la situation est différente pour les étudiants des universités. Il s'agit là de facteurs essentiels dont il faut tenir compte dans la réforme du système canadien de prêts aux étudiants.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Kitchen.

Je dois signaler que nous avons aussi invité l'Association nationale des étudiants handicapés au niveau postsecondaire, mais elle n'a pas pu participer à la table ronde. Elle a néanmoins envoyé un mémoire sur la question.

Je signale la présence de M. Peter Adams, président du comité du caucus sur l'enseignement supérieur. Certains d'entre vous le connaissent certainement. Il doit retourner à la Chambre, car il participe à sa gestion, mais il voulait demander un éclaircissement.

M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Scott, notre comité du caucus sur l'enseignement supérieur suit cette question depuis trois ou quatre ans. Je constate que l'on met l'accent ici sur les subventions et les prêts, la nature des prêts, et cet aspect de l'aide aux étudiants, mais dans votre exposé vous avez utilisé l'expression «participation au marché du travail». Il s'agit essentiellement de la capacité de payer, de l'appui de la famille et, en particulier, du travail pour les étudiants avant, pendant et après. Vouliez-vous dire que vos collègues et vous-même travaillez activement pour aider les étudiants à devenir, comme vous le dites, «participants au marché du travail»?

M. Kelly Scott: Non, nous travaillons certainement avec les étudiants qui viennent nous voir parce qu'ils sont incapables de payer. Je voulais dire que, dans bien des cas, nous reconnaissons qu'il y a un délai entre l'obtention du diplôme et la participation permanente au marché du travail. Compte tenu du système actuel et de l'absence de souplesse dans ce système, nous nous retrouvons avec des étudiants qui ne peuvent pas payer. À ce moment-là, nous n'avons vraiment pas le moyen de les aider. Voilà donc de quoi je parlais.

M. Peter Adams: On pourrait aussi les aider à s'intégrer à la main-d'oeuvre active, n'est-ce pas?

M. Kelly Scott: Certainement, de l'avis des institutions financières—cela ne fait certainement pas partie de mon champ de compétences—je sais que dans le secteur bancaire on s'efforce de viser des programmes de stage et d'autres programmes de ce genre pour essayer d'encourager ce type de rôle.

M. Peter Adams: Merci.

Le président: Je crois, monsieur Tremblay, que vous avez une brève question à poser pour obtenir des précisions.

[Français]

M. Stéphan Tremblay (Lac-Saint-Jean, BQ): Ma question s'adresse à M. Léon. J'aurai d'autres questions plus tard, mais j'en aurai une première par rapport au Fonds des bourses d'études du millénaire. Existe-t-il actuellement un équivalent au Québec?

M. Atïm Léon Germain: M. Chrétien a annoncé cela il n'y a pas longtemps. Donc, cela n'a pas encore fait le tour des associations étudiantes du Québec et encore moins même, semble-t-il, du ministère de l'Éducation du Québec.

• 0950

Selon le discours du Trône, il est clair qu'il s'agit d'un fonds qui servirait à financer l'accessibilité. Ce sont des bourses qui seraient basées sur le mérite et la nécessité, et destinées aux classes à faible revenu et à moyen revenu.

Dans cette perspective-là, pour nous, il est clair que c'est un dédoublement. C'est un dédoublement parce qu'il y a au Québec un système de prêts et bourses qui a déjà montré son efficacité. C'est une des provinces qui accordent le plus de bourses au Canada. On voit mal avec quel argument le gouvernement fédéral va mettre en place un système parallèle. On connaît les conséquences de cela à long terme. Je ne reviendrai pas, par exemple, sur les 30 ans de débats sur la main-d'oeuvre.

M. Stéphan Tremblay: Merci beaucoup.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Tremblay.

J'ai deux autres intervenants sur ma liste. Donnons d'abord la parole à M. Charron.

M. Jocelyn Charron (coordonnateur, agent des relations gouvernementales, Fédération canadienne des étudiants): Merci, monsieur le président. J'aimerais d'abord faire quelques observations sur ce qui a été dit jusqu'à maintenant, puis présenter mon exposé.

À notre avis, le résumé que M. Townsend a donné de l'atelier qui a eu lieu il y a une semaine et demie est assez exact. L'éventail des mesures ou des idées correspond d'assez près à ce que nous avons aussi observé—l'effacement de prêts et d'autres mesures pour régler le problème de l'endettement, puis des subventions initiales pour les étudiants qui ont de grands besoins et ceux qui ont des personnes à charge.

Nous avons été assez satisfaits de voir que des gens d'horizons si divers puissent en arriver à cette conclusion et qu'en fait ils partageaient les préoccupations de la Fédération canadienne des étudiants et de la table ronde. J'aimerais aussi dire que tout au long de ce processus, et avant—c'est-à-dire au cours des trois dernières années—le ministère du Développement des ressources humaines a vraiment fait preuve d'ouverture. Je pense que la communication est plutôt bonne. Je tiens à ce que les membres du comité le sachent.

J'aimerais maintenant entamer l'autre volet de mon intervention, qui sera assez informel. Quand on nous a pressentis pour participer à une table ronde réunissant différents groupes, mais surtout l'Association des universités et collèges du Canada, nous avons accepté parce que nous estimions à l'époque que le gouvernement fédéral songeait peut-être tout simplement à se retirer du domaine des prêts aux étudiants. Nos membres redoutaient vraiment que ce soit le cas. Nous nous sommes donc rencontrés et avons décidé de faire quelque chose à ce sujet. Nous avons décidé d'examiner le programme pour voir comment l'améliorer et comment nous pouvions convaincre le gouvernement fédéral de maintenir l'aide aux étudiants.

Nous avons aussi constaté, en travaillant avec d'autres membres de la table ronde, que les mesures d'allégement de l'endettement suscitaient plus d'intérêt que la gestion de celui-ci. Or la gestion de cet endettement n'a pas été exclue de nos discussions, mais on s'est progressivement intéressé davantage à la réduction de l'endettement. Je pense qu'on a soudainement compris qu'une grande partie du problème tenait à l'accumulation de dettes, et que la solution devait tenir en grande partie à la réduction de celles-ci. Nous espérions qu'on se concentre sur cet aspect, et c'est bien ce qui s'est produit.

Nous avons été heureux de l'ouverture des autres membres, notamment de la part de groupes qui dans le passé, comme les membres le savent très bien, ne s'entendaient pas sur bien des points. Nous y avons trouvé un encouragement.

• 0955

Comme Bob l'a dit, nous concevons les mesures comme un ensemble, mais, comme dans tout ensemble, il y a des éléments qui vous plaisent davantage et d'autres moins. Si je devais dire quelles sont nos mesures préférées, je dirais que ce sont celles qui concernent la réduction de l'endettement, les subventions différées et leur aspect initial. Nous aimons aussi assez l'idée de suspendre le paiement du capital pendant la période de transition, et de l'exemption échelonnée des intérêts. On doit dire que si le gouvernement s'apprêtait à agir rapidement sur ces questions, la Fédération s'en réjouirait.

On a aussi dit que l'accessibilité comme telle ne tient pas qu'à cela. Je pense que M. Smith a mentionné qu'on s'inquiète de la hausse des coûts. Je pense que d'autres ont aussi parlé des transferts du gouvernement fédéral. Il ne serait pas vraiment honnête de dire que même si on apportait d'importantes améliorations au Programme canadien de prêts aux étudiants la Fédération ne traiterait pas de ces questions. Je tenais à ce que les membres le sachent.

[Français]

À ce sujet, l'analogie la plus précise que je puisse faire est la Fondation canadienne pour l'innovation. Comme vous le savez, l'an dernier, des propositions ont été mises de l'avant par divers groupes, dont la Fédération, et le gouvernement a répondu en créant la Fondation canadienne pour l'innovation. Je pense que la décision a été relativement bien acceptée par les différentes organisations. Mais, comme vous le savez, on revient cette année à la charge en demandant que les conseils subventionnaires de recherche reçoivent aussi les moyens de faire leur travail.

Dans ce cas-là, comme dans le cas qui nous préoccupe en ce moment, il n'y a pas de décision qui vienne régler tous les problèmes. Il faut reconnaître le retranchement, en termes d'investissements dans l'enseignement postsecondaire, effectué sur plusieurs années. Bien qu'on s'attende à ce que le gouvernement bouge rapidement sur certains dossiers, on va s'employer à travailler pour que cet investissement se fasse au cours des prochaines années, cela sur plusieurs plans, y compris la recherche, les transferts fédéraux et la portion qui nous intéresse, qui est l'aide financière aux étudiants.

Je pense que le gouvernement a une occasion vraiment unique de faire une différence dans la vie de nos membres. On a beaucoup parlé d'endettement. C'est vrai que c'est un problème. Nos membres, en dépit des problèmes déjà soulignés, regardent parfois du côté du Québec avec une certaine envie. Dans de nombreuses provinces, il n'y a pas de bourses, en tout cas pas de bourses dignes de ce nom, et le problème de l'endettement est particulièrement aigu.

Pour nos membres qui proviennent de familles à faible revenu surtout, l'instauration des mesures proposées par la table ronde et par la Fédération ferait toute la différence au monde. J'espère que les membres du comité vont regarder ces propositions avec bienveillance. Je vous remercie pour votre attention et j'espère pouvoir participer à la discussion au cours de la matinée.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Charron.

Mme Kowalchuk, de l'Alliance canadienne des associations d'étudiants.

Mme Catherine Kowalchuk (directrice régionale, Alliance canadienne des associations d'étudiants): Monsieur le président, membres du comité, mesdames et messieurs les témoins, bonjour. Je m'appelle Catherine Kowalchuk. Je suis présidente du syndicat étudiant de l'Université du Manitoba. Je suis aussi directrice régionale pour les Prairies de l'Alliance canadienne des associations d'étudiants. Ce qui importe peut-être encore plus, toutefois, c'est que je suis étudiante. Les questions dont je vais traiter aujourd'hui ont une incidence directe sur l'accessibilité à l'enseignement postsecondaire au Canada.

L'Alliance canadienne des associations d'étudiants représente plus de 200 000 étudiants d'un océan à l'autre. Pour la troisième année, nous nous occupons de sensibilisation et essayons d'améliorer la qualité et l'accessibilité de l'enseignement postsecondaire dans tout le pays. Nous concentrons nos efforts sur les décideurs comme vous et tâchons de le faire de façon concrète.

• 1000

Nous cherchons aussi à travailler avec tout individu ou tout groupe dans la mesure où ils visent des objectifs constructifs. Nous sommes surtout associés aux six groupes de représentants des études postsecondaires qui sont présents ici aujourd'hui. Ensemble, nous avons formulé un ensemble d'éléments clés, dont M. Best a déjà parlé, et que nous considérons tous comme des conditions préalables au changement. Nous appuyons entièrement ces recommandations.

Comme nous le faisons normalement, l'Alliance a invité M. Thomas Townsend, directeur général de l'apprentissage et de l'alphabétisation, à participer à notre conférence nationale pour y discuter essentiellement de ce dont nous allons parler aujourd'hui. Comme suite aux nombreuses discussions et aux échanges que nous avons eus pendant la conférence, l'Alliance a rédigé un document intitulé «Real Solutions: Proposals for Student Assistance Reform». J'espère que vous en recevrez tous un exemplaire d'ici peu. J'aimerais maintenant mettre en lumière certains des points qui s'y trouvent, en présentant le point de vue des étudiants.

D'abord, la réforme de l'aide aux étudiants par l'intensification du rôle du gouvernement fédéral dans l'enseignement postsecondaire ne doit pas être accueillie par les universités et collèges comme une occasion de hausser les frais de scolarité. La crise dans laquelle se trouvent les étudiants de nos jours est la conséquence directe d'un manque de coordination entre les différents paliers de gouvernement et les établissements. Si nous n'établissons pas cette relation maintenant, aucune réforme n'aura d'effet, et nous serons contraints de nous remettre à la tâche dans un avenir rapproché.

Deuxièmement, nous nous réjouissons de l'annonce qu'a faite le premier ministre d'établir un Fonds du millénaire à l'intention d'étudiants venant de milieux à faible revenu et à revenu moyen. Comme ceux que nous représentons, nous aimerions rappeler à quel point il importe que cet argent soit spécifiquement attribué aux étudiants dans le besoin. En outre, l'Alliance a proposé certaines composantes structurelles qu'on pourrait ajouter au fonds, et que nous expliquons dans «Real Solutions». Dans la plupart des cas, on y fait référence au principe du mérite.

Troisièmement, l'engagement récent de Développement des ressources humaines de procéder à un examen de l'évaluation des besoins du Programme canadien de prêts aux étudiants est une mesure très importante pour garantir le maintien de l'accès à l'enseignement postsecondaire. Dans «Real Solutions», l'Alliance indique des secteurs spécifiques à viser dans cet examen de l'évaluation.

Outre les recommandations visant à réformer le Programme canadien de prêts aux étudiants qui se trouvent dans les principaux éléments de notre table ronde et dans «Real Solutions», nous aimerions rappeler que le délai de remboursement d'un prêt étudiant ne devrait pas dépasser 15 ans. On ne devrait pas avoir à hypothéquer son avenir pour étudier.

Par exemple, un jeune diplômé doit non seulement rembourser son prêt étudiant, mais doit aussi se constituer un REER en vue de sa retraite ainsi qu'un régime enregistré d'épargne-études pour ses enfants. Après toutes ces retenues, le consommateur canadien est alors bien moins en mesure de contribuer à l'économie canadienne.

L'an dernier, le ministre des Finances, l'honorable Paul Martin, a annoncé que d'autres frais seraient admissibles à des exemptions fiscales. Bien que l'Alliance se réjouisse de cette initiative, nous aimerions ajouter que ces autres frais doivent inclure tous les frais obligatoires qu'impose un établissement. On a entendu dire qu'il est possible que des frais engagés par l'étudiant soient exclus de cette mesure. Nous nous en inquiétons naturellement, étant donné que les associations d'étudiants ont tâché d'assurer la fourniture de services aux étudiants en cette époque de compressions dans les établissements d'enseignement.

En terminant, je tiens à parler du facteur humain. Il faut bien se garder de s'en tenir trop exclusivement aux statistiques et aux dollars quand on parle de la situation des gens. Tout montre l'importance de l'éducation dans une économie reposant sur le savoir, mais ce qui compte encore plus, c'est que nous devons comprendre qu'il y a maintenant des soupes populaires sur les campus. Ne permettons pas que des barrières financières empêchent de bons étudiants de poursuivre des études, parce que ce serait aller à l'encontre du principe de l'accessibilité qui a caractérisé l'enseignement postsecondaire au Canada dans les 25 dernières années.

Je termine ainsi mon intervention. Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de prendre la parole. Je suis prête à répondre à vos questions, et M. Hoops Harrison, directeur national de l'Alliance canadienne des associations d'étudiants, se fera aussi un plaisir de répondre à vos questions.

Le président: Les observations de Hoops ne manqueront certainement pas de nous intéresser.

J'avais dit que nous ferions une pause de 10 à 15 minutes quand la sonnerie commencerait à retentir. Retrouvons-nous à 10 h 20. Nous allons prendre un café, nous détendre un peu, puis les membres du comité poseront des questions sur ces sujets.

Merci.

• 1004




• 1022

Le président: Nous reprenons nos travaux.

Maintenant que nous avons entendu les exposés des divers groupes, je vais donner l'occasion aux membres du comité de poser des questions à l'un ou l'autre des témoins, mais je demande aux membres, quand ils poseront leurs questions, de s'adresser autant que possible à une personne ou à un groupe donné d'individus afin de faciliter le déroulement de la séance.

Cela dit, au cours de cette période de questions et de réponses, j'aimerais que vous nous fassiez part de points qui vous intéressent ou d'observations, comme M. Charron l'a fait, plus tard au cours de l'exposé à propos de choses qu'ont dites des représentants d'autres groupes: n'hésitez pas à ajouter des précisions en cours de route. Nous aurons en fin de compte une discussion à bâtons rompus, et nous souhaitons qu'il en ressorte quelque chose d'utile.

Je vais d'abord donner la parole à M. Johnston, puis à M. Anders pour commencer.

M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.): Merci, monsieur le président.

Je crois que c'est M. Best qui dans son exposé a proposé que les emprunteurs aient la possibilité de suspendre le remboursement du capital pendant une période de trois à cinq ans, pour assurer leur transition des études au marché du travail. Je me demande comment tout cela fonctionnerait. Il me semble qu'une suspension du remboursement du capital ne ferait qu'alourdir la dette des étudiants, puisqu'ils n'effectueraient aucun paiement sur ce capital. Ou alors peut-être que vous proposez que cela soit de quelque manière subventionné par le gouvernement. Voulez-vous un peu préciser comment cela fonctionnerait?

M. Robert Best: Oui, merci. Cette idée fait partie d'un ensemble de mesures conçues afin d'assouplir les modes de remboursement. J'aimerais en fait revenir sur une question de Mme Bennett, dans laquelle elle parlait de députés qui peuvent être au courant de la situation de commettants qui ont terminé leurs études depuis, qui ont pas mal de dettes et qui peuvent n'avoir que très peu de marge de manoeuvre pour gérer ces dettes s'ils n'ont que peu ou pas de revenus.

• 1025

Les groupes de la table ronde ont cherché à assurer une certaine flexibilité des modes de remboursement. Nous nous sommes entretenus avec les responsables de certaines institutions financières qui estiment que c'est envisageable. J'invite naturellement Kelly Scott à en parler.

Ce qui arriverait, c'est qu'un individu pourrait choisir de suspendre ses paiements sur le capital pendant une période de transition vers le marché du travail. Vous avez bien raison de dire qu'il paierait davantage au bout du compte, mais nous tenons à insister sur le fait que c'est pour aider les gens à traverser cette période de transition qui les mènera sur le marché du travail, car c'est à ce moment-là qu'il y a le plus grand nombre de comptes en souffrance, de faillites, et on pourrait ainsi aider les gens à s'intégrer au marché du travail et à honorer leur dette. Nous savons que dans la plupart des cas, dans un délai de trois à cinq ans, la plupart des gens sont en mesure de rembourser une dette raisonnable.

Évidemment, vous avez tout à fait raison: c'est un peu le temps contre l'argent. Si vous choisissez au cours de cette période de ne pas rembourser du tout le capital, lorsque vous commencez à payer vous remboursez un capital que vous n'avez pas réduit, si bien que cela vous coûte plus cher. Mais il y a des gens qui ne peuvent pas non plus payer l'intérêt. C'est la raison pour laquelle nous disons qu'il est peut-être nécessaire d'envisager une subvention pour ces gens-là.

Il y a déjà une exemption d'intérêts, mais nous suggérons un mécanisme qui serait à mon avis un peu plus approprié. L'exemption actuelle est en fait une sorte d'interrupteur; on y a droit ou non. Si on y a droit, on obtient l'exemption maximum; si on n'y a pas droit, on n'obtient rien.

Nous estimons que certains sont peut-être en mesure de payer partiellement l'intérêt, mais pas tout. Pourquoi leur donner alors toute l'exemption? On pourrait ne leur accorder qu'une exemption partielle. C'est là que l'on parle de subventions.

Pour ce qui est du remboursement du capital, nous disons qu'en effet l'individu choisit de gagner un peu de temps même si cela lui coûte de l'argent. Il est extrêmement important—cela nous ramène au thème de la communication—qu'il comprenne le choix qu'il fait et les conséquences.

M. Dale Johnston: Si je comprends bien, vous parlez là un peu de la nécessité d'assurer une certaine latitude. Vous parlez du taux de faillite; vous savez que, pour ce programme, soit on répond aux conditions, soit on n'y répond pas. Il y a une véritable démarcation. Or vous essayez de rendre cette démarcation plus floue.

M. Robert Best: Pour ce qui est des taux d'intérêt.

M. Dale Johnston: D'accord. Cela semble plus raisonnable. Toutefois, il n'existe toujours pas de mécanisme qui puisse empêcher ce taux de faillite.

Le taux de faillite à mon avis s'explique par tout un autre ensemble de problèmes. C'est peut-être le fait que les étudiants terminent leurs études avec des qualifications qu'ils ne réussissent pas à vendre sur le marché du travail ou qu'ils ont fait des études dans un secteur déjà engorgé ou qu'ils ne font pas suffisamment d'efforts pour essayer de payer leurs études pendant qu'ils sont étudiants.

Je vois dans un de ces exposés que l'on recommande que les étudiants travaillent moins de 10 heures par semaine afin de pouvoir étudier davantage. C'est peut-être une bonne recommandation, mais j'estime qu'il faudrait que les étudiants soient également plus sérieux. Il semble assez facile de se contenter de déclarer une faillite. Depuis que nous sommes passés au système qui veut que ce soit les banques qui contrôlent tous les prêts aux étudiants, j'ai l'impression que le taux de faillite a sérieusement augmenté. J'essaie de m'expliquer pourquoi.

M. Robert Best: D'autres voudront peut-être répondre, mais il y a en effet eu une augmentation du nombre des faillites et des non-remboursements de prêts. J'ai entendu des prêteurs parler de ceux qui ne peuvent pas payer et de ceux qui ne veulent pas payer. Kelly Scott, ou quelqu'un d'autre, est peut-être plus au courant que moi de la question, mais je crois que le nombre de ceux qui ne peuvent pas payer et de ceux qui ne veulent pas payer a probablement augmenté.

• 1030

S'il y a quelqu'un qui vraiment ne veut pas payer alors qu'il peut le faire, je ne peux pas dire que j'ai beaucoup de sympathie pour cette personne. Ce qui m'inquiète, c'est ceux qui ne peuvent pas payer et dont le nombre augmente du fait du niveau de leur endettement et des problèmes qu'ils rencontrent au cours de cette période de transition entre les études et le marché du travail, et parce qu'il n'y a pas tellement de choix dans la façon de rembourser une telle dette lorsque l'on a un revenu faible ou inexistant.

Je me refuse à trop généraliser dans ce domaine. Peut-être que les prêteurs et Développement des ressources humaines Canada pourraient faire un peu la lumière là-dessus.

Il est sûr que les niveaux d'endettement augmentent. DRHC a des chiffres pour le prouver: les niveaux d'endettement ont sensiblement augmenté. Nous devrions tous nous demander si c'est un bon investissement public que d'avoir investi beaucoup dans les études de ces jeunes, qui y ont investi aussi beaucoup de temps, pour qu'ils se retrouvent à un moment crucial de transition vers le marché du travail dans une situation où pour certains... Il y en a qui me téléphonent directement, parce qu'ils savent que j'ai parlé de la question, pour m'expliquer leur situation désespérée, pour me dire: «C'est de moi que vous parlez. Je veux un emploi. J'essaie de trouver un emploi. Je viens de terminer mes études. J'ai 30 000 $ ou 40 000 $ de dettes. Qu'est-ce que je peux faire? Où puis-je m'adresser?»

Ils peuvent essayer l'exemption d'intérêts. C'est une aide possible. Mais je crois que si nous pouvions leur offrir plus de latitude, si nous pouvions davantage cibler l'aide en imaginant un système d'exemption échelonnée, et dans certains cas plus extrêmes une forme de remise de dette ciblée, cela permettrait à la plupart de rembourser le reste de leur dette. Cela me semblerait malin, étant donné que nous avons investi beaucoup de deniers publics dans leurs études.

M. Dale Johnston: Deux commentaires pour terminer. Je parle de ce que font les étudiants eux-mêmes. Je parle de mes deux enfants qui viennent de terminer l'université. Il me semble, en tant que père, qu'ils auraient pu faire davantage.

Il faut que les étudiants prennent conscience de leurs obligations et s'efforcent de les honorer. Je conviens, toutefois, que les obligations des étudiants qui terminent leurs études sont trop élevées. Il est ridicule qu'ils commencent leur vie professionnelle avec une dette de 20 000 $ ou 30 000 $. C'est comme si c'était la première chose à laquelle ils devaient faire face lorsqu'ils quittent l'université et qu'ils savent qu'ils ne trouveront pas forcément un emploi.

J'estime toutefois que c'est aux étudiants de choisir une discipline dans laquelle ils savent qu'ils ont des chances de trouver un emploi. Si nous devions financer entièrement les études postsecondaires, il y aurait certainement des étudiants qui iraient chercher une demi-douzaine de diplômes sans trop s'inquiéter de savoir ce qu'ils pourraient en faire.

Le président: Qui veut répondre?

Merci, monsieur Johnston. Nous enverrons le fascicule de cette séance à vos enfants.

Monsieur Tremblay.

[Français]

M. Stéphan Tremblay: Ma question s'adresse à M. Charron et à M. Léon. J'aimerais qu'ils y répondent tous les deux.

Monsieur Charron, vous qui avez une bonne connaissance de tous les systèmes de prêts et bourses qui sont établis actuellement dans chaque province, croyez-vous qu'il serait plus efficace de distribuer les sommes d'argent pour les prêts et bourses dont on parle aujourd'hui aux provinces afin qu'elles les gèrent elles-mêmes? La question est la même pour M. Léon, mais plus particulièrement pour le Québec.

M. Jocelyn Charron : C'est une question piège?

M. Stéphan Tremblay: Non, pas du tout. Je veux avoir votre opinion.

M. Jocelyn Charron: Une des façons de répondre à cette question, c'est de regarder un peu ce qui s'est déroulé au cours des dernières années sur le plan de l'aide financière aux étudiants. Au début des années 1990, par exemple, dans la plupart des provinces, il y avait des programmes de bourses à l'entrée assez substantiels. Dans la grande majorité des cas, à l'extérieur du Québec, ils ont été éliminés ou réduits de façon assez substantielle.

• 1035

Personnellement, et je pense que c'est aussi l'opinion des autres membres de la table ronde, je crois qu'il est sensé de demander au gouvernement fédéral de prendre la place vide en un sens.

Les membres de la table ronde s'attendaient à ce que le financement nouveau dans le cadre du programme canadien de prêts aux étudiants soit divisé en fonction des mécanismes qui existent déjà. C'est-à-dire que le Québec, ayant choisi de mettre sur pied son propre programme, recevrait une portion équivalente qui viendrait enrichir un programme, qui est déjà parmi les meilleurs au Canada, sinon le meilleur.

C'est notre analyse des tendances politiques et des tendances d'investissement en matière d'aide financière aux étudiants qui viennent guider notre décision, de même que la situation réelle du retrait avec compensation qui existe à la fois pour le Québec et, je pense, pour les Territoires du Nord-Ouest.

M. Stéphan Tremblay: Merci beaucoup.

Le président: Monsieur Léon.

M. Atïm Léon Germain: Particulièrement pour le Québec, il est clair qu'il s'agit d'un programme avec retrait. Donc, la question est plus complexe, puisque si le gouvernement fédéral choisissait de réinvestir de l'argent dans son propre programme, il y aurait un transfert vers la province de Québec particulièrement. Donc, de ce point de vue-là, il n'y a pas de problème.

Cependant, on peut quand même se permettre d'opiner sur l'ensemble du programme. Il est clair, et là-dessus on rejoint le CMEC, qu'il est plus intéressant à l'heure actuelle d'investir dans les programmes provinciaux, dont certains offrent des remises de dette et d'autres des bourses. Dans ce cas-là, la question se pose pour le Québec: comment ferait-on pour transférer cela au Québec puisqu'il n'y a pas d'opting out, comme on dit? Je pense qu'il faut voir la chose avec pragmatisme et se dire que le mieux, dans l'ensemble du Canada, c'est qu'il y ait un transfert vers les programmes provinciaux à l'heure actuelle. Voilà.

M. Stéphan Tremblay: Monsieur Charron, dans un autre ordre d'idées, existe-t-il, selon vous, un rapport de cause à effet entre les coupures aux trois conseils subventionnaires et le taux d'endettement des étudiants? On parle probablement des étudiants de deuxième cycle ici, mais je veux vous entendre là-dessus.

M. Jocelyn Charron: Je pense qu'il y en a sûrement un. Je n'ai malheureusement pas les chiffres avec moi, parce que c'est un dossier un peu différent, mais il est clair que les conseils subventionnaires de la recherche offrent maintenant moins de bourses qu'ils en offraient il y a quelques années et il est clair aussi que ces bourses-là couvrent moins les besoins qu'elles ne le faisaient il y a 15 ou 20 ans. Donc, en ce sens-là, cela a un effet.

L'autre considération est que les étudiants qui arrivent maintenant à la maîtrise ou au doctorat et qui ont déjà une dette assez considérable doivent prendre une décision: est-ce que cela vaut la peine de faire une maîtrise ou un doctorat si je n'ai aucune chance d'obtenir ces bourses ou si j'ai très peu de chance de les obtenir? Je pense que cela a un impact.

Évidemment, au niveau des deuxième et troisième cycles, il y a toutes sortes d'autres possibilités. On peut être assistant de recherche, on peut enseigner, etc. Donc, il existe aussi des choses à ce niveau-là. Mais je pense que cela a eu un résultat: les gens y pensent certainement deux fois avant de s'endetter davantage, parce que l'hypothèse la plus probable est qu'ils n'auront pas de bourses du Conseil national de recherches.

Ma collègue Rubina a peut-être quelque chose à dire à ce sujet.

M. Stéphan Tremblay: Merci.

[Traduction]

Mme Rubina Ramji: Je voulais également dire que les conseils subventionnaires n'aident que 16 p. 100 des étudiants diplômés. Il n'y a pas énormément d'étudiants qui obtiennent des subventions pour des études supérieures. Dans le secteur des sciences sociales, on ne donne pas de subventions aux étudiants au niveau de la maîtrise. On n'en donne qu'à ceux qui étudient en vue d'obtenir un doctorat.

Il y a de moins en moins de subventions pour les études supérieures. Beaucoup de ces étudiants sont déjà endettés et n'envisagent donc même pas de poursuivre leurs études parce que les subventions sont trop rares.

• 1040

[Français]

M. Stéphan Tremblay: Ma question s'adresse à Mme Ramji. Est-ce que les fonds qui sont versés le sont le plus souvent aux professeurs-chercheurs ou aux étudiants?

[Traduction]

Mme Rubina Ramji: Les 16 p. 100 sont des subventions qui vont directement aux étudiants. Les étudiants peuvent aussi obtenir indirectement des fonds par leurs professeurs si ceux-ci leur offrent d'être assistants de recherche, mais cela n'est pas toujours possible; tout dépend de l'argent que reçoit le professeur. C'est au professeur de donner l'argent à l'étudiant, et celui-ci doit travailler en échange; il ne s'agit pas d'une subvention.

[Français]

M. Stéphan Tremblay: Selon vous, est-ce une formule qui est louable ou si vous préféreriez que ces fonds soient versés davantage aux étudiants? Peut-être que M. Léger pourrait en parler à son tour.

[Traduction]

Mme Rubina Ramji: Je dirais que si davantage de subventions allaient directement aux étudiants, ce serait utile, puisque cela permettrait de prévoir un peu les choses, de savoir le genre de financement qu'ils pourraient obtenir, plutôt que d'espérer qu'ils pourront travailler avec un professeur qui aura ou n'aura pas reçu de subvention.

[Français]

M. Stéphan Tremblay: Le point de vue de M. Léger.

M. Robert Léger (professionnel, Relations avec les gouvernements, Association canadienne des professeures et professeurs d'université): Je pense que les deux sont importants. Il faut, d'une part, que le professeur ait des fonds à sa disposition pour aider les étudiants qui sont capables de faire de la recherche avec lui. Je pense que c'est absolument nécessaire. Mais aussi, je ne vois aucune objection à ce qu'il y ait des bourses aux étudiants qui sont dans le besoin.

M. Stéphan Tremblay: Merci.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup, monsieur Tremblay et monsieur Léger.

Libby.

Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Merci.

Ma question s'adresse à M. Charron, de la Fédération canadienne des étudiants.

Tout d'abord, merci beaucoup d'être venu comparaître, et merci aux autres. Je suis très heureuse que nous ayons pu avoir cette discussion.

Au cours des derniers mois, la Fédération canadienne des étudiants a publié un certain nombre de documents clés, notamment: Pour une voie vers l'avenir, Atteinte à l'accessibilité, et tout dernièrement un autre sur le Fonds du millénaire, dont plusieurs personnes ont parlé aujourd'hui. Ce sont des documents très importants parce qu'ils ont fait ressortir la réalité terrible à laquelle font face actuellement les étudiants au Canada. Je crois qu'il ne fait aucun doute qu'il y a une relation tout à fait évidente de cause à effet entre les coupes massives opérées dans les subventions fédérales visant les études postsecondaires et l'augmentation vertigineuse des frais d'inscription—on nous dit aujourd'hui qu'ils ont augmenté de 230 p. 100 depuis 1986—et de l'endettement des étudiants.

Un élément extrêmement important qui est ressorti de cette étude, c'est le fait que la réduction de la dette est le problème qu'il nous faut régler. On a beaucoup discuté de restructurer la dette des étudiants, mais il est encore plus important de s'occuper de la réduction de la dette. Il est très intéressant maintenant et très important de voir qu'un certain nombre des groupes concernés sont parvenus à un consensus quant à l'orientation qu'il faudrait prendre.

J'aimerais faire porter ma question sur le Fonds du millénaire. D'après ce que je sais, il n'y a eu aucune consultation avant l'annonce de ce Fonds du millénaire. Nous ne savons pas trop de quoi il est question. Il semble que ce soit essentiellement un genre de fonds permettant de distribuer des bourses, peut-être avant l'an 2000—là encore, ce n'est pas très clair, et on ne sait pas comment cela fonctionnera.

Il ressort des exposés que nous avons entendus aujourd'hui qu'on souhaiterait que ce fonds, plutôt que de financer des bourses fondées sur le mérite, finance des subventions fondées sur les besoins financiers, puisque c'est là qu'il semble y avoir un problème crucial.

Qu'est-ce que vous recommanderiez au comité de faire à ce sujet, et comment pensez-vous que nous pourrions obtenir que ce Fonds du millénaire s'oriente davantage vers un système de subventions qui soit fonction des besoins financiers? Les autres peuvent répondre également.

M. Jocelyn Charron: Pour ce qui est de la méthode, j'estime qu'il existe déjà des processus et des mécanismes de consultation assez efficaces auprès des différents intervenants au niveau postsecondaire. On pourrait certainement discuter du Fonds du millénaire dans le contexte de ces consultations. Je parle évidemment du Groupe consultatif national sur l'aide financière aux étudiants. Il y en a d'autres auxquels participent aussi les provinces.

• 1045

Il y a des mécanismes qui seraient probablement utiles parce qu'ils reposent sur des gens qui connaissent bien la question et parce que Développement des ressources humaines serait aussi impliqué. Le ministère doit être impliqué afin de voir comment on peut concilier quelque chose comme le Fonds du millénaire et le Programme canadien de prêts aux étudiants. Il s'agit dans les deux cas de mécanismes visant à aider les étudiants, et il faudrait combiner les choses si l'on crée effectivement ce Fonds du millénaire. À première vue, je crois que ces mécanismes sont des solutions possibles qui devraient permettre de débattre de la question et de présenter des idées aux membres du comité.

Le président: Merci, monsieur Charron.

Monsieur Killeen.

M. Pierre Killeen: Le succès du fonds dépendra de la façon dont il est conçu. Il s'agit d'un produit financier très complexe, comme vous l'ont dit nos amis des banques. Si nous introduisons dans le système une nouvelle source de fonds, il faudra qu'elle s'intègre au système actuel. Ensuite, il y a la question encore plus difficile du Québec.

On parle beaucoup de ce Fonds du millénaire. J'ai fait quelques calculs rapides. S'il s'agit d'un fonds d'un milliard de dollars qui rapporterait de 3 à 5 p. 100 par an, cela ferait environ 30 à 50 millions de dollars disponibles pour des bourses. Nous avons actuellement 400 000 étudiants qui participent au Programme canadien de prêts aux étudiants. Le problème, c'est que ce Fonds du millénaire ne va pas répondre aux besoins dont nous parlons aujourd'hui. Deuxièmement, il est très important que l'on ne fasse pas d'erreur dans la façon dont on conçoit ce fonds, parce qu'il faut que l'argent aille aux étudiants, et non pas aux administrateurs de programmes.

Le président: Monsieur Harrison, vous vouliez également dire quelque chose.

M. Hoops Harrison (directeur national, Alliance canadienne des associations d'étudiants): Merci, monsieur le président.

Nous avons dit tout à l'heure que dans le document «Real Solutions» nous avions quelques idées concernant le Fonds du millénaire. D'après nos calculs, nous avons prévu un rapport un peu supérieur, de 7 p. 100, sur l'investissement que représente ce fonds. Nous pensons que le gouvernement devrait avoir des gens qui s'y connaissent en investissement pour obtenir ce genre de rendement.

Pour ce qui est de combiner cela avec le Programme canadien de prêts aux étudiants, nous ne l'avons pas proposé parce que nous ne voulions pas exclure des gens qui ne sont pas touchés par le Programme canadien de prêts aux étudiants, comme ceux du Québec ou des Territoires du Nord-Ouest. Nous nous sommes limités à ce que vous avez mentionné. Nous nous sommes interrogés sur les besoins. Je dirais d'autre part que ce qu'a dit Atïm quant à la possibilité de lier cela à l'assurance-emploi est très intéressant et tout à fait vrai.

Pour ce qui est du mérite ou des qualifications universitaires, nous avons retenu le concept de contribution extraordinaire. C'est ce qu'il faut considérer lorsque l'on décide de qui doit recevoir ces bourses ou subventions... ce ne doit pas être nécessairement des résultats universitaires mais peut-être d'autres travaux, comme un travail de bienfaisance ou une contribution socio-culturelle ou des aptitudes à la direction, ou d'autres choses que très souvent on ne reconnaît pas pour la poursuite d'études postsecondaires. Il y a déjà beaucoup de bourses pour sanctionner des résultats universitaires exceptionnels.

Quant à ce que disait Pierre sur le niveau de financement existant actuellement, le programme national de subventions aux États-Unis représente environ 25 milliards de dollars. Proportionnellement à la population canadienne, il nous faudrait un programme de subventions d'environ 700 millions de dollars pour offrir le même genre d'appui aux étudiants. Ce Fonds du millénaire, s'il s'élève à 70 millions de dollars par an s'il s'agit d'une mise de fonds d'un milliard de dollars, ou à 140 millions si la mise de fonds est de 2 milliards de dollars, est un début, mais ne suffit pas pour répondre aux besoins.

Le président: Merci, monsieur Harrison.

Je crois que M. Smith voulait aussi dire quelque chose.

M. Bill Smith: Oui, merci.

Je voulais simplement dire qu'un fonds qui offrira des bourses aux étudiants qui commenceront leurs études d'ici quelque deux ans ne va pas beaucoup aider ceux qui les terminent actuellement avec un endettement ingérable. Au Conseil des ministres de l'Éducation, nous estimons que si le gouvernement canadien versait un montant équivalent pour les 60 p. 100 de prêts contractés, au niveau actuel des dépenses visant la réduction des dettes par les provinces cela représenterait environ 400 millions de dollars par an de nouvelles dépenses fédérales. C'est la raison pour laquelle nous disons qu'il y a là un gros problème financier à examiner également dans ce contexte.

• 1050

Il y a un besoin à court terme, et il faut régler ce problème de dette. Ce fonds est une bonne chose, et les provinces en sont satisfaites, et je crois que cela aidera à éviter des dettes pour les étudiants de demain. Il faut encore préciser exactement les paramètres, et ce ne sera ni suffisant ni assez tôt pour régler le gros problème d'aujourd'hui.

Le président: Merci, madame Davies. Je vous laisserai continuer à propos d'une autre question.

Monsieur Killeen, pourriez-vous préciser quelque chose? Je n'ai pas très bien compris ce que vous avez dit à propos des administrateurs.

M. Pierre Killeen: Cela ressort des discussions que j'ai eues avec des administrateurs financiers qui travaillent dans des collèges communautaires et des instituts techniques. Je disais simplement qu'il peut être très difficile de décider de qui doit obtenir telle ou telle bourse. Il existe déjà un processus d'évaluation des besoins dans le cadre du Programme canadien de prêts aux étudiants, et je ne suis pas certain de ce que coûte l'administration dans ce cas-là. C'est ce que je voulais dire. Plus le fonds sera compliqué, plus l'administration va coûter cher, et moins il restera d'argent pour les étudiants.

Le président: Merci.

Libby, vouliez-vous poser une question complémentaire?

Mme Libby Davies: Oui. Les réponses sont très intéressantes et prouvent que nous avons un système très complexe dans le Programme canadien de prêts aux étudiants et dans les relations avec les provinces. C'est pourquoi il est très important d'examiner ce Fonds du millénaire afin de voir comment il pourra s'intégrer au système que nous avons déjà, et cela ne semble pas très clair.

Il ressort de l'exposé que nous avons entendu que ce pourrait être une source importante de fonds pour un programme de subventions, mais je conviens tout à fait avec les témoins que le problème actuel ne va pas être réglé simplement comme cela. C'est beaucoup plus important. Je me demande donc simplement si certains des témoins ont des exemples de programmes à nous suggérer qui ont donné de bons résultats ailleurs et qui pourraient nous servir de modèle pour bâtir un système, un programme national de subventions. Quelqu'un a-t-il des exemples à nous donner que nous pourrions utiliser au Canada?

Mme Judy Stymest (représentante du Québec, Association canadienne des responsables de l'aide financière aux étudiants): J'aimerais vous donner le point de vue de l'Association canadienne des responsables de l'aide financière aux étudiants. Je crois que tout le monde au pays veut que cet argent soit distribué selon les besoins. Nous estimons que c'est à cela qu'il doit servir. C'est là que c'est important. Nous espérons qu'une partie pourrait être utilisée pour créer un programme visant à encourager des étudiants de première et de deuxième années à poursuivre leurs études, des étudiants qui ont peut-être peur de s'endetter et qui hésitent devant des manchettes leur promettant un endettement minimum de 25 000 $.

Pour répondre précisément à votre question, les États-Unis ont les subventions Pell pour les étudiants ayant de grands besoins. C'est probablement le meilleur exemple de programme fédéral permettant d'injecter des fonds dans un programme de subventions destinées aux étudiants dont les besoins sont très élevés.

Le président: Monsieur Townsend.

M. Thomas Townsend: Il y a un rapport du General Accounting Office américain sur l'effet des subventions d'études qui pourrait intéresser votre comité. Je n'ai pas le numéro de ce rapport en mémoire, mais il s'agissait de l'utilisation de subventions dans les première et deuxième années d'études pour inciter les étudiants à poursuivre leurs études. Cela semblait être assez probant.

Le président: Merci, monsieur Townsend. Peut-être pourriez-vous fournir cette référence à la greffière afin que nous puissions communiquer ces renseignements aux députés.

Monsieur Charron.

M. Jocelyn Charron: Si je ne m'abuse, je crois que durant la réunion des intervenants on a parlé du taux d'abandon ou de poursuite des études en Colombie-Britannique, où il y a des subventions pour les deux premières années d'études. On avait alors dit qu'il y avait moins d'étudiants qui abandonnaient leurs études au cours de ces années que dans d'autres provinces. Cela a permis d'établir un lien direct avec la subvention. Suis-je le seul à avoir entendu parler de cela?

• 1055

Je crois que le gouvernement de la Colombie-Britannique a fait des études sur l'incidence de ses propres programmes sur les taux de poursuite et d'abandon des études. Ce serait certainement intéressant.

Le président: Merci, monsieur Charron. Les interprètes ont du mal à transmettre les hochements de tête, mais M. Townsend semblait acquiescer pendant que vous faisiez vos observations.

Monsieur Smith, vous avez dit quelque chose à propos du programme de remise de dette—du moins je crois que c'est ce dont vous parliez—à savoir que les gouvernements provinciaux voudraient que le gouvernement fédéral y mette les mêmes sommes qu'eux. Disiez-vous à ce propos que la part du gouvernement fédéral seulement serait de 400 millions de dollars, si bien que, au total, ce problème représenterait environ 800 millions de dollars par an?

M. Bill Smith: Le programme fédéral de prêts aux étudiants satisfait 60 p. 100 des besoins jusqu'au plafond fixé. C'est donc un partage d'environ 60-40.

Le chiffre que j'utilise est assez approximatif car, dans chaque province, on prend des mesures pour éviter ou réduire la dette, et ces mesures varient considérablement. En Colombie-Britannique, par exemple, on combine les subventions de première et de deuxième année. La province dépense ensuite 60 millions de dollars en remise de dette.

Le programme ontarien de remise de dette en 1996-1997 a coûté autour de 150 millions de dollars mais, la même année, pour ce qui est des prêts octroyés, s'ils maintiennent le programme de remise, cela représentera un passif de 450 millions de dollars.

Ce que je veux dire, c'est qu'il y a des dépenses provinciales importantes qui varient d'une province à l'autre, tant dans la conception que dans l'importance des programmes, qu'il s'agisse d'éviter un endettement en accordant des subventions et des bourses ou de réduire l'endettement d'une façon ou d'une autre. Si l'on considère les trois provinces de l'Ouest, cela représente environ 30c. par dollar de prêt. Si l'on considère le passif accumulé en Ontario, c'est probablement environ 50c. par dollar de prêt. Le Québec ne participe pas. Nous estimons toutefois que le chiffre se situe à peu près entre les deux.

Si nous arrondissons tous ces chiffres, cela représenterait environ 400 millions de dollars si le gouvernement canadien accordait une réduction de la dette de 30c. environ par dollar de prêt pour son volume de prêts annuel à la grandeur du pays et versait un montant au Québec et aux Territoires du Nord-Ouest, qui ne participent pas au programme, afin qu'ils puissent offrir des arrangements comparables dans leurs propres programmes de bourses et de remise de dette, et c'est quelque chose que le Conseil des ministres de l'Éducation appuie. En 1964, lorsqu'on a mis sur pied le programme canadien de prêts aux étudiants, personne n'envisageait ce genre de montant, ce genre de besoin, pour aider à réduire l'endettement. C'est quelque chose de tout à fait nouveau qui crée une situation assez injuste.

Le président: Carolyn, voulez-vous intervenir?

Mme Carolyn Bennett: J'ai deux questions. La première s'adresse à M. Kitchen.

J'ai beaucoup apprécié votre exposé. Je sais que ce secteur a été un peu maltraité. J'estime que le fait que vous soyez là à faire ce que vous pouvez... Mais il ne fait aucun doute que si nous commençons à parler de subventions, on va surveiller de près l'élément privé de plus en plus. Ce que vous avez dit à propos de la responsabilité est important.

J'aimerais savoir ce que les collèges privés vont faire pour recruter des étudiants qui n'ont aucun espoir de terminer leurs études et qui font monter le taux d'abandon à un niveau que certains jugent inacceptable. Peut-on faire quelque chose pour faciliter les choses à ceux qui veulent poursuivre des études afin qu'ils puissent obtenir des prêts, afin que l'on n'entende plus parler de ceux qui n'ont aucune intention de terminer leurs études?

M. Paul Kitchen: Je reviendrai à une ou deux choses. Vous avez dit que ce secteur est maltraité. Je crois que c'est surtout une question de défaut de paiement. Certaines des statistiques présentées portent sur les trois secteurs d'éducation et déterminent les taux de défaut de paiement à partir d'incidents. Ce que l'on ne considère pas, du moins à notre avis, c'est la démographie de ces secteurs afin de voir si un secteur particulier de la population est servi de cette façon. Avons-nous les mêmes taux de défaut de paiement parmi les trois secteurs dans ces différentes catégories de population? Je n'ai jamais vu de chiffres et je ne pense pas que l'on n'ait jamais effectué d'étude de ce genre.

• 1100

Je disais tout à l'heure que le secteur privé servait une proportion supérieure, ou un nombre disproportionné, de parents ayant seuls la charge d'enfants. Des études aux États-Unis ont indiqué que c'est une population à très haut risque. L'expérience là-bas, où on a adopté des seuils pour ces établissements, a fait retomber le taux de défaut de paiement, mais d'autres changements systémiques sont entrés en jeu.

En discutant avec mes homologues américains, j'ai découvert que l'introduction de taux d'acceptation minimaux a amené de nombreux établissements d'enseignement à consciemment décider de quitter le centre-ville pour s'installer en banlieue où se trouve une clientèle plus riche. Voilà comment ils s'y sont pris pour faire diminuer le taux de non-remboursement des prêts étudiants. Je crois que c'est un facteur qui n'a pas été pris en compte ou qui n'a pas été étudié, du moins pas au Canada. Il existe une clientèle à risque élevé. Aux États-Unis, la loi exempte des seuils minimaux les collèges et les universités traditionnellement fréquentés par des noirs où le taux moyen de non-remboursement des prêts frôle les 70 p. 100. Voilà la première observation que je voulais faire. Vous avez parlé des critiques dont fait l'objet le secteur, mais je crois qu'on n'a pas suffisamment étudié la clientèle de chaque secteur.

Pour ce qui est de la responsabilité, les collèges qui appartiennent à notre association prennent très au sérieux le processus de recrutement et dans la mesure où leur taille le leur permet, ils s'efforcent, en accordant une attention individuelle aux étudiants, de les convaincre de persévérer dans leurs études. Bon nombre de ces collèges comptent des conseils industriels consultatifs qui les aident à faire en sorte que leurs programmes répondent aux besoins des étudiants.

Nous ne pouvons évidemment pas garantir un emploi à nos étudiants compte tenu de la situation économique actuelle, mais nous faisons de notre mieux pour les aider à s'intégrer au marché du travail. Nous ne nous opposerions pas à l'établissement de normes pour ce qui est des taux de rétention scolaire et des taux de placement. À notre avis, ce serait un objectif admirable dans le cadre du financement des programmes.

Vous avez mentionné la question de l'accréditation. Notre association est affiliée à un organisme indépendant qui s'appelle la National Accreditation Commission. Depuis près de dix ans maintenant, cette association s'occupe bénévolement de l'accréditation des établissements. Le processus est coûteux pour les établissements, mais il est facultatif. L'association établit un certain nombre de normes qui ont été acceptées par le secteur lui-même et qui permettent d'évaluer le rendement d'un établissement. Les établissements d'enseignement font l'objet d'un examen approfondi. D'après ce qu'il m'a été permis de voir, la plupart de ceux qui se sont prêtés à ce processus pensent que cela leur a été bénéfique.

Je ne voudrais cependant pas qu'on conclue que les établissements qui n'ont pas participé au processus d'accréditation n'ont pas un bon rendement. Nous étudions cependant de façon continue avec le service de Thomas Townsend s'il y a lieu de lier la reconnaissance d'un établissement aux fins du programme de prêts étudiants au processus d'accréditation.

Je vous signale que la Commission compte actuellement quatre responsables provinciaux de la réglementation du secteur que je représente. Ils font profiter cette commission de leur crédibilité, de leurs connaissances et de leur expérience.

Je crois avoir répondu à toutes les questions.

Mme Carolyn Bennett: J'ai une question à poser et c'est peut-être M. Townsend qui sera le mieux placé pour y répondre.

• 1105

Je me pose des questions au sujet de l'évaluation des besoins. Je vois mal comment on peut évaluer les besoins. J'aimerais que vous m'aidiez à essayer de comprendre ce qu'il en est. On tient compte du revenu des parents dans l'évaluation des besoins de l'étudiant. Tient-on aussi compte du nombre d'enfants d'une même famille qui fréquentent l'université en même temps? Peut-être que les parents qui ont quatre enfants d'âge universitaire mais dont le revenu dépasse un certain seuil ne se donnent même pas le mal de présenter une demande et décident plutôt d'envoyer à l'université un enfant à la fois.

M. Thomas Townsend: La formule de base dont on se sert pour évaluer les besoins est celle-ci: «ressources moins dépenses équivaut à besoins». On tient compte du fait que certaines familles comptent beaucoup d'enfants.

Le processus n'est cependant pas parfait. Il fait actuellement l'objet d'un examen et on a attiré notre attention sur quelques problèmes particuliers dont l'un a trait au revenu maximal qu'un étudiant peut gagner sans qu'il ne soit tenu de l'inclure dans le revenu total aux fins de l'évaluation de ses besoins. On nous a aussi signalé le fait que nos méthodes d'évaluation des besoins ne sont pas très bien adaptées aux besoins des particuliers qui retournent aux études après avoir travaillé après un certain temps.

Le président: Je vous remercie. Je crois que M. Smith et Mme Kowalchuk veulent ajouter quelque chose.

M. Bill Smith: J'aimerais ajouter que je ne suis pas sûr que la contribution des parents soit aussi importante ou fréquente qu'on semble le croire. Nous avons étudié ce qu'il en était à ce sujet dans notre province.

On tient effectivement compte du nombre de personnes à charge dans une famille et pas seulement du nombre d'enfants qui fréquentent l'université. Nous avons constaté que sur 15 000 personnes qui présentent une demande, environ 7 000 reçoivent une aide de leurs parents. En bout de ligne, seuls 2 200 étudiants ont obtenu une aide de leurs parents. Nous avons constaté que lorsque le revenu familial est inférieur à 40 000 $ par année, la contribution des parents est presque toujours nulle. Dans la partie du Canada d'où je viens, 40 000 $ est cependant un bon revenu. Lorsque le revenu familial est entre 40 000 $ et 60 000 $ par année, le montant exigé des parents augmente rapidement.

Le président: Monsieur Smith, que pourrait-on faire à cet égard en ce qui touche les REEE?

M. Bill Smith: Permettez-moi d'abord de vous parler des discussions qui ont eu lieu à ce sujet avec les ministres de ma province, soit le Nouveau-Brunswick. Compte tenu de la clientèle qui est visée, nous ne sommes pas sûrs qu'il soit bien utile d'augmenter le montant maximal qu'on peut investir dans un REEE. Ce programme vise à aider les étudiants qui viennent de familles à faible revenu et ces familles ont parfois même du mal à se nourrir. Elles n'ont donc pas d'argent à investir dans un REEE.

Nous pensons qu'il serait cependant bon d'inciter tous les parents à économiser en vue des études de leurs enfants et peut-être que la déduction fiscale pourrait être plus élevée dans le cas des familles à faible revenu. Le fait d'augmenter cependant le montant maximal qui peut être investi dans un REEE n'aidera pas beaucoup les gens auxquels s'adresse ce programme.

Le président: Je vous remercie, monsieur Smith.

Madame Kowalchuk.

Mme Catherine Kowalchuk: J'aimerais ajouter ceci au sujet de la contribution des parents. Je crois qu'il faudrait tenir compte du fait qu'on pénalise les étudiants dont les parents gagnent beaucoup d'argent.

Lorsque j'étais étudiante, je n'avais pas droit à un prêt étudiant simplement parce que mes parents gagnaient trop d'argent. Or, ils ne m'ont plus donner d'aide financière à compter de ma deuxième année d'études. Je crois qu'il faut donc tenir compte de ce facteur. Il faut éviter aussi les généralisations. Il faudrait s'assurer que tous ceux qui ont besoin d'aide en reçoivent.

Le président: Monsieur Smith.

M. Bill Smith: Les études semblent révéler que les deux groupes pour lesquels l'accès aux études pose certaines difficultés sont ceux qui sont très pauvres et pour qui le coût des études et le problème de l'endettement ne sont pas les mêmes que ceux de la classe moyenne, et les familles dont le revenu se situe entre 40 000 $ et 60 000 $. Ces familles dépensent parfois tout ce qu'elles gagnent et ne peuvent pas aider leurs enfants à poursuivre leurs études. Voilà à qui devrait s'adresser ce programme.

• 1110

Dans notre région—et ce n'est pas une question dont le Conseil des ministres de l'Éducation du Canada a discuté en soi, nous avons décidé d'étudier ce qui empêchait les Canadiens à faible revenu de poursuivre des études.

Je me souviens avoir entendu un vice-recteur de l'une de nos universités raconter comment il avait essayé de convaincre des parents d'envoyer un de leurs enfants brillants à l'université, mais qu'ils ne comprenaient pas ce qu'il en coûtait pour faire des études et pourquoi quelqu'un irait emprunter plus que la valeur de leur maison pour acquérir un premier diplôme universitaire.

Le président: Monsieur Nault.

M. Robert D. Nault (Kenora—Rainy River, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

J'aimerais savoir exactement quelle est la position de l'Ontario. Différentes formules ont été mentionnées et certaines semblent faire l'objet d'un consensus parmi les organismes d'aide aux étudiants. Nous avons toujours l'impression que l'Ontario s'intéresse à un programme de remboursement des prêts fondé sur le revenu.

Je ne sais pas si on vous a fourni une ventilation des étudiants qui reçoivent des prêts étudiants, mais je peux vous assurer qu'ils sont très nombreux en Ontario. J'essaie de comprendre quelle est la position de l'Ontario. La position a-t-elle évolué? A-t-elle changé? La position de l'Ontario est-elle reflétée dans ce consensus qui semble se dégager? Il semble ressortir des discussions qu'on souhaite accorder la priorité à des mesures de réduction du niveau d'endettement qui seraient fondées sur le revenu. Est-ce l'Ontario qui penche pour cette solution et en sera-t-il davantage question dans le rapport que nous recevrons en décembre? Quelqu'un pourrait-il commencer par me dire où en est l'Ontario? Monsieur Best?

M. Robert Best: Je vous remercie. J'ai hâte d'entendre Bill Smith nous expliquer où en sont les provinces. Je m'en remets à lui.

Je ne sais pas quelle est la position du gouvernement de l'Ontario sur cette question. À ma connaissance, il souhaiterait qu'un programme de remboursement fondé sur le revenu soit mis en place d'ici septembre 1998. Je ne sais pas ce qu'on entend par là. On me dit que le gouvernement de l'Ontario envisage différentes formules qui sont toutes fondées sur le revenu.

Lorsque les participants aux tables rondes ont commencé à se réunir—et les autres pourront dire ce qu'ils en pensent—, nous avons décidé consciemment de ne pas utiliser des termes qui jusque-là avaient été une source de dissension. La simple mention d'un programme de remboursement fondé sur le revenu faisait dresser les cheveux sur la tête à certains. Ces termes avaient pris valeur de symbole. Nous avons donc plutôt décidé de nous demander quels étaient les besoins.

Nous avons rapidement convenu que le niveau d'endettement des étudiants constituait un problème et nous avons étudié comment on pouvait concrètement le régler. Je crois pouvoir dire que nous avons convenu que les modalités de remboursement devaient être souples. Nous avons également convenu qu'il importait de tenir compte de la capacité de payer des étudiants pour établir quelle était la formule qui convenait à chacun, soit la réduction de l'intérêt, soit la radiation d'une certaine partie de la dette. Il faut donc tenir compte de la capacité de payer des étudiants et cette capacité est non seulement fonction du revenu mais aussi du niveau d'endettement, d'où l'importance des ratios d'endettement ou des ratios dette-revenu.

Nous nous sommes entendus sur un ensemble de propositions qui prévoient une certaine souplesse dans les modalités de remboursement et qui tiennent compte tout particulièrement des ratios d'endettement. Le remboursement est donc lié au revenu, mais n'est pas exclusivement fondé sur le revenu. Il ne s'agit donc pas d'une formule classique de remboursement fondé sur le revenu.

La formule dont on a beaucoup discuté et qui fait l'objet d'une controverse est ce qu'on appelle la formule classique de remboursement fondé sur le revenu. En vertu de cette formule, les diplômés doivent rembourser leurs dettes en fonction de leur revenu sur une longue période, soit entre 20 et 25 ans, et il n'y a pas de subventions. Il n'y a pas de subventions pendant la période de remboursement et il y a ce qu'on pourrait appeler un amortissement négatif, c'est-à-dire que l'intérêt non payé s'ajoute au capital. On associe aussi fréquemment avec la formule classique de remboursement fondé sur le revenu une dette qui s'échelonne sur une longue période et dont une certaine partie peut être radiée à la fin de la période de remboursement.

• 1115

Les membres de la table ronde n'appuient pas cette formule classique de remboursement fondé sur le revenu. Je crois que nous l'avons tous dit publiquement.

Le président: Bob, pourriez-vous nous en dire un peu plus long là-dessus. Je crois comprendre la première partie du problème, celle qui a trait au niveau d'endettement, mais M. Townsend semble croire que les mesures de réduction de la dette devraient être reliées au revenu. Parle-t-on des subventions ou du remboursement? Je ne suis pas certain d'avoir compris.

M. Robert Best: Je vais essayer de répondre à votre question et je laisserai ensuite à Thomas le soin de vous expliquer ce qu'il voulait dire.

Pour ce qui est de la question du remboursement, si j'ai bien compris, il y avait consensus parmi les participants pour s'opposer à la formule classique du remboursement fondé sur le revenu. En fait, je n'ai entendu personne parler en faveur de ce genre de programme. Tous les participants à la table ronde n'ont pas exprimé leur avis sur cette formule, mais je n'ai entendu personne qui appuyait ce concept.

Si je ne m'abuse, ce sur quoi on s'est cependant entendu comme l'ont fait les tables rondes, est qu'il importe dans les diverses formules envisagées, qu'il s'agisse de réduction de l'intérêt ou de radiation ciblée de la dette, qu'on tienne compte de la capacité de payer, ce qui comprend évidemment le revenu. Le revenu des gens est évidemment un facteur dont on doit tenir compte, mais il conviendrait également de tenir compte de leur niveau d'endettement. Voilà pourquoi il faut établir le ratio d'endettement.

Le président: Très bien. Monsieur Léon et ensuite M. Smith.

M. Robert Nault: Avant que vous ne donniez la parole à ces deux personnes, j'aimerais replacer ma question dans son contexte.

Il ne faudrait pas oublier dans tout cela la question de l'harmonisation. Le système est devenu très complexe. Quand on songe au nombre d'étudiants du pays qui obtiennent des prêts ou des subventions—et presque la moitié d'entre eux sont de l'Ontario—, on ne peut pas tout simplement dire qu'on ne s'intéresse pas à la formule de remboursement fondé sur le revenu quand c'est la voie dans laquelle semble s'engager l'Ontario.

Même si vous êtes totalement opposés à la formule, vous devez vous demander ce que peut faire le gouvernement fédéral si l'Ontario insiste pour s'engager dans cette voie? Je comprends que vous n'attachez peut-être pas beaucoup d'importance à la question du partage des responsabilités dans ce domaine, mais il en est autrement de nous.

Proposez-vous que nous disions à l'Ontario qu'il n'est pas question de mettre en oeuvre ce programme et que le gouvernement fédéral va mettre sur pied son propre programme. Est-ce ce que vous entendez par harmonisation? J'aimerais que vous compreniez mon point de vue. Je ne pense pas qu'on puisse, comme on semble l'avoir fait ce matin, ne pas tenir compte du tout de la position de l'Ontario. Cela me préoccupe étant donné les chiffres que contiennent ces tableaux.

Le président: Monsieur Léon, voudriez-vous intervenir sur cette question ou préféreriez-vous le faire au sujet d'une autre question?

Je vais d'abord donner la parole à M. Léon et ensuite à M. Smith. Ce sera ensuite de nouveau le tour de M. Best et de quiconque voudra intervenir.

[Français]

M. Atïm Léon Germain: J'aurais un commentaire sur ce point-là, qui est relié à la situation de l'Ontario. Nous savons actuellement que l'Ontario étudie ce qu'on appelle le RPR, le remboursement proportionnel au revenu. On aurait aimé pouvoir en parler ici, mais on l'a tout simplement mis en annexe pour que les gens qui s'occupent du comité puissent lire un peu nos positions. Nous travaillons à cela depuis environ deux ans et nous avons demandé au ministère de l'Éducation du Québec de se pencher là-dessus. Mme Marois, la ministre, a annoncé il y a un mois qu'elle lançait un comité d'étude sur le RPR.

Je voulais simplement dire, comme le disait Bill Smith plus tôt, que la question est urgente. Quelle allocation de ressources de nos gouvernements pourra régler la question de l'endettement excessif de toute une génération? Si on pense à un programme ponctuel destiné à des gens qui entrent à l'université, on rate le coche, parce qu'il y a toute une génération de gens qui sont trop endettés.

• 1120

Il faut penser à un programme qui, d'une certaine façon, est rétroactif et s'applique à tous les gens endettés. Le RPR, selon la façon dont on l'envisage, pourrait régler les problèmes actuels. Par exemple, nous envisageons le RPR avec un palier minimum de revenu à partir duquel un pourcentage du revenu sera considéré pour le remboursement.

[Traduction]

Le président: Monsieur Smith.

M. Bill Smith: Vous soulevez plusieurs questions et je vais essayer de répondre à chacune d'elles.

Étant donné que le Québec ne participe pas au programme, l'Ontario ne constitue que la moitié du marché des prêts étudiants au Canada. La position du Conseil des ministres de l'Éducation est que le gouvernement fédéral doit faire sa juste part pour ce qui est de trouver des moyens de réduire le niveau d'endettement des étudiants et d'éliminer le problème. Le Conseil a adopté cette position en raison de l'intérêt que manifeste l'Ontario pour le remboursement fondé sur le revenu.

Je crois qu'il convient de comprendre un peu mieux la situation de l'Ontario. Le programme de radiation de la dette en Ontario est sans doute le plus généreux au pays. Je vous ai donné les chiffres pertinents il y a un instant. Je crois que le passif de l'Ontario est de 450 millions de dollars si l'on tient compte de l'année 1996-1997. C'est un niveau insoutenable même pour l'Ontario. L'Ontario cherche donc à obtenir qu'on l'aide en faire en sorte que les étudiants puissent rembourser leurs dettes à l'endroit de la province.

L'observation qu'a faite Bob Best est utile. La formule classique de remboursement fondé sur le revenu n'est pas une formule par laquelle on réduit le niveau d'endettement. Par conséquent, elle ne permet pas de corriger l'injustice suivante: les diplômés universitaires qui proviennent de familles à faible revenu se retrouvent avec des dettes de 40 000 $ à la fin de leurs études alors que les diplômés qui proviennent de familles de la classe moyenne n'ont aucune dette à la fin de leurs études. Il est donc nécessaire que les gouvernements investissent une somme initiale très importante pour qu'un programme de remboursement fondé sur le revenu s'autofinance et il faudrait aussi que tous les participants y investissent une partie importante de leurs revenus par la suite si l'on veut éviter qu'il y ait capitalisation de l'intérêt et que certaines personnes, surtout les femmes, ne se retrouvent pas en train de commencer à rembourser leurs dettes 25 ou 30 ans après avoir terminé leurs études. Voilà pourquoi l'Alberta et le Nouveau-Brunswick ont rejeté cette formule après l'avoir étudiée au début des années 90. Le consensus qui semble se dégager est qu'il est logique que le remboursement soit lié d'une certaine façon au revenu si c'est possible. Il est logique de prévoir une radiation de la dette qui soit fonction de la capacité de payer et il est illogique que la période de remboursement soit supérieure à 15 ans.

Je ne sais pas quel est le programme que compte mettre en oeuvre l'Ontario. Je sais que l'Ontario veut mettre en oeuvre un programme de remboursement fondé sur le revenu d'ici l'an prochain, mais je m'attends à ce que ce programme réponde aux critères dont nous venons de parler. S'il est possible de proposer un programme qui prévoirait l'affectation d'une partie raisonnable du revenu au remboursement de la dette, on pourrait offrir de radier une partie importante de cette dette après 15 ans si une personne n'est toujours pas parvenue à la rembourser. Il ne devient plus important de savoir si la radiation de la dette est fonction du revenu ou si le remboursement est fonction du revenu parce que ce dont il s'agit c'est de savoir si la dette est remboursée après trois ans, cinq ans ou 15 ans. Je crois qu'on peut donc être optimiste. Je ne pense pas que les positions de l'Ontario et des autres provinces soient aussi éloignées qu'on semble le croire. Le problème de l'endettement des étudiants est très grave en Ontario et je crois qu'on essaie de le régler.

J'attire aussi votre attention sur le fait que nous discutons d'un problème à long terme. Nous n'avons pas à nous préoccuper du cas de ceux qui vont terminer leurs études dans quatre mois.

Le président: Monsieur Harrison et ensuite M. Townsend.

M. Hoops Harrison: Bill m'a encore une fois enlevé les mots de la bouche. Il a dit exactement ce que je voulais dire.

Lorsque j'étais étudiant, j'ai participé aux consultations sur l'idée d'un programme de remboursement fondé sur le revenu. C'était il y a des années. Jusqu'à récemment, notre association appuyait même ce concept parce qu'il y a quatre ans, la situation de l'endettement et de l'aide aux étudiants était tout à fait différente. On a découvert que les étudiants remboursaient leurs dettes selon des critères très rigides. Certains n'y parvenaient pas. Nous avons pensé qu'une formule plus souple répondrait mieux à leurs besoins.

• 1125

Comme nous le savons tous, les frais de scolarité et le coût des études ont augmenté considérablement au cours des quatre ou cinq dernières années. En fait, les frais de scolarité ont doublé.

Le niveau d'endettement actuel dépasse la capacité de payer. Les nouvelles propositions qui vous ont été soumises vont dans le même sens que l'idée qui a été avancée il y a quelques années. Comme l'a dit M. Smith, je doute que ce concept s'éloigne de beaucoup du concept qui fait l'objet du consensus actuel. Les étudiants ontariens avec lesquels nous en avons discuté sont très favorables à un programme de réduction de la dette allié au remboursement de la dette. Afin de désamorcer la crise actuelle, nous devons régler le problème de l'endettement et ensuite prévoir une méthode de remboursement qui tienne non seulement compte du revenu mais aussi de la capacité de payer, laquelle serait établie en fonction du ratio dette-revenu dont a parlé M. Best.

M. Robert Nault: Avant que M. Harrison ne commence à discourir là-dessus, je voulais lui poser une question que je croyais simple. J'ai essayé de lire tous les documents qui m'ont été remis. Je n'ai cependant pas pu trouver ce que vous considériez comme un niveau d'endettement acceptable.

Je comprends la distinction qu'on fait entre une formule classique de remboursement fondé sur le revenu et une formule plus souple. Si ce dont on parle est de personnes qui ne peuvent pas se permettre des études, il faudra aussi définir ce qu'on entend par emprunteur dans le besoin. Quelqu'un peut-il me dire ce qui constituerait un niveau d'endettement acceptable en 1997?

Les chiffres que j'étudie indiquent un pourcentage très faible. Ce sont des chiffres de 1995. Je déteste citer des chiffres parce qu'on peut discuter pendant des heures de chiffres. Il n'en demeure pas moins que d'après ces chiffres, les étudiants qui doivent plus de 25 000 $ ne représenteraient que 2 p. 100 de tous ceux qui ont obtenu des prêts étudiants. Je ne veux pas m'étendre trop longuement sur ces chiffres, car je ne pense pas que cela puisse donner lieu à une bonne discussion. J'essaie cependant de comprendre le problème.

Comme vous le savez, chaque fois que le gouvernement fixe le revenu à partir duquel on n'a plus droit à certaines prestations comme les prestations d'assurance-emploi, cela met en furie ceux dont le revenu est juste au-dessus de cette limite. Il s'ensuit des querelles de chiffres. J'aimerais qu'on évite cela. Voilà pourquoi j'aimerais cependant que vous me disiez qui, à votre avis, est un emprunteur dans le besoin et quel est le niveau de dette que vous considérez comme trop élevé.

Prenons le cas d'un parent dont le revenu serait de 60 000 $ qui aiderait son enfant à faire des études universitaires. Cet enfant terminerait ses études avec des dettes de 10 000 $. Étant donné le revenu de ses parents, ce niveau d'endettement serait assez bas. Nous trouverions ce niveau acceptable.

Prenons maintenant le cas d'un Canadien à faible revenu qui a du mal à boucler son budget et qui a plusieurs enfants. Il ne peut pas économiser quoi que ce soit. Si ses enfants terminent leurs études avec 40 000 $ de dettes, il est normal qu'on considère ce niveau d'endettement comme très élevé.

Je ne parviens pas à comprendre ce que vous considérez comme étant un niveau d'endettement trop élevé. Comment vous y prendriez-vous pour concevoir un programme efficace qui répondrait aux besoins des gens dont le revenu se situe juste à la limite?

Voilà pourquoi je suis l'un de ceux qui n'est pas d'accord avec ce qui est dit au sujet du Fonds des bourses du millénaire. Je crois qu'il importe d'avoir un programme bien structuré.

Ce qui complique les choses, c'est que tous les secteurs n'ont pas les mêmes besoins. Les bourses du millénaire seront accordées non seulement en fonction des besoins mais aussi en fonction des résultats scolaires. Ce sera une pièce du casse-tête.

Cela ne réglera pas notre problème. Je ne pense pas que c'était d'ailleurs l'objectif visé. Je ne pense pas que c'était ce à quoi pensait le premier ministre lorsqu'il a annoncé la création de ce fonds. Il ne s'agit que d'une des pièces du casse-tête que nous essayons de reconstituer.

Avant que vous ne vous lanciez trop loin, monsieur Harrison, pourriez-vous me dire ce que vous considérez comme un niveau d'endettement acceptable dans l'ouest du Canada? Nous ne voulons pas vraiment nous lancer dans un débat sur le rôle des parents pour l'instant parce que je pense que Catherine a déjà effleuré la question. Bien sûr, la plupart d'entre nous conviennent que les parents ont certaines obligations dans ce domaine, mais si nous commençons à en discuter, nous risquons d'élargir un peu trop le cadre du débat. Pouvez-vous donc nous dire quel serait le niveau acceptable d'endettement pour que je comprenne mieux où nous en sommes?

M. Hoops Harrison: Très bien. J'ai trois choses à dire.

M. Robert Nault: Notre réunion doit se terminer à 13 heures. Vous pouvez sans doute continuer à parler jusqu'à 13 heures si vous répondez à ces questions.

• 1130

M. Hoops Harrison: Mes trois commentaires portent sur le niveau acceptable d'endettement, ce qu'on a dit au sujet de la bourse du millénaire et la contribution des parents.

En ce qui concerne votre dernière observation, je pense que ce que Catherine voulait dire au sujet de la contribution des parents, c'est que nous sommes tous d'accord que les étudiants doivent contribuer eux-mêmes à leur propre éducation. Le fait est que, si certaines lignes directrices du programme de prêts aux étudiants du Canada empêchent les étudiants dont les parents ont un revenu relativement élevé d'avoir accès à l'aide aux étudiants et si les parents ne sont pas en mesure de contribuer financièrement, les étudiants doivent financer eux-mêmes leurs études. Ces étudiants demandent donc une ligne de crédit à leur banque ou obtiennent de l'aide d'une autre source qui offrira beaucoup moins de souplesse que le régime de prêts aux étudiants.

Pour répondre à ces besoins, nous devons donc réexaminer la question du revenu des parents. Nous ne voulons pas dire que les parents ne doivent pas contribuer.

Pour ce qui est du Fonds de dotation des bourses du millénaire, si nous insistons sur les besoins, c'est parce que si le gouvernement fédéral veut faire quelque chose pour améliorer l'accès aux étudiants... Ce qui nous préoccupe maintenant, c'est l'accès pour les étudiants à faible et à moyen revenu, non pas pour les étudiants particulièrement doués. Ceux-ci ont d'autres possibilités pour poursuivre leurs études.

Quant aux étudiants issus de milieux aisés et qui sont aussi doués pour les études, ils auront toujours accès aux études postsecondaires. Ils ont le revenu et les notes nécessaires pour obtenir des bourses de divers établissements d'enseignement ou entreprises privées. Les étudiants qui ont un faible revenu mais de très bonnes notes auront aussi accès à ces bourses et à ces subventions offertes par divers établissements. Par ailleurs, les étudiants à faible revenu qui ont des notes suffisantes n'ont pas les mêmes possibilités. Pour eux, la seule solution est le programme de prêts aux étudiants du Canada. Dans certains cas, ce n'est pas assez. Par conséquent, si le gouvernement fédéral songe à investir quelque part, il devrait le faire pour aider les étudiants qui en ont besoin, ceux qui ont un revenu faible ou moyen. C'est pour cela que nous nous sommes concentrés là-dessus.

Quant au niveau acceptable d'endettement, je pense que M. Smith voudra en toucher un mot lui aussi. Chaque province évalue ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas dans le cadre de ses programmes d'inscription. L'Ontario le fait tous les mois, je pense. D'autres provinces fixent simplement un taux uniforme. Si vous dépassez un certain niveau d'endettement, le reste ne compte plus.

Cela veut dire qu'il n'y a pas de chiffre magique qui constitue un niveau d'endettement acceptable partout au pays. Il faut tenir compte de toutes sortes de facteurs, et non pas seulement des caractéristiques régionales, comme les revenus et les dépenses, mais aussi le revenu et les dépenses de l'étudiant lui-même et sa capacité de gagner. Par exemple, si deux personnes ont un revenu de 30 000 $ par année, leur capacité de remboursement ne sera pas la même si l'un d'eux est chef de famille monoparentale et a deux enfants.

Tous ces facteurs doivent entrer en ligne de compte. Certaines de nos propositions disent justement que les évaluations doivent tenir compte de tous ces facteurs. On ne peut pas se fier simplement à un chiffre.

M. Robert Nault: Monsieur le président, je ne peux pas laisser M. Harrison s'en tirer à si bon compte.

Il nous a donné une réponse politique très facile, mais il n'a pas vraiment le droit de nous donner une réponse politique; c'est à nous de le faire.

Je voudrais simplement vous dire ce que Statistique Canada dit au sujet du fait qu'il n'y a pas vraiment de crise de l'endettement sur le plan statistique chez les étudiants. Cela veut dire qu'on ne peut pas vraiment parler de pourcentage, quoique cela dépende de ceux à qui vous parlez. Il y a effectivement des étudiants très endettés. Par ailleurs, si l'on examine la situation d'un bout à l'autre du pays, on peut avoir tout un débat là-dessus. Il est difficile de parler de chiffres. Cela cause toutes sortes de problèmes. J'essaie simplement de voir ce qu'il en est.

J'ai deux enfants et je dois voir loin en avant. L'un d'eux a sept mois et l'autre a quatre ans. Je veux me préparer pour leurs études à l'université et au collège. Dieu sait quel sera le niveau d'endettement autorisé sur le plan statistique quand ils auront l'âge de fréquenter l'université et le collège vu qu'il reste encore bien du temps d'ici là. Cependant, si nous ne savons pas quel est ce niveau maintenant, nous aurons bien du mal à le déterminer dans 15 ou 20 ans.

Quelqu'un doit avoir des chiffres là-dessus. Vous devez pouvoir vous dire que cela vaut la peine de contracter 30 000 $, 25 000 $ ou 15 000 $ de dettes si cela vous permet d'obtenir un bon diplôme universitaire qui vous donnera accès à un bon emploi.

Comment chaque étudiant peut-il faire cette évaluation et comment le gouvernement peut-il la faire? Ou bien pensez-vous simplement que ce n'est pas ce que vous voulez? C'est ce que j'essaie de comprendre.

• 1135

Il y a bien des gens, peut-être plus de la droite que de la gauche ou du centre, qui prétendent que c'est de la pure invention et que les chiffres ne prouvent pas qu'il y a un problème. J'essaie d'obtenir des arguments pour vous. Vous devriez pouvoir me fournir ces arguments et me dire pourquoi il y a une crise.

M. Hoops Harrison: Le cabinet de M. Bevilacqua et l'équipe spéciale sur la jeunesse nous ont donné un chiffre moyen de 25 000 $ d'endettement par étudiant d'ici 1998. À propos de la plupart des chiffres fournis par Statistique Canada, je me contenterai de vous répéter ce qu'un auteur a dit: «Les mensonges, les sacrés mensonges et les statistiques».

Moi-même et un certain Fred Hemingway, qui est sous-ministre adjoint en Alberta, nous sommes entendus lors d'une réunion nationale des intervenants sur ce qui devrait être un principe de base pour déterminer ce qu'un étudiant devrait rembourser. C'est un principe fondamental de la société canadienne que d'avoir une bonne instruction et maintenant les critères de ce qui constitue un niveau d'instruction acceptable ont changé. Pour vous citer encore d'autres chiffres, je vous dirai que, d'ici l'an 2000, 45 p. 100 de tous les nouveaux emplois exigeront plus de 16 années d'études. Cela veut dire plus qu'un diplôme universitaire. En outre, 20 p. 100 de tous les nouveaux emplois exigeront des études postsecondaires. Cela veut donc dire que 65 p. 100 de tous les nouveaux emplois exigeront des études postsecondaires de quelque sorte. Le critère de base n'est donc plus un diplôme d'études secondaires, mais bien des études postsecondaires.

Comment cela se reflète-t-il dans les attentes de la société? Ce que nous avons déterminé, c'est que les étudiants devraient contribuer au financement de leurs études dans la mesure où ils le peuvent et où ils peuvent payer et que le gouvernement devrait combler l'écart. C'est pour cela que le gouvernement contribue de 60 à 75 p. 100 du coût des études postsecondaires selon la région du pays.

Je soutiens encore qu'il n'y a pas de chiffre magique pour tout le pays, par exemple 30 000 $, comme si c'était un investissement dans une automobile. Nous devons tenir compte de la nature progressive de la société. Si nous voulons que tous aient un accès égal à l'éducation, les critères financiers ne devraient pas constituer un obstacle. On ne doit pas mettre tous les étudiants dans le même sac. Lorsqu'un étudiant se situe en dessous du seuil, il devrait recevoir de l'aide.

Il se peut fort bien que l'on fixe une moyenne individuelle de 25 000 $. Tous ceux qui ne peuvent pas se permettre cet investissement de 25 000 $ ne devraient pas se voir interdire l'accès à l'éducation. Cela doit se faire de façon progressive.

Le président: Il y a environ six personnes qui veulent intervenir à ce sujet. Je me demande si l'un d'entre eux peut aussi parler de... si quelqu'un peut nous donner une idée de l'ordre de grandeur des subventions et bourses non gouvernementales. Monsieur Townsend.

M. Thomas Townsend: Je voulais parler brièvement de l'harmonisation et de la nature du rapport entre le gouvernement fédéral et l'Ontario en matière de prêts aux étudiants. Comme vous l'avez signalé, il est absolument essentiel pour la survie à long terme des programmes canadiens de prêts aux étudiants que l'Ontario demeure un participant actif. Tout au long du débat, nous sommes restés en communication avec l'Ontario... En fait, nous l'étions encore hier soir.

Sans présumer des dossiers précis sur lesquels l'Ontario travaille, je pense que la province s'intéresse aux mesures tributaires du revenu, car elles règlent les questions fondamentales que se pose l'Ontario au sujet des prêts remboursables en fonction du revenu. Je ne puis dire si les mesures proposées iront assez loin pour obtenir l'assentiment de la province et nous permettre de mettre en place le programme dont nous aurons besoin, mais nous en discutons toutes les semaines avec la province de l'Ontario.

Le président: Monsieur Nault.

M. Robert Nault: Je voulais que les associations étudiantes se prononcent là-dessus. Comme vous pouvez bien l'imaginer, le Parlement fédéral a 101 députés de l'Ontario qui ne sont pas forcément d'accord avec leur province sur l'orientation future des prêts aux étudiants. Évidemment, tous les députés assis de ce côté de la table sont de l'Ontario. De l'autre côté, c'est une autre histoire.

• 1140

Lorsque le gouvernement fédéral transfère des fonds considérables à une province dont il ne partage peut-être pas entièrement l'idéologie en ce qui concerne le traitement des étudiants, qu'en pensez-vous? Je vous donne le contexte pour que vous compreniez notre position. Vous pouvez imaginer le débat qui se déroule au sein du caucus fédéral de l'Ontario, sachant que nous représentons toutes les régions de la province et compte tenu du montant d'argent en jeu.

J'essaie de comprendre votre position dans ce débat, car il prendra bientôt une tournure politique pour nous. Vous l'avez un peu contourné. C'est peut-être parce que vous ne voulez pas y faire face, mais nous devrons prendre le taureau par les cornes au sein du caucus gouvernemental pour voir si nous pouvons transférer un montant considérable d'argent qui ne sera peut-être pas utilisé comme nous l'entendons. La question se pose en ces termes. Si nous devons investir dans le système, quel est le secteur où l'investissement sera le plus productif, et si nous voulons investir pour régler un certain problème d'endettement maintenant, quelle est la meilleure façon de procéder?

J'essaie de situer la question afin que vous compreniez notre position.

Le président: Monsieur Smith.

M. Bill Smith: Je voudrais vous dire à quel moment une dette devient excessive. Je voudrais aussi vous dire si c'est un problème.

Si Statistique Canada dit que nous nous trompons... On ne mesure pas l'ampleur du problème d'après des données moyennes sur un an ou deux, mais plutôt d'après la proportion d'étudiants inscrits dont l'endettement est assez sérieux pour que leur revenu éventuel ne leur permette probablement pas d'y faire face. Une fois de plus, quand vous aurez ce rapport, vous verrez la situation dans le cas de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick, par exemple.

La situation est grave dans ma province. Dix pour cent des étudiants inscrits en dernière année de baccalauréat ont plus de 25 000 $ de dettes.

En ce qui concerne votre deuxième question, une dette devient excessive à partir du moment où votre revenu ne vous permet plus de la rembourser. Il est fondamentalement erroné de penser que l'on peut régler le problème de la dette en se servant des moyennes. C'est impossible. L'endettement est une question individuelle. Votre capacité de rembourser dépend de votre revenu.

Permettez-moi de vous donner l'exemple de ma province, car nous avons vécu cette expérience. Le ministère des Finances nous a demandé des explications. Nous avons répondu que les gens devraient être en mesure de rembourser l'aide aux étudiants, de même que les prêts et les subventions destinés à la formation accordés dans le cadre de l'assurance-emploi. Nous croyons qu'un endettement raisonnable est le montant qu'une personne peut rembourser avec 8 p. 100 de son revenu jusqu'à concurrence de 18 000 $, et avec 20 p. 100 de son revenu au-delà de ce montant. Je pourrais vous donner un tableau indiquant une échelle mobile à ce sujet pour les personnes participant à ce programme. Elle va de 8 p. 100 à 16 p. 100 environ du revenu pour ceux qui gagnent à peu près 50 000 $ par an.

Nous avons calculé ces chiffres à partir des données qu'Immigration Canada communique aux immigrants sur le montant dont ils disposeront pour payer leur logement, leur nourriture et le reste, à différents niveaux de revenu, établissant les budgets familiaux et déterminant ce qu'il en coûte pour vivre et rembourser sa dette pendant sa jeunesse et ultérieurement.

[Français]

Le président: Monsieur Léger.

M. Robert Léger: Tout d'abord, je voudrais dire que j'aime beaucoup la réponse que vient de donner M. Smith.

M. Nault a parlé d'un seuil,

[Traduction]

un seuil à partir duquel on reçoit des prestations et un autre à partir duquel on ne reçoit rien.

En ce qui concerne la remise, je pense qu'il serait préférable qu'elle soit graduelle, si le ratio d'endettement était tel que l'on recevrait une remise partielle de sa dette.

Je ne pense donc pas qu'un seuil serait indiqué à cet égard. Je suis d'accord avec vous: je préférerais une remise graduelle de la dette selon le ratio d'endettement.

Le président: Monsieur Killeen.

M. Pierre Killeen: Merci beaucoup, monsieur le président.

• 1145

Monsieur Nault, comme vous le disiez tout à l'heure, une bonne partie du débat d'aujourd'hui a porté sur les étudiants d'universités ayant 25 000 $ de dettes. Je représente l'Association canadienne des collèges communautaires, et bon nombre de nos étudiants ont des problèmes d'endettement. La question a une portée plus grande que de dire que les étudiants sont piégés à vie.

Nous ne voulons pas dire que chaque étudiant ayant 25 000 $ de dettes est dans une situation telle qu'il a besoin d'une remise de dette. Je pense que jusqu'ici, le programme de prêts aux étudiants a été un instrument assez rigide. Maintenant, nous essayons de dire que l'endettement est un problème individuel, et nous avons besoin d'outils plus souples pour tenir compte des situations individuelles et traiter les cas individuels.

Je vais vous donner une idée de ce qui se passe en Ontario aujourd'hui dans le cas d'un groupe d'étudiants. Je parle des étudiants qui paient eux-mêmes leurs études dans les collèges communautaires, et j'ai des statistiques à ce sujet. En 1995-1996, l'endettement moyen de cette catégorie d'étudiants était de 6 000 $. En 1996-1997, on est passé à 14 000 $ par an. Cela représente une augmentation de 8 000 $ en un an. Il s'agit là d'une situation dans laquelle on oblige des assistés sociaux à aller à l'école. En même temps, on leur dit qu'en raison de leur statut d'étudiant, ils doivent recourir au système d'aide financière aux étudiants pour subvenir à leurs besoins. Auparavant, c'est l'assistance sociale qui s'occupait de ce genre de cas.

Nous avons essayé de nous concentrer sur l'aide financière aux étudiants, mais cela fait partie d'une question dont la portée est beaucoup plus grande. Bon nombre d'autres facteurs déterminent les types de personne qui ont des problèmes d'endettement. Il ne s'agit pas simplement de l'étudiant d'université ayant 25 000 $ de dettes. La situation est tout aussi grave quand on pense aux étudiants mariés en Ontario. Leur endettement s'est accru de 5 000 $ en un an. Nous avons une situation dans laquelle des personnes n'ayant même pas terminé leurs études secondaires se retrouvent avec près de 30 000 $ de dettes après deux années dans un collège communautaire. Nous avons une population étudiante tout à fait différente qui s'inscrit dans nos établissements actuellement.

Le président: Madame Stymest.

Mme Judy Stymest: Je pense que tout a été dit.

Le président: Bien. Monsieur Charron

M. Jocelyn Charron: Je voudrais parler plus précisément de l'Ontario. Comme vous l'avez dit, la question est d'ordre politique, et je présume que vous voulez connaître notre position sur ce qui se passerait si vous teniez compte des préoccupations de l'Ontario—en supposant qu'il s'agit de l'Ontario, car nous ne savons pas. La démarche qu'adopterait l'Ontario est une inconnue, mais je peux dire avec une certaine certitude que nos membres ne seraient probablement pas très contents et qu'ils contesteraient probablement la décision de tenir compte des préoccupations de l'Ontario.

Dans le cadre de ce débat, nos membres ontariens sont très déçus du fait que personne n'appuie la position du gouvernement. C'est comme si ce dernier travaillait dans le vide. Personne n'est favorable à la position du gouvernement, et nos membres ont dit qu'ils voudraient voir autre chose. D'autres intervenants ont soutenu une position semblable, et nous verrons en fin de compte si ces efforts porteront fruit. Toutefois, tel ne semble pas être le cas.

Si l'on décide quand même de tenir compte des préoccupations de l'Ontario, je crains que nos membres soient très mécontents. Je peux vous le dire, si tel est le genre de réponse que vous recherchez.

Le président: Monsieur Best.

M. Robert Best: Je reviens également à la question de M. Nault, simplement pour dire qu'à mon avis, nous n'évitons pas du tout la question. Je répéterai ce que j'ai dit tout à l'heure. Nous avons voulu proposer des solutions pratiques au problème que nous avons cerné, des solutions susceptibles de fonctionner. Nous avons continué à les promouvoir et nous avons obtenu des réactions surprenantes—peut-être pas si surprenantes, car je pense qu'il s'agit d'une excellente série de mesures. Le gouvernement de l'Ontario n'y a pas encore réagi.

Je suis encouragé par les propos de Thomas Townsend. Si j'ai bien compris, les discussions se poursuivent. Eh bien, s'il y a des discussions, je présume que toutes les parties font également preuve de souplesse.

• 1150

C'est un débat difficile. J'y participe depuis longtemps et j'ai vu beaucoup de mouvement au cours des cinq dernières années. À mon avis, cet événement est assez remarquable. La consultation parrainée par DRHC a été un événement remarquable. En y participant, je n'avais aucune idée de ce qui allait en sortir. C'est l'un de ces rares événements qui suscitent énormément d'intérêt sur une question et au cours desquels bon nombre de participants travaillent ensemble.

Tout d'abord, nous sommes tous dans le même domaine. Les premiers ministres des provinces, y compris celui de l'Ontario, conviennent qu'il existe un problème d'endettement chez les étudiants. Le premier ministre du Canada, le ministre des Finances, et, évidemment, le discours du Trône le confirment. Il en est de même des institutions financières et des associations nationales de l'enseignement postsecondaire. Tous conviennent que nous avons un problème d'endettement chez les étudiants, et tous conviennent, je crois, qu'il faut prendre des mesures pour y remédier. Et tous parlent très sérieusement des différentes mesures à prendre.

Je n'ai pas encore entendu la réaction du gouvernement de l'Ontario. Je suis ce dossier depuis longtemps et, même si je ne devrais pas faire preuve d'un optimisme béat, je commence à devenir un peu optimiste. Je pense que nous pouvons vraiment progresser dans ce domaine, et je préfère ne pas verser dans les questions hypothétiques. J'ai dit qu'à mon avis, un système de remboursement fondé strictement sur le revenu ne fonctionnera pas. Ce n'est pas la bonne politique, et je pense que très peu de gens y sont favorables. Je n'ai pas entendu le gouvernement de l'Ontario dire qu'il appuie ce modèle.

Je pense que nous avons proposé une série de mesures très pratiques que tout le monde doit examiner.

Le président: Il y a deux autres personnes qui veulent s'en prendre à vous, monsieur Nault.

Madame Kowalchuk?

Mme Catherine Kowalchuk: Je passe.

Le président: D'accord. Madame Ramji?

Mme Rubina Ramji: Je ne pense pas que nos propositions soient contraires à celle de l'Ontario. Si l'Ontario veut réduire le nombre de défauts de paiement et de faillites, nous le voulons aussi, car nous préconisons une certaine souplesse afin que l'étudiant puisse rembourser le prêt sans voir son endettement augmenter. L'Ontario a également parlé de souplesse. Le concept du RPR pur augmente la dette. Nous avons essayé de proposer une mesure qui réduit les faillites et les défauts de paiement, mais qui est souple afin de ne pas nuire à l'étudiant. Je pense que nos mesures cadrent avec la proposition originale de l'Ontario. Nous faisons simplement en sorte que l'étudiant en profite également.

Le président: Monsieur Nault, j'ai promis une minute à M. Anders. Ensuite, nous reviendrons à vous.

M. Robert Nault: D'accord. Je ne suis pas très pressé, monsieur le président. Je voulais simplement répondre au fur et à mesure.

Le président: Monsieur Anders, voulez-vous intervenir?

M. Rob Anders (Calgary-Ouest, Réf.): Assurément.

Tout d'abord, je voudrais parler de l'importance des budgets dont il est question ici. Si j'ai bien compris, en regardant les chiffres, le Programme canadien de prêts aux étudiants représente à peu près 6 milliards de dollars, et avec les équivalents provinciaux et ainsi de suite, le montant est plus élevé.

Compte tenu des propositions que j'ai entendues ici aujourd'hui sur les remises intégrales ou partielles de la dette après 15 ans de remboursement en fonction du revenu, etc., nous nous retrouvons probablement avec un montant avoisinant les 10 milliards de dollars. Quand on pense que le budget total de fonctionnement est de 109 milliards de dollars, c'est beaucoup, c'est une proportion très élevée. J'ai des inquiétudes à ce sujet.

En ce qui concerne le programme de remboursement en fonction du revenu, le Parti réformiste et moi-même sommes certainement partisans d'une formule pure. La raison en est que ces étudiants ont contracté un prêt, pris l'argent, et je pense qu'ils ont la responsabilité et l'obligation de le rembourser. Si l'Ontario défend cette position, je l'appuie sans réserve. Et si cela a une incidence sur 50 p. 100 des prêts aux étudiants dans ce pays, qu'il en soit ainsi. Je pense que cela aura une incidence positive sur le système de prêts aux étudiants dans l'ensemble du pays.

Je pense que l'on se pose la question de savoir si une remise de dette est indiquée 10 à 15 ans après l'avoir contractée, c'est-à-dire si l'on doit carrément oublier le principal après ce délai. Une fois de plus, je maintiens que cela ferait passer le coût du Programme canadien de prêts aux étudiants de 6 milliards de dollars à un niveau beaucoup plus élevé.

• 1155

Je vais aborder une série de questions pour lancer le débat.

Je voudrais également parler du processus de vérification. Dans un certain nombre de documents que j'ai ici, j'ai constaté qu'il y a des problèmes de vérification, de transfert de données entre les divers gouvernements, et ainsi de suite. Il existe bien des situations dans lesquelles on permet aux étudiants de remplir eux-mêmes leurs formulaires. Ce sont eux qui indiquent les comptes bancaires que l'on peut vérifier. Ce sont eux qui indiquent leurs revenus. Franchement, cela est inacceptable.

Je préconise que l'on recoure aux numéros d'assurance sociale, car je connais actuellement des gens qui s'en tirent à très bon compte, ou qui essaient sciemment de déclarer qu'ils sont en défaut de paiement d'intérêt et des choses de ce genre afin d'obtenir une remise et de se soustraire à leurs obligations. Je vous parie que ces gens-là seraient ravis d'avoir un programme de remboursement selon le revenu qui leur permettrait de faire défaut et de se débarrasser d'une grande partie du principal après 10 ou 15 ans. Je pense que nous risquons d'être confrontés à un problème si nous prévoyons une telle échappatoire.

Une fois de plus, j'aimerais entendre quelques observations sur la façon dont nous pouvons resserrer la vérification. Il ne faudrait pas que les étudiants soient en mesure d'indiquer le genre d'information que l'on peut examiner. Les prêts aux étudiants doivent être liés au numéro d'assurance sociale et, de façon raisonnable, à un processus assez exhaustif afin qu'ils ne puissent pas se soustraire impunément à leurs obligations.

Je suis opposé à la déductibilité fiscale. C'est simplement une autre façon de subventionner les prêts. Je comprends que l'on se préoccupe des étudiants nécessiteux. Je dirai officiellement que les observations de M. Smith sont parmi les plus raisonnables que j'aie entendues ici aujourd'hui. S'il faut choisir entre recevoir un rabais au cours des trois à cinq premières années et attendre 15 ans pour bénéficier d'une remise, je préfère attendre 15 ans. À ce moment-là, les étudiants seraient dans une position telle que, s'ils ont le revenu nécessaire pour rembourser le prêt, ils le feront, ce qui ne serait pas le cas si on leur accordait une grosse remise au bout de trois à cinq ans, ce qui équivaudrait à renoncer à l'argent et alourdir le fardeau des contribuables.

Dans les documents que j'ai devant moi, il est aussi question de modifier la nature de ce que l'on considère comme les études à temps plein. On veut passer à 60 p. 100 d'un cours complet, soit de cinq cours au cours d'un semestre donné, dans le cas de l'Alberta, à quatre cours. On parle aussi de modifier les exigences relatives aux études à temps partiel pour l'admissibilité aux prêts. Je suis favorable à cette idée.

On a également parlé de la responsabilité institutionnelle; ainsi, les «machines à aider les étudiants» où les taux de défaut et les problèmes liés au remboursement des prêts sont particulièrement graves seraient citées pour ces problèmes et en assumeraient en quelque sorte la responsabilité financière.

J'ai mentionné plusieurs choses. Je vais m'arrêter là, dans un sens, pour entendre les réponses, les questions ou quoi que ce soit d'autre.

Le président: Je présume qu'il y aura une réaction.

Monsieur Léon.

M. Atïm Léon Germain: J'interviendrai plus tard.

Le président: Monsieur Harrison.

M. Hoops Harrison: Rob, je présume que les personnes dont vous dites qu'elles réussissent à ne pas rembourser leurs prêts ne sont évidemment pas membres du Parti réformiste.

M. Rob Anders: En fait, la plupart ne le sont pas. Elles appartiennent à toutes les couches de la société. Beaucoup sont membres des associations étudiantes à l'Université de Calgary.

M. Hoops Harrison: Vous avez mentionné beaucoup d'autres choses, mais je ne parlerai que de quelques-unes.

En ce qui concerne le processus de vérification de la dette des étudiants, dans le document sur les «vraies solutions», quand nous nous penchions sur le remboursement de la dette, nous avons beaucoup réfléchi à la question des abus. Si le gouvernement veut investir cet argent, il faudrait limiter les abus autant que possible, car les abus coûtent cher au gouvernement, aux banques et, en fin de compte, aux étudiants eux-mêmes.

• 1200

Ainsi donc, votre suggestion relative aux numéros d'assurance sociale n'est pas nécessairement contraire à la nôtre, mais cela soulève des questions concernant la Loi sur la protection de la vie privée et la Loi sur les faillites et l'insolvabilité, et des préoccupations qu'il faut envisager dans des situations semblables. Nous sommes favorables à une aide extérieure permettant au gouvernement fédéral d'effectuer la vérification pour déterminer si les étudiants présentent correctement leurs revenus et leur capacité de rembourser.

M. Rob Anders: Je suis curieux de savoir quels changements il faudrait apporter à la Loi sur la protection de la vie privée pour que les gouvernements puissent faire des contrôles et des vérifications approfondis en ce qui concerne notamment les prêts aux étudiants.

M. Hoops Harrison: Actuellement, à ma connaissance—et corrigez-moi si je me trompe—on ne peut pas obliger les gens à divulguer leurs documents et leur situation financière. C'est ça le problème.

En ce qui concerne les abus et le problème d'endettement, le programme de remboursement en fonction du revenu n'éliminera ni les défauts de paiement, ni les faillites. Si les défauts et les faillites se poursuivent, les banques proposent une augmentation draconienne des primes de risque que le gouvernement fédéral leur verse pour les amener à participer au programme de prêts aux étudiants, ce qui signifie qu'en fin de compte, la contribution fédérale sera plus importante afin de compenser ces défauts et ces faillites. Nous estimons qu'il faut cibler d'abord les défauts de paiement et les faillites avant d'en arriver au programme de remboursement des prêts. Pour ce faire, nous devons cibler l'endettement.

Si vous considérez certaines propositions qui ont été examinées au cours de la réunion des intervenants nationaux... Actuellement, les banques reçoivent une prime de risque de 5 p. 100. Elles demandent que ce chiffre soit porté de 20 p. 100 à 25 p. 100 pour compenser adéquatement les défauts de paiement et les faillites. Cette augmentation draconienne fait croître le montant total du programme de 100 millions à 120 millions de dollars tout simplement pour que les banques continuent à y participer. Cet argent devrait servir à réduire l'endettement des étudiants pour empêcher que ces problèmes se posent. C'est exactement le mécanisme que la table ronde a proposé. En cas d'insuffisance du revenu, vous subventionnez ces étudiants pour qu'ils honorent leurs obligations et pour éviter les problèmes actuels.

Le président: Madame Stymest.

Mme Judy Stymest: Je voudrais réagir à vos observations sur la malhonnêteté des étudiants, si je puis m'exprimer ainsi. Je pense qu'il s'agit là d'un cas d'exagération. Les étudiants malhonnêtes sont peu nombreux, ce qui donne l'impression générale que tous les étudiants sont malhonnêtes. En tant que gestionnaire de l'une des machines à aider les étudiants, je ne pense pas que la malhonnêteté soit généralisée chez les étudiants.

Je pense que nous devons placer le débat dans un certain contexte, car les programmes de prêts aux étudiants imposent des plafonds qui limitent le revenu des étudiants, ce qui ne leur permet pas de répondre à beaucoup de leurs besoins. Dans bien des cas, les étudiants sont obligés de chercher du travail pour accroître leur revenu. Cela ressemble à de la malhonnêteté, mais en fait, ils sont coincés entre le marteau et l'enclume; ils ont vraiment besoin de 500 $ de plus pour joindre les deux bouts.

Nous devons nuancer les choses. À mon avis, il ne s'agit pas d'un abus, mais plutôt d'une insuffisance du système. La plupart des étudiants ne sont pas malhonnêtes.

Le président: Monsieur Killeen.

• 1205

M. Pierre Killeen: Monsieur le président, à propos d'abus, la série de mesures que nous préconisons nous permettra de sortir du général pour entrer dans le particulier, et j'espère qu'elle fournira aux gouvernements et aux établissements les outils dont ils ont besoin pour régler les problèmes de façon particulière.

Aucune de nos organisations n'est favorable au parasitisme. Nous disons qu'il faut de la souplesse et de la précision pour s'occuper de chaque cas et remédier à cette situation.

Je suis d'accord avec Judy en ce qui concerne l'idée de généraliser à partir de votre cercle d'amis comme étant la meilleure façon d'aborder l'aide financière aux étudiants.

Je vous remercie.

M. Rob Anders: C'est mesquin de faire des commentaires désobligeants au sujet de mon cercle d'amis.

Quand j'étais à l'université, j'ai connu des centaines et même des milliers d'étudiants. Et quand vous dites de façon désobligeante que je me fonde sur mon cercle d'amis, ou que, à votre avis, la malhonnêteté n'est pas généralisée chez les étudiants... Je dis que la structure d'encouragement est conçue de telle façon que les étudiants essaient de créer des problèmes de remboursement d'intérêt ou de défaut de paiement afin d'obtenir des remises, et je ne m'inspire pas de mon cercle d'amis ni de quelque chose de ce genre. J'ai été témoin de cette situation et je sais qu'elle existe; vous ne pouvez donc pas vous asseoir ici et prétendre que tel n'est pas le cas. J'étais à l'université il y a quelques années encore, et vous ne pouvez pas vous cacher la tête dans le sable et dire que cela ne se produit pas.

Le président: Merci, monsieur Anders.

Monsieur Charron, et ensuite M. Best et Mme Kowalchuk.

M. Jocelyn Charron: J'ai quelques questions à vous poser. Je ne comprends pas les chiffres exprimant les coûts que vous avez évalués et j'aimerais, si possible, que vous me les expliquiez de nouveau.

Pour ce qui est du remboursement en fonction du revenu, je crains que nous n'ayons une très grande divergence d'opinions. Selon moi, tout régime d'aide aux étudiants qui exigerait que les étudiants venant de familles à revenu faible et modéré paient deux ou trois fois plus pour leurs études que les étudiants venant de familles plus aisées serait un régime très injuste. En effet, c'est ce qui se passerait car plus la période de remboursement serait longue, plus élevée serait la somme d'intérêts sur les prêts. Je pense qu'il serait moralement inexcusable de concevoir un régime d'aide aux étudiants dans ces conditions, et je ne peux pas l'accepter.

Toutefois, j'aimerais bien discuter avec vous des coûts et de l'analyse que vous en faites car je n'ai pas bien compris. Vous avez parlé de 4 milliards de dollars. Expliquez-moi comment vous arrivez à ce chiffre.

M. Rob Anders: En fait, pour les calculs, je me suis servi de 6 milliards de dollars. Par exemple, les chiffres réels pour 1995-1996 indiquent 1,497 milliard de dollars, que j'ai arrondi à 1,5 milliard de dollars. En 1996-1997, on prévoit 1,7 milliard de dollars. Je vous cite ici deux années en particulier. En outre, j'ai trouvé ce chiffre de 6 milliards de dollars dans un des documents. J'ai l'impression que c'est sans doute un chiffre conservateur ou optimiste.

C'est une grosse somme.

M. Jocelyn Charron: Je sais, mais ce n'est pas le gouvernement qui paie cette somme. Les banques accordent des prêts que le gouvernement garantit en offrant une réduction de 5 p. 100 ou une prime de risque. Cette somme ne représente pas la dépense du gouvernement.

M. Rob Anders: Quand 20 p. 100 des prêts accordés aux étudiants ne sont pas honorés, soit que les intérêts ne sont pas payés ou qu'il y a défaut ou encore complication à cause de toute une gamme de facteurs, cela représente beaucoup d'argent.

M. Jocelyn Charron: Effectivement, mais ça n'a rien à voir avec les chiffres que vous avancez. Autre chose: en fin de compte, il n'y a que 10 p. 100 des étudiants qui ne remboursent pas leur prêt, car quand ils sont contactés, ils paient à une agence de recouvrement ou... Ainsi, du point de vue des calculs, je pense que les coûts que vous avancez ne sont pas aussi élevés.

Le président: Merci, monsieur Charron.

Monsieur Townsend, un commentaire? Quel pourcentage des étudiants ne remboursent pas leurs dettes? Quel est le taux de défaut de paiement une fois qu'on a essayé de se faire rembourser?

M. Thomas Townsend: Depuis toujours, les taux de défaut de paiement se situent à près de 30 p. 100. Disons, pour les fins de notre discussion, 30 p. 100. Cela ne signifie pas que le gouvernement ne recouvre pas cet argent une fois que le prêt est en défaut. Cela signifie qu'un emprunteur n'a pas payé pendant un certain temps. Le taux de perte sur les prêts aux étudiants a toujours oscillé entre 7 et 10 p. 100.

Le président: Merci, monsieur Townsend.

Je reviens à la liste. Monsieur Best.

• 1210

M. Robert Best: Merci, monsieur le président. M. Anders a dit qu'il répondrait volontiers à nos questions, et j'en ai une.

À la suite des remarques de Bill Smith, vous avez dit que vous n'aimiez pas l'idée d'une remise après trois ou cinq ans et que vous préféreriez que ce soit après 15 ans. Dois-je comprendre que pour vous, la période de remboursement maximale devrait être de 15 ans, après quoi il y aurait remise de dette?

M. Rob Anders: Non. Je tiens à être très clair. Je ne pense pas qu'il devrait y avoir de radiation ou de remise. Si quelqu'un contracte un prêt, s'il en assume la responsabilité, je pense qu'il devrait le rembourser intégralement. Toutefois, certains envisagent d'accorder des réductions d'intérêt au cours des trois premières années ou des cinq premières années, pour tenir compte des difficultés temporaires que représente la recherche d'un travail à temps plein, et cela c'est une chose. Par ailleurs, une remise après 15 ans, ce que semblent préconiser bien des gens ici présents, c'est autre chose. Quant à moi, j'opterais pour les 15 ans. En effet, dans ces conditions, l'intéressé dispose de 15 ans pour tenter de rembourser sa dette, et ces conditions-là seraient assorties de modalités de remboursement en fonction du revenu; cela me semble préférable à l'obligation de rembourser d'un seul coup une dette énorme sur une période de trois à cinq ans, alors que l'intéressé est en pleine transition.

Si l'intéressé parvient à rembourser son prêt sur une période de 15 ans, ce devrait être possible plutôt qu'on lui impose de trois à cinq ans.

M. Robert Best: Merci de cette précision.

Je pense que les groupes réunis ici ne préconisent pas nécessairement une énorme remise après trois ou cinq ans mais plutôt une remise ciblée, compte tenu du ratio d'endettement. Ces remises seront-elles élevées, nous n'en savons rien. Nous prévoyons toutefois que dans la plupart des cas, elles ne le seront pas. L'idée ici est de prévoir des conditions dans lesquelles les gens pourront en fait rembourser leurs prêts sur une période de 15 ans.

En outre, vous préféreriez qu'on n'accorde pas de remise et que les intéressés remboursent tout simplement leur dette. J'aimerais toutefois savoir ce que vous prévoyez dans le cas où certains ne pourraient tout simplement pas rembourser leur dette. Sont-ils en défaut ou...?

M. Rob Anders: Je propose que si au cours d'une période de... je me ravise, et je ne préciserai pas de période précise. Si un étudiant emprunte par exemple 30 000 $, et s'il fait voeu de pauvreté perpétuelle ou s'il a peu de chance ou aucune chance de trouver du travail parce que ses compétences ne correspondent pas à la demande, je ne pense pas qu'on devrait lui accorder une remise au bout de trois ou cinq ans, voire au bout de 15 ou 25 ans.

Supposons que l'on accorde des modalités de remboursement en fonction du revenu, ce que nous préconisons. Dans ces conditions, les paiements pourraient être très bas, presque rien, et s'échelonner par exemple sur 25 ans. Radier complètement la dette et permettre que cette personne ne s'acquitte pas de ses obligations serait selon moi moralement condamnable.

M. Robert Best: Bien entendu, comme vous l'avez exposé, si les paiements sont calculés en fonction du revenu et qu'ils sont très bas, il faut reconnaître que ceux qui auront des difficultés à les honorer verront leur dette croître, dans bien des cas doubler, voire plus que doubler, sur une période de 25 ans. Au bout de 25 ans, le problème demeurera.

Toutefois, vous affirmez que vous n'êtes pas prêt même dans ces conditions à accorder de remise de dette. Dans ce cas-là, cela signifierait que les intéressés continueraient de traîner une dette sans cesse plus lourde jusqu'à leur mort.

M. Rob Anders: Il faut bien dire que si ces gens demeurent pauvres toute leur vie, s'ils doivent rembourser en fonction de leur revenu, ils ne parviendront sans doute jamais à tout rembourser. Les mécanismes seraient prévus de telle sorte que le remboursement ne serait pas trop contraignant étant donné le revenu. Toutefois, il est entendu que je ne pense pas qu'il faille libérer les gens de leurs obligations de rembourser les dettes qu'ils ont contractées.

M. Robert Best: Autrement dit, la dette au Trésor public continuera d'augmenter jusqu'à la mort de ces gens, si bien que la dette va sans cesse grossir...

M. Rob Anders: Monsieur Best, d'après le régime que vous proposez, cette dette serait assumée par les contribuables automatiquement après trois ou cinq ans, ou encore après 15 ans.

M. Robert Best: Permettez-moi d'éclaircir cela car ce n'est pas en fait ce que nous préconisons.

Le président: Brièvement, s'il vous plaît.

M. Robert Best: Nous ne préconisons pas que les contribuables assument totalement la dette impayée. Nous proposons une remise partielle ciblée fondée sur la capacité de payer.

M. Rob Anders: Et qui va combler la différence?

M. Robert Best: Je préférerais qu'on n'en parle pas comme une renonciation totale. Merci.

M. Rob Anders: Monsieur Best, qui va combler la différence? Les contribuables.

Le président: Merci, monsieur Anders. Madame Kowalchuk.

• 1215

Mme Catherine Kowalchuk: En effet, j'ai plusieurs choses à dire. Je vais essayer d'être concise et brève.

Je conviens avec vous que les étudiants ont la responsabilité de rembourser leur dette, indéniablement. Jamais au grand jamais on ne devrait songer à une faillite personnelle comme pouvant être une solution. Dans certains cas toutefois, la faillite personnelle ou le défaut de remboursement d'un prêt devient tout simplement inévitable.

Je trouve cela très injuste. Vous avez peut-être une solution à me suggérer. Comment s'attendre à ce que ces gens apportent leur contribution à la société alors qu'il leur faudra se servir de leur pension—à supposer qu'ils aient la chance d'en avoir une—à l'âge de 65 ans pour rembourser une dette d'étudiant ou un prêt étudiant vieux de 35 ans? J'ai du mal à concevoir cela. Il faut considérer des éléments autres que le seul revenu dans ce cas-ci. Nous ne vivons pas en vase clos et il y a des facteurs qu'il faut prendre en considération dans le cas de gens qui ont des enfants lorsqu'ils obtiennent leur diplôme, qui sont parents célibataires, ou qui font face à d'autres problèmes sociaux.

Il faut bien dire que les étudiants qui peuvent rembourser leur dette vont le faire. Le programme que la table ronde vous soumet permettra, espérons-le, de supprimer toute défaillance de paiement. Actuellement, quelqu'un qui ne peut pas faire face à son versement mensuel peut compter sur le gouvernement qui subventionne le plein montant de la somme exigée. Mais selon ce que nous suggérons, si l'étudiant a les moyens de verser 50 $ sur une mensualité de 100 $, le gouvernement subventionnerait les derniers 50 $ pour ce mois-là. Ainsi le gouvernement pourrait épargner de l'argent, mais il serait possible grâce à ce programme de faire participer plus d'étudiants.

Quant à moi, je suis tout à fait en désaccord. Je ne pense pas que le remboursement en fonction du revenu soit une option envisageable pour les étudiants.

Le président: Merci, madame Kowalchuk.

Monsieur Townsend, donnez-nous une réponse concise. Ensuite, je donnerai la parole à Nault.

M. Thomas Townsend: Je pense que la notion de responsabilité en matière de dettes est importante. Quand il y a des abus, il est important que le gouvernement veille à les enrayer.

Il existe actuellement certaines mesures que l'on peut appliquer. Nous pensons qu'elles ne suffisent pas et qu'il faudra assortir ce programme de nouvelles mesures de responsabilisation— des mesures qui existent déjà et qui pourraient servir. Nous avons une politique qui permet le recouvrement de certaines sommes grâce au régime fiscal et chaque année nous récupérons ainsi 20 millions de dollars. Récemment, dans le journal on donnait la liste des employés fédéraux qui avaient bénéficié de prêts pour étudiants. Ainsi, toutes sortes de mesures permettraient de garantir que le contribuable peut compter sur une bonne gestion d'un programme important comme celui-ci.

Le président: Merci, monsieur Townsend.

Je retourne à M. Nault mais auparavant je voudrais revenir sur une chose qui a été mentionnée tout à l'heure.

Tout le monde reconnaît l'existence d'un problème. Il semble qu'on éprouve des difficultés à obtenir des renseignements clairs quand il s'agit des détails. J'ai entre les mains un tableau de renseignements et M. Nault a fait allusion à ce que Statistique Canada a affirmé à propos de ce tableau. Nous reconnaissons que ces données ne correspondent peut-être plus à la réalité et en se basant sur d'autres renseignements, on constate que le problème s'est aggravé de façon spectaculaire depuis trois ans. Des moyennes qui remontent à il y a trois ou quatre ans ont probablement perdu toute pertinence à l'heure actuelle.

J'ai ici des données pour le programme canadien des prêts aux étudiants en 1996-1997 et il y a l'apport des provinces, qui vient s'y ajouter, et que l'on pourrait évaluer à 40 p. 100 de plus. Mais même si l'on suppose 40 p. 100 de plus, il n'y a guère que 11 p. 100 de tous les étudiants qui soient des débiteurs défaillants si l'on ajoute à cela 40 p. 100 de 21 000 cela ne représente que 11 p. 100. Seulement 50 p. 100 de tous les étudiants bénéficient de ce prêt provincial. Il y a donc environ 11 p. 100 de 50 p. 100 qui auraient une dette en l'occurrence.

• 1220

Je me rends compte qu'il y a relâchement ici. Comme les choses s'aggravent, les chiffres de 1996-1997 ne donnent peut-être pas une idée très juste de ce que sera la situation en l'an 2000, ce qui amène une autre préoccupation.

Voici pourquoi je parle de cela. S'agit-il d'un rajustement au programme de base? On dit qu'en considérant tous les étudiants qui empruntent, la dette moyenne est de 25 000 $. On a du mal à s'expliquer ce chiffre quand on regarde les tableaux qui nous sont fournis. C'est peut-être vrai mais il est difficile de trouver ce chiffre crédible quand on regarde l'ensemble des tableaux.

J'en parle parce que si nous envisageons de considérer les 15 à 20 p. 100 d'étudiants qui éprouvent des difficultés, c'est une chose. Ce sera donc un chiffre que le gouvernement fédéral devra considérer. S'il s'agit d'un rajustement à tout le programme qui pourrait avoir pour conséquence de ratisser plus large et d'offrir à plus de gens des possibilités d'amnistie, c'est autre chose, et les problèmes à résoudre sont différents.

Je vais donner la parole à M. Nault mais j'aimerais qu'on me réponde quant au nombre véritable d'étudiants en difficulté.

M. Robert Nault: Maintenant que la tension artérielle de chacun a un peu grimpé, il est important de se dire que manifestement les divergences d'opinions dépendent du parti auquel votre interlocuteur appartient.

Je voudrais aborder vos priorités. Je reviens constamment au nouveau thème car je pense que c'est important. La première priorité est la dette. Actuellement, il existe un programme d'exemption d'intérêts qu'il faudrait élargir. Ce programme devrait prévoir une exemption dosée. Je ne vois pas d'inconvénient à cela car je pense qu'il importe que les gens se disent bien qu'il est insensé d'imposer des intérêts composés qui ne cessent d'augmenter, à quelqu'un qui n'a pas les moyens de les payer. Depuis neuf ans que je suis député, j'ai pu constater que cela est arrivé à un trop grand nombre de mes électeurs. Dans ces conditions-là, on n'avance pas.

Donc, s'il existait un programme d'exemption d'intérêts dosé, sous une forme ou sous une autre, il faudra bien que l'on définisse ce que constitue un emprunteur dans le besoin car ce sera la première chose à faire. Ce sera la chose la plus difficile du point de vue du gouvernement: qu'en est-il de ce côté-là? Avez-vous des suggestions à faire sur la façon dont on pourrait s'y prendre?

Il est indéniable que toute la question de la dette, c'est une chose, mais avec le temps, l'intérêt composé intervenant, cette dette ne cesse de s'alourdir. Si c'était possible, je préconiserais que l'on n'exige pas d'intérêts du tout, mais je ne m'aventurerai pas à proposer cela étant donné la situation financière de certains gouvernements.

Quelle est votre réaction? Je commence par là et ensuite nous en viendrons aux détails. C'est un des points précis que vous avez reconnus comme étant importants. C'est le gouvernement qui va devoir définir qui est un emprunteur dans le besoin.

Qui veut commencer?

Le président: Monsieur Harrison.

M. Hoops Harrison: Le Programme canadien de prêts aux étudiants prévoit un processus d'évaluation au moment de la demande. On considère les ressources de l'intéressé au regard de ses dépenses.

Notre association recommande notamment qu'on procède à une évaluation comparable une fois le diplôme obtenu, une fois les études terminées. Ainsi, la somme totale du prêt serait divisée sur une période de remboursement et on calculerait ainsi le versement mensuel. C'est ce qu'on appellerait un versement mensuel calculé.

Il y aurait également un processus d'évaluation, comparable à celui du Programme canadien de prêts aux étudiants, après l'obtention du diplôme et qui tiendrait compte du revenu et des dépenses, un peu comme cela se fait actuellement au moment de l'emprunt. À partir de cette évaluation, on calculerait un versement mensuel abordable correspondant aux moyens de l'intéressé. Ainsi cela permettrait de fixer la radiation ou l'aide offerte par le gouvernement. Comme M. Alcock l'a dit, cette aide ne s'adresserait pas à la majorité des étudiants mais aux étudiants qui manifestement ne sont pas capables... il s'agit environ de 11 p. 100, 15 p. 100, ou même 25 p. 100.

• 1225

Ainsi, on obtiendrait quelque chose de très précis et de très efficace. Cela n'exigerait guère plus d'efforts de la part des gestionnaires et si nous sommes sérieux dans notre volonté de régler le problème, c'est ce qu'il faut faire.

Le président: Monsieur Charron.

M. Jocelyn Charron: Votre question suscite chez moi quelques réactions. Effectivement, oui, il faut régler ces problèmes et voir quels seraient les ratios dans d'autres conditions, voir ce qui serait raisonnable. Il faut donc commencer par là si l'on veut mettre en oeuvre ce que vous proposez, et vous voulez que nous vous aidions à le faire.

D'autre part, il faut bien dire que les experts en la matière sont non seulement ceux qui ont la capacité technique de faire des calculs mais aussi ceux qui peuvent constater en première ligne le succès ou l'échec du programme. Il existe actuellement un programme d'exemption d'intérêts dont on peut depuis le dernier budget se prévaloir au cours d'une période de 30 mois. Je pense que le ministère est donc beaucoup mieux renseigné que qui que ce soit concernant cet aspect-là. Quant à elle, la Fédération canadienne des étudiants n'entend parler que de cas isolés, quand des gens nous appellent pour nous confier leurs problèmes. Ce que je pourrais vous donner ce sont des renseignements anecdotiques qui ne vous seraient pas très utiles. Je ne sais pas si je peux vous aider à cet égard.

Lors de la réunion des intéressés, la question de l'évaluation des besoins a été soulevée et on s'accordait à croire que quels que soient les critères retenus, il fallait absolument donner une période de grâce aux étudiants après l'obtention du diplôme. Bien des gens ont fait valoir cet argument et les prêteurs eux-mêmes l'ont appuyé incontestablement. Il ne faudrait pas que les prêts accordés aux étudiants forcent ces derniers à reporter toute décision tant que les prêts en sont pas remboursés.

M. Robert Nault: Je vous arrête un instant car la radiation d'intérêts pendant une période de 30 mois était générale. Vous parlez actuellement d'un système dosé qui est beaucoup plus compliqué à mettre en oeuvre. Il faut que les gens puissent faire l'évaluation du revenu de l'intéressé, qu'ils établissent des minima.

Quand on songe à ce que proposait mon collègue du Parti réformiste, on en vient à un examen approfondi de la situation financière de quelqu'un sous plusieurs facettes, c'est alors que peuvent intervenir les dispositions de la Loi sur la protection de la vie privée.

Dans les dispositions du budget présenté par M. Martin, l'intéressé dispose de 30 mois pour se prévaloir du programme et il n'y a pas lieu de procéder à une enquête administrative. Il suffit de déclarer qu'on n'a pas les moyens de rembourser et qu'on a besoin de cette prolongation de 30 mois. Toutefois, ce que vous proposez ici est un régime fondé sur la capacité de l'intéressé à payer une fois qu'il a obtenu son diplôme. Il faudra une évaluation dans chaque cas. Tout comme il y a une procédure d'évaluation des besoins au moment de l'emprunt, il y aurait une évaluation semblable à la fin. Il faut que quelqu'un nous dise où commencer et où terminer si l'on veut que nous offrions une solution.

Il y a une autre difficulté. Il faut que l'on puisse dire à l'électorat, au ministère des Finances et au vérificateur général, qui ne cesse jamais d'être vigilant, combien cela va coûter. C'est là notre rôle comme représentant de la population et nous essayons de voir si nous pouvons simplifier les choses au maximum. Plus les choses seront simples mieux cela vaudra, plus elles sont efficaces, mieux cela vaudra. Nous tâcherons d'éviter d'embaucher—ce qui sera peut-être une bonne chose étant donné le taux de chômage—des quantités de gens pour gérer cette étape-là, car c'est cela qui se passe lors de l'étape initiale.

Votre proposition est différente de ce que contenait le budget. Il est facile de se prévaloir de cette période qui a été portée à 30 mois car il suffit d'en faire la demande, d'après ce que j'en sais. Que M. Townsend me reprenne si je me trompe, mais vous proposez un système dosé, si bien qu'il faudra établir un plafond.

Donc voilà pourquoi je vous pose cette question, Jocelyn. Il ne suffit pas de dire qu'on va laisser les experts décider, c'est beaucoup plus compliqué que ça. Si le plafond n'est pas bien choisi, on va oublier quelqu'un, et il y a toute la question de savoir d'après quels critères on va décider—les parents et leurs responsabilités, etc. Vous voyez ce que je veux dire?

• 1230

M. Jocelyn Charron: Oui. Je tiens à être clair. Je ne dis pas que ça va être simple. Ce n'est pas ce que je veux dire. Mais je pense aussi qu'il nous faut reconnaître une chose: dans ce système, ce serait administré par les prêteurs et non par le gouvernement.

Le gouvernement aurait la responsabilité de trouver une formule, tout comme l'allégement des intérêts est aujourd'hui administré par les prêteurs et non les gouvernements. Ce qui serait bien sûr difficile, ce serait de trouver des critères pour toutes les situations où l'on établit un rapport entre le niveau du revenu et la situation financière de la famille, le nombre d'enfants, ce genre de choses.

Oui, il faut faire de sérieuses recherches ici. Mais ce que je veux dire, pour ce qui est de notre contribution, des groupes comme le nôtre peuvent vous donner des lignes directrices générales. L'une des lignes directrices qui a été clairement énoncée lors de la rencontre des intervenants, c'était la nécessité de laisser aux emprunteurs lorsqu'ils obtiennent leur diplôme une certaine marge de manoeuvre pour leur permettre de prendre leurs décisions au sujet de la famille et des autres décisions qui ne devraient pas attendre 15 ans après l'obtention du diplôme.

Le président: D'accord, il nous faudra aller un peu plus vite étant donné que nous entrons dans notre dernière demi-heure. Monsieur Smith.

M. Bill Smith: Quelques brèves observations. Tout d'abord, il y a le problème des données. Je suis d'accord avec vous, il nous faut de bonnes données. Il nous faut des données projectives. Quel est le niveau de prêt qu'on autorise maintenant? Quelle est la répartition des gens selon le montant de la dette accumulée? C'est une question très différente de ce que les moyennes peuvent vous apprendre. Est-ce que ça va vous dire combien de personnes risquent d'avoir un problème parce qu'elles ne trouvent pas de travail suffisamment rémunérateur pour faire les paiements exigés par leur dette, du moins la première année?

Deuxièmement, on se perd toujours dans les détails. Si vous êtes en Ontario et que vous êtes dans une situation pire, vous pouvez emprunter jusqu'à 500 $ par semaine. On vous consent alors une remise de dette qui se chiffre à 3 500 $ par trimestre. Pour un diplôme de trois ans en Ontario, la moyenne de la dette serait bien inférieure à 20 000 $. Mais le problème de l'Ontario, c'est qu'on ne peut soutenir ce niveau de remise, et il faut également tenir compte de cela lorsqu'on se penche sur les détails.

Troisième observation, si j'ai bien compris la proposition de table ronde, c'est que les institutions financières n'acceptent que le remboursement des intérêts au début, et ce serait le premier coup de main à donner dans la période de transition. J'imagine que cette méthode économiserait de l'argent au gouvernement au lieu d'alléger les intérêts.

Pour ce qui est de l'allégement dosé des intérêts, vous avez raison, le plus simple, c'est d'établir une formule basée sur le revenu, même pour le remboursement des intérêts, parce qu'il est très difficile d'établir la valeur nette d'une personne et de déterminer la valeur des actifs qu'on veut prendre en compte et tout le reste. Mais cela aussi nous semblerait plus avantageux que le programme actuel d'allégement des intérêts parce qu'il n'existerait plus de seuil arbitraire sous lequel on ne serait pas obligé de faire le moindre paiement. Chose certaine, la responsabilité de rembourser un prêt est évidente, même si vous ne pouvez rembourser que 5 $ par mois, c'est le montant que vous devriez rembourser et pas plus.

Enfin, l'autre élément de la proposition de la table ronde, si je comprends bien, est très ciblé. Cet élément n'intéresse que ceux qui ont cet écart entre le revenu et la dette, peu importe combien de temps dure cet écart.

Donc voilà, monsieur le président, le 15 ou 20 p. 100 dont vous parliez. J'imagine que ce serait une option relativement peu coûteuse pour le gouvernement, comparativement à d'autres.

Le président: Monsieur Gravel.

[Français]

M. Dany Gravel: Monsieur Nault, vous demandiez la définition de quelqu'un qui a besoin d'un prêt ou d'une bourse. C'est facile à définir. Toutes les personnes qui veulent étudier ont besoin d'un enseignement de qualité pour se préparer à un avenir et à aller travailler à des salaires décents.

Donc, tout le monde ayant besoin d'une éducation de qualité, ceux qui ne sont pas capables d'y accéder pourraient faire une demande au régime. On peut voir si on pourra faire des vérifications à la fin ou au début pour connaître les revenus, les dépenses, les contributions familiales, etc. C'est facile à vérifier avec les déclarations d'impôt. Je pense que tout le monde peut vérifier par ce système si cela marche. Au Québec, chez nous, il y a moyen de faire cela. Si l'étudiant en fait la demande, il y a moyen de vérifier en passant par le ministère du Revenu. C'est ce que je voulais dire.

• 1235

[Traduction]

Le président: Merci. Monsieur Scott.

M. Kelly Scott: Mon intervention porte seulement sur la question de l'allégement dosé des intérêts et son administration, comme en ont parlé Jocelyn et Bill Smith.

À l'heure actuelle, ce sont les emprunteurs qui en sont responsables de cela, et en général, on procède par rotation à tous les trois mois. L'étudiant doit demander un renouvellement, et l'on procède beaucoup selon une formule qui est basée sur le revenu. Nous serions tout à fait disposés à travailler avec le service de M. Townsend et les d'autres pour déterminer cette formule et un mécanisme d'administration facile.

Ce qui nous amènerait à quelques questions différentes, cependant, dont certaines ont été abordées plus tôt. Il est difficile de déterminer le plafond à fixer, et nous avons ici un programme provincial et fédéral de prêts aux étudiants. Il nous faut savoir s'il s'agira d'un programme harmonisé. Nous devons savoir quels sont les seuils que tous jugeront acceptables.

Chose certaine, de notre point de vue, lorsque nous avons pris connaissance du procès-verbal de la table ronde, nous nous sommes dit que nous continuerions à administrer ce programme et que nous n'imposerions pas ce processus au gouvernement.

Mais ce que nous nous sommes dit, c'est qu'il fallait un effort commun pour trouver une formule applicable. La formule actuelle est trop tranchée et n'inclue pas beaucoup d'étudiants, et cela nous met mal à l'aise. Nous pensons que le mécanisme de dosage peut en fait économiser de l'argent au gouvernement mais aussi donner plus de souplesse à l'étudiant, qui n'aurait qu'à rembourser les intérêts pendant un certain temps, si c'est tout ce qu'il peut faire.

Le président: Merci, monsieur Scott. Monsieur Townsend.

M. Thomas Townsend: M. Scott a dit ce que je voulais dire, à savoir que sur le plan administratif, c'est faisable, et en fait, ça pourrait même être très simple.

Le président: Monsieur Best.

M. Robert Best: On a déjà dit l'une des choses que je voulais dire. J'aimerais cependant faire une observation sur le mécanisme de dosage. Tout d'abord, avec le budget qu'on a pour l'allégement de la dette, si l'on oublie un instant la question de savoir s'il faut élargir ce programme, le budget existant peut être utilisé plus efficacement pour rejoindre plus de gens dans le cadre d'un mécanisme de dosage. Encore là, si le seuil est trop arbitraire, il y a des gens qui bénéficient d'un allégement complet des intérêts alors qu'ils n'auraient besoin que d'un allégement partiel pour traverser cette période de transition, s'implanter sur le marché du travail, s'établir et payer leurs dettes. Ce mécanisme serait un instrument mieux adapté qui permettrait d'aider plus de gens selon leurs besoins.

En ayant parlé avec les prêteurs—et ce n'était pas la première fois, ce n'est pas quelque chose qu'on vient d'inventer—j'ai compris que, oui, cela pourrait poser des problèmes, mais que ce serait également faisable.

Merci.

Le président: D'accord. Merci.

Je vais vous poser une question, à ceux qui voudraient se prononcer sur la proposition d'harmonisation émanant de la table ronde—je pense que c'est M. Townsend qui en a parlé, et M. Scott a abordé le sujet—et cette question porte sur la complexité de l'administration des prêts. L'harmonisation peut vouloir dire plusieurs choses. Donc, posée de manière générale, la question est de savoir ce que vous voulez dire par là?

Deuxième question, l'harmonisation pourrait-elle amener le gouvernement fédéral à prendre en charge le programme de prêts, et il n'y aurait plus qu'un seul programme de prêts administré par le gouvernement fédéral, et les provinces s'en retireraient et feraient autre chose avec leur argent, tout comme c'est le cas pour le crédit d'impôt pour enfants.

Je dispense messieurs Léon et Gravel de répondre à cette question. Monsieur Smith.

M. Bill Smith: Eh bien, je ne connais pas une seule province qui ne dirait pas qu'il vaudrait mieux avoir un seul programme et un seul concept. Mais je ne pense pas que les provinces vont s'entendre sur la question de savoir s'il vaut mieux tout laisser aux provinces, ou tout laisser au fédéral, ou s'il vaut mieux que les deux ordres de gouvernement s'entendent et établissement un programme cogéré et harmonisé. Les provinces ne s'entendent pas sur cette question.

Je dois dire que ce qui irrite la plupart des provinces, c'est le partage équitable du coût de l'aide aux étudiants. Étant donné que le coût de l'aide aux étudiants n'est plus une question d'octroi de bourse mais bien de dette—et ce sont les provinces qui doivent s'arranger avec la dette—la question est de savoir qui paie quelle part du coût.

• 1240

Je pense que plusieurs provinces accepteraient l'harmonisation dès demain matin, non sans quelques difficultés, comme on l'a dit, et des préférences mineures en matière de politique, et il y aura harmonisation lorsque les deux ordres de gouvernement s'entendront pour payer leur part équitable du Programme d'aide aux étudiants.

Le président: Monsieur Scott.

M. Kelly Scott: Du point de vue de l'emprunteur—et j'ai fait état de la complexité de la question ce matin—nous constatons que l'un des plus grands problèmes auquel nous nous heurtons lorsqu'il s'agit de faire comprendre aux étudiants qu'ils ont une responsabilité et qu'ils doivent assumer les paiements de manière équitable, c'est le fait qu'on a plus d'un prêt par client.

Je n'ai pas nécessairement de préférence. De notre point de vue, ce qu'il faut, c'est un prêt par étudiant, par opposition aux deux ou trois prêts qui existent parfois maintenant. Du point de vue de l'administration, chose certaine, si nous avions un seul programme national, nous aurions évidemment beaucoup moins à payer, mais ce que nous voulons par-dessus tout, c'est la formule un étudiant, un prêt.

Le président: Monsieur Léon.

M. Atïm Léon Germain: Nous avons une opinion à ce sujet.

[Français]

Je vais quand même répéter ce que j'ai dit plus tôt. Je tiens à souligner que pour nous, le transfert vers les provinces est quelque chose d'important, mais d'un point de vue très pragmatique. Nous ne sommes pas le ministre de l'Éducation de notre province. Je peux comprendre qu'elle soit intéressée au transfert d'un point de vue financier, mais pour nous, c'est très pragmatique. C'est-à-dire qu'on a le sentiment d'avoir beaucoup plus de pouvoir sur ce programme lorsqu'il relève de la province. On a le sentiment d'être beaucoup plus proches des administrateurs, de pouvoir faire plus facilement nos commentaires et recommandations. On a le sentiment de pouvoir mieux changer les choses quand c'est plus proche de nous. Voilà, c'est tout.

[Traduction]

Le président: Monsieur Nault.

M. Robert Nault: Ce que je vais dire s'inspire de mon expérience universitaire. Bien sûr, c'était il y a quelque temps de cela. Je suis un peu plus vieux que M. Anders.

Vous dites, au sujet de la deuxième priorité, que les bourses pour les étudiants de première et de deuxième année sont une priorité. Si je me souviens bien, ma première et ma deuxième année ont été plus faciles pour moi que la troisième et la quatrième. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi vous pensez que c'est la priorité? Si me rappelle ma propre expérience à l'université, c'était l'inverse: plus le temps passait, plus je m'appauvrissais. Je ne pouvais plus m'offrir que quelques bières par semaine. C'était tout ce que je pouvais me permettre. Je suis curieux de savoir comment vous êtes parvenu à cette formule, non pas que ce soit si important que ça. Je suis seulement surpris, c'est tout.

M. Pierre Killeen: Les étudiants des collèges communautaires et des instituts techniques ne pourraient pas vraiment avoir accès aux bourses de troisième et de quatrième année.

L'Ontario est l'exception parce qu'y existe des programmes de collèges communautaires de trois ans, et il y en a aussi quelques-uns au Québec. Exception faite de cela, nous nous préoccupons des étudiants de nos établissements qui sont en première et deuxième année.

Pour ce qui est des bourses aux étudiants de troisième année, vous excluez un pourcentage important de la population qui profite du Programme d'aide aux étudiants.

Le président: À moins que l'on ne repense ce programme pour divers niveaux d'éducation.

Monsieur Charron, voulez-vous intervenir ici?

M. Jocelyn Charron: Pour vous donner une idée de la motivation—et je pense que M. Townsend en a fait état plus tôt—j'aimerais mentionner une étude qui a été faite par le General Accounting Office aux États-Unis. Cette étude avait pour objet de connaître l'effet qu'aurait la substitution des bourses aux prêts sur le nombre d'étudiants qui poursuivraient leurs études, selon les années de scolarité. À notre avis, l'un des avantages des bourses, c'est qu'elles aident les étudiants qui autrement seraient plus tentés de quitter l'université la première et la deuxième année, alors qu'une bourse les aide à y rester. L'étude a démontré essentiellement que la substitution de la bourse aux prêts donnait de meilleurs résultats au cours des deux premières années qu'au cours de la troisième et de la quatrième.

La raison bien sûr tient au fait que si vous avez investi de vous-même, de votre temps, de votre énergie pendant deux ans et que vous arrivez à la troisième et la quatrième année, vous vous trouvez alors à sacrifier beaucoup plus, dans un sens, si vous décidez de décrocher.

Du point de vue de l'efficacité, et je dirais de l'efficacité démontrée, les étudiants de première et de deuxième années qui avaient des grands besoins, se sont montrés plus réceptifs, et c'est ça qui a fait la différence.

• 1245

M. Bill Smith: J'ajouterais à cela la préoccupation concernant l'accès, le coût et l'obstacle auquel se heurte le débiteur pour y arriver. Nous voulons que les étudiants des groupes à faible revenu puissent accéder aux études postsecondaires, et l'octroi de bourses en première année favorise cet accès.

Je sais qu'il y a toute une liste de choses ici et qu'elles coûtent cher. Si j'avais à proposer une direction stratégique, ce serait de commencer par consacrer le plus important investissement à la question de la dette actuelle, et de prévoir la transition à un programme qui comprendrait des bourses initiales mais qui prendrait aussi des mesures à l'égard de la question d'accès.

M. Robert Nault: Je voudrais avoir un peu de rétroaction sur cette question des bourses pour des étudiants ayant des personnes à charge. Il s'agit bien sûr d'une question très vaste et aussi très compliquée. Est-ce que je pourrais avoir une idée de ce que vous proposez?

Préconisez-vous une sorte de ventilation par enfant—je n'ai pas vu la documentation, et j'essaie donc de comprendre l'idée générale—ou s'agit-il de permettre à tout parent seul d'avoir accès à une bourse fondée sur le besoin, par le biais d'un formulaire qu'on remplirait comme pour toute autre évaluation? La bourse serait-elle calculée d'après le nombre d'enfants et le coût d'entretien d'un enfant, y compris bien sûr les frais de garde? Dans le cas de parents seuls, ce sont sans doute les frais de garde pendant qu'ils sont à l'université ou au collège, qui représentent le problème principal. Pourriez-vous me donner des détails sur cette question?

Monsieur Townsend.

M. Thomas Townsend: Environ 25 000 étudiants actuellement ont des personnes à charge. Or, le problème le plus important de ce groupe, c'est que, étant donné les instruments d'évaluation des besoins et les limites sur les emprunts, ces étudiants ont très souvent des besoins démontrés qui ne peuvent pas être satisfaits par les mécanismes d'aide financière actuels. Dans le milieu de l'aide financière aux étudiants, on les appelle les besoins non satisfaits. Cette situation crée des pressions supplémentaires importantes sur un individu qui essaie de s'occuper d'une personne à charge—il ne s'agit pas toujours d'un enfant, mais parfois d'un parent âgé—et de finir ses études.

La bourse serait destinée à l'étudiant, en vue de répondre à ce besoin non satisfait. Elle permettrait à l'étudiant de pouvoir faire ses études plus facilement.

M. Robert Nault: Si je soulève la question, c'est que je viens d'une région qui a... Je représente 51 Premières nations. Comme vous le savez, l'ADNC a un programme pour les étudiants autochtones ayant des personnes à charge. L'aide est basée sur un pourcentage par personne à charge; la bourse octroyée est basée sur cette formule.

Je me demandais si c'était votre approche et s'il s'agit des parents dans le besoin ou de tous les parents seuls ayant des enfants et qui doivent les amener avec eux quand ils partent. Dans ma région, les étudiants doivent se déplacer et partir loin pour continuer leurs études.

Je me demandais tout simplement si c'était cela le programme et le critère que vous préconisiez. Voilà ma réaction à vos remarques.

M. Thomas Townsend: L'ADNC tient compte de considérations semblables, mais les programmes sont quelque peu différents, en raison du fonctionnement du Programme canadien de prêts aux étudiants.

M. Bill Smith: Je dois signaler, au nom de l'Ontario, que si le programme vise les besoins non satisfaits, l'Ontario ne le verra pas d'un bon oeil. En effet, le Programme canadien de prêts aux étudiants est censé satisfaire 60 p. 100 des besoins évalués, et la province le reste soit 40 p. 100; il s'agit de 275 $ par semaine.

La difficulté de l'Ontario, c'est que cette province verse jusqu'à concurrence de 500 $, calculé sur la base de l'évaluation des besoins, et elle a aussi un programme de remise de dette. Par conséquent, comme l'a mentionné le directeur de l'aide aux étudiants de l'Ontario, notre problème, c'est que nous n'avons pas vraiment de besoins non satisfaits, mais nous avons des étudiants qui ont de grands besoins qui ne sont pas comblés de façon équitable par les deux paliers de gouvernement.

Du point de vue de toutes les provinces, je pense qu'il serait plus juste d'envisager ce groupe lors d'une évaluation des besoins comme ayant des besoins qui dépassent 275 $ par semaine.

• 1250

Le président: Quelqu'un a-t-il une dernière remarque à faire en 15 ou 20 secondes, s'il y a un point sur lequel on n'a pas assez insisté? Monsieur Killeen.

M. Pierre Killeen: Nous vous remercions de nous avoir reçus aujourd'hui.

Le président: J'y reviendrai. Monsieur Townsend.

M. Thomas Townsend: J'aimerais faire deux précisions concernant les statistiques, car elles sont importantes à certains niveaux.

Pourquoi insiste-t-on sur le chiffre de 25 000 $? Le revenu moyen d'un diplômé de premier cycle est de 30 000 $. Si la dette atteint et dépasse 25 000 $, il est très difficile de la rembourser avec un tel niveau de revenu. Voilà la première précision.

Deuxièmement, quelle proportion d'étudiants ont un niveau d'endettement si importants à la fin de leurs études? Comme on peut lire dans l'article publié dans la Revue trimestrielle de l'éducation de Statistique Canada, la proportion est bien plus élevée qu'il y a quelques années. En 1990, environ 5 p. 100 des étudiants étaient dans cette catégorie. Cette année, la proportion est de 14 ou 15 p. 100. L'année prochaine, elle sera de 18 p. 100 et l'année d'après de 20 p. 100. Donc, il y a de plus en plus d'étudiants avec des dettes importantes.

Le président: Permettez-moi de répondre à une de vos observations. Ce qui m'inquiète, c'est que dans le cas de questions importantes comme celle-ci, il y a toujours certaines images qui sont retenues par la population. On entend dire, par exemple, que des étudiants ne remboursent pas leur dette, qu'ils n'honorent pas leurs obligations, qu'ils sont peu responsables. On mentionne toujours le taux de non-paiement de 30 p. 100. Il semblerait que les étudiants, qui normalement sont les mieux instruits et les plus aptes à bien gagner leur vie, ont un taux de non-remboursement d'une importance disproportionnée. Cependant, quand on examine la question, on apprend que cela est attribuable autant à un problème administratif qu'à autre chose. Certains journaux—pas celui du journaliste assis derrière moi, mais d'autres—transmettent à la une cette image d'étudiants qui n'assument pas leurs responsabilités.

De la même façon, on entend souvent dire que la dette moyenne des étudiants est de 25 000 $. Je ne cherche pas à minimiser le problème de la dette, car elle existe. Cependant, si vous me dites qu'il faut envisager le programme des admissions, qui s'applique à tous les 300 000 étudiants qui contractent des emprunts, je vous dis que nous avons un problème énorme. Si vous me dites qu'une certaine proportion d'étudiants ont des dettes qui deviennent trop importantes, je vous dis qu'il sera possible, dans la conjoncture actuelle, d'essayer d'y remédier.

Ces fausses impressions finissent par créer un problème, et vous y avez fait allusion tout à l'heure, monsieur Townsend. Ce qu'on entend dire, ce qui est véhiculé par ceux qui n'ont pas étudié le problème attentivement, c'est que l'an prochain, l'endettement moyen d'un étudiant sera de 25 000 $ mais aucun des documents en provenance de votre ministère ne confirme cette affirmation. Cependant, on ne trouve pas de justification de chiffre dans aucun de vos documents connexes. Ils parlent tous de 11 p. 100, peut-être 14, l'année prochaine. Le débat devient plus embrouillé. Voilà ce qui m'inquiète le plus.

Cela dit, je tiens à vous remercier tous. Je suis reconnaissant du travail fait par le ministère et par chacun de nos témoins. Je comprends beaucoup mieux maintenant certains aspects de cette question, et je vous en remercie. Très bientôt, M. Anders, M. Tremblay, M. Nault, Larry et moi-même allons rédiger un rapport pour la Chambre, certainement avant le congé de Noël, et peut-être même la semaine prochaine. Nous allons vous en envoyer un exemplaire pour que vous puissiez voir les résultats de votre travail aujourd'hui—du moins dans l'opinion d'autrui. Vous pourrez également savoir à quel point vous avez réussi à nous convaincre.

• 1255

Merci beaucoup. Je vous remercie beaucoup d'avoir pris le temps de comparaître devant nous aujourd'hui.

La séance est levée.