HRPD Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON HUMAN RESOURCES DEVELOPMENT AND THE STATUS OF PERSONS WITH DISABILITIES
COMITÉ PERMANENT DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES ET DE LA CONDITION DES PERSONNES HANDICAPÉES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Le président (M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.)): Puis-je demander aux membres du comité de prêter attention? Votre première tâche aujourd'hui sera de trouver votre place dans cet arrangement relativement complexe. Madame Bradshaw, vous pouvez même vous asseoir là-bas avec nos amis critiques.
Réglons d'abord quelques problèmes de logistique. Avant même de commencer, nous avons eu quelques difficultés techniques étant donné que les deux micros de la table des témoins ne fonctionnent pas. Je vais donc demander aux témoins d'utiliser soit le micro de la table qui n'a pas de numéro, soit le micro 15 de ce côté-ci. Nous allons donc commencer sans tarder.
Avant de vous présenter, laissez-moi vous dire que je vous souhaite la bienvenue et que je vous remercie de votre présence ce matin.
[Français]
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Après votre introduction, je voudrai soulever une question de privilège.
[Traduction]
Le président: Ce que nous faisons ce matin reflète l'intérêt que portent les membres de la Chambre des communes, de tous les partis, à toute la question des enfants. C'est une question que l'on peut aborder de plusieurs points de vue différents—prénatal, garde des enfants, prévention du crime. Ce sont des facteurs de cette nature qui nous amènent à nous pencher sur cette question de la capacité d'apprendre, allant du moment de la conception, je suppose, jusqu'à l'entrée à l'école.
Pour aujourd'hui, nous avons demandé à cinq personnes de venir faire un exposé sur la question.
• 0915
Nous avons invité des représentants de divers programmes
pertinents. Après leur exposé, nous leur poserons des questions
pour nous faire une meilleure idée de la manière dont se font les
choses dans leur province, leur ville, leur région.
Nous siégerons jusqu'à 13 heures, moment où nous serons probablement convoqués à la Chambre pour un vote. À ce moment-là, vous pourrez retourner dans vos diverses régions. Nous prévoyons aussi une certaine période, autour de 12 h 15 ou 12 h 30, pour permettre à John Godfrey et à d'autres de résumer et de parler des travaux futurs.
Avant de vous donner la parole, docteur Mustard, nous allons régler tout de suite une question qui nous est posée par une députée du Bloc.
[Français]
Mme Christiane Gagnon: Monsieur le président, je trouve un peu bizarre qu'on se retrouve ce matin en comité. J'ai été un peu étonnée de tout le brouhaha et du nombre de personnes qu'on a invitées à s'asseoir. Je n'ai jamais entendu dire au comité directeur qu'il y aurait une séance sur les questions d'adaptation scolaire des enfants de 0 à 6 ans.
Les membres du comité avaient demandé à étudier l'impact de la réforme de l'assurance-emploi. Je me demande quel respect on a pour les membres du comité permanent quand on refoule ainsi leurs demandes. Un député qui n'est même pas membre permanent a suggéré au comité de faire l'étude de ce dossier, et on a appris il y a seulement deux jours que le comité se pencherait sur cette question. Comme membre permanent du comité, je me sens un peu lésée. Je ne me sens pas respectée et je déplore cela. On n'a même pas été mis au courant des coûts que cela entraînerait.
Monsieur le président, il me semble que lorsqu'on fait partie d'une équipe en tant que membres du comité... J'aurais aimé qu'il en soit question au comité directeur, et je ne pense pas que mon collègue Paul Crête, qui siège au comité directeur, en ait été avisé. Il n'est pas ici aujourd'hui, mais je suis certaine qu'il ne l'a pas été.
On aurait aussi aimé que vous teniez compte des demandes des membres du comité avant d'envisager d'autres travaux, surtout qu'on n'en a pas discuté. On n'a même pas étudié la perspective des différents sujets qui auraient pu être abordés par le comité directeur. C'est une constatation que je fais ce matin. Donc, je suis très étonnée de voir qu'on a invité toutes sortes de gens de toutes sortes de régions pour venir discuter d'un sujet qui n'a pas été mis à l'ordre du jour du comité directeur.
[Traduction]
Le président: Bien. Pour votre information, madame Gagnon, le comité directeur est une création du comité général. Il est entendu que les choses peuvent être discutées devant le comité général. Cela a été discuté le 28 mai. Votre critique pour la jeunesse, M. Tremblay, était présent et il avait participé à la discussion. Il avait donné son accord. C'était il y a deux semaines et je comprends donc mal la réponse du Bloc aujourd'hui.
[Français]
Mme Christiane Gagnon: Je vais vérifier, mais nous, les membres du comité, n'en avons pas été avisés. On n'en a jamais discuté au comité permanent.
[Traduction]
Le président: Il est vrai qu'il n'y a pas eu de réunion spéciale du comité directeur mais le comité plénier en a discuté, en présence de votre représentant—qui, selon les informations que nous avons reçues de votre parti, est responsable de ce dossier. Après cela, un avis normal a été adressé à tous les membres du comité. Je suis un peu surpris de vos remarques.
[Français]
Mme Christiane Gagnon: Permettez-moi, comme membre de comité, de dire que je trouve bizarre que le comité ne se penche pas sur la question de l'assurance-emploi et de l'impact de la réforme alors que c'est justement l'une des priorités de ce comité. L'assurance-emploi est un dossier important pour le Comité permanent du développement des ressources humaines. Nous, les membres du Bloc québécois, avons été obligés de sensibiliser la population à cette question parce qu'il y a des gens qui souffrent de l'impact de la réforme, mais on nous présente un autre dossier.
Je ne dis pas qu'il n'est pas important d'aborder un sujet comme celui-là, mais je trouve que l'objectif du comité est un peu flou et qu'on ne sait pas trop où on s'en va. Je trouve bizarre qu'un député qui n'est pas membre du Comité permanent du développement des ressources humaines propose qu'on se penche sur la question de l'adaptation scolaire des enfants de 0 à 6 ans. On sait de qui relève l'éducation.
[Traduction]
Le président: Merci. Je prends note de votre intervention. J'y ai répondu.
Nous parlons ici d'un très gros ministère. Il y a beaucoup de gens qui s'intéressent à la question dont nous sommes saisis et nous les avons consultés. Nous les avons invités à proposer des porte-parole, ce qu'ils ont fait. Je ne vais donc pas consacrer plus de temps à cette question. Nous pourrons y revenir lors de la prochaine réunion du comité directeur, si vous le voulez. Étant donné que le temps nous est relativement compté, j'aimerais ouvrir tout de suite la séance.
Nous allons donc commencer avec une série d'exposés. Docteur Mustard, on me dit que votre micro fonctionne. Vous pouvez donc commencer. J'espère que celui de Gillian aura été réparé lorsqu'elle pendra la parole. Sinon, nous lui demanderons de venir s'asseoir à côté de Libby.
Je vais essayer de maîtriser la situation. Comme nous sommes très nombreux, cela risque d'être intéressant. Nous avons beaucoup discuté de la possibilité de réduire le nombre de participants mais le sujet intéresse tellement de gens que nous avons quand même tout fait pour en accueillir le plus grand nombre possible.
Docteur Mustard, pouvez-vous commencer?
Je ne l'entends pas.
Docteur Mustard, pourriez-vous venir vous asseoir devant cet autre micro. Le côté de la table où vous allez vous asseoir n'a aucune importance.
M. Fraser Mustard (président-fondateur, Institut canadien de recherche avancée): J'espère que cela ne m'associera pas d'office à un parti politique.
Des voix: Ah! Ah!
M. Fraser Mustard: J'espère que cela n'indique rien non plus sur la compétence technologique du gouvernement du Canada.
Des voix: Ah! Ah!
Le président: Ça commence.
M. Fraser Mustard: Pendant la brève période dont je dispose, je vais tenter d'indiquer pourquoi la première période de développement du cerveau détermine les compétences fondamentales et les risques correspondants en matière d'apprentissage, de comportement et de santé, pour toute la vie.
Grâce à la révolution de la neuroscience, nous savons que les milliards de neurones avec lesquels nous naissons doivent former des connexions et que ces connexions entre tous les nerfs dépendent de la qualité des stimuli que l'on reçoit. On peut utiliser divers termes pour décrire ce phénomène mais je dirais simplement que nous n'avons que huit chemins sensoriels et que c'est par ces chemins que l'amour, l'attention et tout le reste nous aident à former les connexions de notre cerveau. Les premières années de la vie, mais surtout les trois premières, ce qui comprend la fin de la période utérine, sont tout à fait cruciales pour que ces connexions se forment.
Voilà très sommairement ce que nous ont appris les découvertes neuroscientifiques.
Les preuves dont on dispose à ce sujet sont d'abord venues de l'étude des chemins sensoriels visuels. Des expériences faites avec des chats ont révélé que, si l'on bloque les signaux passant de l'oeil à cette partie du cerveau, dès la naissance du chaton, les connexions ne se forment pas dans cette partie du cerveau et l'animal ne peut voir dans son cerveau ce que voit son oeil. Si l'on met fin au blocage lorsque l'animal arrive à maturité, les stimuli qui passent à ce moment-là ne peuvent pas amener la connexion à se faire. Autrement dit, l'animal a perdu pour toujours cette faculté visuelle.
Nous sommes relativement convaincus que tous les chemins sensoriels se développent pendant les mêmes périodes critiques de connexion. Donc, si l'on prive totalement un animal de toutes sortes de stimuli—et cela vaut sans doute aussi pour un enfant—on risque d'avoir de très graves problèmes.
• 0925
Tel est donc le résumé de cette situation. Sur le plan
pratique, lorsqu'un enfant naît avec un problème de vision, il
faut corriger ce problème assez rapidement si l'on veut qu'il ait
une vision normale plus tard. Sinon, il sera trop tard pour que
les signaux puissent atteindre le cerveau—pour établir les
bonnes connexions.
Les chemins sensoriels vers le cerveau deviennent donc extrêmement importants et les termes que l'on utilise pour décrire le phénomène—comme l'attachement, le contrôle émotif, la stabilité, la stimulation, etc.—dépendent tous de ces développements cruciaux qui influeront plus tard sur toutes sortes de choses.
L'un des phénomènes les plus importants est que nous savons maintenant que l'élément central du cerveau, en dessous du cortex—le système limbique et le cerveau moyen, qui sont couplés à tous nos chemins sensoriels, comme par une sorte de central téléphonique—est probablement connecté pendant les trois premières années de la vie.
L'importance de ce facteur est que les enfants élevés dans un milieu de violence parentale—physique ou verbale—vont avoir des connexions troublées, ce qui leur causera des problèmes émotifs et comportementaux extrêmement complexes à l'âge de cinq ou six ans, lorsqu'ils arriveront à l'école.
C'est assez effrayant et nous savons aujourd'hui qu'il est possible de faire des expériences simples, directes et non invasives auprès de jeunes enfants, comme agiter un hochet devant eux ou au-dessus d'eux dans une pièce noire à l'âge de 10 mois et répéter l'opération deux ans plus tard. Tous les enfants qui ont participé à l'expérience à l'âge de six mois iront immédiatement au hochet dans la pièce noire, alors ceux qui n'y avaient pas participé ne le feront pas. Donc, les signaux donnés pendant ce très jeune âge sont cruciaux.
Nous savons que les mesures du développement du cerveau pendant cette période ont une valeur de prévision élevée. Par exemple, la «capacité d'apprendre» peut être mesurée, comme on l'a fait aux États-Unis, pour des groupes d'élèves. Si on la relie au rendement des enfants de 8e année en mathématiques, on trouve une corrélation parfaite. Les États où la capacité des enfants était la plus élevée à l'entrée à l'école obtiennent les meilleurs rendements en mathématiques en 8e année.
L'une des conséquences de cette découverte, sur le plan des politiques publiques, est qu'on ne peut pas attendre des écoles qu'elles règlent toutes seules le problème de l'enseignement des mathématiques. Comme l'a dit Dick Fuchs, l'auteur de l'étude, il faut investir dans le préscolaire pour améliorer les résultats scolaires. C'est une constatation très importante pour les gouvernements.
Suite aux travaux de Richard Tremblay, qui n'est pas ici aujourd'hui, nous savons que l'on peut prévoir qu'une proportion élevée des enfants qui arrivent à l'école en témoignant de comportements antisociaux seront ceux qui abandonneront l'école le plus tôt, même si les écoles essaient de renverser le phénomène. Nous savons aussi que 30 p. 100 des enfants environ seront délinquants dès l'âge de 13 ans. Les spécialistes de la prévention du crime ont pris conscience de cette réalité et, comme Richard Tremblay vous le dirait, ce que l'on fait pendant la période préscolaire est probablement plus important que ce que ce que l'on fait après pour aider ces enfants à rester à l'école et à ne pas devenir des adolescents délinquants.
L'aspect le plus important à mes yeux, puisque j'ai fait des études de médecine, est que ces événements de la petite enfance ont des conséquences énormes sur les maladies chroniques de l'âge adulte: problèmes de santé mentale, comme la dépression, et même mon sujet favori, les maladies coronariennes. De fait, je serais prêt à dire qu'un éducateur de la petite enfance a probablement plus d'importance, pour prévenir les maladies coronariennes, que tous les investissements que l'on pourrait faire avec des médicaments anti-cholestérol. Je pense qu'il vaut la peine d'y réfléchir. Je ne peux vous donner toutes les raisons en quelques instants mais je vous ai laissé un document qui les résume.
Cela dit, les périodes absolument cruciales pour le développement du cerveau sont la fin de la période utérine et les cinq à six premières années après la naissance, surtout les trois premières. Il est probable que la première année est absolument fondamentale mais nous n'avons pas encore assez de données pour le dire avec certitude. Cette période fixe toutes sortes d'éléments importants pour l'avenir: la capacité d'apprentissage, les caractéristiques comportementales et bon nombre des risques de maladie chronique à l'âge adulte. Donc, si quelqu'un s'intéresse vraiment à la prévention des maladies, ce facteur est très important. Il ne s'agit pas seulement d'une question d'apprentissage mais aussi d'une question tout à fait fondamentale de développement humain et de santé.
Peut-on mesurer les cinq premières années? Oui—pas avec un outil précis mais, si l'on pense à la capacité d'apprentissage, ce qui n'est peut-être pas une bonne expression puisque cette mesure est autant une mesure de santé publique qu'une mesure d'éducation, si l'on y réfléchit bien...
On peut considérer que le cerveau est le chemin vers l'apprentissage, vers le comportement et vers la santé. La manière dont on agit pendant les périodes dont j'ai parlé va déterminer le degré de confiance en soi et les compétences dans ces domaines pour toute la vie, par exemple la manière dont on réagira lorsqu'on sera devenu député et que l'on se fera harceler par l'opposition. Je ne sais pas s'il arrive que des députés soient déprimés mais ce n'est sans doute pas impossible.
• 0930
Qu'est-ce que cela veut dire sur le plan opérationnel? Nous
utilisons dans la société des outils de mesure qui sont cruciaux
pour connaître la santé de la population, afin d'adopter de
bonnes politiques. Le poids à la naissance en est un exemple
classique. J'estime que cet outil est de même importance. C'est
une mesure importante de santé publique ainsi qu'une mesure
d'apprentissage. On peut s'en servir comme jalon important pour
savoir comment les sociétés font face au changement, étant donné
que les groupes les plus vulnérables en période de changement
sont les femmes et les enfants. La manière dont on réorganise la
société importe peu. Considérant les changements techniques et
économiques extrêmement profonds qui se produisent depuis une
vingtaine d'années, la question est de savoir comment on préserve
un environnement social stable pour les groupes vulnérables. Nous
avons de très faibles indicateurs à ce sujet.
Avec ce que nous savons aujourd'hui, je crois qu'il est important de trouver des indicateurs qui nous diront si nous faisons correctement face aux changements afin que les gouvernements, locaux, provinciaux et fédéral puissent formuler de bonnes politiques dans le but de préserver des environnements sociaux de qualité pour l'avenir.
N'oubliez pas que la croissance économique est presque totalement tributaire de la qualité de la population. C'est très important.
Le problème est donc un problème économique important pour l'avenir, pas pour le gouvernement d'aujourd'hui mais pour celui qui sera là dans 20 ans, car la manière dont on règle la question de la petite enfance et du développement du cerveau déterminera la qualité de la population future.
Au Royaume-Uni, on sait que la moitié de l'expansion économique qui a suivi la révolution industrielle a été le produit direct de l'amélioration de la qualité de la population, laquelle a été en grande mesure causée par l'effet de la révolution industrielle sur les conditions de vie pendant la petite enfance.
Il y a donc des mesures à prendre si l'on veut que cet outil fonctionne et je conclus en disant qu'il est très important que cela soit communautaire car c'est à ce niveau que l'outil sera le plus utile. Par exemple, les communautés qui comprendront que le cerveau ne se développe pas pendant les périodes préscolaires et scolaires mais qu'il ne cesse de se développer dans une sorte d'environnement total synthétiseront une sorte de structure impliquant les systèmes préscolaires et scolaires à l'avenir.
Cela met fin à mon exposé, monsieur le président.
Le président: Merci, docteur Mustard.
Docteur Keating, pourriez-vous vous avancer au micro?
M. Dan Keating (Université de Toronto, Institut d'études pédagogiques de l'Ontario): Merci. Certaines de mes remarques porteront sur les mêmes questions que celles dont M. Mustard vient de parler. Je vais cependant essayer de résumer en tenant compte de cette notion de capacité d'apprendre.
Tout d'abord, d'un point de vue général, ce concept englobe un large éventail de compétences qui sont généralement définies comme étant celles qui sont importantes pour obtenir du succès à l'école, selon la définition classique de cette expression. Je précise qu'il ne s'agit pas seulement de capacités cognitives ou d'apprentissage mais d'un ensemble plus large englobant aussi des capacités de comportement et des capacités socio-émotives. On peut aussi considérer cela comme étant la capacité d'acquérir des compétences scolaires pertinentes pendant les études. C'est le facteur crucial. Nous avons toutefois découvert que ces facteurs peuvent avoir des applications beaucoup plus larges, par exemple dans le domaine de la santé, comme vient de le dire le Dr Mustard.
La deuxième chose est qu'il existe beaucoup de données longitudinales, une quantité énorme en fait, appuyant la conclusion que les choses que l'on analyse lorsqu'on mesure la capacité d'apprendre sont des facteurs de prévision extrêmement forts du succès scolaire futur. Les évaluations, même celles qui sont relativement mauvaises, sont très importantes pour prédire le succès à la fin de la 8e année, le succès à l'âge de 18 ans, etc., lorsqu'on les fait dès le jardin d'enfants. Ainsi, les enfants qui arrivent avec un faible niveau de préparation, même mesuré avec des indices relativement faibles, ont des chances de succès relativement moins bonnes que ceux qui sont mieux préparés à profiter du contexte scolaire.
• 0935
Le Dr Mustard a déjà parlé de plusieurs choses qui influent
sur cette capacité d'apprendre. Par définition elle se développe
chez le bébé et pendant la période préscolaire mais je crois
qu'il est tout à fait crucial de comprendre que beaucoup des
éléments pertinents, probablement la plupart, sont le résultat de
ce processus de neurosculptage, comme on dit aujourd'hui,
c'est-à-dire du fait que le cerveau est sculpté par les premières
années de développement. Il y a alors transformation des réseaux
du cerveau, de l'architecture du cerveau, de la chimie du
cerveau. Ces choses deviennent des principes d'organisation du
fonctionnement ultérieur, ce qui va de la capacité d'apprendre à
la capacité de réglementer les émotions et au fonctionnement du
système immunitaire qui protège la santé.
Si l'on se penche sur cela, c'est parce que l'on sait que, lorsque l'indice est bon—et nous devons continuer de l'améliorer—il révèle des aspects très importants de l'intégrité de développement de l'enfant au moment de l'entrée à l'école, et il a des implications à long terme pour la santé, la compétence et les capacités générales de l'individu.
Cela étant, il paraît assez normal de conclure que les indicateurs sociaux ou les indicateurs communautaires de la capacité d'apprendre sont une ressource potentiellement très utile pour évaluer la santé et le bien-être des populations et des groupes à un moment où on peut encore faire quelque chose pour les améliorer mais, plus particulièrement, parce que cela nous indiquera si nous avons bien préparé nos enfants à ces tâches importantes.
Je veux dire aussi, puisqu'on parle ici d'un indicateur social, que la différence qui existe entre les gens qui s'en sortent bien et ceux qui s'en sortent mal est en soi un indice de bien-être de la population. Nous savons que les régions et les sociétés où il y a des différences très marquées entre les deux extrêmes de cette échelle ont de moins bons résultats que les régions ou sociétés pour lesquelles on voit une courbe plus aplanie, c'est-à-dire des différences moins prononcées entre les extrêmes. C'est donc aussi un indice très utile en ce sens.
Étant donné le caractère à long terme de ces résultats, dont j'ai déjà parlé, et leurs conséquences pour les populations et pour la société, il importe de déployer des efforts additionnels pour faire usage d'un indice bien conçu, au moment où les enfants entrent à l'école. C'est en effet le premier moment universellement disponible pour prendre des mesures. Si l'on accepte la thèse de l'importance du développement précoce, comme le montrent les données neuroscientifiques actuelles, cela nous donne des informations très utiles et très importantes à un point de la vie des gens où ils sont universellement disponibles.
Je vais conclure en disant que les implications me semblent parfaitement claires. Considérant ce que nous savons sur la manière dont le cerveau se développe, ce que nous savons sur la santé des populations et sur les compétences des populations, et ce que nous savons aussi sur la relation qui existe entre ces éléments, nous pouvons nous fonder sur ces données scientifiques, qui sont très fortes, pour comprendre que ces choses ont des conséquences à long terme qui sont très vastes et très importantes pour n'importe quelle société. Cela nous dit que nous devons faire des efforts conscients pour préserver et rehausser les investissements dans la petite enfance. Il ne suffit pas de surveiller les résultats, il faut profiter de ces informations pour orienter nos investissements en ressources humaines, à partir du premier moment de la vie.
Cela est particulièrement important à la lumière des changements sociaux et technologiques considérables qui se produisent aujourd'hui. Beaucoup des systèmes traditionnels—la famille, le quartier, la communauté, la famille élargie—qui contribuaient à produire des enfants sains pendant les premières années, facteur confirmé par quelque chose comme un indice de la capacité d'apprendre, ont changé. Il faut comprendre que le contexte a changé et il faut essayer de comprendre quelles conséquences cela peut avoir sur une société du savoir, comme on dit aujourd'hui. Si l'on veut vraiment vivre dans une société du savoir, il faut évidemment disposer d'une fonction de rétroaction pour surveiller les choses et ceci est l'une des plus importantes fonctions de rétroaction que l'on pourrait mettre en oeuvre.
Le président: Merci, docteur Keating.
• 0940
Je donne maintenant la parole au docteur Janus.
Mme Magdalena Janus (coordonnatrice de recherche, Centre for Children at Risk): J'allais commencer en exposant brièvement les fondements théoriques des mesures que nous élaborons mais le Dr Mustard et le Dr Keating viennent de le faire avec grand talent. Je vais donc résumer très brièvement en disant que toutes les recherches nous ont appris que les principales connexions du cerveau de l'enfant se forment aux toutes premières étapes du développement, probablement jusqu'à l'âge de trois ans et, au plus tard, de six ans. C'est une conséquence des caractéristiques génétiques de l'enfant et du milieu dans lequel il grandit, ainsi que des stimuli qu'il reçoit. On le voit dans le comportement de l'enfant et dans plusieurs aspects qui influent directement sur sa capacité d'apprendre à l'école.
On a identifié cinq grands domaines du comportement de l'enfant qui touchent directement le succès scolaire: la santé physique et le bien-être, la compétence sociale, la maturité émotive, la richesse du langage, ainsi que les connaissances générales et les compétences cognitives. Toute mesure destinée à évaluer la capacité d'apprendre de l'enfant doit tenir compte de ces cinq aspects.
Quand nous élaborons une mesure, c'est pour savoir où se situe l'enfant à l'âge de quatre ou cinq ans, d'après son comportement au jardin d'enfants. Notre approche générale est que, si l'on parvient à mettre au point un système simple d'évaluation de la capacité d'apprendre de l'enfant à l'entrée à l'école, cela permettra d'économiser beaucoup d'efforts et d'argent en intervenant au moment où l'intervention n'est pas seulement relativement bon marché mais aussi relativement facile, au lieu d'attendre que l'enfant ait fait plusieurs années de scolarité, lorsque les conséquences risquent d'être trop prononcées pour pouvoir intervenir avec succès.
Il importe aussi de noter que notre approche va du bas vers le haut plutôt que le contraire. L'instrument que nous avons mis au point est fondé sur les remarques et besoins des enseignants. Certes, nous faisons tout notre possible pour veiller à ce qu'il soit aussi scientifiquement et psychologiquement valide, mais le principal moteur de son développement est son acceptabilité par les milieux de l'enseignement. Nous voulons que les enseignants aient la conviction que notre instrument est bon et utile et pas simplement un test venant s'ajouter aux autres. Voilà pourquoi nous avons mis à l'essai un instrument de mesure réaliste, acceptable et psychométriquement sain, qui nous permettra d'évaluer la capacité d'apprendre des enfants avant qu'ils n'entrent en 1ère année.
Comme l'a dit le Dr. Keating, le jardin d'enfants est le premier point d'éducation structurée obligatoire pour tous les enfants. L'instrument est donc conçu pour fournir des informations sur des groupes d'enfants de façon à—et ce sont les trois grands objectifs—mesurer les déficits, évaluer l'efficacité des interventions précoces, et prédire comment les enfants s'en sortiront à l'élémentaire.
Pour que les enseignants puissent appliquer l'instrument à tous les enfants, nous avons veillé à ce que son utilisation ne prenne pas plus de 20 minutes par enfant. Selon les rapports préliminaires que nous avons reçus, son utilisation en prend entre sept et 20 à l'heure actuelle.
• 0945
Nos progrès font l'objet d'une surveillance étroite de la
part d'un groupe consultatif composé d'experts nationaux dans ce
domaine mais, bien sûr, nous n'avons pas encore atteint tous les
objectifs que nous nous sommes fixés. Voici où nous en sommes
pour le moment.
Après avoir consulté des éducateurs et des cadres du secteur de l'enseignement, nous avons appliqué l'instrument à des groupes d'enseignants du niveau de jardin d'enfants, ce qui nous a énormément aidés à préciser les questions en jeu et l'importance du contenu.
Nous avons produit plusieurs versions de l'instrument. La version actuelle a déjà brièvement fait l'objet de tests auprès de plusieurs enseignants, pour en évaluer la longueur et la clarté. Nous effectuons en ce moment un test de terrain pour valider les réponses des enseignants en les comparant aux résultats d'entrevues avec des parents et de tests cognitifs appliqués directement aux enfants.
Pour la prochaine année scolaire, nous planifions une série complète d'essais de validation dans un contexte multiculturel. Cela se fera à Toronto, ville parfaitement adaptée pour des essais multiculturels, et nous espérons que cela nous permettra de rendre notre instrument acceptable pour d'autres groupes ethniques.
Notre travail a suscité un intérêt considérable de la part de nombreux conseils scolaires de l'Ontario et du Canada, ainsi même que des États-Unis. Nous utilisons les ressources offertes par certaines de ces organisations pour valider l'instrument et pour obtenir des rétroactions. De fait, certaines vont nous aider pour la validation culturelle. Avec d'autres, nous allons entreprendre certaines études en collaboration, lorsque la version définitive de l'instrument aura été mise au point, d'ici à l'automne de cette année, nous espérons.
Merci.
Le président: Merci, docteur Janus.
Docteur Doherty.
Mme Gillian Doherty (professeure adjointe, Université de Guelph): J'aimerais commencer en disant que les enfants sont nés pour apprendre et que, lorsque nous parlons de capacité d'apprendre, nous devrions peut-être envisager la question dans le contexte de la préparation à l'école, ce qui est un contexte tout à fait différent.
Comme l'ont dit les intervenants précédents, les enfants arrivent dans le monde avec un neurosystème préprogrammé, dans une certaine mesure, pour acquérir certaines compétences et pour effectuer certaines connexions neurologiques, selon l'expérience reçue.
La préparation à l'école, par contre, désigne la capacité pour l'enfant d'effectuer des tâches scolaires, par exemple de faire preuve de coopération, de s'asseoir en silence et d'écouter l'enseignant, et de tirer profit des activités didactiques offertes par l'école.
Je voudrais dire aussi que l'on devrait porter une attention égale au degré de préparation des écoles à accueillir les enfants, c'est-à-dire à leur réceptivité au fait que les enfants viennent de milieux différents, ont des méthodes culturelles différentes de traiter les informations, et ont des capacités différentes.
Des recherches considérables ont montré, par exemple, que les enfants apprennent à lire plus facilement et avec plus de succès lorsque la démarche d'enseignement correspond au style d'apprentissage culturel de l'enfant. Je n'insiste pas là-dessus.
Le groupe national d'analyse des buts de l'enseignement, aux États-Unis, qui a porté une attention considérable à cette question, a identifié six éléments qui sont cruciaux pour qu'un enfant soit prêt à l'expérience scolaire.
Le premier est la santé et le développement physique. Cela va bien au-delà de l'absence de maladie ou d'invalidité puisque cela englobe aussi un niveau d'énergie suffisant pour que l'enfant puisse se concentrer sur ce qui se passe en classe, ainsi que certaines aptitudes physiques fondamentales, par exemple pour pouvoir tenir un crayon.
• 0950
Le deuxième élément est le bien-être émotif. L'enfant qui a
confiance en soi est capable de se tourner vers l'extérieur et de
participer pleinement aux activités scolaires. L'enfant qui jouit
d'un bon équilibre émotif est capable d'attendre quand c'est
nécessaire et d'accepter un échec momentané sans fondre en
larmes.
Par contre, l'enfant craintif, malheureux ou en colère est un enfant préoccupé, ce qui réduit son aptitude à prêter attention et à participer aux activités scolaires. De ce fait, il ne tire pas autant profit que les autres de ce que l'école a à lui offrir.
Un troisième élément crucial est une approche positive à l'égard des nouvelles expériences et de l'apprentissage. Le Dr Keating a beaucoup publié à ce sujet et il dit qu'il existe un éventail d'enfants, de ce point de vue. Cela va de l'enfant qui est retiré en lui-même, réticent et qui se méfie des nouvelles expériences, jusqu'à l'enfant qui est prêt à sauter à pieds points dans ce qui est nouveau et qui peut même parfois être trop impulsif.
Idéalement, lorsque l'enfant entre à l'école, il se situe à peu près dans la moyenne. Il est prêt à envisager positivement le fait qu'il s'agit pour lui d'une nouvelle expérience et il est prêt à en tirer profit. Il est prêt à assumer certains risques pour participer à cette nouvelle expérience. De ce fait, il va tirer beaucoup plus profit des possibilités d'apprentissage que les enfants qui feront preuve de réticence et de timidité. Aborder les nouvelles expériences et l'apprentissage de manière positive est donc très important.
Le quatrième élément se compose des connaissances et compétences sociales. Le milieu scolaire a certaines exigences sur le plan du comportement. Il exige que l'enfant comprenne ce qu'est un comportement acceptable en public et qu'il puisse contrôler ses propres comportements de manière assez raisonnable. Pouvoir s'entendre avec les autres est aussi un facteur important. Les enfants qui savent ce qu'est un comportement acceptable et qui sont capables de s'entendre avec les autres et de coopérer forment de bonnes relations avec les enseignants et avec leurs camarades, ce qui leur permet de participer aux activités scolaires et d'en profiter, plutôt que d'être préoccupés ou d'avoir des difficultés à cause de mauvaises relations.
Le cinquième élément porte sur les compétences en communication. Être capable de comprendre et être aussi capable d'exprimer ses propres idées, sentiments et désirs est très important. Dans le cadre des communications avec les enseignants et les camarades, l'enfant forge une compréhension de la manière dont le monde et les chiffres fonctionnent. Il acquiert ainsi des connaissances en ayant des relations avec son environnement.
Finalement, il y a les connaissances générales et les compétences cognitives propres à chaque âge. Savoir qu'une histoire a un début, un milieu et une fin est un facteur très important pour apprendre à lire. Or, c'est une connaissance générale. La familiarité avec les jeux de chiffres, comme Serpents et échelles, aident l'enfant à maîtriser des compétences fondamentales d'addition et de soustraction. Il est aussi nécessaire de comprendre les similitudes et les différences entre différents groupes d'objets.
Cette liste des facteurs essentiels est importante pour deux raisons. Premièrement, parce qu'elle nous mène au-delà de ce que l'on sait traditionnellement du b-a-ba de l'école. L'enfant sait-il compter jusqu'à 10? Parfait, il est prêt pour l'école.
Non, il y a plus que cela. Il y a la confiance en soi, la compréhension et la compétence sociale, l'équilibre émotif, et une approche positive à l'égard de l'apprentissage et de ce qui est nouveau.
J'attire aussi votre attention sur l'ordre dans lequel j'ai présenté ces éléments. Le premier, concernant la santé et le développement physique, n'a évidemment rien d'étonnant. Toutefois, au lieu de parler ensuite des compétences linguistiques et cognitives, le groupe national de l'éducation parle de l'équilibre émotif, d'une approche positive à l'égard de ce qui est nouveau, des connaissances sociales et des compétences sociales.
• 0955
On a distribué aux membres du comité qui sont de ce côté-ci
une série de reproductions d'acétates. Vous voyez en haut de la
première, le titre. La deuxième porte sur les déterminants de la
préparation à l'école et des succès scolaires ultérieurs.
Les acétates vous ont été remises en anglais et en français.
Celle-ci essaie simplement de démontrer que la préparation à l'école dépend de l'interaction entre les capacités et le tempérament innés de l'enfant, l'expérience précoce de l'enfant à la maison et à l'extérieur, et la maturation psychologique de l'enfant.
Par exemple, un bébé gai et actif a beaucoup plus de chance de voir les gens s'arrêter devant lui pour lui parler et lui sourire qu'un bébé mécontent et introverti. Voilà comment le tempérament influe sur l'expérience acquise par l'enfant. Le tempérament semble être inné. Un volet relativement vaste du tempérament est une caractéristique innée.
La maturation physiologique désigne le développement du système neuronal. Il y a des choses que l'enfant ne peut tout simplement pas apprendre tant que son système neuronal n'a pas atteint un certain niveau de développement. Par exemple, la plupart des enfants de quatre ans peuvent compter jusqu'à 10 et, si on leur donne deux piles de cubes, une grosse et une petite, ils peuvent dire qu'une en a beaucoup et l'autre peu, mais rares sont ceux qui pourront dire que quatre, c'est moins que cinq.
Cela signifie qu'il y a ici deux éléments de connaissance. Il y a l'aptitude à compter et il y a l'aptitude à dire que quelque chose est grand ou petit, mais on ne trouve pas encore l'aptitude à fusionner ces deux concepts pour que l'enfant puisse dire que quatre, c'est moins que cinq.
À six ans, par contre, la plupart des enfants en sont capables. Ce qui s'est produit dans l'intervalle, c'est un changement physiologique concret dans le cerveau. La structure du cerveau a changé. Ce phénomène a été démontré de nombreuses manières. Voilà pourquoi on dit que les enfants ont besoin d'une maturation physiologique.
Quelles sont les expériences cruciales de la petite enfance? Nous savons beaucoup de choses sur ce qui aide les enfants à trouver l'équilibre émotif, à avoir de bonnes compétences sociales, à envisager la vie de manière positive, à parler, etc. L'un des éléments les plus fondamentaux est la protection de la santé et de la sécurité, ce qui va largement au-delà de veiller à ce que les enfants n'aillent pas jouer dans le trafic automobile. Cela englobe des périodes de repos et une nutrition adéquates. Cela comprend aussi la protection contre la maladie, la négligence, les abus ou les accidents. Quelqu'un nous a dit tout à l'heure que l'on a maintenant la preuve qu'être exposé à la violence familiale entrave la formation des connexions neuronales dans le cerveau de l'enfant.
Deuxièmement, les enfants ont besoin de soins chaleureux, attentifs et sensibles. Cela veut dire qu'ils ont besoin de personnes qui comprennent leurs réactions non verbales et verbales, pour comprendre leurs besoins et leurs sentiments. Il faut que ces personnes puissent répondre rapidement aux besoins de l'enfant, de manière appropriée. Si l'enfant tombe et se fait mal au genou, lui dire qu'il est idiot n'est pas attentif, chaleureux ou sensible. Par contre, faire preuve de sympathie et l'aider à se relever correspond à ces qualificatifs.
La raison pour laquelle il est tellement important que les enfants fassent l'objet de soins chaleureux, attentifs et sensibles est que cela leur permet d'acquérir confiance en eux-mêmes et en leur capacité d'influer sur le monde. Cela leur permet d'explorer leur environnement avec confiance, et c'est comme cela qu'ils apprennent. Quiconque a vu un enfant de deux ans jouer avec les casseroles de la cuisine sait que c'est comme cela que les enfants apprennent à placer les casseroles les unes dans les autres.
Explorer est essentiel pour apprendre. Beaucoup de recherches ont été consacrées à cette activité depuis 10 ans, pas seulement au Canada et aux États-Unis mais aussi dans d'autres pays, et l'on a toujours constaté que les enfants qui reçoivent des soins chaleureux, attentifs et sensibles sont plus prêts que les autres à explorer vers l'âge de quatre ou cinq ans, sont plus indépendants et sont plus capables de tolérer la frustration et de contrôler leurs sentiments négatifs. Toutes ces choses sont importantes pour la préparation à l'école.
• 1000
Troisièmement, les enfants ont besoin de cohérence—chez les
autres et dans les routines. Cela les aide à apprendre ce à quoi
ils peuvent s'attendre, et à comprendre leur environnement, ce
qui contribue à leur sécurité émotive.
Le quatrième facteur est l'exposition au langage, sous toutes ses formes. Les enfants qui sont nés sourds font tous les bruits et sons sans aucun sens que font tous les enfants, mais ils ne peuvent commencent à prononcer de vrais mots qu'après en avoir entendu.
Plus tard, lorsqu'ils ont appris certains mots, ils doivent entendre des paroles pour pouvoir apprendre les règles de grammaire, comment poser des questions, etc.
Voici un extrait du Rapport de 1994 de la Commission royale de l'Ontario sur l'enseignement:
-
Les enfants que l'on prépare à l'enseignement et, par conséquent,
à l'école, doivent être des enfants à qui l'on a parlé, que l'on
a écoutés, qui ont obtenu des réponses à leurs questions, qui ont
reçu des explications et que l'on a encouragés à essayer de
nouveaux mots et de nouvelles idées.
La Commission aurait pu ajouter aussi qu'il faut lire et chanter aux enfants.
L'un de mes collègues parlait un jour de l'importance du langage en disant que les enfants devraient, dès les premiers mois, «baigner» dans le langage. Je précise aussi que des recherches ont montré que l'exposition passive au langage—être assis devant un poste de télévision, par exemple—ne suffit pas. Il y a dans l'interaction entre l'adulte qui parle et l'enfant quelque chose qui est important pour l'acquisition du langage.
Cinquièmement, les enfants ont besoin d'occasions de chercher et de jouer. Toucher, sentir et goûter une banane font partie de l'expérience globale d'appréhension de cette chose qu'est une banane. Quand les enfants jouent et explorent leur environnement, ils font en fait des sciences, des mathématiques et des études sociales.
Entre 18 mois et 24 mois, l'enfant commence à jouer à des jeux dans lesquels il prétend certaines choses. Par exemple, il prétend nourrir une poupée avec une tasse de poupée. Plus tard, il apprendra à remplacer les choses et un oreiller deviendra peut-être un bébé. C'est l'un des premiers exemples d'apprentissage en utilisant des objets de remplacement lorsqu'un objet réel n'est pas disponible. C'est cela qui fonde l'utilisation des symboles, et cela se produit autour de 18 à 24 mois. Très tôt, les enfants qui ont la possibilité de jouer commencent à apprendre ce que sont les symboles.
Finalement, l'enfant a besoin de rapports guidés avec ses pairs. Les relations avec les adultes offrent des instructions et permettent de guider l'enfant mais ce ne sont pas des relations d'égal à égal. Tout comme l'adulte a besoin de relations avec ses égaux, l'enfant a lui aussi besoin d'autres enfants pour apprendre des choses telles que la réciprocité, la négociation et la compétition. L'expérience avec les pairs est donc absolument nécessaire mais cette expérience avec de très jeunes enfants a besoin d'être guidée, sinon on se retrouve avec deux ou trois enfants qui se tapent dessus. Les très jeunes enfants n'apprennent pas à établir des relations appropriées sans un certain encadrement.
La quatrième acétate, intitulée «Périodes cruciales pour certains facteurs de préparation à l'école», montre une série de barres horizontales. On trouve à gauche de chaque barre une partie noire qui s'éclaire petit à petit à mesure qu'on avance vers la droite. Cela illustre l'importance de la période précédant l'âge de six ans pour le développement de certains éléments cruciaux de la préparation à l'école. Ceux d'entre vous qui avez les acétates verraient que la période cruciale pour la vision binoculaire va jusqu'à l'âge de deux ans. Le contrôle émotif se produit aussi à l'âge de deux ans, environ, comme ce qui concerne les méthodes habituelles de réponse.
• 1005
Pour ce qui est des compétences sociales avec les pairs, la
période cruciale commence vers l'âge de trois ans et dure jusqu'à
l'âge de sept ans, mais son importance s'affaiblit peu à peu. De
même, le langage, l'utilisation des symboles et la capacité de
comprendre les quantités relatives sont des facteurs qui
interviennent tous avant l'âge de sept ans.
Je devrais peut-être faire marche arrière et replacer tout cela dans son contexte. Dans les premières années de la vie, il y a un certain nombre de périodes précises où l'enfant se trouve à un niveau de développement biologique donné pour acquérir une structure neuronale plus avancée et des compétences plus poussées, à condition d'une stimulation adéquate.
Le Dr Mustard a parlé d'une expérience faite sur des chatons au sujet du développement des cheminements visuels. C'est un exemple de période cruciale. Il y a un moment précis dans la vie qui est le meilleur possible pour acquérir certaines compétences et avoir le développement neuronal nécessaire.
Si cela ne se fait pas, on peut essayer d'intervenir plus tard mais des recherches ont clairement montré que le plus grand profit que l'on peut tirer des efforts déployés pour compenser le fait d'avoir grandi dans un foyer appauvri intervient au point culminant de la période cruciale pour le langage, c'est-à-dire entre neuf et 24 mois, et pendant la période cruciale pour passer de l'appréhension purement concrète des choses au raisonnement symbolique, entre deux ans et cinq ans. L'éducation de rattrapage dispensée après ces périodes produira certes des bienfaits sur le plan du langage et de la compréhension symbolique, mais beaucoup moins.
Je réalise que j'ai dépassé mon temps de parole et je vais donc m'arrêter ici. Merci.
Le président: Merci, docteur Doherty.
Je donne maintenant la parole à Martha Friendly.
Mme Martha Friendly (coordonnatrice, Childcare Resource and Research Unit, Centre for Urban and Community Studies, Université de Toronto): Je vais aborder la question à un niveau légèrement différent. Je voudrais parler en effet du contexte social dans lequel ce développement se produit, puisque c'est mon domaine de recherche.
Je voudrais aborder trois points essentiels qui concernent la notion de préparation à apprendre ou, comme je préfère le dire, de préparation à l'école, comme disait Gillian.
Le premier point est que c'est lorsque le développement de l'enfant, c'est-à-dire la préparation à l'école, est envisagé dans un contexte intégré, englobant l'enfant, la famille, la communauté et la société, que le développement est le plus efficace.
Le deuxième point est que nous savons aujourd'hui beaucoup de choses sur le contexte de la préparation à l'école. Dan Keating en a parlé mais je voudrais apporter quelques précisions. Beaucoup de recherches ont été consacrées aux conditions favorables à la préparation à l'école.
Le troisième point est que le développement de l'enfant est une question extrêmement complexe qui exige à mon avis une démarche complexe et polyvalente, pas des solutions simplistes.
Pour commencer, parlons un peu de ce qu'Urie Bronfenbrenner a appelé la «perspective écologique». Nous savons que les enfants se développent dans le contexte de leur famille, de leur communauté et de leur société. En même temps, la mini-écologie de l'enfant est reliée au paysage social, économique et politique, c'est-à-dire à l'écologie de la société dans son ensemble. L'enfant dans la famille est relié aux institutions de la société.
Il est clair—et nous avons beaucoup discuté de la manière dont les différences innées de l'individu jouent un rôle important pour déterminer son développement et son apprentissage—que l'enfant qui passe ses premières années dans un milieu positif, avec des ressources suffisantes, est plus susceptible de s'épanouir et donc d'être prêt à l'école, à l'âge de six ans, que celui dont les besoins de développement ne sont pas satisfaits.
• 1010
Nous estimons, et je pense que la plupart des gens seront
d'accord, que c'est une approche holistique de satisfaction des
besoins des jeunes enfants qui a le plus de chance de succès.
Cela veut dire non seulement qu'il faut satisfaire les besoins de
l'enfant global—besoins physiques, sociaux, émotifs et
intellectuels—mais aussi placer l'enfant dans le contexte plus
général.
Je ne sais pas si vous connaissez le rapport du Forum national sur la santé, dans lequel on parle de manières novatrices d'améliorer la santé de la population du Canada. Les auteurs ont conclu que le développement d'un enfant sain est un facteur déterminant de la santé pendant tout le reste de la vie. Je suis d'accord avec le Dr Mustard qui dit que la santé publique et l'enseignement sont directement reliés.
Les membres du Forum ont dit que le revenu familial, les communautés, les écoles, le stress familial, les systèmes de soutien familial, les soins dispensés aux enfants et les services éducatifs sont des éléments clés pour le développement d'un enfant sain. On sait que ces facteurs contextuels, qui concernent essentiellement les ressources, ont une incidence non seulement sur le développement, d'un point de vue général, mais aussi sur l'aptitude des jeunes enfants à entrer à l'école en étant prêts à apprendre.
Je voudrais parler brièvement du contexte social, économique et politique en abordant en particulier cinq éléments. Je dirai très brièvement où nous en sommes et j'y reviendrai un peu plus tard.
Il est évident que les ressources contribuant au développement des jeunes enfants ont deux origines: la famille et la communauté. En outre, il est tout aussi évident que la communauté et la société influent sur la famille.
Le premier des cinq éléments contextuels est le revenu familial et, dans une certaine mesure, la sécurité du revenu et la distribution des revenus. Disons brièvement que l'on a vu apparaître dans les années 90 une proportion croissante d'enfants du Canada vivre dans la pauvreté, proportion qui est de l'ordre de 20 p. 100, voire, dans la région de Toronto, d'où je viens, d'un tiers. Or, le revenu familial est directement relié à la satisfaction des besoins les plus fondamentaux de l'enfant—nutrition et hébergement—et cela est relié à la maladie, au développement cognitif et à la préparation à l'école. La pauvreté est un facteur puissant d'impréparation à l'école.
La pauvreté familiale a une incidence directe sur les enfants de par le manque de ressources, mais aussi une incidence indirecte par le truchement des parents. Si la préparation à l'école doit être améliorée par les relations avec les parents—parler à l'enfant, lire à l'enfant, comme Gillian le disait—l'angoisse des parents, voire leur dépression au sujet de l'insécurité du revenu ou de l'emploi aura probablement une incidence négative.
Le deuxième facteur contextuel est le stress familial. Bon nombre de données permettent de penser que les familles d'aujourd'hui subissent un stress considérable, et nous savons que ce stress a une incidence sur la manière dont les familles agissent avec leurs enfants. Il y a trois facteurs qui semblent reliés au stress familial. L'insécurité du revenu et de l'emploi; la difficulté à équilibrer le travail et les responsabilités familiales; et l'absence de systèmes de soutien sociaux et communautaires.
Le stress familial influe sur les jeunes enfants dans une certaine mesure par le biais du style parental. Les parents stressés sont plus susceptibles d'être colériques et de moins bien réagir à leurs enfants. Or, cela est susceptible d'avoir une incidence négative que le parent occupe ou non un emploi rémunéré.
Des institutions communautaires comme les écoles et les établissements de santé et de loisirs peuvent être une source de sécurité et fournir des ressources aux familles et aux enfants, surtout à une époque où les systèmes de soutien plus traditionnels, comme la famille élargie et l'église, ont perdu de leur importance. Dans les années 1990, on a constaté aussi que les communautés et leurs institutions se sont détériorées dans de nombreuses régions du pays. Écoles, établissements de santé et établissements de loisirs ont subi de grosses coupures budgétaires.
Un autre aspect important de cette question est la diversité culturelle, la diversité du mode de vie et des aptitudes, qui fait partie intégrante de la vie contemporaine au Canada. Nous accueillons des immigrants et des réfugiés de tous les coins du monde et, pour nous, ce multiculturalisme tolérant est l'un des aspects les plus positifs du Canada.
Je le mentionne pour les gens qui ont de jeunes enfants à Toronto. C'est quelque chose qui peut être tout à fait merveilleux, comme l'indiquent les auteurs du rapport qui vient d'être publié cette semaine.
Toutefois, pour que ce multiculturalisme tolérant fonctionne et pour que les enfants de ces populations diversifiées puissent atteindre l'égalité et la préparation à l'école, il faut des ressources telles que l'anglais ou le français langue seconde. Pour que ça marche, il faut offrir des services d'interprétation aux parents.
• 1015
À part la diversité culturelle, il faut tenir compte de la
diversité des modes de vie. Les familles dont viennent les
enfants d'aujourd'hui ont beaucoup changé. Que l'on songe
simplement aux familles monoparentales, aux parents homosexuels,
aux parents plus âgés et aux familles fusionnées. Toutefois, il
faut des ressources pour que les gens puissent travailler avec
ces familles afin de leur permettre de fonctionner avec
sensibilité et, ce qui n'est pas la moindre exigence—votre
comité en est sans doute particulièrement conscient—il faut
aussi assurer l'inclusion des personnes handicapées, du point de
vue éducatif et des loisirs, ce qui ajoute une autre dimension à
une société déjà diversifiée.
Donc, bien que la diversité soit une caractéristique de la vie quotidienne du Canada dans les années 1990, nous constatons que les ressources nécessaires pour garantir que les enfants ayant des besoins diversifiés soient prêts à l'école dès l'âge de six ans ne sont généralement plus assez disponibles.
Le dernier facteur, et ce n'est pas le moindre—puisque la plupart d'entre vous savez que c'est mon domaine de recherche—concerne les soins et l'éducation dispensés dans la petite enfance, facteur que le Forum national sur la santé a jugé déterminant pour le développement d'enfants sains.
Deborah Phillips, une psychologue américaine du développement, affirme que des soins de qualité élevée «sont aujourd'hui considérés comme un environnement indispensable pour préparer les enfants à l'école». Si notre objectif est de bien préparer les enfants à l'école, cela doit nous inquiéter car, dans une bonne partie du Canada, à l'exception du Québec, l'éducation dans la petite enfance et les services de garde sont de plus en plus fragmentés, détériorés et fragiles—ils n'ont jamais été exceptionnels dans le passé. J'y reviendrai.
Je voudrais dire quelques mots des politiques publiques pertinentes dans ce contexte. Comme nous le savons tous, nos systèmes d'élaboration des politiques publiques ont connu des changements extraordinaires pendant les années 1990. Le premier changement qui s'est produit a été le transfert par le gouvernement fédéral, en grande mesure vers les provinces, des responsabilités en matière de santé et de programmes sociaux. Cela a créé d'énormes difficultés dans les provinces, tant sur le plan budgétaire que sur le plan politique.
Un deuxième changement qui a été apporté à nos programmes sociaux dans les années 1990 a été le détournement des programmes universels vers des programmes plus ciblés, ce qui est particulièrement évident quand on examine les services prévus pour les enfants dans la plupart des provinces, encore une fois à l'exception du Québec. Du point de vue de la préparation à apprendre, j'estime que c'est un facteur très important si l'on envisage de réagir au moyen de politiques publiques.
Le troisième facteur, du point de vue des politiques publiques, est la dévolution des responsabilités. Cela s'est constaté non seulement par la dévolution du gouvernement fédéral aux provinces et aux territoires mais, ensuite, aux gouvernements locaux et aux régions, dans certaines parties du pays, ce qui s'est accompagné de changements apportés dans les systèmes de financement et d'élaboration de politiques des gouvernements pour les familles. Cela est clairement évident dans une province comme l'Ontario.
L'effet concret de ces changements est que l'amélioration du contexte social et économique pour la préparation à l'école exige des démarches nouvelles et encore indéterminées en matière d'élaboration de politiques publiques étant donné qu'il semble que les méthodes établies ne soient actuellement plus disponibles.
Ma dernière remarque est qu'un facteur central de la préparation à l'école—et je vous ai remis la copie d'une acétate à ce sujet—concerne les services de soins et d'éducation pendant la petite enfance.
Je vous ai remis cette acétate pour démontrer que la préparation à l'école est un but et un résultat possible d'un bon système cohérent de soins et d'éducation pour la petite enfance. Il y en a beaucoup d'autres, comme les choses qui peuvent avoir une incidence sur les parents et, en fin de compte, sur leurs enfants: l'équilibre du travail et des responsabilités familiales, la réduction de la pauvreté, etc.
Ce que je veux dire, c'est que ce concept est central si l'on veut parler de préparation à l'école ou de préparation à apprendre. Ce qui est central, c'est que l'on envisage un système de prestation de services capable de répondre à ces besoins de manière simultanée, évidemment en utilisant un système établi et géré au palier provincial, avec la participation des collectivités locales du point de vue de la planification, de l'établissement des priorités et de l'intervention parentale.
Je suis déjà venue devant votre comité, je connais beaucoup d'entre vous. Nous avons déjà parlé ensemble de ce qui figure sur ce graphique. Parlons donc maintenant uniquement de ce petit élément, la préparation à l'école.
• 1020
Je crois que nous avons pendant trop d'années mis l'accent
sur les résultats privés pour les parents et pour les enfants du
système de soins et d'éducation de la petite enfance. Depuis
quelque temps, on constate qu'appuyer les enfants et les familles
ont aussi beaucoup de valeur pour la société. Cela devient peu à
peu un élément du discours ambiant et je crois que cela fait
partie du débat que vous venez d'engager sur la préparation à
l'école. Ce n'est pas seulement un facteur privé, c'est aussi un
facteur public.
Une étude économique récente a montré que l'on pourrait gagner 2 $ de réduction des prestations futures pour chaque dollar investi aujourd'hui dans des services de soins et d'éducation de haute qualité pour la petite enfance, surtout pour améliorer le développement des enfants. On pourrait envisager cela comme le dividende de «la préparation à apprendre». Je vous remettrai un exemplaire de cette étude. À mon sens, admettre qu'investir pour les jeunes enfants est dans notre intérêt collectif, économiquement et socialement, est un facteur très important qui a énormément contribué au débat actuel et au travail de ce comité.
Je voudrais proposer une idée complémentaire qui me semble faire déjà partie du débat public, notamment dans les pays européens qui ont bien saisi la valeur de leurs programmes destinés à la petite enfance. Il s'agit de bien plus que l'idée que les enfants, même de moins de six ans, sont des citoyens ayant des droits, notamment celui d'obtenir une part équitable des ressources de la société.
Cette thèse suppose que les enfants ont une valeur aujourd'hui et maintenant, et pas seulement pour ce qu'ils deviendront plus tard—qu'ils deviennent de meilleurs étudiants, de meilleurs citoyens ou des personnes moins portées à avoir un comportement criminel. Toutes ces choses sont importantes mais l'idée que l'enfant est un citoyen qui a des droits n'est pas encore, je crois, très répandue au Canada.
Je crois que mon temps de parole est écoulé. Je suis très heureuse que votre comité se penche sur cette question de la petite enfance et j'espère vraiment que vos travaux déboucheront sur des choses concrètes, auxquelles j'espère aussi participer. Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup. Je vous remercie sincèrement de nous avoir lancés sur la bonne voie.
Je vais maintenant demander aux personnes qui sont assises aux tables situées à l'arrière si elles ont des remarques particulières ou des réponses à formuler au sujet de ce qu'elles viennent d'entendre. Je vais donc les nommer l'une après l'autre pour demander ce qu'elles ont à nous dire à ce sujet.
Je commencerai avec Pierre-Marie Cotte, de Montréal, puis Lois Yelland, de Vancouver.
Nous aurons ensuite le plaisir d'entendre Mitch Murphy, procureur général de l'Î.-P.-É. Nous sommes très heureux qu'il ait pu se joindre à nous. Nous espérons que ce que vous avez vu hier soir à la Chambre des communes n'aura pas entaché la haute opinion que vous pouviez avoir de nous. Vous êtes ici avec Ann Robertson et je suppose que vous déciderez entre vous de la manière dont vous interviendrez.
Nous entendrons ensuite Clara Will. Nous pouvons donc commencer.
M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.): Il y a ensuite un troisième groupe...
Le président: Veuillez m'excuser. Nous allons commencer avec les cinq premiers et je donnerai ensuite la parole aux autres.
Monsieur Cotte, pourriez-vous faire votre intervention au micro le plus proche de vous?
[Français]
M. Pierre-Marie Cotte (directeur de projet, Initiative 1, 2, 3, Go!): Ma réaction, bien sûr, est énormément teintée du fait que dans la vie de tous les jours, on m'appelle directeur d'Initiative 1, 2, 3, Go!. Je vous dirai que ce n'est pas une initiative qu'on dirige, mais que l'on essaie de coordonner le mieux possible. On essaie de faire en sorte que des intervenants de différents horizons et de différents niveaux puissent développer autour d'une même table une vision commune du bien-être des enfants et des meilleurs moyens pour faire en sorte qu'ils se développent de façon harmonieuse dans leur milieu.
• 1025
Dans ce que j'ai entendu ce matin,
ce qui m'importe le plus, c'est la façon dont on
va se servir des communautés locales comme levier
essentiel et important pour apporter aux parents de
milieux défavorisés le soutien dont
ils ont besoin pour donner à leurs enfants
les meilleures conditions possibles pour leur
développement.
Depuis trois ans, on intervient dans six communautés et on a observé un certain nombre de choses. D'abord, on intervient en s'appuyant sur le dynamisme des communautés, sur les acteurs qui sont là, les acteurs institutionnels, les acteurs communautaires, les parents eux-mêmes, qui sont considérés comme des partenaires à part entière, et les citoyens.
Au tout début, ce n'était pas évident, mais on se rend de plus en plus compte que l'intervention dans la communauté n'est pas seulement l'affaire des institutions. Ce n'est pas seulement l'affaire des groupes communautaires et ce n'est pas non plus l'affaire des parents seuls. Il faut que ces trois sous-groupes de la communauté se rencontrent.
On a aussi observé que trois stratégies étaient principalement utilisées dans les communautés, et il serait peut-être intéressant d'élaborer un peu sur ces stratégies.
Les premières stratégies qu'ont développées les intervenants du milieu sont des stratégies de renforcement du potentiel des individus, des stratégies par lesquelles on essaie d'atteindre les tout-petits eux-mêmes par des projets de stimulation précoce, de stimulation de lecture, d'activités, etc. Également, les parents sont invités à des ateliers de compétence parentale et à des groupes de soutien ou d'entraide.
Il y a une catégorie à laquelle on ne pense pas spontanément, et c'est celle des intervenants d'une communauté, qui se sentent souvent isolés, qui ont besoin de soutien, qui ont besoin d'être eux-mêmes stimulés, qui ont besoin de formation et de différentes autres choses. Donc, les stratégies dans un milieu sont, dans un premier temps, des stratégies de développement du potentiel.
Il existe une deuxième série de stratégies. Ce sont des stratégies d'aménagement du milieu. Dans les milieux défavorisés, il manque souvent de ressources, de garderies, de haltes-garderies, de répit pour les parents, de ressources alimentaires et de logements adéquats. Dans les milieux défavorisés, il y a toute une série de facteurs qui font qu'on a besoin d'investir pour améliorer la qualité du milieu dans lequel vivent les enfants et les parents.
La troisième catégorie de stratégies que l'on voit émerger dans les milieux, toujours pour le bien-être des enfants, c'est celle des stratégies d'influence de masse ou d'influence du milieu. Ce n'est pas tout de travailler au développement du potentiel des personnes ou de créer des ressources ou de les aménager. Il y a aussi une culture, des valeurs et des comportements à promouvoir. Cela prend toutes sortes de formes. Si on veut que l'enfant devienne valorisé dans une communauté locale, qu'il devienne quelqu'un d'important à qui on porte de l'attention, il faut que cela devienne une norme. Il faut qu'il se dégage une espèce de consensus selon lequel les enfants sont l'une des richesses importantes du milieu. Pour nous, c'est une dimension à ne jamais oublier dans l'intervention auprès des communautés.
• 1030
Dans les milieux où il y a des
initiatives de rassemblement des intervenants autour de
la petite enfance, on observe qu'il se crée un milieu
et des liens entre les intervenants, alors que
dans les milieux où il n'y a pas de table de
rassemblement pour les intervenants de la petite enfance,
les intervenants ne se connaissent pas.
Donc, il y a toute une synergie et toute une série de
gains quand on crée
des lieux de rassemblement et de mobilisation pour
l'ensemble des intervenants de la petite enfance dans un
milieu.
Ce qui est intéressant dans le cas de l'Initiative, c'est qu'on est dans six voisinages et qu'il y a un intérêt des voisinages les uns pour les autres. Comment faites-vous chez vous par rapport à telle dimension? Comment faites-vous chez vous pour créer une halte-garderie? Comment avez-vous fait chez vous pour mobiliser votre police, votre maire, votre chambre de commerce? Il y a tout un intérêt des communautés les unes pour les autres quand elles s'identifient au bien-être des enfants. Elles se racontent leurs succès et elles les font vivre dans leur communauté.
Bien sûr, ce que l'on a entendu ce matin sur le développement du cerveau est très important, mais mon point de vue est le suivant: comment on va prendre appui sur les communautés locales, comment on va les outiller, comment on va les soutenir et comment on va les mobiliser pour faire en sorte que dans les milieux où les enfants vivent, il y ait un dynamisme qui agisse pour le mieux-être des enfants. C'était mon commentaire. Merci.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Cotte.
Dr Lois Yelland (médecin hygiéniste, East Health Unit, Vancouver/Richmond Health Board): Je m'appelle Lois Yelland et je suis médecin hygiéniste à Vancouver. J'ai participé à l'élaboration d'une proposition visant à demander des fonds au gouvernement fédéral pour mettre sur pied un programme exhaustif d'intervention précoce à l'intention des jeunes enfants de Vancouver. Cette proposition correspond parfaitement au débat que vous venez d'engager puisqu'il s'agit d'un projet concernant les enfants d'âge scolaire et préscolaire.
La proposition a été formulée parce que le gouvernement fédéral se demandait l'automne dernier comment investir son excédent budgétaire. Immédiatement, nous avons pensé que la meilleure solution consisterait à réinvestir l'argent dans l'intérêt des enfants. Nous avons un modèle qui pourrait être copié à l'échelle nationale et nous avons un programme qui est prêt à être lancé à Vancouver.
L'élaboration de ce projet a réuni divers acteurs de notre communauté: le conseil scolaire de Vancouver; le conseil de la santé; le département de planification sociale; la municipalité de Vancouver, car nous espérons obtenir la contribution de la police, des bibliothèques, etc.; notre nouveau ministère des Enfants et des Familles, qui était autrement le ministère des Services sociaux; le Service des parcs et des loisirs; des foyers d'hébergement; le Conseil de la famille; etc. C'est donc une très large coalition d'organismes communautaires qui sont tous décidés à créer un noyau communautaire de prestation de services pour toute la ville, surtout dans les quartiers où il y a beaucoup de familles et d'enfants à risque.
Nous avons élaboré un projet comprenant trois volets. Le premier se compose de centres de ressources familiales; le deuxième, de services de soins aux enfants, ce qui couvre toute la gamme de ces services; le troisième, un programme de visites à domicile. Nous estimons que ces trois volets de notre projet peuvent être étroitement reliés et être exploités à partir d'un noyau, chaque communauté définissant en fait elle-même la nature des services de base.
Nous croyons que cela sera extrêmement rentable à long terme. Il ne s'agit pas d'un investissement à court terme. C'est un investissement à long terme pour lequel nous demandons des sommes importantes. Il est cependant facile de voir que cela aurait toutes sortes de conséquences positives sur le plan de la santé, de la justice, des services sociaux et de l'éducation, ce qui permettrait de faire des économies d'argent considérables à terme, sans parler d'énormes économies du point de vue humain.
• 1035
Ce que nous attendons du gouvernement, c'est qu'il envisage
d'établir un partenariat similaire à celui que nous voulons
établir au palier communautaire pour assurer la prestation de ces
services. Nous voulons que les ministères deviennent des
partenaires pour financer cette initiative. Le projet comprend
aussi un élément d'évaluation très solide, dans le but de veiller
à ce qu'il soit utile à d'autres collectivités qui voudraient
s'en inspirer. Nous avons déjà partagé notre proposition avec
d'autres collectivités de la Colombie-Britannique, qui nous ont
fait part d'un intérêt considérable.
Si cela vous intéresse, j'ai apporté des exemplaires du projet avec moi et je pourrais en discuter avec vous à la fin de la séance. Merci beaucoup.
Le président: Merci.
Je donne maintenant la parole à M. Murphy et à Mme Robertson. Mme Robertson, d'une petite île à l'est d'ici.
Mme Ann Robertson (directrice générale, C.H.A.N.C.E.S. Inc.): Je travaille pour un programme appelé C.H.A.N.C.E.S. Family Resource Centre, qui est un programme de prestation de soins, de soutien et de services aux enfants. Nous sommes financés par Santé Canada dans le cadre d'un programme d'action communautaire pour les enfants et du Programme canadien de nutrition prénatale. Notre rôle consiste à travailler avec les enfants de la naissance jusqu'à l'âge de six ans.
Pour ce qui est des informations fournies ce matin, je dois dire que notre travail porte essentiellement sur les enfants envisagés au sein de la famille, de la communauté et de la société. Nous offrons des programmes prénatal et postnatal, ainsi que des programmes de formation aux tâches parentales. Selon les résultats d'une évaluation qui a été faite, nos activités connaissent beaucoup de succès. Nous savons cependant aussi que nous ne sommes qu'un élément du casse-tête. Nous ne pouvons répondre seuls à tous les besoins des jeunes enfants.
C'est pour cette raison que nous avons lancé une initiative appelée Child Alliance, à l'Île-du-Prince-Édouard, dans le but d'amener toutes les parties concernées à tenir compte des besoins des enfants: les gouvernements, les communautés et les milieux d'affaires. Il y a déjà quatre ministères qui oeuvrent avec nous dans une relation de partenariat. Il me semble important de comprendre que c'est en répondant aux besoins des jeunes enfants que l'on crée des communautés saines et solides, ce qui est dans notre intérêt à tous.
En outre, cela nous permet de créer des communautés plus saines et plus fortes, ce qui est un autre élément crucial du casse-tête. C'est comme construire une grange. Nous savons que nous avons besoin d'une grange. Nous savons qu'il faut assurer un soutien continu aux jeunes enfants. Le processus de construction de la grange permet de créer une communauté saine et solide, capable de relever de nombreux autres défis.
Un indice du succès de notre initiative est l'appui que nous avons reçu du gouvernement provincial. L'honorable Mitch Murphy, procureur général de la province, a fait preuve de leadership à cet égard au sein du forum gouvernemental provincial. C'est lui qui a diffusé les informations de base sur ce que nous essayons d'accomplir.
Il y a des programmes similaires au nôtre ailleurs dans le pays, comme vous le savez, et j'aimerais que M. Murphy puisse vous dire quelques mots de ce que représente notre initiative pour le gouvernement provincial.
Le président: Pendant que M. Murphy s'avance au micro, je dois dire que l'éventail de ministères et de groupes d'intérêt qui sont attirés par le thème de nos réunions est absolument fascinant. Traditionnellement, nous aurions attiré des organismes de service social et de santé mais nous avons constaté que l'éventail s'est considérablement élargi, ces dernières années, avec des gens comme le Dr Mustard, par exemple.
M. Mitchell Murphy (procureur général, Gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je dois vous dire tout de suite que ce que j'ai vu hier soir ne m'a absolument pas découragé. En fait, je dois reconnaître que c'était agréable, pour une fois, d'être simple spectateur.
Je voudrais consacrer quelques minutes à l'initiative Child Alliance, afin de vous dire pourquoi nous pensons qu'elle est tellement importante dans notre province.
Les témoins de ce matin ont parlé du développement de l'enfant—du développement neuronal, social, etc.—et des mécanismes de soutien qui sont indispensables pour favoriser ce développement.
Martha a dit que tous les enfants naissent prêts à apprendre. Voyez-vous, avant de me lancer en politique, j'enseignais dans une école publique. Or, je me souviens d'avoir eu un professeur qui m'a dit que l'on n'a rien à apprendre aux enfants si l'on veut connaître du succès comme enseignant. En effet, l'enseignant qui réussit est celui qui ouvre un chemin pour permettre aux enfants d'apprendre eux-mêmes. C'est précisément ce que nous essayons de faire avec la Child Alliance: éliminer les obstacles pour permettre à l'enfant de se développer lui-même.
La Child Alliance a été formée à partir du groupe communautaire C.H.A.N.C.E.S. Ann et quelqu'un du nom de Rob Paterson, que j'avais rencontrés lors d'une excursion en Islande, m'ont dit ceci: «Nous voulons essayer quelque chose de différent. Nous voudrions essayer une nouvelle approche. Pourriez-vous dresser la liste des programmes du gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard qui concernent actuellement la prestation d'un appui aux enfants?»
Nous avons donc examiné les divers ministères et nous avons constaté qu'il y avait en effet de nombreux programmes mais, souvent, séparés. Il pouvait y en avoir un au ministère de la Santé, un autre au ministère de l'Éducation, et un autre à la Justice. Il n'y avait pas de démarche intégrée et interministérielle alors que cela semblait vraiment nécessaire. Avec l'aide de gens comme le Dr Mustard, nous avons donc établi le concept de la Child Alliance.
Voici un exemple simple de ce concept et de ce que nous essayons de faire.
Quand un enfant naît au Canada, on remet aux parents une fiche d'immunisation sur laquelle ils peuvent enregistrer les divers vaccins donnés à l'enfant.
Prenons un cercle, représentant le développement de l'enfant jusqu'à l'âge de six ans. Certes, une partie du cercle concerne la préparation à l'école, mais il n'y a pas que cela, il y a aussi la préparation à la vie. C'est presque la fiche de contrôle de la société, une fiche de contribution sociale. Au sein du cercle, quelles sont les choses qu'il faut cocher pour s'assurer que l'enfant aborde l'école du bon pied?
Prenons l'exemple mentionné ce matin, la vision. Que se passe-t-il pour l'enfant qui voit mal? Quand il arrive à l'école, c'est évidemment un handicap. Il a du mal à apprendre à lire et à acquérir des compétences linguistiques. En outre, la frustration qu'il risque de ressentir va peut-être lui causer d'autres difficultés, ce qui l'amènera à mal se comporter en classe et à causer des difficultés aux autres élèves.
Avec ce simple exemple, on voit qu'il est absolument crucial de mettre en place un processus de dépistage pour s'assurer que chaque enfant fasse vérifier sa vision avant d'entrer dans le système scolaire—et probablement même deux fois avant d'arriver à l'école, en commençant très tôt.
• 1045
Prenons l'exemple du contexte socio-économique de l'enfant.
On n'est pas obligé de fonctionner uniquement par réaction, on
peut aussi être proactif. On peut essayer d'anticiper certaines
des difficultés qui risquent de se poser.
Prenons le concept des tâches parentales. La meilleure manière d'intervenir dans la vie de l'enfant est peut-être d'offrir des conseils ou une formation à ses parents, et c'est un autre élément qui devrait sans doute se trouver dans le cercle. Il est certain que les choses qui y sont maintenant—le développement des compétences motrices, les aspects de socialisation du développement, etc.—devraient s'y trouver. Notre idée est que toutes ces questions et préoccupations devraient avoir été prises en compte au moment où l'enfant arrive à l'école.
Le modèle que nous avons élaboré à ce sujet est un modèle communautaire, ce qui est indispensable. Élever les enfants est une responsabilité de la société et de la communauté. Nous faisons tous partie de cette société et de cette communauté mais le système ne peut fonctionner que si la communauté l'adopte.
Pour résumer, je vais vous donner un exemple de la région d'Ottawa-Carleton. Au cours des deux à trois dernières semaines, le gouvernement fédéral a annoncé un programme de 32 millions de dollars pour la prévention du crime. À titre de procureur général de la province de l'Île-du-Prince-Édouard, je dois vous dire que c'est un excellent programme, pas seulement pour son volet financier mais aussi pour la manière dont il a été conçu.
En effet, on invite les groupes communautaires à adresser une demande au gouvernement fédéral, par le truchement d'un comité directeur, au sujet d'initiatives de prévention du crime pouvant être lancées dans les collectivités. Lorsque l'annonce a été faite, l'exemple de ce qui s'est fait à Ottawa-Carleton a été diffusé dans tout le pays.
Nous avons une communauté qui avait quasiment été prise en otage par des bandes et par des trafiquants de drogues. Malgré toutes les ressources investies par la police, celle-ci n'arrivait pas à maîtriser la situation. C'est alors que la communauté est intervenue. Elle a mis sur pied des patrouilles de quartier, on a commencé à escorter les enfants à la maison lorsqu'ils sortaient de l'école, et on a envoyé le message que la communauté n'allait plus tolérer ce qui se passait. Les gens sont intervenus et c'est cela qui a changé les choses.
Nous pouvons faire la même chose dans d'autres domaines de façon à changer la vie des enfants jusqu'à l'âge de six ans. Si une famille fait face à un problème de pauvreté, nous collaborons avec la communauté et avec les autorités municipales, provinciales et fédérales pour l'aider à le surmonter. Si c'est un problème de vision des enfants, mettons en place un programme de dépistage. S'il s'agit d'un problème de nutrition, faisons le nécessaire pour le résoudre. Le programme Child Alliance comporte des mécanismes pour agir dans ce sens.
En conclusion, monsieur le président, je félicite votre comité de tenir ces audiences publiques. Il n'y a en effet à mes yeux aucun problème plus important pour notre pays que d'assurer le développement des prochaines générations.
Merci de m'avoir invité à participer au débat. J'espère pouvoir continuer à collaborer avec votre comité à l'avenir. Merci.
Le président: Merci, monsieur Murphy. Je vais maintenant inviter Clara Will, Gordon Bullivant, Kenn Richard et Sharon Hope.
Mme Clara Will (directrice générale et présidente, Early Years Action Group): Quand j'ai reçu cette invitation, je me suis bien promise d'être brève car je suis capable d'être tout à fait intarissable. Comme vous êtes ici depuis deux heures, je suis sûre que vous apprécierez ma brièveté.
Je vais vous parler d'une initiative qui a été mise en place il y a deux ans. Elle vous intéressera car elle correspond précisément à tout ce dont on a parlé ce matin.
Le président: Veuillez m'excuser de vous interrompre mais, pour l'information de toutes les personnes présentes ici—et j'aurais dû le demander plus tôt—pourriez-vous nous dire de quel groupe vous faites partie et d'où vous venez?
Mme Clara Will: Je suis de Toronto et je fais partie du Early Years Action Group North York. Nous parlons toujours de North York, bien que nous ne devrions pas. Ce n'est plus permis, aujourd'hui. Pourtant, nous nous considérons toujours comme faisant partie de la communauté de North York.
• 1050
Nous avons commencé au début de 1996 à créer un collectif
pour planifier les premières années de l'enfance, notre principe
étant que nous savons déjà beaucoup de choses sur les besoins
communs des enfants. Nous savons aussi beaucoup de choses sur les
conditions et le milieu qui sont nécessaires pour satisfaire les
besoins des enfants.
Les recherches neuroscientifiques de ces dernières années nous ont simplement poussés à aller beaucoup plus vite car nous ne pouvons tout simplement pas faire fi de ce que nous apprenons. Ces recherches ne font que confirmer ce que nous savions déjà, et elles nous permettent de mieux le comprendre.
Bien que nous sachions toutes ces choses depuis fort longtemps—je parle ici des enseignants, des professionnels, des parents, de nous tous—notre planification sociale pour les enfants et les familles a toujours été morcelée parce que nous n'avions pas, dans notre province ou dans notre pays, de vision unifiée de la valeur de nos enfants et des droits qu'ils devraient avoir, bien que nous ayons ratifié la Convention canadienne sur les droits des enfants.
Nous n'avons pas encore l'état d'esprit ou le système de valeurs nécessaire, et c'est pourquoi nous dressons des plans morcelés, nous agissons de manière ponctuelle, en fonction de tel ou tel groupe à risque ou de tel ou tel besoin spécial. Rien n'est jamais intégré parce que rien n'est jamais planifié à partir d'une vision commune, fondée sur un but commun.
Cela me fait penser au Danemark, où j'avais l'impression que les gens naissaient d'office avec ce système de valeurs ce qui les amenait à s'occuper sérieusement de leurs enfants dans le but de leur fournir ce dont ils ont besoin pour favoriser leur épanouissement. J'avais l'impression que l'on n'avait pas besoin d'enseigner cela aux Danois. Ce n'était pas nécessaire d'en débattre ou d'en discuter parce que tout le monde savait d'office que les enfants sont importants.
À North York, nous avons décidé de mobiliser les ressources existantes en fonction de notre propre vision unifiée de ce que nous croyons nécessaire au sujet des enfants. Cela s'est fait pour nous permettre d'offrir des possibilités dans la communauté—North York étant une grande ville—et d'établir les conditions idéales pour offrir aux enfants les meilleures chances possibles de développement sain et d'épanouissement à hauteur de leur potentiel.
Je souligne que je parle bien ici de «tous les enfants» car notre programme n'est pas réservé aux enfants à risque ou aux enfants ayant des besoins spéciaux. Nous nous intéressons à l'épanouissement de tous les enfants et des familles, y compris les enfants à risque et ayant des besoins spéciaux. Nous voulons qu'ils aient tous la possibilité de s'épanouir pleinement.
Dans cette optique, nous voulons empêcher que les enfants qui sont bien aujourd'hui ne deviennent des enfants à risque demain. Nous pouvons tous devenir une personne à risque à un moment ou à un autre de notre vie. Le but de notre groupe est de faire en sorte que chaque enfant soit prêt à apprendre lorsqu'il ouvre la porte de l'école. Cela veut dire que les besoins communs de tous les enfants et les besoins spéciaux de certains enfants auront été satisfaits au moment où la porte de l'école s'ouvrira.
Pour ce faire, nous devons évidemment savoir où en sont les enfants, et c'est pourquoi nous avons prévu deux points d'accès universels. Le premier moment où l'on peut avoir une idée vraiment universelle de qui sont les enfants est la naissance. Le deuxième, c'est l'arrivée à l'école. Tout enfant doit naître, tout enfant doit aller à l'école.
Nous avons donc décidé d'intégrer à notre plan une capacité de recherche et d'évaluation pour pouvoir mesurer les facteurs pertinents. Nous avons prévu dans notre projet les services d'un chercheur pendant trois ans, à partir de la phase initiale. Nous avons l'intention d'intégrer nos données à une étude longitudinale des enfants et des adolescents réalisée par Statistique Canada, de façon à pouvoir nous intégrer au système global.
Il nous a fallu un certain temps pour obtenir les crédits de recherche nécessaires mais, entre-temps, nous avons poursuivi notre planification car il y avait déjà beaucoup de choses que nous savions sur ce qu'il fallait faire. Heureusement pour nous, Fraser Mustard nous a offert des crédits de démarrage du projet de recherche, ce qui a permis au Dr Dan Offer de commencer à élaborer les mesures de la préparation à apprendre dont Magdalena parlait tout à l'heure. Cela ne commencera pas avant septembre, à North York, parce que tout n'est pas encore prêt, mais c'est le projet.
Une autre organisation a ensuite été créée en Ontario: Healthy Babies/Healthy Children. C'est une organisation qui s'intéresse aux enfants dès la naissance et nous sommes en train d'établir un partenariat avec elle. Elle fait partie du système de planification de Early Years Action Group.
• 1055
Très récemment et, je dois le dire, avec beaucoup de chance,
Développement des ressources humaines Canada a décidé de financer
totalement notre proposition pour trois ans. C'est la nouvelle la
plus encourageante que nous ayons reçue car cela veut dire que le
ministère va financer dès le départ une initiative qui sera mise
en oeuvre dans la communauté et qui nous permettra de recueillir
des données et d'en faire l'analyse.
Nous avons donc l'intention de relier les données sur la naissance et les données de dépistage à la mesure de la préparation à apprendre. Nous avons aussi l'intention de nous pencher sur des points d'accès secondaires, par exemple sur les enfants en garderie, les enfants chez le médecin, etc. Cela devrait comprendre aussi le bien-être de l'enfance, c'est-à-dire tous les points d'accès importants aux enfants entre la naissance et l'étape où ils sont prêts à apprendre.
Nous avons réuni un groupe de personnes d'une détermination remarquable. C'est le projet le plus stimulant auquel je participe depuis 34 ans que je travaille auprès des enfants et des familles. Tout cela est extrêmement intéressant mais je n'ai jamais vu de personnes aussi déterminées que celles-ci. Elles représentent toutes les institutions, les organisations, les groupes, les associations, ainsi que les entités gouvernementales oeuvrant dans les secteurs de la santé, de l'éducation et des services communautaires et sociaux.
Notre principal objectif est de mobiliser les quartiers locaux pour qu'ils planifient leurs propres services à l'enfance, étant donné que ce sont les quartiers qui connaissent le mieux leurs enfants. Ils savent quels en sont les besoins. Ce sont eux qui peuvent dresser des plans satisfaisants. À Toronto, comme quelqu'un l'a dit, il y a une population d'une diversité remarquable, ce que nous considérons comme un atout considérable pour le développement des enfants. Nous allons donc lancer des programmes d'extension et commencer à mobiliser les quartiers locaux pour qu'ils planifient pour leurs enfants.
Ce qui a été frustrant, ces dernières années, c'était de voir des quartiers faire de la planification mais sans avoir l'infrastructure nécessaire. Cela veut dire qu'il y a des choses absolument remarquables qui se font dans certains quartiers mais, cinq ans ou dix ans plus tard, tout a disparu parce que les gens n'ont pas réussi à tenir à cause de l'absence de politique économique ou d'infrastructure.
Notre plan est de nous pencher sur les besoins des enfants à chaque étape du développement et de planifier les conditions et les situations qui sont nécessaires pour que les enfants aient les meilleures chances possibles. Nous voulons aussi nous assurer qu'il existe une infrastructure appuyant les quartiers locaux et réclamant des politiques économiques pertinentes pour cette infrastructure. C'est une sorte de démarche holistique ou globale.
Nous croyons que les parents ne peuvent pas tout faire tout seuls. Nous croyons que les parents sont les principaux responsables de leurs enfants.
Nous sommes seulement allés sur cette tangente: c'est la responsabilité de l'État; c'est la responsabilité du parent. Non, ce n'est pas vrai, si, c'est vrai. Dépensons-nous de l'argent? Non, nous n'en dépensons pas.
Nous croyons que les parents ou tuteurs sont les principaux responsables de l'éducation de leurs enfants mais qu'ils ne peuvent pas tout faire tout seuls. C'est d'autant plus vrai aujourd'hui que beaucoup de gens vivent isolés les uns des autres, dans un contexte de stress considérable. Vous le savez tous.
Il nous faut donc des réseaux de soutien. Il nous faut des informations. Il faut des réseaux de soutien disponibles au moment où les gens en ont besoin. Je n'en aurai peut-être pas besoin aujourd'hui mais j'en aurai peut-être besoin demain. Personne ne sait comment sa vie va évoluer. Il faut que ces réseaux soient donc disponibles en permanence.
Les familles ont besoin d'informations. Par exemple, elles ont besoin de savoir quels sont les résultats des recherches sur le développement du cerveau. Elles ont besoin d'éducation, de respect et de validation pour pouvoir devenir les parents compétents qu'elles souhaitent être. Je n'ai jamais rencontré de parent qui ne veuille pas ce qu'il y a de mieux pour ses enfants. Dans les communautés défavorisées, lorsque nous avons fait des recherches sur ce que les parents espéraient pour leurs enfants, nous avons vu que c'était exactement la même chose que nous. C'est la même chose que tout le monde.
Les services de garde des enfants ont une grosse responsabilité à l'égard des soins dispensés aux enfants, tout comme les écoles, mais ils ne peuvent pas tout faire tout seuls. Il faut assumer la responsabilité collective d'élever des enfants épanouis. Sinon, nous n'irons nulle part. Je ne vous dis rien ici que vous ne sachiez déjà mais il est bien évident que ces enfants sont notre avenir.
Je précise que nous avons pensé aussi qu'il était important, dans notre projet, d'avoir l'appui du gouvernement local. Nous sommes donc aller voir Mel Lastman, lorsqu'il était maire de North York, qui nous a accordé un appui considérable, ce qui est très important. Il faut que les politiciens locaux croient sincèrement à ce que vous faites.
• 1100
L'appui du Dr Fraser Mustard a été absolument merveilleux
pour nous. Il nous a donné accès à toutes sortes d'informations
que nous n'aurions pas pu avoir autrement, à des informations sur
des sites Web, et il nous a permis d'obtenir des publications
dont nous ne soupçonnions même pas l'existence. Cela nous a
permis de constituer un réseau qui est très important. C'est un
réseau d'information. Aujourd'hui, avec la décision de
Développement des ressources humaines, nous sommes extrêmement
encouragés.
Le maire Mel Lastman et le Dr Fraser Mustard sont coprésidents honoraires de notre groupe. Cela veut dire que nous les obligeons à rendre des comptes. Ils ne peuvent pas se moquer de nous.
Bien que j'oeuvre dans le domaine depuis plus de 30 ans, et malgré toutes les frustrations que j'ai pu ressentir au cours des années parce que nous n'arrivions pas à faire le nécessaire en fonction des valeurs fondamentales que nous partageons au sujet des enfants—et qui sont dans la plupart des cas des questions de simple bon sens—je me sens aujourd'hui très optimiste quand je vois ce qui se passe. Je crois vraiment que nous allons arriver à forger une vision nationale, comme Martha le disait un peu plus tôt, et que nous allons peut-être réussir à dresser des plans de manière intégrée, en fonction de cette vision, pour pouvoir avancer tous vers le même but, sur le même chemin, de manières différentes, dans des lieux différents, selon des conditions différentes et avec des besoins différents—il n'y a pas de recette magique ou de baguette magique pour que tout cela se réalise—afin que les choses s'intègrent et évoluent, pas seulement aujourd'hui mais aussi plus tard, pour que l'on continue d'améliorer la situation car il ne faut pas oublier que les besoins communs des enfants ne changent pas lorsque le monde change. Quel que soit le contexte extérieur, les enfants auront toujours les besoins communs fondamentaux dont vous avez tous parlé.
Nous allons évidemment faire preuve de prudence et ne pas lancer notre action dans tous les sens. Évidemment, il faut répondre à ce qui se passe mais, pour ce qui est des besoins fondamentaux des enfants, l'une des choses qu'il faut continuer à souligner, c'est que les enfants apprennent en jouant, et nous ne devons pas nous embarquer sur une tangente en disant que nous allons leur apprendre des choses avec une règle et avec ce genre de chose.
C'est tout ce que j'avais à dire.
Le président: Merci.
Comme nous sommes à peu près à mi-chemin de la séance, et comme Clara n'a pas manqué de préciser que nous sommes assis depuis longtemps, je vais essayer de rappeler quelques règles de base.
En réalité, vous savez que les députés, après une certaine présence au Parlement, finissent par avoir les fesses très dures et que c'est ce qui leur permet de rester assis pendant longtemps. Quelqu'un a aussi fait remarquer que ce sont les hémorroïdes qui les tiennent en alerte.
Ce que je voudrais faire, c'est limiter les intervenants à environ cinq minutes chacun. Je vais commencer à gesticuler gentiment au bout de quatre minutes, et plus violemment au bout de cinq.
Autre question de logistique: il est 11 h 30 et, grâce aux pouvoirs magiques de notre chère greffière, nous allons bientôt avoir à manger. Nous lui avons demandé de choisir des choses très simples pour nous permettre de continuer la séance sans interruption.
Cela dit, je demande à tout le monde d'être discret en allant se servir car il ne faut pas oublier que, pendant ce temps-là, quelqu'un continuera de parler. Je tiens à ce que la discussion se poursuive dans l'ordre.
M. John Godfrey: Il faudrait peut-être aussi dire aux gens que la séance est télévisée, afin qu'ils ne bloquent pas les caméras lorsqu'ils se lèvent.
Le président: Oui, n'oubliez pas que nous passons à CPAC.
Nous avons donc entendu des voix de diverses régions du pays. Nous allons maintenant donner la parole à plusieurs organisations.
Monsieur Bullivant, vous pouvez commencer.
Je vous rappelle de dire au début de quelle région vous venez et de quel groupe vous faites partie.
M. Gordon Bullivant (président, Troubles d'apprentissage - association canadienne): Je suis le président bénévole de l'Association canadienne des troubles d'apprentissage. Je viens de Calgary, en Alberta, et je suis aussi directeur général et fondateur de la Foothills Academy Society for severely learning disabled children, de Calgary. Nous représentons des milliers et des milliers d'enfants et d'adultes souffrant de troubles d'apprentissage.
Les remarques que je vous adresserai seront à la fois positives et négatives. Nous savons que les enfants, dans notre société, font l'objet d'évaluations nombreuses—c'est en tout cas vrai dans l'Est—mais que cela débouche rarement sur des choses concrètes. Nous avons donc beaucoup de données intéressantes mais très peu de stratégies d'intervention.
• 1105
Par ailleurs, nous savons que nous pouvons identifier les
enfants souffrant de troubles d'apprentissage dès qu'ils ont deux
ou trois ans mais, là encore, les choses varient considérablement
à l'échelle du pays. Les enfants qui souffrent de troubles
d'apprentissage doivent connaître des échecs répétés avant de
bénéficier d'une intervention appropriée.
Tout n'est cependant pas négatif. Du côté positif, d'excellentes recherches et de très bonnes études longitudinales nous ont montré qu'une intervention adéquate, avec le bon langage et de bons cours de lecture, peut permettre à ces enfants de devenir des adultes épanouis. Beaucoup obtiennent leur doctorat, et beaucoup se lancent en politique!
Nous savons aussi que, si les enfants entrent dans le système d'enseignement formel, à l'âge de cinq ans et demi, en Alberta, et qu'ils ne sont pas prêts à lire ou à apprendre, ils ne sauront toujours pas lire en 3e année, voire en 9e année. Nous savons que les conséquences sociales de ce phénomène sont absolument terribles, du point de vue des budgets, du point de vue des troubles émotifs des enfants, et du point de vue de notre centre de jeunes contrevenants.
Au cours des années, nous avons constaté que tout le monde s'en lave les mains. Certes, l'Alberta investit des sommes énormes pour les jeunes enfants, avant qu'ils n'arrivent dans le système scolaire, mais les budgets baissent de manière spectaculaire lorsque la responsabilité devient celle du gouvernement provincial. Les systèmes scolaires ont alors tendance à blâmer les autres agences sociales. De ce fait, beaucoup de ces enfants finissent par nous coûter extrêmement cher, comme société, alors que cela pourrait être évité.
Nous savons de manière générale que les enfants qui souffrent de troubles d'apprentissage apprennent de manière passive. Malgré beaucoup d'attention, d'amour, de soins, de bons parents et de bons enseignants, et quel que soit le statut familial, nous savons que ces enfants ne peuvent pas s'épanouir dans le milieu éducatif usuel.
Nous savons aussi que nous pourrions intervenir de manière très efficiente et très efficace, sur le plan de leur éducation, afin de leur permettre d'avoir accès aux programmes offerts dans les écoles formelles. Les outils sont là. Il suffit de s'en servir.
Nous savons depuis des années dans notre pays, suite aux études effectuées auprès des enfants, que certains ont des besoins spéciaux, mais nous n'avons rien fait à ce sujet. Je félicite le comité de se pencher sur cette question. Il faut mener une campagne nationale pour veiller à ce que la transition se fasse bien entre ce que nous appelons la petite enfance et la scolarité.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Bullivant.
Monsieur Richard.
M. Kenn Richard (directeur général, Native Child and Family Services): Je m'appelle Kenn Richard et je fais partie de Native Child and Family Services, de Toronto, mais je m'adresse plus à vous aujourd'hui dans le cadre du programme autochtone Bon départ.
Avant de commencer, je voudrais souligner la présence de Carolyn Bennett, qui ne se souvient peut-être pas de moi mais je lui rappellerai que c'est elle qui a accouché mes enfants. Puisqu'on parlait tout à l'heure d'expérience concrète dans ce domaine, je crois que nous sommes servis!
Je voudrais dire quelques mots du programme Bon départ. C'est un programme d'intervention précoce. Le programme n'est pas assez vieux pour pouvoir faire l'objet d'une évaluation exhaustive mais mon personnel me dit que le programme permet déjà de faire des progrès remarquables avec des enfants que les autorités scolaires traditionnelles avaient quasiment abandonnés à un très jeune âge. C'est un programme qui va vraiment faire une différence à Toronto, selon nous.
Les enfants avec qui nous travaillons dans ce contexte font partie des enfants les plus à risque d'une population déjà à risque. En effet, quel que soit le critère envisagé, l'enfant autochtone aura toujours des résultats inférieurs aux autres. Cela a toujours été une réalité et ça l'est encore aujourd'hui.
Je voudrais faire une autre remarque—issue de mon expérience personnelle avec mes enfants—sur l'importance d'un dépistage précoce pour veiller à ce que nous ayons des enfants qui sont vraiment prêts à apprendre, du point de vue physiologique.
C'est M. Murphy, je crois, qui a souligné cela tout à l'heure. J'ai un enfant—l'un de ceux que le Dr Bennett a mis au monde—qui a un grave problème de vision qui n'avait pas été identifié avant qu'il ait l'âge de cinq ans. On lui a alors donné des lunettes et tout son monde a changé. Certes, il a encore de gros efforts à déployer et beaucoup de rattrapage à faire. Toutefois, si l'on avait pu le dépister alors qu'il était encore bébé—parce que je vois aujourd'hui des bébés qui portent des lunettes—il aurait eu la vie beaucoup plus facile et, en fin de compte, moi aussi.
Je tiens à réitérer ce que disait Martha Friendly au sujet du contexte général de la vie d'un enfant. Tous les enfants avec qui nous travaillons dans le programme autochtone Bon départ sont des enfants pauvres. Ce que fait la pauvreté des familles, c'est de créer un environnement de stress incroyable pour les enfants.
• 1110
Nos enfants sont constamment sur leurs gardes. Ils sont
toujours pleins d'adrénaline. Ils doivent faire attention à ce
qui est sécuritaire et à ce qui ne l'est pas. La plupart d'entre
eux sont toujours en mode de survie. Je vois donc mal comment un
enfant vivant dans cet état d'esprit peut être assez ouvert pour
aborder correctement l'école, à quelque niveau que ce soit. Je
parle d'enfants qui cherchent toujours la sécurité, qui évitent
les risques parce que les risques ont parfois des conséquences
dangereuses.
Évidemment, les parents qui constatent que leurs enfants sont aussi stressés, malgré l'amour considérable qui leur est dispensé, ne fonctionnent probablement pas aussi bien qu'ils le pourraient du point de vue de l'éducation dispensée pendant la toute petite enfance.
Voilà les éléments que je tenais à souligner car ils sont très réels dans le cadre du programme autochtone Bon départ et, dans une certaine mesure, dans le cadre de ma propre vie.
J'ai demandé au personnel du programme, aux gens qui assurent la prestation de services à ces enfants, ce qui est le plus important, car je savais qu'il y aurait ici un aréopage d'universitaires et de grands cerveaux et je me disais qu'il vaudrait peut-être la peine de vous communiquer des données concrètes sur le monde réel. J'ai donc demandé: «Qu'est-ce qui est le plus important pour que nos enfants soient prêts à apprendre?» Je vais consacrer quelques secondes uniquement à vous dresser la liste des réponses.
On m'a dit que les enfants ont besoin d'un environnement sûr, chaleureux et stable. Cela vaut pour tous les enfants mais, encore plus, pour ceux dont nous nous occupons étant donné que leur monde n'est pas toujours sûr. Il est rarement stable et, même si les parents donnent beaucoup d'amour à leurs enfants, ils ne le donnent peut-être pas de la manière la plus efficace possible. Or, c'est seulement lorsque l'enfant se sent détendu qu'il est en mesure d'apprendre.
Tous les enfants, mais surtout les nôtres, ont besoin de confiance en soi, ce qui est un concept très fugace. Dans notre cas, nous essayons d'y contribuer par la culture autochtone et par la fierté autochtone. Je suppose que les choses peuvent varier d'un groupe à l'autre à ce sujet.
Nos agents de programme estiment que les enfants qui ont le plus confiance en eux-mêmes sont ceux qui sont le mieux capables de persévérer pour achever certaines tâches. Ils ont la conviction d'être capables. Je songe à cette petite histoire, The Little Engine That Could, qui est clairement une histoire sur l'estime de soi, et c'est un peu la même chose que l'on doit essayer de faire pour dispenser des programmes de qualité.
On me dit aussi que les gens ont besoin de beaucoup de relations individuelles, et je parle ici encore des enfants qui vivent dans la pauvreté, des enfants autochtones. Malgré des milieux similaires, les enfants ont leurs propres besoins et ils expriment leurs problèmes de manière différente. En règle générale, c'est par le truchement d'une relation individualisée que l'on peut le mieux y répondre, souvent avec un ou deux adultes seulement. Certains enfants sont tellement désorganisés et décentrés qu'ils ne peuvent apprendre qu'avec une attention individuelle.
Évidemment, la conséquence de tout cela est que les investissements qui changeront vraiment les choses pour ceux qui ont le plus de besoins seront sans doute assez élevés et que le gouvernement devra à l'évidence trouver des budgets plus élevés que ceux qui sont aujourd'hui consacrés à l'intervention pendant la petite enfance et au programme Bon départ. Nous constatons que nos ressources ne sont pas suffisantes. Certes, elles ont pu paraître généreuses au début mais, avec le temps, nous avons constaté que les problèmes sont beaucoup plus sérieux qu'on ne l'avait envisagé au départ.
Les enfants ont besoin de structure. Beaucoup sont tellement désorganisés et proviennent de milieux tellement chaotiques, du fait du stress qu'ils subissent, que c'est seulement en les plaçant dans un milieu très structuré que l'on peut favoriser leur sécurité. Nous avons constaté, tout au moins jusqu'à maintenant, que l'absence de structure amènerait notre programme à se désintégrer rapidement étant donné que les enfants ne peuvent pas s'autoréglementer au point de pouvoir faire face à ne serait-ce que 10 minutes de temps libre.
Il faut aussi encourager les enfants d'un point de vue holistique. Martha en a parlé et je n'insiste pas.
Il faut que les parents interviennent. L'une des pierres angulaires du programme Bon départ est l'intervention parentale. Beaucoup des institutions avec lesquelles les familles ont eu des relations estimaient que les parents constituaient un boulet. Très franchement, cela peut arriver, dans certains cas, mais les parents sont aussi des systèmes très complexes, tout comme leurs enfants, et ils ont des atouts dont on peut profiter dans le cadre d'un programme attentif et positif. Nous avons une employée dont le rôle est d'assurer la liaison avec les parents. En fait, nous organisons même des ateliers sur les tâches parentales à l'intention des parents. Nous travaillons ensemble. Nous en faisons des partenaires.
Finalement, nous avons besoin de ces programmes pour le long terme. Notre programme commence à intervenir lorsque l'enfant a deux ans et demi et nous n'arrêtons pas jusqu'à ce qu'il entre au jardin d'enfants. Il n'y a pas de recette miracle pour les enfants que l'on estime à risque. Notre travail consiste à épauler la famille et à faire du coparentage pour assurer le bon développement de l'enfant. Cela a toujours été une force de la culture autochtone et nous sommes heureux d'avoir pu l'exploiter de manière formelle grâce au programme autochtone Bon départ.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, Kenn.
Madame Sharon Hope.
Mme Sharon Hope Irwin (directrice générale, SpeciaLink: The National Childcare Mainstream Network): C'est Sharon Hope Irwin.
Le président: Ah oui, ce n'est pas Irwin SpeciaLink, c'est Sharon Hope Irwin—virgule—SpeciaLink.
Mme Sharon Hope Irwin: Bonjour. Je représente donc SpeciaLink, le réseau d'inclusion national des soins pour enfants. Je viens de Wreck Cove, sur l'île du Cap Breton. Avant de travailler à SpeciaLink, j'ai exploité un centre de garderie à Glace Bay qui, depuis ses débuts en 1975, accepte des enfants handicapés.
Le réseau national SpeciaLink a su tirer des enseignements de son passé et profiter des enseignements que bien d'autres garderies ont tirés un peu partout au pays, des garderies qui ont accepté des enfants handicapés dans des programmes nationaux et qui ont incité les responsables des programmes de garderie à accueillir tous les enfants, y compris ceux atteints d'incapacités ainsi que les enfants présentant des cas spéciaux, pour qu'ils puissent prendre part à des programmes dont ils auraient normalement bénéficié s'ils n'avaient pas été handicapés. Dans ce genre de garderies, on leur apporte un soutien destiné à optimiser leur développement.
Je ne serais pas venue ici, aujourd'hui, malgré votre auguste compagnie et le voyage qu'on m'a offert jusqu'à Ottawa, si je n'avais pas ressenti un noeud se nouer dans mon estomac en entendant de nouveau parler de «capacité d'apprentissage». Au cours des 30 dernières années, il a souvent été question de capacité d'apprentissage dans notre société, mais chaque fois que nous avons disposé d'un instrument destiné à la mesurer—et je vous concède qu'ils n'ont pas toujours été aussi scientifiques que les nouveaux—nous n'avons fait qu'écarter des gens.
Certaines personnes présentes dans cette pièce se rappelleront peut-être l'inventaire de développement de Gesell qu'on appliquait aux enfants en âge de rentrer à l'école et qui servait surtout à dire à certains parents que leurs enfants pouvaient manquer de maturité et qu'ils seraient mieux de les garder une autre année à la maison et de revenir avec eux l'année suivante.
Pour les enfants qui avaient un bon soutien à la maison et qui pouvaient être gardés par leur maman laquelle pouvait rester à la maison parce que le revenu familial était suffisant, cette formule était souvent la bonne. Ce pouvait être bien également pour les familles en mesure de mettre leurs enfants en garderie. En revanche, à cause de la conjoncture actuelle, l'habitude qui consiste à dire aux parents de garder leurs enfants à la maison une autre année, n'a souvent rien à voir avec sa capacité d'apprentissage, mais plutôt avec le fait qu'on veut l'éloigner une autre année.
Le noeud que j'ai dans l'estomac se resserre un peu plus.
Pour traiter du cas des enfants qui ne sont pas prêts à rentrer à l'école, il existe deux formules. La première est celle dont je viens de parler et qui consiste à retarder l'âge d'entrer à l'école. La deuxième est le passage par des maternelles de développement. On filtre les enfants âgés de cinq ans pour placer ceux qui ne peuvent entreprendre un apprentissage structuré dans des classes spéciales. Cela parait fort bien. Ce genre d'école nécessite plus de ressources que les autres, le rapport nombre d'enseignants-nombre d'enfants est supérieur, l'équipement y est meilleur, les murs y sont plus beaux et ainsi de suite. Malheureusement, les recherches nous indiquent que ce n'est pas une réussite.
Troisièmement, quand on juge qu'un enfant n'est pas prêt à entrer au primaire, on le garde une année de plus en maternelle. Là aussi, les résultats des recherches effectuées sur des groupes de contrôle d'enfants se trouvant dans la même situation et n'étant pas prêts à rentrer à l'école après la garderie, indiquent que cette formule ne fonctionne pas du tout.
Donc, même s'il est important de disposer d'un plus grand nombre de marqueurs scientifiques déterminant la capacité d'apprentissage des enfants—surtout pour disposer d'un carnet de notes de la réussite sociale de nos enfants, à l'échelle du Canada, et pour l'ensemble des dimensions culture, handicap et autres—, il est évident que nous devons intervenir plus tôt, bien avant leur entrée au primaire.
Au Canada, nous avons actuellement un non-système assez efficace dans les programmes de la petite enfance; moyennant une orientation en matière de politique sociale et un financement supplémentaire, celui-ci pourrait constituer la base d'un système de soutien à l'enfance, il pourrait permettre de créer pour les enfants un lieu sain où croître et s'épanouir pendant que leurs parents font ce que les parents doivent faire en marge du système. Cela nous permettrait aussi d'éviter qu'un grand nombre d'enfants ne soient pas prêts à profiter de ce que l'école a à offrir.
• 1120
En dernier lieu, je tenais à signaler que le changement
survenu dans les outils d'évaluation de la capacité
d'apprentissage des enfants est tel que ceux-ci n'ont plus
tellement à voir avec les enfants mais plutôt avec les écoles, et
le problème de l'accueil des enfants d'âge scolaire par les
établissements d'enseignement va exiger beaucoup de réflexion, de
préparation, de travail de conception et de considération.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, madame Hope Irwin.
Je vais donner les noms des participants au groupe suivant.
Nous accueillons une personne dont nous lisons les écrits depuis quelques années et qui s'intéresse de plus en plus à ce domaine, il s'agit du Dr Thomas Gove.
Une voix: Du juge Gove.
Le président: Excusez-moi, du juge Gove. Après avoir accueilli tellement de médecins, nous voilà avec un juge.
Je vous demanderai de commencer, votre honneur, et vous serez suivi du Dr Colin Maloney, de la Société d'aide à l'enfance. Nous passerons ensuite à Sandy Berg, à Carole Presseault, puis à Diane Bascombe.
Je vous en prie.
Honorable juge Thomas J. Gove (Cour de la Colombie-Britannique): Merci. C'est la deuxième fois en une semaine qu'on me présente en tant que médecin, ce que je ne suis pas.
Le président: Et vous ne voulez pas être non plus.
Le juge Thomas Gove: Non, je ne veux pas l'être.
Je suis juge au tribunal de la famille en Colombie-Britannique. En 1994-1995, j'ai passé 18 mois à la tête d'une commission d'enquête sur la protection de l'enfance. L'enquête avait été déclenchée à la suite de la mort d'un jeune enfant tué par sa mère, et à cause des préoccupations qu'on entretenait alors sur l'adéquation des services de protection de l'enfance, surtout en ce qui concerne les enquêtes sur les cas d'agression sexuelle et de négligence.
Pendant l'enquête, à l'occasion de laquelle j'ai tenu de nombreuses audiences publiques, reçu de nombreux mémoires et où j'ai lancé 22 projets de recherche, je me suis rendu compte que nous mettions à côté de la plaque en nous intéressant surtout au problème de la protection de l'enfance, celle-ci n'étant qu'un des paramètres d'un dossier beaucoup plus vaste que constitue le bien-être de l'enfance.
J'ai conclu du travail que j'ai fait que nous devons aborder la question de la sécurité et de la santé des enfants selon une définition plutôt large, à savoir que le bien-être de l'enfance doit tout inclure, des soins prénataux aux soins de santé publique, en passant par l'intervention auprès des jeunes délinquants, par les services d'aide aux alcooliques et aux consommateurs de drogue, pour les enfants, les adolescents et leurs familles, de même que par la protection de la jeunesse et les autres services aux familles et aux enfants, comme les garderies et le gardiennage.
J'ai aussi conclu que la façon efficace de gérer ces services—«efficace» parce qu'on s'assurerait que les services profitent vraiment à ceux à qui ils sont destinés et aussi parce qu'on veillerait à ce qu'on utilise efficacement l'argent des contribuables—, était de regrouper l'administration dans une seule et même organisation, plutôt que d'avoir à s'adresser à plusieurs organisations représentant un dédoublement des services offerts.
J'ai également conclu que nous devons inclure dans cette définition du bien-être de l'enfance absolument tous les enfants, sans exception. Après avoir entendu certains des témoins aujourd'hui, je suis convaincu que d'autres partagent mon point de vue.
Il est juste d'affirmer que tous les enfants et toutes leurs familles bénéficient à un moment donné ou à un autre—ou ont peut-être même besoin—des services d'aide à l'enfance. Nous avons certainement tous connu les visites effectuées par les infirmières de santé publique après la naissance d'un enfant. C'est tout ce dont certains enfants et leurs familles ont besoin, mais j'ose dire que la plupart des enfants et des familles ont besoin de plus encore. Encore une fois, j'applaudis à ce dont il a été question plus tôt, à l'approche saine à adopter dès le départ; ce n'est pas forcément ainsi qu'on en a parlé, mais je suis certain que la plupart d'entre vous êtes au courant de cela. Selon moi, c'est là une façon de s'assurer qu'aucun enfant ne sera laissé de côté au début de sa vie.
Enfin, je voulais vous faire part des conclusions que j'ai tirées quant à la nécessité d'exercer une surveillance et une évaluation permanente et de conduire des recherches. Pendant la phase de recherche de notre enquête, j'ai été étonné de constater à quel point il est difficile de savoir ce qui se passe exactement au Canada. Il nous a, en fait, été beaucoup plus facile de savoir ce qui se passe dans les États américains, que d'obtenir des données sur l'Ontario, la Nouvelle-Écosse ou sur d'autres provinces. Nous n'avons pas de véritable institution nationale et nous n'avons pas de véhicule national, non plus. C'est là une chose à laquelle vous devriez sérieusement songer.
• 1125
Je terminerai en formulant les recommandations suivantes.
J'ai recommandé qu'on crée un ministère de l'enfance et des
familles, à partir des six organisations actuelles. J'ai
recommandé que l'on crée un poste de commissaire indépendant à
l'enfance, chargé de surveiller les services offerts dans ce
domaine et de s'exprimer au nom du public chaque fois que les
services ne sont pas du calibre escompté. Enfin, j'ai recommandé
l'implantation d'un réseau de prestation intégré,
multidisciplinaire, que je baptiserais centres pour l'enfance, à
l'échelon communautaire, des centres qui seraient gérés par la
communauté et qui refléteraient les besoins de chaque particulier
et de chaque collectivité.
Tous ces changements sont déjà amorcés en Colombie-Britannique. Comme toujours dans le domaine social, la route à parcourir est quelque peu chaotique, mais peu importe, le changement est en cours. Je vous recommande d'examiner les approches que j'ai décrites et que j'ai énoncées dans mon rapport. Merci.
Le président: Merci, juge Gove. En tant qu'ancien directeur du bien-être de l'enfance, sachez que j'ai lu votre rapport avec un certain intérêt.
Docteur Colin Maloney.
Dr Colin Maloney (directeur général, Catholic Children's Aid Society): Je viens de Toronto.
Si je puis me le permettre, monsieur le président, je vais inviter votre comité à élargir son mandat. Il est très bien de parler de capacité d'apprentissage, mais il y a des problèmes beaucoup plus graves que celui-ci, comme Sharon vient juste de le dire. J'aimerais inviter Dan Keating à nous donner les indices utilisés pour déterminer la capacité d'apprentissage. Je suis sûr que les gens du CPO seraient heureux de disposer des indices de capacité d'apprentissage et de savoir sur quel genre de souplesse il faut pouvoir compter.
Le comité devrait se fixer pour objectif de faire en sorte que les systèmes d'enseignement de nos provinces se sentent responsables de la capacité d'apprentissage des enfants. C'est essentiel, car si les enfants n'ont pas la capacité d'apprentissage voulue, le système scolaire court à l'échec certain.
Ces systèmes n'ont pas forcément à le faire eux-mêmes—ils n'ont pas l'argent et ils n'obtiendront pas non plus les fonds nécessaires—mais ils doivent se rendre compte que les tous premiers enseignants sont les parents de l'arrondissement scolaire. Je me rappelle avoir lu cela à propos d'un directeur de système scolaire aux États-Unis qui envoie une lettre à toutes les jeunes mamans venant de mettre un enfant au monde dans laquelle il dit «Bienvenue, n'oubliez pas, nous avons un pupitre prêt pour le petit untel», parce qu'il s'était rendu compte que le souci de l'éducation commence dès ce moment-là.
Dans toutes ces discussions sur l'apprentissage, j'ai surtout retenu que nous manquons de leadership au niveau des collectivités. Certes, le leadership est toujours présent, ici et là—il y a toujours des Clara Will et d'autres—mais vers qui faut-il se tourner pour trouver ce leadership de façon régulière, systématique et responsable envers tous les enfants? Nous ne le trouvons nulle part.
Le seul système sur lequel on puisse compter est le système d'éducation. Or, celui-ci ne peut réussir seul. Il y a la santé publique, il y a les pédiatres, les bibliothèques, les services récréatifs, les églises et les services d'immigration. Mais tous ces gens-là doivent se sentir responsables envers les enfants, en ce sens qu'ils disposent des indices voulus et qu'ils peuvent faire preuve de la souplesse nécessaire pour s'adapter au niveau des enfants et que la capacité d'apprendre de ces enfants relève de leur responsabilité; sinon, c'est un échec du système...
J'exhorte votre comité à travailler dans ce sens. La question n'est pas de savoir comment nous allons dépenser nos excédents budgétaires inexistants, mais comment nous allons pouvoir modifier les attitudes, comment nous allons inculquer aux gens qu'ils ont un cadre de responsabilité à respecter. Ce serait merveilleux que les dirigeants à l'échelon local parviennent à créer des alliances, des partenariats pour que toutes les écoles en viennent à considérer que les parents sont les premiers enseignants.
Le président: Merci beaucoup, Dr Maloney.
Nous accueillons maintenant Sandy Berg et Carole Presseault.
Mme Sandy Berg (directrice, Fetal Alcohol Syndrome and Effect Support Network of British Columbia): Je m'appelle Sandy Berg et je représente le Fetal Alcohol Syndrome and Effect Support Network de la Colombie-Britannique. Nous avons nos bureaux à Surrey, dans le Lower Mainland de la Colombie-Britannique. Pour l'effet de l'alcool sur le foetus et l'alcoolisme foetal, on parle d'EFA-SAF ou de syndrome de Lemoine et Jacobs.
• 1130
Nous nous soucions beaucoup de l'éducation de nos enfants.
Nos enfants ne répondraient à aucune de ces normes sur la
capacité d'apprentissage qui ont été élaborées au fil des ans. On
a effectué beaucoup de recherches dans ce domaine. Nous savons ce
qui fonctionne et nous savons comment faire en sorte que les
choses fonctionnent.
Personnellement, je souhaiterais que votre comité remette tout ce dossier dans les mains des collectivités et en leur donnant certaines ressources. L'Université de Washington a effectué une étude dont les résultats ont été publiés en août 1996, étude qui montre que 94 p. 100 des enfants atteints d'EFA-SAF ont des problèmes de santé mentale avant d'arriver à l'adolescence, que 60 p. 100 d'entre eux ont des comportements perturbateurs à l'école, que 60 p. 100 ont eu des avatars avec la justice, que 50 p. 100 ont été enfermés, que 50 p. 100 ont des comportements sexuels inappropriés et que 30 p. 100 ont, eux aussi, connu les affres de l'alcool et de la drogue.
L'intervention précoce est absolument essentielle. Je suis d'accord avec le fait que tout se joue avant l'âge de six ans, mais il n'empêche qu'il faut continuer par la suite.
Nos enfants peuvent réussir. Le centre de détention pour jeunes de Vancouver vient de terminer une étude montrant qu'on a diagnostiqué un problème d'EFA-SAF chez 23,3 p. 100 des jeunes traités par l'unité d'évaluation psychologique. C'est un problème énorme dont nous ne nous occupons pas. Qui dit capacité d'apprentissage, qui dit développement sur ce plan, dit qu'il faut prendre en compte les besoins spéciaux de ces enfants.
Les Canadiens et les Canadiennes doivent commencer à se rendre compte qu'il s'agit d'un problème national. C'est un problème énorme à propos duquel nous ne faisons rien. Le syndrome de Lemoine et Jones est un des handicaps ou un des défauts de naissance qui n'est pas déclaré. Il n'est pas encore obligatoire de le déclarer. Comment va-t-on s'y attaquer sur le plan financier? Comment fera-t-on pour que ces enfants soient prêts pour l'école? Comment va-t-on les aider à atteindre leur plein potentiel si l'on ne déclare même pas ce problème à la naissance? Comment va-t-on les aider financièrement?
Les Américains ont effectué une étude montrant qu'il en coûte 1,4 million de dollars pour élever un enfant atteint du syndrome d'alcoolisme féodal. Il faut tenir compte de cela dans notre planification. Nous devons retourner dans les collectivités de base qui savent comment travailler avec ces enfants, comment les éduquer, comment les former et nous devons commencer à faire progresser ces enfants avec les autres.
Je suis très heureuse d'avoir pu faire les recherches que j'ai effectuées et d'avoir reçu des fonds pour cela. Cependant, j'ai l'impression que nous sommes en train de rater le coche en ne finançant pas les collectivités aptes à s'occuper de ces enfants.
Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup, Sandy. Je dois dire que chaque fois que Mme Bradshaw se trouve parmi nous, on ne manque pas de nous rappeler les problèmes de l'EFA-SAF.
Nous allons maintenant entendre Carole Presseault de l'Association des infirmières et infirmiers du Canada, qui sera suivie de Diane Bascombe.
[Français]
Mme Carole Presseault (conseillère principale, relations gouvernementales, Association des infirmières et infirmiers du Canada): Merci, monsieur le président.
D'abord, le syndrome de l'alcoolisme foetal est une tragédie et c'est une maladie tout à fait évitable.
Je suis heureuse qu'on ait été invités à venir ici aujourd'hui. Je vous ferai part des excuses de ma présidente, qui est originaire de Moncton et qui, bien qu'elle soit ici à Ottawa, est dans l'impossibilité de se joindre à nous puisqu'elle préside une réunion du conseil d'administration cette semaine.
Évidemment, les infirmières sont une partie importante de ce discours puisque, finalement, chaque Canadien et Canadienne sera touché par une infirmière dès sa naissance et pendant une grande partie de sa jeunesse.
Nous avons interviewé récemment plus de 150 infirmières partout au Canada qui participaient à des projets de développement communautaire. Elles nous ont dit des choses qui nous ont touchés particulièrement. Elles travaillent à la base, au sein des communautés, et traitent de questions très importantes au niveau de la prévention et de l'éducation des enfants. Mais on a appris qu'en raison de choses très élémentaires, dont la mauvaise nutrition, il leur est difficile de faire leur travail.
• 1135
Une infirmière nous a fait part de la difficulté
qu'elle avait lorsqu'elle travaillait
auprès d'une certaine famille. Elle disait qu'elle savait
que les enfants avaient essentiellement
très faim, mais que le système ne permettait
pas que ces enfants puissent manger. Elle me disait:
[Traduction]
«Ils avaient faim. J'ai contourné le règlement autant que j'ai pu et finalement les autorités se sont montrées impitoyables. Je pense que, ce jour là, les enfants n'étaient pas censés manger; malgré tout ils ont pu prendre leur repas et sont retournés à l'école cet après-midi-là.»
[Français]
C'était un besoin de base. Des infirmières et infirmiers ont aussi témoigné que des services tels que le transport étaient essentiels pour que les familles puissent avoir accès à des services de santé et de prévention.
Comme je vous le disais, l'Association des infirmières et infirmiers est très préoccupée par les changements récents. Le Forum national sur la santé a formulé des recommandations très précises sur la question des visites à domicile entre autres. Un des témoins a parlé des visites postnatales ce matin. En Alberta, on a un programme de visites postnatales très important, mais je dois vous dire que les mamans qui reçoivent la visite à domicile d'une infirmière 48 heures après leur départ de l'hôpital sont maintenant très rares.
Je vous fais part de ma propre expérience. Il y a 12 ans, j'ai eu une fille et j'ai non seulement reçu la visite d'une infirmière, mais aussi bénéficié de références en système communautaire et de services d'accès en communauté. Il y a quatre ans, quand j'ai eu une autre fille, je n'ai pas bénéficié d'une visite postnatale. Bien que je ne sois pas nécessairement un parent à risque, je suis un parent comme tant d'autres et j'ai besoin de ressources, y compris de ressources communautaires.
Il y a un an, notre association a décidé de lancer un défi aux élus. On se rend compte qu'au cours des dernières années, les décisions qu'on a prises un peu partout ont été prises en fonction des budgets. Nous voulons vous lancer un défi de leadership. Les décisions sont maintenant une question de volonté politique. Vous avez entendu des gens très connaissants dans leur domaine vous dire que maintenant, il n'y a pas de raisons de ne pas investir dans les ressources pour les jeunes.
Finalement, nous voulons dire au ministre des Finances que dans la préparation de son prochain budget, il devra être conscient du fait qu'on est en train de mettre toute une génération à risque et que nous devrons en payer la note plus tard. Merci.
[Traduction]
Le président: Merci, madame Presseault.
Diane Bascombe, puis Betty Green. Merci.
Mme Diane Bascombe (directrice générale, Fédération canadienne des services de garde à l'enfance): Bonjour. Merci de m'avoir invité ce matin et de me donner l'occasion de m'exprimer devant vous. Je m'appelle Diane Bascombe et je suis de la Fédération canadienne des services de garde à l'enfance. Dans mon travail, j'ai le privilège de travailler avec 10 000 particuliers et organisations qui ont eux-mêmes le privilège de travailler avec les enfants du Canada et leurs familles, sur l'ensemble du territoire.
C'est fascinant de voir qu'on s'intéresse à la prime enfance, à de nombreux échelons—aux échelons national, provincial et local—et de constater qu'on se rend compte de l'importance de cette période dans la croissance et le développement d'un enfant. Cela est tout aussi emballant pour des gens qui ont travaillé pendant de nombreuses années dans le domaine de l'enseignement et des soins d'enfants en bas âge.
En 1995, le Dr Mustard a pris la parole à notre congrès national à Calgary et toutes les personnes présentes dans la salle ont été littéralement emballées par son discours parce qu'il a déclaré qu'on pouvait enfin prouver ce que nous savions depuis des décennies sur la prime enfance, en se fondant sur les résultats de la recherche sur le cerveau.
À peu près rien de ce dont nous parlons aujourd'hui n'est nouveau. La plus grande partie de ce que nous savons, nous le savons depuis longtemps. On aura pu constater avec intérêt, au cours des dernières années, que l'importance de la prime enfance est reconnue par presque tout le monde, de la Tribune nationale sur la santé au Conseil national sur la prévention du crime. Pourtant, même si, je l'espère, nous sommes à deux doigts de prendre des mesures, nous ne l'avons pas encore fait.
Je suis venue ici aujourd'hui vous proposer une solution et pas uniquement vous présenter un problème. La majorité des enfants d'âge préscolaire au Canada sont déjà pris en compte par les de services à l'enfance, d'une façon ou d'une autre. Qu'ils soient dans une garderie, dans une prématernelle, placés dans le cadre d'un programme de ressources familiales ou gardés dans leur voisinage dans une garderie familiale, peu importe, la plupart des enfants canadiens sont déjà pris en compte par les services de la prime enfance.
Donc, nous ne partons pas de rien; nous n'avons pas besoin de tout inventer; nous n'avons pas besoin de bâtir toute une infrastructure. Il existe de nombreux programmes communautaires de grande qualité au Canada, et un grand nombre de personnes connaissent les réponses. Ces gens-là savent ce qu'il faut faire et ils ont déjà commencé à le faire. Il leur faut à présent des outils, un certain soutien et une certaine stabilité pour pouvoir poursuivre leur travail.
• 1140
Nous voilà dans une situation où il existe un grand nombre
de programmes excellents ciblés sur les enfants à risque et sur
les familles vulnérables, si ce n'est que les cibles sont
difficiles à trouver. En effet, comment savoir de qui il s'agit
dans les collectivités? On est parvenu à les cerner par la
prestation de services universels, par certains établissements au
sein des collectivités, dans leur voisinage dans leur région, où
tous les enfants ont accès à un programme, à un programme de la
prime enfance.
Nous partons d'une situation où, comme on vous l'a dit ce matin, il existe un grand nombre de programmes multidisciplinaires les intéressant, administrés à l'échelon local. Il se trouve un grand nombre de dirigeants locaux qui entreprennent des projets novateurs et excitants, s'appuyant sur l'ensemble des travaux réalisés au sein de leurs collectivités au cours des 20 dernières années. Nous sommes également conscients de nous trouver dans une situation où des enfants et leurs familles sont à risque et sont vulnérables, mais où nos services et nos soutiens communautaires sont, eux aussi, à risque et sont vulnérables.
Nous devons profité de l'occasion qui nous est donnée de stabiliser les secteurs concernés, de rassurer les gens et d'étayer les infrastructures de soutien des enfants et des familles à l'échelon communautaire. Nous ne pouvons attendre des gens qui sont coupés les uns des autres, sans un soutien extérieur et sans une certaine stabilité.
Avant de vous laisser, je vous rappelle qu'il est question aujourd'hui d'un programme national pour les enfants. Vous avez la possibilité de bâtir un programme intégré, fondé sur ce qui existe, et de faire appel à ceux et à celles d'entre nous qui savent ce qu'ils font et comment ils doivent le faire, qui ont établi tous les liens nécessaires avec l'infrastructure pour vous aider à mettre sur pied un programme national pour les enfants qui innovera vraiment.
Merci.
Le président: Merci, Diane.
Nous accueillons maintenant Betty Green, de l'Association canadienne des commissions/conseils scolaires, après quoi nous entendrons Cynthia D'Anjou-Brown, puis Lil Krstic.
Mme Betty Green (présidente, Association canadienne des commissions/conseils scolaires): Merci, monsieur le président. Comme vous l'avez dit, je m'appelle Betty Green et je représente l'Association canadienne des commissions/conseils scolaires.
Comme le Dr Colin Maloney l'a suggéré, nous avons un défi à relever: celui du rôle que nous devons assurer dans l'éducation préscolaire de nos enfants. J'estime que ma division scolaire a déjà pris l'initiative. Nous n'envoyons pas une lettre à toutes les jeunes mamans, nous leur envoyons un livret de comptines portant le nom de leur enfant, pour qu'elles soient conscientes que nous les considérons effectivement comme les toutes premières enseignantes de leurs enfants à l'éducation de qui nous voulons prendre part.
De toute évidence, les conseils scolaires partout au Canada veulent accueillir des enfants prêts à apprendre. Nous savons également qu'ils évaluent les enfants au moment de leur arrivée dans le système, mais que c'est alors trop tard. Il est toujours possible de répondre aux besoins constatés, mais encore faudrait-il les constater plus tôt, avant qu'ils se manifestent de façon coûteuse, parce que plus on attend pour corriger les déficiences des enfants et plus l'intervention ou le traitement est coûteux.
Il ne fait aucun doute que l'enseignement à des enfants d'âge préscolaire, donc de zéro à six ans, tant dans des milieux structurés que non structurés, est essentiel et que la transition au système scolaire et la réussite éventuelle sont déterminées par cette formation et cette possibilité d'apprendre tôt.
Les spécialistes du développement de l'enfant et ceux qui effectuent des recherches sur le cerveau nous permettent d'améliorer sans cesse notre compréhension de l'ampleur et de la nature critique de l'apprentissage pendant cette période du développement ainsi que de l'importance d'un développement approprié à l'âge afin que l'enfant soit prêt au moment de son entrée dans le système scolaire officiel et qu'il puisse bénéficier de l'expérience d'apprentissage qu'on lui fera vivre dans ce milieu.
L'enseignement préscolaire aux enfants à risque est encore plus essentiel. On voit de plus en plus arriver dans nos écoles des enfants atteints de handicap physique, des enfants nouvellement arrivés au Canada, des jeunes Autochtones ou encore des enfants qui vivent sous le seuil de la pauvreté et dont les besoins sont critiques.
Il est nécessaire d'apporter toute la palette des soutiens possibles au préscolaire et de reconnaître qu'il existe divers partenaires ayant des rôles différents mais complémentaires à jouer. Tous ces programmes sont souvent offerts dans les écoles, dans les organismes de garde d'enfants, par le biais d'une coopération avec les parents ou avec des groupes communautaires, mais dans tous les cas, il s'agit de services essentiels.
• 1145
Nous devons adopter une approche polyforme, axée sur
plusieurs partenaires. Nous savons que les familles et les
collectivités ont un grand rôle à jouer dans le développement des
jeunes enfants avant qu'ils n'entrent dans le système officiel.
Ce système a un rôle à jouer, car il doit veiller à ce que les
familles et les collectivités soient aidées dans leurs
interventions au niveau de la croissance et de l'apprentissage,
pendant que les enfants sont dans le système préscolaire.
Nous savons aussi que les ministres de l'Éducation doivent assumer un rôle de premier plan, au niveau de leurs bureaux, en coordination l'action ou en influençant les autres bureaux pour veiller à ce que les besoins des élèves, des jeunes enfants et de leurs familles soient comblés. Récemment, le Conseil des ministres de l'éducation du Canada a tenu une tribune nationale à Terre-Neuve. Nous l'avons mis au défi de faire une déclaration non équivoque d'appui à l'universalité des programmes préscolaires. Nous avons demandé aux ministres canadiens de devenir nos partenaires à plein titre dans le programme national pour les enfants.
Nous avons constaté aujourd'hui, dans cette pièce, que des gens connaissent le dossier, qu'ils veulent participer à l'éducation préscolaire, et que cela les passionne. L'Association canadienne des commissions/conseils scolaires aimerait être un tel partenaire actif. Nous voulons participer à ce projet et, comme l'a déclaré avant moi le Dr Maloney, nous voulons exercer notre influence à propos de cette période d'apprentissage de nos jeunes enfants. Merci.
Le président: Merci, Betty.
Je tiens à remercier tout le monde d'avoir été si discipliné et de nous avoir fait part de son point de vue dans les délais impartis. Nous avons presque respecté l'horaire.
Mme Cynthia D'Anjou-Brown (vice-présidente, Nouveaux marchés et projets spéciaux, United Way of Greater Toronto): Je m'appelle Cynthia D'Anjou-Brown; je représente le United Way of Greater Toronto et pas Centraide du Canada.
Notre section locale de Centraide estime que la meilleure contribution que nous puissions apporter est d'augmenter notre investissement dans les services sociaux et communautaires, dans le contexte de la présentation de Martha Friendly. Pour cela, nous avons décidé d'agir sur deux fronts. D'abord, nous nous sommes lancés dans une vaste consultation publique de laquelle il est ressorti de façon non équivoque que Centraide à Toronto doit mettre la priorité sur les enfants de zéro à six ans et, plus encore, doit consacrer ses ressources à cette catégorie d'âge, ce que nous avons commencé à faire.
Deuxièmement, nous avons pris une autre piste et lancé un projet appelé «Success by Six», pour inciter des partenaires corporatifs à résoudre un ensemble de problèmes concernant les besoins des enfants à risque. Nous avons davantage ciblé notre action sur le plan des investissements et, à partir de certaines recherches, nous avons dégagé trois grands thèmes de programmes importants: d'abord, les soins pré- et postnataux, les visites à domicile et le soutien apporté aux parents. De ce que j'ai retenu des nombreux chefs d'entreprise—vous pourrez juger ma qualité de collectrice de fonds au fait que j'en ai rencontré beaucoup—j'ai constaté que ces gens-là s'intéressent à nos enfants. Plusieurs d'entre nous parlent d'autres partenaires, mais personne n'a fait allusion aux grandes entreprises. Eh bien, je tiens ici à déclarer que les chefs d'entreprises sont intéressés par le sort de nos enfants et qu'ils sont disposés à jouer un rôle sur ce plan.
Nous avons recueilli des montants appréciables dans ces trois domaines de programmes et nous avons ensuite lancé une demande de proposition pour ce financement. À notre grande surprise—parce que nous nous attendions à n'en recevoir que quelques-unes—nous avons reçu 71 demandes... et pas d'organismes particuliers, mais de réseaux à Toronto, demandant 6 millions de dollars. Sachez que nous n'avons pas récupéré 6 millions de dollars. J'ai donc dû appliquer un processus d'établissement des priorités. À Centraide, nous avons constaté que quelques grands thèmes se dégagent de ce processus de demandes qui vient de se terminer il y a quelques semaines à peine.
D'abord et avant tout, il existe un grand nombre de réseaux collaboratifs. Les gens travaillent ensemble sur le terrain et beaucoup le font grâce au financement du CTCA. Cependant, le travail est inégal. Il faut visiter chaque voisin pour décrocher la timbale ou ressortir bredouille. Nous devons édifier l'infrastructure sociale de notre collectivité.
Deuxièmement, nous avons découvert qu'à l'heure où nous investissons, aux côtés d'autres, certains ont pris le contre-pied par rapport à nous: ils augmentent les frais exigés pour les loisirs et d'autres imposent des loyers pour les programmes. Nous ne pourrons pas gagner ainsi. On dirait que nous n'arrivons pas à progresser.
Je devrais, je crois, vous parler de ce qu'il faut faire pour que tout cela fonctionne.
Nous avons aussi appris que la pauvreté est un problème prédominant. Trente-six pour cent de la population à Toronto vit dans la pauvreté, une pauvreté synonyme de stress pour les familles. Nous avons aussi appris que les nouveaux arrivants subissent un stress énorme. Ce n'est pas uniquement une question de revenu, car ces gens-là doivent aussi composer avec des problèmes d'installation.
Je conclurai en vous disant que nous avons besoin d'une politique, surtout d'une politique nationale, dans ce domaine et qu'il nous faut augmenter les niveaux d'investissement public et privé. Je pense que les gens sont prêts à le faire. Nous devons le faire à partir de nos thèmes de partenariat. On ne peut s'attendre à de grands résultats sur le plan de la capacité d'apprentissage des enfants si l'on n'investit pas d'abord; comme on dit: aide-toi et le ciel t'aidera.
Le président: Merci beaucoup, Cynthia. Je vais demander maintenant à Connie Laurin Bowie de s'approcher du micro 19, ainsi qu'à Lil Krstic.
Mme Lil Krstic (vice-présidente, Telephone Pioneers): Merci beaucoup de m'avoir invitée à prendre la parole devant vous aujourd'hui. Je suis vice-présidente d'une très grande organisation communautaire appelée Telephone Pioneers. Notre organisation compte environ 800 000 bénévoles partout au Canada, aux États-Unis et au Mexique, dont 85 000 ici au Canada. Nous nous intéressons particulièrement à l'éducation et, jusqu'à récemment, nous nous intéressions à l'enseignement du niveau intermédiaire au niveau supérieur, nous aidions les élèves à se préparer et, de concert avec les enseignants et les écoles, nous leur apportions les compétences dont ils auront besoin pour réussir dans une économie et une société en pleine transformation.
Il a beaucoup été question ici de recherche de fonds, de partenariat, de participation communautaire et de participation des familles, et c'est un peu de tout cela que je vais vous reparler. Je vais vous donner un exemple concret, celui d'une initiative à laquelle nous participons et qui nous permet de regrouper un grand nombre de ces éléments et, je pense, de mieux préparer les enfants à l'école et de les outiller pour qu'ils réussissent.
Je vais m'attarder sur trois domaines en particulier—le bien-être émotif, l'approche positive à l'apprentissage et les nouvelles expériences, ainsi que la connaissance et la confiance au niveau social—trois domaines qui, d'après les spécialistes qui m'ont précédée, sont les objectifs en matière de capacité d'apprentissage.
Je vais donc vous parler d'un programme appelé «I Like Me». C'est une initiative que nous avons entreprise en partenariat avec une autre organisation, le Kindergarteners Count, qui bénéficie de l'appui de spécialistes comme le Dr Don Demoulin, de l'Université du Tennessee, spécialiste de l'éducation et du concept de soi chez l'enfant, ainsi que Geoff Deane, président de la Canadian Principals Association. Ce programme vise en fait à développer le concept de soi chez les élèves de prématernelle, celui-ci étant dérivé de deux approches: l'estime de soi, c'est-à-dire la façon dont les élèves se sentent vis-à-vis d'eux-mêmes et l'autoefficacité, c'est-à-dire l'impression que les élèves ont de ce qu'ils font et de l'effet de cette prise de conscience sur leur approche à différentes tâches, comme l'apprentissage ou de nouvelles expériences.
L'élément fondamental de ce programme est un livre personnalisé, c'est-à-dire un livre rédigé individuellement pour chaque enfant. On retrouve plus de 20 références dans ce genre d'ouvrage, du nom de l'enfant à celui de son école, en passant par le nom de ses enseignants, de son directeur, des membres de sa famille et de ses amis. Donc, au coeur de cette initiative, on retrouve cet ouvrage personnalisé. L'objectif du programme est d'améliorer le concept de soi chez l'enfant et de l'aider à s'ouvrir à de nouvelles expériences d'apprentissage et à acquérir très tôt l'amour de la lecture.
De plus, cet ouvrage nous permet de réaliser un certain nombre de choses dont il a déjà été question ici: il améliore, chez l'enfant, la compréhension et le rappel de mémoire; il permet de communiquer des messages de tolérance et de sexospécificité; il illustre la diversité culturelle et l'inclusion des gens atteints d'incapacité; il favorise l'interaction enfant-enseignant-parent; il encourage le partenariat collectivité-entreprise et école. C'est un programme inclusif qui a pour objet de rassembler plusieurs dimensions différentes de la société.
Nous avions l'impression que, quand nous intervenions à des niveaux scolaires supérieurs, nous ne prenions pas les élèves assez jeunes. C'est du moins ce que notre expérience nous a permis de constater. Nous voulions véritablement axer notre action beaucoup plus tôt dans l'expérience d'apprentissage de l'enfant. Pour illustrer cette nécessité, le Dr Demoulin nous a dit qu'une de ses recherches l'avait amené à conclure que si l'on ne s'occupe pas très tôt de ce concept de soi, celui-ci commence à disparaître dès le début de la deuxième année. Nous n'avons lancé ce programme qu'il y a un an, à titre d'essai, mais les résultats préliminaires que nous avons recueillis—nous avons effectué une étude sur 1 000 élèves ayant suivi le programme, dans des collectivités rurales et dans des collectivités urbaines—, semblent indiquer que la notion de concept de soi a augmenté de près de 70 p. 100 chez la plupart des élèves de la prématernelle.
• 1155
En outre, les enseignants ont parlé d'une amélioration de la
participation des parents et de la relation foyer-école, ainsi
que d'une réduction de 40 p. 100 dans les programmes de gestion
du comportement. Voilà donc un programme fort simple et très
économique qui donne des résultats. Il y a donc beaucoup
d'initiatives que nous pourrions entreprendre de la sorte, pour
progresser sur ce plan.
Pour conclure je vous rappellerai ce qu'un sage m'a dit un jour: il est plus facile de construire un enfant que de réparer un adulte.
Je félicite votre comité pour le travail qu'il effectue. Merci.
Le président: Merci beaucoup, Lil.
Nous allons maintenant entendre Connie Laurin Bowie de l'Association canadienne pour l'intégration communautaire; j'aimerais que Dawn Walker de l'Institut canadien de la santé infantile s'avance, il sera suivi d'Armand Brun et de Cathy Brophy, puis de Bruce Ryan.
Mme Connie Laurin Bowie (Coordinator Government Liaison, Association canadienne pour l'intégration communautaire): Merci, monsieur le président. Je m'appelle Connie Laurin Bowie et je représente l'Association canadienne pour l'intégration communautaire. Notre association compte douze associations provinciales et territoriales et nous travaillons avec et pour des gens étiquetés d'handicapés mentaux.
Ce matin, j'ai balancé entre optimisme et scepticisme, avec une pointe vers l'inquiétude. Je ne savais pas vraiment où cela nous conduirait. Je crois que je ne m'en suis vraiment rendu compte que tout à l'heure, quand quelqu'un a parlé du programme national pour enfants. La lumière s'est alors allumée et je me suis dit que nous parlions vraiment d'un programme national. Cela m'a inspiré quelques remarques.
J'ai été heureuse—et j'apprécie ce qu'ont dit le Dr Hope Irwin et Martha Friendly, de même que Sandy Berg au sujet du handicap.
Des années et des années d'expérience nous ont appris, à nous-mêmes comme à ce comité et aux autres personnes ayant participé à d'autres tribunes, que c'est à la façon dont on définit le problème qu'on détermine qui sera admis à en parler et ce qui se fera. S'agissant, par exemple, de la question du handicap, on sait que si on la laisse de côté pour l'instant pour en traiter plus tard, le système qu'on bâtira ne sera pas inclusif, peu importe les intentions du début. J'aimerais m'arrêter un peu sur cela, sur la façon dont le gouvernement fédéral définit le handicap, après quoi nous parlerons plus particulièrement des enfants.
Étant donné qu'on s'est concentré sur l'emploi, à l'échelon national, nous savons que tout cela a donné des politiques très censées et, s'agissant d'inclusion, on pourrait affirmer qu'il faut offrir un emploi pour tout le monde. Cependant, quand on en vient au stade de la réalisation et de la formulation des politiques, un grand nombre de personnes se retrouvent sur la touche avant même que le programme soit élaboré, surtout les personnes handicapées et plus encore les personnes handicapées mentales.
Il y a une analogie directe à faire avec les enfants, surtout avec les enfants atteints d'un handicap. Il ne suffit pas de mettre sur pied un processus, il faut prévoir les appuis nécessaires pour favoriser la participation de ces enfants au processus.
Le comité illustre tout à fait la façon dont nous avons intégré cela à notre système démocratique. Pour que des gens comparaissent devant ce comité et aient un certain impact, il leur faut a) se faire rembourser leurs frais de déplacement—et il est très généreux de votre part de l'avoir fait; et b) il faut que leur organisation soit appuyée dans la société civile et dans leur collectivité pour disposer d'une base de connaissances.
Ainsi, les personnes handicapées qui viennent témoigner à cette table apportent un point de vue individuel. Les enfants, les familles et les parents peuvent venir témoigner ici et apporter un point de vue individuel. Je pourrais vous raconter ma propre expérience avec mon bébé, mais ce ne serait pas la même chose que de venir vous dire... Tout cela est valable; je dois dire très clairement que cela est tout à fait valable. Je sais que c'est valable, mais je pense que la société a la capacité d'effectuer des analyses et de contribuer à la formulation des politiques auxquelles nous aurons décidé d'apporter notre appui.
Quant au handicap, je pense qu'il y a deux choses à souligner. D'abord, à l'échelon individuel, à celui de la famille et à celui de la collectivité, les enfants doivent se sentir appuyer pour aller à l'école. Donc, la capacité d'apprendre n'est pas uniquement liée à l'état de développement de l'enfant: elle dépend du type de soutien qu'on apporte à cet enfant pour qu'il puisse participer à l'enseignement scolaire. Il ne suffit pas de construire une école et de dire qu'un tel et un tel peuvent maintenant aller y suivre un enseignement; il nous faut bâtir des réseaux de soutien autour des enfants, des familles et des collectivités pour permettre à tout le monde de participer à la vie scolaire.
• 1200
En fait, je me trouve à dire exactement la même chose que
bien d'autres avant moi, mais je voulais le faire en y apportant
notre angle.
Deuxièmement, nous devons reconnaître—et c'est là un rôle que le gouvernement fédéral s'est engagé à jouer vis-à-vis du handicap et de la nécessité de prendre le handicap en compte à cette tribune—la dimension société civile et soutien à la société civile. Nous estimons que, pour rassembler des groupes comme vous l'avez fait aujourd'hui et pour donner à toutes les personnes qui sont venues témoigner la possibilité d'apporter une participation efficace, il faut apporter un appui à la collectivité et à la société civile en général pour que tous les Canadiens et toutes les Canadiennes puissent participer à ce genre de débat, y compris ceux et celles qui sont atteints d'un handicap.
Je félicite donc votre comité et s'il est vraiment question d'un programme national pour les enfants, alors j'en suis ravie.
Le président: Merci beaucoup, Connie.
Nous allons maintenant entendre Dawn Walker de l'Institut canadien de la santé infantile, après quoi nous passerons à Armand Brun ou à Joanne Roulston.
Mme Dawn Walker (directrice générale, Institut canadien de la santé infantile): Salut, je suis Dawn Walker. Je suis directrice générale de l'Institut canadien de la santé infantile, organisme national qui se consacre exclusivement à la promotion de la santé de tous les enfants et à la prévention de la maladie, des blessures et du handicap.
Je ne passerai pas trop de temps à appuyer ce que mes collèges et amis ont dit sur le sujet du développement neurologique. Il en a été amplement question; la théorie est bien étayée et nous en sommes convaincus en ce qui nous concerne.
Cela étant, nous sommes convaincus de la nécessité de bâtir une infrastructure complète et solide, dans nos quartiers, pour appuyer les familles qui doivent s'occuper de leurs jeunes enfants. Cela s'entend de programmes complets et de qualités de garde d'enfant ainsi que d'autres programmes de soutien des parents.
Cela étant, je préférerais cependant insister sur trois points dont j'ai entendu un peu parler et sur lesquels il convient de revenir, pour mémoire.
D'abord, le cerveau du jeune enfant ou celui du foetus en développement est très susceptible d'être atteint par des contaminants environnementaux. L'air que respire maman et bébé, l'eau qu'ils boivent et les autres substances comme l'alcool ont des effets sur le cerveau du bébé, des effets qui sont parfois irréversibles. S'il est question d'étudier un programme complet portant sur la capacité d'apprentissage, nous devons tenir compte des effets des contaminants environnementaux. Nous sommes très en retard par rapport à nos homologues américains et européens pour ce qui est d'établir un lien entre les facteurs environnementaux et la capacité d'apprentissage. Comme je n'ai pas beaucoup entendu parler de cela aujourd'hui, je voulais moi-même aborder le problème et le mettre en exergue.
Deuxièmement, nous devons prendre très au sérieux la nécessité d'effectuer un dépistage précoce dans les domaines du développement cognitif, de la parole, de l'ouïe et de la vue, parce que les dommages éventuels sur ces plans, eux aussi, sont irréversibles. Je ne comprends pas pourquoi on laisse des enfants sur des listes d'attente pendant des mois, voire des années, avant de les admettre en traitement quand on sait fort bien que les dommages qu'ils subissent seront irréversibles. Il faut donc se demander comment un enfant pourra être un jour en mesure d'apprendre alors qu'on ne le traite pas sur le plan physiologique, surtout quand on sait que s'il n'est pas traité il perdra cette capacité d'apprentissage. Je vous en prie, pensez à cela.
Troisièmement, toute stratégie portant sur la capacité d'apprendre doit prendre en compte les enfants ayant des besoins spéciaux, pour leur permettre, à eux aussi, de parvenir à leur plein potentiel et de ne pas être laissés de côté.
Voilà donc les trois points que je voulais aborder. Par ailleurs, je suis tout à fait d'accord avec ce qui s'est dit au sujet du développement de la prime enfance, du développement des neurones et de la nécessité de s'occuper des enfants, mais je tiens à rappeler les trois points que j'ai soulevés: les incidences environnementales, les enfants ayant des besoins spéciaux et—de grâce—le dépistage dans le domaine des soins et des traitements.
Nous nous réjouissons de voir l'intérêt accru que suscite le développement des enfants dans plusieurs ministères et très certainement chez les parlementaires, et nous espérons bientôt voir des mesures concrètes prises sur ce plan.
Le président: Merci beaucoup, Dawn.
Nous accueillons maintenant Armand Brun qui sera suivi du Dr Cathy Brophy et du Dr Bruce Ryan. Commencez.
[Français]
M. Armand Brun (vice-président, Conseil national du bien-être social): Merci. Mesdames et messieurs, bonjour. Je m'appelle Armand Brun et je viens de Shédiac, au Nouveau-Brunswick. Je suis le vice-président du Conseil national du bien-être social et je suis accompagné ce matin de Joanne Roulston, agente de recherche du conseil.
Je tiens à remercier le comité de m'avoir invité à parler des enfants d'âge préscolaire et de la capacité d'apprendre. Voilà deux sujets qui intéressent le conseil et qui me tiennent particulièrement à coeur car, pendant des années, je me suis occupé des enfants et des jeunes comme enseignant et comme directeur d'école. Toutes les blessures et cicatrices ne sont pas qu'extérieures. Elles sont aussi intérieures. Je vais vous en donner un exemple.
Il y a 45 ans, j'ai commencé ma carrière dans l'enseignement. J'enseignais à 21 enfants de 14 à 19 ans en 8e année. Dimanche passé, en fouillant dans une boîte de photos, j'ai trouvé la photo de cette classe-là. Ce que j'ai vu en premier, ce ne sont pas ceux qui ont bien réussi, celui qui est un médecin dans l'Ouest canadien aujourd'hui, celui qui est juge ou ceux qui ont fait des carrières distinguées. Ce qui a surtout attiré mon attention, c'est ce garçon gêné en arrière de la classe qui s'est suicidé pendant ma première année d'enseignement. Je me suis toujours reproché, comme enseignant, de ne pas avoir su reconnaître les symptômes suicidaires de ce jeune homme.
Le Conseil du bien-être social est un organisme de citoyens qui a pour mandat de conseiller le ministre du Développement des ressources humaines sur les questions qui touchent la pauvreté. Il présente généralement ses conseils sous forme de rapports au ministre, qui sont également distribués gratuitement au grand public.
Si ma mémoire m'est fidèle, c'est Napoléon qui disait que l'éducation d'un enfant commence neuf mois avant sa naissance. Dans ce contexte, le conseil a fait des familles ayant des enfants un de ses dossiers prioritaires pour les prochaines années. L'an dernier, il a publié un rapport intitulé Parents en santé, bébés en santé, dans lequel il a fait plusieurs recommandations en vue de l'amélioration des programmes pour les enfants. Nous avons mis quelques exemplaires de ce rapport à la disposition des membres du comité. Nous travaillons actuellement à un deuxième rapport de cette série sur les enfants d'âge préscolaire, que nous prévoyons publier à l'automne.
À des fins de discussion, j'aimerais vous proposer ce matin trois recommandations concernant les programmes destinés aux jeunes enfants.
D'abord et avant tout, il faut que toutes les initiatives prises au bénéfice des enfants et des familles s'inscrivent dans une intervention globale et harmonisée.
Ces dernières années, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux ont mis en place de nombreux programmes à l'intention des enfants et des familles. Au palier fédéral, mentionnons le Programme d'action communautaire pour les enfants, le Programme canadien de nutrition prénatale, le Programme d'aide préscolaire aux autochtones, la Prestation fiscale canadienne pour enfants et ses mesures de réinvestissement et le Centre de prévention du crime, dont on vient d'annoncer le financement.
Nous sommes réunis ici pour discuter d'une nouvelle approche visant la petite enfance: le développement de la capacité d'apprendre. Pour la plupart, ces approches sont pleines de bon sens, et nous nous réjouissons que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, ainsi que votre comité en particulier, se préoccupent du bien-être des enfants. Toutefois, tant qu'on ne disposera pas d'une politique familiale nationale pour harmoniser tous ces programmes, on perdra beaucoup de temps et d'occasions.
En l'absence d'une telle politique, l'application de programmes comme la Prestation fiscale canadienne pour enfants va toujours se heurter à des obstacles. Cette prestation est censée encourager les parents bénéficiaires de l'aide sociale à chercher du travail. Or, tant qu'elle ne sera pas soutenue par des politiques d'emploi solides qui assurent un revenu décent aux travailleurs et à leurs familles et des politiques qui garantissent des services de garde d'enfants abordables et de qualité, la Prestation fiscale pour enfants pourra difficilement atteindre ses objectifs.
Le conseil estime que le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires devraient agir dans ce sens en suivant l'exemple du Québec. Dans cette province, les prestations pour enfants, les mesures fiscales, la réforme de l'aide sociale et les services de garde d'enfants ont été harmonisés dans le cadre d'une politique familiale globale. Au Québec, dans quelques années, tous les enfants d'âge préscolaire pourront fréquenter une garderie au coût de 5 $ par jour.
[Traduction]
Le président: Excusez-moi, mais il ne vous reste plus que 30 secondes.
M. Armand Brun: Très bien, j'ai deux autres choses à dire.
[Français]
et je ne les développerai pas.
• 1210
Le deuxième point que nous voudrions soulever porte sur
les programmes sociaux qui, aussi bons soient-ils, ne
peuvent pas remplacer la sécurité du revenu.
Le dernier point que nous voulions aborder porte sur les normes nationales pour les programmes sociaux.
Je vous remercie.
[Traduction]
Le président: Merci, M. Brun.
Je ne veux pas risquer de faire un horrible faux pas, mais je suppose que vous n'êtes pas le Dr Cathy Brophy. Nous allons d'abord entendre le Dr Cathy Brophy, puis le Dr Bruce Ryan, à moins que vous ayez décidé de changer l'ordre.
M. Bruce Ryan (professeur, Department of Family Relations and Applied Nutrition, Université de Guelph): Nous allons intervertir.
Le président: Très bien, allez-y.
M. Bruce Ryan: Je m'appelle Bruce Ryan et je suis de l'Université de Guelph.
En ma qualité de chercheur dans le domaine général de la capacité d'apprentissage et du développement scolaire, je trouve que la question sur laquelle se penche votre comité à présent est déterminante. Je tiens à relever au passage la constance remarquable des déclarations des personnes qui m'ont précédé. Le travail réalisé dans ce domaine est très clair, la science n'est plus en doute et je pense que nous avons articulé tout cela très bien.
Il y a cependant un aspect que je tiens à souligner et qui découle naturellement de ce que nous avons entendu aujourd'hui—je tiens à faire cette remarque parce que le comité va recommander des politiques—je veux parler de l'erreur que j'ai souvent constatée dans le domaine des politiques et qui tient au fait qu'on veut définir beaucoup trop nettement les contours d'un domaine, quand il ne devrait pas y en avoir à condition qu'on fasse un peu attention au côté scientifique des choses.
Aujourd'hui, nous avons à juste titre fait porter notre attention sur les années précédant l'entrée au primaire, mais il se trouve que les enfants ne sont pas comme des horloges. Une horloge bien faite indique la bonne heure pendant une centaine d'années. Les enfants ne sont pas comme cela. Ils représentent des systèmes biologiques et sociologiques vivants. Ils peuvent bien commencer dans la vie, mais d'un seul coup les choses peuvent mal tourner. Il est effectivement important de s'intéresser à eux dans les toutes premières années de leur vie, mais tout ne s'arrête pas à l'âge de six ans. S'agissant de formulation de politiques, nous nous devons de nous projeter dans l'avenir et d'établir un lien entre les premières années et ce qui se passe ensuite.
Il y a un peu plus d'une semaine, j'ai participé à une conférence à Halifax sur les soins aux enfants et aux adolescents et l'un des membres de votre comité était d'ailleurs conférencière invitée, je veux parler de Mme Bradshaw. Elle nous a prononcé un discours brillant et en a profité pour soulever deux ou trois points importants parmi d'autres. D'abord, elle nous a dit: «Venez à Ottawa, venez nous parler. Nous voulons entendre ce que vous avez à dire, nous sommes là pour cela». Elle a ajouté: «Ne venez pas nous soumettre des problèmes, nous connaissons déjà pas mal ce dont il est question. Proposez-nous des solutions».
Je crois pouvoir dire que nous avons entendu, pendant que nous étions assis dans ces chaises bon marché là-derrière, plusieurs bonnes solutions et j'espère que le comité en a pris bonne note. C'est pour enchaîner sur l'une de ces solutions que je passe maintenant le micro à ma collègue Cathleen Brophy.
Mme Cathleen Brophy (professeure, Department of Family Relations and Applied Nutrition, Université de Guelph): Bonjour, je m'appelle Cathleen Brophy. Je suis, mois aussi, professeure au Département de relations familiales et de nutrition appliquée à l'Université de Guelph, mais je suis également membre de l'unité de coordination de la recherche du projet «Better Beginnings, Better Futures»—Meilleur départ, meilleur avenir—, qui est une initiative de prévention au niveau primaire financée par le gouvernement de l'Ontario, par le biais des ministères de la Santé, de l'Éducation, de la Communauté et des Services sociaux.
Cela fait déjà quelque temps que ce projet a été mis sur pied dans huit villes de l'Ontario: Ottawa, Kingston, Cornwall, Sudbury, Guelph, Toronto, Etobicoke et Walpole Island. Toutes ces villes sont connues comme étant à risque. Elles en présentent du moins tous les indicateurs.
Le projet s'intéresse essentiellement aux familles ayant des enfants de zéro à huit ans. Dans certaines collectivités, nous nous intéressons aux familles ayant des enfants de zéro à quatre ans et, dans certaines autres, aux familles dont les enfants sont âgés de quatre à huit ans.
Tout cela semble très bien du point de vue de la recherche, mais j'ai appris—et je l'ai appris des collectivités et des familles—que dans la vie, les choses ne fonctionnent pas ainsi. On ne peut faire ainsi des répartitions aussi sèches par groupes d'âges. Les villes, dans leur sagesse, comme toujours, ont par ailleurs adopté des stratégies axées sur la famille totale et sur la collectivité complète. Donc, dans nos stratégies d'intervention nous avons également prévu des programmes pour les adolescents, des programmes pour les enfants d'âge scolaire et des programmes pour le groupe cible prévu dans l'étude originelle.
• 1215
Les objectifs du projet sont triples et ils rappellent tout
à fait ce que ma collègue Martha Friendly a déclaré plus tôt,
c'est-à-dire que nous devons nous intéresser au développement de
l'enfant pris dans sa globalité. Deuxièmement, nous devons
élaborer des systèmes de soutien pour que les familles puissent
élever leurs enfants. Enfin, nous devons élaborer des systèmes de
soutien pour les collectivités, afin que celles-ci puissent à
leur tour aider les familles. Voilà donc les trois objectifs de
nos projets.
Le projet «Better Beginnings, Better Futures» a fait l'objet d'un grand nombre de rapports et si vous voulez en avoir copie, je pourrais vous en faire remettre. Nous publierons notre rapport final, ou du moins l'un de nos rapports, en septembre 1999.
Nous avons tiré énormément de conclusions de nos projets, mais il y en a trois que je tiens à vous présenter et qui, je crois, reprennent en grande partie ce qui a déjà été dit aujourd'hui. Certains exemples que je vais vous citer sont ceux de Onword Willow, c'est-à-dire le projet de Guelph auquel je participe depuis le début. En fait, je trouve très drôle de me retrouver ici moi-même, sans être accompagnée d'un membre de cette collectivité, parce que c'est généralement ce que nous faisons. Nous demandons toujours à un membre de la collectivité d'être présent avec nous et, si vous me le permettez, je vais aujourd'hui parler au nom de ma collectivité.
Nous avons d'abord constaté que les familles et les collectivités doivent être plus actives dans l'élaboration des stratégies et des approches les concernant. Elles ont la sagesse et la connaissance nécessaire pour savoir ce qui fonctionne pour elles et ce dont elles ont besoin. Vous devez faire confiance à cette sagesse et à cette connaissance, et nous devons apprendre de tout cela. Les organismes de financement avaient simplement posé comme condition, pour la cohorte des jeunes, d'effectuer des visites à domicile, mais de cela a découlé toute une série d'autres programmes.
Par exemple, une puéricultrice dirigeant une garderie de jour à domicile voulait réserver une heure de lecture consacrée à la Mère L'Oie, parce qu'elle s'était rendu compte qu'un grand nombre d'enfants du village ne connaissaient pas ni les chansons ni les histoires de la Mère l'Oie.
Nous connaissons, dans notre cercle d'amis, des familles dont la langue maternelle est le Cantonais. Eh bien, ces gens-là n'avaient pas l'impression que l'actuel programme d'anglais langue seconde, offert dans la collectivité, répondait à leurs besoins et ils ont rencontré les responsables de la collectivité les samedis. Donc, nous pensons que les collectivités possèdent le savoir voulu, mais qu'elles ont besoin d'être appuyées dans plusieurs secteurs pour faire des progrès.
Enfin, les familles doivent pouvoir se prévaloir d'un ensemble d'options. Encore une fois, comme l'a dit Martha plus tôt, les familles, à différents stades de leur développement, ont besoin d'approches différentes destinées à répondre à des besoins variés. Il faut donc offrir des services de garde d'enfants aux familles qui en ont besoin et il faut aussi mettre sur pied des groupes de relève pour les mamans, une bibliothèque de prêt de jouets et un programme de halte-garderie, parce que les parents et les familles doivent pouvoir se prévaloir de toutes ces options à un moment ou à un autre.
Enfin, et je tiens à souligner ce dernier point: nous devons instaurer des liens entre les organismes et les fournisseurs de services. On s'arrête trop souvent aux problèmes de l'école, de la garderie, de la famille et des services à l'enfance. Dans notre village, nous avions un père célibataire qui se faisait régulièrement déranger par les représentants de sept organismes se présentant à tout de rôle pour lui apporter de l'aide, ce qui est vrai, mais ce qui était très confus pour lui parce qu'il ne savait pas ce qui se passait à l'époque.
Il nous faut vraiment établir des liens et intégrer les différentes formes d'appui apporté par les services concernés. Dans la collectivité, nous avons un conseil de gestion auquel siègent des représentants de l'organisme et des représentants du village. Nous avons entrepris des initiatives établissant un lien entre le programme de garderie locale et le programme d'alphabétisation de l'école. Les Services locaux aux enfants et à la famille ont mis sur pied une base locale, dans le village, après avoir déménagé d'un emplacement plus central, du moins en ce qui concerne la ville. Nous établissions des liens pour les familles afin que celles-ci puissent comprendre les différentes formes de soutien qui leur sont offertes à eux et à leurs familles, et qu'elles puissent y avoir accès.
Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup, madame Brophy.
Eh bien nous avons entendu tous ceux et celles que nous avions invités aujourd'hui, à l'exception d'une seule personne dont je vais retarder délibérément la comparution pendant quelques instants encore. Je voulais vous répéter, parce que je l'ai déjà dit, à quel point je vous ai tous et toutes trouvés disciplinés.
Le comité a entrepris cette démarche pour se faire une idée globale du problème, pour avoir la chance d'y réfléchir un peu pendant l'été. Quand nous reviendrons à l'automne, nous établirons un mandat de recherche pour ce comité et pour d'autres. Je prends note que la présidente du comité sur la santé est présente, et ce n'est pas le seul comité intéressé par ce sujet, puisque d'autres le sont aussi. Nous essayons de rassembler toutes les ressources, un peu dans le sens des besoins ressentis par les collectivités, comme vous l'avez signalé.
• 1220
Comme les membres du comité ont été très patients, je leur
accorderai à chacun un temps de parole pour nous faire part de
leurs commentaires. Comme nous sommes coincés par le temps, je ne
pourrai pas lancer la période de questions que nous tenons
habituellement quand nous avons un peu moins d'invités.
Je vais commencer par Christiane Gagnon, après quoi nous passerons d'un parti à l'autre. Je vous donne à chacun quatre minutes pour faire de brefs commentaires.
[Français]
Mme Christiane Gagnon: Quand on a ouvert le débat ce matin, je vous ai mentionné que le comité directeur n'avait pas été avisé qu'il devait donner la priorité à cette question.
[Traduction]
Le président: Madame Gagnon, si vous avez un problème de procédure, je vous invite à nous en parler à la conclusion de cette réunion ou à un autre moment, pour que nous puissions étudier ce sujet maintenant.
[Français]
Mme Christiane Gagnon: J'aimerais que les témoins puissent savoir que vous les avez induits en erreur. On n'a pas demandé d'accorder la priorité à cette question. Vous avez dit qu'un de nos collègues du Bloc avait assisté à la séance du comité directeur où on a discuté des priorités de travail du comité. On a mentionné dans une petite ligne et demie qu'on tiendrait une table de travail sur l'adaptation des enfants de 0 à 6 ans. On l'a mentionné comme ça, dans une conversation anodine au comité, et jamais il n'a été dit que nous allions en faire une priorité du comité. Il est important de préciser cela. En tant que membre du comité, je me sens flouée. Vous, un collègue du parti gouvernemental, probablement avec certains de vos collègues au sein de ce comité, avez décidé vous-même de fixer cette priorité alors que nous devions plutôt nous pencher sur l'assurance-emploi. D'ailleurs, je vais revenir à cette question, parce que j'ai des questions sur un des aspects qu'on a soulevés au sujet de la répartition de la richesse.
En tant que membre du comité, j'aurais aimé être avisée et pouvoir décider si le comité devait se donner comme priorité immédiate une table de concertation ou une table de travail sur l'adaptation scolaire des enfants de 0 à 6 ans. Ce n'est pas que la question ne m'intéresse pas, mais j'aurais bien aimé en être avisée et voir dans quelle perspective on a relégué aux oubliettes d'autres priorités.
Je tenais à préciser ces faits parce que ça m'a embarrassée. On a donné mauvaise figure de notre député du Bloc québécois qui a participé à ce comité. Je sais ce qui s'y est passé, puisque j'ai ici la transcription des délibérations. Monsieur le président, vous ne faites pas preuve d'une grande démocratie envers les membres de votre comité.
J'ai dit ce que j'avais à dire et je vais poser une question à Mme Gillian Doherty. Vous avez parlé des sources d'insécurité reliées aux revenus des parents et à la perte du travail et dit qu'elles avaient un impact sur les enfants. Je ne voudrais pas que vous disiez à ce comité qu'on devrait créer un programme ou une fondation semblable à la Fondation des bourses du millénaire, qui n'est pas adaptée aux réalités des provinces et du Québec. Les membres du comité semblent vouloir mettre en oeuvre des programmes et adopter des normes nationales qui ne conviennent pas à certaines provinces.
Ce qui relève de nous, au Comité permanent du développement des ressources humaines, c'est l'assurance-emploi, le Transfert social canadien et l'indexation des tables d'imposition. Je pense que le gouvernement libéral a en main tout ce qu'il faut pour corriger certaines iniquités et faire en sorte que le partage de la richesse soit de plus en plus équitable. Les dernières coupures ont été très dures pour une certaine couche de la population.
On a soulevé l'impact de la perte d'emploi sur les plus démunis, sur les enfants, sur les familles et sur la qualité d'une relation dans un couple. Vous avez parlé des sources d'insécurité, du revenu de la famille, de la répartition de la richesse et de l'insécurité d'emploi et dit que ces facteurs occasionnaient un stress chez les parents et que les enfants en souffraient souvent. Tels étaient vos propos.
Est-ce que le gouvernement pourrait intervenir dans ces trois ou quatre domaines en rétablissant, par exemple, le transfert social ou en accordant des sommes plus importantes aux secteurs de la santé et de l'éducation, ce qui aurait aussi un impact dans le quotidien des enfants? Selon vous, compte tenu de toutes les compressions budgétaires qu'a effectuées le gouvernement, est-ce qu'il devrait redonner ces sommes aux provinces avant de songer à créer d'autres programmes?
[Traduction]
Le président: Merci, madame Gagnon.
• 1225
Comme je l'ai dit, nous n'aurons pas le temps d'entendre vos
réponses, mais vous pourrez peut-être avoir des échanges à
l'extérieur de cette salle, plus tard.
Nous accueillons ensuite M. Dubé, puis je reviendrai à vous, Libby. Je reviendrai à vous aussi, messieurs du Parti réformiste, puis je passerai à l'autre côté.
[Français]
M. Jean Dubé (Madawaska—Restigouche, PC): J'aimerais tout d'abord féliciter ceux qui ont pris la parole ce matin. Les interventions que j'ai entendues ce matin sont très intéressantes pour moi en tant que jeune député et jeune père de famille. J'ai deux jeunes enfants dans le groupe d'âge dont on parle aujourd'hui, un de neuf mois et un de quatre ans. Donc, c'est très intéressant pour moi.
[Traduction]
Je retiens quelques points des présentations de ce matin. On a dit que les trois premières années de la vie d'un enfant sont essentielles à son développement. Je suis tout à fait d'accord. Pour permettre à un enfant de développer ses compétences de vie, nous devons nous concentrer davantage sur cela et y investir plus d'efforts.
Nous devons veiller à ce que les parents... D'après ce que j'ai entendu—et c'est ce qui a été dit tout au long de cette séance—il faut aussi que le milieu dans lequel évolue l'enfant soit positif. Il y a des régions du Canada où le milieu ne peut être positif, notamment à cause du chômage. Il a été question de la nécessité d'avoir un bon revenu. J'estime que nous devons nous concentrer sur ces régions et veiller à ce que les enfants soient correctement outillés et reçoivent un enseignement qui leur permettra de faire concurrence aux autres enfants du Canada.
Les parents doivent jouer un rôle plus important dans le développement de leurs enfants. Ils doivent savoir comment jouer ce rôle mais justement, dans bien des cas, ils ne le savent pas. Voilà ce que je retiens de ce qui a été dit ce matin. Les familles ont besoin de pouvoir passer de temps ensemble. Les deux parents travaillent et les enfants sont baladés d'un endroit à l'autre. Nous savons tous cela, aujourd'hui.
Les enfants ont besoin d'être bien encadrés. Cela a été dit je crois ce matin. Les enfants ont besoin de bons parents. C'est finalement ce qui est essentiel. Leur comportement à l'école et en société dépend de leur comportement à la maison. Nous devons accorder toute notre attention à cet aspect et si je me fie à ce qu'on nous a dit ce matin, il semble que nous soyons sur la bonne voie.
Nous évoluons très vite. Tout à l'heure, quelqu'un a dit que les enfants passent du jeu des casseroles au jeu des serpents et échelles, mais cela, c'était en 1962, quand je suis venu au monde. Aujourd'hui, ils passent directement du jeu des casseroles à l'ordinateur. Croyez-moi, les choses évoluent vite. Nous devons veiller à ce que les enfants d'aujourd'hui disposent des bons outils, ce qui est le cas pour certains mais pas pour d'autres.
J'espère que le ministre des Finances et le ministre des Ressources humaines et du développement liront ces comptes rendus et réagiront à ce que nous avons entendu ce matin.
Je suis fier d'être membre du Parti conservateur du Canada, le parti qui a donné naissance au programme Bon départ, au Nouveau-Brunswick. Cela a été réalisé grâce au travail fantastique de bénévoles, et je crois qu'à l'époque c'est Brenda Robertson qui était la ministre responsable. J'en suis très fier.
Il y a de nombreux programmes excellents. Je vous ai entretenu de celui-ci, parce que j'en ai entendu parler il y a quelque temps, mais je ne sais pas de qui.
Le président: Il vous reste 30 secondes.
M. Jean Dubé: J'y suis habitué, on me coupe tout le temps.
Il y a donc un grand nombre d'excellents programmes. Parfois, on ne sait pas exactement lequel est le meilleur ni quels programmes sont offerts. Il faudrait peut-être s'attarder à mettre sur pied un programme véritablement national. Voilà ce que j'ai retenu de tout cela.
[Français]
Nous avons sans aucun doute besoin de normes nationales. C'est mon dernier commentaire. Merci.
[Traduction]
Le président: Très bien, Jean Dubé. Merci. Les députés ne sont pas aussi disciplinés que nos témoins et ils ont appris à ne pas me regarder, ce qui me complique la tâche.
Libby.
Mme Libby Davies (Vancouver Est, NPD): Merci beaucoup, Reg.
Je m'appelle Libby Davies et je suis député du NPD, membre de ce comité. Je suis porte-parole de mon parti pour tout ce qui touche aux enfants, à la jeunesse, à l'enseignement postsecondaire et à la politique sociale.
Avant tout, je tiens à vous remercier vous tous et vous toutes pour les renseignements que vous nous avez donnés et les présentations que vous avez faites aujourd'hui. C'est absolument remarquable de constater l'accord qui règne entre vous, quant à la façon dont vous appréhendez le problème, les enjeux et les solutions.
Je ne peux m'empêcher d'établir une comparaison avec ce qui se passe dans ma circonscription, Vancouver Est. L'un des plus graves problèmes avec lesquels je suis aux prises concerne un quartier dans l'est de la ville. Là, nous risquons d'assister à une véritable épidémie d'infection au VIH, car on y trouve de nombreux drogués. Je n'ai pu m'empêcher de penser qu'un grand nombre de ces gens-là, que j'ai personnellement rencontrés, sont des toxicomanes marginalisés, qu'ils vivent en dehors de tout, littéralement dans la rue.
• 1230
Songez à tous les indicateurs qu'on nous a mentionnés
aujourd'hui et à tous les facteurs grâce auxquels la
collectivité, les familles et les enfants peuvent être sains.
Tous ces gens-là n'ont rien eu de tel. Nous voilà réuni ici,
aujourd'hui, en train de parler d'une crise absolue, d'une crise
qui nous coûte des millions de dollars, qui cause la mort de
beaucoup, qui se solde par des coûts sociaux énormes et qui a des
effets dévastateurs.
Je n'ai donc pas pu m'empêcher de faire cette comparaison, parce que si ces gens-là avaient pu bénéficier d'une intervention valable dans leur prime enfance, d'une intervention coordonnée à l'échelle nationale, nous ne serions peut-être pas aux prises avec des crises aussi profondes.
Une de nos témoins s'est demandée si elle devait se laisser aller à l'espoir ou au scepticisme. Je ressens un peu la même chose. Vous disposez d'une mine d'informations. J'estime en effet que nous savons ce qui se passe et pourtant le gouvernement n'agit pas. D'ailleurs, non seulement il ne réagit pas, mais en fait il fait machine arrière. Nous connaissons tous les statistiques relatives à la pauvreté et à l'inégalité croissantes.
Je me pose une question, mais ce n'est pas vraiment une question, c'est un défi qui nous est lancé à nous, membres du comité et surtout aux membres de la majorité. On a un peu entendu parler du programme national pour enfants. Quel titre merveilleux, mais qu'est-ce au juste? Où est-il ce programme? Où est-il le débat public le concernant? Existe-t-il une stratégie en matière de garde d'enfants qui en fasse partie? Est-ce que le logement en fait partie? Ce programme est-il animé par la communauté? Les provinces y participent-elles? Les collectivités locales y participent-elles?
Je pense que notre comité, s'il croit à ce que vous avez dit et s'il a compris que nous pouvons nous appuyer sur tout ce bagage de connaissances, se doit d'agir et de transformer en réalité le projet de programme national pour enfants. J'espère que ce comité assumera ce rôle et insistera pour que ce programme soit une priorité dans le prochain budget fédéral. C'est là un dossier qu'il faut soumettre à un débat public ouvert.
Malheureusement, ce n'est pas ce qui s'est passé jusqu'ici. Beaucoup se sont plaints à moi—et je ne suis pas la seule a avoir eu vent de ces critiques—qu'il n'y a pas eu de véritable débat public sur le programme national pour enfants. Nous avons parmi nous le Dr Yelland, de Vancouver, qui a déjà proposé un modèle tout fait. Tout le monde travaille, dans toutes les provinces et les territoires. Nous savons ce qu'il faut faire, mais où sont les ressources pour le faire? Tout cela est très frustrant. Certes, il y a de l'espoir, mais les choses sont frustrantes.
Je vous remercie de vous être déplacés et j'espère que vous contrôlerez ce que nous faisons, parce que c'est le phénomène de reddition de compte qui fera la différence entre un petit programme national pour enfants, douillet, au titre agréable, et une véritable politique publique assortie de toutes les ressources et d'un leadership sur le plan politique, seule façon d'améliorer la santé et le bien-être de tous les enfants dont nous avons parlé aujourd'hui. Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup, Libby. Vous voulez qu'on prévoit ça au budget? C'est une idée nouvelle.
Monsieur Lowther?
M. Eric Lowther (Calgary Centre, Réf.): Oui.
Le président: Merci. Je suis heureux de vous accueillir, vous voyez maintenant ce que nous subissons.
M. Eric Lowther: Merci. J'apprécie de me retrouver parmi vous. J'ai trouvé que la recherche du Dr Mustard était très approfondie et je dirais qu'elle aura des répercussions importantes dans l'avenir. Je dois dire que je suis aussi très encouragé de voir le nombre de personnes présentes.
Je dirais que le thème commun de toutes vos interventions est l'avenir de notre pays qui préoccupe les Canadiens et les Canadiennes passionnés que nous sommes. Il n'est pas nécessaire de penser beaucoup pour savoir que l'avenir du pays réside dans nos jeunes, dans nos enfants et dans les familles.
Il est important de remarquer au passage—et il en a été question à quelques reprises—qu'il faut reconnaître le type de pression qui s'exerce sur nous tous à l'ère dans laquelle nous vivons. Nous sommes à l'ère de l'information, à l'ère de la technologie, en une époque de changements de normes pour la société, pour la famille et pour les enfants. Même cette institution est soumise à des pressions. Nous devons intégrer tout cela dans nos débats et ne pas feindre de passer outre pour nous en tenir au vieux paradigme. Nous devons saisir les occasions au passage.
Par ailleurs, je dirais qu'il est important d'évaluer le nombre de familles et d'enfants qui ont des problèmes et de veiller à ce que nous puissions nous appuyer sur des données valables. J'ai entendu quelqu'un parler de 15 p. 100 aujourd'hui. Je ne connais pas les chiffres. Parfois, on peut avoir l'impression que le ciel va nous tomber sur la tête, mais un grand nombre de Canadiens et de Canadiennes font un excellent travail au sein de leurs familles, en qualité de parents. Nous ne devons pas perdre de vue qu'il s'agit-là d'une ressource à laquelle nous pourrons faire appel.
J'ai entendu plusieurs bonnes choses, ici aujourd'hui, plusieurs bonnes nouvelles pour ceux et celles qui ont de la difficulté et qui luttent. À l'occasion, j'ai réagi à ce que vous avez dit, j'ai instinctivement réagi à cause de mes préjugés et je n'ai pas aimé ce que j'ai entendu. Mais plus vous parliez et plus j'appréciais ce que vous disiez.
J'en conclu qu'en se mettant vraiment à l'écoute les uns des autres, on se rend compte que nous ne sommes pas aussi éloignés qu'on pourrait le penser sur certaines questions. Il est possible de s'entendre.
• 1235
Cependant, nous devons veiller, pour ceux et celles qui sont
aux prises avec des difficultés, à ce que les programmes offerts
aux familles et aux enfants ne soient pas cloisonnés. En un sens,
cela constitue presque une forme de violence familiale, parce que
les gens sont renvoyés d'une institution à l'autre, sous prétexte
que tel ou tel service ne s'occupe pas de ceci ou de cela. De
peine et de misère, on arrive à faire un dixième de ce qu'il faut
faire et l'on n'arrête pas de courir. D'ailleurs, le juge Gove et
moi-même en parlions il y a quelques minutes.
Pour conclure, je dirais que j'aime les programmes comme Bon départ, qui sont tout à fait sensés. Mais n'importe quel programme doit être évalué par une tierce partie, indépendante, pour s'assurer que le service est bien dispensé aux enfants et aux familles ainsi qu'aux parents qui en ont besoin, parce qu'il est très facile de gaspiller toutes nos ressources financières dans l'infrastructure administrative, ce qui risque d'être le cas en l'absence d'une telle évaluation par une tierce partie veillant à ce qu'on respecte les objectifs et obligeant à un changement dans le cas contraire, plutôt que de créer de nouvelles infrastructures.
Voilà ce que j'avais à dire. Je vous remercie toutes et tous d'être venus ici; personnellement je dirais que c'est un signe très encourageant.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Lowther. J'ai heureux de vous voir aujourd'hui.
Nous allons entendre d'autres députés, parce que nous avons invité les membres d'autres comités de la Chambre étant donné le caractère quasi-universel de ce dossier. Mme Beth Phinney est présidente du Comité permanent de la santé, de la Chambre des communes.
Beth, voulez-vous faire une remarque?
Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président. Veuillez m'excuser de ne pas m'être présentée au début de la réunion pour entendre les exposés, mais nous avons tenu une séance de comité ce matin, parce que nous n'aurons pas d'autres rencontres avant quelque temps.
Je tiens à féliciter John Godfrey d'avoir fait preuve d'initiative en réunissant cette table ronde aujourd'hui. Le fait que nous nous retrouvions tous ici montre bien que le gouvernement est conscient des besoins qui existent et des préoccupations des uns et des autres, et c'est peut-être là le début d'une action que d'aucuns réclamaient tout à l'heure en se plaignant de l'inaction. Eh bien, nous sommes ici aujourd'hui pour agir.
Je vous remercie tous et toutes de vous être déplacés. Nous devons certes appréhender ce dossier sur un plan intellectuel, mais il nous faut aussi entendre ce que les gens de la base, ceux et celles qui travaillent sur le terrain, ont à dire.
Bien que je n'aie pas beaucoup de temps pour parler, vous constaterez que vos commentaires seront étudiés et vous serez peut-être même rappelés plus tard pour revenir devant le comité. Il arrive que certains témoins se disent, après avoir comparu devant un comité, qu'ils ont fait tout ce chemin pour venir à Ottawa et qu'ils n'ont eu que deux minutes de parole. Eh bien, sachez que vous serez probablement rappelés plus tard.
Par ailleurs, si vous avez d'autres documents à présenter ou si vous connaissez quelqu'un appartenant à un nouveau groupe et que nous devrions écouter, je vous en prie, faites-nous le savoir.
Encore une fois, merci à toutes et à tous d'être venus.
Le président: Merci, Beth.
Nous allons maintenant entendre la sénatrice Pearson qui veut dire quelques mots.
La sénatrice Landon Pearson (Ontario, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président de m'avoir donné le privilège de m'asseoir à cette table et d'entendre un grand nombre de personnes dont certains sont de vieux amis et des connaissances, ainsi que d'autres que je viens d'entendre pour la première fois. J'ai trouvé cette matinée fort intéressante et fort stimulante.
Je voudrais faire une toute petite remarque, qui découle de ce qu'ont dit Martha Friendly et Clara Will. Martha a parlé de l'enfant en tant que citoyen—c'était vous, Martha?—et Clara a parlé de la Convention relative aux droits de l'enfant.
Beaucoup d'entre vous le savent, c'est précisément cela qui, selon moi, devrait servir de cadre à notre entreprise. La Convention relative aux droits de l'enfant, que nous avons ratifiée avec 190 autres pays, traite l'enfant en tant que personne et c'est bien de cela dont il est question: nous sommes responsables de ces jeunes personnes.
Le président: Merci, sénateur Pearson.
Carolyn, voulez-vous faire une remarque?
Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Je tiens à remercier tout le monde. Je vous présente mes excuses d'être arrivée un peu tard, mais il se trouve que je suis également membre du Comité de la santé et du Comité sur le développement des ressources humaines—d'ailleurs, je suis tellement optimiste que je suis allée m'asseoir avec les gens de l'Opposition, avant de revenir du côté du gouvernement.
Nous avons tous l'impression de disposer des données nécessaires, d'avoir suffisamment étudié tout ce dossier et qu'il faut maintenant appliquer une approche coordonnée pour passer à l'action. Tant que nous nous appuierons sur des données d'évaluation valables, tant que nous évaluerons l'ensemble des problèmes au fur et à mesure, pour savoir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, nous ne courrons pas de risques. Nous n'avons plus qu'à agir.
Cependant, je ne veux pas qu'on prélève les frais d'études et d'évaluation sur les budgets de prestation de programmes, et j'estime qu'il faut assurer le coût du côté des études scientifiques et de la prestation des programmes et que ces deux volets relèvent du gouvernement.
Le président: Merci, Carolyn.
• 1240
Je vais céder la parole à Mme Claudette Bradshaw, mais avant
cela, je vais mettre Mme Suzanne Peters, du Canadian Policy
Research Networks, sur le pied d'alerte et l'inviter à
s'approcher du micro.
Claudette.
[Français]
Mme Claudette Bradshaw (Moncton, Lib.): J'aimerais moi aussi vous remercier d'être venus. J'ai parlé à Mme Gagnon tout à l'heure et je crois qu'il est important que vous soyez ici aujourd'hui et comparaissiez devant le Comité du développement des ressources humaines. Un de nos mandats consiste à nous assurer que les sommes qu'on débourse pour les prestations d'assurance-emploi à l'intention de nos jeunes servent à leur apprentissage et les aident à trouver de l'emploi. Comme le démontrent les statistiques, un de nos gros problèmes est le fait que de nombreux jeunes sont à risque. Que fait-on pour les aider?
Chaque fois qu'un témoin vient comparaître devant le comité, je lui demande si, dans le cadre de ses recherches et de ses études, il s'est penché sur le type d'apprentissage et d'emploi qui conviendrait à nos jeunes à risque. Je dois vous dire qu'après un an, il n'y a toujours aucun attaché de recherche ou témoin qui a été capable de nous répondre qu'il a étudié les jeunes à risque et analysé ce dont ils ont besoin pour se décrocher un emploi. J'estime donc important que le comité procède aujourd'hui à cette étude en vue de nous préparer à notre travail de l'année prochaine.
Hier soir, j'ai regardé la juge Ruffo à la télé. Elle disait qu'on n'offrait pas de services à l'intention de l'enfant à risque. On a réduit considérablement nos services communautaires. On pouvait voir la frustration de la juge Ruffo.
[Traduction]
Je trouve dès lors important que vous soyez ici aujourd'hui, parce que si nous voulons vraiment nous occuper de la jeunesse à risque, nous devrons offrir les services communautaires destinés aux enfants à risque.
Combien de nos jeunes sont atteints du syndrome de Lemoine et Jones ou EFA-SAF...? D'après les statistiques, nous savons que les adolescents qui ne parviennent pas à terminer leur 12e année auront des problèmes d'emploi. En revanche, plus ils seront instruits et plus ils auront de possibilités d'emploi.
Mais je veux que nous parlions de l'EFA-SAF, parce que j'ai posé des questions à ce sujet à d'autres témoins et je leur ai demandé de me décrire le genre d'emploi que ces enfants recherchent; de me dire le genre d'emploi que les adultes atteints du syndrome de Lemoine et Jones recherchent. Comme vous le voyez, je vais passer ma carrière politique à défendre la cause de ces personnes atteintes de l'EFA-SAF, ce qui pourrait durer longtemps, si les gens veulent bien de moi.
Il y a beaucoup de travail à faire. Le Conseil de prévention du crime—et je ne dis pas cela parce que j'y ai siégé—a fait beaucoup de travail, mais jusqu'où les 32 millions de dollars vont-ils nous amener? Jusqu'où tout cela va-t-il nous amener?
Nous avons besoin—et j'ai trouvé intéressant d'entendre ce que vous êtes venus dire aujourd'hui—de programmes d'infrastructure communautaire. Mais existe-t-il un financement pour cela? Nous avons dépensé 46 milliards de dollars sur le crime. J'essaie d'imaginer combien nous avons dépensé sur la pauvreté et je pense que c'est 100 milliards de dollars, échelon provincial et échelon fédéral confondus. A-t-on prévu un financement pour la prévention? Bien sûr, mais où va-t-il?
Quelle est la priorité des politiciens? Pour répondre à M. Lowther, je dirais que si vous bâtissez des infrastructures communautaires, vous allez effectivement créer des emplois à l'échelon local. Vous allez donner une certaine autonomie aux gens de votre coin. Eh bien, je puis vous garantir, moi qui ai passé 30 ans dans des organismes sans but lucratif, qu'on a toujours affaire aux conseils d'administration. Qui sont ces gens-là? Ce sont les hommes d'affaires et les banquiers du coin. Ils s'occupent du financement et Dieu vous garde si vous êtes vérifiés.
En revanche, nous n'avons pas... Quand j'ai rencontré l'Alliance de Sparrow Lake, j'ai dit à ces gens-là que je ne veux plus de livres sur l'enfance maltraitée, je ne voulais plus de livres sur l'enfance à risque, parce que je pourrais déjà remplir tous les ascenseurs de la colline avec ceux que j'ai. Personne n'a fait l'objet d'autant de recherches que mon enfant. Maintenant, je veux de l'argent. C'est cela que j'ai dit aux gens de l'Alliance de Sparrow Lake quand ils sont venus me rencontrer, et c'est aussi ce qu'affirme Libby. Venez nous rencontrer! Venez vous renseigner sur nos programmes communautaires pour vous assurer que nous sommes efficaces, pour être certains que nous arrivons à de bons résultats. Venez nous rencontrer maintenant—pas uniquement pour nous donner un peu d'argent, mais pour venir échanger avec nous et nous donner un coup de main.
Si nous pouvions faire cela, si nous pouvions réunir ces deux groupes, d'ici l'an 2020 nous serions le premier pays du monde à fermer nos prisons et nos services psychiatriques. Cependant, nous devrons travailler ensemble et sachez que votre argent sera bien dépensé.
Le président: Merci, Claudette. Je suis sûr que vous avez pincé une corde sensible.
Je donne maintenant la parole à ma vice-présidente, Bonnie Brown.
Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.): Je ne peux m'empêcher d'être très impressionnée par toute la sagesse collective qui m'a été donné de constater aujourd'hui dans cette pièce. Les vibrations sont remplies de bonne volonté, ce qui est très bien pour les parlementaires que nous sommes. Nous écoutons tellement de gens venir se plaindre tout le temps.
Quelqu'un a posé la question, et à juste titre: y aura-t-il quelque chose d'autre ou tout va-t-il s'arrêter là? Eh bien, tout d'abord, je tiens à souligner que la tenue de cet événement témoigne du fait que le gouvernement a réussi à équilibrer son budget et qu'il est maintenant prêt à examiner les options que vous avez proposées pour voir ce qu'il va faire des excédents qu'il a su dégager. Avant cela—comme vous le savez, vous qui avez subi la chose—, nous avons connu réductions sur réductions. Nous en sommes maintenant au point où nous pouvons souffler un peu et nous demander ce que nous allons faire ensuite. Je dois en accorder le crédit à notre ministre des Finances et à notre Premier ministre, parce que la situation actuelle est un véritable luxe pour nous et pour vous également, j'en suis sûre.
Va-t-il se passer quelque chose? Comme on vous l'a dit, oui, si nous parvenons à obtenir les ressources nécessaires. Les parlementaires ici présents, et ceux qui n'ont pu venir à ce rendez-vous, constituent le groupe de pression de la colline qui ira chercher les ressources nécessaires pour que certains de vos plans deviennent réalité. Cependant, les politiques ne peuvent débloquer ce genre de ressources que si le public est derrière eux. Je vais donc essayer de vous mobiliser pour que vous nous aidiez. Plus vous interviendrez en public, plus vous émettrez de communiqués de presse pour exposer vos idées et la nécessité de faire en sorte que ce pays soit le meilleur pays du monde au 21e siècle, et plus il nous sera facile de promouvoir ce programme et d'essayer d'obtenir les fonds que nous pourrons alors vous redistribuer.
Je vous demande donc d'aller rencontrer le public et de lui expliquer ce que vous faites. Ne restez pas en retrait. Il y a lieu de rappeler régulièrement ce qu'il faut aux enfants en besoin. La plupart d'entre vous n'avez certainement pas les ressources nécessaires sur le plan des relations publiques, mais peut-être pourriez-vous demander à un de vos bénévoles de s'en charger ou du moins de s'en occuper un peu pour vous, parce que nous aurons besoin d'un vaste effort médiatique si nous voulons pouvoir obtenir les ressources dont nous avons besoin et faire ce que vous voulez faire.
Il y a un autre trait de sagesse qui m'a touchée, monsieur le président. Je suis ravie d'avoir été témoin de toute cette bonne volonté et d'avoir entendu parler de tous ces merveilleux plans et programmes qui existent déjà, mais comme la si bien dit un médecin de Guelph, nous aurions tort de penser que nous pouvons sauver tout le monde et que nous pouvons faire en sorte que tout le monde ait une vie parfaite. Par exemple, tout peut très bien se passer pour un enfant entre le naissance et l'âge de huit ans, mais quand il arrive à l'adolescence, il peut subir le contrecoup du divorce de ses parents et de bien d'autres choses, ou être exposé à la drogue, comme Libby le disait. Il nous faut donc être réaliste. Ainsi, nous pourrons faire progresser notre programme dans le sens d'une situation parfaite pour les enfants canadiens, sans risquer d'être rattrapés par les réalités, comme cela arrive parfois. Je remercie le médecin de Guelph d'être venu apporter cette touche de réalité à tout ce débat.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, Bonnie.
Nous allons maintenant entendre Suzanne Peters à qui il revient la mission enviable, mais certains diront effrayante, de nous présenter le dernier exposé, après quoi je réserverai quelques minutes pour mon éminent collègue John Godfrey.
Mme Suzanne Peters (Family Network of the Canadian Policy Research Networks): Merci.
Je dois d'abord avouer que j'ai généralement tendance, à ce point du débat, d'affirmer que tout a été dit. Le résumé des honorables députés, tous partis confondus, montre à quel point les discussions d'aujourd'hui ont permis de formuler un argument convaincant et de créer une dynamique autour de tout ce dossier. Quoi qu'il en soit, comme on m'a demandé de réfléchir sur ce que j'ai entendu, non pas parce que j'ai toutes les réponses qu'il faut, mais peut-être parce que j'ai parfois tendance à poser des questions difficiles, je vais profiter de cette occasion pour revenir un peu sur ce qui s'est dit et d'essayer de dégager un fil directeur.
• 1250
Au moment où je prends la parole, j'éprouve une certaine
prudence optimiste qui, comme les autres personnes que nous avons
entendues aujourd'hui, ne tient pas uniquement à ce qui s'est dit
dans cette pièce, mais tient aussi au travail que nous effectuons
au Canadian Policy Research Networks pour déterminer ce que
devrait être une stratégie sociétale pour les enfants canadiens.
À l'occasion de ce travail, nous avons eu des réunions avec les
responsables de grandes sociétés et de syndicats, de même qu'avec
des organismes communautaires.
L'unisson qu'on a constaté ici aujourd'hui dans les thèmes et les préoccupations exprimés par les témoins experts et les responsables communautaires, sont les mêmes que ceux qu'on constate chez les citoyens ordinaires et aussi chez les responsables des divers secteurs d'activités de notre société. Je trouve cela très encourageant.
Malheureusement, en marge de cet optimisme, nous devons composer avec des casse-tête très complexes. Je me permettrai d'ailleurs d'attirer votre attention sur ces casse-tête à l'heure où nous allons commencer notre réflexion sur le programme national pour enfants.
L'un des véritables défis qui nous attend sera de comprendre la grande transformation qu'ont subi les familles. Le fait que nous avons modifié notre économie et notre société est un des grands sujets qui revient sans cesse. Nous parlons de société de l'information et de nouvelles technologies, mais nous ne réfléchissons pas autant que nous le devrions sur l'incidence que ces changements ont eus sur la famille. Il se pose, par exemple, le problème de l'emploi et la façon dont les familles organisent leur vie et leur temps autour de l'emploi. Ces répercussions se sont faites sentir sur le plan de la mobilité et de l'isolement des familles.
Nous avons maintenant au Canada plus de familles dont les deux parents travaillent à temps plein sur le marché du travail que n'importe quelle autre société moderne et industrialisée. C'est un fait. Nous devrons trouver des solutions d'un type différent. Je crois que nous ne pouvons plus tenir la famille pour acquise. C'est du moins ce que dit la collectivité. Si nous nous préoccupons des enfants, nous devons nous ranger à l'idée qu'il est nécessaire d'appréhender la famille d'une autre façon, la famille ne peut plus être résiduelle quand on pense à ce que nous faisons et à la façon dont nous utilisons nos ressources et l'argent du gouvernement. La famille doit être le point de départ de toute notre action.
La famille connaît les difficultés dont plusieurs ont parlé aujourd'hui et les enfants eux aussi sont aux prises avec ces difficultés. J'ai l'impression que nous commençons de plus en plus à vouloir intégrer toute la gamme des problèmes dont il a été question aujourd'hui. Les questions de l'adéquation des problèmes et de l'autosuffisance des familles—parce que les familles veulent être indépendantes et qu'elles veulent pouvoir élever leurs enfants de leur côté—sont les deux pivots sur lesquels nous devons articuler la société nouvelle.
Nous ne devons pas, non plus, perdre de vue, que les familles veulent pouvoir se débrouiller toutes seules, même si elles ont grand besoin d'informations et de compétences, même si elles sont isolées et qu'elles ont des problèmes de mobilité. Les familles ont besoin d'un soutien et de services qui ne soient pas compartimentés, et c'est là un aspect auquel nous devons penser dans tout ce contexte de grands changements. La famille n'est plus ce qu'elle était. Elle n'a peut-être jamais vraiment été ce que nous pensions qu'elle fut, mais les choses sont bien différentes aujourd'hui. La famille est une institution sociale en pleine évolution, en pleine émergence, qui est encore au coeur de notre société. C'est au coeur de la famille que l'enfant grandit et c'est à cela que nous devons penser dans le contexte global qui nous réunit ici.
Je veux parler aussi un peu de l'information fort convaincante qu'on nous a présentée ce matin à propos des connexions dans le cerveau et de la façon dont tout ce que nous apprenons de nouveau nous permet de trouver de nouvelles solutions.
Je vous invite à réfléchir sérieusement sur le sens de cette réalité. Nous avons acquis une meilleure compréhension de la façon dont nous évoluons dans le contexte de nos institutions sociales. Les communications du Dr Mustard et du Dr Keating, et d'autres, nous ont aidé à comprendre que nous savons maintenant certaines choses que nous ignorions dans le passé et ils nous ont donné la possibilité de trouver des solutions qui n'étaient pas à notre portée avant. Nous ne prendrons jamais assez sérieusement ce que signifie cette nouvelle compréhension. Nous devons y voir une responsabilité sociale, tout comme la responsabilité sociale que nous avons acceptée après nous être rendu compte qu'il était possible de régler les problèmes de santé de la population ou que l'éducation publique pouvait changer quelque chose à l'avenir de notre société.
Nous devons comprendre ces nouvelles données sur la transformation de la famille et sur la possibilité d'appréhender différemment le développement de l'enfant. Comme je le disais, il nous faudra beaucoup y réfléchir, mais j'ai l'impression que nous sommes en train de converger vers des réponses communes.
J'ai retenu un autre aspect des discussions d'aujourd'hui: il nous faut prendre très au sérieux l'incroyable mobilisation des collectivités à l'échelle du Canada. Tous les modèles, toutes les idées, tous les programmes qu'on nous a présentés aujourd'hui constituent une véritable vision. Je n'irai pas jusqu'à dire, comme Clara Will, qu'il s'agit-là d'une vision nationale.
• 1255
Ces représentants des collectivités que vous avez entendus
aujourd'hui font tout ce travail parce qu'ils sont des meneurs
naturels et parce qu'ils ont quelque chose à apporter dans le
contexte dans lequel ils vivent. Toutes les collectivités ne font
pas cela et toutes ne croient pas d'ailleurs que cela est
possible.
Personnellement, je suis entièrement convaincue de la possibilité que nous avons, à l'échelle nationale, d'échanger nos expériences entre collectivités, d'amener les autres à mieux comprendre les divers problèmes et de commencer à penser aux besoins de ressources des collectivités et comment l'on pourrait profiter de nos expériences mutuelles; nous devons y réfléchir et nous en servir pour progresser.
Nous devons également réfléchir aux problèmes de leadership à l'échelon provincial. J'ai beaucoup apprécié les remarques du représentant de l'Île-du-Prince-Édouard, mais il est certain que la Saskatchewan et le Québec ont aussi fait preuve de leadership dans le domaine des enfants. Nous devons commencer à réfléchir à ceux qui les ont fait et à commencer à nous inspirer de ces chefs de file.
L'un des problèmes auxquels nous allons être confrontés, je crois, à l'échelle nationale, est celui qu'on constate à l'échelon local, le problème de la continuité des programmes. Quand on entend dire qu'un service a tant de temps avant de disparaître, ou qu'un programme qui fonctionne est soudainement bouleversé, nous devons prendre la chose très au sérieux et nous devons nous dire qu'il s'agit d'un problème de leadership à l'échelle nationale.
S'agissant de leadership national à ce propos, je crois qu'il faudra continuer d'entretenir la boucle de la rétroaction, de favoriser l'apprentissage permanent et de tendre vers les meilleures connaissances possibles. Nous devons commencer à rappeler aux collectivités ce que sont les quatre ou cinq composantes de base qui permettront de changer les choses. On nous a préposé toute une palette de modèles. Nombre d'entre eux comportent des programmes semblables ou similaires. Il est possible de les améliorer. Les collectivités auront les moyens voulus pour ce faire, mais c'est grâce à une vision nationale que nous parviendrons à changer les choses.
L'un des éléments qui, selon moi, sera essentiel dans tout ce processus, sera l'engagement national à conduire des évaluations, des recherches et à émettre des fiches de notes, et à entretenir les boucles de rétroaction, pour que nous sachions et que les citoyens sachent que nous avons été responsables dans l'atteinte de ces résultats. C'est en mesurant ces résultats que nous parviendrons à faire du meilleur travail, à mieux répondre aux changements fondamentaux dont nous avons entendu parler aujourd'hui.
La question de la sensibilisation du public dont il a été question aujourd'hui, tant en ce qui concerne les parents que le groupe plus large des intervenants, l'intégration entre bibliothèques, chefs de police, les maires et hôtels de ville, sont des éléments essentiels pour faire progresser ce dossier. Côté argent, pour faire preuve de leadership sur ce front, il faudra absolument avoir recours à des partenariats entre organisations nationales, à tous les paliers de gouvernement, entre tous les secteurs et entre tous les ordres de gouvernements.
Nous apprécions beaucoup le genre de leadership dont vous avez fait preuve en nous invitant tous et toutes ici aujourd'hui. Je crois que cela nous donne à tous la possibilité de réfléchir davantage à ce problème et j'espère que nous aurons de nouveau l'occasion, dans l'avenir, d'échanger nos connaissances à ce sujet.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Comme nous approchons la fin de cette séance, je vais céder le micro à une personne qui a sans doute fait plus que n'importe qui d'autre ici pour permettre la tenue de cette réunion, j'ai cité John Godfrey.
M. John Godfrey: Merci beaucoup. Je tiens à vous remercier d'avoir invité tous ceux d'entre nous qui ne sont pas des membres réguliers de votre comité, de même que le personnel du Parlement qui a réussi le tour de force de nous réunir aujourd'hui.
Merci à vous tous et à vous toutes de vous être déplacés et d'avoir fait preuve d'autant de patience et de discipline. J'ai trouvé cette réunion à la fois stimulante et extraordinaire. J'y vois un énorme potentiel.
Cela étant, que va-t-on faire de tout cela?
D'abord, tout le monde a dit et répété, de Suzanne jusqu'au dernier, qu'il nous faut faire preuve de leadership à l'échelle nationale: on a entendu parler de politiques nationales, de programmes nationaux, de normes nationales, de perspectives nationales, de défis nationaux et de visions nationales. Un mot est revenu sans cesse: «national». Cela ne veut pas dire fédéral, cela veut bel et bien dire national. Autrement dit, nous devons tous nous atteler pour trouver une réponse à un défi sur lequel nous nous sommes entendus. Nous devons nous mobiliser autour de...
[Français]
ce qu'on appelle en français un projet de société,
[Traduction]
autour d'un projet national nous réunissant tous à propos d'un objectif commun.
Mais quel pourrait être cet objectif? Eh bien, je crois qu'on nous a donné quelques raisons convaincantes de croire qu'il serait absolument formidable que notre pays se donne un énoncé de mission autour d'un projet national, énoncé de mission qui prévoirait que tous les enfants, au moment de leur arrivée à l'école, seraient prêts à apprendre à tous points de vue; ce serait formidable parce que nous aurions fait ce qu'il fallait faire avant leur entrée à l'école. Les évaluations ne seront pas suffisantes pour cela, mais elles présentent l'avantage de pouvoir nous mobiliser.
Pourquoi devons-nous faire cela? On nous en a expliqué les raisons. Elles sont tout à fait convaincantes et irréfutables. Tout le monde est d'accord. Ces raisons ont été étayées et ont fait l'objet de recherche, elles ont fait l'objet de masses de dossiers, empilés dans les ascenseurs de la colline, et Claudette sait où ils sont.
• 1300
Le problème ne se situe pas là: nous devons tous pousser à
la roue, maintenant, sans tarder, pendant nos mandats politiques.
J'ai l'impression que tout ce que nous ferons sur ce chapitre...
Soit dit en passant, ce sont les politiciens que la sonnerie appelle, mais il nous reste 15 minutes et nous avons nos espadrilles de course.
Le premier élément stratégique à retenir pour profiter du programme national pour enfant est l'utilisation du critère de capacité d'apprentissage. Il faut lui concéder une formidable capacité de ralliement. Il sera formidablement utile pour les collectivités, d'après ce que nous avons entendu.
Nous savons également, toujours d'après ce qu'on nous a dit, que les défenseurs de l'évaluation, de la mesure, doivent traiter avec nous tous, et en fonction de chaque situation. Avant d'avaliser cela, nous devrons savoir si ça peut fonctionner pour les enfants atteints du syndrome de Lemoine et Jones. Nous devrons savoir comment cela fonctionnera pour les différents groupes de handicapés. Va-t-on se trouver, ainsi, à les habiliter? Cette façon de faire consistera-t-elle à les inclure? Cela répondra-t-il à leurs besoins particuliers, qu'allons-nous faire de tout cela?
C'est là un véritable défi sur le plan de la recherche, comme pour... il suffit de penser aux communautés autochtones et à tous les autres Canadiens qui évoluent dans cette société incroyablement riche et complexe. Voilà un défi pour les chargés d'évaluation et j'espère que cette dimension fera partie de la recherche. D'ailleurs, je sais que c'est le cas.
Deuxièmement, tout le monde s'est bien rendu compte qu'il existe d'énormes ressources. Nous pouvons nous appuyer sur de merveilleux cas types, sur des modèles et sur toutes sortes de documents de recherche, mais comment réaliser la synthèse de tout cela? Quel rôle le gouvernement fédéral va-t-il jouer pour contribuer à ce processus, sans pour autant empiéter sur les compétences ni sur les droits des provinces? Comment y parvenir? Quels instruments devra-t-on mettre en oeuvre pour qu'il n'y ait pas éclatement et que nous puissions vraiment échanger sur le plan des pratiques exemplaires? Cela se fera-t-il par Internet? Cela se fera-t-il par le biais de version étendue du CTCA? Nous ne le savons pas, mais nous savons que la mobilisation de la collectivité est un élément déterminant, tout comme le maillage des collectivités à l'échelle nationale.
Troisièmement, nous savons que ce que nous ferons pour ce groupe d'enfants, de la naissance à six ans, devra être fait pour tous les enfants. On ne peut simplement s'intéresser aux enfants à risque ou aux enfants pauvres. Nous devons agir pour tout le monde et cela découle d'une raison politique tout à fait valable. On comptera plus de gens ayant des enfants qui apporteront leur appui à ce projet, si nous les amenons à comprendre que nous agissons pour tous les enfants. Il faut que les gens parviennent à comprendre que ce genre d'intervention sera aussi universel que les visites par les infirmières de santé publique ou l'accès au système de soins de santé ou encore le système scolaire public. Il faut rechercher ce niveau de qualité. Il ne sera pas forcément nécessaire de mettre en oeuvre les mêmes ressources pour tous les enfants, mais nous devons au moins veiller à assurer ce genre de qualité. Sinon, nous allons perdre la bataille politiquement, et personne n'en retirera aucun avantage.
Cela étant posé, comment s'y prendre? Je suis convaincu que notre défi politique consiste, d'abord et avant tout, à réunir tous les morceaux ensembles, en fonction d'une sorte de plan de travail commun. Voilà pourquoi vous avez besoin d'une stratégie nationale, permettant de rassembler les provinces, les collectivités, les parents, les ONG, les chefs syndicaux, les grandes sociétés et les travailleurs sociaux... bref, tous l'éventail représenté ici.
Nous avons ce qu'il faut dans cette pièce pour y parvenir. Nous pourrions presque faire cela tout de suite. Nous pourrions presque arriver avec un plan d'attaque et nous répartir les tâches en nous disant: «Très bien, quelle est ta part à toi? Et toi, de quoi vas-tu t'occuper? Et eux, que vont-ils faire?» Il nous faudra nous livrer à cet exercice et nous intéresser à ce qu'il représente par rapport à la connaissance de base que nous possédons des besoins des enfants de la naissance à six ans, pour établir ce qu'il faut effectivement faire, en l'absence de toute concurrence, de façon holistique et intégrée.
Il est possible que le véhicule politique soit le programme national pour les enfants. C'est possible. Pour l'instant, c'est une coquille vide qu'il faut remplir, à laquelle il faut donner du contenu. Alors, remplissons-la. Il a été encourageant d'apprendre de la bouche du ministre de la Santé, Allan Rock, qui comparaissait devant un autre groupe ce matin—décidément, cette journée a été consacrée aux enfants—qu'il y aura une réunion des ministres responsables du programme national pour les enfants, le 18 juin. Ce sera une occasion en or, parce qu'ils vont produire un document de réflexion en août ou en septembre, qui conduira à d'autres réunions en octobre et en novembre, en vue du budget fédéral et des budgets provinciaux de l'année prochaine.
Il est donc tout à fait possible que ce groupe de politiciens appartenant à tous les partis et à tous les ordres de gouvernement, ce qui a plus de poids que s'ils appartenaient à un seul de nos partis, aura un effet sur cette politique, si nous parvenons à cibler ceux qui seront responsables du programme national pour les enfants et à leur dire: «Nous voulons retrouver cela dans les budgets et nous voulons que vous collaboriez ensemble. Nous vous lançons un défi». C'est en ce sens qu'il faut organiser la campagne publique, il faut nous contraindre à réagir. C'est comme cela que les politiciens fonctionnent le mieux, vous verrez.
Enfin, monsieur le président, comme je ne suis qu'un visiteur je ne peux me prononcer sur le futur travail de ce comité et je comprends parfaitement les préoccupations de Mme Gagnon—énormes préoccupations—au sujet du chômage et de l'utilisation de la caisse d'assurance-emploi. Mais cela aussi fait partie du tableau. Cela fait partie de la réponse à ce problème.
• 1305
Peut-être que les membres permanents de ce comité décideront
de tout mettre en oeuvre à l'automne pour permettre la
réalisation de du programme national pour enfant. C'est un défi
que nous devons nous lancer à nous-mêmes.
Merci d'avoir permis à un visiteur de vous dire tout cela.
Je suggère à nos invités de profiter de ce qui leur est offert. Restez ici, mêlez-vous aux autres et finissez les sandwiches. Continuez à faire pression sur nous et demandez-vous comment nous allons pouvoir ficeler tout cela.
Le président: Trois peut-être quatre petites choses rapides avant de terminer. J'ai demandé à nos éminents chercheurs de résumer les témoignages d'aujourd'hui. Le greffier remettra ce résumé à toutes les personnes qui ont participé à la séance d'aujourd'hui et à toutes celles qui, selon vous, pourraient désirer prendre connaissance de nos débats.
Enfin, nous remettrons ce document aux membres du comité, quand ils se retrouveront en septembre. Il faudra reformer le comité et nous devrons examiner cette question du programme pour les jeunes à l'automne. Nous veillerons donc à ce que les membres du comité aient ce résumé en main quand nous devrons parler de tout cela.
Enfin, on m'apprend que les whips nous demandent de nous rendre en Chambre, parce que nous en sommes à la sonnerie des 15 minutes et qu'ils se sont entendus pour essayer d'avoir un vote dans 10 minutes. Tous les députés devraient donc partir tout de suite.
Merci.
La séance est levée.