HRPD Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON HUMAN RESOURCES DEVELOPMENT AND THE STATUS OF PERSONS WITH DISABILITIES
COMITÉ PERMANENT DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES ET DE LA CONDITION DES PERSONNES HANDICAPÉES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 25 novembre 1997
[Traduction]
Le président (M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.)): La séance est ouverte.
Je vous souhaite la bienvenue à la neuvième réunion du Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées.
Je souhaite particulièrement la bienvenue à nos cinq témoins dont certains nous sont familiers et d'autres très familiers. Je vous remercie d'avoir bien voulu nous consacrer du temps aujourd'hui.
• 0910
Comme il s'agit d'une nouvelle session parlementaire et que le
comité compte beaucoup plus de membres, nous avons cru bon, pour
nous familiariser avec les questions du ressort du comité,
d'inviter des experts en la matière à nous entretenir des sujets
qui les intéressent tout particulièrement.
On me dit que Mme Suzanne Peters est malade aujourd'hui et qu'elle ne sera pas des nôtres.
Ken, vous la remplacez...?
La greffière du comité: Il s'agit de quelqu'un qui a été ajouté à la liste au dernier moment.
Le président: Voilà pourquoi votre nom ne figure pas parmi la liste des témoins.
M. Richard Shillington, du Caledon Institute of Social Policy...
M. Ken Battle (président, Caledon Institute of Social Policy): Non, c'est moi qui représente l'Institut Caledon.
Le président: Je m'excuse. J'ai commencé par la fin.
Richard, vous comparaissez à titre personnel.
M. Richard Shillington (témoignage à titre personnel): Oui.
Le président: Très bien. Voici donc la liste des témoins: Richard Shillington, témoignage à titre personnel; Kim Battle, qui représente l'Institut Caledon; John O'Leary du Collège Frontière; Ivan Hale de Lavoie, le Réseau canadien des aînés; et Keith Patterson de l'Association nationale des retraités fédéraux.
Je m'attends à ce que nous revoyons les deux derniers témoins dans les mois ou les années qui suivent.
Vous êtes-vous entendus sur la façon dont vous vouliez procéder?
Très bien, on propose que Richard Shillington commence et que ce soit ensuite le tour de Ken et des autres témoins. Nous allons d'abord entendre vos exposés et nous verrons ensuite où nous mènera la discussion.
Monsieur Shillington.
M. Richard Shillington: Je vous remercie.
J'aimerais d'abord remercier le comité de m'avoir invité à comparaître devant lui. Cette invitation me flatte étant donné surtout que je ne représente pas un organisme ou un groupe de réflexion. Je me suis cependant longuement penché au fil des ans sur différentes questions liées à la politique sociale.
Je tiens à remercier la greffière qui s'est chargée de faire traduire mon mémoire. Je ne suis pas bilingue, et j'apprécie le fait qu'on m'ait aidé à faire traduire mon document.
Je vous ai remis deux documents auxquels je vais me reporter. Le premier s'intitule: «Historique du système de prestations pour enfants: Comment créer l'illusion de la justice». Le second répond aux questions qu'on pourrait se poser au sujet de la prestation nationale pour enfants. Je me reporterai à ces documents, mais je tâcherai d'être bref.
J'aimerais d'abord vous parler de la prestation fiscale pour enfants et de sa désindexation ou plus de son indexation partielle. J'aimerais ensuite dire quelques mots au sujet de la proposition qui figure dans le budget de 1997.
Certains d'entre vous, en particulier les nouveaux élus, ont peut-être l'impression d'être entrés dans une salle où on projetait un film à l'approche du moment culminant. C'est sans doute l'impression que vous avez au sujet de la prestation pour enfant. Permettez-moi de vous expliquer quelles sont les perceptions des gens au sujet de cette mesure.
Le système de prestations pour enfants a été largement modifié depuis le début des années 80. Le système n'est jamais resté au point mort. Depuis 1984, le programme n'est plus universel, mais est devenu un programme fondé sur les besoins.
Les budgets de 1985, 1989, 1992, 1996 et 1997 comportaient tous des mesures visant à faire en sorte que les Canadiens à revenu élevé cessent d'avoir droit à la prestation pour enfant. L'objectif visé était de cibler les sommes affectées à cette prestation aux familles à faible revenu, c'est-à-dire aux Canadiens en ayant le plus besoin.
Ces budgets successifs, ainsi que les documents qui les accompagnaient, mettaient tous l'accent sur la nécessité d'accroître l'aide accordée aux enfants venant de familles à faible revenu. Or, toutes ces analyses et tous les documents budgétaires ne tenaient pas compte de l'inflation.
Le document qui porte sur l'historique de la prestation pour enfants contient plusieurs citations de ces budgets, des articles qui ont été publiés à leur sujet dans la presse ainsi que des déclarations faites par des élus et des fonctionnaires devant ce comité, ou d'autres comités semblables, comme le Comité des finances.
• 0915
Les citations auxquelles je fais allusion donneraient à croire
à un non initié que les sommes consacrées à venir en aide aux
enfants pauvres ont augmenté depuis quelques années et que tous les
enfants bénéficient d'une aide accrue. Or, seul le budget de 1985
prévoyait une majoration de l'aide accordée à l'ensemble des
enfants pauvres. Ce budget prévoyait des augmentations échelonnées
sur trois ou quatre ans. Depuis 1989, c'est seulement par
l'intermédiaire du supplément au revenu de travail qu'on a majoré
la prestation pour enfants et ce ne sont donc que les pauvres qui
travaillent qui obtiennent une aide accrue pour leurs enfants. La
prestation régulière a été établie en 1985 et n'a pas été relevée
depuis 1989. Depuis lors, elle n'a pas non plus été indexée pour
tenir compte de l'inflation.
Vous trouverez à la troisième page du document intitulé «Historique du système de prestation pour enfant», un tableau comparant le niveau de prestation auquel avait droit une famille avec deux enfants en 1985 et en 1997. Les chiffres donnés dans ce tableau sont tirés des documents budgétaires de 1985 et de 1997 et le taux d'inflation cité provient de Statistique Canada. On voit que les familles comptant deux enfants dont le seul revenu est l'aide sociale, touchent des prestations pour enfants moins élevées en 1997 que ce qu'elles touchaient en 1984. La prestation a diminué d'un peu plus de 100 $, ce qui constitue une réduction énorme. Je vous rappelle cependant que ces familles étaient celles vers lesquelles on devait diriger l'argent qui ne serait plus versé aux familles à revenu élevé.
Prenons le cas d'une famille dont le revenu était de 10 000 $ en 1985. Ce revenu serait maintenant de 15 000 $. Cette famille verra sa prestation augmenter de près de 900 $ à la suite de la mesure prévue dans le budget de 1997 parce qu'on a accru l'aide destinée aux familles pauvres qui travaillent. La prestation pour enfants d'une famille dont le revenu est de 29 000 $ a cependant diminué de 500 $ depuis 1984.
Ce qui m'amène à perdre mon calme c'est qu'on a vraiment réduit l'aide accordée aux familles à revenu modeste ainsi qu'aux familles dont le revenu se situe juste au-dessus du seuil de la pauvreté. Ces familles ne sont pas riches. On nous avait cependant promis que l'argent qui ne serait plus versé aux familles riches canadiennes iraient aux familles pauvres. Or, les familles riches ne sont pas les seules à constater que leur prestation pour enfants a diminué. Voilà pourquoi je dis qu'on a créé une illusion de justice.
Que ressort-il de l'ensemble de ces citations? On en déduit que l'aide accordée pour les enfants pauvres a augmenté, que les grands perdants sont les familles canadiennes riches et que les dépenses fédérales dans ce domaine ont augmenté. C'est ce qui ressort de chacun de ces budgets. Il est fait état dans les documents budgétaires des centaines de millions de dollars supplémentaires qui ont été investis dans l'amélioration du système de prestation pour enfant.
Ce que ces documents ne mentionnent cependant pas—et je crois qu'aucun document officiel ne le mentionne—est qu'il y a eu érosion de la valeur de la prestation pour enfants et qu'il y a eu diminution du nombre d'enfants qui reçoivent cette aide. En outre, on a réduit de plusieurs centaines de dollars l'aide accordée aux familles à revenu modeste, c'est-à-dire aux familles dont le revenu est de 27 000 $, 30 000 $ ou 40 000 $ par année.
Que se passe-t-il lorsque les militants sont suffisamment effrontés pour le signaler? Ce qu'on nous répond habituellement au sujet de la désindexation, c'est qu'il faut faire confiance au gouvernement qui prendra des mesures spéciales au besoin. Lorsqu'on fait remarquer qu'on consacre beaucoup moins d'argent aujourd'hui à la prestation pour enfant, on nous répond normalement que nos chiffres ne sont sans doute pas exacts. Personne ne m'a cependant jamais donné un chiffre qui serait exact. Le gouvernement ne fait que contester les chiffres avancés par les chercheurs.
Cette magie s'explique par la désindexation. Dans un monde où sévit l'inflation, vous pouvez bouger tout en restant immobile. Des prestations qui demeurent les mêmes peuvent diminuer de valeur.
• 0920
Cela étant dit, j'aimerais maintenant vous parler de la mesure
proposée dans le budget de 1997. Le gouvernement propose d'affecter
850 millions de dollars de plus à la prestation pour enfants, mais
quand on dit qu'il s'agit d'une injection d'argent neuf, tout
dépend évidemment du point où l'on se situe. Il s'agit évidemment
d'argent neuf par rapport à ce qui était prévu dans le budget
précédent.
Or, si l'on compare les sommes qui étaient affectées à la prestation en 1993 au moment du début du mandat du gouvernement libéral, on voit qu'il y a eu érosion de l'aide accordée aux enfants. En fait, quelle proportion de ces 850 millions de dollars constitue simplement un rattrapage compte tenu de l'érosion de la valeur de la prestation pour enfants depuis 1993 ou 1994? On ne nous le dit pas.
Comme tous les militants, je me réjouis du fait qu'on compte consacrer 850 millions de dollars de plus à la prestation pour enfants. C'est d'ailleurs l'augmentation la plus importante qui ait été annoncée depuis que je travaille dans ce domaine. Il faut cependant replacer les choses dans leur contexte. Une bonne part de cette somme ne servira qu'à faire du rattrapage.
Le problème de la désindexation n'a pas été réglé. Il a été décidé de ne pas pleinement indexer la prestation pour enfants. Pourquoi pas? Pourquoi proposer un système qui fait en sorte que les familles à revenu modeste et que les familles qui n'ont pas de revenu d'emploi continuent de voir leur prestation diminuer?
Les familles qui ne profiteront pas de l'augmentation de la prestation sont celles qui n'ont pas de revenu d'emploi. Il peut s'agir de familles qui vivent de l'aide sociale parce que les parents sont handicapés. Il peut aussi s'agir de familles autochtones qui vivent dans des régions isolées.
Prenons le cas de familles monoparentales. Nous savons qu'environ la moitié des enfants pauvres proviennent de familles monoparentales. Lorsque ces familles comptent des enfants d'âge préscolaire, il leur est d'autant plus difficile de gagner un revenu. L'augmentation de la prestation pour enfants n'aidera donc pas ces familles.
Je me réjouis donc de l'injection de cette somme de 850 millions de dollars. Je regrette cependant qu'une partie de cette somme n'ait pas été utilisée pour indexer pleinement la prestation afin d'éviter que sa valeur continue à diminuer. On me dit que 150 millions de dollars par année auraient suffi pour indexer pleinement la prestation. De cette façon, il n'y aurait plus de perdants. Les familles qui vivent de l'aide sociale et les familles à revenu modeste auraient cessé de voir leur prestation pour enfants diminuer.
Ce qu'on aurait pu faire, c'est utiliser une partie de cet argent, peut-être les deux tiers ou les trois quarts, pour aider les familles dont le seul revenu est l'aide sociale. Il faut dissiper le mythe qui existe au sujet de ces familles.
Voilà donc comment on aurait pu utiliser plus judicieusement ces 850 millions de dollars: indexer pleinement la prestation, et aider les assistés sociaux ainsi que les familles à revenu modeste.
J'espère ne pas avoir été trop long. J'attends avec hâte la discussion.
Le président: Ken, je vous demande maintenant de faire votre exposé. On me dit que vous allez nous parler des aînés ainsi que des enfants.
M. Ken Battle: Étant donné que je n'ai pas beaucoup de temps, je ne vais pas essayer de vous présenter mon mémoire au complet. J'aimerais cependant vous dire quelques mots au sujet de la réforme de la prestation pour enfants et ensuite quelques mots au sujet de la prestation aux aînés.
J'aimerais signaler aux membres du comité que je suis directement intéressé par ces deux réformes puisque c'est moi qui ai proposé la création de la prestation aux aînés. J'ai oeuvré à la mise en oeuvre de cette prestation ainsi que la prestation pour enfants. Je le dis ouvertement. J'espère pouvoir étudier objectivement ces programmes auxquels j'ai cependant été mêlé de près.
À la fin de la semaine dernière, l'Institut Caledon a publié un rapport sur lequel j'aimerais attirer votre attention. On est en train de vous le distribuer. Il s'intitule «Réforme de la prestation pour enfants au Canada: Cadre d'évaluation et orientation future».
Le rapport a été cofinancé par Développement des ressources humaines Canada et le gouvernement de la Colombie-Britannique. Comme Richard vient de le faire, ce rapport fait l'historique de la prestation pour enfants au Canada et du concept fondamental de l'intégration de la prestation pour enfants qui sous-tend les réformes annoncées dans le budget fédéral de 1997. Le document aborde en fait plusieurs sujets.
• 0925
La raison pour laquelle le gouvernement de la
Colombie-Britannique a assumé une part du coût de cette étude, est
que la Colombie-Britannique est la première province à avoir mis en
oeuvre la réforme de la prestation pour enfants vers laquelle
s'orientent le gouvernement fédéral et les autres gouvernements
provinciaux. L'étude consacre tout un programme à la nouvelle
prestation familiale de la Colombie-Britannique.
Notre rapport visait à conseiller le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux—pas seulement celui de la Colombie-Britannique, mais tous les gouvernements qui ont collaboré à mettre en oeuvre la prestation pour enfants—dans deux domaines. Il s'agit d'abord de savoir quelle orientation devrait prendre la prestation nationale pour enfants puisque le budget fédéral de 1997 ne faisait en fait qu'annoncer la création de ce programme. La plupart des gens conviendront, je crois, qu'il faut réfléchir soigneusement aux critères en fonction desquels le programme devrait évoluer.
Le document propose aussi aux gouvernements, ainsi qu'aux groupes de militants, des paramètres en fonction desquels ils pourront juger si la prestation nationale pour enfants s'oriente ou non dans la bonne direction. Nous évaluons de façon critique les trois objectifs que les gouvernements fédéral et provinciaux se sont fixés en créant la prestation nationale pour enfants. Ces objectifs sont de prévenir et d'atténuer la pauvreté, de favoriser la participation à la population active et de réduire le double emploi. Nous proposons des façons d'interpréter ces objectifs et nous ajoutons à cette liste quatre autres objectifs. Il s'agit d'un soutien adéquat, de l'équité, de la promotion de la dignité et de l'indépendance des familles et de la stabilité économique. Nous proposons donc sept grands objectifs pour ce qui est de la réforme de la prestation pour enfants.
Nous évaluons le système actuel en fonction du cadre d'évaluation que nous nous sommes donnés. Comme on pouvait s'y attendre, nous avons décelé un certain nombre de lacunes dans le système actuel. Nous avons aussi examiné en fonction de ce cadre d'évaluation les annonces faites par les gouvernements fédéral et provinciaux au sujet de la prestation nationale pour enfants. Bien que nous ne disposions pas beaucoup d'informations sur le sujet, nous disons quelques mots au sujet de ce que font les autres provinces dans ce domaine en insistant tout particulièrement sur ce que fait le Québec. Nous sommes un petit peu moins renseignés au sujet des plans de la Saskatchewan et un peu mieux sur ceux de l'Alberta. Nous étudions comment chaque province compte participer à la mise en oeuvre de la prestation nationale pour enfants. J'insiste sur le fait que le Québec n'a pas vraiment participé au processus pour des raisons que connaissent bien les députés. Il est cependant intéressant de constater que le Québec s'est bien donné une politique dans ce domaine.
Un aspect fascinant de la prestation nationale pour enfants est que la proposition fait l'objet d'un consensus parmi tous les partis et tous les groupes linguistiques. Il s'agit d'une proposition très intéressante. Je vous signale que nous considérons la prestation nationale pour enfants comme un programme qui va bien au-delà d'une simple amélioration de la prestation pour enfants. Il s'agira de la plus importante réforme du système de bien-être social qu'on ait vue depuis la création de ce système. La réforme va donner le coup d'envoi au démantèlement du système de bien-être social que réclame l'Institut Caledon. À notre avis, le système de bien-être social n'atteindra jamais ses objectifs et doit être complètement éliminé. Nous pensons aussi que la prestation nationale pour enfants peut jouer un rôle unificateur dans notre pays et je ne dis pas cela seulement pour la forme.
Je serai heureux de répondre à vos questions. Je ne peux évidemment pas vous exposer tous les détails de cet énorme rapport, mais il y a deux choses que je tiens à mentionner.
Nous nous sommes principalement demandés si les prestations étaient suffisantes. Nous avons identifié trois éléments. Premièrement, la prestation et le seuil devraient être pleinement indexés. Richard et moi avons probablement passé plus de temps que n'importe qui d'autre à déplorer l'effet pernicieux de l'indexation partielle. Nous avons beaucoup étudié cette question et je suis entièrement d'accord avec Richard à ce sujet. Nous avons consacré toute une section aux problèmes causés par l'indexation partielle de la nouvelle prestation, puisque c'est inchangé par rapport à l'ancienne.
• 0930
La prestation devrait donc être pleinement indexée, mais nous
fixons aussi deux objectifs. Premièrement, nous soutenons que d'ici
deux ans, le maximum de la prestation canadienne pour
enfants—c'est-à-dire la prestation fédérale—devrait atteindre
2 500 $ par enfant. C'est une augmentation considérable par rapport
au montant initial de 1 625 $ pour le premier enfant et de 1 425 $
pour le deuxième enfant. Ce chiffre de 2 500 $ représenterait à peu
près la somme—et je dis «à peu près» parce que le montant
varierait d'une province à l'autre—nécessaire pour remplacer
entièrement toutes les prestations d'aide sociale destinées aux
enfants, ce qui est le premier objectif d'une prestation nationale
pour enfants.
Nous soutenons également qu'il faudrait investir encore davantage dans la prestation pour enfants, pour qu'elle atteigne le niveau de 4 000 $ par enfant environ—ce montant dépendrait d'une étude que nous recommandons d'effectuer sur ce qu'il en coûte pour élever des enfants—afin que notre régime de prestations pour enfants compense en grande partie ou entièrement ce qu'il en coûterait aux familles à faible revenu pour répondre aux besoins essentiels de leurs enfants.
C'est ainsi que nous voyons le rôle du régime de prestations pour enfants. Il s'intégrerait dans l'ensemble de la politique sociale visant les familles avec enfants.
La réforme de la prestation pour enfants n'est pas une solution magique. Il n'existe pas de solution magique dans la lutte contre la pauvreté. Elle nécessite une vaste gamme de programmes: des programmes axés sur le revenu, des programmes axés sur l'emploi et des services. Elle s'étend même, à mon avis, jusqu'à la politique fiscale et monétaire. Quiconque traite la prestation nationale pour enfants comme si c'était la seule chose que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux feront pour lutter contre la pauvreté chez les enfants se berce d'illusions, et tout politicien qui présente la chose de cette façon ne dit pas la vérité.
Je vais parler très brièvement de la prestation aux aînés, car je sais que mon collègue Keith Patterson en parlera davantage. Depuis que la prestation aux aînés a été proposée dans le budget fédéral de 1996, elle a fait l'objet d'une foule de critiques, ce qui n'est pas surprenant. Dès qu'on essaie de réformer les prestations aux personnes âgées, on s'aventure en terrain miné.
Une grande partie des critiques résultaient, je pense, de mauvaises informations. On a fait beaucoup d'exagération. C'était justifié dans certains cas, mais c'était en grande partie de l'hystérie. On a ainsi entretenu les craintes des aînés face aux changements et les aînés ont tout lieu d'être craintifs quand on apporte des changements à leurs prestations.
Je pense que l'attaque est venue autant de la gauche que de la droite. J'ai été surpris par une partie de ces attaques, et celles qui venaient de la droite m'ont surpris plus que celles qui venaient de la gauche. Mais il y a eu des attaques.
Je recommande au gouvernement—j'ai agi comme conseiller auprès des ministres Pettigrew et Martin à ce sujet—qu'on apporte des changements à la proposition originale contenue dans le budget de 1996, mais que l'essentiel de la prestation aux aînés soit instaurée, car je pense que c'est un changement fondamentalement important.
C'est une proposition qui ne rapportera pas de capital politique au gouvernement actuel ni au gouvernement suivant. C'est un changement qui doit être fait pour les gouvernements futurs, afin qu'ils puissent maintenir le soutien—et même augmenter considérablement le soutien, il faut l'espérer—que les gouvernements passés et le gouvernement actuel ont réussi à offrir aux aînés à faible revenu et à revenu modeste.
Je crois vraiment que l'on ne peut pas sous-estimer l'augmentation des coûts associés à une population vieillissante, non seulement sur le plan des prestations de sécurité du revenu, mais sur le plan des services de santé et des services sociaux. Les gouvernements se doivent d'être prudents, d'être conservateurs avec un «c» minuscule; ils doivent essayer de créer un programme qui pourra être maintenu à l'avenir.
Cela dit, je pense que les détracteurs ont soulevé des critiques valables au sujet de certains aspects de la proposition originale, et je pense qu'il faut arriver à certains compromis. Je parle en particulier d'augmentations plus importantes que nous espérons voir proposées au maximum des prestations pour les aînés à faible revenu. L'instauration du programme doit être répartie sur une plus longue période, afin d'offrir une plus grande équité aux personnes qui sont sur le point de devenir des aînés. Tout changement majeur dans les pensions nécessite une période d'instauration plus graduelle. Le taux de réduction imposé à la tranche plus élevée de revenus, c'est-à-dire les 20 p. 100, est trop élevé et doit être abaissé quelque peu. On voudra peut-être même revoir le seuil, mais il faut encore examiner la question.
• 0935
Le seul changement que je n'accepterais pas est un changement
dans le critère du revenu familial pour la prestation aux aînés,
parce que c'est l'essence même de la réforme et sans critère du
revenu familial, on n'a pas de prestations aux aînés. Je sais que
c'est une question controversée et je serais heureuse de répliquer
à vos arguments.
À condition qu'on apporte certains amendements nécessaires à la proposition originale, j'espère que le gouvernement décidera de présenter une mesure législative pour la mettre en oeuvre. Je pense que la prestation aux aînés représente une réforme absolument nécessaire—et je le répète, une réforme dont nous n'avons pas besoin immédiatement, mais dont nous aurons besoin lorsque les gens de mon groupe d'âge auront 65 ans, ce qui n'est pas tellement loin. Merci.
Le président: Nous allons maintenant remonter l'échelle des groupes d'âge, en allant vers les plus jeunes. Nous entendrons John O'Leary, ensuite nous passerons à Ivan et, enfin, Keith fera le dernier exposé.
M. John O'Leary (président, Collège Frontière): Merci, monsieur le président. Je remercie tous les membres du comité de m'avoir invité à venir ce matin. J'ai distribué des documents sur le Collège Frontière et sur la question de l'alphabétisation, dont j'aimerais vous parler brièvement, et j'espère ensuite pouvoir discuter avec vous.
J'aimerais d'abord vous raconter une histoire. Je suis enseignant et je sais qu'il y a d'autres enseignants dans la salle; c'est une façon de présenter la question de l'alphabétisation et de l'analphabétisme dans notre pays.
En 1976, j'étais un nouvel enseignant dans la prison fédérale de Stony Mountain, à Winnipeg, au Manitoba. Avec mes longs cheveux, mes pantalons à pattes d'éléphant et mon T-shirt à motif cachemire... Ceux d'entre vous qui vous souvenez des vêtements que nous portions tous à cette époque-là savez que c'était plutôt effrayant. J'ai lancé un petit programme d'alphabétisation dans la prison fédérale. La plupart des détenus étaient alors, comme c'est encore le cas maintenant, de jeunes hommes autochtones. Je me souviens que la première semaine de ce nouveau cours d'alphabétisation, personne n'est venu. Nous savons maintenant, et nous savions alors, qu'un grand nombre de contrevenants détenus dans des prisons fédérales et provinciales souffrent de graves problèmes d'alphabétisation. J'étais un peu perplexe de voir que personne ne venait à mon cours d'alphabétisation.
Enfin, un vendredi soir, alors que je ramassais mes affaires après avoir attendu presque trois heures dans une salle de classe vide et que j'étais très découragé, un jeune homme est entré, et son prénom était Joseph. Je me souviens encore de lui. Il avait environ 30 ans. Il est entré et il ne m'a pas dit: «Monsieur O'Leary, je suis analphabète et j'aimerais apprendre à lire et à écrire». Il est entré avec son livre des AA, son livre des Alcooliques Anonymes, parce que son objectif n'était pas de s'instruire, son objectif était de rester sobre. Il avait conclu que s'il pouvait lire ce livre... Vous savez peut-être que le programme des AA est fondé sur un épais manuel écrit il y a presque 40 ans. S'il voulait s'aider lui-même à se donner un meilleur avenir et à rester sobre, il avait besoin de savoir lire et écrire. C'est ainsi que nous avons commencé.
Je vous dis cela parce que l'alphabétisation est un outil. C'est un outil qui permet à une personne de réaliser des objectifs personnels et professionnels. Certains de ces objectifs sont très ambitieux, d'autres sont très modestes, mais ils sont tous très importants.
Pour un pays, je pense que l'alphabétisation, la connaissance et l'instruction ont la même identité. Notre engagement en tant que pays, en ce qui concerne l'éducation, l'apprentissage et l'alphabétisation, est un engagement à améliorer et à embellir la vie de nos citoyens et de nos collectivités, notre vie à nous et l'avenir de nos enfants.
Je voulais seulement présenter les choses sous cet angle.
[Français]
Je suis le président du Collège Frontier, un organisme d'alphabétisation qui fonctionne grâce à des bénévoles. Nous apprenons aux gens à lire et à écrire et nous cherchons à développer en eux le désir d'apprendre leur vie durant. Nous rejoignons les gens là où ils sont et nous répondons à leurs besoins spécifiques d'apprentissage. Pour nous, l'alphabétisation est un droit pour tous.
[Traduction]
L'alphabétisation et l'instruction est un droit pour tous.
• 0940
Le collège a été fondé il y a 98 ans, en 1899, par un groupe
de jeunes Canadiens étudiant dans des universités. Vous avez parlé
des jeunes, monsieur le président, et il vaut la peine de noter—et
je souhaiterais qu'un plus grand nombre de parlementaires et de
citoyens canadiens le sachent—que le premier programme
d'alphabétisation dans ce pays n'était pas l'oeuvre d'enseignants,
de travailleurs sociaux, de fonctionnaires, mais l'oeuvre de jeunes
Canadiens déterminés à aider les autres qui vivaient dans la
pauvreté et l'isolement, en leur donnant le pouvoir de la
connaissance et de l'apprentissage. Ils ont commencé à enseigner
dans des camps de travail isolés dans le nord de notre pays, et
c'est de là que vient le nom de Collège Frontière.
Aujourd'hui, notre mission demeure la même: lutter contre la pauvreté et l'isolement grâce au pouvoir de la connaissance, de l'apprentissage et de l'alphabétisation. C'est encore dans les universités que nous recrutons et que nous formons des étudiants qui deviendront des bénévoles en alphabétisation. Aujourd'hui, nous avons 4 000 membres dans 40 campus universitaires répartis dans toutes les provinces et notre objectif est d'avoir au moins 200 membres du Collège Frontière dans chaque université du Canada d'ici la fin de notre 100e année, c'est-à-dire en 1999. Il y aurait ainsi près de 20 000 jeunes engagés dans un travail d'alphabétisation. C'est le plan auquel nous travaillons pour l'avenir.
Il y a deux choses que je tiens à signaler au sujet de l'alphabétisation. Comme je l'ai mentionné, j'enseigne depuis longtemps et je m'occupe d'alphabétisation depuis près de 25 ans. Les plus grands progrès à cet égard, cependant, n'ont eu lieu qu'au cours des dix dernières années. On a fait un pas de géant ces dix dernières années sur le plan de la sensibilisation des Canadiens à l'analphabétisme et sur le plan du soutien à l'alphabétisation.
En 1987, il y a dix ans cet automne, on a publié les résultats de la première enquête effectuée sur l'alphabétisation dans notre pays. Le document était intitulé Broken words: why five million Canadians are illiterate, et ceux d'entre vous qui s'en souviennent, savent que ce document avait causé beaucoup d'émoi. Il y avait beaucoup de scepticisme. Les gens ne le croyaient pas, mais il a mené à des mesures directes.
En 1988, le gouvernement fédéral a créé le Secrétariat national à l'alphabétisation. L'Année de l'alphabétisation décrétée par les Nations Unies, qui a beaucoup sensibilisé le public, sera 1999. En 1991, en partie à cause du scepticisme au sujet de l'étude de 1987, Statistique Canada a effectué une enquête de suivi, qui a confirmé qu'environ 20 p. 100 des adultes canadiens ne lisent pas assez bien pour participer pleinement à la société d'aujourd'hui. En 1993, ceux d'entre nous qui oeuvrent dans ce domaine étaient très heureux de la nomination du tout premier ministre fédéral chargé d'une responsabilité spéciale en matière d'alphabétisation, la sénatrice Joyce Fairbairn. La sénatrice a été et reste l'une des plus ardentes championnes de cette cause, et l'une des plus efficaces. Et en 1995, une étude internationale a été effectuée par l'Organisation de coopération et de développement économiques. L'Enquête internationale sur l'alphabétisation des adultes (EIAA), que je vous recommande à tous, a comparé les taux d'alphabétisation des divers pays occidentaux industrialisés, confirmant encore une fois les chiffres.
Nous faisons donc face à un problème grave. À mon avis, nous avons fait des progrès importants au cours des dix dernières années. Je tiens à reconnaître les efforts du gouvernement fédéral par l'entremise du Secrétariat national à l'alphabétisation. Le Secrétariat a vu son budget augmenté considérablement dans le budget fédéral de l'an dernier. Une telle mesure aide, elle fait une différence. Cet argent va à des organismes de la base dans les différentes régions du pays, permettant à plus de gens—adultes, enfants et adolescents—d'apprendre à lire et à écrire. Nous avons fait des progrès très réels, évidemment, mais nous avons encore une distance énorme à parcourir, parce que les chiffres sont encore très élevés.
Je terminerai par une observation à ce sujet. Je suis persuadé que si vous parliez à vos collègues ou à vos électeurs de l'analphabétisme, plusieurs Canadiens seraient choqués de voir qu'un tel problème puisse exister dans un pays aussi riche que le Canada.
Comme je l'ai dit, je travaille au sein d'un organisme fondé en 1899. Pensez un instant à la vie que menaient les gens au Canada en 1899. Pour la plupart d'entre nous dans cette salle, il s'agissait de la vie de nos grands-parents. En 1899, combien de Canadiens fréquentaient l'école plus de cinq, six ou sept ans? Je vous avoue franchement que je n'ai jamais vu de chiffres précis à ce sujet, car dans la plupart des régions du pays on ne tenait pas de registre, mais je pense que la plupart d'entre nous, d'après ce que nous savons de l'histoire du Canada, reconnaîtrions que très peu de nos grands-parents ont eu la possibilité d'aller à l'école plus de cinq, six ou sept ans. Ils devaient travailler.
• 0945
Voyons les progrès que nous avons faits en tant que pays en
moins de 100 ans. Cela me rend très optimiste en tant qu'éducateur
et citoyen. Il est vrai que nous avons encore énormément de chemin
à faire. Il y a près de 5 millions de citoyens de ce pays qui ne
peuvent pas participer pleinement. Loin de pouvoir participer à la
nouvelle économie, ils ne peuvent même pas lire votre bulletin
parlementaire. Ils ne peuvent pas lire les imprimés que vous leur
avez distribués au cours des élections du printemps dernier.
Nous avons donc encore beaucoup de chemin à faire. Mais d'après les progrès réalisés en très peu de temps, j'ai très bon espoir que nous pourrons mobiliser des gens qui seront prêts à parcourir le reste du chemin.
Enfin, quelle est la cause de l'analphabétisme? Quelle en est l'origine? On discute beaucoup de cette question. Des journalistes du service des nouvelles de CTV m'ont contacté récemment. Ils sont en train de préparer un grand reportage sur l'analphabétisme, ce qui est bien, et la journaliste était tout simplement choquée. Elle disait: «Comment une telle chose peut-elle exister, monsieur O'Leary, dans un pays comme le Canada» et je lui ai répondu: «C'est la pauvreté. Il y a une corrélation directe entre l'analphabétisme et la pauvreté.»
Encore une fois, je vous demande de voir dans vos propres collectivités, vos propres quartiers. Vous connaissez les secteurs de vos collectivités où vous allez rencontrer vos électeurs, vous leur remettez des imprimés, et beaucoup d'adultes ne peuvent pas facilement lire ce que vous leur remettez.
Je vis dans la circonscription de Mme Bennett, et vous et moi connaissons des secteurs de notre collectivité où des gens ont un accès moins équitable à l'instruction à cause de la pauvreté dans laquelle ils vivent. Ce n'est pas tellement à cause de ce qui se passe à l'école, c'est plutôt à cause de ce qui ne se fait pas à la maison et dans la collectivité. C'est là que se situe la cause de l'analphabétisme et je pense que c'est ce qui relie cette question aux délibérations de nature générale qui se découlent ici.
Enfin, je pense que notre engagement face à l'alphabétisation est relié à notre engagement à lutter contre la pauvreté dans notre pays. Un de mes amis qui enseigne également m'a dit un jour que les enfants et les jeunes qui vivent dans la pauvreté n'ont pas besoin que nous nous inquiétions pour eux, ils n'ont pas besoin que nous exprimions nos préoccupations à leur sujet, ils n'ont pas besoin que nous ayons peur d'eux, ils ont besoin que nous les aidions à apprendre et que nous leur enseignions. C'est l'un des moyens que nous tous pouvons nous engager à prendre pour lutter contre la pauvreté dans ce pays.
En outre, en ce qui concerne les autres questions que vous devez examiner en tant que décideurs, lorsque vous élaborez une politique en matière de santé ou en matière de justice, lorsque vous publiez des renseignements au sujet de changements apportés au régime d'assurance-chômage, je vous prie de tenir compte du fait qu'un nombre important de citoyens ne peuvent pas lire facilement des imprimés. Téléphonez-moi. Composez le «0». Je serai heureux de vous aider à présenter ces renseignements en langage clair.
Prenez seulement comme exemple les changements apportés au cours des deux dernières années au régime d'assurance-chômage et qu'on a publiés dans les journaux du pays; à mon avis, le langage utilisé était de niveau collégial. C'était absurde.
Les citoyens ont besoin d'information au sujet de ces questions dont nous parlons aujourd'hui. Il faut les présenter clairement et d'une façon qui soit facile à comprendre.
Le président: Merci beaucoup, monsieur O'Leary.
Monsieur O'Leary, je suis toujours fasciné par les images qu'évoquent dans mon esprit les colliers de perles de verre et les pantalons à pattes d'éléphant.
Monsieur Hale.
M. Ivan Hale (La Voix—Le réseau canadien des aînés): Merci.
J'aimerais prendre quelques secondes pour présenter l'organisme que je représente. Il s'appelle La Voix—Le réseau canadien des aînés, et il existe depuis maintenant 11 ans. Il a un énoncé de mission très long et éloquent, mais j'aimerais vous résumer son objectif en disant simplement que nous nous attaquons à des problèmes nationaux qui préoccupent notre population vieillissante. C'est pourquoi très souvent nous constatons que nous ne défendons pas seulement les intérêts des retraités d'aujourd'hui ou des gens qui ont plus de 60 ou 65 ans aujourd'hui; très souvent, les questions sur lesquelles nous nous penchons, des questions qui concernent des changements proposés comme les prestations aux aînés, auront effectivement un impact sur les enfants et les petits-enfants des aînés d'aujourd'hui.
• 0950
Il s'agit donc d'un point de vue à long terme, et fréquemment
cela signifie que nous parlons vraiment au nom des préretraités,
qui n'ont pas toujours voix au chapitre, qui ne font pas toujours
de la recherche et qui ne présentent pas toujours leurs points de
vue.
Comme on disait dans le discours du trône, les finances de la nation sont maintenant en ordre et nous serons donc bientôt en mesure de faire des choix et des investissements à l'appui de cette priorité canadienne (on parle ici de l'emploi). Le gouvernement veut s'assurer que personne n'est laissé derrière dans la nouvelle économie. Tous les Canadiens de toutes les régions et de tous les milieux doivent profiter des perspectives et de la prospérité qu'offre cette nouvelle économie.
Et bien, aujourd'hui, je ne vais pas vous parler de la prestation pour personnes âgées. Je pense que Ken a déjà lancé le débat, et Keith pourra continuer de façon très compétente. Ce dont j'aimerais vous parler, c'est des besoins de la population d'âge actif, les 45 ans et plus, car les 45 ans et plus sont maintenant considérés par Développement des ressources humaines Canada comme faisant partie de la catégorie des travailleurs âgés.
Pour vous donner une idée du nombre de ces travailleurs, il y a aujourd'hui environ 6 millions de Canadiens qui font partie de cette catégorie, ce qui représente le tiers de la population âgée de plus de 15 ans, mais au cours de la prochaine décennie, leur nombre va augmenter à environ 8 millions. Je le mentionne car là où je veux en venir, c'est que lors de l'élaboration des stratégies d'emploi pour le pays, on ne tient pas compte des besoins de cette population.
Pour citer un exemple, le Comité consultatif ministériel sur le milieu de travail en évolution qui a été mis sur pied en vue de déterminer les priorités et trouver des solutions dans le cadre des initiatives fédérales en milieu de travail a récemment publié son rapport intitulé Réflexion collective sur le milieu de travail en évolution.
Les questions touchant les travailleurs de 45 ans et plus n'y ont été traitées que d'une façon très mineure, d'une façon secondaire. Bien qu'il y ait eu un membre du comité et un chapitre consacré spécifiquement aux travailleurs plus jeunes, aucun membre du comité ni aucun chapitre n'était consacré aux questions et aux problèmes touchant les travailleurs âgés de 45 ans et plus ni aux solutions éventuelles à leurs problèmes, et leurs besoins n'ont pas non plus été identifiés.
Nous avons une population vieillissante. Aujourd'hui, le segment des 65 ans et plus représente environ 12 p. 100 de notre population. Ce pourcentage va augmenter rapidement au cours des trois prochaines décennies pour atteindre au moins 20 p. 100. Les données démographiques sont claires. Cependant, les caractéristiques de ceux qui sont âgés de 45 ans et plus laissent entendre que leur retraite ne sera peut-être pas aussi heureuse ou satisfaisante que celle dont jouissent de nombreux aînés aujourd'hui.
Par exemple, aujourd'hui si vous êtes un travailleur âgé et que vous vous retrouvez sans emploi, il vous faut en moyenne 33 semaines pour trouver un nouveau travail; c'est deux fois plus de temps qu'il en faut à une personne plus jeune—deux fois plus long. Le deuxième segment de la population active qui augmente le plus rapidement est celui des gens âgés entre 45 et 54 ans, et, naturellement, à cela vient s'ajouter le fait que nous prévoyons toujours que le Canada aura une pénurie de travailleurs spécialisés et d'expérience à l'avenir. Si nous voulons demeurer compétitifs à l'échelle internationale, nous devrons trouver des façons d'inclure les travailleurs âgés dans notre population active et ce, d'une façon qui sera productive.
Le chômage chez les travailleurs âgés n'est pas aussi élevé que chez les jeunes, j'en conviens. Cependant, tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes, et ce qui est inquiétant, c'est la tendance.
Au cours de la récession des années 90, le taux de chômage chez les personnes âgées entre 55 et 64 ans a atteint 9,6 p. 100, tandis qu'au cours de la récession précédente, il n'avait atteint que 8,2 p. 100. La situation dans laquelle se retrouvent les travailleurs âgés qui perdent leur emploi—et souvent, ils sont les premiers à partir lorsqu'il y a restructuration ou rationalisation—n'est pas une situation heureuse. Il y a une perte énorme de gains. Les pertes de gains en 1994 ont été évaluées à environ 14 milliards de dollars. À cela vient s'ajouter une perte de 4 milliards de dollars en recettes provenant des impôts sur le revenu et de 5 milliards de dollars en prestations d'assurance-chômage et d'aide sociale. Naturellement, il y a d'autres conséquences économiques négatives, notamment des dépenses de consommation moins élevées, des taxes à la consommation moins élevées et une baisse de l'épargne et des investissements pour l'avenir.
• 0955
Des études récentes du milieu de travail confirment que les
travailleurs de 45 ans et plus sont souvent ciblés lorsque les
entreprises veulent réduire leurs effectifs. Ils sont souvent
oubliés ou laissés pour compte lorsque l'employeur offre des
possibilités d'apprentissage en milieu de travail. Une grande
majorité des travailleurs de 45 ans et plus qui perdent leur emploi
se retrouvent dans cette situation parce qu'ils ont été licenciés
à la suite d'une fermeture d'usine ou parce qu'ils occupaient un
emploi saisonnier. Seulement 15 p. 100 d'entre eux choisissent de
quitter leur emploi parce qu'ils sont insatisfaits ou à cause de
responsabilités familiales. On parle donc d'environ un quart des
retraités d'aujourd'hui qui prennent leur retraite
involontairement.
Donc, environ le quart des gens qui prennent leur retraite aujourd'hui le font involontairement, et si on regarde les chiffres qui mesurent le chômage, ces chiffres naturellement n'incluent pas les travailleurs découragés, ceux qui ont abandonné leurs recherches pour réintégrer le marché du travail. Il s'agit dans de nombreux cas de travailleurs âgés.
Pour les travailleurs âgés qui réussissent à réintégrer le marché du travail, dans la grande majorité des cas leur salaire diminue lorsqu'ils trouvent un nouvel emploi. Bon nombre de travailleurs de plus de 55 ans ne pourront jamais trouver un autre emploi. Vous direz peut-être que ces gens sont assez près de la retraite et qu'ils ont les moyens de prendre leur retraite, mais ce n'est pas le cas.
De tous les ménages qui ont à leur tête une personne âgée de 45 à 54 ans, environ la moitié sont composés d'un mari ou d'une femme avec des enfants qui vivent toujours à la maison. Les deux tiers des ménages qui ont à leur tête une personne de 45 à 54 ans ont toujours une hypothèque ou un loyer mensuel à payer. Seulement le tiers d'entre eux sont propriétaires sans hypothèque à rembourser.
Les familles vivent donc de grandes difficultés à la suite d'une telle perte d'emploi, et étant donné la perte de revenu qui en résulte, de nombreuses familles doivent puiser dans leur épargne-retraite. Pour illustrer cette situation, en 1990, ces Canadiens ont versé environ 2,5 milliards de dollars dans des REER. Cela semble bien beau, mais le même groupe d'âge a retiré environ 0,5 milliards de dollars. Donc, en 1990, pour chaque somme de 5 $ qui a été investie, une somme de 1 $ a été retirée.
John O'Leary a parlé des études requises en milieu de travail, et naturellement, nous savons que plus le temps passe, plus les exigences scolaires sont élevées pour maintenir un emploi—et non pas nécessairement pour avancer, tout simplement pour rester au même niveau. Presque la moitié des Canadiens âgés de 55 à 64 ans n'ont pas terminé leurs études secondaires et seulement un Canadien sur dix de ce groupe d'âge a un diplôme universitaire. L'alphabétisation est un gros problème.
Certains d'entre vous ont peut-être vu des articles dans le Toronto Star et le Globe and Mail la semaine dernière sur certaines études que nous avons publiées et qu'on avait demandé à l'Université de Toronto d'effectuer. Il s'agissait d'un sondage auprès des employeurs. On a fait un sondage auprès de presque 2000 employeurs canadiens, je pense, un peu partout au Canada.
Je suis désolé, mais je dois vous admettre que ce sondage révèle qu'il y a considérablement de discrimination en milieu de travail à l'égard des personnes âgées, un préjugé contre les personnes âgées. Vous serez également intéressé d'apprendre qu'il y a considérablement de préjugés en milieu de travail contre les personnes handicapées. C'est ce qui est ressorti de cette même étude. Je me ferai un plaisir de fournir à votre comité un exemplaire de ce rapport. Les travailleurs âgés se voient offrir moins de possibilités de formation par les employeurs et ont ainsi moins de chances d'améliorer leurs compétences. Il y a plein d'idées reçues au sujet des personnes âgées.
• 1000
En conclusion, j'aimerais vous dire qu'à moins que le Canada
élabore un plan et fasse un effort soutenu pour appuyer ce segment
de la population active, soit les 45 à 65 ans, cet important
segment de la population se retrouvera devant un problème de
chômage pendant de nombreuses années à venir. Il nous faudra vivre
avec les conséquences sociales, économiques et psychologiques qui
en découleront, et je prédis que la situation va certainement se
détériorer.
Cependant, en répondant aux besoins de la génération actuelle des travailleurs de 45 ans et plus, et en prenant des mesures préventives, le Canada sera dans une meilleure position pour relever les défis de notre population active pour l'avenir. Les besoins et les caractéristiques particuliers de ce segment de la population ne sont pas négatifs. Ces gens-là peuvent être un atout pour le milieu de travail si nous exploitons leur potentiel et si nous en tenons compte dans la conception du milieu de travail.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Hale.
Monsieur Patterson.
M. Keith Patterson (directeur exécutif adjoint, Recherche, Association nationale des retraités fédéraux): Merci, monsieur le président. Je suis très heureux d'être ici aujourd'hui en présence de votre comité et je vous remercie de l'occasion qui m'est donnée de vous familiariser avec quelques-unes des questions que vous aurez à traiter.
L'Association nationale des retraités fédéraux représente des membres à la retraite de la fonction publique, des Forces canadiennes et de la GRC. À l'heure actuelle, nous comptons parmi nos rangs 100 000 membres au Canada et à l'étranger.
Nous sommes également membres de la Coalition des aînés en matière d'équité sociale. Cette coalition inclut plusieurs organismes nationaux d'aînés. La Voix est membre de cet organisme également.
Malgré que je crois que ces dernières seraient d'accord avec mon propos d'aujourd'hui, je ne comparais pas devant vous au titre de représentant de la coalition. Cependant, lorsque le projet de loi sera renvoyé devant votre comité, nous allons sans doute comparaître. Cette coalition voudra sans doute comparaître.
L'un des plus importants projets de loi que ce comité aura lieu d'examiner d'ici l'an prochain est sans doute la prestation aux aînés qui fut dévoilée dans le budget de 1996. Ce programme remplacera la pension de sécurité de la vieillesse, le supplément du revenu garanti en plus du crédit d'impôt en raison de l'âge et du crédit d'impôt de revenu de retraite. La prestation sera basée sur le revenu des contribuables et débutera en 2001 à l'exception de ceux qui étaient âgés de 60 ans et plus le 31 décembre 1995. Ces derniers auront l'option de choisir entre la prestation selon l'ancien système ou le nouveau. Cependant, ils perdront le crédit d'impôt en raison de l'âge et le crédit d'impôt de revenu de retraite.
Il y a un grand nombre de questions que vous devrez considérer lorsque vous examinerez ce projet de loi dont les aînés sont particulièrement inquiets. La première question à traiter à ce sujet est le niveau de conflit intergénérationnel qui est en train d'être engendré par les débats publics à ce sujet et au sujet des changements proposés au Régime de pensions du Canada.
Certainement, ce conflit est le résultat d'une prise de conscience des contribuables, des effets d'une société vieillissante d'une part et de pourvoir en matière de pension et de services médicaux un segment croissant de la population. En 1994, le gouvernement a proposé de publier un rapport sur les implications d'une population vieillissante pour la société. Je présume qu'on a fait beaucoup de recherches pour produire ce rapport. Malheureusement, ce rapport, qui aurait pu faire la lumière sur ce sujet et à tout le moins rendre caduc une partie du débat que nous subissons présentement, ne fut jamais publié.
Dans un même ordre d'idée—et je veux ici réitérer ce que Ken a dit—nous constatons que beaucoup d'opinions et d'articles de toutes sortes sont publiés, dans les journaux en particulier, et qui mettent l'emphase sur un aspect étroit du programme de prestations aux aînés, c'est-à-dire l'impact sur les épargnes des particuliers. La plupart des articles qui sont publiés sont fondés sur les émotions. Ils ne sont pas fondés sur une analyse sérieuse. En guise de résultat, cette question à tendance à porter ombrage à d'autres secteurs de la prestation aux aînés qui pourtant devrait faire l'objet de débat.
Je voudrais par ailleurs ajouter à ce débat en disant que les déclarations à l'effet que le programme aurait un effet nuisible sur l'épargne des particuliers sont inexactes.
• 1005
Si vous me permettez de m'éloigner un peu de mon texte
quelques instants, si on regarde ce qui a été publié par des gens
qui prétendent être des experts dans le domaine, on se demande
s'ils ont déjà lu les rapports économiques sur l'impact des
politiques sociales sur l'épargne—sur la sécurité sociale en
particulier—et qui ont été publiés au Canada et aux États-Unis et
ailleurs au cours des 30 dernières années. Si vous consultez ces
rapports, vous constatez tout à fait le contraire—c'est-à-dire
qu'en fait, si on réduit une prestation aux aînés, on encourage les
gens à économiser davantage.
En effet, l'article le plus récent qui ait été publié à cet égard se trouvait dans le numéro de juin du Canadian Journal of Economics. Il s'agit d'un article signé par John Sabelhaus du U.S. Congressional Budget Office, je crois. Il se demandait pourquoi l'épargne chez les Américains les plus riches est moins élevée que chez les Canadiens les plus riches. La conclusion à laquelle il est arrivé, c'est que les Américains aisés reçoivent des prestations de retraite publiques plus élevées que celles que reçoivent les riches Canadiens et que par conséquent les Canadiens doivent épargner davantage pour compenser. Donc, si on réduit les prestations aux Canadiens de revenu moyen à supérieur, on les encourage tout simplement à épargner davantage. Donc, les articles qu'on a écrits sur la question nous amènent exactement à une conclusion qui est tout à fait à l'opposé de celle dont les gens se plaignent.
C'est quelque chose qu'on viendra vous dire. De nombreux groupes comparaîtront devant votre comité, et de nombreuses personnes viendront ici vous dire toutes sortes de choses.
J'ai travaillé pendant 16 ans pour le Conseil économique du Canada et à l'époque j'étais spécialisé dans les questions concernant la retraite. Je n'ai jamais vu une question dans ce domaine qui ait fait l'objet d'un débat public pour laquelle il y ait autant de désinformation et de points de vue erronés exprimés à ce sujet. Je sais que vous êtes d'accord avec cela. Il s'agit d'un problème grave auquel vous devez vous attaquer.
Je ne veux pas entrer dans les détails sur les désaccords de notre organisme face à la prestation aux aînés. Naturellement, lorsque votre comité examinera le projet de loi, nous aimerions venir vous en parler plus en détail, car nous nous attendons à ce qu'il y ait des changements. Je voudrais seulement souligner quelques-unes des améliorations que nous aimerions obtenir.
Essentiellement, je ne suis en désaccord avec Ken que sur une question: ne pas abolir les crédits d'impôt en raison de l'âge et de revenu de retraite pour ceux qui optent pour l'ancien système en 2001. Nous aimerions le maintien de ces crédits d'impôt, essentiellement parce que lorsque le projet de loi a été introduit, ou avant, le gouvernement a dit qu'il allait protéger les prestations aux aînés. Puis, il présente le projet de loi et dit que les aînés qui l'ont déjà peuvent le garder, mais que malheureusement, les autres ne pourront pas tout garder. C'est un des problèmes.
Là où je ne suis pas d'accord avec Ken surtout, c'est sur la question des prestations fondées sur le revenu du ménage. Tant et aussi longtemps que le régime d'impôt sur le revenu sera fondé sur le revenu personnel, la prestation aux aînés devra l'être également.
On a un régime de transfert d'impôt qui est essentiellement un régime intégré. Une partie de ce régime est fondé sur le revenu personnel, et l'autre partie sur le revenu familial. Par conséquent, on a deux familles qui gagnent exactement le même revenu, mais étant donné la façon dont le revenu est divisé entre les membres, une famille devra payer un pourcentage plus élevé de son revenu en impôt. Nous disons que si c'est le cas, cette famille devrait recevoir une prestation plus élevée par rapport à l'autre famille. Nous sommes d'avis qu'il y a de graves problèmes dans ce domaine.
Nous aimerions également que le taux de réduction de 20 p. 100 soit réduit à peut-être 15 p. 100. Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles nous pensons que le taux de réduction est trop élevé. L'une de ces raisons n'est pas l'impact négatif sur l'épargne, car c'est tout à fait le contraire, mais tout simplement que le taux de réduction est trop élevé pour un certain nombre d'autres raisons. Nous reviendrons devant votre comité lorsque le projet de loi aura été présenté et nous vous donnerons plus de détails à ce sujet.
• 1010
Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, la prestation aux aînés
devait entrer en vigueur en 2001—on avait donc prévu une période
d'ajustement de cinq ans. Cette période a été réduite à trois ans
car le projet de loi créant cette prestation n'a pas encore été
déposé. Il est difficile pour ceux qui approchent de la retraite de
planifier quoi que ce soit en fonction d'un projet de loi qui les
touchera vraisemblablement, et ce, avant que ce projet de loi soit
déposé. Ken vous a dit qu'il est d'avis qu'on devrait prévoir une
période plus longue, et nous abondons dans le même sens. Si on veut
prévoir une période de cinq ans, ce devrait être cinq ans à partir
du dépôt du projet de loi, et non de la mention de cette mesure
dans le budget.
Ivan vous a parlé des difficultés que connaissent les gens dans la quarantaine et la cinquantaine sur le marché du travail; ils apprennent maintenant qu'ils n'ont pas cinq ans pour s'adapter, mais bien deux ans de moins, ce qui rend leur situation très difficile, car ils sont doublement touchés. On leur demande de modifier la façon dont ils épargnent pour leur retraite, d'une part, et, d'autre part, ils ont des difficultés sur le marché du travail.
Je vous ai parlé des changements que nous souhaitons; je m'en voudrais de ne pas aussi souligner les aspects positifs de la prestation aux aînés, particulièrement, le fait qu'elle soit pleinement indexée, contrairement à la sécurité de la vieillesse, qui est récupérée à un taux indexé à l'inflation moins 3 p. 100. Nous sommes aussi heureux de constater que cette prestation ne sera pas imposable. De plus, son coût futur plus bas la rend plus durable, et elle permettra des versements plus élevés pour les personnes âgées à faible revenu, même si l'augmentation réelle est plutôt minime.
Enfin, les personnes âgées représentent une proportion de plus en plus importante de la population. Il est donc de plus en plus nécessaire de créer un ministère des aînés qui aurait l'entière responsabilité de la prestation des services aux personnes âgées. À l'heure actuelle, les aînés doivent obtenir des services de plusieurs ministères. Bon nombre d'entre eux doivent aller au bureau de placement pour obtenir leurs prestations, ce qui est source d'angoisse pour certains. Nous estimons qu'un ministère des aînés, qui mettra l'accent sur les besoins des personnes âgées et n'aurait pas à se préoccuper des autres catégories de revenu, servirait beaucoup mieux les aînés. Il pourrait même permettre au gouvernement de réaliser des économies.
En terminant, je tiens à souligner que la restructuration du régime de pensions public qui est proposée, et qui comprend de nombreux changements au Régime de pensions du Canada, préoccupe beaucoup de personnes âgées. Bon nombre d'entre elles ne comprennent pas ce qui se passe ni pourquoi, ni dans quelle mesure elles seront touchées par ces changements; elles se méfient des intentions du gouvernement. Le gouvernement doit donc mieux informer les aînés, améliorer le dialogue avec les personnes âgées et les organisations qui les représentent sur les changements proposés.
Merci beaucoup, monsieur.
Le président: Merci, monsieur Patterson, et merci à vous tous de vos exposés. Vous avez abordé tous les enjeux dont traite le ministère.
Nous commençons la période des questions avec le Parti réformiste, MM. Johnston et Anders. Monsieur Johnston.
M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.): Merci.
J'ai remarqué que deux ou trois d'entre vous avez parlé de l'analphabétisme et du lien qui existe entre l'analphabétisme et la pauvreté—si ce n'est pas lié à la pauvreté, c'est lié à l'incapacité de garder un emploi, de changer d'emploi ou d'en trouver un autre. À mon avis, c'est aussi lié au pourcentage de gens qui sont incarcérés. J'aimerais savoir où se situe, d'après vous, le seuil de l'alphabétisme.
M. John O'Leary: La réponse à cette question a toujours constitué un défi. Lorsque j'ai commencé à enseigner au Canada, ceux qui avaient une neuvième année étaient considérés comme sachant lire et écrire et ceux qui n'avaient pas de neuvième année étaient considérés comme des illettrés. Nous savions, même alors, que c'était une façon très peu précise d'évaluer l'alphabétisation.
• 1015
Comme je l'ai indiqué, au cours des 10 dernières années, trois
grandes études ont été menées à ce sujet. Dans chacune d'elle, on
emploie une définition—je l'ai ici quelque part. Dès que je
l'aurai trouvée je l'enverrai à votre bureau. La définition en
question se fonde sur le vocabulaire pratique, en anglais ou en
français, dont on a besoin pour mener des activités fonctionnelles
quotidiennes, par exemple, consulter les pages jaunes ou comprendre
des informations de nature médicale.
Je sais que dans au moins un des tests que j'ai utilisés, on se sert de documents du gouvernement fédéral sur l'assurance-emploi, les prestations pour enfants—les questions dont nous avons parlé—ainsi que des documents qui sont envoyés aux personnes âgées sur les pensions, etc. afin de déterminer si une personne peut comprendre la teneur de ces documents et dans quelle mesure ils s'appliquent à elle.
Ce n'est donc pas un test de littérature où l'on compare l'emploi de l'ironie par James Joyce et Proust; c'est un test sur des capacités pratiques, fonctionnelles et quotidiennes. J'en enverrai des échantillons à tous les membres du comité.
M. Dale Johnston: Merci. Ça me semble être l'une des définitions les plus pratiques de l'analphabétisme.
Comme vous l'avez dit, au début du siècle, nos grands-parents n'étaient pas analphabètes même si la plupart d'entre eux n'avaient pas de 6e, de 5e ou de 4e année. Au début du siècle, si on avait une 8e année, on était considéré comme étant assez instruit. Il y a certainement beaucoup de gens qui ont très bien réussi dans la vie sans plus d'instruction que cela.
Mais vous avez souligné une chose qui m'apparaît importante, à savoir que certains documents sont rédigés en jargon de bureaucrate, et cela ne me semble pas nécessaire. Ces documents devraient être rédigés en langage simple et compréhensible, de sorte qu'il n'y ait pas que l'auteur qui puisse les interpréter. Les documents publiés par le gouvernement sont censés informer les gens; ils devraient donc être rédigés de façon à ce que tous puissent les comprendre. Votre remarque à ce sujet était très pertinente.
Le président: Monsieur O'Leary, voulez-vous répondre?
M. John O'Leary: Oui, brièvement, si vous me le permettez. J'espère que, à titre de membre de ce comité, vous en tiendrez compte lorsque vous communiquerez avec la population canadienne et que vous modifierez les politiques qui touchent les aînés et les jeunes dans leur vie quotidienne.
On soulève souvent cette question. Ken Battle et moi-même avons participé à l'examen de la sécurité sociale il y a plusieurs années. Je me souviens de la réunion où les participants et les fonctionnaires se sont engagés à mettre à la disposition des Canadiens des documents sur l'examen de la sécurité sociale qui seraient faciles à lire et à comprendre. Ce document, comme tous les autres documents publiés à Ottawa, a été rédigé par et pour des diplômés universitaires.
C'est cela qui est intéressant. Pensons un moment aux questions de santé. Disons que je ne sais pas bien lire, et qu'une infirmière ou un médecin me donne des informations sur la nutrition ou l'éducation des enfants. Je ne comprends pas, mais je n'oserai pas dire que je ne sais pas lire, car j'aurais trop honte. Il en va de même pour vous, les députés. Je suis certain que vous en avez fait l'expérience lorsque vous avez fait du porte-à-porte et que vous avez distribué des feuillets sur vos positions et votre parti. Les gens à qui vous remettez ces documents ne vous disent pas qu'ils ne les comprennent pas ni ne vous demandent de les aider à les comprendre.
Laissez-moi vous poser cette question: combien de Canadiens peuvent lire et comprendre la Charte canadienne des droits et libertés? Pourtant, la Charte est le fondement même de notre processus démocratique et de l'élaboration des politiques publiques. Les Canadiens devraient être en mesure de comprendre les enjeux qui touchent leur vie quotidienne.
Le président: Merci, monsieur O'Leary.
Soit dit en passant, lorsque vous voulez envoyer des documents aux membres du comité, il vous suffit de les envoyer à la greffière qui se chargera de les distribuer.
[Français]
Madame Gagnon.
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): M. Dumas aura aussi une question à poser.
Est-ce-qu'on va avoir la traduction française de Child Benefit Reform in Canada? Il me semble que les documents déposés en comité doivent l'être dans les deux langues officielles. J'aimerais donc l'avoir en français parce que je pense que je pourrais y trouver des informations intéressantes.
Vous semblez très préoccupés par la qualité de vie des jeunes, des personnes âgées et des enfants, mais êtes-vous aussi intéressés par la qualité de vie des femmes? Vous avez parlé des familles monoparentales. On sait qu'il y a une forte proportion de femmes. Ne pourrait-on pas ajouter les femmes? Je vois qu'il n'y a pas beaucoup de femmes qui représentent les différents comités de recherche. Ce n'est pas une critique, mais seulement une observation. D'autre part, on sait aussi très bien que celles-ci sont très souvent victimes des coupures imposées par le gouvernement.
Je reviens plus globalement aux enfants, aux jeunes, aux femmes et aux aînés. Vous savez que le gouvernement a pris une série de mesures pour procéder à des coupures: il y a eu des coupures dans l'assurance-chômage et dans le Transfert social canadien. Par conséquent, les provinces ont été obligées d'effectuer des coupures directes dans les domaines de la santé, de l'éducation et de l'aide sociale.
On parle d'une façon d'améliorer la situation de certaines personnes qui n'ont pas d'emploi ou qui sont sans travail. Il y a eu aussi des coupures dans l'aide aux organismes. Même si on donne une prestation fiscale pour enfants de 850 millions de dollars, je pense que le tort qui a été fait est terrible. La baisse du déficit a été faite sur le dos des plus démunis. On le sait et on est maintenant en train de s'en rendre compte dans les différentes provinces, et pas seulement au Québec, où on a un parti souverainiste. En Ontario, par exemple, il y a eu également des coupures terribles.
Je me demande si dans la réforme que vous proposez au gouvernement, il n'y aurait pas l'idée de rétablir tout ça. Je constate que les impôts sont restés les mêmes. On paie au Québec 30 milliards de dollars, mais en même temps, il y a un désengagement de l'État face au Transfert social canadien, et on peut considérer cela comme une aide directe aux programmes. Ce n'est pas un dédoublement de programmes que l'on veut; c'est une aide qui permette aux provinces d'appliquer des programmes.
On a beaucoup de programmes d'aide à l'enfance, et les provinces sont aux prises avec des pelletages aux municipalités d'un côté, tandis que de l'autre, le gouvernement fédéral semble se sortir la tête hors de l'eau en ce qui concerne le déficit. Dans votre réforme, qu'est-ce que vous allez proposer au gouvernement? N'allez-vous pas lui dire d'arrêter d'appauvrir les provinces, parce que son pouvoir de dépenser est accru et qu'il ne livre pas la marchandise en fin de compte?
[Traduction]
Le président: Avant que vous ne répondiez, je tiens à dire, madame Gagnon, au sujet de la composition du groupe de témoins, que ce n'est pas le groupe qui a pris cette décision. Nous les avons choisis. Vous dites qu'il n'y a pas beaucoup de femmes dans ce groupe. Ce n'est pas eux, mais nous les coupables. La seule femme qui devait témoigner a appelé ce matin pour nous dire qu'elle était malade. Ce sont donc nous, les responsables.
Ken, voulez-vous commencer?
M. Ken Battle: Vous avez fait des remarques pertinentes. Manifestement, lorsque nous parlons de réforme des prestations pour enfants ou des prestations aux aînés...le contexte est très large et ne comprend pas seulement ce qui s'est fait depuis la fin des années 70. Je vous parle des années 70, cela vous donne une idée de mon âge, mais la politique sociale est en évolution constante, comme Richard l'a dit tout à l'heure au sujet des prestations pour enfants, et change régulièrement. Il y a une chose que je tiens à rappeler aux membres du comité—je sais que vous le savez, mais je tiens à vous le rappeler—c'est que nous avons maintenant le transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Ce transfert remplace le régime d'assistance publique, qui comprenait le partage des coûts des services sociaux et de l'aide sociale des provinces, et qui remplace le financement des programmes établis dans le cadre duquel le gouvernement fédéral assumait une partie des coûts des provinces en matière de santé et d'enseignement postsecondaire.
Le transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, qui a été créé en 1996, a entraîné, les estimations varient, des compressions budgétaires de 6 à 7 milliards de dollars, qui se sont ajoutées aux nombreuses autres coupures qui avaient été faites depuis la fin des années 70. Au fil des ans, ce sont des réductions considérables qui ont été faites.
C'est de cela que vous parlez. L'incidence de ces compressions, au chapitre du fardeau fiscal, des services, et ainsi de suite, se fait sentir au niveau provincial et, dans certains cas, au niveau municipal.
• 1025
Plus précisément, si on regarde la prestation pour enfants, le
gouvernement a déjà réservé 850 millions de dollars outre les
5,1 milliards de dollars qu'il a déjà consacrés à la prestation
fédérale pour enfants.
Dans le discours du Trône et dans le deuxième livre rouge, le gouvernement parle de 850 millions de dollars de plus. J'espère que cela se réalisera. Sinon, si cette mesure avorte, c'est une somme substantielle qu'on aura perdue. C'est près de 2 milliards de dollars, mais, surtout, cela s'inscrit dans le contexte des réductions de 7 milliards de dollars dans les transferts fédéraux dont une partie finance l'aide sociale.
Certains, comme mon collègue Michael Mendelson de l'Institut Caledon, affirment que le transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux a eu pour effet d'éliminer le financement fédéral de l'aide sociale, car le montant de la réduction équivaut plus ou moins à la part de l'aide sociale qui était financée par le gouvernement fédéral. Vous avez donc raison de dire qu'il faut envisager toute dépense additionnelle dans le contexte des compressions en cours.
À ce chapitre, notre organisation a recommandé deux ou trois choses. Lorsqu'on a annoncé la création du transfert social canadien, on a fourni peu de détails. À l'époque, sous le régime du financement des programmes établis, le transfert de fonds fédéraux aux provinces était déjà à la baisse par suite des changements qu'avait apportés le gouvernement progressiste-conservateur.
En fait, c'était une forme d'indexation partielle. Les transferts de fonds fédéraux aux provinces étaient déjà à la baisse et, même si le transfert social canadien n'avait pas remplacé le vieux système, les transferts de fonds fédéraux auraient disparu. Cela varie d'une province à l'autre, mais, au Québec, ces transferts auraient cessé en 2002 et, dans certaines provinces, en 2004. Le gouvernement fédéral aurait cessé de donner de l'argent aux provinces pour la santé et l'enseignement postsecondaire. Cela aurait signifié que la Loi canadienne sur la santé n'aurait plus été qu'une coquille vide, que l'assurance-maladie aurait aussi disparu puisque le gouvernement fédéral n'aurait eu aucun moyen d'exiger le respect des conditions de la Loi canadienne sur la santé.
En réponse aux critiques que lui ont adressées diverses personnes et organisations, le gouvernement a établi un seuil pour le transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. C'était une modification importante, car cela signifiait que, même si le transfert social canadien entraînait une importante réduction des transferts de fonds fédéraux, le montant de ces transferts resterait relativement stable. D'ailleurs, pendant la campagne électorale, le gouvernement y ajouté 1,5 milliard de dollars additionnels. Autrement dit, le gouvernement ne réduira pas ses transferts de fonds d'autant qu'il l'avait dit.
Ce seuil restera en vigueur pendant quatre ou cinq ans, je crois, puis il devra être renouvelé. Pour notre part, cela nous semble une mesure positive. Toutefois, le principal aspect négatif du transfert social canadien—et je terminerai là-dessus car, même si ce n'est pas un aspect bien connu, c'est un aspect crucial d'un des plus importants changements de politique sociale que nous ayons connus—c'est qu'avec la disparition du régime d'assistance publique, le gouvernement fédéral s'est retiré des programmes sociaux et les provinces ont maintenant carte blanche, sauf qu'elles ne peuvent imposer d'exigences minimales en matière de résidence aux prestataires d'aide sociale.
Comprenez-moi bien. Dans le cadre du régime d'assistance publique, le gouvernement fédéral—comme Keith l'a mentionné, la prestation aux aînés a suscité bien des idées fausses, et il en va de même de l'aide sociale—ne disait pas aux provinces comment administrer l'aide sociale. Les conditions étaient peu nombreuses et peu restrictives, mais la plus importante prévoyait que le gouvernement fédéral partagerait la moitié des coûts de l'aide sociale provinciale seulement si l'aide sociale était accordée en fonction des besoins.
Autrement dit, les provinces n'avaient pas le droit de refuser l'aide sociale à certains groupes comme elles le faisaient avant que le régime d'assistance publique ne soit créé en 1966. Alors, les provinces pouvaient décider de n'accorder de l'aide sociale qu'aux hommes célibataires de 18 à 20 ans, si elles le souhaitaient, ou aux mères célibataires, ou à qui que ce soit d'autre. Elles pouvaient exclure certaines personnes.
• 1030
Il existait donc une protection fondamentale entre 1966 et
1996: les provinces devaient accorder des prestations d'aide
sociale à ceux qui en avaient besoin. Cette protection n'existe
plus, et les provinces peuvent donc maintenant établir des critères
d'admissibilité à l'aide sociale. Elles peuvent aussi imposer aux
prestataires d'aide sociale de travailler en échange de leurs
prestations si elles le souhaitent, ce qui était interdit dans
l'ancien régime.
Je veux seulement souligner que cela a été un des plus importants changements de politique sociale que nous ayons connus, et cela a eu un effet domino sur d'autres services sociaux, sur les programmes pour aînés et pour handicapés. Cette garantie fédérale d'un filet de sécurité social est un aspect qu'il importe de se rappeler lorsque nous tentons de reconstruire le système de sécurité sociale du Canada. À mon avis, cela a été une mauvaise chose, pour être franc.
Le président: Merci, Ken.
L'inconvénient de présider une séance comme celle-ci, c'est que je suis si fasciné par ce que disent les gens que j'oublie qu'un de mes rôles, c'est de limiter les interventions. Je demanderais donc aux témoins de donner des réponses plus courtes. Bien sûr, je note que les questions longues donnent des réponses aussi longues.
Je reviens à vous, madame Gagnon. Avez-vous une question complémentaire faisant suite à cette réponse?
[Français]
Mme Christiane Gagnon: Je voulais juste dire que nous devons partir parce que nous devons aller voter sur un projet de loi en Chambre. On nous a demandé d'y aller pour nous y opposer.
Mais ce vote ne concerne pas notre dossier. C'est sur les Postes. Il faut donc que je vous quitte.
Le président: D'accord.
[Traduction]
Libby.
Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Je veux d'abord vous remercier d'être venus aujourd'hui. Je suis nouvelle à ce comité, et je suis très heureuse d'avoir pu participer à cette table ronde sur la politique sociale et les programmes sociaux. Je suis député de Vancouver Est, circonscription qui comprend l'un des quartiers les plus pauvres du Canada, Downtown Eastside. M. Battle a décrit les changements qui se sont produits depuis les années 70. Moi, j'oeuvre dans cette collectivité depuis les années 70, et j'ai constaté que, de plus en plus, la politique fédérale met de plus en plus l'accent sur les questions liées à la pauvreté.
Je voudrais reprendre dans la foulée des propos de M. O'Leary. Je pense que tout ce débat sur les questions dont nous discutons aujourd'hui devrait plutôt porter sur la pauvreté. La question à laquelle nous devons répondre, c'est de savoir si oui ou non les programmes que nous examinons et analysons ont un effet appréciable pour ce qui est d'enrayer la pauvreté, ou bien si ce n'est qu'illusion; et aussi si le gouvernement fédéral, dans certains cas de concert avec les gouvernements provinciaux, se dirige vraiment vers l'établissement d'objectifs clairs et réalisables en vue d'éliminer complètement la pauvreté.
Je suis d'accord pour dire non seulement que le gouvernement fédéral a tourné le dos au système de sécurité sociale, mais aussi que tous et chacun des programmes dont nous avons parlé aujourd'hui—l'assurance-chômage, le Régime de pensions du Canada, la nouvelle prestation aux aînés, ou même, pour remonter un peu dans le temps, les allocations familiales et les autres programmes qui étaient universels et accessibles—sont maintenant de plus en plus considérés comme des facteurs d'exclusion.
Le véritable problème, c'est qu'à mesure que les programmes deviennent plus fragmentés et que nous ne pouvons plus nous raccrocher à des certitudes, nous commençons insensiblement à nous dire qu'il y a des pauvres qui sont méritants et d'autres qui le sont moins. Autrement dit, on peut toujours parler d'enfants pauvres et de pauvreté parmi les enfants, mais c'est que d'une façon ou d'une autre ces enfants-là sont divorcés de leurs parents et ne sont pas intégrés à la cellule familiale. Je trouve que c'est une très grave erreur que nous sommes tous en train de commettre insensiblement, et cela s'applique même à certaines de nos organisations nationales.
Je voudrais maintenant essayer de préciser mes propos. Il y a tellement à dire, mais puisque la prestation nationale pour enfants est un dossier à l'étude, je dirais qu'à mon avis, on peut vraiment s'interroger sur cette mesure, se demander si elle est vraiment conçue en vue d'atténuer la pauvreté au Canada. Je trouve que c'est vraiment consternant que ce programme ne s'applique pas aux assistés sociaux. Ce sont les plus pauvres d'entre les pauvres.
• 1035
En fait, même dans votre propre analyse, monsieur Battle, j'ai
trouvé navrant certains de vos propos au sujet du programme. Il m'a
semblé que vous disiez en quelque sorte que les attentes des
assistés sociaux étaient trop élevées et que la tâche à laquelle
nous devons nous atteler c'est de lancer un vaste programme de
communication pour abaisser leurs attentes. Je ne suis pas d'accord
avec cela.
M. Ken Battle: Puis-je répondre à cela? Ce sont des sornettes!
Mme Libby Davies: Excusez-moi. Je voudrais finir. Je vous donne un point de vue, et vous aurez ensuite le loisir de réagir, si seulement je peux finir.
C'est ce que je retiens de votre analyse. Si nous créons vraiment des programmes qui ont pour but d'éliminer la pauvreté, alors il est très important de ne pas faire de distinction entre les gens et de dire, parce que vous êtes assisté social, vous n'aurez pas droit aux prestations de ce programme.
Je pense donc qu'une question se pose. Par exemple, on nous a dit que 2,5 millions d'enfants toucheraient des prestations fédérales plus élevées, mais il faut se demander combien de ces enfants toucheraient en contrepartie des prestations provinciales réduites. A-t-on fait le calcul? Dans quelle mesure l'augmentation de 850 millions de dollars de l'aide fédérale est-elle compensée par une baisse du soutien provincial du revenu? Je répète qu'à mon avis, nous donnons l'illusion de nous attaquer à la pauvreté, alors que nous excluons tout un groupe de gens.
C'est seulement l'une des questions que soulève la prestation nationale pour enfants. Il y en a d'autres, mais c'est l'une de celles qui me préoccupent le plus. Je voudrais entendre ce que vous avez à dire là-dessus.
Le président: Monsieur Battle, je crois que vous aviez commencé à répondre.
M. Ken Battle: Je vais me faire un plaisir de répondre aux commentaires qui portent sur le fond. Je proteste énergiquement contre votre affirmation selon laquelle j'aurais dit que le gouvernement devrait lancer un programme de relations publiques pour abaisser les attentes des assistés sociaux. Je suis indigné par cette remarque. Je n'ai jamais rien dit de tel de toute ma vie.
J'ai été directeur du Conseil national du bien-être pendant 11 ans. Pensez-vous que j'irais dire aux assistés sociaux qu'ils doivent réduire leurs attentes? Allons donc! Je n'ai jamais rien dit de tel, je ne l'ai même jamais pensé.
Quant à votre observation que les assistés sociaux ne recevront pas la prestation nationale pour enfants, nous en parlons dans notre document. C'est une question très controversée, j'en conviens.
On entend dire à gauche et à droite que les assistés sociaux ne reçoivent pas la prestation nationale pour enfants. C'est faux, ils la reçoivent. Une décision a été prise, décision politique qui fut très difficile à prendre et avec laquelle on peut être en désaccord—Richard l'est en partie. On a décidé qu'il fallait procéder par étapes pour abaisser le mur de l'assistance sociale, pour tenter de verser des prestations pour enfants égales aux familles assistées sociales et aux autres familles à faible revenu comme les travailleurs pauvres et les familles qui touchent des prestations d'assurance-emploi. On a donc décidé de procéder par étapes et la première étape consiste à créer un dénominateur commun, une prestation plus égale versée à toutes les familles à faible revenu, après quoi—et c'est l'argument que nous faisons dans notre document—on pourrait augmenter graduellement les prestations à toutes les familles à faible revenu.
Je pense que l'on peut très légitimement dire, et Richard a d'ailleurs adopté ce point de vue, que l'on n'est pas d'accord avec cette stratégie. Au lieu d'abaisser d'abord le mur de l'assistance sociale pour ensuite augmenter les prestations pour enfants versées à toutes les familles à faible revenu qui ont des enfants, je pense que l'on devrait plutôt réduire partiellement le mur de l'aide sociale, mais tout en augmentant parallèlement le montant net des prestations pour enfants versées aux familles assistées sociales.
C'est en partie pour des raisons de coût que les gouvernements fédéral et provinciaux ont décidé de ne pas faire cela, car l'égalisation des prestations entraînerait une énorme augmentation des coûts, puisqu'on se trouverait essentiellement à donner à un groupe plus nombreux de familles à faible revenu des prestations équivalentes à celles versées aux familles qui vivent d'aide sociale. Si l'on devait en même temps augmenter les prestations pour enfants versées aux familles assistées sociales, on aurait quand même une différenciation des prestations pour enfants qui est un élément de ce que l'on a appelé le «piège de l'aide sociale» ou encore le «mur de l'aide sociale».
Enfin de compte, on peut être en désaccord avec la tactique utilisée, mais je ne pense pas que l'on doive perdre de vue l'objectif fondamental qui est de traiter équitablement toutes les familles à faible revenu. Cette notion selon laquelle il y aurait des familles assistées sociales et puis d'autres familles constituées de travailleurs pauvres, c'est un peu... Enfin, nous tenons tous des propos comme cela, je le fais moi-même et nous sommes tous coupables. Mais il est démontré que les familles vont et viennent d'un groupe à l'autre, entre l'assistance sociale, l'assurance-emploi et le marché du travail. Il y a beaucoup de mouvement et de nombreuses familles décrochent de l'aide sociale.
• 1040
À mes yeux, l'un des arguments qui militent en faveur d'une
prestation pour enfants qui ne serait pas payée au moyen du régime
d'aide sociale—parce que les familles assistées sociales touchent
en partie leurs prestations pour enfants à même l'aide
sociale—c'est que l'on remplacerait cela par une forme de revenu
qui serait à mon avis plus sûre que l'aide sociale. On a parlé des
changements qui ont été apportés à l'aide sociale. La prestation
pour enfants sera également avantageuse pour les familles assistées
sociales, une fois qu'elle sera graduellement mise en oeuvre et que
les prestations atteindront un montant convenable, parce que ces
familles n'auront plus besoin de dépendre de l'aide sociale pour
une partie de leur revenu. Elles l'obtiendront de la même source
que les autres familles à faible revenu.
Si une famille retourne sur le marché du travail, si les gens réussissent à trouver un emploi, ils ne perdront pas leurs prestations d'aide sociale pour leurs enfants, parce qu'ils ne toucheront pas de prestations d'aide sociale pour leurs enfants.
Voilà l'objectif fondamental.
Le président: Merci Ken.
Richard, vous vouliez intervenir.
M. Richard Shillington: Une très brève observation.
L'une des raisons pour laquelle certains groupes d'intérêt ont réagi comme ils l'ont fait à la proposition relative à la prestation pour enfants, en dénonçant la création de deux classes d'enfants pauvres, c'est qu'à première vue, la proposition semble s'insérer dans le mouvement général de dénigrement des pauvres qui déferle sur la société. Quiconque lit les pages en regard de la page éditoriale dans les grands journaux sait pertinemment qu'il y a une guerre contre les attitudes à l'égard des pauvres, plus particulièrement une guerre contre l'attitude généralement adoptée à l'égard des parents assistés sociaux.
En présentant sous cette forme la proposition relative à la prestation pour enfant, le gouvernement semble—peut-être par inadvertance, mais il semble bel et bien souscrire aux propos de ceux qui disent que nous en avons fait suffisamment pour les familles assistées sociales. Je pense que si nous l'avions pleinement indexée et si nous avions mis une partie de l'argent dans une prestation universelle, cela aurait été beaucoup mieux accepté.
C'est tout ce que je veux dire.
Le président: Merci.
J'ai le temps de faire plus d'une ronde de questions.
Madame Bradshaw.
Mme Claudette Bradshaw (Moncton, Lib.): Merci.
Je me sens chez moi ici. J'ai fait partie d'un comité aux côtés de M. O'Leary, et je faisais partie du Conseil national du bien-être lorsque Ken en était le directeur général, il y a longtemps. Quant à M. Shillington, je lui ai déjà parlé également.
J'ai deux préoccupations.
Premièrement, John, je m'intéresse au dossier du syndrome d'alcoolisme foetal. Ayant travaillé dans le dossier de la pauvreté pendant 30 ans, je suis absolument ravie qu'il y a deux ans et demi, nous ayons commencé à en discuter sérieusement, après avoir visité Vancouver avec le Conseil national de la prévention du crime.
Nous avons constaté dans nos classes d'alphabétisation—et notre programme s'adressait à une clientèle à risque—que sur 13 parents qui suivaient les cours d'alphabétisation, six étaient atteints du SAF et cessaient de progresser aux niveaux des 4e et 7e années, comme il arrive aux enfants atteints du même syndrome dans le système scolaire. Ils apprenaient d'abord normalement, puis, subitement, leur progression s'arrêtait net. Nous les gardions dans nos classes, et ils sont encore là, parce que nous ne voulons pas les exclure.
Avez-vous un programme quelconque pour l'alphabétisation des adultes ou des enfants qui ont le syndrome d'alcoolisme foetal?
M. John O'Leary: Certainement, nous faisons du travail dans ce domaine partout au Canada, surtout en milieu urbain.
Je reviens tout juste de Winnipeg, où nous avons lancé il y plusieurs années le programme Beat the Street dans le centre-ville, où la plupart des participants vivent dans la misère. Il est certain que c'est une situation qui se présente.
Comme enseignant, je suis à même de constater que les toxicomanies et les maladies ont certaines répercussions. Votre collègue le Dr Bennett et d'autres praticiens médicaux...
Pour répondre brièvement à votre question, Claudette... ou plutôt madame Bradshaw. Je suppose que je ne peux plus vous appeler Claudette.
Mme Claudette Bradshaw: Oui, faites donc.
M. John O'Leary: C'est vrai que ce problème réduit la capacité d'apprentissage. Il faudrait faire beaucoup plus.
Ma réponse, c'est que quel que soit l'âge d'une personne, quel que soit son niveau de handicap, quel que soit son vécu, il faut lui fournir un enseignement et un encadrement de qualité, efficace et, si possible, en tête-à-tête. Voilà ce que le secteur bénévole peut offrir. Quand nous le faisons, nous obtenons des résultats.
Vous et moi, et peut-être des gens comme le Dr Bennett et d'autres, nous pourrions peut-être former un petit groupe d'intérêt et faire du travail dans ce dossier. Il faut faire beaucoup plus, notamment pour les gens qui ont le SAF.
Mme Claudette Bradshaw: Ce qui m'inquiète, dans le cas des adultes qui présentent le syndrome d'alcoolisme foetal, c'est justement ce qui leur arrivé à l'école. Nous avons donc introduit l'usage d'ordinateurs dans notre programme d'alphabétisation, ce qui leur donne l'enseignement personnalisé et les incite à rester.
Mais je voudrais travailler à ce dossier. Nous devrions faire des efforts en ce sens.
Mon autre question s'adresse à M. Battle. Nous pourrions probablement discuter de la prestation fiscale pour enfants pendant toute une semaine et je ne suis même pas certaine que nous nous mettrions d'accord pour être en désaccord là-dessus. Mais ayant lutté contre la pauvreté pendant 30 ans au niveau communautaire, je me référais constamment à la hiérarchie des besoins établis par Maslow. Dans notre organisation, c'était une véritable bible. Or, le logement figure très haut dans cette liste.
Voyez le crédit d'impôt pour enfants, voyez où nous avons mis l'argent. Prenons les assistés sociaux dans notre province, par exemple. S'ils habitent un logement social qui coûte 30 p. 100 de leur revenu net, cela leur donne 4 600 $ par année de plus; c'est un avantage caché, invisible. Et je me demande, Ken, si nous avons envisagé de mettre en oeuvre des programmes de logement par l'intermédiaire de la SCHL à l'intention des travailleurs pauvres, sur la base de 30 p. 100 de leur revenu net, ce qui leur permettrait d'avoir une maison à eux. Au lieu d'allonger l'argent, avons-nous envisagé de faire en sorte que chaque enfant pauvre, que la famille soit assistée sociale ou sur le marché du travail, habite dans un logement salubre et sûr. À mon avis, c'est l'un des besoins les plus fondamentaux. Ne devrait-on pas commencer par là? Ce serait une mesure concrète garantissant que l'enfant bénéficie directement des programmes que nous mettons en place.
Cela m'a beaucoup troublé quand le gouvernement Mulroney... nous avions un ministre du Logement et nous l'avons perdu, ce qui m'a grandement ébranlé. Et je vois qu'on s'en remet maintenant aux provinces pour le logement et que la SCHL assume des responsabilités réduites. Je me demande donc, Ken, si vous envisagez quelque chose du genre.
D'autre part, je sais pour avoir travaillé avec des assistés sociaux que ces gens-là veulent travailler. Ils veulent travailler à nos côtés, ils veulent s'intégrer à leur collectivité. Ils ne veulent pas rester à ne rien faire pendant qu'on les paie. Avez-vous envisagé un programme quelconque visant à leur permettre de gagner un salaire? Par exemple, au Nouveau-Brunswick, ils peuvent gagner jusqu'à 200 $ par mois, mais ce n'est pas grand-chose, c'est tellement peu que cela ne leur suffit même pas tout le temps.
De plus, allez-vous chercher un moyen pour qu'une partie des fonds fédéraux—parce que tout est allé aux provinces—puisse être réinvestie dans l'infrastructure communautaire? Comme vous le savez, on parle beaucoup des compressions budgétaires, mais nous avons aussi réussi à torpiller tous nos organismes sans but lucratif privés communautaires. Faites-vous quelque chose aussi de ce côté-là?
Le président: Je vais accepter une réponse, après quoi vous aurez la parole, Carolyn.
M. Ken Battle: Suis-je obligé de répondre? Je plaisante.
Je vais faire une brève observation générale qui me semble pertinente au point que Claudette a soulevé, qui est à mon avis crucial. Je l'ai dit tout à l'heure, il n'existe pas de stratégie unique pour la lutte contre la pauvreté. Nous avons tant à faire sur tellement de fronts. Cela ressemble peut-être à une dérobade, mais ce n'en est pas une. Je crois profondément à ce que je dis. Je pense qu'il faut des programmes de soutien du revenu plus solides, mais il faut aussi de meilleurs logements, de meilleurs services sociaux, plus d'emplois, etc.
Vous avez répondu à votre propre question au sujet du logement: le fédéral n'est plus dans le portrait. Il est vrai qu'il n'a jamais été vraiment présent dans ce secteur. Je ne suis pas expert en logement et je vais donc m'en remettre aux autres qui en connaissent plus long là-dessus. Mais je suppose que nous pouvons nous compter chanceux de glaner quelques victoires et, à mes yeux, l'amélioration apportée à la prestation pour enfants est une victoire. J'espère que cela donnera des résultats. Mais je n'y vois assurément pas la panacée qui va faire disparaître la pauvreté parmi les enfants.
Pour ce qui est du logement, j'ai malheureusement l'impression que les autorités fédérales refusent d'y toucher. Je peux me tromper. C'est donc du ressort des provinces. Et je suis tout à fait d'accord avec vous: je sais à quel point le logement est crucial et à quel point il peut engloutir tout supplément de revenu qu'on fait parvenir à une famille pauvre, qu'il s'agisse de travailleurs pauvres ou d'assistés sociaux. Je ne veux pas en faire tout un plat, mais franchement, du point de vue fédéral, je ne pense pas qu'il y ait beaucoup d'espoir en ce moment dans le dossier du logement.
Vous avez par ailleurs fait allusion à la prétendue stratégie de réinvestissement de la prestation nationale pour enfants. C'est la notion voulant qu'à mesure que le gouvernement fédéral accroît le montant de sa prestation pour enfants, les provinces sont autorisées à réduire les prestations d'assistance sociale au nom des enfants, ce qui soulève le problème des familles assistées sociales qui n'avancent pas d'un pouce, même en recevant les prestations pour enfant. Mais il a été convenu que l'argent doit rester dans l'enveloppe des familles à faible revenu qui ont des enfants et être réinvesti dans d'autres programmes, par exemple des services sociaux ou des programmes de soutien du revenu, provinciaux ou autres.
• 1050
On peut imaginer, selon que l'interprétation qu'on donne de ce
cadre de réinvestissement est plus ou moins large, que cela
pourrait s'appliquer notamment au logement. Rien jusqu'ici ne me
porte à croire qu'une province ait l'intention de le faire, je
cherche simplement des possibilités qui mériteraient qu'on s'y
attarde.
Le président: Merci Ken.
Carolyn.
Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Je veux moi aussi remercier tous les participants d'aujourd'hui à cette table ronde. L'un des plus grands avantages d'être élu, c'est qu'on a enfin l'occasion de rencontrer tous les héros auxquels on voue un culte secret. Je suis ravie d'être ici.
Le président: Nous mourons tous d'envie de connaître l'identité de votre héros secret. Vous avez l'embarras du choix ici même.
Des voix: Oh, oh!
Mme Carolyn Bennett: Le mur de l'aide sociale, j'y ai été confrontée tous les jours dans mon travail. J'ai toujours voulu me faire faire un tampon encreur disant «Préférerait travailler, très motivé(e)», avec lequel je tamponnerais tous les formulaires de demande d'aide sociale.
Quant à la solution à long terme, je crains que M. Shillington nous demande de trouver des solutions toutes faites qui ont l'air plus intéressantes dans une table ronde, parce que dans un cadre comme celui-ci, on peut toujours se lancer la balle et prétendre que quelqu'un fait mieux ou moins bien. J'estime toutefois que l'approche à long terme, sur plusieurs générations, est la seule façon de gagner la bataille, c'est-à-dire en s'attaquant à l'ensemble du problème de l'aide sociale. Ayant pratiqué à Wellesley, je m'occupais d'assistés sociaux de la troisième génération. Il faut leur trouver une façon de s'en sortir.
Je voudrais savoir quelles solutions nous envisageons pour l'avenir. Que faisons-nous maintenant? De toute évidence, c'est une affaire extrêmement politique dont le ministre est saisi; il devait déterminer ce que les provinces étaient susceptibles d'accepter ou de refuser pour ce qui est d'aider les assistés sociaux, surtout ceux qui sont extraordinairement pauvres, encore plus dans les Maritimes qu'en Ontario.
Ce qui m'amène à mon deuxième point—Claudette et moi-même sommes toujours à l'unisson—la question du logement. Peu importe combien d'argent nous donnons aux gens, si le loyer en absorbe 75 p. 100, je ne vois pas comment nous pouvons les aider à s'en sortir. Dans mon travail, j'ai rencontré une foule de gens qui avaient un emploi et un logement, mais qui, après avoir épuisé leurs prestations d'assurance-chômage, se retrouvaient à l'aide sociale et touchaient un chèque de 20 $ par mois après les réductions en Ontario. Ces gens-là en sont réduits à faire du vol à l'étalage, à se livrer à la prostitution, etc. Il est impossible de faire autrement, c'est impossible de vivre avec si peu d'argent. Et c'est le logement qui en absorbait la plus grande partie.
Même si le fédéral est censé s'être retiré du logement, n'y a-t-il pas quelque chose que l'on pourrait faire, si nous voulons vraiment nous attaquer à la pauvreté?
Le président: Richard.
M. Richard Shillington: Je suis un peu perplexe, parce que vous proposez d'adopter une optique à long terme, et pour moi, plus on envisage le long terme, plus on doit se préoccuper de l'inflation. En fait, la façon dont nous avons augmenté les prestations pour enfants dans les budgets—lesquels, soit dit en passant, semblent toujours tomber par coïncidence juste avant les élections—c'est seulement quand on adopte une optique à très court terme...
Cette année, les prestations atteignent 850 millions de dollars de plus que l'année dernière. Voilà un point de vue très limité, et c'est comme cela que l'on crée l'illusion du progrès. À plus long terme, il faut tenir compte de l'inflation. C'est dans le domaine des pensions que tout le monde parle de l'importance de l'indexation, parce que c'est là que l'on adopte un point de vue à long terme. Si vous voulez maintenir le pouvoir d'achat des prestations, alors pour moi, il est bien évident qu'il faut indexer pleinement les prestations.
Je ne comprends donc pas comment l'optique à long terme... On m'accuse d'étroitesse d'esprit parce que je me préoccupe d'indexation.
Le président: Y a-t-il quelqu'un d'autre qui veut intervenir?
Ken, vous nous avez donné votre point de vue sur le logement, mais...
Mme Carolyn Bennett: Comme vous le savez, le caucus des femmes s'est intéressé à la prestation aux aînés, notamment la question de savoir si le chèque devrait aller à celui des deux conjoints qui gagne le plus bas revenu. J'aimerais savoir si vous avez un point de vue là-dessus.
M. Keith Patterson: Pour ce qui est de la prestation aux aînés, l'un des plus graves problèmes que soulève le critère du revenu familial, c'est l'effet sur les femmes, parce qu'à bien des égards, cela prive un certain nombre de femmes qui auraient reçu à l'avenir un chèque de sécurité de la vieillesse et qui n'en auront pas. C'est l'un des principaux problèmes à ce sujet.
Je le répète, le problème c'est que si l'on veut avoir un régime d'impôt sur le revenu fondé sur le revenu individuel, il ne faut pas instaurer un système de prestations qui, lui, est fondé sur le revenu familial.
Les questions relatives aux femmes sont beaucoup plus compliquées que cela. C'est en partie attribuable à la Loi de l'impôt sur le revenu; par exemple, l'interdiction de partager les prestations de retraite, sauf dans le cas du RPC et la prestation aux aînés. Donc, les questions qui concernent les femmes, en ce qui a trait aux prestations aux aînés, sont en fait très importantes et il faudra les examiner de façon beaucoup plus détaillée; j'ai à peine eu le temps d'effleurer la question aujourd'hui.
De plus, beaucoup de femmes ont un faible revenu et veulent épargner et se constituer un REER. C'est alors qu'elles constatent que même si leur revenu personnel est très bas, leur prestation vient grossir la prestation familiale, ce qui diminue d'autant la prestation aux aînés.
Ce sont des questions très importantes et il faudra y réfléchir soigneusement. Je sais bien que d'une part, vous devez réduire les coûts et que vous y parvenez en grande partie en finançant le tout en fonction du revenu familial, mais ce choix comporte des incidences plutôt négatives pour certaines personnes, surtout les femmes.
Le président: Monsieur McCormick.
M. Larry McCormick (Hastings—Frontenac—Lennox et Addington, Lib.): Merci, monsieur le président et merci encore une fois aux membres du panel.
Monsieur Patterson, en ce qui a trait aux prestations aux aînés, je reconnais, comme tout le monde, que la population est vieillissante et qu'il faut assurer la viabilité future du régime. C'est vous qui avez mentionné—et je vous suis reconnaissant à tous de nous avoir fait part de votre vaste expérience, mais pourquoi cette fois-ci y a-t-il tellement de désinformation...
Eh bien, j'ai examiné tout cela et j'en vois des exemples dans tout le Canada et dans nos propres localités; je me suis demandé si c'est un phénomène naturel qui s'installe à chaque fois qu'il y a un changement de gouvernement, de parti politique, etc. C'est peut-être une impression, mais c'était presque perçu comme un crime—je vais le dire carrément—qu'un ancien ministre des Finances écrive des articles.
Au sujet des personnes âgées, je veux revenir encore une fois à la question de l'alphabétisation. Peut-être que ces gens-là ne comprennent pas tout ce qui est écrit, mais c'est la crainte qui s'installe dans leur vie, dans leur foyer... et je songe bien sûr à une personne en particulier qui, à cause de cette crainte, se constituait des stocks de nourriture. Je ne sais pas trop si c'est le régime alimentaire qui conviendrait pendant des années, mais en tout cas, c'est très touchant de voir une personne qui empile des stocks d'aliments qu'elle n'avait probablement jamais mangés quand elle était jeune.
Je voudrais simplement vous donner la possibilité de réfléchir tout haut aux raisons pour lesquelles, à votre avis, il y a plus de désinformation à ce sujet—je sais que c'est un vaste sujet—qu'il n'y en a sur d'autres questions et à d'autres époques.
M. Keith Patterson: Cela s'explique par un certain nombre de raisons. À la fin des années 70 et au début des années 80, quand on a étudié toute la question du revenu de retraite, une foule de rapports ont été publiés. Il y a eu le groupe de travail fédéral qui a publié ce qu'on appelle couramment le rapport Lazar. Il y a eu le rapport du Conseil économique du Canada intitulé Perspectives 2030: l'avenir des régimes de retraite, qui portait sur l'avenir à long terme et prédisait la crise dont certains pensent qu'elle est déjà présente—et j'ai été associé à ce rapport à l'époque. Il y a eu aussi la Commission royale de l'Ontario, un rapport de comité sénatorial, etc.
Donc, quand ce débat a été lancé, on a rendu publics énormément de travaux de recherche. Aujourd'hui, aucun groupe de travail ne se penche sur le problème. Il y en a bien eu un qui a étudié le vieillissement de la population, mais il n'en est rien ressorti. Le Conseil économique n'existe plus, puisqu'il a été dissout en 1992. Les principales institutions de recherche, à l'exception peut-être des messieurs qui sont à mes côtés, sont financées par la grande entreprise et par conséquent adoptent un certain point de vue particulier. Nous ne pouvons plus compter sur une vaste quantité de travaux de recherche indépendants que les gens peuvent consulter et comprendre.
C'est bien dommage qu'on n'ait pas publié le document sur le vieillissement de la société, car il aurait pu avoir un effet modérateur sur tout ce débat. Les gens auraient pu le consulter pour constater les faits et voir les recherches consacrées à cette question. Il est impossible de le faire maintenant. Malheureusement, de nombreuses personnes commencent à se pencher sur cette question qui leur tient très à coeur sans avoir accès à tous les renseignements. C'est une lacune sérieuse.
C'est peut-être aussi une réaction provoquée par la presse car ce sont surtout les journaux qui alimentent ces craintes. Vous savez sûrement que si je décide de faire un discours pour louer vos oeuvres charitables et toutes vos réalisations en mentionnant que vous avez peut-être fait un petit mensonge à tel ou tel sujet... Que trouvera-t-on dans le journal? On y parlera de votre mensonge, et rien d'autre. Les journaux et les journalistes ont tendance à vouloir exploiter le sensationnel et ne se soucient pas tellement de l'exactitude. C'est l'un des obstacles auxquels nous faisons face maintenant.
Le président: Merci, monsieur Patterson.
Monsieur Shillington.
M. Richard Shillington: Permettez-moi de poursuivre dans la même veine. Il y a plusieurs questions en cause ici; le niveau de littératie ainsi que les prestations pour enfants et la prestation aux aînés. Cette dernière question est probablement l'une des plus complexes qui soit. Il serait extrêmement difficile de préparer de la documentation accessible au grand public.
J'ai une observation à faire. Je sais que M. Patterson travaillait auparavant au Conseil économique du Canada. Je pense qu'il est urgent pour le Canada d'avoir accès à une source objective de renseignements sur la politique publique car nous avons perdu le Conseil économique du Canada. Si l'on veut s'informer sur la prestation aux aînés, la prestation pour enfants, la pauvreté au Canada ou d'autres questions, on a le choix entre les extrémistes de toutes sortes et il faut essayer de trouver le juste milieu.
Ce sont des questions extrêmement complexes et nous avons besoin d'une source d'information, un peu comme le vérificateur général ou comme la Bibliothèque du Parlement, à qui le citoyen peut s'adresser pour obtenir un exposé factuel. Étant donné la complexité de ces questions et la possibilité de manipuler les données, il est bien facile de prendre certains éléments et d'en donner l'interprétation que l'on veut. On peut défendre n'importe quelle position. La seule limite, c'est l'honnêteté intellectuelle. Nous avons un besoin urgent au Canada d'une source de renseignements raisonnables et objectifs.
Le président: Oui, Ken.
M. Ken Battle: Nous sommes tous d'accord là-dessus, mais je voudrais faire une précision...
Le président: Mettons la presse au pilori!
M. Ken Battle: ... en tenant compte de l'aspect politique.
Une voix: Huons le gouvernement.
M. Ken Battle: L'une des difficultés, et cela dépasse la question des personnes âgées, comme l'a fait remarquer Richard, c'est qu'on a apporté des modifications fondamentales au régime de prestations aux aînés ces des dernières années. La plupart des gens en sont encore au vieux régime universel de pensions de vieillesse, ils n'ont pas compris les changements, ce qui n'est guère surprenant.
Le problème auquel font face les organismes qui essaient de parler de ces questions d'une façon plutôt objective—et j'estime que j'en fais partie, malgré certaines opinions partisanes, j'essaie de peser le pour et le contre... c'est qu'il faut tenir compte du nombre de personnes dans les différentes tranches de revenu pour avoir une idée d'ensemble de l'incidence de cette réforme, que ce soit la prestation aux aînés ou pour enfants, aussi bien que le nombre de familles monoparentales, le nombre de femmes, le genre de familles, l'âge, etc. Il faut déterminer quelle serait l'incidence de la réforme sur tel ou tel groupe, mais ce genre de renseignements se trouve seulement au ministère des Finances.
Nous pouvons faire nos propres estimations. Pour vous donner un exemple, Richard a examiné avec moi les différentes options relatives à la prestation aux aînés. Mais nous avons dû utiliser un modèle différent de celui du ministère des Finances car celui-là, c'est-à-dire celui qui est utilisé par le gouvernement, n'est pas rendu public. En fait, même les autres ministères doivent aller quémander au ministère des Finances pour obtenir les renseignements générés par ce modèle. C'est donc la vieille rengaine des analystes de la politique. Je la répète simplement car nous avons comparu devant le Comité des finances sur la question de la réforme du RPC la semaine dernière—et c'est là une autre question.
On n'a pas divulgué l'incidence des modifications apportées au RPC sur les handicapés, les femmes, les employés à faible revenu et les retraités. Le gouvernement fait adopter des modifications au Régime des pensions du Canada tout en gardant pour lui des renseignements essentiels. Je doute même que ces renseignements soient disponibles aux députés. C'est un problème sérieux.
Je ne cherche pas à attaquer le ministère des Finances, mais comme Richard l'a mentionné, il serait utile d'avoir une bonne source d'information. Comme cela se passe au Royaume-Uni et aux États-Unis, les citoyens, les chercheurs et ceux qui ne font pas partie de l'appareil gouvernemental devraient avoir accès aux mêmes outils d'analyse que le gouvernement.
Le président: Merci, Ken.
Monsieur Hale.
M. Ivan Hale: Permettez-moi de répondre brièvement car il y a un autre phénomène que l'on constate depuis cinq ou dix ans, c'est-à-dire un grand affaiblissement de la capacité des organismes nationaux bénévoles dans le domaine des services sociaux au Canada. Les réductions draconiennes imposées par le gouvernement compromettent l'existence de plusieurs de ces organismes, de sorte qu'il est impossible de faire faire des recherches impartiales sur certaines de ces questions par des groupes indépendants qui n'ont pas des intérêts spéciaux à défendre. On est en train d'affaiblir sérieusement toute la trame de la société civile.
Je le mentionne car avec l'assainissement financier actuel, j'espère que le Canada décidera de soutenir davantage ce secteur ainsi que celui de la recherche. Cela permettra de faire des études précises pour mieux informer le grand public. C'est quelque chose d'essentiel si on veut un dialogue éclairé.
Je signale aussi que de nombreux organismes qui ont pour mission de promouvoir ce genre de dialogue n'ont plus les fonds nécessaires pour réunir les gens, même s'ils avaient de bons documents de travail. C'est un secteur extrêmement fragile à l'heure actuelle, et je pense qu'il incombe au gouvernement fédéral de faire davantage pour le renforcer.
Le président: Monsieur Anders.
M. Rob Anders (Calgary-Ouest, Réf.): J'ai trois questions.
D'abord, une question pour Ken Battle et l'Institut Caledon. Il s'agit du financement que vous avez reçu pour la présentation de votre rapport. On précise qu'il y a eu une aide financière du gouvernement de la Colombie-Britannique et du ministère du Développement des Ressources humaines du Canada. Pouvez-vous préciser les montants? Pouvez-vous nous dire grâce à quels programmes, initiatives ou services du ministère vous avez pu obtenir ce financement?
J'ai également une question concernant une affirmation à la page 78 de votre rapport. Au premier paragraphe, vous dites ceci:
-
La prestation pour enfants offre une très forte incitation à ne pas
se déclarer comme couple sur la déclaration d'impôt.
Que pensez-vous de la discrimination contre les familles que représente la prestation fiscale pour enfants sous sa forme actuelle?
Ma troisième question s'adresse au Collège Frontière et concerne votre première page. Vous donnez l'exemple du travail fait par vos enseignants auprès d'immigrants au Canada. Quelle partie de votre activité cela représente-t-il? Quels sont les besoins dans ce secteur? Combien vous faut-il de ressources, etc.?
Ce sont mes trois questions.
M. Ken Battle: Concernant le financement, je devrai vérifier, je ne m'en souviens pas exactement; je crois qu'il s'agissait d'environ 40 000 $ partagés entre les deux paliers de gouvernement. Je vais vous envoyer les détails précis du contrat. Nous n'avons pas encore déposé notre demande de remboursement.
En fait, il y a du retard dans ce projet qui a pris plus longtemps que prévu. Je n'essaie pas d'être évasif, mais je ne me rappelle pas le montant exact. Je pense que la partie fédérale a été assumée par le Développement des ressources humaines, Direction de la politique.
Pour ce qui est de la Colombie-Britannique, il me faudra obtenir des précisions que je vous ferai parvenir.
Votre deuxième question porte sur la définition de la famille par rapport à la prestation fiscale fédérale pour enfants. Nous soulevons cette question parce qu'elle s'applique également à l'allocation familiale de la Colombie-Britannique établie selon le modèle fédéral. En fait, le programme de la Saskatchewan va également s'inspirer de ce modèle. À notre avis, c'est une question qui mérite d'être examinée en l'absence de données définitives.
Dans la mesure où le fédéral et certaines provinces augmentent le financement de ce genre de programme, on peut croire que le problème que nous signalons risque de s'amplifier. Il est question d'allégations selon lesquelles certaines personnes, certains couples prétendent qu'ils sont en situation monoparentale. À ce titre, on peut profiter davantage de la prestation fiscale pour enfants qu'en tant que couple, car on tient compte du revenu familial.
M. Rob Anders: Avez-vous un changement particulier à proposer à la disposition concernant la prestation fiscale pour enfants pour empêcher ce genre de chose?
M. Ken Battle: Pour parler franchement, nous n'avons pas vraiment envisagé de solution. C'est plutôt une question d'ordre administratif, où nous n'avons pas beaucoup d'expérience. Nous avons soulevé la question parce que nous pensions que les gouvernements fédéral et provinciaux, notamment Revenu Canada, devraient au moins essayer d'évaluer l'ampleur du problème.
C'est peut-être un phénomène assez limité. Mais à notre avis, il faudrait faire le point sur la situation avant de prendre des décisions.
• 1115
D'après ce que je comprends, et je ne peux pas parler au nom
de Revenu Canada, c'est aux contribuables, aux parents, d'indiquer
le nom de l'autre parent pour que l'on puisse tenir compte des
deux. S'ils ne le font pas, c'est sans doute une infraction à la
Loi de l'impôt sur le revenu. Mais comment effectuer le contrôle?
C'est là la question qui nous intéresse.
Richard, avez-vous des commentaires?
M. Richard Shillington: Très rapidement.
Les parents doivent se déclarer. Il faut donner le numéro d'assurance sociale de son conjoint. Il n'est pas nécessaire d'être marié, on peut vivre en concubinage et constituer ainsi un couple du point de vue fiscal. Si l'on ne donne pas ces renseignements, il s'agit de savoir quelle est la probabilité d'être repéré par Revenu Canada.
S'il y a deux noms de famille différents et si l'on est assez malin pour utiliser des adresses différentes—à la campagne, c'est très facile; ma famille a deux adresses pour le courrier, d'abord le numéro de rue, et ensuite la case postale—et si l'on utilise une troisième adresse pour le comptable, je crois que Revenu Canada aurait bien du mal, grâce à son système informatisé, à déterminer qu'il s'agit de la même famille.
Je ne crois pas que ce soit simplement des rumeurs. Nous savons que c'est un phénomène assez répandu. Nous le savons parce que les gouvernements ont établi les coûts des programmes en fonction des statistiques disponibles, mais les coûts réels sont tout à fait différents parce qu'on sous-estime le nombre de couples qui se prétendent parents célibataires.
L'incitatif est d'importance; il s'agit de milliers de dollars et, comme le dit Ken dans son rapport, ce sera bientôt davantage. La seule réponse, c'est donc une vérification financière plus rigoureuse.
Le président: Merci, monsieur Shillington.
Monsieur O'Leary.
M. John O'Leary: Comme je le disais, notre but est de recruter et de former des bénévoles pour aider les adultes, les enfants et les adolescents qui veulent améliorer leurs compétences en lecture et en écriture. Nous comptons environ 10 000 bénévoles dans tout le Canada, à l'heure actuelle.
De ce nombre, monsieur Anders, je crois qu'il y en a environ 1 000 dans le domaine de l'anglais langue seconde, ALS, qui travaillent avec les nouveaux immigrés. Sur ces 1 000, environ 500, et j'en ai pris note pour vous envoyer plus de détails, travaillent pour la plupart à Toronto, à Ottawa et à Winnipeg auprès d'adultes, nouveaux arrivants, qui ont besoin d'améliorer leurs compétences linguistiques, la plupart du temps pour des raisons qui ont trait à leur emploi. Certaines de ces personnes suivent des cours de langue une ou deux fois par semaine, mais elles tiennent à accélérer leur apprentissage pour des raisons liées à leur travail et nous leur fournissons donc les services d'un tuteur à cette fin.
Nos autres bénévoles travaillent aussi auprès d'enfants et d'adolescents pauvres et leur offrent des programmes d'enrichissement après les heures de classe. Là encore, il s'agit d'enfants dont les parents ne sont pas nécessairement très compétents dans l'une ou l'autre de nos deux langues officielles.
Par exemple, il y a un nouveau programme que nous mettons sur pied à Toronto et j'espère que nous pourrons l'offrir ici à Ottawa dès l'an prochain; c'est ce que j'appelle, faute de mieux, notre «collège du taxi». Il y a beaucoup de chauffeurs de taxi qui veulent et doivent améliorer leur français ou leur anglais, ou leurs capacités de lecture et d'écriture. C'est une situation on ne peut plus courante dans la plupart de nos villes. Mais ces gens-là travaillent sept jours par semaine, de 10 à 12 heures par jour et il ne leur est pas vraiment facile de trouver le temps nécessaire à ce genre de formation. Nous mettons donc à l'essai certains modèles intéressants pour aider les gens dans cette situation à améliorer leurs compétences.
Et n'oublions pas toutes les personnes qui travaillent dans le domaine de l'hospitalité comme le personnel de soutien, le personnel des cuisines, les femmes de chambre et ainsi de suite.
Le président: Merci.
Monsieur Tremblay, vous avez une question à poser.
Lorsque chacun aura eu l'occasion de poser sa question, nous vous reviendrons, madame Gagnon.
[Français]
M. Stéphan Tremblay (Lac-Saint-Jean, BQ): Je laisse ma place à Mme Gagnon.
[Traduction]
Le président: Monsieur Bonin.
M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.): Monsieur le président, j'ai une question qui m'intéresse à propos de la littératie. Je crois que nous étudions le sujet depuis assez longtemps pour en connaître un peu les causes et les effets.
Vous avez dit que les parents ont un rôle important à jouer dans l'apprentissage des enfants et je me demande si vous pourriez nous tracer un parallèle, par exemple, avec l'enseignement du français langue seconde dans les écoles anglaises. Le gouvernement fédéral y consacre énormément d'argent et nous avons affaire à des enfants très intelligents et sans préjugé aucun qui, après six ans d'efforts à raison de 40 minutes par jour, sont absolument incapables de se débrouiller dans leur langue seconde. Les causes et les effets ne sont absolument pas les mêmes, mais le résultat l'est. Avez-vous étudié la corrélation entre les deux?
M. John O'Leary: Si je me fie à mon expérience de pédagogue auprès des enfants, ces derniers ont une aptitude et une aisance énormes lorsqu'il s'agit d'apprendre les langues. Un bon programme dans une école donnée, de concert avec l'enrichissement approprié au foyer et dans la collectivité, peuvent mener à des résultats extraordinaires. Vous avez peut-être un exemple précis à nous proposer.
M. Raymond Bonin: Vous allez chez Wal-Mart, un adolescent anglophone vous dit «je ne parle pas un mot de français» et il a quand même dû passer une quarantaine de minutes par jour, pendant un certain nombre d'années, à l'apprendre. Il ne s'agit pas simplement d'une ou deux personnes. C'est généralisé.
Est-ce que les parents en enseignent plus que nos écoles? Les parents anglophones ne peuvent pas enseigner le français à leurs enfants et il s'agit pourtant d'enfants intelligents. Car je vous parle ici de jeunes intelligents qui, malgré tout, ne réussissent même pas à l'apprendre. Est-ce parce que les parents en enseignent plus que nos écoles? Est-ce un constat d'échec pour notre système scolaire? J'ai comme l'impression qu'il se produit la même chose au Québec, mais dans l'autre sens.
M. John O'Leary: Je m'excuse, mais je ne suis pas certain d'avoir tout à fait compris votre question. Je connais des enfants dans des programmes d'immersion qui sont tout à fait à l'aise dans les deux langues. Il s'agit peut-être...
M. Raymond Bonin: Je ne parle pas d'un programme d'immersion. Avec un programme d'immersion, il y a un engagement. Je vous parle plutôt des personnes qui suivent un cours de langue pendant 40 minutes chaque jour et qui sont, au bout de six ou sept ans, toujours complètement analphabètes.
M. John O'Leary: Après combien de temps? Je connais certaines personnes qui reçoivent 40 minutes d'instruction linguistique par jour et qui, au bout de six mois, se débrouillent assez bien. À mon avis, cela dépend de leur intérêt, de leur motivation et, comme toujours, de leur situation sociale.
Les enfants qui ne reçoivent pas l'aide requise soit à la maison ou au sein de la collectivité, seront sans doute moins en mesure d'acquérir la deuxième langue parce qu'ils ont d'autres priorités—ils ont faim, ils ont peur, ou autre. D'après mon expérience, il me semble que dans la plupart des foyers, dans la plupart des collectivités, les enfants s'épanouissent lorsqu'ils sont exposés aux langues—vous savez, une deuxième langue différente.
M. Raymond Bonin: Oui, mais les difficultés que vous indiquez expliquent pourquoi ils sont analphabètes dans leur première langue. Cela ne s'applique pas dans ce cas. Afin de régler le problème de l'analphabétisme, il va falloir faire des recherches sur les causes du problème.
[Français]
Le président: Madame Gagnon.
Mme Christiane Gagnon: En considérant toutes les questions qui ont été posées ici par les différents membres du comité, je suis persuadée qu'on pourrait adopter une approche intégrée pour essayer de régler les problèmes ou pour essayer de trouver des solutions à la pauvreté.
Tout à l'heure, je vous ai énuméré plusieurs coupures qui ont été faites. Même si on a dit que les coupures au logement social avaient été entreprises par les conservateurs, on sait que les libéraux ont complètement coupé l'aide au logement social. On a aussi parlé des organismes communautaires. Je pense que c'est M. Shillington qui a dit que le tissu de la société civile avait été affaibli par les groupes communautaires. Présentement, il faudrait avoir une approche intégrée qui permettrait de faire face à ces problèmes et d'aider les familles les plus démunies. Il faut garder cela en mémoire.
M. Battle a souligné tout à l'heure qu'on avait beaucoup perdu en termes de filet de sécurité sociale dans les provinces. Mais encore faudrait-il qu'il y ait de l'argent. C'est bien beau de dire que ce sont les provinces qui rétrécissent le filet de sécurité sociale, mais encore faut-il—et il est vrai que nous avons l'épiderme un peu sensible au Québec—, que quand le gouvernement fédéral adopte des normes nationales, il fournisse aussi l'argent qui va avec ces normes.
Il est bien beau d'avoir des beaux principes et de prêcher pour la vertu, mais... Regardez le Nouveau-Brunswick. Pourquoi y a-t-il eu au Nouveau-Brunswick un chambardement lors de l'élection? C'est parce qu'il y avait un dossier très épineux concernant les coupures qui se faisaient dans l'assurance-emploi.
On parle d'une goutte d'eau, puisque les 850 millions pour le régime fiscal pour enfants dont on parle ce matin sont bien une goutte d'eau. J'aimerais revenir au tableau que vous avez présenté ce matin. Je pense que le gouvernement doit redonner aux provinces les mêmes avantages qu'avant.
• 1125
En regardant le tableau et l'échelle de graduation que
vous avez faite, il me semble qu'il y a une grosse
différence entre quelqu'un qui gagne 29 000 $ et
quelqu'un qui gagne 30 000 $.
Est-ce qu'il ne serait pas possible d'avoir une échelle de graduation en pourcentage, comme cela se fait pour la fiscalité? Quelqu'un qui gagne 30 000 $ est très pénalisé par rapport à celui qui gagne 29 000 $ alors qu'il n'y a pas une grosse différence dans le revenu. Je ne sais pas si je comprends bien le tableau et je me demande s'il existe une échelle de graduation plus précise.
[Traduction]
M. Richard Shillington: Je crois que vous avez mal compris le tableau.
[Français]
Mme Christiane Gagnon: Oui. C'est ce que je voulais vous faire préciser.
[Traduction]
M. Richard Shillington: Regardez la ligne du tableau qui indique 20 000 $ en 1985.
Ce tableau indique le montant de la prestation fiscale pour enfants du régime fédéral offert aux familles avec deux enfants en 1997, par rapport au montant qu'elles auraient reçu en 1984, lorsque nous avons commencé à rendre le système plus efficace en donnant plus d'argent aux familles à faible revenu.
Là où vous voyez le montant initial de 20 000 $, cela représente le revenu de la famille en 1985. Aujourd'hui cette même famille aurait un revenu d'environ 29 000 $, à condition qu'il ait augmenté au même rythme que l'inflation. En 1985, cette famille a reçu 1673 $, ce qui représente, exprimé en dollar d'aujourd'hui, environ 2426 $. Le régime actuel lui donnera 1886 $. Par conséquent, cette famille reçoit 540 $ de moins de ce programme amélioré, mieux ciblé qui reflète notre désir de s'attaquer à la pauvreté des enfants.
Est-ce que cela vous aide?
[Français]
Mme Christiane Gagnon: Oui. Je ne l'avais pas compris comme ça.
[Traduction]
M. Richard Shillington: Je m'excuse pour toute la confusion.
[Français]
Mme Christiane Gagnon: D'accord. Merci.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Cela nous mène à la fin de nos questions et, je crois, à la fin de cette séance. Je tiens à vous remercier tous d'avoir comparu aujourd'hui. Je vous remercie d'avoir pris le temps de venir témoigner.
Le comité se penche sur une question qui va sans doute nous obliger à vous convoquer de nouveau. Au mois de février, il va falloir examiner la partie I du projet de loi sur le travail, et je pense, qu'on peut s'attendre à recevoir le projet de loi sur les prestations aux aînés dès le début de l'année. Nous aurons alors le plaisir de vous revoir à ce moment-là.
La séance est levée.