HRPD Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON HUMAN RESOURCES DEVELOPMENT AND THE STATUS OF PERSONS WITH DISABILITIES
COMITÉ PERMANENT DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES ET DE LA CONDITION DES PERSONNES HANDICAPÉES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 24 mars 1998
[Traduction]
Le président (M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.)): Je déclare la séance ouverte. Nous reprenons donc l'étude du projet de loi C-19.
Je vous souhaite la bienvenue, monsieur le ministre. Je suis heureux que vous ayez bien voulu venir pour présenter vous-même ce projet de loi. Nous allons vous demander de nous présenter les personnes qui vous accompagnent, puis nous vous écouterons exposer le projet de loi, et ensuite les membres du comité auront sans doute une ou deux questions à vous poser.
L'hon. Lawrence MacAulay (ministre du Travail, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président, et chers collègues, membres du comité.
Je suis accompagné de M. Mel Cappe, sous-ministre, et de M. Mike McDermott, sous-ministre adjoint principal.
• 0940
Je suis heureux de me joindre à vous pour discuter des
importantes dispositions du projet de loi C-19.
Permettez-moi d'abord d'énoncer quelques points sur lesquels nous pouvons nous entendre. Notre pays est l'un des deux plus grands du monde, et sa population est relativement peu nombreuse. En outre, la responsabilité pour les questions de travail est partagée entre 11 administrations. Par conséquent il est difficile d'établir une législation en matière de relations du travail qui fasse toujours l'unanimité.
Nous pouvons tous reconnaître que le respect dont le Canada a toujours fait preuve à l'égard du processus de la négociation collective, qui remonte au début du siècle, a bien servi notre pays. Même pendant ce débat nous avons reconnu le taux de réussite de 95 p. 100 obtenu dans le règlement des négociations collectives. Cela signifie que 95 p. 100 de tous les différends sont réglés sans grève ni lock-out.
Nous avons tous admis qu'il est nécessaire de réviser en profondeur et rapidement la partie I du Code canadien du travail, afin que la nouvelle loi réponde aux besoins du XXIe siècle.
Enfin, je crois que la plupart, sinon la totalité, des députés reconnaîtront que le Groupe de travail Sims, dont le mandat consistait à formuler un ensemble détaillé de recommandations, regroupait les personnes du milieu des relations industrielles les plus compétentes pour se charger de cette tâche. Elles possédaient en effet les compétences et la sagesse nécessaires pour savoir où et quand des compromis s'imposaient.
Les participants au processus de consultation ont pris leur temps; ils ont bien fait leur travail et proposé des options susceptibles de convenir, selon eux, aux syndicats et aux employeurs. Les consultations ont été nombreuses, je peux vous l'assurer. La plupart des questions qui revenaient constamment à la Chambre pendant le débat en deuxième lecture étaient, dans la majorité des cas, celles qui avaient posé le plus de problèmes aux membres du Groupe de travail Sims. Ces derniers ne sont parvenus à s'entendre sur ces questions qu'à force de consultations et de compromis. J'aimerais aborder ici trois de ces questions.
La question la plus débattue a été l'article 87.7. Cet article découle des travaux de la Commission d'enquête sur les relations dans les ports de la côte Ouest et des recommandations du Groupe de travail Sims. La commission d'enquête et le groupe de travail ont tous deux indiqué que la perturbation des exportations de grain est l'élément déclencheur pour l'adoption d'une loi de retour au travail. La commission a comparé la négociation collective dans l'industrie du débardage de la côte ouest à un rituel qui ressemble davantage à une partie de poker où le tour dans la manche est la capacité de bloquer les exportations céréalières.
Même si les deux enquêtes ont fait ressortir le même problème, les solutions proposées pour les régler différaient grandement dans les deux cas. La commission préconisait une démarche nécessitant au bout du compte l'établissement d'un système permanent d'arbitrage obligatoire. Je sais aussi que pour certains d'entre vous l'arbitrage des offres finales est le moyen le plus efficace de dénouer ces impasses, non seulement dans le secteur de la manutention des grains, mais aussi dans d'autres secteurs clés. Les membres du Groupe de travail Sims ont pour leur part proposé un moyen moins radical pour éliminer l'élément déclencheur de l'intervention politique, soit l'exportation du grain, des négociations syndicales-patronales.
Lorsque nous avons examiné les options qui s'offraient à nous, nous avons dû tenir compte de l'opposition générale des syndicats et des employeurs à l'utilisation de l'arbitrage obligatoire pour régler les différends entre employeurs et employés.
L'article 87.7 n'a pas pour objet d'éliminer la négociation collective dans le secteur du transport du grain. Il règle plutôt le cas du secteur où peut se produire un goulot d'étranglement, c'est-à-dire le chargement des navires. Nous voulons empêcher le «tour dans la manche» utilisé par les deux parties pour amener le Parlement à régler le problème à leur place lorsque les négociations sont paralysées.
La meilleure solution pour tout le monde est l'entente négociée par les parties elles-mêmes, sans la menace d'une loi de retour au travail ou l'arbitrage forcé.
Les règlements imposés par des tierces parties permettent rarement de régler les questions complexes. Il est possible d'éliminer par ce moyen une difficulté à court terme, mais il engendre la colère chez les travailleurs ou le mécontentement chez l'employeur, sentiment qui peut se transformer par la suite en un ressentiment durable et latent. Rien n'est aussi efficace qu'un accord négocié et arrêté par les parties.
• 0945
Cela ne veut pas dire que l'arbitrage des offres finales n'a
pas son utilité, en particulier lorsqu'il ne reste qu'une ou deux
questions pécuniaires. Quand les parties elles-mêmes déterminent
l'arbitrage comme étant la meilleure solution, l'arbitrage des
offres finales devient un bon outil pour l'arbitre. Toutefois, cet
arbitrage n'est pas une panacée, et la possibilité qu'il soit
enchâssé dans une loi pour régler tous les arrêts de travail
pourrait mener à un usage abusif et à la manipulation.
En outre, dans l'arbitrage des offres finales, il y a un gagnant et un perdant. La meilleure solution demeure encore celle à laquelle en sont arrivées les parties dans le cadre de la négociation collective.
Essentiellement, l'article 87.7 a pour objet de réduire les perturbations dans les exportations de grain et de dissuader les parties de compter sur une intervention législative.
L'article 87.7 est-il la solution à tous nos problèmes? Certainement pas. Mais c'est un point de départ important. Si important, en fait, que nous nous sommes engagés à en vérifier l'efficacité en 1999, après la prochaine série de négociations dans les ports.
Le recours aux travailleurs de remplacement est une autre question qui a suscité un débat animé entre certains députés. J'ai constaté que les députés du Parti réformiste et ceux du Bloc québécois ont de la difficulté à s'entendre sur la réglementation du droit ou l'interdiction de recourir à des travailleurs de remplacement. C'est peut-être parce que nous avons trouvé un compromis raisonnable.
J'ajouterais toutefois que j'ai tenu compte des inquiétudes des intervenants syndicaux et patronaux au sujet du libellé de cette disposition. Par conséquent, elle reprend maintenant la formulation utilisée dans le rapport Sims, comme le demandait d'ailleurs les parties.
Quelle que soit votre idéologie par rapport à cette question, pour ce projet de loi, à ce moment-ci, il faut choisir un moyen terme. Nous régresserions si nous interdisions complètement le recours aux travailleurs de remplacement ou si nous permettions leur utilisation générale, sans nous préoccuper de la notion de justes pratiques de travail. La longue lutte que nous avons menée pour en arriver à un compromis raisonnable sur cette question délicate reprendrait de plus belle.
Étant donné les points de vue opposés exprimés au cours des délibérations, choisir une solution extrême par rapport à une autre nuirait tout simplement à l'adoption du projet de loi, parce qu'il y aurait encore un débat animé et des désaccords. À mon avis, la disposition, telle qu'elle est formulée, est le meilleur compromis possible.
Je comprends les préoccupations exprimées par les députés concernant la question de la protection de la vie privée et de la confidentialité pour les travailleurs à distance. Si nous reconnaissons que ces travailleurs ont droit à toute information que le syndicat pourrait distribuer dans un lieu de travail traditionnel, il ne nous reste plus qu'à nous entendre sur la façon de communiquer cette information.
J'affirme que tous les efforts déployés l'été dernier pour établir des mécanismes appropriés afin de protéger la vie privée respectent le droit des travailleurs à l'information tout en protégeant leur intimité et en assurant leur sécurité.
Je vous exhorte à lire attentivement l'article 50 du projet de loi au complet. Il porte précisément sur la protection de la vie privée des particuliers et sur les pouvoirs conférés au conseil pour qu'il y veille. Je sais que mes collègues ont soulevé d'autres questions, mais ce sont les trois questions mentionnées ici qui ont suscité le plus de discussions.
En conclusion, j'aimerais préciser que le projet de loi reflète l'étude menée ainsi que les compétences et le consensus de ceux qui doivent en subir les conséquences. Le processus a été long, car arriver à un consensus est toujours difficile. Tout changement majeur à l'une de ces dispositions risque de compromettre l'équilibre et les compromis auxquels nous sommes arrivés.
Je demande donc à mes collègues de réfléchir à ce qui suit: dans votre désir d'améliorer ce projet de loi, vous ne devez pas, par mégarde, changer les points sur lesquels les principaux intervenants se sont déjà entendus. Une loi ne peut à elle seule satisfaire aux besoins de tous, mais le Groupe de travail Sims, dont les recommandations sont le fondement de ce projet de loi, a été bien près de réaliser cet exploit.
Nous avons là une occasion unique de progresser en rendant ce qui est possible bien réel. Continuons sur notre lancée. En dernier ressort, ce qui importe, c'est d'adopter le projet de loi C-19.
Je vous remercie. Je m'empresserai maintenant de répondre à vos questions.
Le président: Je vous remercie, monsieur le ministre. Vous avez mis neuf minutes quarante-huit secondes à lire votre discours; c'est un vrai record!
M. Lawrence MacAulay: Je vous remercie, monsieur le président.
Le président: Un record d'efficacité et, ajouterais-je, de limpidité.
M. Lawrence MacAulay: J'ajouterais, monsieur le président, que je suis souffrant: j'ai subi une opération à l'oeil, et je n'y vois pas bien. Certains de mes collègues me feront peut-être remarquer que je n'y vois jamais bien—j'ai parfois du mal à reconnaître... Enfin, peu importe.
Le président: Sachez seulement que je regarde toujours dans cette direction; ce n'est donc pas simplement...
Des voix: Bravo!
Le président: Je vais me montrer strict pour que nul ne dépasse le temps alloué, afin que chacun ait la possibilité de poser des questions au ministre. Les collaborateurs du ministre, eux, resteront jusqu'à 13 heures, de sorte que nous pourrons poursuivre la discussion.
Je donne la parole à M. Johnston.
M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.): Je vous remercie, monsieur le président.
Je vous souhaite la bienvenue, monsieur le ministre, ainsi qu'à vos collaborateurs, et vous remercie d'avoir bien voulu comparaître.
Le ministre a passé beaucoup de temps à discuter du projet d'article 87.7, qui porte sur l'acheminement du grain dans les ports. Pourrait-il nous dire exactement à quoi cet article s'applique? Est-ce seulement aux céréales qui sont dans le port, ou bien cet article vise-t-il l'acheminement du grain depuis l'entreprise agricole jusqu'au navire, et celui-ci tant qu'il se trouve dans le port?
M. Lawrence MacAulay: Je vous remercie, monsieur Johnston.
Au cours des 25 dernières années nous avons eu 12 arrêts de travail, dont neuf portaient sur le grain. Dans sept de ces cas le Parlement a dû intervenir en ordonnant le retour au travail, et ce, parce que le chargement du grain dans le port avait été interrompu. Le conflit ne portait pas sur l'acheminement du grain depuis l'entreprise agricole jusqu'au port. Le problème, c'est que le grain est utilisé comme arme, pour régler un conflit.
Comme je l'ai fait savoir dans mon discours, c'est dans la zone de chargement qu'il y avait un goulot d'étranglement. Tous les députés conviennent certainement que nous sommes tous en faveur de la négociation collective, mais en dernier ressort le mécanisme se grippe, parce que le gouvernement doit intervenir. Ce n'est pas à cause du conflit que le gouvernement intervient, mais afin de permettre l'acheminement du grain. L'adoption de ce projet de loi permettrait tant au patronat qu'aux employés de prendre la responsabilité de régler le conflit de travail sans que le Parlement intervienne.
M. Dale Johnston: Ajoutons qu'il existe sept syndicats des chemins de fer, et que s'il y a perturbation du travail dans l'un ou l'autre de ceux-ci, le grain n'arrivera pas à bon port. Ce projet de loi s'applique donc, pour l'essentiel, au grain qui est déjà dans le port.
Je reconnais qu'il y a eu des cas où les arrêts de travail étaient le fait soit de ceux qui chargent le grain, soit des gestionnaires du port. Ce projet de loi s'applique-t-il simplement au grain qui est dans le port? De quelle utilité serait-il s'il y avait un arrêt de travail ordonné par l'un des syndicats qui regroupent ceux qui sont chargés du transport du grain jusqu'au port?
M. Lawrence MacAulay: Je le disais tout à l'heure, Dale, ce projet de loi ne peut satisfaire tout le monde et ne peut prévoir tous les cas. Il est impossible de rédiger un projet de loi qui résolve tous les problèmes.
Le Groupe de travail Sims, vous ne l'ignorez pas, a étudié de très près ces questions et a constaté que le vrai problème se trouvait au point de chargement. Comme je le dis clairement, ce groupe a conclu que c'était le Parlement qui détenait la carte maîtresse. L'intention du projet de loi, c'est que le processus de négociation collective fonctionne à cet égard.
Quand vous avez douze arrêts de travail, dont neuf portent sur le grain et sept doivent faire l'objet d'une décision du Parlement... C'est sans doute la raison pour laquelle le Groupe de travail Sims a recommandé que nous prenions des mesures, et c'est ce que nous avons fait. Comme je le disais tout à l'heure, nous voulions permettre au processus de négociation collective de fonctionner pour les ports de la côte ouest. Certes, il existe d'autres problèmes dans d'autres régions, dont la réglementation relève soit de la province, soit du gouvernement fédéral, et les problèmes continueront à se poser, mais c'est ce problème bien précis auquel nous avons voulu remédier.
M. Dale Johnston: On semble tenter de faire d'un petit groupe de travailleurs des travailleurs essentiels; cependant, à d'autres endroits dans le projet de loi, il y aura une interdiction de facto d'avoir recours aux travailleurs de remplacement. Pourquoi un mécanisme de règlement des différends, qu'il s'agisse d'une proposition finale ou d'un mécanisme établi dans votre ministère, ne serait-il pas préférable à ces deux...? Je crois qu'un mécanisme de règlement des différends permettrait de régler ces deux problèmes.
De plus, la dernière fois qu'il y a eu un arrêt de travail dans les ports de la côte ouest, le gouvernement a dû légiférer pour forcer les parties touchées à retourner au travail. En fait, les deux parties ont dû en venir à une entente en ce qui a trait aux questions non encore réglées. À quel mécanisme a-t-on eu recours dans cette affaire?
M. Lawrence MacAulay: Si vous voulez savoir à quel mécanisme on a eu recours, vous devriez le demander à Mike McDermott.
M. Michael McDermott (sous-ministre adjoint principal, ministère du Développement des ressources humaines): Parlez-vous des deux conflits des débardeurs, monsieur Johnston?
M. Dale Johnston: Je parle du conflit le plus récent dans les ports de la côte Ouest; dans cette affaire le Parlement est intervenu et a légiféré pour forcer les parties à retourner au travail. Elles sont retournées à la table des négociations, mais cela n'a rien changé au contrat. Comment a-t-on réglé toute cette affaire?
M. Michael McDermott: Les deux affaires lors de la dernière législature? Oui, cela a certainement eu un impact sur le contrat. La première mesure législative était le projet de loi C-10, et tout cela a été réglé par un arbitrage des propositions finales. Il s'agissait plutôt d'un lock-out que d'une grève, et le point en litige était... je crois que c'était 25 sous pour chacune des deux années. Ou peut-être même cinq ou dix sous; l'arbitrage des propositions finales a permis de démontrer qu'il y avait un écart très, très mince entre les deux parties. On y a donc eu recours. Pour le deuxième cas, je crois qu'il y a eu médiation-arbitrage pour le conflit des débardeurs.
M. Dale Johnston: Pourquoi ne pas avoir recours à un mécanisme de règlement des différends plutôt que de dire que les manutentionnaires céréaliers sont des travailleurs essentiels, ou interdire de facto le recours aux travailleurs de remplacement? Plutôt que prévoir ces dispositions dans le projet de loi, ne pourrait-on pas avoir recours à un mécanisme de règlement des différends; peut-être quelque chose qui se rapprocherait de ce qu'a mentionné M. McDermott?
M. Lawrence MacAulay: Comme je l'ai déjà dit, le mécanisme prévu pour la manutention des céréales dans l'Ouest permet au système de négociation de fonctionner. S'il y a grève, et que certains points sont en litige, nous ne voulons pas que le Parlement intervienne pour forcer les gens à retourner travailler. Tout ce que nous voulons, c'est que les deux parties, les syndicats et les employeurs, soient en mesure de régler le différend eux- mêmes. Trop souvent il a fallu régler toutes ces affaires en raison du goulot d'étranglement qui avait été créé par l'arrêt de travail. Grâce au projet de loi que vous étudiez actuellement, ce genre de chose ne se produira plus, et les parties touchées devront régler leurs problèmes sans que le Parlement ait à intervenir. Je sais que vous êtes parfaitement conscients de la situation, mais c'est la façon dont le système de négociation collective fonctionne. C'est ce que nous voulons voir se produire.
M. Dale Johnston: Je ne suis pas un enthousiaste des lois sur le retour au travail. Je dis simplement que si nous avions un mécanisme de règlement des différends au lieu d'une loi sur le retour au travail, au lieu de faire de ceux qui sont responsables du chargement des céréales dans les ports de la côte ouest des travailleurs essentiels, au lieu d'avoir ce genre de mesure indirecte contre le recours aux travailleurs de remplacement... Établissez un mécanisme de règlement des différends qui encouragera les parties touchées à en venir à un règlement négocié sans pour autant faire subir à l'économie et au public canadiens tous les problèmes associés au retrait des services qu'on ne peut obtenir ailleurs.
M. Lawrence MacAulay: Moi non plus je ne suis pas très friand des lois sur le retour au travail. C'est regrettable, mais parfois il faut avoir recours à de telles mesures. Je ne veux pas me répéter, mais je dois signaler que ce projet de loi permettra d'avoir recours beaucoup moins souvent à ce genre de mesure législative.
Comme vous le savez, nous allons étudier tout ce dossier à nouveau en 1999. Le gouvernement veut s'assurer que les céréales ne seront pas un facteur déterminant. Il nous faut simplement intervenir en raison des goulots d'étranglement qui se créent dans les ports canadiens. Il ne sera pas nécessaire d'avoir un autre mécanisme de règlement des différends, parce que nous allons avoir recours au système de négociation collective. Les syndicats et le patronat sur la côte Ouest sont parfaitement capables de se servir de ce système et sauront dorénavant que les céréales ne poseront pas de problème particulier; ainsi le Parlement n'aura pas à intervenir. De cette façon la responsabilité incombe à ces deux parties; vous savez que le système de négociation a fonctionné très bien au Canada pendant les 100 dernières années, et c'est pourquoi d'ailleurs j'appuie sans équivoque ce projet de loi.
M. Dale Johnston: Très bien, je vais passer à autre chose.
Le président: Monsieur Johnston, c'est votre dernière occasion de passer à autre chose.
M. Dale Johnston: Cela va, parce que je passe directement au coeur de la question.
Monsieur le ministre, appuyez-vous le droit démocratique des travailleurs de décider, par vote secret, si leur syndicat devrait être accrédité, ou même s'ils veulent être représentés par un syndicat?
M. Lawrence MacAulay: Il n'y a vraiment rien qui vous échappe, Dale.
Le président: C'est la première fois que j'entends quelqu'un lui faire un tel compliment.
M. Lawrence MacAulay: J'appuie le projet de loi, et, comme vous le savez, si plus de 50 p. 100 des détenteurs de cartes ont signé, le syndicat serait accrédité. Ces dispositions figurent dans le projet de loi, comme vous le savez pertinemment, et je les appuie. Je crois que c'est également un processus démocratique. Le travailleur n'est pas tenu de signer la carte, mais s'il la signe, et qu'il y a une majorité, c'est le syndicat qui contrôle toute la situation. Je crois que c'est une façon correcte et démocratique de procéder.
Le président: Merci, monsieur Johnston.
Monsieur Rocheleau.
[Français]
M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Monsieur le ministre, ma question concerne l'absence de véritables mesures portant sur l'embauche de travailleurs de remplacement. En cette matière, le projet de loi s'appuie sur le rapport Sims, mais on peut penser que le chapitre du rapport Sims portant sur la question des travailleurs de remplacement est un des chapitres les plus faibles de ce rapport.
Reconnaissez-vous que le gouvernement légalise ou accrédite l'embauche de travailleurs de remplacement au lieu de dénoncer cette pratique des employeurs et de prendre des mesures en conséquence?
[Traduction]
M. Lawrence MacAulay: Monsieur Rocheleau, ai-je bien compris? Me demandez-vous si je crois qu'ils devraient pouvoir embaucher des travailleurs de remplacement? Ai-je bien compris?
[Français]
M. Yves Rocheleau: Est-ce que vous êtes conscient que, par le libellé de ce projet de loi, le gouvernement se trouve à légaliser l'embauche de travailleurs de remplacement, ce qui est interdit au Québec?
[Traduction]
M. Lawrence MacAulay: Merci beaucoup. Le projet de loi indique qu'une compagnie a le droit d'avoir recours aux travailleurs de remplacement, et j'appuie cette disposition. Comme vous le savez, cependant, s'il y a un problème, il faut indiquer clairement la situation au conseil. Si la compagnie tente de miner la position du syndicat en ayant recours aux travailleurs de remplacement, le conseil a alors le pouvoir de refuser le recours à ces travailleurs pendant la durée du conflit. Je crois que c'est juste.
[Français]
M. Yves Rocheleau: Est-ce qu'on pourrait savoir pourquoi le gouvernement canadien ne s'inspire pas davantage des expériences vécues ailleurs, notamment au Québec où, depuis plus de 20 ans, on a une loi antibriseurs de grève qui a eu des effets très bénéfiques sur la durée des conflits de travail et sur la violence?
• 1005
On sait jusqu'à quel point certaines situations
deviennent critiques et dramatiques
lorsque des travailleurs se
voient privés de leur emploi et qu'en plus, on
embauche des gens pour faire le travail à
leur place. On voit ce que cela a
donné lors du conflit d'Ogilvie, à Montréal. Ces
gens ont bénéficié de l'assurance-chômage et
de la complicité du Centre d'emploi du Canada
pour l'embauche de scabs. On est dans un panier de
crabes quand on accepte encore aujourd'hui de s'embarquer
là-dedans.
On a un exemple tout près, au Québec, où la situation s'est beaucoup améliorée. Pourquoi ne pas s'inspirer, dans le respect de l'évolution civilisée de la vie en société, de cet exemple et peut-être aussi d'autres exemples?
[Traduction]
M. Lawrence MacAulay: Me demandez-vous, monsieur Rocheleau, si vous pouvez embaucher les travailleurs de remplacement après le conflit?
[Français]
M. Mel Cappe (sous-ministre du Développement des ressources humaines): Monsieur Rocheleau, on s'est inspirés de plusieurs expériences partout au Canada.
Une chose importante dans le libellé qu'on a ici, c'est le fait qu'on laisse les parties régler elles-mêmes leurs propres différends. Cependant, le projet de loi précise qu'un employeur ne peut embaucher des gens pour remplacer les grévistes
-
dans le but établi de miner la capacité
de représentation d'un syndicat plutôt que
pour atteindre des objectifs légitimes de négociation.
Donc, la loi permet l'embauche de scabs ou de travailleurs de remplacement, mais interdit l'embauche de ces gens dans le but
[Traduction]
de miner la capacité des parties de régler le conflit d'elles- mêmes.
M. Lawrence MacAulay: J'aimerais d'ailleurs signaler que ces propositions ont été appuyées dans le rapport de la Commission Sims. C'est une question qui va entraîner de la division, mais on en est finalement venu à un consensus et on a décidé que cette disposition devrait être incluse dans la mesure législative.
[Français]
M. Yves Rocheleau: J'ai une autre question. Est-ce qu'on pourrait savoir, monsieur le ministre, pourquoi le gouvernement fédéral n'a pas été plus attentif aux revendications des gens de la Gendarmerie royale du Canada, qui voudraient être traités de façon plus équitable dans leurs relations de travail? Ils voudraient, non pas avoir le droit de faire la grève, mais au moins avoir le droit de négocier un peu leurs conditions de travail au lieu que celles-ci soient laissées au bon vouloir, pour ne pas dire à l'arbitraire de l'employeur.
Enfin, pourquoi n'a-t-on pas acquiescé aux revendications des employés de la fonction publique du Canada, qui désiraient être assujettis au Code canadien du travail plutôt qu'à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, qui régit les relations entre l'employeur et les employés du gouvernement canadien?
[Traduction]
M. Lawrence MacAulay: Monsieur Rocheleau, le rapport de la Commission Sims n'a pas recommandé cela. Mike McDermott pourrait peut-être ajouter quelque chose.
[Français]
M. Michael McDermott: Le rapport Sims dit que le droit de négociation dans la Gendarmerie royale doit être de la compétence du gouvernement, mais qu'on ne doit pas en traiter dans le Code canadien du travail même. C'est très clair. Il dit qu'il faut déterminer s'il est nécessaire qu'il y ait un système de négociation dans la Gendarmerie royale. Je crois que le solliciteur général a déjà pris des mesures pour assurer des moyens de consultation entre les membres et la gestion de la Gendarmerie. Ils n'ont pas encore adopté un système de négociation collective. Sims n'a jamais dit que cela devait être sous l'égide du Code.
C'est la même chose pour la fonction publique. Sims a laissé cela de côté. Il a accepté d'entendre des représentations à ce sujet, mais il a pris note du fait qu'il y avait déjà un système bien développé de négociation collective dans la fonction publique, à l'extérieur du Code canadien du travail.
M. Yves Rocheleau: Oui, mais il faut être conscient des raisons pour lesquelles les gens de la fonction publique du Canada demandent d'être assujettis au Code canadien du travail.
Actuellement, si on comprend bien, ils sont privés de droits très importants par rapport aux syndiqués qui sont sous l'égide du Code canadien du travail. Il y a en quelque sorte deux catégories de travailleurs dans ce pays. Les travailleurs de la fonction publique fédérale s'en plaignent et voudraient conséquemment, pour pouvoir revendiquer certains droits, être assujettis au Code canadien. Pourquoi? Parce que, je suppose, le ministère du Travail du Canada a une forme de liberté de pensée face au rapport Sims.
J'ose espérer, compte tenu de toute la qualité qu'il y a à la fonction publique, qu'on trouvera des hauts fonctionnaires, notamment au ministère du Travail, qui soient capables d'une réflexion qui soit en dehors de celle du rapport Sims et qui puissent recommander au gouvernement ce qui s'impose dans ses relations, tant avec les gens de la Gendarmerie qu'avec les gens de la fonction publique. Je suppose qu'on n'est pas assujetti au rapport Sims à ce point.
[Traduction]
M. Lawrence MacAulay: Comme vous le savez, cela fait partie d'un régime différent. Mike voudra peut-être ajouter quelque chose.
[Français]
M. Michael McDermott: Ce n'est pas partout au pays que l'on trouve un système de négociation collective régi par le code du secteur privé; la police en est un exemple. Les conventions collectives sont souvent régies par un autre régime, comme dans le cas des fonctionnaires. Certains adoptent à peu près le même code pour les fonctionnaires et prévoient des dispositions précises qui traitent des fonctionnaires. Dans d'autres provinces, il y a des lois spécifiques visant les fonctionnaires, la police, les services d'incendie et d'autres groupes de ce genre. Au fédéral, nous avons un système bien développé pour les fonctionnaires.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Rocheleau. Je devrais vous souhaiter, ainsi qu'à M. Martin, la bienvenue, car vous êtes les porte-parole de vos partis dans ce secteur.
Vous avez maintenant la parole, monsieur Martin.
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Je dispose de combien de temps, monsieur le président?
Le président: C'est le premier tour de questions, et vous disposez de 10 minutes.
M. Pat Martin: Tout d'abord, monsieur le ministre, en ce qui a trait au maintien du service, ce qui importe, c'est que les céréales soient acheminées; mais on parle également d'autres circonstances où le service doit être maintenu, même s'il y a un lock-out ou une grève, et ça, c'est quand il s'agit de la santé et de la sécurité du public. Pouvez-vous nous en dire un peu plus long là-dessus? Dans quelles circonstances pourrait-on avoir recours à ces dispositions?
M. Lawrence MacAulay: Évidemment, Pat, cela se retrouve à la partie II du code, qui porte sur la santé et la sécurité.
M. Pat Martin: Je crois qu'on en parle également lorsqu'on parle du maintien du service.
M. Lawrence MacAulay: Le maintien du service, oui, je vois, à la partie I. Vous voulez que je vous donne un exemple des circonstances dans lesquelles on peut invoquer ces dispositions, Pat, n'est-ce pas?
M. Pat Martin: J'aimerais plutôt savoir comment on pourrait invoquer ces dispositions, qui pourrait faire valoir devant le conseil que les circonstances... je n'ai pas besoin d'exemples précis. Pourriez-vous m'en dire un peu plus long sur le mécanisme auquel quelqu'un pourrait avoir recours pour assurer qu'un service sera maintenu même s'il y a grève ou lock-out?
M. Lawrence MacAulay: Ils devront alors s'adresser au conseil. Je laisserai Mike répondre à votre question, mais vous en parlez au conseil, peu importe de quel conseil il s'agit. Le projet de loi assure la création d'un nouveau conseil, évidemment. C'est à ce conseil qu'il faudra s'adresser.
Mike.
M. Michael McDermott: Dans ces dispositions on indique très clairement qu'on doit laisser les parties touchées, le syndicat et l'employeur, essayer de négocier les dispositions nécessaires afin de protéger la santé et la sécurité du public s'il y a un arrêt de travail. Cela serait la première étape.
On stipule que les deux parties doivent tenir compte de cet aspect lorsqu'elles entament les négociations, lorsqu'on a présenté un avis de négocier; les deux parties doivent essayer de déterminer si elles peuvent s'entendre. Les propositions sont alors présentées au conseil, qui les étudie. S'il n'y a pas entente, le conseil peut quand même étudier la question.
Si les parties n'ont pas étudié la question, le ministre du Travail peut renvoyer le dossier au conseil et lui demander de décider s'il faut que certains services soient maintenus afin d'assurer la sécurité et la santé publiques. Ces dispositions indiquent clairement que la négociation est très importante. Elles indiquent également qu'on peut étudier la situation au fur et à mesure qu'elle évolue. Il se peut que certains services qui ne sont pas nécessaires à la santé et à la sécurité publiques la première journée du conflit le deviennent plus tard; ainsi il y a une certaine marge de manoeuvre prévue dans le projet de loi.
M. Pat Martin: Très bien. Merci.
Une des différences qui existent entre le projet de loi C-66 et le projet de loi actuel, C-19, c'est que lorsque l'on parle de l'interdiction du recours aux travailleurs de remplacement dans les dispositions sur les briseurs de grève, dans le nouveau projet de loi, on utilise le terme «établi»; ainsi il appartient au syndicat de démontrer que le recours aux travailleurs de remplacement démontre bien que la compagnie essaie de miner la capacité de représentation du syndicat. Ce changement semble très subtil, mais ajoute beaucoup au fardeau de la preuve et à la responsabilité. Une fois qu'on aura mis à l'épreuve ces dispositions lors d'arbitrages ou lors de travaux du conseil, quel impact pensez-vous que cela pourra avoir sur l'administration?
M. Lawrence MacAulay: Mike m'a donné quelque chose à lire, mais c'est écrit tout petit, et avec mon problème je n'y arrive pas.
M. Michael McDermott: C'est le projet de loi.
M. Lawrence MacAulay: C'est très simple: c'est au syndicat qu'il appartient de démontrer qu'il existe un problème. Par exemple, si le syndicat est d'avis que la direction ou la compagnie essaie de miner la capacité de représentation du syndicat en ayant recours aux travailleurs de remplacement, il faut régler le problème ou en saisir le conseil. Si l'on peut démontrer que c'est vraiment ce qui se passe, de telles actions vont à l'encontre du projet de loi. C'est l'objectif visé par le projet de loi. Les travailleurs de remplacement peuvent être recrutés s'ils ne sont pas embauchés simplement pour miner la capacité de représentation du syndicat; cependant, si l'on peut démontrer que la direction ou la compagnie n'a recruté ces travailleurs qu'à cette fin, il est évident que la direction ou la compagnie enfreint la loi.
Le terme «déterminé»...
M. Pat Martin: Il s'agit de «établi».
M. Lawrence MacAulay: Oh, «établi». Ah, c'est bien simple; cela veut dire qu'ils doivent démontrer au conseil que la compagnie agit de façon injuste et qu'elle a recours aux travailleurs de remplacement simplement pour miner la capacité de représentation du syndicat. Comme vous le savez très bien, cette question a suscité toute une controverse, mais c'est là le compromis auquel on en est venu. Il y a toutes sortes de compromis dans cette mesure législative, et nombre de mes collègues qui sont ici ne sont pas nécessairement du même avis. On a simplement convenu qu'on ne pouvait pas toujours être d'accord, et c'est pourquoi vous retrouvez ce libellé.
M. Pat Martin: Merci. Est-ce que j'ai le temps de poser une autre question?
Le président: Certainement. Si les autres questions sont du même calibre, vous pourrez même en poser deux.
M. Pat Martin: Pour ce qui est des travailleurs à distance, j'ai reçu certaines lettres dont les auteurs signalent que la principale question est celle des mesures que le gouvernement peut prendre pour assurer la protection des renseignements personnels concernant les travailleurs sur les lieux. Par exemple, le conseil peut intervenir et distribuer la documentation du syndicat à ces travailleurs à distance. Nous appuyons certainement de telles propositions. Nous sommes d'avis que les travailleurs à distance doivent avoir l'occasion de consulter tous les documents disponibles pour qu'ils puissent prendre une décision éclairée, à savoir s'ils veulent être représentés par un syndicat ou pas.
Ainsi, je vais simplement signaler que la communication devient vraiment unidimensionnelle et qu'on ne peut pas vraiment avoir d'échanges. Quand j'organise des activités syndicales, je me retrouve à la table de cuisine des gens et je parle avec eux en soirée en prenant un petit café, et on discute du pour et du contre du syndicalisme. Comment peut-on surmonter cet obstacle? Croyez- vous que l'intervention du conseil deviendra monnaie courante? Le syndicat pourra-t-il habituellement communiquer directement ces renseignements aux travailleurs à distance?
M. Lawrence MacAulay: Vous savez très bien, Pat, qu'on s'inquiétait beaucoup de la protection des renseignements personnels de l'employé. Comme vous l'avez signalé, il est vrai que l'employé a le droit d'obtenir ces renseignements; moi je me retrouvais entre les deux groupes et je voulais m'assurer que l'employé pourrait recevoir les renseignements provenant du syndicat.
• 1020
Comme vous le savez pertinemment, si l'employé travaillait sur
les lieux, il recevrait les renseignements à la porte de l'usine,
ou peu importe. Lorsqu'il s'agit d'un travailleur à distance, il
existe des problèmes au niveau de la protection des renseignements
personnels. S'ils veulent vous rencontrer dans leur cuisine, vous
serez dans leur cuisine.
M. Pat Martin: Pas si on ne connaît pas leur adresse ou leur numéro de téléphone...
M. Lawrence MacAulay: Le projet de loi prévoit un mécanisme qui leur permettra de recevoir ces renseignements. Et c'est bien juste. S'ils reçoivent les renseignements et décident qu'ils veulent un syndicat, je crois qu'il est simplement juste... comme ministre, je devais établir un système qui assurerait une certaine protection pour les renseignements personnels. Et c'est justement ce que l'on a fait.
M. Pat Martin: Je suis d'accord.
J'aimerais enfin aborder la composition du conseil. Nous avons été très heureux de la proposition visant la création d'un conseil vraiment représentatif. C'est une très bonne idée. Pour ce qui est de l'arbitrage accéléré, où l'affaire peut être entendue par un président ou un vice-président, pourriez-vous nous donner de plus amples renseignements? Croyez-vous que cela permettra d'accélérer le traitement de l'arriéré, par exemple, de demandes d'accréditation? Quel genre de dossiers cet arbitre unique ou ce vice-président unique entendront-ils?
M. Lawrence MacAulay: Évidemment, comme vous le savez pertinemment, Pat, ces dispositions ont été prévues afin d'assurer que le traitement des demandes serait rapide, mais également juste. Vous savez également que le conseil a été organisé afin d'assurer la représentation des deux parties.
Nous avons réussi, dans cette mesure législative, à assurer que ce conseil est vraiment représentatif à la fois des syndicats et du patronat. Mais je laisserai Mike répondre à votre question.
M. Michael McDermott: Nous avons dans ce projet de loi des dispositions qu'on retrouve dans les lois de certaines provinces canadiennes. Certaines questions dont sont saisis les conseils pourraient fort bien être entendues par un membre neutre plutôt que par un tribunal tripartite.
Habituellement, il s'agirait de questions comme le devoir de juste représentation, dans les cas où un syndicat peut représenter tous les membres de l'unité de négociation sans discrimination et les représenter de façon juste et équitable. S'il y a une plainte formulée contre le syndicat, c'est le conseil qui l'étudiera. Évidemment, s'il y a une commission tripartite, il sera peut-être un peu difficile pour le représentant du syndicat d'entendre certaines de ces choses et de sembler en fait objectif.
Même si ces représentants du syndicat sont objectifs, certains exprimeront quand même des doutes. Enfin, à l'occasion, même les représentants de l'employeur ne veulent pas se pencher sur ces différends entre un syndicat et ses membres. C'est assez épineux comme dossier.
On parle également du devoir de juste représentation lorsqu'on parle du bureau d'embauche syndical. On a précisé dans la loi que dans ces circonstances le président du conseil peut décider que l'affaire sera entendue par un seul membre.
Il y a d'autres cas, comme les demandes non contestées, les procédures préliminaires, et ce genre de choses. Lorsque le président est d'avis qu'il faut se prononcer le plus tôt possible sur un dossier, on décidera de nommer un seul membre. Dans chaque cas, évidemment, il doit s'agir d'un membre neutre du conseil.
Le président: Merci, monsieur Martin.
Monsieur Dubé.
[Français]
M. Jean Dubé (Madawaska—Restigouche, PC): Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre courte présentation qui permettra à tout le monde de poser des questions. Je dois vous dire que vous avez apporté beaucoup de bons changements à une loi qui s'avérait archaïque. Il était temps de la modifier. Nous avons aujourd'hui l'occasion de proposer d'autres changements et de la rendre peut-être un petit peu plus juste.
Vous avez mentionné que nous avions aujourd'hui l'occasion d'exprimer nos points de vue sur ce document. J'espère que vous tiendrez compte des préoccupations que nous avons entendues aujourd'hui, puisqu'elles reflètent ce que vivent plusieurs Canadiens dans plusieurs domaines.
Vous avez entendu les préoccupations face aux travailleurs de remplacement et aux travailleurs à distance. Mais une grande question se pose, soit celle de l'accréditation n'exigeant pas un vote majoritaire des employés. J'ai énormément de difficulté face à cela, étant un Canadien et un citoyen d'un pays démocratique. Je dois vous dire que si cette situation s'était produite lors du dernier référendum, nous aurions eu des problèmes. Je crains, monsieur le ministre, qu'on ne soit en train de créer un précédent dangereux.
• 1025
Je suis un nouveau député et quand j'ai lu cela pour
la première fois, j'ai émis de sérieuses réserves à cet
égard. Dans une démocratie, dans le pays où nous vivons,
50 plus 1 a toujours représenté la majorité.
Je vous demande donc ce qu'on
pourrait faire et si on ne risque pas de créer un
précédent dangereux.
Mon autre question a trait au
[Traduction]
commissaire à la protection de la vie privée. J'aimerais poser une question. Je sais que le commissaire à la protection de la vie privée a écrit à votre bureau en décembre 1997, signalant qu'il avait certaines préoccupations à l'égard de ce projet de loi. Pourriez-vous déposer auprès du comité cette lettre où le commissaire fait état de ses préoccupations à l'égard du nouveau projet de loi? Je sais qu'il a encore certaines préoccupations. Êtes-vous disposé à entendre ce qu'il a à dire avant de proposer l'adoption du projet de loi?
M. Lawrence MacAulay: Votre première question portait sur le fait que le conseil aurait le pouvoir d'accréditer un syndicat même s'il y a moins de... C'est une question fort complexe, on ne saurait en douter, mais si vous pouvez démontrer au conseil, qui, comme vous le savez, est composé de représentants des syndicats, du patronat, et de personnes neutres, si vous pouvez convaincre cet organisme quasi judiciaire que des activités inappropriées ont eu lieu, les membres de cet organisme ont alors le droit d'accréditer le syndicat. Bien simplement, ils en ont le pouvoir. Il s'agit d'un organisme quasi judiciaire, et je ne vois pas... Si cela se produisait, il faudrait démontrer à cet organisme quasi judiciaire que des choses inappropriées ont eu lieu. C'est pourquoi cet organisme existe.
Quant à votre deuxième demande, j'ai cru comprendre qu'on pourrait inviter cette personne à témoigner. Je vous laisserai lui poser les questions auxquelles il pourra répondre.
M. Mel Cappe: M. McDermott voudra peut-être ajouter quelque chose, mais je dois signaler que vous avez raison de dire que le commissaire à la protection de la vie privée avait certaines inquiétudes. Nous avons eu de longues discussions et consultations à la fois avec son bureau et avec le commissaire. En fait nous avons tous les deux discuté de la question après en être venus à ce libellé, et il jugeait qu'on avait tenu compte de nombre de ses préoccupations. La question l'inquiétait, et nous avons pris cela au sérieux.
M. Michael McDermott: Le commissaire à l'information et le commissaire à la protection de la vie privée, lors des discussions sur le projet de loi C-66, avaient fait état de certaines inquiétudes. On a tenu compte déjà de nombre de ces préoccupations. Je crois que le commissaire à la protection de la vie privée a toujours une préoccupation particulière, mais elle touche une affaire qu'étudient actuellement les tribunaux. Il s'agit de la protection des notes. Je crois qu'il en parlera d'ailleurs. Il parlera peut-être également des dispositions sur les travailleurs à distance lorsqu'il sera des vôtres.
À ma connaissance, la correspondance m'était adressée. Il s'agit de documents que le commissaire apportera peut-être. Dans la négative, nous pourrons vous les fournir. Nous le consulterons d'abord, et si nous pouvons les fournir nous le ferons.
M. Jean Dubé: J'aimerais poser une autre question. Puisque ce projet de loi modifie de façon considérable le Conseil canadien des relations du travail, j'aimerais profiter de la présence du ministre pour faire état d'une question qui m'inquiète.
Le préambule du Code canadien du travail est très clair et établit les principes régissant les relations du travail. On y réitère les principes de la liberté d'association et de la libre négociation collective comme étant les fondements mêmes de bonnes relations du travail. Pourtant, dans les documents que j'ai reçus et qui portent sur M. Paul Lordon, le nouveau président du CCRT, documents qui avaient été préparés lors de sa nomination au conseil des salaires de la GRC, on y dit que M. Lordon «juge qu'il est très important que les agents de la GRC ne fassent pas partie d'un syndicat».
• 1030
Le ministre ne trouve-t-il pas gênant que quelqu'un de cet
avis préside le conseil?
Question supplémentaire: s'il peut y avoir aussi peu de transparence dans la nomination de cette personne, comment les travailleurs et les employeurs canadiens peuvent-ils avoir l'assurance que le ministre nommera des membres impartiaux et compétents au nouveau conseil qu'il a l'intention de créer en apportant ces changements au Code canadien du travail?
M. Lawrence MacAulay: Merci beaucoup, Jean. Comme vous le savez, il existe des dispositions dans d'autres domaines concernant ce genre de choses. Comme vous le savez aussi, la GRC relève d'un régime différent.
Je suppose qu'il est assez difficile de trouver quelqu'un qui n'ait pas d'opinion sur quelque chose pour présider un conseil. Je n'essaie pas de jouer au plus fin, mais...
M. Jean Dubé: Vous avez des hauts fonctionnaires, vous en avez trois qui répondront.
M. Lawrence MacAulay: S'il vous plaît, soyez bon joueur.
En vérité, cela relève d'un régime distinct de celui dont il s'occupera.
M. Mel Cappe: Je dirais qu'on reconnaît que certains services essentiels nécessitent un régime distinct. Comme M. McDermott vient de le dire, dans bien des instances on accorde des exceptions et des exemptions pour les services de police.
Je pense que c'était une observation qui concernait tout particulièrement la Gendarmerie royale du Canada, et non pas la liberté d'association ni la liberté de négocier collectivement.
M. Jean Dubé: Je suis un peu préoccupé au sujet de la transition de l'ancien au nouveau conseil que votre ministère s'apprête à nommer. Il y a des membres, et ces membres qui siègent au conseil ont été nommés pour un mandat de quatre ans, il me semble. Leur mandat s'achève, et certains seront encore là peut- être pour deux ans.
Ne serait-il pas bon de recommander que les membres qui ont encore deux ans à remplir fassent partie de ce nouveau conseil? La transition du conseil me préoccupe. Je voudrais avoir votre avis à ce sujet, monsieur le ministre.
M. Lawrence MacAulay: Naturellement, la transition soulève un problème. Vous savez aussi que quand ce texte législatif a reçu la sanction royale, le conseil n'était pas encore en place. C'est une décision que M. Lordon prendra, après consultation. Puis, bien sûr, les nouveaux membres qui entreront en fonction seront désignés par décret.
De façon plus précise, quant à savoir ce qui se passera sur le plan juridique ou autre, je ne saurais répondre, parce que la décision n'a pas encore été prise. Nous suivons le dossier de façon continue. Il y a différents membres du conseil, comme vous le dites, dont le mandat s'achève. Certains ont encore deux ou trois ans à faire. C'est un problème de gestion courant que nous devons régler.
Voilà où nous en sommes—à moins que vous n'ayez quelque chose à ajouter, Mel—et si nous le voulions, nous pourrions prolonger leur mandat aussi.
M. Mel Cappe: Comme l'a dit le ministre, la sanction royale n'équivaut pas à une proclamation de la loi. Selon l'article 97 du projet de loi, certains articles de la loi entreront en vigueur à des dates différentes. Dans les dispositions de transition, toutefois, il y a une disposition sur la conclusion des causes en instance; c'est le paragraphe 88(2) du projet de loi. Il est possible qu'on ait besoin de recourir à cette disposition sur la conclusion des causes en instance, mais il faudra en juger en tenant compte des circonstances particulières de chacun des membres du conseil.
M. Lawrence MacAulay: C'est quelque chose que nous devrons évaluer. Comme vous le savez, M. Lordon a été nommé il y a peu de temps, et le projet de loi n'est pas encore adopté. Nous ne sommes encore sûrs de rien, mais quand le projet de loi aura été adopté il s'agira tout simplement d'une question de gestion, à laquelle nous ne manquerons certainement pas de veiller, je peux vous l'assurer.
Le président: Monsieur Wilfert.
M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Merci, monsieur le président.
Quand on est parmi les derniers à poser des questions, elles sont déjà presque toutes posées.
Monsieur le ministre, dans votre déclaration, au début, vous avez parlé de modération et de la nécessité d'assurer un équilibre dans le projet de loi, ce sur quoi je suis tout à fait d'accord. J'aimerais revenir sur un article que vous avez mentionné et parler d'un autre aussi.
Afin que je comprenne bien, à propos de l'accréditation automatique vous avez fait savoir que vous étiez d'accord pour un pourcentage de 50 p. 100 ou plus. Dans le code actuel, c'est en fait ce qui se produit. Quand une unité de négociation proposée veut s'implanter, elle doit recueillir la faveur de 50 p. 100 des employés ou davantage. Le projet de loi, si je comprends bien, conférerait au conseil le pouvoir de supplanter cette volonté. Bien sûr, dans la loi de l'Ontario sur les relations de travail, qui, je crois, est encore plus stricte en ce qui concerne l'accréditation automatique, la fameuse affaire Wal-Mart est entrée en ligne de compte, et on a prouvé que 44 p. 100 des employés étaient en faveur de l'adhésion, selon les Métallurgistes unis d'Amérique.
J'aimerais savoir quels seraient les critères, les mécanismes ou les éléments de preuve à fournir pour que le conseil aille à l'encontre de la volonté de ce qui serait en apparence une minorité, si une minorité de gens appuyaient l'accréditation d'un syndicat, et que le conseil était autorisé à revoir ce résultat, sur quels éléments de preuve précis et sur quels critères s'appuierait-il? Autrement, comme mon collègue de l'autre côté, je dirais que cela pourrait donner lieu à des pratiques injustes et antidémocratiques.
M. Lawrence MacAulay: Bryon, vous avez raison. C'est exactement ce que nous voulons éviter, des pratiques injustes et antidémocratiques, quelle qu'elles soient. Comme je l'ai déjà dit, le conseil est un organisme quasi judiciaire. Il n'est pas là pour favoriser qui que ce soit.
Il se trouve que si un syndicat tente d'obtenir une accréditation et peut prouver au nouveau conseil que des injustices ont été commises ou que des pratiques jugées non appropriées ont été employées, alors cette entité quasi judiciaire a le droit de ne pas tenir compte du résultat du vote. C'est ce qui se produit si les preuves présentées montrent que si cela ne s'était pas produit on aurait obtenu un résultat supérieur à 50 p. 100. Ce projet de loi repose entièrement sur l'équité, vise à garantir que l'équité est assurée du début à la fin.
Si le syndicat qui vise l'accréditation peut présenter à cet organisme quasi judiciaire des éléments de preuve établissant que la société ou la direction a fait appel à des pratiques non appropriées, le conseil en a alors bel et bien le pouvoir. Je suis sûr que c'est une chose qu'on ne prendra pas à la légère, mais vous devez bien comprendre qu'il s'agit ici d'un organisme quasi judiciaire. Des éléments de preuve sont présentés, on les évalue et on prend une décision.
M. Bryon Wilfert: Monsieur le ministre, en tant qu'organisme quasi judiciaire, il établira ce qui à son avis est admissible.
M. Lawrence MacAulay: Oui.
M. Bryon Wilfert: Y a-t-il un délai pour la présentation des éléments de preuve? Supposons que le syndicat n'est pas accrédité et qu'alors il se présente pour dire qu'il s'est produit ceci ou cela. Y a-t-il un délai?
M. Lawrence MacAulay: Je ne suis pas sûr des détails du projet de loi. À ce que je sache, il n'y en a pas. Je ne pense pas que quelqu'un attendrait deux ans pour intervenir.
M. Bryon Wilfert: Non, mais si l'on veut être logique, pourrait-il y avoir un délai de six mois? D'un an?
M. Mel Cappe: Monsieur Wilfert, si je comprends bien, le conseil n'est assujetti à aucun délai. Toutefois, il a l'obligation de rendre une décision. On dit: «le Conseil est d'avis que, n'eût été la pratique déloyale ayant donné lieu à la contravention», le syndicat aurait vraisemblablement obtenu les 50 p. 100. C'est une question très délicate. Il s'agit d'établir un rapport de causalité, et on doit établir qu'il y a eu pratique déloyale. Il faudrait un processus d'évaluation des éléments de preuve pour rendre une décision de cette nature.
M. Bryon Wilfert: J'ai posé la question parce que je n'avais rien vu à ce sujet et que je n'étais pas sûr de ce qu'il en était. Merci.
Ma deuxième question a trait au pouvoir qu'a le conseil de communiquer le nom d'employés et leur adresse à des syndicats, des tierces parties. Le caractère confidentiel de ces renseignements me préoccupe. Au paragraphe 109.1(4), on parle de fins «justifiées». Je me demande pourquoi on communiquerait ces renseignements et je m'interroge sur l'effet que pourrait avoir leur communication à des parties qui pourraient n'avoir aucun intérêt direct ni légitime dans l'affaire en question.
M. Lawrence MacAulay: Cela ne serait pas approprié. Vous voulez dire pour d'autres fins?
M. Bryon Wilfert: À des tierces parties, oui.
M. Lawrence MacAulay: Il est écrit très clairement dans le projet de loi que seuls les syndicats peuvent s'en servir si ce sont des renseignements qui leur appartiennent. Voulez-vous parler de noms de personnes à contacter dans d'autres secteurs?
M. Bryon Wilfert: Oui.
M. Lawrence MacAulay: Il y a une disposition précise à ce sujet dans le projet de loi. Mike peut vous dire exactement où elle se trouve. C'est prévu. Il est contraire à l'esprit du projet de loi d'utiliser ces renseignements pour toute autre chose que l'information du syndicat.
M. Mel Cappe: J'allais mentionner le paragraphe 109.1(3), où il est dit que le conseil peut communiquer l'information au nom des syndicats, plutôt que de leur en laisser le soin, s'il est d'avis qu'il y a un problème.
M. Michael McDermott: En outre, le paragraphe 109.1(3) est une nouvelle disposition qui ne se trouvait pas dans le projet de loi C-66. L'article 109.1(4) du projet de loi, qui est celui que le ministre a mentionné, est aussi nouveau et dispose tout simplement que:
-
Les noms et adresses des employés remis en vertu du paragraphe (1)
ne peuvent être utilisés qu'à des fins justifiées par le présent
article.
C'est une garantie additionnelle que le ministre a incluse dans le projet de loi C-19 et qui n'était pas clairement donnée dans le projet de loi C-66.
M. Lawrence MacAulay: C'est bien. Si je comprends bien, Bryon, vous invoquez la possibilité que ces renseignements soient utilisés pour des fins autres que celles que le projet de loi spécifie. Ce que j'ai ajouté garantit que l'information qui est communiquée est destinée à un usage spécifique seulement et ne servira pas à d'autres fins.
M. Bryon Wilfert: Merci pour cet éclaircissement.
Le président: Monsieur Nault.
M. Robert D. Nault (Kenora—Rainy River, Lib.): J'ai deux questions à poser. La première concerne les travailleurs de remplacement.
Si je comprends bien le libellé, on dit «dans le but... de miner la capacité de représentation d'un syndicat». Je sais que cela sera une importante pomme de discorde pour beaucoup des employeurs qui comparaissent au comité, et c'est pourquoi j'essaie d'obtenir des éclaircissements, à savoir si cette règle n'existe pas aussi à un autre palier, qui pourrait nous donner quelque indication. C'est un moyen terme par rapport à ce à quoi nous sommes habitués ailleurs en ce qui concerne les travailleurs de remplacement. Ici on introduit naturellement une interdiction.
Est-ce que cela constituera un précédent? Allons-nous créer une nouvelle jurisprudence en matière de travail, ou en existe-t-il déjà une que nous pourrions consulter? Je pense que cela aiderait le comité en prévision des témoins qu'il accueillera au cours des deux prochaines semaines. C'est la première question qui m'intéresse. Si vous n'avez pas les renseignements maintenant, pourriez-vous nous les faire parvenir?
M. Lawrence MacAulay: Si cela a trait à la question des travailleurs de remplacement et si cette mesure est utilisée ailleurs?
M. Robert Nault: Oui, à cet effet. C'est autre chose que de dire que les travailleurs de remplacement sont tout à fait interdits. Essentiellement, il y a une interdiction selon laquelle on doit établir que la capacité de représentation du syndicat est minée, et c'est un aspect tout à fait unique. J'aimerais savoir si cette règle existe ailleurs dans le monde.
M. Lawrence MacAulay: Mike, pouvez-vous nous aider? Je ne sais pas ce qu'il en est ailleurs.
M. Michael McDermott: C'est la toute première fois au Canada que nous avons une disposition de cette nature sur les travailleurs de remplacement. On a dans deux cas une interdiction virtuellement totale de l'utilisation des travailleurs de remplacement, et dans les autres provinces la législation est absolument muette quant à l'utilisation des travailleurs de remplacement.
Le principe des droits de représentation est essentiel en matière de droit du travail. Il existe par exemple le devoir de juste représentation. On cherche à faire reconnaître ces droits de représentation quand on demande une accréditation. Les droits de représentation correspondent à un concept qui n'est pas étranger aux conseils des relations du travail. «Représentationnel» signifie: qui a trait à une représentation. C'est le rôle d'un syndicat que de représenter les employés dans l'unité de négociation—non pas simplement les membres de l'unité de négociation, mais tous les employés, pas seulement les membres du syndicat.
• 1045
Ce n'est donc pas une idée nouvelle pour les conseils, du
travail. La question de la représentation est toujours à l'arrière-
plan lorsqu'on essaie de voir si l'on a violé le devoir de négocier
de bonne foi. Négocie-t-on de façon à en venir à une entente ou
négocie-t-on pour éviter d'en venir à une entente et simplement
faire fi de la présence du syndicat ou miner le syndicat?
Ce n'est pas inusité, mais cela n'a jamais été exprimé tout à fait de cette façon, monsieur Nault.
M. Robert Nault: Si vous me le permettez, monsieur le ministre, je voudrais élaborer davantage avant d'entendre votre réponse.
Vu que la chose n'a jamais été tentée, je voudrais bien savoir comment vous allez procéder lorsqu'une grève aura déjà été déclenchée. S'il y a grève et si l'employeur veut avoir recours à des travailleurs de remplacement et si le syndicat demande au conseil de ne pas l'autoriser, a-t-on prévu un mécanisme qui permettra d'accélérer les choses? La question sera-t-elle réglée en l'espace d'une semaine, ou le processus va-t-il s'éterniser? N'oubliez pas que les employés sont en grève.
Je pense donc que le processus est important. Bien entendu, l'une des choses auxquelles nous allons devoir faire face au comité, c'est le fait que la plupart des employeurs... sauf, j'imagine, ceux du Québec, et peut-être quelques autres qui pensent que ce n'est pas vraiment une mauvaise façon de procéder.
C'est un mécanisme tout à fait nouveau, et j'essaie de savoir ce qui va se passer au conseil d'après vous.
M. Lawrence MacAulay: C'est très simple, Bob. Il faut que le processus se déroule relativement rapidement, sinon il ne sera d'aucune valeur. Comme vous le savez après avoir lu le projet de loi, si le syndicat juge que l'employeur essaye de miner sa crédibilité, il communiquera immédiatement avec le conseil des relations du travail pour qu'on se penche sur la question le plus vite possible.
Mike, précise-t-on une journée ou deux dans le projet de loi?
M. Michael McDermott: Non, il n'y a rien de précis. D'habitude, le conseil accorde la priorité pour les audiences aux questions relatives aux arrêts de travail, surtout ceux qui sont considérés comme illégaux aux termes du code. Comme vous le savez sans doute à cause de votre expérience dans le mouvement syndical, le conseil agit très rapidement lorsqu'il y a allégation d'arrêt de travail illégal. Le conseil examine aussi très attentivement toute allégation de pratiques de travail injustes—et a essayé d'accorder la priorité à de telles allégations dans le passé—si elles sont utilisées pendant un arrêt de travail, encore plus que si les employés continuent à travailler.
Le rapport Sims signale à maintes reprises que le conseil doit accélérer ses audiences. Certaines dispositions du projet de loi seront utiles pour cela, notamment la formation composée d'un seul membre. On demande aussi au conseil de rendre ses décisions dans des délais plus courts que dans le passé si possible.
S'il y a un arrêt de travail, le conseil s'en occupera le plus rapidement possible.
M. Lawrence MacAulay: Comme Mike l'a expliqué, Bob, le conseil agira le plus rapidement possible, je pense, mais le projet de loi ne précise pas de délai.
La question des travailleurs de remplacement a posé de graves problèmes. Nous avons ici une solution de compromis. C'est quelque chose de tout à fait nouveau que nous considérons comme très équitable. Certains jugent qu'on ne devrait jamais avoir recours à des travailleurs de remplacement et d'autres pensent qu'il ne devrait y avoir aucune disposition pour l'interdire.
La loi permettra aux entreprises d'avoir recours à ces travailleurs tant qu'elles le feront de la façon appropriée. Ce n'est cependant pas juste d'avoir recours à ces travailleurs pour miner la position du syndicat. C'est interdit par le projet de loi.
C'est donc une solution nouvelle, et je pense que cela constitue un excellent compromis, vu que nous ne tombons ni dans un extrême ni dans l'autre.
M. Robert Nault: L'autre question dont nous allons probablement entendre beaucoup parler, monsieur le ministre, c'est celle des travailleurs à distance. Je tiens à vous féliciter—et à féliciter aussi, bien sûr, le gouvernement—de vous être attaqué à ce problème.
À notre époque, vu que l'économie mondiale et l'économie canadienne évoluent de façon dramatique, il va y avoir de plus en plus de travailleurs à distance...
M. Lawrence MacAulay: Tout à fait.
M. Robert Nault: ... qui travailleront à la maison. Nous le savons tous. Il est donc très important que vous vous attaquiez à cette question pour assurer la viabilité à long terme et le respect des relations de travail telles que nous les connaissons au Canada.
• 1050
Je voudrais vous poser une question précise au sujet des
travailleurs à distance. Nos propres conseillers du ministère de la
Justice ont-ils confirmé que cette disposition suffira? Je pense
que nous leur envoyons d'habitude les ébauches des projets de loi.
J'ai l'impression que c'est l'une des dispositions du projet de loi
qui seront contestées plus tard devant les tribunaux à cause de la
Loi sur la protection des renseignements personnels.
Je voudrais donc savoir si nous avons demandé à nos conseillers de s'assurer que la loi est rédigée d'une façon telle que cette disposition ne soit pas rejetée par un juge plus tard à cause d'un aspect technique de la Loi sur la protection des renseignements personnels qui empêcherait ces travailleurs de se faire représenter s'ils le désirent.
Ce sera certainement dans l'intérêt de quelqu'un de contester cette disposition à un moment donné, parce que ce genre de travail prend de plus en plus d'importance. Comme vous le savez, il y a bien des employeurs au Canada qui ne veulent rien savoir des syndicats et qui ne veulent pas que leurs employés soient syndiqués.
Avez-vous demandé l'avis des conseillers législatifs et, dans la même ligne que la question de M. Dubé, pouvez-vous nous fournir des renseignements quelconques au sujet de l'avis du commissaire à la protection de la vie privée?
M. Lawrence MacAulay: Eh bien, Bob, cette partie du projet de loi est conforme à la Loi sur la protection des renseignements personnels. Vous avez tout à fait raison de dire que cette question deviendra beaucoup plus importante après l'an 2000. Il y aura de plus en plus de travailleurs à la maison.
C'était certainement tout un défi que de s'attaquer à cette question, mais nous devions surtout nous assurer que nous le faisions de la façon appropriée. La solution la plus équitable était une solution de compromis, et l'équité est le principal objectif que nous visons dans ce projet de loi.
Pour ce qui est du premier point que vous avez mentionné, Bob, ce sont les rédacteurs du ministère de la Justice qui ont rédigé le projet de loi; donc...
M. Robert Nault: J'ai entendu certains de mes collègues dire que le taux de succès des rédacteurs de la Justice n'est pas tellement reluisant.
Je me suis demandé si vous avez consulté certains experts des relations de travail à ce sujet. J'imagine que Mike l'a fait. C'est une disposition relativement nouvelle. Je pense donc qu'il importe d'avoir une disposition appropriée, parce que les travailleurs de ce genre vont représenter un pourcentage de plus en plus élevé de la main-d'oeuvre. Cela risque de poser des problèmes au comité au cours des semaines à venir, parce que des gens vont venir nous dire: «Cela va tout à fait à l'encontre de mes droits. Vous ne pouvez pas faire une telle chose.»
Comme vous le savez, c'est la deuxième fois que le projet de loi est renvoyé au comité. J'entends donc tous ces arguments pour la deuxième fois. Je tenais vraiment à ce que vous me disiez, monsieur le ministre, si nous avons bien fait notre travail cette fois-ci.
M. Lawrence MacAulay: Eh bien, Bob, comme vous le savez très bien, je n'ai pas fait autre chose que consulter depuis ma nomination. J'ai consulté à peu près tous ceux que je pouvais consulter.
Je peux vous garantir que certains diront au comité que telle ou telle disposition n'est pas appropriée, mais que telle autre est essentielle. Et d'autres vous diront que telle autre disposition n'est pas appropriée, mais que telle autre est très importante.
De façon générale, je pense que vous allez constater que la plupart de ceux qui témoigneront devant le comité ne voudront pas que le projet de loi soit relégué aux oubliettes. Si nous commençons à bricoler avec cette mesure, les solutions de compromis que nous avons trouvées... Le projet de loi se fonde sur le rapport du groupe Sims, mais il y a eu bien d'autres consultations. Nous avons apporté divers changements au projet de loi l'été dernier et il faudra constamment le remettre à jour parce que, comme vous l'avez dit vous-même, il y aura de plus en plus de travailleurs de l'extérieur et le marché du travail continuera à évoluer.
Vos préoccupations sont donc justifiées, mais nous nous en occupons.
M. Robert Nault: Très bien. Je vous en suis reconnaissant.
Le dernier point, monsieur le président, c'est que diverses industries et entreprises du secteur primaire, par exemple les industries du charbon, de la potasse et d'autres, vont vous demander: «Pourquoi donne-t-on la priorité à une industrie particulière? Pourquoi avez-vous favoriser l'industrie des céréales et pas la nôtre?» Pouvez-vous nous dire la raison de ces décisions, et je ne veux pas seulement votre point de vue et celui du groupe Sims.
Je pense que nous savons tous qu'on a utilisé dans le passé l'industrie des céréales comme mécanisme pour tenir le processus de négociation collective en otage. Comment allons-nous pouvoir expliquer aux autres industries pourquoi elles ne sont pas mentionnées elles aussi et pourquoi cette mesure constitue un changement positif? Si je me rappelle bien les discussions que nous avions eues là-dessus, l'ancien ministre et moi-même et même Mike pensions que ce sera une façon de voir si la nouvelle mesure est vraiment efficace.
• 1055
N'est-ce pas exact, Mike? Je ne veux pas vous faire dire des
choses que vous ne pensez pas.
M. Michael McDermott: Pas tout à fait. Les fonctionnaires ne disent pas des choses de ce genre.
M. Robert Nault: Ce devait être dans les coulisses.
J'essaie de savoir ce que vous en pensez parce qu'il y a des témoins qui vont présenter cet argument au comité. Je voudrais bien que vous me donniez votre avis là-dessus.
M. Lawrence MacAulay: En un mot, Bob, le Code canadien du travail et l'ensemble du Canada favorisent le principe des négociations collectives. Le projet de loi n'a pas été présenté pour détruire le processus de négociation collective, mais plutôt pour l'améliorer. Pour ce qui est de votre problème, la réponse que je vous proposerais d'utiliser, et celle qui m'est venue pendant mes déplacements dans le pays, est celle-ci. Depuis 25 ans, il y a eu 12 arrêts de travail, je pense, dans les ports de la côte Ouest. Neuf portaient sur l'industrie des céréales et, dans sept cas, on a dû adopter un projet de loi à cause du transport des céréales. Je sais que les autres industries vont demander pourquoi on ne fait pas la même chose pour le charbon ou pour d'autres denrées, mais c'est à cause du transport des céréales que le Parlement a été obligé d'intervenir dans le passé.
Le seul problème, c'est que lorsque le Parlement intervient, il prend une décision pour la partie syndicale et la partie patronale à cause du transport des céréales, et, en un mot... Le conflit ne portait probablement pas sur les céréales au départ, mais plutôt sur la rémunération ou les heures de travail ou sur autre chose. Il est cependant injuste de tenir les céréales en otage. J'imagine que si c'était le transport de la potasse qui avait causé de tels problèmes des gens d'un bout à l'autre du pays nous recommanderaient d'instaurer cette disposition pour la potasse. Ce que nous voulons, c'est garantir que le processus de négociation collective fonctionne bien sans qu'une tierce partie intervienne.
Le président: Merci, monsieur le ministre.
Cela met fin à cette série de questions. Il nous reste assez de temps pour un tour de table très rapide. Je vais essayer de donner la parole à tout le monde et je commencerai par le Parti réformiste.
M. Dale Johnston: Merci, monsieur le président.
J'ai vu qu'on avait déjà posé certaines de mes questions au sujet de l'accréditation d'un syndicat sans l'approbation de la majorité, mais je ne pense pas avoir obtenu de réponse suffisamment détaillée. Il y a une disposition du projet de loi qui dit essentiellement, contrairement à ce que le ministre a affirmé, qu'un syndicat peut être accrédité sans l'approbation de la majorité des travailleurs. Le ministre a dit que, tant que la majorité des travailleurs signaient leurs cartes... Eh bien, il y a une disposition dans la mesure qui permet d'accréditer un syndicat sans cela.
Je voudrais par ailleurs dire un mot au sujet des travailleurs à distance. Dans plusieurs articles du projet de loi, il est précisé que le CCRI peut ordonner à l'employeur de communiquer les noms et adresses de travailleurs à distance ou, à défaut de cela, de les communiquer au Conseil plutôt qu'au syndicat. Ce qui manque selon moi, monsieur le ministre, c'est le consentement des travailleurs eux-mêmes. Ils semblent être les acteurs les plus importants et pourtant ils ont le moins à dire dans toute cette affaire. Le problème que je voie en ce qui concerne le respect de la protection des renseignements personnels tient au fait qu'on ne demande pas la permission aux travailleurs et qu'il n'existe d'ailleurs aucune obligation en ce sens.
M. Lawrence MacAulay: Merci, Dale.
Très simplement, en réponse à votre première question, le Conseil n'accorderait l'accréditation que si le syndicat pouvait présenter des preuves légitimes de pratiques déloyales. La question est donc soumise à un organisme quasi judiciaire, qui a le droit de prendre des décisions de ce genre.
• 1100
Pour ce qui est des travailleurs à distance et du problème qui
se pose à cet égard, vous dites qu'ils obtiendraient de
l'information dont ils ne voudraient peut-être pas. Si
l'organisateur syndical se poste à la porte de l'usine, ils
reçoivent aussi l'information qu'ils en veuillent ou non.
Il faut examiner les deux côtés de la question. Je ne crois pas qu'il soit juste de permettre que les travailleurs à distance soient privés de l'information qu'ils voudraient sans doute avoir pour pouvoir décider s'ils veulent que le syndicat parle en leur nom. En termes très simples, le projet de loi assure l'équité tout en protégeant la vie privée des particuliers.
Le président: Merci, monsieur le ministre.
Monsieur Anders, avez-vous une courte question?
M. Rob Anders (Calgary-Ouest, Réf.): Je crois, monsieur le ministre, que pendant le temps qui m'est alloué, j'aborderai avec vous toute cette question de la représentation démocratique et de l'accréditation.
Il y a des députés réformistes, des députés libéraux et des députés progressistes conservateurs qui ont soulevé des questions et des préoccupations en ce qui a trait à la légitimité du passage à une accréditation par carte syndicale. Le Conseil canadien des relations de travail a d'ailleurs soulevé des questions semblables dans ses décisions de 1979 dans l'affaire du Syndicat canadien des travailleurs en communication du Canada contre le Syndicat des travailleurs et travailleuses en communication et en électricité du Canada.
Il y a aussi des membres de votre parti qui ont soulevé des questions puisque le comité sénatorial majoritairement libéral, quand il a étudié le projet de loi C-66 en avril dernier, a dit qu'il recommandait vivement au ministre d'envisager de supprimer cette disposition, en parlant de l'article 46 du projet de loi portant sur la l'accréditation. Cette disposition qui se trouvait dans le projet de loi C-66 a été presque entièrement reprise dans le projet de loi C-19.
Il y a des groupes d'employeurs et d'employés des différentes régions du pays qui font remarquer qu'il existe déjà des dispositions dans le Code canadien du travail en ce qui a trait à la reconnaissance d'un syndicat quand on obtient une majorité de 50 p. 100 plus 1 dans un scrutin secret.
Étant donné que tous ces groupes, y compris des gens de votre parti, de vos comités à vous et de votre Sénat, font état de problèmes à cet égard et ne s'entendent pas sur le sujet, pourquoi diable poursuivez-vous vos efforts en ce sens? Les opinions exprimées par MM. Cappe et McDermott ne suffisent tout simplement pas à nous expliquer pourquoi, alors qu'il y a tant de gens qui sont contre, vous persistez à vouloir inclure cette disposition dans le projet de loi C-19. La disposition a été rejetée par vos propres représentants au Sénat, et vos gens à vous, vos députés d'arrière-banc et les membres de votre groupe parlementaire, ont des questions au sujet du projet de loi C-19. Pourquoi alors aller de l'avant?
M. Lawrence MacAulay: Je suis certainement pour le processus démocratique, et je crois que mon honorable collègue sait très bien que le nouveau Conseil sera complètement représentatif de la partie syndicale et de la partie patronale grâce aux présidents et aux vice-présidents qui seront nommés en vertu du nouveau processus. C'est quelque chose qui a l'appui des deux partis.
En tant que ministre du Travail, je ne peux tout simplement donner mon appui à ce qui est vu ou considéré comme des pratiques déloyales de travail. Ce projet de loi donne au Conseil des relations industrielles le pouvoir d'examiner les renseignements que lui présente un syndicat. Disons que le syndicat a reçu moins de 50 p. 100 du scrutin. S'il peut prouver à cet organisme quasi judiciaire que la partie patronale a agi de manière inappropriée, qu'il y avait des pratiques déloyales de travail et qu'autrement, le syndicat aurait été accrédité, je suis persuadé que vous direz comme moi que le syndicat devrait être accrédité, parce que vous êtes un homme juste.
En fait, je voulais m'assurer que la justice et le consensus seraient les fondements de ce projet de loi. Dans ce cas-ci, le syndicat présente ses renseignements à l'équipe quasi judiciaire du conseil, qui les évaluent et qui rend une décision. Si ce groupe, représentant à la fois les syndicats et les employeurs, est convaincu qu'il y a eu des pratiques déloyales au travail, et qu'à cause d'elles le syndicat n'a pas obtenu 50 p. 100 du scrutin, il n'est que juste que le syndicat soit accrédité. C'est l'intention de ce projet de loi et je doute que vous soyez en désaccord avec moi là-dessus.
Le président: Monsieur Anders, comme vous n'avez eu que deux ou trois minutes, et si nous avons du temps, nous reviendrons à vous pour une question. Je dois toutefois donner la parole à M. Rocheleau et à M. Martin avant que le ministre nous quitte.
Monsieur Rocheleau.
[Français]
M. Yves Rocheleau: Monsieur le ministre, comparons les deux versions du projet de loi, c'est-à-dire le C-19 et le C-66. Le C-66 aurait été voté n'eût été du déclenchement des élections. Dans la version nouvelle, dans le projet de loi C-19, on a ajouté un mot à l'article 42, qui modifie l'article 94 de la loi, qui porte sur les travailleurs de remplacement:
-
(2.1) Il est interdit à tout employeur ou quiconque agit pour
son compte d'utiliser dans le but établi de miner la
capacité de représentation d'un syndicat...
Le mot «établi» n'était pas dans le projet de loi C-66. Qu'est-ce que le ministère vise en ajoutant ce mot, si ce n'est de rendre encore plus difficile le fardeau de la preuve pour les victimes de l'embauche de travailleurs de remplacement? En effet, on va devoir démontrer que c'est «dans le but établi de».
[Traduction]
M. Lawrence MacAulay: Merci beaucoup.
Le mot «établi» montre que l'objet du projet de loi est de s'assurer que le syndicat, s'il peut prouver clairement qu'il y a eu des pratiques déloyales de travail, a le droit d'être accrédité. On ne saurait être plus clair. Vous conviendrez que si l'on peut prouver que c'est le cas, l'accréditation doit être accordée.
Pour ce qui est de la raison des changements apportés entre le projet de loi C-66 et cette version-ci, je présume que si nous revenions dans deux ans, il y en aurait d'autres encore. Avec l'aide de mes collaborateurs, j'ai essayé de m'assurer que nous aurions la meilleure révision possible de la partie I du Code canadien du travail. Je voulais m'assurer que cela se fait en toute justice, en respectant le juste milieu dans la mesure du possible, en veillant à ce que les syndicats et les employeurs aient tous deux—en fait, ils auront désormais le contrôle puisqu'ils auront une représentation égale au nouveau conseil.
Il y aura toujours des changements, mais dans ce projet de loi... il y a d'autres articles où certains mots ont été changés. À mon avis, dans certains cas, cela ne changeait rien à l'objet de la loi, mais nous répondions aux souhaits et au consensus exprimés par certains groupes. Ce changement résulte aussi d'un consensus, mais fait aussi en sorte que soient respectés les droits des syndicats d'être accrédités si quelque chose d'inapproprié s'est produit et a été prouvé.
Le président: Merci, monsieur le ministre. Merci, monsieur Rocheleau.
Monsieur Martin.
M. Pat Martin: J'ai un bref commentaire, puis une courte question.
Pour ce qui est de l'accréditation automatique, le ministre a eu raison de signaler que si toute ingérence ou action coercitive peut être prouvée, ou alors des pratiques déloyales ou injustes de travail... La véritable question est de savoir si l'on pourrait prouver quelles étaient les intentions véritables de l'unité de négociation, à mon avis.
Je pense que dans un cas semblable, il est juste que soit accordée l'accréditation automatique. Si, par crainte de représailles, les employés sont incapables d'exprimer leur souhait d'être représentés par le syndicat, ce n'est que justice et je suis ravi que cela soit reconnu par la loi.
• 1110
Ma question porte sur la configuration des unités de
négociation dans une entreprise nationale. Je suis désolé, je n'ai
pas le numéro d'article et j'espère que vous vous y retrouverez.
Pourriez-vous m'en dire davantage sur les critères utilisés pour
décider s'il s'agit vraiment d'une unité de négociation aux fins de
négociations collectives, dans le cas par exemple d'une
organisation nationale dont l'unité faisant l'objet de la demande
a des activités dans une seule province? Les nouveaux changements
permettent-ils ce genre de demande de syndicalisation.
M. Lawrence MacAulay: Vous demandez si une unité dont les activités sont limitées à une province se trouverait...
M. Pat Martin: Prenons l'exemple d'une entreprise de camionnage pancanadienne qui a des employés dans diverses provinces. Un syndicat demande de ne représenter que les employés d'une province. Si leurs cartes ne montrent qu'une représentation dans une province, est-ce que les nouveaux changements clarifieraient les choses quant à leur unité de négociation?
M. Lawrence MacAulay: Ce projet de loi n'y changerait rien du tout.
Mike.
M. Michael McDermott: Non, j'avais simplement mal compris. Je pensais que vous alliez parler de l'article 18.1, qui donne au Conseil de nouveaux pouvoirs dans le cas de fusion, de vente d'entreprise, etc. Mais rien ne changerait dans le cas que vous avez mentionné.
Je sais qu'un problème de ce genre a été présenté au Conseil et je suis persuadé que c'est de cela que vous parlez. Le Conseil a encore toute la discrétion nécessaire pour déterminer la portée d'une unité de négociation et nous n'y changeons rien de manière directe.
M. Pat Martin: Merci beaucoup.
Le président: Merci, monsieur Martin.
Madame Bennett, avez-vous une courte question?
Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.) Oui.
Je vous remercie d'être là. Vous devriez savoir que certains d'entre nous appellent ce projet de loi le projet de loi de Boucle d'or. Pour certains, la soupe est trop chaude, pour d'autres, elle est trop froide, mais peut-être qu'après tout, elle est juste à la bonne température. Il ne faut pas oublier non plus les trois ours.
Dans mon milieu, il n'y avait que quelques préoccupations au sujet des pouvoirs du nouveau conseil et au sujet du fait que son existence puisse nuire au bon déroulement d'une négociation, puisqu'il pourrait avoir à déterminer quelle unité de négociation est la bonne. Évidemment, en cas de fusion ou de réduction des effectifs, on pense généralement que les syndicats devraient pouvoir s'entendre sur qui mènera les négociations. Savoir que le Conseil peut intervenir peut nuire à la négociation quand il s'agit de déterminer quelle unité sera la bonne; c'est comme une épée de Damoclès.
Au comité, on nous dit que certains syndicats sont très inquiets du fait que le Conseil puisse intervenir dans des affaires d'ancienneté.
M. Lawrence MacAulay: Merci, Carolyn.
Bien entendu, il y a des préoccupations de toutes sortes, partout au pays. Comme vous dites, pour certains la soupe est trop chaude, pour d'autres, elle est trop froide, mais personne ne veut la jeter à l'égout, Dieu merci. Je ne pense pas que quiconque veuille la jeter.
Le président: Eh bien, monsieur le ministre, là-dessus, je pense qu'il conviendrait maintenant de vous remercier de nous avoir consacré tout votre temps. On vous appellera désormais le ministre Boucle d'or et nous nous efforcerons de faire courir cette rumeur.
Si j'ai bien compris, les fonctionnaires resteront pour répondre aux quelques autres questions des membres du comité.
Nous ferons une pause de trois minutes, puis nous reprendrons nos travaux.
M. Lawrence MacAulay: Merci beaucoup.
Le président: Excusez-moi, monsieur le ministre, je suis vraiment désolé. Dans l'enthousiasme qu'a causé cette présentation, j'ai dit un peu plus tôt que M. Anders aurait droit à une autre courte question, puis je l'ai oublié.
Monsieur Anders, c'est avec enthousiasme aussi que nous attendons cette perle de question.
M. Rob Anders: Aujourd'hui, j'ai écouté les fonctionnaires du ministère de même que le ministre. Ils ont tous reconnu que le commissaire à la vie privée avait encore des objections au sujet de certains aspects du projet de loi C-19. D'ailleurs, encore une fois, même le comité sénatorial à majorité libérale a déclaré que le Conseil devrait au moins traiter avec beaucoup de sérieux les demandes effectuées directement par un employé pour que certains renseignements ne soient pas communiqués.
Votre comité—et je parle du comité sénatorial—croit également que le Conseil canadien des relations industrielles doit se conformer à la Loi sur la protection des renseignements personnels. Je le répète, au sein de votre propre parti, de votre propre groupe parlementaire, comme chez les partis de l'opposition à la Chambre, chez les fonctionnaires du ministère et au sein du comité du Sénat, des voix s'élèvent pour dire que ce projet de loi comporte encore des lacunes relativement au droit à la vie privée.
M. Robert Nault: Le Sénat joue un rôle très utile.
M. Rob Anders: Enfin, c'est vous qui le défendez.
Tous les problèmes qu'il reste à régler en ce qui a trait à la protection de la vie privée et aux travailleurs à distance ne nous obligent-ils pas à conclure qu'il faut modifier le projet de loi C-19?
M. Lawrence MacAulay: Merci, monsieur Anders. Je vous remercie de votre question. Je peux vous dire que c'est une question dont j'ai beaucoup entendu parler depuis que je suis devenu ministre du Travail. Nous devons veiller à ce que les travailleurs puissent recevoir l'information à laquelle ils ont droit. Nous devons aussi nous conformer à la Loi sur la protection des renseignements personnels. Nos avocats nous disent que nous respectons les dispositions de la loi.
Je suis convaincu que vous ne voulez pas priver les travailleurs de l'information à laquelle ils ont droit. Je sais que ce n'est pas ce que vous souhaitez. Et je sais que vous voulez protéger leur vie privée.
M. Rob Anders: Je ne vous le fais pas dire.
M. Lawrence MacAulay: D'ailleurs, c'est sans doute pour cela que vous finirez par appuyer le projet de loi.
M. Rob Anders: Quand vos propres députés ont des réserves, je ne comprends pas que vous n'admettiez pas l'existence de ces problèmes.
M. Lawrence MacAulay: Et je vous remercie de vos suggestions.
Le président: Merci, monsieur le ministre.
Nous ferons une pause de cinq minutes puis nous reviendrons entendre les fonctionnaires.
Le président: Reprenons le travail.
D'abord, monsieur McDermott, je vous inviterais à présenter ceux qui vous accompagnent et nous passerons ensuite aux questions. Je me permets de rappeler aux députés que ce n'est pas nécessaire d'utiliser tout le temps disponible. C'est une option pas une obligation.
Monsieur McDermott.
M. Michael McDermott: Merci, monsieur le président.
M'accompagnent aujourd'hui Debra Robinson, directrice de projet pour l'examen du Code canadien du travail, partie I, entrepris depuis plus de deux ans maintenant; Yvonne Beaupré, avocate du Service du contentieux, Développement des ressources humaines Canada, qui participe aussi à l'examen du Code; Krishna Sahay, de Statistique Canada. Le projet de loi touche aussi, comme vous le savez, la Loi sur les déclarations des personnes morales et des syndicats. Krishna est là pour répondre aux questions qu'auraient les membres du comité sur cette loi.
Le président: D'accord, reprenons dans le même ordre. Pour le premier tour de table, chacun aura cinq minutes.
M. Dale Johnston: Merci.
Ma question s'adresse à M. Sahay. Le projet de loi contient une disposition sur la non-collecte d'information par Statistique Canada. On nous dit souvent que les documents ont été préparés en notre nom par Statistique Canada mais je ne crois pas que le comité connaisse ces documents. Serait-il possible de les faire distribuer aux membres du comité?
M. Krishna Sahay (directeur, Organisation industrielle et Finances, Statistique Canada): Voulez-vous parler du questionnaire et...
M. Dale Johnston: Oui, et je veux parler des résultats du questionnaire, des renseignements que renfermaient des questionnaires dans le passé.
M. Krishna Sahay: Je ne les ai pas ici avec moi, mais je peux certainement vous les faire parvenir. Il existe un rapport parlementaire, dont je ferai parvenir la plus récente version au comité.
M. Dale Johnston: En outre, le public pourra-t-il avoir accès à ces renseignements même si Statistique Canada n'en fera plus la collecte et l'analyse?
M. Krishna Sahay: Statistique Canada ne recueillera plus l'information financière privée relative aux syndicats. J'imagine que les membres des syndicats pourront avoir accès à cette information, mais nous n'en ferons plus la collecte.
M. Dale Johnston: C'était là ma question. Existe-t-il pour le public un moyen d'avoir accès à cette information même si Statistique Canada n'en fera plus la collecte?
M. Krishna Sahay: Je ne saurais vous dire, à brûle-pourpoint, comment les gens pourraient à titre individuel recueillir toute cette information.
M. Michael McDermott: Si vous voulez parler des états financiers des syndicats, il existe actuellement dans le Code canadien du travail une disposition en vertu de laquelle un syndiqué peut demander à recevoir copie des rapports financiers, qui doivent alors lui être communiqués. Les syndiqués sont aussi des citoyens. Bien entendu, les citoyens qui ne sont pas des syndiqués n'auraient pas le même accès, mais ce ne serait pas trop difficile de demander à un ami syndiqué d'obtenir les renseignements en question. Cette disposition existe dans le Code depuis quelque temps déjà.
M. Dale Johnston: Bien sûr, mais le public avait accès à l'information dans le passé et on me dit maintenant que le public en général n'y aura plus accès.
M. Michael McDermott: Certains des renseignements collectés en vertu de la Loi sur les déclarations des personnes morales et des syndicats continueront d'être disponibles. Il est question de membres de syndicats et du nom et de l'adresse des dirigeants. Les renseignements sont publiés par Développement des ressources humaines Canada dans une publication qui s'appelle Répertoire des organisations de travailleurs et de travailleuses au Canada. Les renseignements étaient collectés à deux endroits. Quiconque peut en obtenir copie moyennant des frais modestes. Ce genre d'informations continuent d'être réunies. Je crois savoir—et Krishna Sahay pourra peut-être me le confirmer—qu'il s'agit d'informations financières qui étaient recueillies mais non utilisées. Voilà où pourront être réalisées les économies.
M. Krishna Sahay: Absolument. Cette décision est motivée par deux raisons. Les renseignements recueillis étaient des données financières et certaines données sur les membres des syndicats ainsi que des données industrielles.
Ces deux catégories d'informations sont maintenant recueillies par d'autres moyens. Nous croyons pouvoir fournir des renseignements de qualité équivalente, voire supérieure, sur les membres des syndicats et la représentation des sexes dans chaque secteur industriel en utilisant d'autres sources.
Je vous avoue bien franchement, qu'au moment où nous avons pris cette décision, personne ne nous avait demandé ce genre d'informations financières depuis cinq ans. Nous avons consulté très largement les utilisateurs de nos données, y compris notre Comité consultatif sur la statistique du travail—pas un comité consultatif sur les syndicats—et personne n'a manifesté de vif intérêt pour ces données financières.
C'est une mesure de réduction des coûts. On nous a demandé de réduire les coûts et nous avons décidé de réaliser là des économies. L'essentiel à retenir c'est qu'il y avait peu de demandes pour cette information.
M. Dale Johnston: Je cède la parole à mon collègue.
M. Rob Anders: J'aurais quelques questions à poser à Mme Beaupré.
D'abord, l'article 46 du projet de loi C-19 qui concerne l'accréditation d'un syndicat sans preuve de l'appui de la majorité des employés de l'unité et l'utilisation de cartes de membre d'un syndicat est-il semblable à la disposition qui existe dans les lois de la Colombie-Britannique et de l'Ontario?
Mme Yvonne Beaupré (conseillère principale, Contentieux, Développement des ressources humaines Canada): Je ne peux vous dire si l'article est semblable à une disposition de la loi ontarienne mais je crois savoir qu'une disposition semblable se trouve dans la loi de la Colombie-Britannique.
M. Rob Anders: On a souvent dit que l'article 46 du projet de loi C-19 était semblable à la disposition de la loi ontarienne qui a permis aux Travailleurs unis de l'acier d'obtenir l'accréditation pour un Wal-Mart à Windsor, et la Commission des relations de travail de l'Ontario a décidé que le syndicat serait accrédité bien que 70 p. 100 des employés aient voté contre l'accréditation des Travailleurs unis de l'acier.
• 1135
Si l'on admet que l'article 46 du projet de loi C-19 est très
semblable à la disposition... comme c'est le cas pour la Commission
des relations de travail de l'Ontario, n'admettriez-vous pas
qu'avec le même genre de disposition, 70 p. 100 des travailleurs
peuvent voter contre l'accréditation et que le même cas pourrait se
produire en vertu du Code canadien du travail?
Mme Yvonne Beaupré: J'imagine que les mêmes dispositions pourraient être invoquées. C'est une autre question que de savoir si la démarche aboutirait.
M. Rob Anders: D'accord, merci. Cela étant le cas, seriez-vous du même avis que la Commission canadienne des relations de travail qui disait en 1979:
-
L'expérience nous a enseigné que [...] la tenue d'un vote doit être
ordonnée afin que les employés puissent choisir librement, dans le
secret de l'isoloir, d'être représentés par tel ou tel syndicat.
Ce précédent par la Commission canadienne des relations de travail n'indique-t-il pas très clairement ce qu'elle pense de l'accréditation et des cartes de membre d'un syndicat?
M. Michael McDermott: Manifestement non, puisqu'elle continue de ne pas voir là de précédent. Le commentaire était peut-être justifié dans le cas en question.
Dans la question que vous avez posée au ministre, vous avez dit que la Commission avait indiqué qu'un vote est nécessaire dans certains cas. Vous avez cité l'exemple d'un cas où deux syndicats s'étaient opposés et où il y a eu du maraudage ou autre chose du genre.
Lorsque plus d'un syndicat souhaitent obtenir l'accréditation et que l'on recourt au maraudage ou à d'autres tactiques, la Commission s'est toujours prononcée en faveur de la tenue d'un vote et il y a presque toujours eu des votes lorsque plus d'un candidat étaient en lice. Normalement, il n'y a qu'un seul candidat à l'accréditation. Il n'y a pas de choix à faire en pareil cas. Et lorsque le syndicat a fait signer des cartes de membre à 70 ou 80 p. 100 des travailleurs, comme c'est le cas, la Commission a jugé que les signatures faisaient foi de la volonté des travailleurs d'adhérer au syndicat. C'est la conclusion qu'elle tire des signatures et des droits de 5 $, le minimum prescrit, perçu au moment de la signature de la carte de membre.
M. Rob Anders: Monsieur McDermott, n'êtes-vous pas prêt à admettre, puisque c'est implicite dans votre dernier commentaire, que si l'on fait signer des cartes de membre d'un syndicat plutôt que de tenir un scrutin secret, on ouvre la porte au maraudage syndical en vertu du Code canadien du travail? Ce serait semblable à ce qui s'est produit en 1979 et dans ce cas-là la Commission canadienne des relations de travail avait rendu une décision défavorable.
M. Michael McDermott: Aucune disposition du projet de loi C-19 ne change quoi que ce soit aux procédures actuelles d'accréditation ni aux pourcentages requis pour présenter une demande d'accréditation. Le Conseil devra ordonner la tenue d'un vote si la proportion des travailleurs qui veulent appartenir à l'unité de négociation se situe entre 30 et 50 p. 100... Au-delà 50 p. 100, le Conseil aura le loisir de décider d'ordonner un vote ou d'accepter le nombre de cartes signées et les frais versés au moment de la signature comme preuve de la volonté des travailleurs d'être représentés par tel ou tel syndicat. Le projet de loi ne modifie pas ces dispositions.
M. Rob Anders: Monsieur McDermott, personne ne conteste...
Le président: Monsieur Anders, je vous ai déjà permis de déborder le temps qui vous était alloué. Permettez-moi de vous interrompre ici. Vous aurez une deuxième chance.
Monsieur Rocheleau.
[Français]
M. Yves Rocheleau: J'aurais le goût de vous poser la question que je viens de poser au ministre. Quand on compare les deux versions du projet de loi, le C-66 et le C-19, on voit que les hauts fonctionnaires ont ajouté le mot «établi»—«dans le but établi de». Pourquoi avoir ajouté «établi»?
M. Michael McDermott: Monsieur Rocheleau, quand le ministre a fait des consultations dans tout le pays, il a rencontré pas mal de groupes d'intérêt. Quelques-uns ont exprimé le sentiment que le libellé de C-66 n'était pas assez clair en ce qui concerne le fardeau de la preuve. Nous pensions que c'était assez clair dans le projet de loi C-66, mais on a fini par conclure qu'on pouvait ajouter ce mot sans changer du tout la base de cette disposition.
Donc, le ministre a dit qu'on allait préciser très clairement que c'est le syndicat qui porte plainte qui a le fardeau de la preuve.
M. Yves Rocheleau: Il faut être conscient que cela alourdit de façon très significative le fardeau de la preuve du syndicat, qui devra démontrer que c'était «dans le but établi de» qu'on a embauché des scabs. C'est un mot très important qui devrait faire réfléchir les syndicats qui seraient portés à être d'accord sur cette disposition. Je pense qu'il faut la dénoncer encore plus qu'avant.
J'aimerais savoir si, comme conseiller privilégié du ministre, vous avez pensé à des scénarios ou à la façon dont cette disposition va se gérer. On dit:
-
...dans le but établi de miner la capacité de
représentation d'un syndicat plutôt que pour atteindre
des objectifs légitimes de négociation...
Comment va-t-on valider cela? Comment va-t-on jauger et juger cela pour faire en sorte qu'une espèce d'arbitre ou un juge décide qu'on va à l'encontre de la loi ou de l'esprit de la loi? Comment l'évaluation de cela va-t-elle se faire dans la pratique?
M. Michael McDermott: Je pense que ce sera évalué de la même manière que le Conseil canadien évalue les plaintes qui lui sont maintenant soumises. Dans le cas d'une plainte sur des pratiques déloyales, il faut que le plaignant apporte des preuves. On aura le même système dans ce cas-ci. Ils vont apporter un dossier sur les plaintes et soumettront des éléments de preuve à un tribunal. Cette fois, le tribunal sera le Conseil canadien des relations industrielles. C'est le Conseil, cette fois tripartite, qui va évaluer la preuve qui est devant lui.
M. Yves Rocheleau: Ce sera intéressant à suivre. On devrait arrêter le processus. Si on embauche des scabs pour remplacer ceux qui gagnent leur vie chez Maple Leaf ou chez Ogilvie et que la production continue... Que veut dire, dans la pratique, «miner la capacité de représentation d'un syndicat»? Il y a quelqu'un qui est légalement en grève et on embauche quelqu'un d'autre pour le remplacer afin de faire de la production. Cela, c'est la réalité. Pour ce qui est du reste, de la capacité de représentation d'un syndicat, on se demande au Québec ce que ça mange en hiver.
M. Michael McDermott: Dans certains cas, il y a une grève ou un lock-out et la compagnie continue ses opérations avec ses gestionnaires ou quelquefois avec des remplaçants. Cependant, il est clair que l'employeur souhaite qu'il y ait un règlement le plus tôt possible.
Dans d'autres cas, et on a vu cela quelquefois devant le Conseil canadien des relations du travail, on a le sentiment que l'employeur n'a pas beaucoup intérêt à régler l'affaire et souhaite plutôt continuer ses opérations. Dans quelques différends qu'on a vus, cela s'est poursuivi pendant un an ou même 18 mois.
C'est à ce moment-là que le Conseil va dire: A-t-on le sentiment qu'on veut régler quelque chose ici? Est-ce qu'on souhaite en arriver à une convention collective ou si on veut plutôt éviter les responsabilités imposées par le Code?
[Traduction]
Le président: Monsieur Martin.
M. Pat Martin: Merci, monsieur le président.
Lorsque le Conseil accorde automatiquement l'accréditation, c'est qu'il est convaincu du recours par l'employeur à des pratiques déloyales en raison desquelles il est impossible de vérifier le véritable choix des travailleurs. Ainsi, le Conseil accorde le bénéfice du doute au syndicat et accorde l'accréditation.
Quand je songe à pareil cas, une réponse m'échappe et je ne l'ai pas trouvée dans le projet de loi C-19. Après l'obtention d'une accréditation automatique, existe-t-il un délai à l'échéance duquel l'unité de négociation peut demander la désaccréditation? Par exemple, si les travailleurs ne sont pas satisfaits ou si le Conseil a commis une erreur de jugement en accordant automatiquement l'accréditation à une unité de négociation qui n'était pas ravie à l'idée d'être syndiquée, combien de temps doit s'écouler avant qu'ils puissent présenter une demande de désaccréditation?
M. Michael McDermott: Les délais prévus actuellement dans le Code s'appliqueraient. Aucun amendement n'est apporté à ces délais...
M. Pat Martin: Il existe des délais.
M. Michael McDermott: Oui, il y a des délais qui s'appliquent, Si j'ai bonne mémoire—j'ai un exemplaire du Code devant moi et je pourrais vérifier—, si un syndicat n'a pas sérieusement tenté de négocier au cours de sa première année d'accréditation, une demande de révocation d'accréditation syndicale pourrait être présentée.
M. Pat Martin: Je pense qu'à l'heure actuelle, le Code prévoit un délai d'un an. Ma question était...
M. Michael McDermott: C'est actuellement un délai d'un an qui est prévu dans le Code. Alors, naturellement, si une convention est négociée, il y a des périodes d'ouverture qui s'appliquent lorsqu'une organisation rivale fait du maraudage pour obtenir une accréditation ou la révocation d'une accréditation.
M. Pat Martin: Je soulève la question seulement pour souligner quelles sont les options pour une unité de négociation qui ne serait peut-être pas satisfaite de sa représentation. À chaque fois qu'on peut obtenir une accréditation, il est possible également de révoquer cette accréditation assez rapidement également.
On a donc répondu à ma question. Ces dispositions ne changent pas et le délai d'un an s'applique.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Martin.
Nous allons revenir à M. Johnston.
M. Dale Johnston: Je pense que M. Martin soulève un excellent point. Pour ajouter à ce qu'il a dit, si le Conseil devait exercer ses pouvoirs d'accréditation automatique, est-ce que les membres— les employés—auraient alors le même droit de présenter une demande au Conseil et de dire, par exemple, que 35 p. 100 d'entre eux ne veulent pas faire partie du syndicat et qu'étant donné que les circonstances sont différentes, ils devraient être plus nombreux? Disons que c'est l'argument qu'ils présentent au Conseil. Est-ce que le Conseil envisagerait alors la révocation de l'accréditation en invoquant les mêmes motifs que pour une accréditation?
M. Michael McDermott: À l'heure actuelle, le Code interdit à quiconque d'exercer une coercition, d'intimider ou de faire des menaces pour persuader une personne à appartenir à un syndicat, à cesser d'appartenir à un syndicat ou à s'abstenir d'appartenir à un syndicat. Donc oui, des plaintes pourraient être présentées pour ces raisons. Cependant, on ne retrouve pas l'équivalent de l'article 46 dans le projet de loi.
M. Dale Johnston: Mais vous dites que l'on pourrait invoquer les mêmes règles ou présenter un tel argument devant le Conseil canadien des relations industrielles aux termes de ces mêmes règles.
M. Michael McDermott: Pas aux termes de cette disposition. Il existe déjà des dispositions dans le Code pour protéger une personne afin qu'on ne puisse l'intimider pour qu'elle se joigne à un syndicat contre sa volonté, disons. Par exemple, s'il y a fraude, l'accréditation pourrait être rejetée. Si on prouve qu'il y a eu fraude, on prend les mesures prévues spécifiquement dans le Code tel qu'il existe à l'heure actuelle.
M. Dale Johnston: Là où je veux en venir, c'est que s'il est juste d'accréditer un syndicat sans avoir une majorité, alors il serait juste de révoquer l'accréditation d'un syndicat sans une majorité. C'est simplement ce que je voulais dire. Il ne semble y avoir aucune disposition à cet effet ici. Nous voulons un certain équilibre, et il me semble que c'est peut-être un aspect où nous n'avons pas d'équilibre.
M. Michael McDermott: Vous dites qu'il n'est pas équitable de révoquer une accréditation sans une majorité ou de révoquer une accréditation sans une majorité s'il n'y a pas de pratiques déloyales de travail. Le projet de loi prévoit qu'il doit y avoir des pratiques déloyales de travail et que ces dernières doivent être assez graves pour faire en sorte qu'il soit impossible de tenir un vote pour déterminer ce que souhaitent la majorité.
Le président: Merci, monsieur Johnston.
Monsieur Anders.
M. Rob Anders: Je n'ai pas abordé la question, mais d'autres l'ont fait, et je veux parler ici du paragraphe 42(2) du projet de loi C-66 concernant le recours aux travailleurs de remplacement.
Encore une fois, étant donné que beaucoup de gens ont eu la chance d'étudier longuement ce projet de loi, et je vais vous parler de certaines personnes qui ont déjà eu la chance de prendre connaissance de ce projet de loi et qui ont déjà exprimé des préoccupations, et pourtant on n'a rien fait encore pour alléger ces préoccupations... Encore une fois, il s'agit du comité du Sénat. Sur la question des travailleurs de remplacement, ce comité a dit qu'il y avait une différence fondamentale entre le recours aux travailleurs de remplacement pour s'assurer que l'employeur peut poursuivre ses activités normales au cours d'une grève et le recours à de tels travailleurs pour miner la capacité de représentation d'un syndicat. Le simple recours aux travailleurs de remplacement en soi ne soulève pas la présomption de pratiques déloyales de négociation.
• 1150
J'aimerais avoir votre avis à cet égard et que vous me disiez
de quelle façon vous pensez que le Conseil tranchera ces questions
si le projet de loi C-19 est adopté tel quel.
M. Michael McDermott: Je pense que le projet de loi C-19 tel qu'il est rédigé impose le fardeau de la preuve à celui qui fait la demande, comme c'était le cas avant dans le projet de loi C-66, mais cela est peut-être encore plus clair maintenant. Le fardeau de la preuve appartient à celui qui présente la demande, et il faut démontrer que le recours à des travailleurs de remplacement n'a rien à voir avec les activités habituelles de maintien des opérations pendant la négociation d'une convention collective. Il faut pouvoir démontrer que c'est pour une autre raison. Je ne vois pas comment cela est tellement différent de ce qu'a dit le Sénat que vous venez tout juste de citer.
M. Rob Anders: Monsieur McDermott, votre réponse me préoccupe. Ailleurs lorsqu'on a une disposition permettant au Conseil de décider d'interdire le recours aux travailleurs de remplacement, effectivement il y a eu des décisions fort contestées quant à savoir si l'on faisait appel à des travailleurs de remplacement tout simplement pour assurer la poursuite des activités sur le lieu de travail. Même en l'absence d'autres circonstances, on a décidé que cela minait la capacité de représentation du syndicat. Les précédents indiquent qu'une telle violation pourrait effectivement se produire aux termes du projet de loi C-19 tel qu'il est libellé à l'heure actuelle.
M. Michael McDermott: Je pense que les deux lois qui interdisent les travailleurs de remplacement, celle du Québec et celle de la Colombie-Britannique, il n'est pas question des motifs d'un recours à des travailleurs de remplaCEMENT mais de l'interdiction pure et simple du recours à ces travailleurs. Elles ne permettent même pas de poursuivre les activités. Une telle distinction est clairement établie ici.
Votre point serait davantage valable s'il y avait inversion du fardeau de la preuve. S'il suffisait au syndicat de dire qu'il y a des travailleurs de remplacement et qu'on les utilise pour miner le syndicat, et si le fardeau de la preuve incombait à l'employeur de le réfuter, alors je comprendrais que ce que vous dites serait valable, mais cela n'est pas le cas ici. Le fardeau de la preuve, comme pour la plupart des pratiques déloyales de travail, incombe à celui qui présente la demande. Dans ce cas-ci cela ne peut être que le syndicat, l'agent de négociation.
M. Rob Anders: Je dirai que je ne vois là que votre enthousiasme à créer, comme M. Nault l'a dit, une nouvelle forme de jurisprudence canadienne en matière de relations de travail. Je ne pense pas que ce soit sage dans ce cas-ci; quoi qu'il en soit, je pense que vous voulez laisser votre marque là-dessus.
Le président: Eh bien, monsieur Anders, j'aimerais souligner que M. McDermott est un fonctionnaire qui a beaucoup d'expérience et que par conséquent on ne lui permet pas de s'enthousiasmer.
Des voix: Oh, oh!
Une voix: Et nous y voyons.
Le président: Monsieur Rocheleau.
[Français]
M. Yves Rocheleau: Ma question va porter sur le Conseil canadien des relations industrielles et sur la désignation des représentants du monde syndical et du monde patronal.
Dans le libellé, on dit que ces gens sont désignés
-
...sur recommandation du ministre
après consultation par celui-ci des organisations
représentant des employés ou des employeurs qu'il
estime indiquées...
Cela donne beaucoup de discrétion au ministre, et il faut en être conscient. C'est probablement cela, l'esprit de la loi. Est-ce qu'on a évalué une autre façon de faire, qui aurait été simplement basée sur une liste de noms sur lesquels se seraient entendus le monde syndical et le monde patronal chacun de leur côté, une liste devant être présentée au ministre? Le ministre choisirait quelqu'un, mais cette personne aurait déjà fait l'objet d'un consensus dans ces deux milieux. Je ne sais pas si c'est un procès d'intention, mais on parle des «organisations représentant des employés ou des employeurs qu'il estime indiquées».
On peut imaginer une situation très tendue entre le gouvernement et le milieu syndical au Canada pendant un certain temps. Cela permet au ministre d'aller chercher qui il veut bien dans le milieu syndical. C'est selon l'humeur du ministre et non selon l'humeur du milieu directement concerné.
M. Michael McDermott: Juste en passant, je peux dire que je me souviens d'occasions où le mouvement syndicat a refusé de nommer des personnes. Parce qu'ils avaient des problèmes avec le gouvernement, ils avaient refusé de nommer des personnes à certaines agences, non pas au Conseil canadien mais quand même... Donc, cela peut arriver dans l'autre sens. Mais le Code est là, et le ministre est obligé de faire des consultations. À la fin, les nominations du ministre seront soumises au gouverneur général en conseil.
Comme vous le savez, le mouvement syndical et les employés fédéraux ont participé activement aux consultations qui ont mené au rapport Sims et au projet de loi C-19. Donc, j'imagine que quelques-unes de ces personnes vont être consultées par le ministre, mais je pense qu'il faudra poser la question au ministre à un moment donné.
M. Yves Rocheleau: Merci.
[Traduction]
Le président: Pat, avez-vous autre chose?
M. Pat Martin: Certainement.
Tout à l'heure j'ai posé une question à laquelle Mike a répondu. J'ai demandé quelle sorte de cas sera entendu par un seul arbitre ou par un seul vice-président plutôt que par tous les membres du conseil. J'aimerais approfondir cette question.
Est-ce que le demandeur, qu'il s'agisse du syndicat ou du patronat, lorsqu'il présente sa cause devant le Conseil, a le choix de demander qu'il soit entendu par tous les membres du Conseil? Quel type de cause pourrait être entendue par un seul président?
Par ailleurs, au cours des deux années de consultation, quel genre de participation et de réaction avez-vous obtenues de la part des syndicats et du patronat sur la question?
M. Michael McDermott: Tout d'abord, pour ce qui est de la participation des parties pour décider si l'affaire sera entendue par tous les membres du Conseil, il y a une partie de la disposition qui stipule que si les parties consentent à ce qu'un seul membre tranche la question, et ce n'est pas dans ce sens que vous avez posé la question—, le président, dans certains cas, pour s'assurer que le cas est représenté de façon équitable, a le pouvoir de nommer un seul membre peu importe ce que souhaitent les parties. Cependant, je pense que le président voudrait certainement tenir compte de ce que souhaitent les parties dans de tels cas.
Au cours des consultations, cette disposition a été bien accueillie par le patronat et les syndicats. Comme bon nombre d'autres choses dans ce projet de loi, cela n'est pas sans précédent. Nous trouvons des précédents dans les lois provinciales pour ce genre de choses. Cela a permis par le passé de faire progresser certains dossiers, et cela a semblé être assez valable, pourvu, naturellement, que l'on puise toujours nous assurer que dans des cas particuliers, lorsqu'un tribunal tripartite serait utile...
D'après l'expérience dans d'autres provinces, lorsqu'il y a des cas innovateurs qui créent de nouveaux précédents, il y a alors un groupe tripartite, oui.
M. Pat Martin: À cet égard, je crois qu'il y a à l'heure actuelle un des plus importants arriérés et qu'il y a environ 90 demandes d'accréditation qui attendent d'être entendues. Ce sont des causes où la question de temps est extrêmement importante. S'il y a des travailleurs qui ont eu le courage de signer une carte de membre du syndicat, souvent l'employeur utilise ce délai pour essayer de les convaincre que c'est une mauvaise idée que de se joindre au syndicat. En d'autres termes, il y a une période très propice pour l'ingérence, de sorte que nous sommes toujours impatients de voir ces dossiers réglés rapidement.
Est-ce qu'une demande d'accréditation est l'une de ces questions qui peut être entendue par un seul président selon le processus accéléré?
M. Michael McDermott: On ne mentionne pas spécifiquement ici que ce soit le cas, sauf lorsque le président peut déterminer qu'il convient d'utiliser un seul membre en raison de la possibilité de préjudice pour une partie.
Je ne sais ce que le Conseil décidera dans des cas particuliers. Je pense qu'un conseil tripartite serait sans doute la façon d'examiner une accréditation, car il y aura des points de vue des deux côtés.
Debra Robinson souligne ici qu'il y a un article dans le projet de loi qui dit que le Conseil «peut» prendre un règlement pour établir une procédure accélérée et déterminer quelles questions peuvent être tranchées de cette façon. Donc, le projet de loi vise d'une certaine façon à essayer d'accélérer le processus. Même si cela n'est pas coulé dans le béton, il y a également une disposition qui dit que lorsque le Conseil a terminé ses audiences, il doit tenter de rendre sa décision dans un délai raisonnable. Cette disposition est là parce que parfois le Conseil a pris beaucoup de temps pour rendre sa décision.
M. Pat Martin: Merci.
Le président: Merci, monsieur Martin.
Monsieur Johnston.
M. Dale Johnston: Je ne sais pas s'il est juste de poser une question hypothétique, mais supposons qu'il y a une grève ou un débrayage—quoi qu'il en soit, il y a interruption de travail—dans les ports de la côte Ouest. Nous avons un groupe spécifique, comme les manutentionnaires céréaliers ou les gestionnaires, qui ont arrêté le mouvement du grain par le passé. Ce projet de loi les obligera essentiellement à charger le grain, mais ce groupe est toujours soit en grève, soit en lock-out.
Qu'y a-t-il dans le projet de loi pour empêcher d'autres syndicats—par exemple, les syndicats ferroviaires, ou les pilotes de bateau—de dire qu'ils ne vont pas traverser les lignes de piquetage, qu'ils vont refuser de travailler afin de respecter les lignes de piquetage, que le bateau chargé ne pourra pas quitter le port. Si certains des syndicats des travailleurs des chemins de fer disent qu'ils vont également respecter cette ligne de piquetage, alors le grain ne peut circuler entre la ferme et le silo élévateur situé dans le port. Ainsi, il ne peut vraiment pas y avoir de transport du grain.
M. Michael McDermott: Eh bien, il y a quelques points. Vous parlez plus spécifiquement des remorqueurs. Ils devraient être visés par cette disposition parce que votre exemple concerne les ports. On mentionne spécifiquement les débardeurs dans les dispositions, mais il y a également une définition additionnelle des activités liées aux ports. Les manutentionnaires qui travaillent dans les silos élévateurs portuaires continueraient à travailler aux termes de la convention collective qu'ils ont signée séparément avec leurs employeurs, indépendamment des accords que les débardeurs ont signés avec la British Columbia Maritime Employers Association.
Pour ce qui est des chemins de fer, ils ne seraient pas touchés par cette disposition. Si on alléguait qu'un arrêt de travail est illégal, cependant, le Conseil pourrait entendre la cause. Comme je l'ai déjà mentionné, je pense que le Conseil entend ces causes et tranche assez rapidement.
M. Dale Johnston: Ma question n'était peut-être pas claire. Si ce groupe, celui des débardeurs, était déclaré service essentiel et qu'ils étaient en grève mais qu'ils devaient quand même charger les bateaux, qui a-t-il dans ce projet de loi pour empêcher la Fraternité internationale des ouvriers en électricité de dire par exemple qu'ils ne vont pas traverser la ligne de piquetage pour amener le grain dans le port?
M. Michael McDermott: C'est ce à quoi je fais allusion. Si le groupe dont vous parlez a signé une convention collective et n'a pas le droit de faire la grève ou d'être en lock-out, alors une plainte pourrait être déposée devant le Conseil pour dire tout simplement qu'ils devraient être au travail. Le Conseil examine alors la plainte et tranche en disant que c'est légal ou illégal. C'est ce qui s'est passé dans d'autres cas où il y eu des interruptions de travail de solidarité.
M. Dale Johnston: Très bien, merci.
Le président: Monsieur Anders, avez-vous une question?
M. Rob Anders: Encore une fois, ma question s'adresse à Mme Beaupré, et concerne les dispositions relatives à la vie privée et aux travailleurs à distance. Cette question me préoccupe sérieusement—je ne suis pas le seul—car on pourrait ainsi violer le droit d'une personne de ne pas s'associer.
• 1205
Je parle ici de l'arrêt rendu par le juge LaForest de la Cour
suprême en 1991 dans l'affaire Lavigne contre le Syndicat des
employés et employées de la fonction publique de l'Ontario. Cet
arrêt concernait la vie privée et la question de savoir si les
travailleurs à distance devaient être inclus et si on devait
communiquer les noms et les adresses de ces travailleurs aux
syndicats:
-
L'association forcée étouffe la possibilité pour l'individu de
réaliser son épanouissement et son accomplissement personnels aussi
sûrement que l'association volontaire le développera, et la société
ne saurait s'attendre à obtenir des contributions intéressantes de
groupes ou d'associations qui ne représentent pas vraiment les
convictions et le libre choix de leurs membres. On pourrait plutôt
s'attendre à ce que de tels groupes et organisations aient de façon
générale un effet négatif sur le développement de la communauté en
général. Il suffit de penser à l'histoire de la stagnation sociale
en Europe de l'Est et au rôle qu'a joué dans le développement et la
préservation de cette stagnation l'établissement officiel des
syndicats «libres», des mouvements pour la paix et des organisations
culturelles pour comprendre l'effet destructeur qu'une association
forcée peut avoir sur la société. La reconnaissance de la liberté
de l'individu de ne pas s'associer est la contrepartie nécessaire
d'une association constructive conforme aux idéaux démocratiques.
Donc, nous avons des problèmes avec la Cour suprême, avec les juges de la Cour suprême, mais en plus, en 1948, le Canada a signé la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations Unies. Cette déclaration contient une disposition disant que personne ne peut être foré à appartenir à une association. Pourtant, avec cette violation de la Loi sur la protection de la vie privée, avec ces problèmes qu'a le commissaire à la protection de la vie privée, nous donnons le feu vert au projet de loi C-19 et, sans le consentement des travailleurs, nous permettons que leurs noms et adresses soient communiqués aux organisateurs syndicaux, ce qui va à l'encontre de la déclaration des Nations Unies de 1948 et des arrêts rendus précédemment par des juges de la Cour suprême du Canada.
Cela ne pose-t-il pas un problème?
Mme Yvonne Beaupré: Puis-je dire, tout d'abord, qu'il existe des exceptions. Le Conseil pourra peut-être communiquer avec les employés à distance s'il juge que c'est la mesure qu'il faut prendre.
Ensuite, oui, je présume que les employés seront contactés par les syndicats, mais c'est alors à l'employé de décider ce qu'il veut faire concernant le syndicat. Cela n'oblige pas l'employé à répondre au syndicat de quelque façon que ce soit.
M. Rob Anders: On ne leur a pas demandé au départ, et le projet de loi C-19 ne contient aucune disposition prévoyant qu'on leur demande si oui ou non leur nom et adresse devraient être communiqués à un syndicat.
Mme Yvonne Beaupré: Je ne demande pas à recevoir tout le courrier qu'on m'envoie.
M. Rob Anders: Je ne pense pas que ce soit une réponse satisfaisante. Les travailleurs non plus n'en veulent pas.
Je vais donc m'arrêter ici.
[Français]
Le président: Monsieur Rocheleau.
M. Yves Rocheleau: Le projet de loi C-19 vise aussi à modifier la Loi sur les déclarations des personnes morales et des syndicats en en abrogeant la partie II. Qu'est-ce qui amène le gouvernement à suggérer cette nouveauté?
M. Krishna Sahay: Les changements proposés sont consécutifs à notre analyse des besoins. Au début de cet exercice, nous avons dû réduire nos budgets. Quand on a analysé les programmes, on a vu que ce programme-là comportait deux parties. Il y avait la partie dont le but était d'informer le public concernant les membres, le taux de syndicalisation, etc. Il y a beaucoup de demandes d'information de ce genre. Mais nous avons actuellement de nouveaux programmes qui peuvent fournir ces chiffres de façon très efficace et moins coûteuse. Il y en a même qui disent que nous pouvons le faire mieux maintenant.
Les chiffres concernant les finances des syndicats ne sont pas disponibles autrement. Comme M. McDermott l'a dit, on peut obtenir les chiffres d'un syndicat particulier en les demandant à ce syndicat-là, mais ils ne sont pas disponibles de façon statistique.
Nous avons fait des consultations assez exhaustives et nous avons aussi révisé nos propres dossiers. Nous n'avions pas reçu de demandes d'information de ce genre pendant les cinq années précédant cette décision. On cherchait des moyens de réduire le budget et on a décidé que c'était le meilleur programme à cibler.
M. Yves Rocheleau: Avez-vous une idée des sommes qui vont être économisées?
M. Krishna Sahay: À peu près 300 000 $ par année.
M. Yves Rocheleau: Merci.
[Traduction]
Le président: Merci.
Je crois que M. Anders me fait un dernier signe. Avez-vous une autre question?
M. Rob Anders: Oui, une petite question supplémentaire.
En rétrospective, j'ai trouvé en fait la réponse de Mme Beaupré assez mignonne lorsqu'elle a dit qu'elle n'obtenait pas tout le courrier qu'on lui envoyait.
Une voix: Elle ne demande pas à recevoir ce courrier.
M. Rob Anders: Très bien. Elle ne demande pas à recevoir tout le courrier qu'on lui envoie.
Malheureusement, cependant, ce n'est pas seulement une question de courrier, car même ce matin votre ministre a admis que les organisateurs syndicaux, s'ils veulent s'organiser dans les cuisines du pays, auraient le droit de le faire. Il reconnaît qu'avec le projet de loi C-19, ce n'est pas seulement une question de courrier, mais de permettre également que soient communiqués les noms et les adresses des employés et de permettre aux organisateurs syndicaux de frapper aux portes et d'entrer dans les cuisines de ces travailleurs sans leur permission.
Le président: Leur cuisine, mais pas leur chambre à coucher.
Des voix: Oh, oh!
Mme Yvonne Beaupré: Si vous me le permettez, le Conseil doit préciser les moyens par lesquels le syndicat doit communiquer avec les travailleurs. Je suppose que si un conseil considère qu'il est approprié de le faire, il autorisera des représentants syndicats à se rendre chez les travailleurs.
Je ne pense pas que ce serait la façon habituelle que le Conseil autoriserait pour communiquer avec les travailleurs—sans toutefois vouloir parler à sa place. Il devra décider quel est le moyen de communication approprié dans chaque cas.
M. Rob Anders: Vous admettez donc que le projet de loi C-19 permet tout à fait de le faire, que cela ne se limite pas tout simplement au courrier, mais naturellement vous validez ce que le ministre a dit ce matin, que cela permettrait aux organisateurs syndicaux d'aller frapper à la porte des travailleurs à distance pour entrer dans leur cuisine.
M. Michael McDermott: Je crois, monsieur Anders, que le ministre a dit que cette façon de communiquer n'était que sur invitation. Si j'ai bonne mémoire, c'est ce qu'il a dit ce matin.
Le président: Merci.
Je remercie tous les membres du comité et le personnel qui sont ici. Je les remercie d'avoir pris le temps de participer à nos travaux.
Je rappelle aux membres du comité que nous revenons dans cette pièce à 15 h 30. Nous entendrons alors un témoin qui représente à la fois la Chambre de commerce de l'Alberta et la Chambre de commerce de Calgary. Le deuxième témoin est Buzz Hargrove du syndicat des travailleurs de l'automobile. Les deux autres témoins que nous devions entendre cet après-midi ont annulé. Nous aurons donc une brève séance d'une heure et quart bien intéressante.
Merci, monsieur McDermott, et merci aux membres du personnel.
La séance est levée.