Passer au contenu
;

HRPD Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON HUMAN RESOURCES DEVELOPMENT AND THE STATUS OF PERSONS WITH DISABILITIES

COMITÉ PERMANENT DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES ET DE LA CONDITION DES PERSONNES HANDICAPÉES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 26 novembre 1998

• 1108

[Traduction]

La présidente (Mme Albina Guarnieri (Mississauga-Est, Lib.)): Comme je constate qu'il y a quorum, nous allons passer à l'audition des témoins.

Monsieur Johnston.

M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.): Madame la présidente, je me demandais si je pouvais intervenir brièvement avant que nous commencions.

La présidente: Monsieur Johnston, comme nous avons peu de temps, vous pouvez faire une très brève intervention. S'il s'agit d'affaire concernant le comité, pouvons-nous en traiter à la fin de la réunion? Car nous avons des invités, et nous en aurons d'autres aussi.

M. Dale Johnston: Cela concerne les témoins.

La présidente: Je vous en prie, allez-y.

M. Dale Johnston: Madame la présidente, je tiens à déclarer dès le départ que mon parti est présent par égard pour les témoins. Nous considérons que la question qu'ils vont nous présenter aujourd'hui est de la plus grande importance. Quant à notre présence lors des prochaines réunions du comité, cela dépend entièrement de la réunion de nos leaders à la Chambre. C'est pourquoi je tiens à ce qu'il soit parfaitement clair que je suis ici pour m'assurer que nous apprenons quelque chose de ces témoins experts.

La présidente: Nous sommes très heureux que vous soyez des nôtres. Sans plus tarder, nous allons commencer.

Il y a deux semaines, nous avons reçu l'analyse et les recommandations du vérificateur général concernant le numéro d'assurance sociale. Il a fait ressortir un problème qui couve depuis plus d'une trentaine d'années et auquel il faut de toute évidence s'attaquer. Il nous a indiqué que des transactions de 100 milliards de dollars s'effectuent chaque année où on utilise les numéros d'assurance sociale comme moyen d'identifier les clients. De plus, il existe d'innombrables cas où les numéros d'assurance sociale sont utilisés, que ce soit dans des cas d'usurpation d'identité et d'autres activités criminelles.

Donc, en réponse au rapport du vérificateur général, j'ai demandé au ministère d'indiquer au comité comment il entend relever le défi que présente l'affaiblissement du système de NAS et de nous donner un aperçu du plan d'action et des échéanciers du gouvernement.

• 1110

Nous avons la chance d'accueillir aujourd'hui—j'ai appris que cela s'est fait à la dernière minute—M. Hy Braiter, sous-ministre adjoint principal de la Prestation des services; Bob Nichols, directeur des services des programmes d'assurance; et Jacques Bourdages, directeur adjoint des services nationaux à Bathurst.

Sans plus tarder, je vous cède la parole.

M. Hy Braiter (sous-ministre adjoint principal, Prestation des services, Développement des ressources humaines Canada): Je vous remercie, madame la présidente.

Je suis heureux d'avoir l'occasion de m'adresser au Comité permanent des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées afin de lui exposer les moyens que nous allons prendre pour améliorer l'administration du numéro d'assurance sociale et donner suite aux recommandations du vérificateur général.

Comme vous l'avez mentionné, je suis accompagné aujourd'hui de Jacques Bourdages, gestionnaire du registre des NAS à Bathurst et de toutes les activités qui entourent la carte d'assurance sociale. Bob Nichols est le directeur des programmes d'assurance et il s'occupe également de notre plan destiné à améliorer l'administration du numéro d'assurance sociale.

Madame la présidente, la semaine dernière, nous avons été invités à comparaître devant le Comité des comptes publics pour répondre aux recommandations du vérificateur général et exposer nos objectifs touchant la modernisation de l'administration du NAS.

J'aimerais aujourd'hui concentrer mon propos sur deux questions essentielles. D'abord, il importe d'améliorer les processus administratifs et l'intégrité des données relatives au numéro d'assurance sociale et à son registre. Cette question concerne Développement des ressources humaines Canada au premier chef étant donné que nous jouons un rôle clé à cet égard.

En deuxième lieu, il existe une question plus générale dont il faut débattre. Ce débat s'impose, comme l'a signalé le vérificateur général, et il faut que les parlementaires examinent la question de savoir si le Canada doit élargir l'utilisation du numéro d'assurance sociale et, s'il y a lieu, modifier la politique qui s'y rattache. Par ailleurs, le numéro d'assurance sociale devrait-il désormais être considéré officiellement comme une carte d'identité ou devrait-il continuer à servir de numéro de compte pour certains programmes gouvernementaux seulement, comme c'est le cas aujourd'hui?

En ce qui concerne cette question plus générale, nous ne sommes que l'un de nombreux intervenants. Bien que nous n'ayons pas la responsabilité principale, nous avons pris la liberté de réunir nos partenaires—c'est-à-dire le Conseil du Trésor, le ministère de la Justice, Revenu Canada ainsi que le Commissaire à la protection de la vie privée—afin que nous puissions commencer à discuter des incidences de cette question et de fournir conseils et options aux ministres. Bien entendu, nous savons bien que pour élargir la portée de la politique actuelle sur l'utilisation du NAS, il faudra que le gouvernement et les législateurs prennent des décisions et donnent des instructions en ce sens.

Madame la présidente, le mandat de DRHC est d'émettre les NAS, de les contrôler et d'en tenir à jour le registre. Notre ministère assumera la direction de toutes les initiatives qui auront pour objet d'améliorer les processus administratifs.

Cependant, il faudra prendre en considération un certain nombre de questions. Premièrement, les aspects financiers qui s'y rattachent. Deuxièmement, la dimension de la protection des renseignements personnels que nous devrons respecter dans le cadre de la mise à jour des données, l'obtention de renseignements sur les décès de diverses sources, et ainsi de suite. Nous devrons donc travailler très étroitement avec le bureau du Commissaire à la protection de la vie privée, en tenant compte des lois fédérales et provinciales en vigueur dans le cadre de ce processus d'amélioration.

Permettez-moi d'abord de faire certains rappels historiques touchant la gestion du système des NAS, puisque cela influe effectivement sur la façon dont nous l'administrons aujourd'hui et les problèmes auxquels nous nous heurtons. Lorsqu'on a lancé ce système, en 1964, il s'est tenu un grand débat quant à son utilisation: est-ce une carte d'identité, un numéro de dossier ou un numéro de compte.

À l'époque, il a été décidé que le NAS ferait tout simplement fonction de numéro d'identification de dossier dont on se servirait dans le cadre de certains programmes fédéraux: l'assurance-chômage, le Régime de pensions du Canada et le Régime des rentes du Québec. Par la suite, on a ajouté l'impôt. C'était les programmes pour lesquels le numéro d'assurance sociale servirait de numéro de compte.

À l'époque, la priorité consistait à attribuer un numéro à chacun. Donc, en 1964, on s'est hâté de fournir à tout le monde un numéro d'assurance sociale pour pouvoir gérer ces programmes à l'aide de ce seul numéro de compte.

Au début, le numéro d'assurance sociale était inscrit sur un petit morceau de papier, que certains d'entre vous ont peut-être encore. C'était une simple petite carte de papier que vous pouviez plier et mettre dans votre porte-monnaie. C'était uniquement une façon de vous souvenir de votre numéro d'assurance sociale. Même aujourd'hui, lorsque vous postulez un emploi, très peu d'employeurs demandent à voir votre carte d'assurance sociale. Ils vous remettent plutôt un formulaire de demande sur lequel vous inscrivez votre numéro d'assurance sociale.

Aujourd'hui, nous avons une carte de matière plastique. Elle ne comporte aucun dispositif de sécurité. C'est tout simplement une carte qui durera plus longtemps que la carte en papier pour vous permettre de vous rappeler votre numéro lorsque les instances compétentes vous le demandent.

• 1115

Jusqu'en 1976, c'est-à-dire il y a 12 ans, le gouvernement fédéral n'exigeait aucune preuve d'identité des personnes qui demandaient la carte. Si vous demandiez un numéro d'assurance sociale, vous l'obteniez. Si vous en demandiez un autre, vous en obteniez probablement un autre. Si vous perdiez votre numéro d'assurance sociale, vous pouviez en demander un autre et en obtenir un troisième. On n'exigeait aucune preuve d'identité. Après tout, c'était considéré comme un numéro de compte.

Au cours de ces 12 premières années, nous avons émis plus de 18 millions de numéros, ce qui correspond à plus de la moitié de tous les numéros attribués à ce jour sans preuve d'identité. Je ne peux pas revenir en arrière et expliquer pourquoi nous n'avons pas demandé à tous ces gens de fournir une preuve d'identité et ainsi de suite, mais c'est probablement une question de coût, sans compter les dérangements que cela aurait occasionnés aux personnes en question. Donc aujourd'hui nous nous trouvons dans une situation où nous n'avons jamais exigé de preuve d'identité pour la moitié des cartes émises, tandis que nous l'avons fait pour l'autre moitié, à savoir les cartes émises depuis 1976.

Le vérificateur général nous a signalé qu'avec le temps les gens ont oublié l'objectif premier de la carte. Son utilisation a proliféré dans le secteur privé. Les gens et les organisations la considèrent comme une carte d'identité.

Disons que vous allez chez IGA. Je sais que lorsque ma femme va au IGA de notre quartier et veut encaisser un chèque, on lui demande sa carte d'assurance sociale. Je reste derrière à marmonner que cela ne leur servira à rien. Elle ne permettra jamais de vérifier une identité. C'est la pire carte d'identité que vous puissiez demander, parce que Bathurst ne vous dira jamais à qui appartient un numéro d'assurance sociale. Ils ne diront jamais à IGA. Donc j'ignore pourquoi ils le demandent. Elle est perçue comme une carte d'identité, mais elle n'en est pas une. Elle n'est pas administrée comme une carte d'identité.

Au Comité des comptes publics, on nous a décrit des situations où des gens n'arrivaient pas à louer un appartement parce que le propriétaire voulait voir leur carte d'assurance sociale. Aucune pénalité n'est prévue pour les propriétaires qui demandent à connaître votre numéro d'assurance sociale et qui risquent de ne pas vous louer un appartement si vous ne le leur fournissez pas. La loi ne prévoit aucune disposition permettant de poursuivre les propriétaires qui agissent ainsi. Il n'existe pas vraiment de bons programmes de sensibilisation à l'intention des propriétaires et autres, qui leur ferait comprendre qu'ils perdent du temps et que ce n'est pas une carte d'identité.

Quoi qu'il en soit, le vérificateur général a indiqué que dans les faits les gens considèrent qu'il s'agit d'une carte d'identité. Elle est utilisée de plus en plus dans le secteur privé et par les provinces comme numéro de compte ou carte d'identité.

Pour une organisation comme DRHC, les questions que poserait l'administration d'une carte nationale d'identité seraient certainement différentes de celles de l'administration d'un numéro de dossier. Ce qui ne veut pas dire qu'en ce qui concerne le numéro de compte, le numéro d'assurance sociale, nous ne devions pas avoir de données exactes du titulaire du numéro ni tenir de relevé des gens qui meurent si nous apprenons leur décès, ou de ceux qui quittent le pays. Quoi qu'il en soit, si nous devions administrer une carte d'identité, il faudrait au moins que cette carte porte une photo, comme le permis de conduire, et qu'elle soit renouvelée au fur et à mesure que nous vieillissons, aussi triste que cela soit-il. Nous pourrions peut-être recourir à de nouvelles technologies, comme les puces intégrées, la biométrie, les empreintes digitales et ainsi de suite.

L'administration d'une telle carte d'identité serait assez intéressante, car aujourd'hui on nous demande même des cartes d'assurance sociale pour les bébés. Il existe un nouveau programme, le Régime enregistré d'épargne-études, qui est très intéressant. Le gouvernement vous donne 20 p. 100 de ce que vous contribuez. Aujourd'hui des parents demandent un numéro d'assurance sociale pour des bébés de deux à trois mois. Ma grande priorité cette année est d'émettre un million de numéros d'assurance sociale pour ces gens qui en auront besoin pour cotiser au REEE.

Donc, pour la carte d'identité, il faudrait convoquer ces personnes à plusieurs reprises au fur et à mesure qu'elles vieillissent pour prendre leurs photos empreintes et ainsi de suite. Cela a donc d'importantes incidences sur le plan administratif et également sur le plan de la politique gouvernementale, c'est-à-dire si l'on veut une carte de la naissance à la mort.

En ce qui concerne les recommandations du vérificateur général, nous avons déjà élaboré un plan d'action. En fait, au Comité des comptes publics, l'un des députés réformistes nous a félicités à la fin de la réunion pour la qualité et la rapidité de notre plan d'action. Quoiqu'il en soit, nous le communiquerons au Comité des comptes publics, et je suis sûr que vous aurez également l'occasion d'en prendre connaissance.

Notre ministère a constitué cinq groupes de travail chargés d'examiner différents aspects. Le premier groupe étudiera l'exactitude et l'exhaustivité des renseignements personnels consignés dans le registre. Dans ce cas, l'objectif consiste à améliorer l'intégrité de notre base de données en inscrivant tous les décès, toutes les personnes qui quittent le pays, et en ayant la date de naissance et des renseignements personnels pour ceux qui ont obtenu leur carte avant 1976 afin d'améliorer l'exactitude des données. Les données consignées dans le registre seront ainsi plus fiables.

Le travail accompli dans ce domaine depuis cinq ans est considérable, grâce à la technologie qui rend les dossiers de plus en plus accessibles. Mais nous pourrons aborder cet aspect plus tard. Le ministre, M. Pettigrew a récemment rencontré les ministres des Services sociaux pour leur demander l'accès à l'information qu'ils détiennent. C'est là un élément essentiel: ce sont les provinces qui tiennent les registres de naissance, de décès et les statistiques de l'état civil. Nous aimerions obtenir cette information.

• 1120

Au fil des ans, nous n'avons pas toujours réussi, autant que nous l'aurions voulu, à obtenir ce genre d'information. Nous devons également tenir compte des lois provinciales comme les lois sur la protection des renseignements personnels et ainsi de suite. Ce sont donc des éléments clés.

Le deuxième groupe examine la question de la preuve d'identité à fournir. À l'heure actuelle, nous n'exigeons qu'une pièce d'identité officielle: un certificat de naissance ou un document d'immigration. Nous avons besoin d'une preuve satisfaisante de votre statut au Canada.

Nous allons déterminer si nous devons en faire plus dans ce domaine. Si nous devons valider les documents en question à l'aide de bases de données, nous pourrions obtenir cette information des provinces, ce qui est la façon la plus efficace de procéder, en fait. Nous ne dérangeons pas les particuliers. Nous validerons les documents qu'ils nous ont remis—les certificats de naissance par exemple—à l'aide d'une base de données qui nous permet de déterminer s'ils sont nés au Canada, si tel est le cas, ou la date à laquelle ils ont immigré.

La troisième équipe examinera les délits liés au NAS et ce qu'on peut faire pour les éviter. Cela pose de réels défis. Le fait qu'un particulier possède plus d'un NAS, ou n'ait pas remis les numéros d'assurance sociale de ses parents au moment de leur décès, ne constitue pas en soi un délit. La loi ne prévoit aucune sanction claire si quelqu'un possède 25 numéros d'assurance sociale ou vend ce qui peut ressembler à des cartes d'assurance sociale.

Tout d'abord, et en vertu de la loi actuelle sur l'assurance-emploi, il faut poursuivre cette personne. Il faut la traîner devant les tribunaux, ce qui en soi est un processus très long.

Deuxièmement, une fois cela fait, la pénalité maximale imposée par les tribunaux est de 1 000 $ ou un an d'emprisonnement. Mais en fait, dans ce genre de cas, comme le vérificateur général l'a signalé, les pénalités sont plutôt de 200 $. Donc nous pouvons passer deux ou trois ans à courir après quelqu'un, attendre que la date du procès soit fixée, se rendre devant les tribunaux, après quoi la personne en question est condamnée à une amende de 200 $.

Dans le cadre du programme de l'assurance-emploi, nous poursuivons effectivement les gens devant les tribunaux. Mais la loi prévoit également des pénalités administratives. Cela signifie que nous pouvons en fait imposer une amende jusqu'à trois fois le montant perçu de façon frauduleuse auprès de l'assurance-emploi. Donc, non seulement ils doivent rembourser les 10 000 $ qu'ils ont perçus de façon frauduleuse, mais nous leur imposerons une amende de 30 000 $. C'est une amende assez élevée. Nous pouvons également imposer une amende à l'employeur, s'il était en cause, correspondant aux paiements faits en trop.

Donc le travail de cette équipe est de déterminer la possibilité d'imposer des peines plus sévères, des pénalités administratives, par exemple. Car il est très frustrant pour un enquêteur qui se démène et attrape une personne, de constater ensuite que les tribunaux ne font rien.

Le quatrième groupe étudiera les questions touchant les enquêtes sur les NAS. Nous avons une équipe d'enquêteurs très efficace dans le cadre du programme d'assurance-emploi. Mais en ce qui concerne les enquêtes portant exclusivement sur le NAS, nous en avons fait environ 2 700 l'année dernière. Nous considérons que nous devrons en faire plus.

J'aimerais également signaler que même s'il s'agit d'enquêtes qui portent exclusivement sur le NAS, chaque fois que nous faisons appel à ces enquêteurs pour déterminer des cas possibles de fraude de l'assurance-chômage, du Régime de pensions du Canada ou de la Sécurité de la vieillesse, toute personne qui se sert d'un numéro d'assurance sociale pour tâcher de frauder ces programmes risque de se faire prendre. Nous mettons donc l'accent sur la détection de la fraude au moment où ils essaient de frauder le programme de prestations. Pour l'instant, nous ne poursuivons pas uniquement les gens qui pourraient avoir plusieurs numéros d'assurance sociale.

Je tiens à signaler que nos enquêtes à l'heure actuelle nous permettent de récupérer plus de 700 millions de dollars, ce qui correspond à plus de 14 $ pour chaque dollar dépensé. Il s'agit des enquêtes portant sur l'assurance-emploi, le Régime de pensions du Canada et la Sécurité de la vieillesse. Mais ces enquêtes permettent en cours de route de découvrir des cas de fraude liée au NAS. Nous sommes persuadés que quiconque tâcherait d'obtenir des prestations d'assurance-emploi en se servant frauduleusement d'un NAS serait attrapé à ce moment-là. Le vérificateur général a d'ailleurs abondé dans notre sens la semaine dernière. Revenu Canada, qui participait à la réunion du Comité des comptes publics, a également indiqué que quiconque tâche de frauder l'impôt se ferait prendre, et cela comportait l'utilisation de numéro d'assurance-chômage, c'est à ce stade que cela se ferait. Quoi qu'il en soit, nous sommes en train d'examiner les mesures à prendre de part et d'autres et la question du certain travail de prévention destiné à sensibiliser les gens au fait que certaines choses sont illégales.

La cinquième équipe examinera les caractéristiques de sûreté du numéro d'assurance sociale. Le vérificateur général a indiqué que nous n'avions rien prévu en matière de sûreté. C'est vrai. C'est une simple carte de plastique où ne figure aucune photo. Nous examinerons donc les possibilités d'avoir une carte infalsifiable.

Cela n'a rien de sorcier. Nous assurons la délivrance de certificats d'enregistrement des armes à feu à Miramichi sous la direction de Jacques Bourdages. Ce sont des cartes sécuritaires—du moins elles le seront puisque le programme débute—avec photos, etc.

Nous aimerions bien pouvoir faire tout ce que le gouvernement nous demande sur le plan administratif. Nous estimons pouvoir bien le faire à condition de déterminer exactement ce qu'est notre tâche.

Si le gouvernement décide qu'il s'agit d'une carte d'identité, nous ne ménagerons aucun effort pour garantir la sûreté de la carte. Cela entraînera des coûts et nécessitera une certaine orientation de la part du gouvernement. Sur le plan des coûts, une carte nous coûte 10 $. Donc si vous voulez que nous émettions de nouvelles cartes pour l'ensemble du Canada, cela coûtera un quart de milliard de dollars. Si vous voulez y ajouter une sûreté, il faudra prévoir plus qu'un quart de milliard de dollars. Une telle décision de la part du gouvernement serait lourde de conséquences sur le plan financier.

• 1125

En ce qui concerne les cartes temporaires destinées à ceux qui viennent temporairement au Canada, les travailleurs du cirque, les musiciens et peut-être les athlètes dans certains cas, ou simplement les résidents temporaires, nous envisagerons la possibilité d'inscrire une date de fin de validité sur les cartes émises à leur intention afin qu'elles cessent d'être valables une foi que les gens ont quitté le pays.

Madame la présidente, je terminerai là-dessus. Nos objectifs primordiaux sont: disposer de renseignements exacts et complets dans le registre d'assurance sociale, prévenir les abus et veiller à ce que les prestations ne soient versées qu'à ceux qui y ont droit. Nous avons bon espoir d'y parvenir et, ce faisant, de concrétiser le mandat du ministre en offrant un meilleur service aux Canadiens. Je vous remercie.

La présidente: Je vous remercie pour cet exposé très franc.

Monsieur Johnston.

M. Dale Johnston: En fait, madame la présidente, je crois que le témoin a déjà répondu à la plupart de mes questions. Je vais donc céder mon tour à mon collègue, M. Ken Epp.

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Je vous remercie. Je suis intrigué par cette idée d'identification personnelle. Vous dites que le numéro d'assurance sociale tel qu'il existe à l'heure actuelle ne veut vraiment rien dire.

Serait-il possible que quelqu'un, par exemple, ait mon identité et un numéro d'assurance sociale différent du mien et que vous ne le sachiez pas?

M. Hy Braiter: Je ne dis pas qu'il ne sert à rien. Je veux dire que la politique actuelle—et je vois que vous avez convoqué des représentants entre autres du Conseil du Trésor—qu'en tant qu'administrateurs nous sommes chargés d'administrer, considère le numéro d'assurance sociale comme un système d'identification de dossiers pour les programmes que j'ai mentionnés: le RPC, la Sécurité de la vieillesse et l'assurance-chômage. Le Régime enregistré d'épargne-études vient d'y être ajouté.

Comme l'a souligné le vérificateur général, son utilisation est beaucoup plus étendue que cela. La solution consiste-t-elle à mettre sur pied un programme de sensibilisation public pour préconiser de ne pas l'utiliser? Ou considérons-nous que même comme numéro de compte, nous ne pouvons pas utiliser cette excuse pour ne pas en assurer la saine administration? Je ne m'en sers pas comme prétexte. J'estime encore, que comme numéro de compte, il est dûment enregistré. Il faut avoir la bonne personne avec le bon numéro d'assurance sociale. Nous devrions avoir votre date de naissance exacte. Nous devrions pouvoir éviter que quelqu'un usurpe votre identité pour demander un numéro d'assurance sociale. Nous devons mettre de l'ordre dans ce dossier.

Le principal problème à cet égard, et on en parle beaucoup dans la presse, c'est qu'il y a probablement environ un peu plus de 300 000 cas où des gens sont morts et nous n'avons pas été informés. Donc leur dossier n'a pas été mis à jour.

Nous obtenons cette information qu'à certaines conditions. Nous sommes désormais décidés à obtenir des provinces un accord pour qu'elles nous la fournissent. Ce n'est que l'année dernière qu'il est devenu légal pour nous d'utiliser les dossiers de Sécurité de la vieillesse. C'est étrange, puisque nous administrons aussi la Sécurité de la vieillesse. Mais auparavant nous n'étions pas autorisés légalement à utiliser ces dossiers pour mettre à jour les dossiers d'assurance sociale. La plupart des gens touchent la Sécurité de la vieillesse lorsqu'ils atteignent l'âge de 65 ans—en fait, tout le monde y a droit—et lorsqu'ils meurent, il est fort probable que quelqu'un finisse par demander d'arrêter de verser la pension. Nous aimerions utiliser ces dossiers pour comparer les données. Désormais, nous pouvons le faire légalement. Nous prévoyons d'ici les trois prochains mois procéder en fait à des mises à jour massives des dossiers.

Nous obtenons également les dossiers de Revenu Canada lorsque c'est auprès de ce ministère que les décès sont déclarés. Nous avons conclu une entente avec le Nouveau-Brunswick. Nous avons tenu une ou deux réunions avec l'ensemble des provinces au milieu des années 80, mais à l'époque la technologie n'était pas assez au point.

Si nous arrivons à mettre à jour les listes des personnes décédées et à déterminer quelles sont les personnes qui ont quitté le pays, c'est-à-dire ces numéros temporaires, alors le vérificateur général ne pourra plus déclarer qu'il y a plus de 3 millions de cartes d'assurance sociale de plus qu'il y a de gens au Canada. Ce sont les deux principales raisons de l'anomalie dénoncée...

Mais la situation n'est pas aussi simple. Vous avez également droit à une carte d'assurance sociale si vous investissez au Canada parce que Revenu Canada, bien entendu, veut que vous payiez de l'impôt sur la plus-value. Donc nous émettons des cartes d'assurance sociale à des étrangers qui investissent au Canada. Nous devons donc nous assurer de bien faire la distinction dans leur cas.

Voici ce que nous envisageons de faire au cours des prochains mois si nous n'arrivons pas à obtenir légalement des données concordantes—et nous ne le ferons que si cela est légal. Nous allons examiner la totalité du registre d'assurance sociale et le comparer à ceux de Revenu Canada, du RPC de la Sécurité de la vieillesse, le Régime des rentes du Québec et de l'Immigration. Si dans le cas d'une personne de plus 65 ans, nous ne constatons aucune indication d'activité économique, aucune indication selon laquelle cette personne cotise, ou perçoit des prestations ou verse de l'impôt, etc., nous allons indiquer qu'il s'agit d'un dossier inactif. Nous ne déclarerons pas la personne morte, car il serait très embarrassant pour nous que l'on découvre qu'elle était vivante. Mais au moins il s'agirait d'une nouvelle caractéristique de sûreté qui indique que si cette personne se manifeste à un certain moment dans le cadre de l'un de ces programmes, nous examinerons qui elle est. Cette personne n'a pas payé d'impôt, n'a rien fait pendant cinq ans, donc nous considérerons son dossier inactif. C'est le genre de mesure que nous essayons de prendre.

• 1130

Également, en ce qui concerne la production de preuve, si quelqu'un arrivait en disant je suis telle et telle personne, nous tâcherions de... À l'heure actuelle, nous demandons le certificat de naissance, mais ce n'est pas vraiment suffisant car il est facile de falsifier un certificat de naissance et d'obtenir un numéro d'assurance sociale. C'est le maillon le plus faible. Ce dont nous avons vraiment besoin, ce sont les bases de données des provinces de sorte que même si on nous amène un faux certificat de naissance, lorsque nous le vérifierons plus tard, nous constaterons qu'il y a quelque chose de louche: la personne ne connaît même pas le nom de sa mère, son âge et ainsi de suite.

M. Ken Epp: J'ai une question en ce qui concerne votre base de données. Il existe environ 24 organismes différents qui utilisent le numéro d'assurance sociale. Utilisez-vous une base de données commune ou chacun a-t-il sa propre base? Je penserais plutôt que chaque organisme aurait probablement sa propre base. Revenu Canada, par exemple, aura mon numéro d'assurance sociale qui figure sur ma déclaration d'impôts. Avec qui d'autres fais-je affaire? Je ne sais pas, le RPC, les cotisations.

M. Hy Braiter: Les primes d'assurance-emploi.

M. Ken Epp: Le programme possède-t-il sa propre base de données?

M. Hy Braiter: De par la loi, les programmes que vous venez de mentionner ainsi que le programme des REER et le Régime de rentes du Québec peuvent consulter notre base de données. Ces programmes utilisent d'ailleurs le NAS comme numéro de compte. Lorsque vous appelez Revenu Canada pour poser une question au sujet de vos impôts, on vous demandera quel est votre NAS et on obtiendra ainsi accès à toute l'information vous concernant. En effet, ces programmes ont accès à l'ensemble des renseignements contenus dans le dossier relatif au numéro d'assurance sociale. Il est donc possible de comparer des données... Supposons que votre déclaration d'impôts indique que vous avez 41 ans et que le dossier relatif au numéro d'assurance sociale dise plutôt que vous en avez 35. On vous appellera alors pour vérifier votre identité. Les programmes que vous mentionnez ont effectivement accès au dossier d'assurance sociale.

Le gouvernement du Québec a également négocié un accord avec le ministère au terme duquel il a accès aux dossiers aux fins du RRQ, le Régime de pensions du Québec et du régime provincial d'assurance-santé.

M. Ken Epp: Est-il possible qu'une autre entité ait accès à ce dossier sans que vous le sachiez?

M. Hy Braiter: Aucune autre province ou aucun autre organisme n'y a accès. Aucune province ou aucun autre organisme ne peut donc savoir quel est le NAS d'une personne. Si quelqu'un utilise ce numéro sans que nous le sachions, on peut dire qu'il le fait à ses risques et périls.

M. Ken Epp: Qui met à jour les données figurant dans le dossier? C'est le ministère, n'est-ce pas?

M. Hy Braiter: Si vous me le permettez, je demanderai à Jacques de répondre à la question.

M. Jacques Bourdages (directeur délégué, services nationaux, Bathurst, Développement des ressources humaines Canada): En réponse à votre question et pour compléter l'information que vient de vous donner M. Braiter, je me permets d'ajouter que le centre informatique de Moncton est chargé d'établir et de mettre à jour ce qu'on appelle le Registre de l'assurance sociale. C'est aussi à Bathurst qu'on reçoit et traite les demandes d'attribution de numéro d'assurance sociale. Une fois créés, ces comptes sont ajoutés au Registre de l'assurance sociale.

Le registre contient des renseignements personnels de base sur les particuliers qui présentent une demande d'attribution de numéro d'assurance sociale. Pour ce qui est des renseignements qui figurent dans le registre, comme M. Braiter l'a indiqué, à l'heure actuelle, seuls Revenu Canada, le Régime de pensions du Canada et la Régie des rentes du Canada sont autorisés à détenir un exemplaire du registre.

La loi donne accès à l'information contenue dans le registre à certains organismes pour leur permettre de vérifier l'information qui leur est fournie par les personnes qui demandent à participer à divers programmes comme la sécurité de la vieillesse ou le Régime d'assurance-maladie du Québec. Un certain nombre d'autres organismes demandent la confirmation du NAS des particuliers qui présentent une demande en vertu de différents programmes.

M. Ken Epp: Je veux connaître l'information que renferme votre base de données. Je ne vous demande pas de me dévoiler des renseignements confidentiels. S'agit-il bien de renseignements confidentiels?

Prenons mon cas à titre d'exemple. Je ne m'appelle pas vraiment Ken Epp. J'espère que vous le savez. J'utilise ce pseudonyme. J'ai un numéro d'assurance sociale.

La présidente: Tout ceci est très instructif.

M. Ken Epp: Je peux tout expliquer facilement. Lorsque je suis né, mon frère, qui avait à l'époque deux ans, ne pouvait pas prononcer le nom Marvin. Mes parents ont donc commencé à utiliser mon deuxième nom. Je l'ai conservé toute ma vie.

Quoi qu'il en soit, j'aimerais savoir quelles informations vous possédez à mon sujet? Avez-vous mon adresse, mon numéro de téléphone, ma province de résidence et mon poids? Je me demande si le poids que vous avez est exact puisque j'ai perdu 25 livres. Quels sont donc les renseignements que vous possédez sur moi?

• 1135

M. Jacques Bourdages: Voici essentiellement les renseignements qui figurent dans le registre: votre numéro d'assurance sociale, votre nom à la naissance ainsi que le nom que vous utilisez couramment, le prénom et le nom de famille de votre père ainsi que le prénom et le nom de famille de votre mère, votre date de naissance, votre sexe et votre adresse à des fins administratives. Lorsque quelqu'un présente une demande de numéro d'assurance sociale, nous conservons son adresse pendant cinq ans au cas où il perdrait sa carte et demanderait à la remplacer. Voilà donc essentiellement les renseignements dont nous disposons. La base de données contient également le nom pris par une personne au moment du mariage, ou ses autres noms de famille le cas échéant. Le registre contient donc essentiellement des renseignements de nature personnelle permettant de confirmer l'identité d'une personne.

M. Ken Epp: Vous avez parlé de la mise à jour des renseignements figurant dans la base de données. Comment s'y prend-on pour la mettre à jour?

Le bureau de poste a changé quatre fois mon adresse au cours des dix dernières années. Je vis toujours dans la même maison et dans la même localité, mais mon adresse postale a changé. Avez-vous cette adresse? L'obtenez-vous de Revenu Canada ou d'ailleurs?

M. Hy Braiter: Non, nous n'avons pas cette adresse. Nous n'essayons pas de l'obtenir. Si vous vous adressez à Revenu Canada ou si vous présentez une demande de prestations d'assurance-emploi, vous devez évidemment fournir au bureau visé votre dernière adresse. Comme ces bureaux ont accès à votre dossier, ils seront en mesure de comparer les renseignements que vous leur fournissez à ceux de la base de données si certains doutes planent sur votre honnêteté.

Lorsque quelqu'un présente une demande au Régime de pensions du Canada, on confirme l'identité du demandeur avant de lui émettre un chèque. Mais les programmes ont leurs propres sûretés. Le numéro de compte permet d'avoir accès à toutes les données qui vous concerne. Au moyen du NAS, les gestionnaires du RPC savent pendant combien d'années vous avez cotisé au régime et peuvent ainsi établir le montant des prestations auxquelles vous avez droit. On vous enverra d'ailleurs des mises à jour périodiques pour que vous sachiez exactement ce à quoi vous avez droit.

Le NAS n'est donc qu'un numéro de compte pour tous ces programmes. Chaque programme doit prévoir des caractéristiques de sûreté permettant d'éviter les abus.

M. Ken Epp: Très bien.

La présidente: Monsieur Epp, ce sera votre dernière question.

M. Ken Epp: Vraiment? Je m'amusais tellement.

La présidente: Je fais preuve d'indulgence à votre endroit.

M. Ken Epp: Vraiment?

La présidente: Vous avez utilisé vos 10 minutes. Vous aurez l'occasion de poser d'autres questions au prochain tour.

M. Ken Epp: Lorsque je remplis ma déclaration d'impôt, si je coche la petite case qui indique un changement d'adresse et si j'indique ma nouvelle adresse, ce renseignement est-il automatiquement versé au système?

M. Hy Braiter: Non.

M. Ken Epp: Pourquoi pas?

M. Hy Braiter: Il pourrait l'être, mais il ne l'est pas parce que notre ministère ne vous envoie pas de courrier. Si nous voulions correspondre avec vous comme nous pourrions vouloir le faire pour vérifier certains renseignements, nous consulterions les dossiers de Revenu Canada, du programme de la sécurité de la vieillesse, du RPC et du Régime de rentes du Québec. Nous vérifierions alors encore une fois votre date de naissance. Si nous constatons que certains renseignements ne concordent pas, nous vous demanderons des précisions. Voilà comment nous comptons améliorer l'exactitude du dossier.

La raison pour laquelle ce renseignement n'est pas automatiquement versé au dossier est qu'on a cru que ce n'était pas utile par le passé étant donné que les ministères ne correspondent pas, normalement, avec les titulaires de numéro d'assurance sociale. Si nous voulons connaître la dernière adresse d'une personne, nous consultons les dossiers de Revenu Canada, du programme d'assurance-emploi, du RPC ou de l'ASV.

M. Ken Epp: Je devrais m'en tenir à cela. La présidente menace d'user de représailles.

La présidente: N'ayez crainte, je ne vous menace de rien.

Monsieur Vellacott, vous avez la parole.

M. Maurice Vellacott (Wanuskewin, Réf.): Ma question s'adresse à M. Braiter.

Si je vous ai bien compris, vous avec dit en terminant votre exposé lorsque vous avez abordé les travaux du cinquième groupe de travail que les caractéristiques assurant la sécurité de la carte du NAS seraient un jour aussi rigoureuses que les caractéristiques de la carte d'enregistrement des armes à feu qui sera émise sous peu. Je trouve cette observation intéressante.

J'aimerais d'abord savoir si c'est bien ce que vous avez dit?

M. Hy Braiter: Je donnais simplement l'exemple d'une carte qui ressemblera d'avantage à une carte d'identité. Je voulais aussi laisser entendre que le ministère serait tout à fait en mesure de gérer ce type de cartes.

M. Maurice Vellacott: Cette affirmation, et la comparaison que vous avez faite à la fin de votre déclaration préliminaire m'amènent à me poser certaines questions. Nous savons qu'on trouvera toujours un moyen de fracturer ces banques de données ou du moins nous le soupçonnons fort. Ne convenez-vous pas qu'il s'agisse d'une véritable possibilité?

M. Hy Braiter: Fracturer...?

M. Maurice Vellacott: Les banques de données du NAS.

M. Hy Braiter: Personne n'est jamais parvenu à y avoir accès. Nos systèmes informatiques comportent les mesures de protection normales et nous n'utilisons pas les lignes téléphoniques publiques pour transmettre l'information. Nos spécialistes informatiques veillent à assurer la sécurité des données. Il ne s'est jamais produit qu'on force l'accès à ces données ou à tous les dossiers à la fois. Nous ne donnons accès aux dossiers qu'aux provinces que nous avons mentionnées.

• 1140

M. Maurice Vellacott: Je pose la question parce que si la carte du NAS devait servir à d'autres fins que les fins auxquelles elle est maintenant réservée, cela pourrait présenter beaucoup d'intérêt. Je suppose...

M. Hy Braiter: C'est sûr, et c'est pourquoi la carte elle-même devrait être plus perfectionnée. Point n'est besoin d'être un grand scientifique pour savoir qu'elle devrait au moins comporter une photo.

M. Maurice Vellacott: Vous avez raison.

M. Hy Braiter: Il faudrait que cette photo soit mise à jour tous les cinq ans et que la carte soit difficile à contrefaire comme c'est le cas de la monnaie de papier. Il faudrait pour cela que son fond comporte certaines caractéristiques et qu'elle contienne une puce, par exemple.

M. Maurice Vellacott: Nous devons nous prémunir contre les avancées technologiques. Cela fait partie de notre mandat.

Revenons à la question du registre des armes à feu. On craint, à cet égard, qu'on interdise plus tard, par décret, l'utilisation de certaines armes d'épaule. Il y a aussi toute la question de l'ingérence dans la vie privée des gens...

Si la carte du NAS devait prendre plus d'importance dans l'avenir, à quelles fins pourrait-on l'utiliser? À quels mauvais usages pourrait-elle servir?

M. Hy Braiter: Je ne peux que vous donner mon point de vue personnel sur cette question. Je peux cependant aussi vous faire part des conclusions à ce sujet de certaines études interprovinciales et fédérales-provinciales.

Il y a quelques années, le Conseil du Trésor a fait une étude pour savoir si l'utilisation d'un numéro de client commun permettrait aux différents ministères gouvernementaux d'apparier plus facilement les données ou d'inscrire des renseignements au dossier de certaines personnes. Si je ne m'abuse, l'étude a conclu que ce numéro ne représentait pas vraiment d'intérêt pour les ministères fédéraux. On a donc abandonné cette idée.

On continuait de croire que ce numéro serait utile au niveau fédéral-provincial. Le groupe de travail chargé d'étudier la question a cependant publié dernièrement un rapport dans lequel il dit que ce numéro n'est pas vraiment nécessaire.

La grande question qui se pose est de savoir si tous les programmes doivent utiliser le même numéro. À l'heure actuelle, le NAS ne peut être utilisé que par certains programmes. Si l'entrée d'un seul numéro dans un système permettait d'avoir accès à vos dossiers médicaux, à vos dossiers bancaires, à votre casier judiciaire et à vos bulletins scolaires, il faudrait se demander ce que cela signifierait du point de vie de la politique publique ou du point de vue de la protection de la vie privée. À mon avis, il est bien évident que l'existence d'une carte d'identité unique qui serait utilisée comme numéro de compte permettrait d'apparier beaucoup plus facilement les données se rapportant à une personne. Cette carte pourrait d'ailleurs déjà exister.

M. Maurice Vellacott: Très bien. Dans ce cas, compte tenu de l'importance que revêtirait cette carte, il faudrait prendre les mesures de sécurité voulues. Je crois que cela va sans dire.

Vous avez sans doute compris d'après la première question que je vous posais que je m'interroge au sujet de la sécurité future du NAS si l'on compte prendre comme modèle la carte d'enregistrement des armes à feu.

M. Hy Braiter: La carte d'enregistrement des armes à feu est plus sûre et elle comporte une photographie.

Une véritable carte futuriste comporterait un échantillon d'ADN. On pourrait demander à chaque personne qui présente une demande de NAS d'inclure un cheveu. On disposerait ainsi à perpétuité de tous les renseignements voulus pour identifier quelqu'un.

M. Maurice Vallacott: L'exemple que vous me donnez ne me rassure pas beaucoup.

M. Hy Braiter: Je le comprends. La question d'un numéro de client commun se complique beaucoup lorsqu'on fait intervenir en même temps la notion d'efficacité et celle de protection de la vie privée.

M. Maurice Vallacott: Très bien. La valeur accrue de cette carte serait attribuable à ces nouvelles caractéristiques. Je vous remercie, monsieur.

La présidente: Je vous remercie, monsieur Vallacott.

Monsieur Wilfert.

M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Je vous remercie, madame la présidente.

J'aimerais d'abord dire à quel point j'ai trouvé votre déclaration intéressante, monsieur Braiter. Quel plaisir d'entendre un fonctionnaire qui a le sens de l'humour et qui peut exprimer une opinion personnelle qui...

Le président: Je tiens à corriger ce qui vient d'être dit. J'ai rencontré de nombreux fonctionnaires qui avaient le sens de l'humour.

M. Bryon Wilfert: J'en doute. Parfois j'ai l'impression qu'ils essaient d'être amusants quand ils ne le sont pas, et parfois je pense...

Une voix: Comme les députés.

M. Bryon Wilfert: Quoi qu'il en soit, les fonctionnaires n'expriment jamais d'avis personnel. Je trouve votre attitude très rafraîchissante. J'ai rencontré l'autre jour des fonctionnaires qui ne semblaient n'avoir aucun avis sur quoi que ce soit.

M. Hy Braiter: Je peux compter sur 30 années d'expérience.

M. Bryon Wilfert: Je vois. Comme moi, vous avez aussi commencé à travailler à 10 ans.

Des voix: Oh, oh!

M. Bryon Wilfert: La situation décrite par le vérificateur général et dont vous nous avez entretenus m'amène à me demander si le système peut vraiment être réparé. J'ai plutôt tendance à croire qu'il devrait être remplacé.

Cela étant dit, je suis un peu perplexe au sujet du numéro de client commun parce que je crois qu'on nous demande déjà de fournir trop de renseignements personnels dans ce pays.

• 1145

Aux États-Unis, il existe entre 15 à 20 dossiers actifs sur chaque Américain. Je ne sais pas combien il existe de dossiers actifs sur chaque Canadien, mais je crois qu'on peut dire que le public a perdu confiance dans notre système. Le moins qu'on puisse dire c'est que le public ne le comprend pas et doute de sa valeur.

Vous avez dit que vos objectifs consistent à disposer de renseignements exacts, à prévenir les abus et à veiller à ce que les prestations ne soient versées qu'aux personnes qui y ont droit. Je ne vois pas ce qu'on pourrait trouver à redire à ces objectifs.

La difficulté, c'est que le ministère se fixe ses objectifs un peu trop tard. Le simple fait qu'il ait mis 12 ans avant de s'attaquer à la tâche m'amène à croire qu'il faut remplacer le système.

Je ne voudrais surtout pas... Vous parlez de prendre déjà certaines mesures dont je comprends l'urgence, mais je ne voudrais pas qu'on s'engage trop rapidement dans cette voie. Si l'on décidait de remplacer le système—et j'espère qu'on le fera plus tôt que plus tard—au lieu d'investir de l'argent... Il arrive souvent au gouvernement de dépenser de l'argent dans un domaine pour ensuite décider de changer de cap.

Je suis en politique depuis 13 ans. Je déteste qu'on se lance dans une direction pour ensuite se rendre compte qu'on s'est trompé.

Nous devons, à titre de décisionnaires, prendre une décision quant à la voie dans laquelle nous devons nous engager. Le commissaire à la protection de la vie privée et d'autres témoins auront évidemment des conseils à nous donner à ce sujet.

Je crois que nous sommes loin d'être sur la bonne voie en utilisant une carte qui n'a qu'un numéro. Elle devrait à tout le moins comporter une photo... Les permis de conduire l'ont bien.

Nous n'avons aucune confiance dans un système dont l'amélioration nous coûtera un quart de milliards de dollars. C'est ce qu'il en coûterait pour réémettre les cartes du NAS. Ajoutez à cela le coût de toutes les autres améliorations nécessaires. Peut-être s'agit-il en bout de ligne d'une dépense justifiée.

Vous proposez d'améliorer les caractéristiques de sûreté de la carte. Auriez-vous le budget pour le faire? À quels caractéristiques songez-vous? Qu'est ce que cela coûtera? D'où tirez-vous votre mandat? Repose-t-il sur un document de travail ou une stratégie permettant, du moins à court terme, de traiter...?

Il y a des cas d'abus... vous avez dit qu'il coûte 1 000 $... on pourrait sûrement recourir entre-temps à des mesures temporaires pour lutter contre ces abus.

M. Hy Braiter: Je suis d'accord avec vous, il faut mettre fin aux abus. Il faudra soit opter pour une carte d'identité personnelle, soit conserver le système actuel pendant un certain temps.

À titre de gestionnaire, je pense qu'il nous appartient de réparer le système actuel de la façon la plus économique possible.

Dans les trois ou quatre mois qui viennent, nous prendrons certaines mesures immédiates. Nous veillerons notamment à ce que l'information de nos dossiers corresponde à celle qui figure dans les dossiers du programme de la sécurité de la vieillesse, des provinces et de Revenu Canada.

Comme j'ai dit plus tôt, nous n'aurions pu prendre ces mesures plus tôt. La loi ne nous le permettait pas. La loi touchant la SV n'a été modifiée qu'il y a un an.

Nous ferons aussi en sorte de signaler le fait que certains dossiers sont inactifs depuis très longtemps. Si quelqu'un fait une demande de prestation, il faudrait peut-être se poser des questions lorsque l'on n'a pas entendu parler de cette personne depuis des années ou qu'elle a 100 ans.

Nous allons donc tâcher de revoir et mettre à jour nos données. Cela ne coûtera pas un quart de milliards de dollars. Nous devrons d'ailleurs soumettre toute demande de fonds au Conseil du Trésor. Nous ne pourrons pas dépenser les budgets qui nous sont alloués à notre guise.

Nous présenterons sous peu un plan à court terme au Conseil du Trésor. Cinq groupes de travail étudient également les mesures qui peuvent être prises pour améliorer la carte d'identité et pour accélérer les enquêtes.

Nous n'allons pas réémettre toutes les cartes du NAS. Nous ne le ferions que s'il était décidé que cette carte est maintenant une carte d'identité. Ce n'est que dans ce cas que le tout coûterait un quart de milliards de dollars. Le budget que nous réclamons nous permettra de recruter des programmeurs qui compareront les dossiers et qui mettront à jour certaines données. Cela ne nous coûtera pas énormément d'argent. Il s'agit de recruter des programmeurs et d'obtenir les autorisations juridiques voulues.

Au Comité des comptes publics, on a aussi soulevé la question de savoir si nous avions un programme de sensibilisation de la population pour faire comprendre aux propriétaires, par exemple, qu'il ne leur sert à rien de demander à leurs locataires leur NAS. On peut aussi décider de remplacer le système par un tout nouveau système. Qu'on décide cependant d'améliorer le système du NAS ou qu'on décide de le remplacer par un nouveau système, cela revient à la même chose. Il faudra prendre une photo pour tout le monde ou des empreintes digitales, selon le système choisi. Nous pouvons cependant améliorer rapidement le système actuel.

• 1150

On a posé la même question que celle que vous avez posée au VG. Selon lui, si nous exécutons notre plan, nous parviendrons dans une large mesure à redonner confiance dans le NAS. Le NAS ne serait pas alors utilisé comme une carte d'identité, mais aux fins pour lesquelles il a été prévu et auxquelles il est encore utilisé aujourd'hui.

La présidente: Je vous remercie.

Monsieur Johnston, vous avez dix minutes.

M. Dale Johnston: Je vous remercie, madame la présidente.

Il est surprenant, comme vous le dites, que IGA demande le NAS des personnes qui veulent encaisser un chèque. Vous faites remarquer qu'il ne s'agit pas d'un numéro d'identification, mais IGA ou la compagnie de la Baie d'Hudson semble croire le contraire. Je pense qu'il y a aussi beaucoup d'autres gens...

Quelqu'un pourrait-il se forger une nouvelle identité à partir de ce numéro? Qu'il s'agisse ou non d'un numéro d'identité, il suffit que des gens le croient pour qu'il le devienne. Avec un faux NAS, on pourrait ensuite obtenir une carte de crédit ou ouvrir un compte en banque. Que peut-on faire pour prévenir ce genre d'abus sans aller jusqu'à recourir aux échantillons d'ADN et aux empreintes?

M. Hy Braiter: Je pense qu'on pourrait à tout le moins améliorer la sécurité du dossier et exiger aussi d'autres pièces d'identité. On pourrait demander à la personne de soumettre une autre carte d'identité et après avoir émis un NAS et après avoir vérifié le certificat de naissance de la personne visée, on pourrait aussi consulter les bases de données des provinces pour vérifier que celles-ci...

On pourrait découvrir que le certificat de naissance qui a été fourni était faux. Il faudrait pour cela remonter à la source, c'est-à-dire aux dossiers des provinces.

On améliorerait beaucoup le système en vérifiant l'exactitude des données figurant dans la base de données et en exigeant d'autres pièces d'identité. On pourrait aussi éliminer les trois ou quatre millions de cartes inactives qui concernent des personnes décédées, ou qui ont quitté le pays... De cette façon, personne ne pourrait se servir d'une carte périmée pour se constituer une nouvelle identité. Si quelqu'un essayait de le faire, on s'en rendrait compte la première fois qu'il présenterait une déclaration d'impôt ou une demande de prestations d'assurance-emploi. Voilà des moyens utiles d'empêcher que le NAS serve de carte d'identité.

Je pense qu'il serait aussi utile d'informer le public qu'il ne sert à rien de demander le NAS si cela n'a rien à voir avec l'assurance-emploi, les impôts ou un emprunt bancaire.

Voilà des mesures qui permettraient de vraiment améliorer...

M. Dale Johnston: Ce que vous venez de dire se rapporte à la deuxième partie de ma question. Pour reprendre mon exemple, il faudrait que les gens sachent que IGA n'a pas à leur demander leur NAS. Si IGA vous le demande, vous n'êtes absolument pas tenus de fournir ce numéro. Je pense qu'on découragerait ainsi ceux qui cherchent à se créer une nouvelle identité à partir d'un NAS.

Il y a évidemment le cas des gens qui se présentent à moi avec un certificat de naissance. Il peut s'agir de gens que je connais depuis 20 ans et dont le 65e anniversaire de naissance approche. Ils peuvent me demander de confirmer que le certificat de naissance est bien le leur pour pouvoir demander une pension de vieillesse.

Même si je connais cette personne depuis 20 ans, il se peut bien qu'elle ait changé d'identité avant que je ne la connaisse. Comment puis-je attester du fait que c'est bien la même personne dont il est question sur le certificat de naissance. Même si cette personne me donne des renseignements plausibles, je n'ai aucun moyen de les vérifier. Tout ce que je peux dire, c'est que cette personne semble bien être celle dont il est question sur le certificat de naissance.

• 1155

Il me semble donc que si quelqu'un est vraiment décidé à se façonner une nouvelle identité au Canada, c'est faisable. Cette personne peut réclamer des prestations de pensions de vieillesse, ouvrir éventuellement un compte auprès de Revenu Canada, et tout cela serait accepté. Vous allez me dire que la première fois qu'elle essayerait de se servir de ces méthodes, elle se ferait prendre, mais je me demande si c'est tout à fait exact.

M. Hy Braiter: Eh bien, il y a beaucoup de gens intelligents et, là où il y a de l'argent, il y a aussi la volonté de frauder. C'est pourquoi nous avons dit qu'une de nos mesures a consisté à examiner la procédure d'enquête et notre capacité de faire des investigations. C'est également pourquoi j'ai signalé que la situation n'est pas si mauvaise. Nous prenons des gens sur le fait, dont un bon nombre de ceux qui tâche de frauder l'AE ou le RPC.

Mais ce n'est pas si facile. Je vous signale qu'il faut un nouveau certificat de naissance pour présenter une demande au titre du RPC. Vous avez besoin de la caution d'une personne honorable. Vous devez faire la preuve de versements de cotisation au RPC pour en retirer des prestations. Nous ferions alors une vérification dans les registres à Bathurst, pour voir si tout concorde, si vous êtes bien au-dessus de tout soupçon.

Ensuite, bien sûr, s'il y a une autre personne qui est le véritable détenteur de ce NAS, cette personne finirait par se manifester, ou aurait une adresse différente dans les dossiers du fisc, et ainsi de suite. Il y a donc beaucoup de moyens de faire des vérifications dans le système.

Le vérificateur général a dit qu'il y a un potentiel de fraude. À ce comité-ci, je crois, il a dit que selon ses calculs, cela représentait peut-être 30 ou 33 millions de dollars. Eh bien, nous découvrons des fraudes représentant 700 millions de dollars par année pour l'AE. Il faut donc se demander à quoi l'on accorde le plus d'importance: prendre les gens lorsqu'ils essaient de frauder le programme, ou les prendre lorsqu'ils essaient de s'inscrire.

Nous devons faire les deux. Il faut faire de la prévention, mais également s'assurer que, quel que soit le subterfuge auquel ils songent, nous allons le contrecarrer.

M. Dale Johnston: Il me semble...

Le président: Monsieur Johnston, dernière question.

M. Dale Johnston: Dernière question? Décidément, le temps va vite lorsque l'on pose des questions.

Il me semble que si, comme vous dites, les provinces sont plus conscientisées, c'est que ce sont elles qui tiennent les registres des naissances, des décès et de l'État civil en général. Il y a peut-être un manque de communication, ou elle pourrait être améliorée, entre les ministères provinciaux et le ministère des Ressources humaines pour que les suivis soient effectués, surtout s'il y a près de 300 000 personnes âgées de plus de 100 ans.

M. Hy Braiter: Vous avez parfaitement raison, et nous allons travailler avec eux pour les convaincre de partager leurs données avec nous, à condition que ce soit légal.

Il y a déjà eu des problèmes. Leurs données n'étaient pas toujours offertes dans le format technologique que nous pouvions utiliser et leurs lois ne leur ont pas toujours permis de nous fournir ces données. L'encouragement à collaborer avec le gouvernement fédéral n'a pas toujours été présent.

Je pense que certains de ces problèmes sont résolus. Le rapport du VG nous servira de levier. Selon moi, il y a un nouvel esprit de collaboration. En outre, les provinces se servent du numéro d'assurance sociale pour beaucoup de programmes tels que le bien-être social, l'assistance sociale, et ainsi de suite. Il y a un intérêt commun à nous assurer qu'elles en tirent un certain avantage. Notre ministre a donc déjà fait les premiers pas. Ça devrait être utile.

Permettez-moi de vous citer un exemple de succès au Nouveau-Brunswick. Je crois comprendre que le gouvernement du Nouveau-Brunswick n'avait pas les mains liées par des lois et qu'il nous a donné accès à ces statistiques de l'État civil. Quiconque, au Nouveau-Brunswick, demande un numéro d'assurance sociale, peut l'obtenir en 30 ou 40 secondes, au lieu de deux à trois semaines.

Cela peut sembler effarant, mais ces gens-là nous appellent et nous disent: Je suis un tel, et voici mon numéro de certificat de naissance. Sur notre écran d'ordinateur, à Bathurst, nous regardons le dossier et nous répondons: Oui, nous avons votre certificat devant nous. Nous n'avons pas à craindre une photocopie illicite d'un certificat de naissance; nous avons le dossier provincial sous les yeux. Nous demandons à cette personne toutes sortes de renseignements qui figurent sur le certificat de naissance et toutes sortes de renseignements à son compte dont dispose le gouvernement provincial. Si elle répond aux cinq, 10 ou 15 questions, nous lui disons: Avez-vous un crayon sous la main? Voici votre nouveau numéro d'assurance sociale et votre numéro de compte; vous pouvez commencer à travailler. Nous vous enverrons votre carte par la poste.

Nous avons eu un projet pilote de six mois là-dessus. Ce projet pilote est terminé, et nous voulons maintenant présenter un dossier justificatif pour que le programme soit adopté.

Pour les provinces, l'intérêt de voir leurs clients servis en 30 secondes plutôt qu'en trois semaines, va nous aider considérablement à leur vendre le programme.

En fait, nous avons un enregistrement vidéo très sympathique là-dessus, que nous allons montrer aux provinces.

M. Dale Johnston: Brève intervention. Il n'est certainement pas nécessaire d'avoir une loi supplémentaire simplement pour que les provinces communiquent les renseignements sur les décès, ce qui permettrait de ne plus accorder de NAS à des morts.

M. Hy Braiter: Je peux vous donner l'exemple de nos propres fichiers fédéraux de sécurité de la vieillesse. La terminologie appropriée, pour que les renseignements puissent être communiqués, n'a été adoptée qu'il y a un an à peu près.

• 1200

Il y a toutes sortes de programmes liés à toutes sortes de lois. Cela vise à protéger les renseignements personnels, pour des raisons valables. Certaines provinces ont des lois plus rigoureuses que d'autres, et il y a donc un problème à cet égard. Nous ne pouvons faire que ce qui est légalement autorisé.

La présidente: Merci, monsieur Braiter.

M. Clouthier et M. Wilfert vont partager le temps d'une intervention.

M. Hec Clouthier (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Lib): Merci beaucoup, madame la présidente.

Premièrement, j'ai appris une chose que je ne savais ce matin, à savoir que le prénom de Ken Epp, c'est Marvin. Il est plutôt étrange de faire cette découverte.

M. Ken Epp: Marvin merveilleux.

M. Hec Clouthier: Marvin merveilleux? Nous allons poser la question à Preston.

Messieurs, il est évident qu'en 1964, le NAS devait servir à bien autre chose que ce à quoi il sert aujourd'hui. Je suis issu du monde des affaires, et je sais que la toute première chose que je demande à un postulant d'emploi, c'est son NAS—mon comptable et mon administrateur l'exigent. Je sais que si ma femme va au IGA ou que si je demande une carte MasterCard, le NAS semble avoir un tout nouveau rôle à jouer. Comme nous aimons à dire dans la haute-vallée de l'Outaouais, le cheval s'est enfui de l'écurie et nous ne savons pas vers où il galope. J'imagine qu'il y a donc deux options: soit vous tenez la bride au cheval, soit vous l'enfourchez et vous l'amenez où vous voulez qu'il aille.

Ma question est donc la suivante: croyez-vous—et il serait probablement courageux de votre part de répondre par un oui ou par un non—qu'en définitive nous ne puissions pas nous en sortir. Croyez-vous que le NAS doive être un numéro d'identification personnelle, associé à la photo du détenteur? Je sais qu'il y a un coût à cela, mais, quant à moi—et je sais qu'il y a d'autres gens qui partagent mon sentiment, j'estime que nous devrions faire cette dépense puisque le NAS est utilisé dans tant de circonstances différentes.

Écoutez, les gens vont bien finir par savoir qui vous êtes. Je n'aime pas le fait qu'il y ait 15 dossiers différents sur Hec Clouthier, sur Ken Epp ou sur mes collègues de ce côté-ci de la Chambre. Je crois simplement que cela ne fait que coûter plus cher. On finit simplement par créer plus de systèmes bureaucratiques, plus d'associations qui surveillent ces choses-là. Pourquoi ne pas les coordonner toutes en une seule? Au bout du compte, nous nous débrouillons pour tout savoir les uns des autres. Pensez-vous qu'il devrait peut-être y avoir un identificateur unique et que ce devrait être le numéro d'assurance sociale?

M. Hy Braiter: Je pense qu'il devrait vraiment y avoir un débat public à ce sujet. C'est la population du Canada qui devrait s'exprimer pour décider ce que serait l'orientation future. Il s'agit d'une question beaucoup trop vaste pour qu'une seule personne, un seul bureaucrate ou même un seul ministre en décide. Il s'agit vraiment d'une question fondamentale portant sur les valeurs, les principes et les renseignements personnels. Je pense que c'est ce qui doit être fait, comme l'a dit le vérificateur général. Et, pendant que se déroule cette consultation, toute mesure adoptée par ailleurs devrait être axée sur les principes d'intégrité et de bonne administration.

M. Hec Clouthier: Mais vous voyez bien ce que je veux dire. Il est simplement incroyable qu'on ait besoin de ce numéro d'assurance sociale pour pratiquement tout et n'importe quoi.

M. Hy Braiter: Deux des trois exemples que vous avez donnés sont exacts. Pour embaucher quelqu'un, il faut un numéro d'assurance sociale. Vous allez retenir des impôts à la source, des cotisations au RPC et à l'AE au titre de ce numéro de compte et vous allez les envoyer au gouvernement. Les banques en ont également besoin pour des raisons légitimes, parce qu'elles vont créditer de l'intérêt et qu'elles vont émettre un formulaire T-5, transmis à Revenu Canada et aux contribuables. Au IGA, par contre, c'est injustifié. C'est bête, parce qu'ils n'obtiendront jamais...

M. Hec Clouthier: Même si vous dites cela...

M. Hy Braiter: C'est la perception.

M. Hec Clouthier: ... on vous le demande quand même, que vous le vouliez ou non. C'est pareil pour la location ou l'achat de matériel. C'est tout simplement incroyable. C'est désormais inévitable. Comme je l'ai dit, le cheval est hors de l'écurie, et qu'allez-vous donc faire?

M. Hy Braiter: Une chose que vous pouvez faire, c'est rééduquer le public. Une autre chose, serait de renforcer un peu la loi, de sorte qu'on ne refuse pas le service à un membre du public parce qu'il refuse de donner son NAS.

M. Hec Clouthier: Très bien, merci.

Le président: Monsieur Wilfert.

M. Bryon Wilfert: Pour ce qui est de l'éducation du public, ce n'est pas uniquement pour le NAS qu'il faut le faire. Même pour les cartes Visa, les gens vous demandent votre numéro de téléphone. Ce n'est pas leur affaire. Vous pouvez avoir une campagne d'éducation du public. C'est très bien. Par ailleurs, je veux les empêcher de nuire. Comment m'y prendre, avec quel type de pénalité? Je pense qu'il y a abus. Les Canadiens sont toujours prêts à donner ce qu'on leur demande. Cela fait partie de notre façon d'être. Oui, nous sommes très coulants. Mais j'estime que nous devons avoir des pénalités administratives appropriées et sévères, du moins dans l'immédiat. Il ne faudrait pas grand-chose pour mettre cela sur pied.

M. Hy Braiter: C'est exact. Il y a un précédent dans le cas de la Loi sur l'assurance-emploi pour les prestations d'AE. Les pénalités représentent un maximum de trois fois le montant recueilli illégitimement, en se fondant sur le nombre de fois où cela a été fait. Ce n'est pas toujours trois fois. Il y a une politique.

• 1205

Si l'on prenait la pénalité judiciaire maximale de 1 000 $ et qu'on autorisait qu'elle serve de pénalité administrative—selon le nombre de cartes détenues, le nombre de fraudes en cause, etc—avec un processus d'appel, il y aurait au moins un certain effet dissuasif. J'ignore quel est le montant approprié, et c'est pourquoi nous aurons une équipe qui consultera le ministère de la Justice pour connaître les précédents et l'importance des amendes imposées par les tribunaux. Cette équipe essaiera de nous donner et, par conséquent, de donner à nos agents le pouvoir d'imposer ces sanctions, dans le respect des directives strictes de la Commission. Il y a une Commission de l'assurance-emploi, et c'est un organisme indépendant qui représente les employeurs et les employés. Cette Commission peut avoir le rôle d'établir des politiques pour s'assurer que l'on ne va pas...

M. Bryon Wilfert: Quels sont les délais envisagés pour cela?

M. Hy Braiter: Nous envisageons de recevoir un rapport en juin sur cette question précise.

M. Bryon Wilfert: En juin. Nous ne travaillons pas très vite, vous ne trouvez pas? Pourquoi faut-il jusqu'à juin? Vous avez constaté qu'il y a un problème et vous avez déjà un exemple.

M. Hy Braiter: Tout d'abord, il faut une loi.

M. Bryon Wilfert: C'est exact, et avec ce Parlement, comme avec ceux qui l'ont précédé, ça peut être très rapide s'il le veut.

M. Hy Braiter: C'est Bob qui surveille nos calendriers.

M. Bob Nichols (directeur, Prestation des programmes d'assurance, Développement des ressources humaines Canada): Nous avons des experts qui examinent la question, et ce sont là les délais qu'ils nous ont proposés.

M. Bryon Wilfert: Sont-ils payés à l'heure?

M. Bob Nichols: Non, ce sont des fonctionnaires, tout comme nous.

Pour un dossier de ce genre, il y a énormément de consultation à faire. L'idée de permettre au gouvernement d'imposer des amendes plutôt que de passer par les tribunaux ne devrait pas être traitée à la légère. Il est possible que les délais puissent être raccourcis grâce au travail qui s'effectuera cet hiver. L'équipe a commencé ses travaux. C'est également lié aux enquêtes sur le NAS, parce que nous voulons présenter un train de mesures.

M. Bryon Wilfert: Madame la présidente, si nous adressons des observations au Ministre, je demanderais certainement que nous agissions le plus rapidement possible. En attendant, il y a toujours des abus.

Pour ce qui est de recourir à des sanctions plutôt qu'aux tribunaux, les tribunaux ne sont pas le recours adéquat, selon moi. Je pense que les sanctions existent. Si l'on se sert de programmes de sensibilisation du public pour dire aux gens que cela ne doit servir qu'une telle fin, ça ne veut pas dire grand-chose. Il y a une loi. Sans sanction, la loi est... Je suppose que la seule raison pour laquelle on ne brûle pas un feu rouge, c'est qu'il y a une sanction. Autrement...

M. Bob Nichols: Je pense qu'il y a deux...

Une voix: Vous voulez peut-être vous faire tuer.

M. Bryon Wilfert: Vous pourriez conduire votre voiture sur le trottoir.

M. Dale Johnston: À Ottawa seulement.

M. Bryon Wilfert: À Ottawa? Non, Ottawa n'a que deux saisons, l'hiver et la saison de la construction. On ne peut donc pas aller très loin. Enfin, je m'éloigne du sujet.

Premièrement, je voudrais que cela se fasse vite. Deuxièmement, je voudrais que nous présentions des recommandations claires le plus rapidement possible. Très franchement, selon moi en tout cas, il est ridicule d'attendre juin.

La présidente: Message reçu. Merci.

M. Bryon Wilfert: Merci, et je sais que je ne fais que retarder l'heure du déjeuner, n'est-ce pas?

La présidente: En fait, j'ai simplement besoin d'un éclaircissement. Vous avez dit un peu plus tôt, qu'il faudrait 10 $ pour remplacer une carte. Comme vous le savez, le American Government Accounting Office (bureau de comptabilité du gouvernement américain) a calculé le coût des diverses options de remplacement de la carte de sécurité sociale aux États-unis. J'ai sous les yeux un rapport qui indique que le prix de remplacement serait de 36 cents la carte. À quoi attribuez-vous le coût excessif au Canada?

M. Hy Braiter: S'il y a seulement une personne dans un sous-sol, à Bathurst, installée devant une machine qui produit des cartes à la chaîne, oui, cela coûtera 36 cents pour le plastique et la machine. Par contre, ce dont nous parlons, c'est la présentation d'une première demande, par un adolescent par exemple. Il y a ce que ça coûte pour que vous vous présentiez au bureau local; le temps qu'il faut, en compagnie de notre agent, pour établir la preuve d'identité; l'aide qui vous est accordée pour remplir le formulaire de demande; l'envoi de la demande à Bathurst; l'examen par Bathurst de la demande et l'inscription des données informatisées de façon organisée; l'émission de la carte par Bathurst et son envoi par courrier; enfin, l'entretien du système à Bathurst, et la vérification et le suivi auprès de tous les divers ministères.

Ce dont nous tenons compte, c'est tout le coût du traitement à Bathurst. Nous divisons cela par le nombre total des nouvelles cartes émises en une année. Cela représente environ 7 millions de dollars par année, que nous partageons avec Revenu Canada et le Régime des rentes du Québec. C'est ainsi que c'est calculé.

• 1210

Si nous voulons simplement émettre une carte, c'est autre chose. Si vous voulez une carte de remplacement, nous vous facturons 10 $. Nous vous donnons la première carte gratuitement et nous vous facturons les frais pour la suivante.

Voilà donc vraiment ce que nous considérons être le coût. C'est l'ensemble de tous les coûts.

La présidente: Avez-vous une étude que vous pouvez présenter au comité?

M. Hy Braiter: Oui, nous avons des états financiers vérifiés qui indiquent nos coûts, parce que les autres ministères qui doivent partager les frais tiennent à s'assurer que nous ne les surfacturons pas.

La présidente: Je pense que tous les membres du comité ont le plus grand respect pour vos efforts en vue de corriger le Programme du NAS, mais, comme vous l'avez dit, il y a beaucoup de petits malins dans le monde. Ils se servent du système comme d'une arme pour frauder le gouvernement et pour dépouiller les citoyens ordinaires. Nous vous souhaitons donc de trouver rapidement une solution.

Monsieur Epp, vous avez une petite question.

M. Ken Epp: Oui, toute petite vraiment.

La fonction publique a ses propres numéros de paie pour chaque employé, son propre système de numérotation des employés, et il en va de même des forces armées. Bien sûr, cela coûte un certain montant.

Une voix: Beaucoup d'argent.

M. Ken Epp: Leur système est-il meilleur que le vôtre, et pouvez-vous le copier? Est-il pire que le vôtre, et devrait-il être remplacé? Qu'en est-il?

M. Hy Braiter: Vous voudrez peut-être poser la question à d'autres témoins. D'après mon souvenir, il y a environ huit ans, notre numéro d'assurance sociale figurait sur nos chèques. C'était le numéro de compte dont on se servait, mais en raison de considérations sur la protection des renseignements personnels et de la prolifération de l'utilisation du NAS, le gouvernement fédéral a prêché par l'exemple et a éliminé l'utilisation du NAS comme numéro de compte de l'employé. Par conséquent, nous avons tous un numéro unique sur nos chèques de paie, qui n'est pas le numéro d'assurance sociale, et tous nos dossiers de personnel ainsi que les renseignements nous touchant sont maintenus au moyen de cet unique numéro.

M. Ken Epp: Est-ce mieux?

M. Hy Braiter: J'ignore comment cela est géré ou contrôlé, ou à qui les renseignements sont communiqués.

M. Ken Epp: Ah, vous ne savez pas cela. Très bien.

M. Hy Braiter: Je n'en ai pas la moindre idée. Mais c'est un exemple qui montre que quiconque crée un nouveau numéro doit établir un système pour le gérer, sinon c'est simplement un autre numéro de compte.

La présidente: Merci, monsieur Braiter.

Nous suspendons la séance pour cinq minutes.

• 1212




• 1229

La présidente: J'encourage tout le monde à se rasseoir; la séance est rouverte.

Nous recevons maintenant des représentants des principaux ministères et agences ayant un rôle de prise de décision relativement aux numéros d'assurance sociale. Il y a ici des représentants du ministère de la Justice, du Conseil du Trésor, et du Bureau du commissariat à la protection de la vie privée. Ces gens vont nous présenter leurs perspectives de représentants d'agences centrales sur les options de principe que le gouvernement et le Parlement mettent à notre disposition.

Nous avons le privilège de recevoir un ancien journaliste qui sait vraiment comment garder un secret, M. Bruce Phillips, commissaire à la protection de la vie privée, accompagné de Julien Delisle, directeur exécutif du Commissariat à la protection de la vie privée.

• 1230

Nous recevons également, du Conseil du Trésor du Canada, Ian Sinclair, directeur, Division des politiques de l'information; M. Ross Hodgins, agent supérieur de politiques, Division des politiques de l'information, Direction du dirigeant principal de l'information. Du ministère de la Justice, nous avons Elizabeth Sanderson, conseiller général supérieur; M. Brian Jarvis, conseiller juridique, Section des politiques de droit public; et Lita Cyr, conseillère juridique, Droit à l'information et à la protection des renseignements personnels. Nous affichons donc complet.

Sans plus tarder, parce que je sais que tout le monde a hâte d'entendre ce que vous avez à dire, monsieur Phillips, à vous la parole.

M. Bruce Phillips (commissaire à la protection de la vie privée du Canada): Merci beaucoup, madame la présidente.

Vous avez parlé de ma vie antérieure. Je peux au moins prétendre à une connaissance du sujet qui remonte à très loin, parce que j'étais un humble travailleur de la Colline parlementaire lorsque ce sujet a été présenté au Parlement, au cours des années 60. Je me souviens très bien de certaines des réserves qui avaient été exprimées à l'époque. Malheureusement, les pires attentes qui avaient été exprimées à l'époque à l'endroit du NAS se sont matérialisées.

C'est une très très vieille histoire. Chacun des 14 derniers rapports du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada a souligné les diverses faiblesses du système de numérotation du NAS et je dois féliciter tant ce comité que le vérificateur général, qui a réussi à être beaucoup plus persuasif sur cette question que moi-même, parce qu'il a au moins réussi à vous faire étudier la question.

Comme l'a dit le témoin précédent, M. Braiter, c'est une situation qui mérite désespérément d'être corrigée; elle aurait dû l'être depuis bien longtemps.

Le problème des utilisations non pertinentes, dont ont parlé un bon nombre de députés ici, est relativement facile à résoudre, à mon sens. Déjà, en 1987, on a recommandé que la loi considère comme une infraction que les gens refusent de fournir des services s'ils n'ont pas le droit juridique exprès d'exiger la présentation d'un NAS. Si cette mesure avait été adoptée, le NAS ne serait pas devenu l'outil commode de tenue de livres qu'il est devenu pour les agences d'évaluation de crédit, des milliers de détaillants et toutes sortes de gens. Le témoin précédent a dit ne pas très bien comprendre pourquoi les entreprises demandent ce numéro. Elles le demandent parce que c'est un système de tenue de livres bon marché et qu'il constitue un numéro de référence commun pour les agences d'évaluation de crédit avec lesquelles elles font affaire.

Nous aurions pu empêcher cela dès le début. Nous pouvons y mettre fin aujourd'hui, si nous le voulons. En 1987, un comité antérieur au vôtre, le Comité de la justice, avait recommandé que cela soit fait. À l'époque, le ministère de la Justice n'a pas accepté cette recommandation, mais il a au moins corrigé la gestion du NAS par le gouvernement fédéral en limitant à une vingtaine le nombre de lois différentes qui en autorisent l'utilisation. Toutefois, on a cessé de l'utiliser comme moyen d'identification personnelle dans les dossiers gouvernementaux et pour les fonctionnaires. Bien sûr, cela n'a pas été sans inconvénient et sans certaines dépenses, mais cela s'est fait pour reconnaître un droit civil fondamental.

Certaines des questions qui ont été soulevées ici ce matin m'ont intrigué. Certains députés se demandent pourquoi nous n'identifions pas tout le monde adéquatement par des moyens biométriques ou photographiques sur une carte d'identité, de manière à éliminer toute question quant à l'authenticité de la carte et la bonne foi de son détenteur. Ma réponse à cela est que, si vous adoptez cette méthode—et je suis heureux que le témoin précédent ait dit que nous devons vraiment avoir un long débat public sur cette question—vous mettez entre les mains de l'État l'outil de contrôle parfait pour surveiller les particuliers sans limite. Voilà pourquoi.

Voulons-nous vraiment aller en ce sens? Si j'ai hâte que les problèmes du NAS soient réglés, j'espère qu'en les réglant nous n'en créerons pas d'autres bien pires, à savoir que nous mettrions entre les mains des bureaucrates et du gouvernement un outil de surveillance bien plus puissant que celui qu'ils ont actuellement.

En fait, j'inviterais presque ce comité à envisager la vie sans NAS du tout. Je suis prêt à parier que s'il n'y avait pas du tout de NAS, la terre n'arrêterait pas de tourner, le ciel ne nous tomberait pas sur la tête et nous recevrions quand même nos prestations de RPC et de sécurité de la vieillesse.

• 1235

Le NAS donne au gouvernement un moyen commode de tenir ses comptes, mais il ne sert à rien au citoyen ordinaire, notamment pour ce qui est de reconnaître le droit de cette personne à un certain contrôle des renseignements qui la concernent.

Nous avons déjà un problème à l'intérieur du gouvernement relativement au NAS, parce que bien que le gouvernement réglemente sa propre utilisation du NAS à certaines fins législatives, il y a une immense échappatoire. Il existe entre le gouvernement du Canada, les autres gouvernements provinciaux, des entreprises privées et des gouvernements étrangers pas loin de 200 accords prévoyant l'échange de renseignements où figure le numéro d'assurance sociale.

En fait, il est plus facile au gouvernement d'échanger ce numéro-là avec d'autres organismes que de s'en servir à l'intérieur de ses propres rouages. C'est parfaitement vrai. Le gouvernement a au moins une politique de correspondance des données qui exige de porter une attention minimale—je dis bien «minimale»—aux répercussions que peut avoir sur la vie privée le fait d'établir la correspondance entre toutes les banques de données informatiques qu'il a en sa possession.

J'aimerais que les mesures de contrôle soient renforcées, et non assouplies. De toute façon, j'espère que le comité ne décidera pas, à la fin de ses délibérations, de demander au gouvernement d'adopter au plus tôt une carte d'identité nationale, ce qui ôterait du même coup toute importance à la question du NAS.

La question que nous devons nous poser, relativement à tous ces problèmes d'information et d'identification, est la suivante. Quel pouvoir de surveillance les particuliers devraient-ils accepter de conférer aux fonctionnaires, aux forces de l'ordre et autres entités semblables dans le but de mettre la main au collet des quelques fraudeurs, alors qu'il y a des millions de citoyens honnêtes et tout à fait respectueux de la loi qui tiennent à leur liberté personnelle? C'est là la question.

Il existe des pays, beaucoup plus anciens que le nôtre, qui s'en tirent très bien sans tous ces systèmes d'identification, et notamment la Grande-Bretagne, qui après de nombreux siècles, continue de se passer de carte d'identité nationale.

La question s'est posée en Australie il y a quelques années. Le gouvernement a proposé d'établir une carte d'identité nationale, et je suis heureux de dire que les Australiens tiennent à leur droit de protéger leur identité personnelle, car il y a eu une véritable levée de boucliers et les électeurs ont dit clairement au gouvernement que s'il donnait suite à ce projet, il serait remplacé sur-le-champ.

Il n'y a pas de carte d'identité en Nouvelle-Zélande. Certains États d'Europe n'ont eu de cesse que de se débarrasser de ces systèmes d'identification néfastes car ils avaient servi d'instruments au contrôle totalitaire de leur vie.

Dans notre pays, nous avons réussi... sauf en temps de guerre, où tous les citoyens, ou du moins ceux qui avaient l'âge d'être appelés sous les drapeaux, devaient être munis d'une carte d'immatriculation nationale aux fins de conscription. À la fin de la guerre, l'une des premières mesures prises par le gouvernement de l'époque a été de supprimer la carte d'immatriculation nationale.

J'espère que cette mentalité continue d'exister parmi les membres du comité et l'ensemble des Canadiens. Depuis une dizaine d'années, nous assistons à une véritable explosion des mesures de surveillance de nos gestes quotidiens, dans presque tous les domaines. Le numéro d'assurance sociale n'est que la pointe de l'iceberg, et sans doute pas l'élément le plus choquant, si on va au fond des choses.

Quoi qu'il en soit, prenons les mesures qui s'imposent, mais que votre comité, que le Parlement, que l'ensemble de la société n'hésitent pas à dire que cela suffit, nous ne voulons pas devenir des sujets numérotés de l'État et nous ne souhaitons pas être continuellement sous la surveillance des caméras, jour et nuit, pendant toute notre vie. Il faut que cela cesse.

Le comité a aujourd'hui l'occasion de dire qu'il appuie sans réserve la Cour suprême du Canada, laquelle a statué à plusieurs reprises que la vie privée—c'est-à-dire la possibilité pour chacun d'entre nous de contrôler son individualité, son identité et ce que le monde sait à notre sujet—est à la base de toute liberté personnelle dans un État démocratique.

Je vous remercie.

La présidente: Merci de cet exposé court mais passionné, et très instructif.

Nous allons maintenant donner la parole à M. Sinclair du Conseil du Trésor.

M. Ian Sinclair (directeur, Division de la politique de l'information, Conseil du Trésor du Canada): Merci, madame la présidente.

Mesdames et messieurs les députés, commissaire et chers collègues, je vous remercie de me donner l'occasion de discuter de la gestion du numéro d'assurance sociale. Mon point de vue est celui du centre stratégique responsable d'appuyer le rôle du ministre désigné, soit le président du Conseil du Trésor, dans l'application de la Loi sur la protection des renseignements personnels au niveau fédéral.

Il incombe au ministre désigné d'émettre la politique du Conseil du Trésor sur la protection des renseignements personnels. Cette politique inclut des directives et des lignes directrices relatives à l'utilisation du numéro d'assurance sociale et au contrôle du couplage des renseignements personnels. Celles-ci ont pour objet d'aider les responsables d'institutions à appliquer la Loi sur la protection des renseignements personnels dans leurs ministères et organismes. Le secrétariat du Conseil du Trésor continue de faire respecter les politiques sur l'utilisation du NAS et le couplage des données. L'utilisation croissante du numéro et la possibilité de l'utiliser comme mécanisme de couplage des données ont été largement débattues dans le public.

• 1240

Des rapports du commissaire à la protection de la vie privée, des projets de loi d'initiative parlementaire, le Comité permanent de la justice et du solliciteur général et, plus récemment, ce comité, ont proposé des mesures visant à empêcher que le NAS ne devienne un numéro national d'identification et à contrôler l'utilisation des renseignements personnels aux fins du couplage des données. La politique actuelle sur l'utilisation du numéro d'assurance sociale et la politique sur le couplage des données ont été conçues en réaction directe aux recommandations issues de l'examen des lois sur l'accès à l'information et sur la protection des renseignements personnels mené par le Comité permanent de la justice et du solliciteur général en 1987.

Les recommandations du comité sont contenues dans son rapport intitulé: «Une question à deux volets: Comment améliorer le droit d'accès à l'information tout en renforçant les mesures de protection des renseignements personnels». Les politiques font état de l'engagement qu'a pris le gouvernement de protéger la vie privée des Canadiens dans sa réponse au rapport «Une question à deux volets» qui s'intitule «Accès et renseignements personnels: Les prochaines étapes».

La politique sur le numéro d'assurance sociale renforce le Code de pratiques équitables en matière de renseignements, qui comprend les articles 4 à 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. On y précise que le gouvernement a pour politiques d'éviter que le NAS ne devienne un identificateur universel et, à cette fin, de prendre les mesures suivantes: restreindre à des lois, des règlements et des programmes précis la collecte et l'utilisation du NAS par les institutions, et informer clairement les personnes concernées des fins auxquelles leur NAS est recueilli ainsi que des droits, avantages ou privilèges qui pourraient leur être retirés ou des sanctions qui pourraient leur être imposées si elles refusent de divulguer leur numéro à une institution fédérale qui en fait la demande.

Le numéro d'assurance sociale a été conçu à l'origine pour servir de numéro de compte pour certains programmes. Le rapport du vérificateur général confirme que le NAS est utilisé par les secteurs public et privé de nombreuses façons non prévues par le Parlement. Il confirme également que le contrôle de son utilisation est peut-être inadéquat. Le rapport décrit en détail les facteurs en raison desquels le NAS ne peut être utilisé en toute confiance comme numéro d'identité personnel.

On a souvent l'impression que les tentatives visant à solidifier l'assise du NAS se sont butées à des barrières ou à des obstacles en raison du caractère délicat du dossier, sur le plan politique, qui l'emporte sur les préoccupations pour la vie privée. Il faudrait clarifier cette impression de préoccupations pour la vie privée. Bon nombre des personnes qui se préoccupent de la vie privée appuieraient toute initiative visant à faire en sorte que le numéro soit utilisé aux fins pour lesquelles il a été créé. La fiabilité du NAS est aussi exigée par le paragraphe 6(2) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, lequel précise qu'une institution fédérale est tenue de veiller, dans la mesure du possible, à ce que les renseignements personnels qu'elle utilise à des fins administratives soient à jour, exacts et complets.

Les préoccupations pour la vie privée résultent aussi de l'utilisation répandue du NAS à des fins autres que celles pour lesquelles il a été créé, à des fins non approuvées par le Parlement et de son utilisation par le secteur privé, qui n'est pas réglementée.

La politique du Conseil du Trésor continuera d'appuyer l'utilisation du NAS à des fins approuvées par le Parlement, ainsi que les initiatives visant à accroître l'intégrité du numéro. Cependant, le NAS ne constitue fréquemment que le signe avant-coureur d'une menace plus grave pour la vie privée: le couplage des données. En 1988, le Conseil du Trésor a émis une politique et des lignes directrices détaillées dans le but de s'assurer que le couplage et le croisement des renseignements personnels satisfont aux exigences de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Aux termes de la politique sur le couplage des données, avant d'entreprendre des programmes de couplage, les institutions fédérales doivent évaluer la faisabilité du couplage envisagé en déterminant son incidence possible sur la vie privée des personnes et en analysant ses coûts et ses avantages.

Les institutions fédérales sont tenues de donner des préavis de 60 jours au commissaire à la protection de la vie privée avant d'entreprendre des programmes de couplage de données en lui fournissant leurs rapports d'évaluation des projets. Seul le chef d'une institution fédérale ou un agent à qui le chef a délégué les pouvoirs nécessaires peut approuver un programme de couplage des données. Les institutions fédérales doivent rendre compte publiquement de toutes leurs activités de couplage de données dans Info Source. Info Source est le répertoire public des renseignements fédéraux que le ministre désigné est tenu par la loi de produire. Les institutions fédérales sont tenues de soumettre les renseignements tirés d'un programme de couplage de données à un processus de vérification auquel doivent participer des sources autorisées originales ou additionnelles, avant d'utiliser ces renseignements à des fins administratives.

• 1245

Il convient de souligner que la politique actuelle et que les définitions de «couplage des données», «programme de couplage», «institution de couplage» et «source de couplage» sont conformes à l'information et à la terminologie du code de pratiques équitables en matière de renseignements. Elles sont exhaustives et englobent toutes les formes de couplage des données qui utilisent les renseignements personnels à des fins administratives.

Quand le gouvernement a émis cette politique, le commissaire à la vie privée, dans son rapport annuel au Parlement, a félicité le gouvernement d'avoir collaboré étroitement avec le commissariat à l'élaboration d'une nouvelle politique en vertu de laquelle le Canada pourrait bien disposer des mesures de contrôle les plus strictes du monde concernant l'emploi de l'informatique pour comparer et compiler les renseignements extraits de fichiers conservés dans des bases de données indépendantes.

Il importe de faire la distinction entre les rôles et les responsabilités des diverses parties prenantes dans le débat sur l'utilisation du NAS et les activités de couplage des données. Les rôles et les responsabilités attribués en vertu de la politique du Conseil du Trésor aux institutions qui sont parties prenantes sont conformes à ceux décrits dans la Loi sur la protection des renseignements personnels.

Conformément à l'alinéa 71(1)c) de la loi, le ministre désigné:

    est responsable de la rédaction des directives nécessaires à la mise en oeuvre de la loi et de ses règlements et de leur diffusion auprès des institutions fédérales;

Il incombe au responsable d'institution de veiller à ce que l'institution se conforme à la loi, aux règlements et aux politiques dans ses activités journalières et dans les décisions qu'elle prend aux termes de la loi.

Le commissaire à la protection de la vie privée a le pouvoir de faire enquête sur la collecte, l'utilisation et la divulgation des renseignements personnels contrôlés par des institutions fédérales. Dans ce contexte, le commissaire a le pouvoir de surveiller l'utilisation du NAS et les activités de couplage des données par des institutions fédérales.

Le Parlement a la responsabilité ultime d'assurer l'équilibre en déterminant le meilleur moyen de protéger le droit de la vie privée des particuliers en ce qui a trait à l'utilisation de leurs renseignements personnels tout en assurant une prestation et une reddition des comptes optimales des programmes et des services gouvernementaux.

La tension qui s'exerce entre la poursuite de ces deux objectifs a été bien sentie dans les débats qui ont cours depuis la création du numéro d'assurance sociale, et elle ne fait que s'accentuer avec la mise au point constante de nouvelles technologies raffinées.

Pour conclure, j'aimerais déclarer que le secrétariat du Conseil du Trésor continuera d'aider les institutions qui sont parties prenantes au débat à évaluer les répercussions sur la vie privée de leur utilisation du numéro d'assurance sociale et de leurs activités de couplage des données.

Si le gouvernement déterminait qu'une réforme de la Loi sur la protection des renseignements personnels est nécessaire, le cadre stratégique régissant l'utilisation du numéro d'assurance sociale et le contrôle des activités de couplage des données ferait l'objet de l'examen qui s'impose. Dans le cadre de ce processus, le rapport du vérificateur général constituerait une précieuse source d'information pour trouver des solutions à ces problèmes.

Je vous remercie.

La présidente: Merci, monsieur Sinclair.

Mme Elizabeth Sanderson est notre prochain témoin.

Mme Elizabeth Sanderson (conseillère juridique principale, Section des politiques de droit public, ministère de la Justice): Merci.

Je m'appelle Elizabeth Sanderson et je viens de la Section des politiques de droit public du ministère de la Justice. Je suis accompagnée de mes collègues Brian Jarvis, qui pourra peut-être vous aider en répondant à certaines de vos questions, et Lita Cyr, qui fait partie du groupe consultatif qui, au ministère de la Justice, fournit des conseils au sujet des lois sur la protection des renseignements personnels et sur l'accès à l'information. Nous sommes très heureux d'avoir accepté votre invitation en vue de répondre à vos questions.

Je voudrais tout d'abord dire un mot au sujet du mandat du ministère de la Justice. Contrairement aux autres ministères, nous n'avons ni politique directe ni responsabilité de programmes relativement au NAS. Le ministre joue un rôle consultatif juridique d'appui et assume certaines responsabilités du point de vue stratégique et opérationnel, à l'égard de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Elle joue également un rôle de soutien auprès de M. Manley pour ce qui est de l'initiative récente concernant le projet de loi C-54, sur la protection des données dans le secteur privé.

Je pensais que, pour la discussion d'aujourd'hui, il serait utile de parler du projet de loi sur la protection des données, le projet de loi C-54, car à notre avis, il répond peut-être à certaines préoccupations qui ont été soulevées ce matin et dont nous pensions bien discuter avec vous aujourd'hui.

Le projet de loi C-54 a été proposé le ler octobre à la Chambre des communes. La recommandation 16.99 du rapport du vérificateur général porte précisément sur la protection du numéro d'assurance sociale dans le secteur privé. En voici le texte:

    Le gouvernement devrait étudier sérieusement la possibilité d'effectuer une évaluation de l'incidence et de l'étendue de l'utilisation du numéro d'assurance sociale dans le secteur privé et profiter de l'occasion offerte par le prochain texte de loi sur la protection des renseignements personnels pour traiter des préoccupations de longue date concernant la protection des renseignements personnels.

• 1250

Dans la réponse du gouvernement à cette recommandation, nous disions que, à notre avis, le projet de loi C-54 résoudrait le problème de la collecte inutile et de l'utilisation à mauvais escient des renseignements personnels dans le secteur privé, y compris l'utilisation du numéro d'assurance sociale, car le NAS serait visé par la définition de renseignement personnel contenue dans le projet de loi C-54 et serait donc assujetti aux dispositions de ce texte de loi concernant la collecte, l'utilisation et la communication de renseignements personnels.

Il convient également de signaler qu'une des dispositions du projet de loi prévoit un examen parlementaire, au bout de cinq ans, de l'application du projet de loi et de certaines dispositions.

Après avoir entendu vos questions ce matin, j'ai jugé bon de vous citer un exemple de dispositions du projet de loi C-54 qui pourrait répondre à certaines de vos préoccupations. J'ai pensé au cas où l'on est tenu de donner son numéro d'assurance sociale au magasin IGA pour une raison inutile.

L'une des dispositions de l'annexe jointe au projet de loi C-54 porte précisément sur le consentement requis avant d'utiliser des renseignements personnels. Permettez-moi de lire le texte de cette disposition et vous comprendrez mieux son objet. La voici:

    Une organisation ne peut pas, pour le motif qu'elle fournit un bien ou un service, exiger d'une personne qu'elle consente à la collecte, à l'utilisation ou à la communication de renseignements autres que ceux qui sont nécessaires pour réaliser les fins légitimes et explicitement indiquées.

À notre avis, cela répondrait aux préoccupations liées au fait que des organisations exigent que des personnes consentent à l'utilisation de renseignements personnels, y compris leur NAS, en échange de l'obtention d'un service ou d'un produit. C'est le genre de choses qui sera interdite en vertu du projet de loi C-54, et comme nous l'avons déjà dit, le NAS sera visé par la définition de renseignement personnel.

Cela dit, je suis prête à répondre à vos questions.

La présidente: Merci.

Avant de commencer le premier tour de questions, j'aimerais demander une précision. Vous avez dit que, dans le projet de loi C-54, il faut obtenir le consentement des personnes avant d'utiliser les renseignements personnels. Pourriez-vous nous signaler certaines sanctions prévues en cas d'abus et d'utilisation à mauvais escient?

Mme Elizabeth Sanderson: Il y a une disposition concernant les sanctions. Je tiens à dire d'entrée de jeu qu'Industrie Canada est le chef de file dans ce dossier, et les vrais experts en matière de politiques sont donc rattachés à ce ministère. Il serait peut-être utile d'entendre leurs témoignages. J'ai jugé utile, aux fins de la discussion d'aujourd'hui, de répondre à l'intervenant précédent, mais vous voudrez peut-être tenir d'autres audiences avec les collègues de là-bas.

Il existe dans le projet de loi C-54 une disposition concernant les sanctions.

C'est le Bureau du commissaire à la protection de la vie privée qui sera chargé de l'application du projet de loi C-54. Les plaintes seront déposées auprès du commissaire comme cela se fait à l'heure actuelle aux termes de la Loi sur la protection des renseignements personnels, et ce sera donc une prolongation du mandat du commissaire. Si une personne estime que ses droits ont été lésés aux termes de la Loi sur la protection des données, elle peut déposer une plainte auprès du commissaire à la protection de la vie privée et le même genre de processus sera mis en branle. C'est le premier palier d'application.

Ensuite, il y a l'article 28 du projet de loi qui prévoit des sanctions; aux termes de cette disposition, quiconque contrevient sciemment au paragraphe 8(8) ou entrave l'action du commissaire dans ses délibérations commet une infraction et encourt, sur déclaration de culpabilité, par procédure sommaire une amende maximale de 10 000 $, ou par mise en accusation, une amende maximale de 100 000 $. C'est donc une infraction hybride.

La présidente: Merci.

Le projet de loi C-54 porte-t-il sur le couplage des données? Y a-t-il une disposition qui prévoit des sanctions en cas d'abus dans ce domaine?

Mme Elizabeth Sanderson: Il n'y est pas question directement du couplage des données, mais le projet de loi porte sur la collecte, l'utilisation et l'utilisation autorisée des renseignements personnels.

La présidente: Merci.

Monsieur Johnston.

M. Dale Johnston: Merci, madame la présidente. J'ai écouté avec plaisir l'exposé de M. Phillips et je partage ses sentiments libertaires dans la mesure où la personne qui possède véritablement le numéro d'assurance sociale ne semble pas en tirer beaucoup d'avantages.

J'aimerais savoir s'il souhaite approfondir sa pensée ou éclairer notre lanterne sur la façon dont les choses se passent dans les pays où il n'existe pas d'élément d'identification commun comme celui-ci. Vous avez cité l'exemple de la Grande-Bretagne, de la Nouvelle-Zélande et de l'Australie.

• 1255

M. Bruce Phillips: Je suis certain qu'en Grande-Bretagne, en Australie et dans d'autres pays où il n'existe pas de carte nationale d'identité—pour laquelle j'estime que l'expression «élément d'identification d'un client commun» est un euphémisme, si vous voulez savoir ce que j'en pense vraiment, car à moins de limiter de façon très stricte l'utilisation d'un nouveau système d'identification, nous nous retrouverons dans la même situation que celle du NAS—il existe d'autres formes d'identification ou de reconnaissance des droits. C'est comme ça que je l'appellerais. Un permis de conduire est une accréditation qui vous donne le droit de conduire une automobile ou de faire fonctionner un véhicule dans les conditions précisées sur le permis. Personne ne s'oppose à ce genre de document. En tout cas pas moi, et je suis sûr que la plupart des autres personnes non plus.

Toutefois, un élément d'identification de client commun, ou une carte d'identité nationale, est un système de preuve d'identité sans objet précis qui renferme tous les éléments nécessaires pour obtenir un passeport. Tout conducteur de métro qui fait preuve de suffisamment d'autorité peut exiger la production de ce genre de carte.

L'utilisation des cartes dans le monde contemporain ne devrait pas être permise au point où nous oublions tous les anciens obstacles qui ont été dressés pour protéger le citoyen contre une surveillance excessive de la part de l'État ou d'organismes privés. La carte en soi, ou quel que soit le document, doit servir à des fins bien précises qui peuvent être changées à l'occasion, non par des fonctionnaires usant de leur pouvoir de réglementation, mais bien par l'assemblée législative du jour. Il s'agit en effet d'une chose si importante, par rapport à nos valeurs fondamentales de la société et du genre de société que nous souhaitons préserver, que l'on devrait interdire ce genre de changements effectués par des bureaucrates. Il faudrait exiger une loi du Parlement pour décider si l'on va empiéter sur notre droit à la vie privée. Au cours des 15 dernières années—disons depuis que je suis associé au Bureau du commissaire à la protection de la vie privée—on a eu pour habitude d'apporter bon nombre de changements sans en saisir le Parlement.

On a parlé ici de la politique du couplage des données, et nous devrions être reconnaissants à M. Sinclair de nous avoir décrit le régime actuel en des termes aussi éloquents et professionnels. D'après notre expérience toutefois, il y a de nombreuses lacunes dans notre politique de couplage des données. Nous sommes tenus d'être informés des couplages de données et de donner un avis, mais nous n'avons aucun pouvoir pour empêcher ce genre de chose, même si nous la désapprouvons. En outre, je ne suis absolument pas convaincu que tous les ministères nous soumettent leurs propositions de couplage des données. Nous n'avons aucune preuve qui nous permette de le croire, si ce n'est le tout petit nombre de couplages de données qui sont portés à notre attention alors que nous sommes convaincus que cette pratique est très courante. Le numéro d'assurance sociale est indiqué, cela va de soi, dans le couplage des données, mais il n'est pas au coeur du problème.

Je souhaite que votre comité élargisse la portée de son étude pour ne pas s'en tenir à la question du NAS mais examiner en même temps dans quelle mesure l'État devrait s'ingérer dans la vie de ses ressortissants en préconisant, utilisant ou mettant en oeuvre de nouvelles formes d'identification qui constituent une autre forme de surveillance.

Si vous me permettez une brève digression, je voudrais vous rappeler un cas que nous sommes actuellement en train de contester—ce n'est pas à strictement parler un problème de NAS, même si celui-ci est en cause, peut-être, mais c'est un problème de couplage des données—où Revenu Canada et le ministère de la Santé ont regroupé des données provenant de bases de données établies à des fins précises, dans un but tout à fait différent de celui qui les intéresse. Je veux parler du dossier Douanes E311.

• 1300

Je demande à ceux d'entre vous qui connaissent déjà le dossier de m'excuser de rappeler brièvement de quoi il s'agit. Vous connaissez tous, j'en suis certain, la petite fiche qu'il faut remplir lorsqu'on revient par avion au Canada après des vacances. On indique pendant combien de temps on a été absent du pays et combien on a dépensé. Cette fiche est renvoyée à Revenu Canada - Douanes dans le but bien légitime d'établir si des droits de douane sont payables au Receveur pour les achats effectués à l'étranger.

Un jeune cadre dynamique et agressif de DRHC a décidé que ce serait un instrument très utile pour intercepter les personnes ne s'étant pas conformées à tous les règlements relatifs au versement des prestations d'assurance-chômage, puisque cela permet de déterminer quels prestataires ont quitté le pays alors qu'ils touchaient l'assurance-chômage et qu'ils auraient dû rester au Canada et se présenter pour trouver du travail tous les jours. C'est évidemment faisable si l'on regroupe ces deux bases de données, la liste des prestataires de l'assurance-chômage et la liste des personnes qui sont parties en voyage.

À mon avis, cela constitue un énorme abus car on utilise des renseignements qui ont été recueillis dans un but bien précis pour quelque chose qui n'a aucun rapport et ce sans le consentement des personnes auprès desquelles on a recueilli les renseignements, comme le stipule la Loi sur la protection des renseignements personnels. C'est la pierre angulaire du respect des droits personnels des gens. Les renseignements sont recueillis en toute confiance par le gouvernement du Canada dans un but précis. Les Canadiens comprennent que c'est nécessaire et ils acceptent. Ils font toutefois confiance au gouvernement pour ne pas utiliser ces renseignements à mauvais escient, forts de la Loi sur la protection des renseignements personnels qui stipule que le gouvernement devra tenir sa promesse.

Toutefois, les fonctionnaires se sont réunis et se sont dits que c'était, ma foi, une bonne idée, et ils y ont donné suite. Je suis tout à fait convaincu qu'ils ont mis la main au collet de certaines personnes qui violaient les conditions de l'assurance-chômage. Pour y parvenir, toutefois, ils ont dû fouiller dans les dossiers de millions de personnes tout à fait innocentes.

Je vous invite à réfléchir à ce que cela représente. C'est, à mon avis, si vous me permettez de faire une comparaison assez brutale, la même chose que lorsqu'un policier se présente à la porte en disant: «Un crime a été commis à Ottawa, et nous venons chez vous au cas où il ait eu lieu dans votre salon, sans votre permission, sans préavis, sans le moindre consentement.»

Voilà le risque qu'il y a à ne pas réglementer le couplage des données. Cette affaire est actuellement devant les tribunaux, soit dit en passant. Nous la contestons.

Voilà le genre de choses que votre comité devrait—et surtout le vôtre étant donné son mandat—devrait étudier pour voir jusqu'où nous allons tolérer ce genre de choses. Les systèmes d'identification constituent un élément important qui fait partie intégrante de la question. J'ai été heureux d'entendre—je me répète peut-être—le témoin précédent dire qu'avant d'envisager d'utiliser un élément d'identification de client commun, c'est-à-dire une carte d'identité nationale, il faudrait que la question fasse l'objet d'un débat public approfondi. J'espère que vous favoriserez la tenue de ce débat avant de vous engager sur cette pente très glissante.

La présidente: Monsieur Johnston.

M. Dale Johnston: Je vais céder la parole à mon collègue.

La présidente: Monsieur Vellacott.

M. Maurice Vellacott: Ma question s'adresse à Bruce ou Ian. On l'a peut-être déjà dit plus tôt, mais pour quels ministères fédéraux a-t-on établi le NAS à l'origine? S'agit-il de l'assurance-chômage?

M. Bruce Phillips: C'était pour le RPC, la S.-V. et l'assurance-chômage, je pense. C'est bien cela, Ian, les trois premiers?

M. Dale Johnston: Et Revenu Canada.

M. Bruce Phillips: Et Revenu Canada, mais plus tard.

M. Maurice Vellacott: Les trois premiers étaient donc le RPC, la S.-V...

M. Bruce Phillips: Et l'assurance-chômage.

M. Maurice Vellacott: Et depuis quand Revenu Canada s'en sert-il?

M. Bruce Phillips: On a commencé à l'utiliser un peu plus tard, au bout de plusieurs années. En fait, c'est une anecdote très intéressante et plutôt amusante, car le premier ministre d'alors, M. Pearson, a été mis au défi à la Chambre par le chef de l'opposition de donner l'assurance que le NAS ne serait jamais utilisé par Revenu Canada. M. Pearson s'était alors engagé à ne pas le faire. Trois ans plus tard à peine, Revenu Canada a embarqué dans le système.

M. Maurice Vellacott: D'accord.

À ce sujet, monsieur Phillips, si je vous comprends bien, ces nouveaux programmes de couplage, c'est un fait accompli. Vous ne pouvez rien faire d'autre que d'exprimer les préoccupations que cela suscite chez vous.

Et vous monsieur Sinclair, d'après votre perspective, vous avez, si je comprends bien, un protocole quelconque, des dispositions quelconques, qui obligent les intéressés à justifier ce qu'ils font. Quel genre de procédures interviennent chez vous avant que l'on fasse appel aux services de M. Phillips?

• 1305

M. Ian Sinclair: La séquence des événements n'est pas celle que vous dites.

M. Maurice Vellacott: Ce que je veux savoir, c'est s'il y a des critères ou des lignes directrices.

M. Ian Sinclair: J'ai essayé d'établir les politiques qui découlent de la Loi sur la protection des renseignements personnels parce que c'est le processus bureaucratique dans lequel on s'engage maintenant. Ces politiques montrent aux dirigeants d'une institution comment mettre en oeuvre la Loi sur la protection des renseignements personnels dans leurs services; elles expliquent aussi les responsabilités de l'institution en question, et cela comprend certains des programmes qui ont été mentionnés ici.

Si une institution se propose d'utiliser le numéro d'assurance sociale, ou si elle compte procéder à des couplages de données, on s'attend alors à ce qu'elle en informe l'organisme central ainsi que les services du commissaire. S'il s'agit d'un programme nouveau, dans le cas d'un programme qu'on veut faire approuver ou d'une présentation au Conseil du Trésor, l'on fait état de ses intentions dans la proposition qui est adressée au Conseil du Trésor. Là où ça ne se fait presque jamais, c'est dans le cas de l'application des nouvelles technologies, étant donné que les gens sont tout à coup en mesure de saisir des tas de données, d'établir des concordances, des comparaisons, d'une façon qui était inimaginable avec les anciens systèmes de classement manuel.

M. Maurice Vellacott: Ce serait trop difficile ou encombrant de votre point de vue si en fait... parce que le public canadien n'est jamais avisé à l'avance. Est-ce qu'il y aurait avantage—évidemment, ça prendrait plus de temps—à soumettre une telle proposition au commissariat à la protection de la vie privée pour en discuter à ce niveau? Il pourrait alors exprimer ses réserves, s'il en a. À cette étape-là, le public serait en mesure d'exprimer son indignation ou non, mais si cette proposition ne suscitait pas de fortes réserves, elle serait approuvée. A-t-on songé à cette possibilité? Est-ce qu'on pourrait procéder de cette façon?

M. Ian Sinclair: C'est une idée intéressante. L'une des choses dont nous tenons toujours compte, bien sûr, c'est comment on va informer le public. La question est importante. On a dit qu'il y avait moyen de réaliser 200 concordances de données. Je n'ai aucune idée de l'ampleur des activités dans ce domaine. Chose certaine, pour ce qui est d'aviser le public, l'expérience que j'ai des autres programmes m'amène à poser la question: qui, à l'extérieur d'Ottawa, s'intéresse vraiment à ce genre de choses?

M. Maurice Vellacott: C'est à cela que je veux en venir, monsieur Sinclair, au fait qu'il y aurait évidemment des députés fédéraux qui suivraient ce dossier de très près—des comités, ce genre de choses. Et si le commissaire exprimait des réserves, l'alerte serait donnée et les gens examineraient la situation de près, et peut-être qu'à partir de là... Je ne parle pas ici d'une publication dans quelque gazette ou journal obscur, ou quelque chose du genre, ou sur l'Internet. Mais si le commissaire à la protection de la vie privée exprimait des réserves, ça se saurait, et alors tout un mécanisme s'enclencherait.

J'aimerais que vous me disiez, monsieur Phillips, ce que vous pensez de cela et que vous me disiez si cette idée a déjà été proposée. Cela prendrait plus de temps, mais si c'est dans l'intérêt du public canadien, et si cela protège leur vie privée, cette approche ne présenterait-elle pas quelques avantages?

M. Bruce Phillips: Je crois évidemment que tout couplage de données doit faire l'objet d'une évaluation des incidences sur la vie privée que mènerait le Commissariat à la protection de la vie privée. Monsieur Sinclair sera d'accord avec moi pour dire que c'est d'ailleurs l'intention générale de la politique actuelle du Conseil du Trésor. Je ne suis pas du tout certain cependant que cette politique est respectée par tous les ministères. Certains commissaires provinciaux à la protection de la vie privée sont habilités à interdire les couplages de données. Ce n'est pas mon cas; je dois me contenter de faire des observations.

Que mes observations deviennent matière à publication, c'est une question intéressante. Je ne serais que trop heureux de les communiquer au Parlement en cas d'objection sérieuse, si c'est dans l'intérêt du Parlement. Je peux vous dire que les couplages de données que l'on nous propose aboutissent généralement à une longue série de discussions et de négociations entre mon commissariat et les responsables ministériels en vue de trouver un modus vivandi. Certaines objections ont ainsi été écartées. Ces discussions ont permis d'améliorer bon nombre d'initiatives, et de les rendre, sinon totalement inoffensives, à tout le moins beaucoup moins envahissantes.

• 1310

Presque tous ces couplages de données, si l'on veut être pratique, font intervenir de légers accrocs à la Loi, parce que l'un des principes fondamentaux de la Loi sur la protection des renseignements personnels stipule que les informations recueillies dans un but précis ne sauraient être utilisées dans un but étranger sans le consentement de la personne que ces informations visent. Dans la plupart de ces couplages de données, on cherche d'une manière ou d'une autre à contourner ce problème.

Nous sommes pratiques. Nous voulons que le gouvernement soit plus efficient, et nous tâchons de l'aider à régler ses problèmes. Mais il y a des moments où nous devons dire non, et c'est arrivé quelques fois. Lorsque je suis témoin d'atteintes insupportables aux bonnes pratiques qui protègent la vie privée, j'aimerais avoir l'autorité d'y mettre un frein en disant non, vous ne pouvez pas faire ça. Mais je n'ai pas cette autorité. Certains de mes homologues provinciaux l'ont. Mais même si je n'ai pas cette autorité, et même si l'on n'a pas le respect le plus scrupuleux pour la ligne directrice existante qui oblige les intéressés à consulter le Commissariat, je ne crois pas que la politique soit si mauvaise que ça.

M. Maurice Vellacott: Je pense que M. Hodgins voulait intervenir.

Il était évident que vous brûliez d'intervenir ici. Pouvez-vous répondre rapidement à cela? En fait, c'est comme si on nous disait que l'on contourne pratiquement la loi, ou du moins son intention originale, et je sais qu'on a parlé de ça. Qu'en dites-vous?

M. Ross Hodgins (agent supérieur de politique, Division des politiques de l'information, Direction du dirigeant principal de l'information, Conseil du Trésor): Je voulais simplement répondre à votre question de savoir si l'on a des politiques et des lignes directrices. Oui, nous en avons. En fait, le Conseil du Trésor, qui est en quelque sorte l'appareil suprême de la bureaucratie, dispose d'une politique très volumineuse concernant la protection de la vie privée et des données, dont une partie fait état des activités de couplage des données.

Lorsque cette politique a été mise en place, en conséquence d'ailleurs d'une recommandation faite par un comité parlementaire, nous y avons introduit deux éléments qui ont vraiment fortifié le code des pratiques équitables en matière d'information que mentionnait Ian tout à l'heure. Le premier, c'est que les ministères et organismes doivent procéder à une analyse coût-utilité de l'activité de couplage de données ainsi qu'à une évaluation des incidences sur la vie privée de cette activité. Le deuxième, c'est qu'il faut en informer le commissaire à la protection de la vie privée dans les 60 jours qui suivent le moment où le couplage a été fait. Il s'agit ici de respecter le rôle du commissaire à la protection de la vie privée, qui doit être en mesure de faire des instances s'il estime que la vie privée des Canadiens sera sérieusement compromise. En sa qualité d'agent du Parlement, il peut bien sûr intervenir.

Comme M. Phillips l'a dit, cependant, il ne dispose pas de l'autorité exécutoire qu'ont ses homologues provinciaux, il ne peut donc pas interdire une mesure de ce genre. Mais si les ministères et agences lui communiquent les informations voulues, il peut alors les évaluer et faire les instances voulues.

M. Maurice Vellacott: D'une certaine manière, il doit se sentir un peu impuissant, il a peut-être besoin de Viagra. Comme il n'a pas de dent, il peut essayer de vous résister, mais si vous avez l'intention de faire passer ce genre de...

M. Bruce Phillips: Le Viagra n'a aucun effet sur les dents, n'est-ce pas?

Monsieur Vellacott, je ne me sens pas si impuissant que ça.

La présidente: Je sens qu'on s'avance ici sur un terrain glissant.

M. Bruce Phillips: Oui, merci madame la présidente. Je tâcherai de garder cet avertissement à l'esprit.

Je crois pouvoir affirmer que le processus actuel a amélioré bon nombre des couplages de données qu'on nous a proposés. Les ministères se sont montrés sensibles aux suggestions que nous avons faites. Dans les rapports que j'ai eus au fil des ans avec de nombreuses administrations, j'ai constaté qu'on est toujours disposé à nous écouter et à observer de saines pratiques en matière de respect de la vie privée.

Le problème se pose vraiment lorsque certains bureaucrates se sentent soumis à d'immenses pressions—qui sont de nature politique, parlementaire, ou qui proviennent tout simplement du zèle qu'ils mettent à optimiser les deniers du contribuable—pour faire des économies ou pincer les tricheurs, par exemple. Objectifs louables, sans aucun doute. La vraie question pour moi est de savoir dans ces cas quel prix on est disposé à payer. Il est très facile pour le bureaucrate ou le politicien de dire qu'il est dans l'intérêt public de sacrifier la protection de la vie privée parce qu'on va ainsi mettre la main au collet de 200 fraudeurs à l'assurance-chômage, et qu'on économisera cinq ou six millions de dollars au contribuable. Ce sont des arguments de poids, et c'est là où j'ai des difficultés. Les parlementaires vont demander pourquoi on n'a pas économisé les cinq ou six millions de dollars. Et moi je dois demander; qu'est-ce qui vient en premier, le droit du citoyen à la vie privée, ou une économie de cinq ou six millions de dollars?

• 1315

Après tout, vous pouvez réaliser la sécurité parfaite, l'ordre parfait, et un régime parfaitement dénué de criminalité si tous les citoyens de votre pays vivent sous une surveillance constante, toute la journée, tous les jours et dans toutes les circonstances. Et il serait très facile d'excuser cet état de chose en disant: mais Mon Dieu, voyez toutes les économies que nous avons faites.

La démocratie présentera toujours des aspérités. Dans une société moderne et technique, la liberté ne s'obtient parfois qu'au prix du sacrifice de certaines pratiques comptables.

J'aimerais vous citer ici un de mes collègues, le commissaire albertain à la protection de la vie privée, qui a dit: «Pour l'amour de Dieu, ne laissons pas les technocrates l'emporter sur les démocrates.» Alléluia! Et moi, je suis parfaitement d'accord.

J'ai le sentiment qu'un bon nombre de propositions de couplage de données que nous recevons, pour identifier les clientèles communes—autrement dit, pour mettre sur pied un système national d'identification—naissent dans l'esprit de bureaucrates qui se sentent puissamment contraints de procéder avec plus d'efficience, à un coût moindre, et qui, consciemment ou inconsciemment, ou peut-être même après y avoir réfléchi longuement, sont disposés à renoncer au contrôle personnel de l'information privée dans l'intérêt de l'efficience.

L'efficience, à mon avis, ne constitue pas une justification suffisante à l'érosion constante des valeurs démocratiques. On peut toujours dire qu'on peut procéder au cas par cas. Dans le cas de l'assurance-chômage, mesurons l'intérêt public à l'aune de l'intérêt privé, et l'intérêt public justifie l'érosion de la vie privée. Eh bien, si vous allez jusqu'au bout du système et que vous portez le même jugement 300 ou 400 fois, cette mesure ne tiendra plus; vous ne pourrez plus mesurer la valeur de la vie privée dans cette équation parce qu'elle aura complètement disparu.

Voilà pourquoi aujourd'hui, à l'heure où nous sommes entrés depuis longtemps dans l'ère de l'information et de la technologie, les gens examinent de beaucoup plus près ce qui leur arrive. On pense toujours que la vie privée, c'est la vie privée de quelqu'un d'autre. Or, il s'agit d'un problème collectif; nous sommes tous visés. Il ne s'agit pas seulement de mesurer la valeur de l'intérêt public à l'aune de la vie privée de la famille Sanderson ou de la mienne; nous sommes tous visés ici. Si nous acceptons aujourd'hui que l'ordinateur doit dominer la façon dont la société se gouverne, la machine ne nous sauvera pas, elle nous perdra.

Il nous faut considérer chacune de ces applications technologiques et déterminer l'effet qu'elle a sur le caractère essentiel de l'interaction humaine. C'est ce qui est en jeu ici. Allons-nous continuer de nous respecter les uns les autres comme des individus, uniques, autonomes, des êtres humains libres, ou simplement comme des bytes crachés par un ordinateur? Voilà le problème. La question du numéro d'assurance sociale, la question de l'identificateur commun des clientèles, la question de l'assurance-chômage, tout cela nous ramène à cette interrogation fondamentale: sommes-nous prêts à nous livrer pieds et poings liés à l'ordinateur?

Pardonnez-moi ce sermon, mais j'ai très peu souvent l'occasion de plaider ma cause devant un comité parlementaire. Je pense que cette question revêt une importance primordiale à cette étape-ci de notre évolution sociale.

La présidente: Nous serons certainement heureux de vous entendre de nouveau à ce sujet. Ce que nous voulons éviter maintenant, c'est que cette protection vitale de la vie privée, dont vous vous faites le champion si éloquent, ne finisse par ériger des obstacles informationnels qui vont encourager l'activité criminelle. C'est un des défis qui attendent notre comité. Mais chose certaine, nous vous entendrons de nouveau.

Madame Brown.

Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.): Merci, madame la présidente.

J'ai quelques petites questions à poser à Mme Sanderson et à M. Phillips.

• 1320

Madame Sanderson, vous avez cité un article du projet de loi C-54 qui dit qu'une entreprise privée ne peut pas solliciter d'information à caractère privé si ces informations ne sont pas nécessaires à la finalité pour laquelle on les réunit. Plus tôt, nous avons vu l'exemple de ce dépanneur qui demandait à voir le numéro d'assurance sociale, pour accorder, semble-t-il, le privilège d'encaisser des chèques. Vous avez également dit plus tard qu'il y avait des amendes pouvant s'élever jusqu'à 10 000 $ pour punir ce genre de choses. L'IGA qui demanderait à voir votre numéro d'assurance sociale serait-il passible par exemple d'une telle amende? Si c'était le cas, j'ai la certitude que cette amende ne serait pas de 10 000 $, mais d'un montant moindre. Qu'est-ce qui déclencherait l'enquête et l'imposition de l'amende? Faudrait-il s'adresser aux tribunaux? Est-ce qu'un citoyen porterait plainte? Comment est-ce que ça marcherait?

Mme Elizabeth Sanderson: Je pense que cette mesure épouse le modèle fondamental de la Loi actuelle sur la protection des renseignements personnels. Si une personne juge qu'on a attenté à sa vie privée—disons que cette personne est contrainte à donner son numéro d'assurance sociale pour faire un achat au IGA—cette personne peut s'adresser à M. Phillips et M. Delisle pour porter plainte. Le commissariat à la protection de la vie privée fera ensuite enquête.

Si l'intimé essaie de déjouer l'enquête pendant son processus, ou si l'intimé entrave l'enquête, c'est alors que cette disposition relative à l'infraction prend effet, selon les termes «entraver l'action du commissaire—ou de son délégué—dans le cadre de l'examen d'une plainte». Et il s'agit ici d'une infraction mixte, c'est-à-dire qu'on peut procéder par déclaration sommaire de culpabilité avec une amende allant jusqu'à 10 000 $, ou par voie d'acte criminel, où l'intimé est passible d'une amende pouvant s'élever à 100 000 $.

Mme Bonnie Brown: Mais il appartient au plaignant...

Mme Elizabeth Sanderson: Oui, il s'agit d'un mécanisme qui est déclenché par le plaignant.

Mme Bonnie Brown: ... aux citoyens canadiens, dont la plupart n'ont pas la moindre idée qu'un tel processus existe ou qui ne savent pas quoi en faire. Pour que ce mécanisme fonctionne d'une telle façon que l'on puisse à tout le moins empêcher le secteur privé d'exiger le numéro d'assurance sociale, il faudra mener une campagne de sensibilisation publique.

Mme Elizabeth Sanderson: Absolument.

Mme Bonnie Brown: D'accord, merci.

Mme Elizabeth Sanderson: Et je pense que cette campagne de sensibilisation publique doit viser autant les citoyens que les entreprises.

Mme Bonnie Brown: Exactement, mais à tout le moins, nous aurons une nouvelle loi qui nous permettra d'agir.

Mme Elizabeth Sanderson: Dans le secteur privé.

Mme Bonnie Brown: Dans le secteur privé, oui.

Monsieur Phillips, je veux seulement m'assurer de bien vous comprendre. Vous avez dit que vous préférez qu'il n'y ait pas de carte, parce que vous êtes sûr que le ciel ne nous tombera pas sur la tête. Vous avez été témoin de nombreuses discussions au sujet de ce système national d'identification, alors je vais vous poser la question suivante. Si l'utilisation du numéro d'assurance sociale se limitait aux programmes gouvernementaux; si l'on avait un registre bien tenu; s'il existait des pénalités pour réprimer tout abus, de la part d'un individu ou d'une entreprise, et si l'on avait une campagne de sensibilisation publique qui ferait connaître aux citoyens le droit qu'ils ont de refuser de le divulguer, diriez-vous qu'un système d'assurance sociale rafraîchi de cette façon, assorti de telles conditions, serait la manière la moins envahissante de procéder?

M. Bruce Phillips: Si le gouvernement veut continuer d'utiliser le numéro d'assurance sociale—et je peux imaginer l'utilité d'un système d'identification numérique pour les déclarations d'impôt sur le revenu de Revenu Canada et le reste, par exemple—alors il est certain qu'il faut faire le ménage dans la loi. Les suggestions que vous faites semblent parfaitement compatibles avec les autres suggestions utiles qui ont déjà été mises de l'avant.

Mais quand il s'agit d'utilisations étrangères, par exemple au IGA—en fait, on ne devrait pas se montrer aussi dur envers IGA...

Mme Bonnie Brown: Disons Loblaws.

M. Bruce Phillips: ... il faut que la loi dise bien que tout refus de fournir un bien ou un service parce que la personne n'est pas disposée à montrer son numéro d'assurance sociale, doit constituer une infraction. Je pense que c'est, d'une manière ou d'une autre, la façon la plus simple de contrer ce problème. Un autre fera peut-être une suggestion différente.

Je suis d'accord avec vous pour dire qu'il faut éduquer le public davantage, mais au cours des quelques dernières années, certaines entités du secteur privé se sont mises à comprendre lentement que les citoyens se sentent de plus en plus offensés d'avoir à montrer leur numéro d'assurance sociale, donc plusieurs entreprises ont volontairement renoncé à ce genre de mesure. Donc, oui, c'est le cas.

• 1325

Mme Bonnie Brown: J'ai une autre question pour vous. J'ai remarqué qu'à la fin de votre allocution liminaire, vous disiez que notre étude devait dépasser le numéro d'assurance sociale et s'intéresser à certaines questions plus vastes relatives à la protection de la vie privée. Je sais que le comité permanent des droits de la personne a mené l'an dernier ce que je juge être une enquête importante. Chose certaine, c'est ce que suggère l'épaisseur de son rapport.

M. Bruce Phillips: Qui est un rapport de première classe.

Mme Bonnie Brown: On y trouvait 21 recommandations, mais vous nous demandez maintenant de faire la même chose. Je me demande si c'est parce que vous n'êtes pas heureux de ces recommandations. Ou seriez-vous heureux si notre comité prenait connaissance de ces recommandations pour voir ce qui s'est fait depuis avril dernier afin d'en faciliter la mise en oeuvre?

M. Bruce Phillips: C'est à mon avis une suggestion très utile.

La présidente: En fait, si l'on me permet d'ajouter rapidement quelque chose, il semble que le Parlement a été dissous avant d'y répondre.

Mme Bonnie Brown: D'accord, donc le rapport existe toujours. On pourrait donc partir du travail volumineux qui a été fait et se demander dans quelle mesure cela s'applique à notre sujet de réflexion. Mais vous ne nous demandez pas de tenir encore une fois des audiences publiques sur toute cette question, comme cela a été fait, n'est-ce pas?

La présidente: Non, je crois comprendre qu'il nous propose d'agir plus rapidement à partir des informations dont nous disposons maintenant.

M. Bruce Phillips: Eh bien, l'étude faite par le comité de Mme Finestone est un travail de première classe, je dois le dire. C'est un travail extraordinairement exhaustif et qui va très loin. Ce que je propose, étant donné le sujet de ce travail, c'est qu'on accorde une attention particulière à toute la question de la carte d'identité nationale afin de vous assurer que le Parlement ne marque pas le pas ici. Divers éléments du gouvernement du Canada brûlent d'aller de l'avant avec ce projet, mais je suis d'accord avec les sentiments qu'a exprimés le témoin précédent. Il ne faut rien faire ici tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas tenu un débat public approfondi, et tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas mesuré le sentiment du Parlement et de l'ensemble du pays, parce que cela constituerait sûrement un changement dramatique dans les rapports que nous avons les uns avec les autres. C'est tout ce que je dis.

Mme Bonnie Brown: Merci, monsieur Phillips, et merci, madame la présidente.

La présidente: Merci.

Monsieur Epp, vous n'aurez malheureusement que cinq minutes parce que nous manquons de temps.

M. Ken Epp: Merci. J'allais dire dans mon préambule que je n'en avais que pour une demi-heure avec M. Phillips, il faudra donc que je fasse vite.

Monsieur Phillips, je siège au Comité des finances. Lorsque nous avons discuté des institutions financières, une des plaintes que nous avons entendues nous venait de gens qui vont à la banque et qui ne peuvent pas encaisser leurs chèques parce que la banque ne peut pas déterminer avec certitude qui ils sont. Comment régleriez-vous ce problème?

M. Bruce Phillips: Je pense qu'une banque a le droit de s'assurer de l'identité de la personne qui demande à utiliser ses services. Elle a le droit de vérifier l'identité de cette personne, absolument. Mais vous venez d'entendre quelqu'un qui vous a dit que le fait de demander la carte d'assurance sociale ne vous permettra pas de faire ça étant donné les déficiences de cette carte.

Je n'ai aucune objection à ce que la banque me dise: si vous voulez notre argent, vous devrez nous prouver que vous êtes bien la personne que vous dites. C'est autre chose quand une entreprise vous dit qu'elle veut votre numéro d'assurance sociale, qu'elle va le noter, et qu'elle va le conserver dans les dossiers de la compagnie pour ses propres fins, lesquelles fins ne vous sont nullement révélées. On s'en sert probablement entre autres choses pour effectuer des vérifications auprès d'autres entreprises, dont les agences d'évaluation du crédit. Le numéro d'assurance sociale devient alors un outil de comptabilité bon marché pour la compagnie. Mais si la banque se satisfait du permis de conduire ou d'une carte de crédit, ça va. Personne ne peut s'opposer à cela.

M. Ken Epp: D'accord. Je vais vous poser une autre question. Il y a des gens qui ne conduisent pas, et qui n'ont donc pas de permis de conduire. Pour beaucoup de gens—et il y en a beaucoup—le numéro d'assurance sociale ne constitue nullement une pièce d'identité. J'ai été étonné de voir combien de gens le pensent. Nous avons entendu des groupes qui représentent des pauvres, nous avons entendu aussi des assistés sociaux et des gens qui sont isolés et qui ne peuvent avoir accès à ce genre de documents. Si le gouvernement du Canada devait offrir à quiconque en fait la demande, sur une base volontaire, une carte d'identité nationale et universelle, auriez-vous des objections?

• 1330

M. Bruce Phillips: Le gouvernement du Canada offre déjà une carte utilisable dans ce but.

M. Ken Epp: Et c'est?

M. Bruce Phillips: C'est la carte de citoyenneté du Canada. Et les provinces offrent également une carte utilisable dans ce but. Ça s'appelle un certificat de naissance.

M. Ken Epp: Mais ce n'est pas une bonne carte d'identité. On peut aisément en fabriquer de fausses.

M. Bruce Phillips: Je vois. Eh bien, considérez la chose de cette façon: toutes les déficiences que présentent ces cartes peuvent se retrouver également dans n'importe quel autre genre de cartes, peu importe le nom qu'on lui donne. Tout dépend donc de la conception de la carte.

M. Ken Epp: Mais l'on songe ici à une carte très pointue. On songe à une carte qui réglerait vraiment ce problème.

M. Bruce Phillips: Vous ne pouvez pas faire ça avec votre carte de citoyenneté?

M. Ken Epp: J'imagine que oui, bien sûr.

J'ai une autre question pour vous. Une personne traverse la frontière, fait quelques achats, revient, et essaie d'éviter la douane ou une autre taxe. De mon côté, je dis que je peux travailler. Il y a des milliers d'étudiants dans notre pays qui n'ont pas droit à l'assurance-chômage parce qu'ils sont étudiants, ils n'y ont pas droit en vertu des dispositions de l'assurance-emploi. La personne dont je parlais il y une minute est une personne qui va en vacances aux États-Unis et qui revient ensuite. En procédant à un petit contrôle des données, les autorités peuvent pincer cette personne. Est-ce que vous vous opposez vraiment à cela?

M. Bruce Phillips: Ce à quoi je m'oppose, c'est au fait que des gens fouillent dans mes dossiers sans motif probable.

M. Ken Epp: Mais il s'agit d'un motif probable. On recherche les gens qui font ce genre de choses.

M. Bruce Phillips: Pas moi. Je ne suis même pas sorti du pays, mais un bureaucrate quelconque fouille dans mes...

M. Ken Epp: Mais vos données ne concordent pas, il n'y a donc pas de problème.

M. Bruce Phillips: Exactement. Je ne veux pas qu'un policier se présente à ma porte sans qu'il ait une maudite bonne raison pour ce faire. C'est tout ce que je dis.

M. Ken Epp: Je partage votre avis.

M. Bruce Phillips: Je ne veux pas me lancer dans une longue discussion sur le règlement de l'assurance-chômage, mais je peux vous dire que nous avons eu des centaines et des centaines de plaintes sur cette question particulière. Certaines affaires étaient très intéressantes et soulèvent de bonnes questions sur l'utilisation d'un règlement aussi vague que celui en vigueur actuellement à l'assurance-chômage en ce qui concerne les résidents qui s'absentent du Canada. D'une part, le ministère n'est que trop heureux d'avoir recours à la technologie moderne pour examiner les dossiers—y compris ceux des personnes assises dans cette salle—pour voir si quelqu'un que nous ne connaissons pas n'est pas en contravention des règlements de l'assurance-chômage. D'autre part, il n'est pas disposé à utiliser la technologie moderne pour examiner le comportement des gens à notre époque. Vous pouvez quitter le pays, vous rendre à 10 000 milles et être disponible pour travailler dans les 24 heures. Nous avons eu de nombreuses plaintes de personnes qui ont été prises dans ce système. Toute l'administration du régime est plutôt absurde. Mais c'est une autre histoire.

Ce que je défends ici, monsieur, ce sont des principes de longue date, bien ancrés dans l'administration de la justice de ce pays, notamment que le gouvernement ne peut pas aller à la pêche pour trouver des éléments de preuve. Le gouvernement pourrait prétendre: «si vous n'avez rien à cacher...». C'est une pente raide: si vous n'avez rien à cacher, vous n'avez rien à craindre. Là n'est pas la question. Il s'agit de déterminer si les gouvernements disposent du pouvoir de fouiller dans des masses de données personnelles qu'ils ont pu réunir grâce à notre confiance, nous les citoyens, à cause d'un très petit nombre qui ont peut-être enfreint la loi. Je prétends que non. À mon avis, c'est porter atteinte à un principe bien établi de notre régime et il ne faut pas le tolérer.

M. Ken Epp: Madame la présidente, je vais faire preuve de discipline et m'arrêter. En fait, je m'arrête à quatre minutes, 18 secondes. C'est M. Phillips qui a dépassé le temps.

Des voix: Oh, oh!

La présidente: Je suis impressionnée.

M. Bruce Phillips: Excusez-moi, je m'en mords les doigts.

La présidente: Cela fut très instructif.

Puis-je rapidement ajouter une question supplémentaire à celle de M. Epp. Nonobstant les arguments très valides et intéressants que vous présentez sur la vie privée, le régime en question est devenu une arme pour frauder le gouvernement et voler les citoyens ordinaires de leur identité dans certains cas. Lorsque l'on utilise le NAS à des fins frauduleuses et lorsque nous pouvons utiliser ce numéro pour déceler des menaces plus graves à la vie privée grâce à la comparaison des données—et je parle par expérience personnelle puisque la carte de NAS de mon époux a été utilisée à des fins frauduleuses. En fait, ma question s'adresse vraiment aux représentants du Conseil du Trésor qui sont là assis très patiemment à vous écouter présenter vos arguments intéressants. Dans de tels cas, serait-il difficile de mettre en place un système pour informer les gens qui voudraient le savoir à chaque fois que leur numéro de NAS est utilisé frauduleusement? Serait-il difficile de mettre en place un système par exemple comme celui qu'utilisent les compagnies de carte de crédit?

• 1335

M. Ian Sinclair: À ma connaissance, les administrateurs du régime sont très heureux lorsque le détenteur d'un numéro de NAS sait que son numéro a été pris, que sa carte a été volée ou que sais-je. Lorsque vous, le détenteur du numéro, le client, ne savez pas qu'il y a eu vol, il y a problème.

Je ne veux pas parler au nom de DRHC, mais encore une fois, je crois que l'on y décèle l'utilisation frauduleuse des numéros lorsque quelqu'un tente d'obtenir des prestations auxquelles il n'a peut-être pas droit. On constate la fraude parce que c'est très évident, quelqu'un de 25 ans, par exemple, qui demande des prestations de vieillesse.

C'est une réponse très superficielle à votre question, mais je pense que DRHC ainsi que les administrateurs du programme sont mieux placés pour vous expliquer comment ils décèlent de telles fraudes.

La présidente: Je suppose que je réfléchis à haute voix, mais quelle protection a mon époux?

J'ai prévenu Développement des ressources humaines. J'ai prévenu la police qui m'a répondu que ça ne valait même pas la peine de mettre cet individu sous arrestation ou d'aller le voir.

Quelle est la suite des événements pour quelqu'un dont l'identité a été volée, quelle protection mon époux peut-il espérer si dans 20 ans, cet individu décide de réactiver le numéro? C'est ce que cet individu pourrait faire s'il était retors et adroit, comme on nous a dit plus tôt que de telles personnes le sont. Il pourrait gagner accès à nos comptes en banque; il pourrait obtenir accès à nos dossiers personnels avec ce numéro. Quels recours avons-nous?

M. Ian Sinclair: Du point de vue administratif, il y un registre de l'assurance sociale que maintient DRHC. Ce numéro bien sûr est utilisé dans le cadre d'une vingtaine d'autres programmes gouvernementaux.

Quant à ce qui se produira dans 20 ans, c'est la même chose que si votre carte de crédit était volée et que le voleur décide d'attendre longtemps avant de l'utiliser. Vous courez un risque et c'est pourquoi notamment...

La présidente: Ce qui me préoccupe personnellement, c'est l'atteinte à la vie privée.

M. Bruce Phillips: La fausse identité? Oui, c'est extrêmement grave.

La présidente: Oui, c'est très grave.

M. Bruce Phillips: Permettez-moi de dire ceci. Je ne pense pas qu'il y ait de réponse parfaite, mais certainement il y a un moyen et on devrait resserrer les modalités d'émission, les dossiers, et tout le reste. Nous n'allons guère régler le problème en émettant une carte encore plus globale qu'il nous faudrait présenter pour un plus grand nombre de choses.

La présidente: Merci. Nous faisons beaucoup d'esprit. Même sans NAS, nous pourrions être pris dans une masse.

Monsieur Wilfert, à vous les questions de la fin.

M. Bryon Wilfert: Madame la présidente, Rousseau, le grand philosophe français, a écrit le Contrat social en 1755 sur la relation entre les gouvernés et les gouvernants. Ce n'est pas dans cette oeuvre, mais ailleurs qu'il a dit essentiellement qu'en essayant de protéger l'intérêt public, il arrive souvent que ce soit aux dépens de la liberté individuelle.

Incontestablement, je pense que M. Sinclair l'a mentionné dans son exposé, nous avons la responsabilité de tenter de créer un équilibre entre la vie privée et la prestation des programmes gouvernementaux. Évidemment, si nous refaisons le programme de NAS, dans quel but le ferions-nous? Je pense que nous avons entendu quelques idées. Quels sont les objectifs qu'il nous faut fixer pour ce programme? Quel genre de régimes faut-il donc concevoir afin d'équilibrer la prestation des programmes et les droits individuels? Comment faire la surveillance du programme pour éviter de nous retrouver dans la situation actuelle? Et évidemment il y a aussi la question des sanctions.

• 1340

Le fait que nous avons un si grand nombre de témoins ici aujourd'hui, y compris les trois autres là, signifie que le programme n'est pas réuni sous un seul toit, ce qui est en soi une source de préoccupations. Trop de cuisiniers gâtent la sauce. Nous avons au moins quatre ministères gouvernementaux, il y a le commissaire à la vie privée—c'est un problème.

Évidemment, la population n'aime pas apprendre l'existence des abus du genre de celui décelé par exemple au Québec lorsque le gouvernement a constaté après avoir émis une nouvelle carte de santé que 75 000 personnes n'avaient pas demandé la nouvelle carte. C'est formidable. Le problème demeure toutefois, comment ces personnes s'y étaient-elles prises?

Je sais qu'au cours des années 80, le gouvernement du Massachusetts a examiné les dossiers individuels des prestataires de l'assistance sociale, les comptes en banque et on a pu déceler qui fraudait l'État de Massachusetts. C'est très louable, mais la question demeure, comme vous le dites...

Monsieur Phillips, vous parlez comme un libéral classique du XIXe siècle, et je dois dire que nous sommes nombreux à avoir abandonné cette vision à bien des égards. Il n'en demeure pas moins que cette question de la liberté individuelle, c'est du libéralisme classique. Je conviens que le NAS n'est qu'une toute petite partie du problème.

Lorsque j'ai appris qu'en 1987, il avait été recommandé de transformer l'abus du NAS en délits criminels... J'étais à un comité l'autre jour, et j'ai sorti un rapport vieux de six ans qui portait déjà sur les mêmes questions et les mêmes recommandations. J'ai de meilleures choses à faire que de traîner là à ressasser les mêmes questions. Malheureusement, on produit tous ces merveilleux documents—et celui-ci est probablement un très beau document, que je n'ai pas lu, dans lequel on trouve d'excellentes idées—mais qu'arrive-t-il ensuite?

J'aimerais donc que nous songions très sérieusement à en débattre. J'aimerais que nous nous demandions si nous allons mettre sur pied un régime et quels en seraient les objectifs. J'aimerais savoir pourquoi il faut que tous ces gens y consacrent un temps précieux. Mettons tout sous un même toit et faisons quelque chose. Lançons la discussion que nous aurions peut-être dû tenir il y a 20 ans, ou peut-être en 1964, sur la direction à prendre. L'efficacité, c'est formidable. Par contre, c'est parfois coûteux. Je ne parle pas uniquement d'argent, je parle aussi de liberté.

Ma principale question, je suppose, vise à savoir pourquoi il faut mettre tant de mains à la même pâte? Si nous centralisions, si nous mettions sur pied un système où les conditions et les règlements sont très précis? Je pense qu'il nous faut, non pas apporter des améliorations, mais tout recommencer.

En ce qui concerne l'identification... Les guichets automatiques sont formidables, mais ils permettent aussi de dire... Si vous vous en servez, vous signalez où vous vous trouviez à une heure précise, combien d'argent vous avez retiré, ce que vous achetez. C'est peut-être très commode, mais songez à ce que vous cédez?

Le président: Est-ce que quelqu'un veut répondre ou faire un commentaire?

Mme Elizabeth Sanderson: Comme fonctionnaire et employée du ministère de la Justice, j'aimerais simplement expliquer pourquoi il faut mettre tant de mains à la pâte. Certains sont responsables de l'étude du NAS et doivent tenter de trouver un juste milieu entre les valeurs et les intérêts, ce qu'aucun ministère ne saurait faire seul.

Par exemple, ma ministre a la responsabilité de donner une opinion définitive sur le respect ou non-respect de la Charte. La Charte est au coeur même de toutes discussions sur l'utilisation d'un identificateur national. L'article 8 de la Charte protège contre les fouilles et perquisitions abusives, et si ce risque existe ou si l'article 7, le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité, entrait aussi en ligne de compte, elle participerait aux discussions. Nous ne pouvons, dans ces circonstances, devenir l'administrateur du régime, nous n'avons pas les compétences voulues pour gérer une telle carte et nous nous tournons donc vers nos collègues du Conseil du Trésor ou de DRHC. Déjà donc, vous allez immanquablement faire affaire avec plus d'un ministère à cause de la nature même de la chose.

M. Bryon Wilfert: Il appartient au Conseil du Trésor d'établir la politique et les directives, au commissaire à la vie privée de faire appliquer la Loi sur la protection de la vie privée, et il y a aussi un DRHC. Le fait est qu'un si grand nombre de gens, de fonctionnaires, se nuisent les uns les autres...

La présidente: J'aimerais poser une question rapide. Est-ce que la comparaison de données au DHRC est assujettie aux directives du Conseil du Trésor?

M. Ian Sinclair: Toutes les institutions fédérales y sont assujetties. Toutefois, comme nous le savons tous, en ce qui concerne la politique et les directives, jusqu'à quel point on les respecte, voilà une autre question.

La présidente: Vous avez tous fait preuve de patience. Nous avons abusé de votre temps, mais il nous serait facile de vous garder ici pendant encore un mois.

• 1345

À ce stade-ci, j'estime qu'il est important d'avoir au procès-verbal une réponse exacte à chacune des questions soumises par le vérificateur général. Nous n'avons pas le temps d'examiner de plus près les huit recommandations, mais il nous serait utile d'obtenir la réponse du ministère aux questions soulevées par le vérificateur général. J'ai oublié de demander la même chose aux fonctionnaires du ministère des Ressources humaines et nous allons donc le faire par écrit.

Merci encore de votre patience et de votre indulgence. Cette réunion a été une des plus intéressantes que nous ayons eues.

Merci à tous d'être venus.

La séance est levée.