HRPD Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
STANDING COMMITTEE ON HUMAN RESOURCES DEVELOPMENT AND THE STATUS OF PERSONS WITH DISABILITIES
COMITÉ PERMANENT DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES ET DE LA CONDITION DES PERSONNES HANDICAPÉES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 8 juin 1999
La présidente (Mme Albina Guarnieri (Mississauga-Est, Lib.)): Merci beaucoup. Nous accueillons aujourd'hui Bob Baldwin, le directeur national des politiques sociales et économiques au Congrès du travail du Canada. Il est accompagné de M. Kevin Hayes, économiste principal. Nous vous souhaitons la bienvenue et nous vous invitons à commencer.
M. Bob Baldwin (directeur national, Politiques sociales et économiques, Congrès du travail du Canada): Merci madame la présidente et membres du comité. J'ai fait circuler un aide-mémoire dont je m'inspirerai pour vous parler. Je crois comprendre que vous aimeriez que je consacre dix minutes à ma déclaration liminaire, dix minutes au cours desquelles je vais passer assez rapidement sur un large éventail de questions. J'espère que, pendant la période des questions, vous insisterez sur des points qui vous intéressent particulièrement.
Je devrais vous dire que le collègue qui m'accompagne, M. Hays, dirige nos travaux en ce qui a trait à l'assurance- chômage, un point sur lequel vous pourriez nous poser des questions dans le cadre de la séance. J'ai cru qu'il serait utile de l'amener avec moi ici, aujourd'hui.
Je vais simplement passer au travers des documents remis. Je dois signaler que Kevin Kerr, votre attaché de recherche, m'a fait parvenir les grandes lignes de l'exposé de DRHC qui portait dans une large mesure sur des questions relatives à l'emploi, au chômage et à la participation à la vie active. J'ai pensé me limiter à aborder rapidement deux ou trois points qui ont été soulevés au cours de cet exposé.
J'ai cru qu'il valait entre autres la peine de signaler que les mouvements cycliques de l'emploi des travailleurs d'âge mûr sont parallèles à ceux des groupes moins âgés, alors que les taux de chômage et les taux de participation à la vie active sont différents. Je voulais le signaler au départ parce que cela signifie que si on essaie de saisir le problème de l'emploi et du chômage des travailleurs d'âge mûr, la façon dont on gère le chômage en général est une question importante. Autrement dit, les hauts et les bas des taux de chômage auront tendance à suivre les mouvements d'ensemble.
Cela dit, toutefois, l'une des choses qui frappe au sujet de l'expérience des travailleurs d'âge mûr, en ce qui concerne le chômage, c'est qu'il est moins probable que les travailleurs d'âge mûr se retrouvent au chômage, et lorsque cela arrive, ils ont tendance à y rester plus longtemps. Autrement dit, le chômage parmi les travailleurs âgés est distribué moins également qu'entre les travailleurs plus jeunes. Le groupe des personnes qui perdent leur emploi à un âge avancé a tendance à rester au chômage pour une plus longue durée. Les travailleurs plus âgés passent moins fréquemment d'une période d'emploi à une période de chômage.
Je pense que nous pouvons sauter un certain nombre d'autres points qui ont été abordés dans le cadre de l'exposé du DRHC. Je tiens à répéter, toutefois, un point que le ministère a fait ressortir, c'est-à-dire que les travailleurs et les travailleuses âgés de l'avenir se distinguent des travailleurs plus âgés d'aujourd'hui par leur niveau d'instruction et d'alphabétisation, ce qui peut vouloir dire qu'ils seront plus réceptifs au perfectionnement professionnel et à l'éducation complémentaire que ne le sont à l'heure actuelle les chômeurs âgés. Nous voudrons peut-être à revenir là dessus et en parler.
La dernière chose que je veux dire au sujet de l'exposé du DRHC, et il s'agit aussi d'un élément manquant dans une partie de la documentation que je vais vous remettre aujourd'hui, c'est que je pense que toutes ces questions qui ont été soulevées devraient être réexaminées de nouveau, surtout du point de vue des groupes recherchant l'égalité. Autrement dit, nous faisons des généralisations en ce qui concerne les travailleurs âgés et je crois qu'il faut vous rassurer sur un point: ces généralisations englobent tant les femmes que les hommes âgés, les gens de couleur que les gens de race blanche. Je crois qu'il est important que vous en teniez compte lorsque vous examinerez tous les témoignages qui vous seront présentés.
Il y a, je crois, un point qui a été omis dans la présentation DRH et qui me semble important. Je veux parler de la fréquence des revenus très bas parmi ceux qui approchent des 65 ans. La deuxième page du document que je vous ai remis est intitulée «Fréquence des revenus très bas»—et, croyez-moi, elle a été rédigée à la hâte. Je voulais juste attirer votre attention sur le fait qu'il suffit d'examiner les groupes d'âge de 45 à 54 ans, puis de 55 ans à 59 ans et enfin, de 60 à 64 ans, pour s'apercevoir que de plus en plus de personnes appartenant à ces groupes ont un revenu familial inférieur à 10 000 $ par année ou oscillant entre 10 000 et 15 000 $ par année, ce qui représente des revenus très bas.
• 1115
Les pourcentages diminuent considérablement à l'âge de 65 ans.
Je m'attendais à ce que les données le montrent et je ne me suis
pas trompé. De toute évidence, les personnes qui atteignent l'âge
de 65 ans bénéficient d'un soutien du revenu assez important grâce
à la sécurité de la vieillesse et au supplément de revenu garanti.
Par contre, les personnes âgées de moins de 65 ans n'ont rien de
comparable. Comme je le dis, il y a beaucoup de personnes dont les
revenus sont très bas.
Bien que cela n'apparaisse pas dans le petit tableau que je vous remets aujourd'hui, j'ai eu la possibilité d'examiner des données sur les sources de revenu des personnes approchant des 65 ans qui n'ont pas de revenu gagné. En d'autres termes, j'ai examiné ceux qui survivent sans participer à la vie active.
Je m'attendais à ce qu'un nombre important de ces personnes bénéficiaient d'un régime privé de pension. J'ai été déçu dans ma recherche, puisque dans la catégorie des 60 à 64 ans, seulement la moitié qui ne participent pas à la vie active bénéficient d'un régime privé de pension. Pour le groupe des 55 à 59 ans, à peine un quart d'entre eux bénéficient d'un régime privé de pension. Pourtant, ils n'ont aucun revenu lié à leur participation à la vie active. Comme je l'ai dit donc, j'espérais qu'un nombre important des personnes âgées de moins de 65 ans, non employées, bénéficiaient d'un généreux régime privé de pension, mais cela n'est pas le cas.
Je sais également qu'un des problèmes politiques relatifs aux travailleurs âgés vise l'âge de la retraite. Je sais que dans les milieux politiques au Canada et au sein de l'OCDE, on s'inquiète du fait que peut-être trop de personnes prennent leur retraite trop tôt. Avec le temps, je tiens simplement à souligner que, selon moi, il existe à l'heure actuelle divers facteurs relatifs à l'âge de la retraite et j'aimerais en citer quelques-uns.
Il y a tout d'abord les facteurs d'augmentation de l'âge de la retraite liés à l'augmentation des dépenses publiques et privées en matière de pensions.
Il y a, je crois, un autre facteur d'augmentation de l'âge de la retraite dont il est vraiment important de tenir compte; je veux parler du fait qu'il faut beaucoup plus de temps aux jeunes travailleurs de trouver et de conserver un emploi bien payé. Cela va se répercuter sur toutes les étapes critiques de leur vie: quand ils vont quitter la maison, quand ils vont se marier, quand ils vont avoir des enfants, mais aussi quand ils vont prendre leur retraite. Il va être très difficile pour beaucoup de jeunes travailleurs d'aujourd'hui d'accumuler de longues périodes de service ouvrant droit à pension avec un seul employeur et il va donc leur être difficile de prendre leur retraite lorsqu'ils atteindront la cinquantaine avancée ou le début de la soixantaine. C'est donc un autre facteur d'augmentation de l'âge de la retraite.
J'ai également souligné ici l'incertitude quant à l'avenir de certains éléments du système de revenu de retraite. Je ne vais pas vous ennuyer ici en vous faisant part de mes inquiétudes à propos de l'indexation de la sécurité de la vieillesse en fonction des prix seulement et non en fonction des salaires, ce qui va finir par entraîner des répercussions importantes. Je tiens par contre à attirer votre attention sur les changements qui surviennent sur le marché du travail et sur le fait qu'il sera plus difficile d'accumuler de longues périodes de service en vertu d'un régime de pension.
Je veux parler, entre autres, des changements au niveau des emplois qui passent de secteurs où la couverture a toujours été importante, comme le secteur public et le secteur manufacturier, à des secteurs dont la couverture a toujours été basse, comme le secteur des services, etc. On retrouve de plus en plus de travailleurs indépendants, de plus en plus de travailleurs dans de petites sociétés et un taux du mouvement de la population active de plus en plus important. Tous ces facteurs vont faire en sorte qu'il sera moins probable à l'avenir que les gens qui approcheront de la vieillesse disposeront de longues périodes de service ouvrant droit à pension.
• 1120
Par ailleurs, il existe des facteurs de réduction de l'âge de
la retraite; il s'agit des facteurs qui avancent l'âge de la
retraite—il y a aussi des forces opposées en jeu. À mon avis, le
facteur le plus important, celui qui m'inquiète et dont il n'est
pas question dans les débats politiques, c'est celui des
préférences. D'après mon expérience, les gens souhaitent prendre
leur retraite assez tôt tout en bénéficiant d'un revenu convenable,
si possible.
Par-dessus tout, la compression des effectifs est un facteur important de réduction de l'âge de la retraite. Notre expérience du mouvement ouvrier et les données statistiques indiquent une intensification du travail ainsi qu'une intensification du stress par rapport au passé, ce qui fait qu'il est encore moins probable que les gens veulent continuer à travailler jusqu'à un âge avancé.
J'aimerais également parler des responsabilités familiales. J'ai été quelque peu surpris et déçu de voir que dans la documentation DRH qui vous a été présentée, il n'en soit nullement fait mention dans les raisons données pour le choix du moment où l'on prend sa retraite. Je sais que cette question a été posée dans le cadre du sondage général. Il est évident que pour les femmes plus âgées qui travaillent, la nécessité de s'occuper de parents est l'un des importants facteurs déterminant l'âge auquel elles prennent leur retraite. J'imagine que si l'on continue à sabrer dans les dépenses sociales, cette raison deviendra encore plus importante à l'avenir, si bien que je crois qu'il faut en prendre note.
Pour ce qui est des politiques et des programmes publics—j'ai dépassé mes 10 minutes et je vous prie de m'en excuser, madame la présidente—j'aimerais passer rapidement sur ces points et je suis sûr qu'au cours de la période des questions nous pourrons nous attarder sur ce que vous voudrez.
De nouveau, permettez-moi de répéter que l'analyse et la solution à apporter doivent être examinées du point de vue des groupes recherchant l'égalité. Ceci étant dit, je tiens à souligner que pour régler la question du chômage des travailleurs âgés, il faut être prêt à régler la question du chômage de tous les travailleurs. Vous devez faire en sorte que la politique macro-économique soit axée vers la création d'emplois et le reste.
En ce qui concerne les questions liées à la sécurité du revenu—et je crois qu'elles se posent bel et bien, même si l'on s'en tient à un examen préliminaire de certaines des données indiquées plus tôt—je pense qu'il apparaît clairement que nous allons avoir deux grands types de programmes visant à assurer la sécurité du revenu des Canadiens âgés: l'assurance-emploi et l'aide sociale, laquelle, en grande partie, ne relève pas de la compétence fédérale.
Plusieurs mesures pourraient être prises en ce qui concerne le programme d'assurance-chômage afin de précisément tenir compte du fait que les travailleurs âgés connaissent en général des périodes de chômage plus longues que les jeunes gens. Nous pourrions envisager par exemple d'établir un lien entre la durée des prestations et les périodes de participation à la vie active. Nous pourrions également réexaminer la modification apportée au régime en 1984 en vertu de laquelle les prestations de pension et de fin d'emploi sont considérées comme un revenu gagné aux fins de l'A.-C.
J'ai pensé qu'il convenait également d'attirer votre attention sur le fait que nous avons déjà connu au Canada des programmes visant les travailleurs âgés, comme le Programme d'adaptation des travailleurs âgés et celui qui l'a précédé, le PPAT. Je ne veux pas les envisager comme possibilités pour ce qui est de la sécurité du revenu.
Vous devriez également penser à la réglementation des lieux de travail par le biais de la partie III du Code canadien du travail. En général, par rapport aux normes internationales, je crois comprendre que dans toutes les compétences canadiennes, la réglementation au sujet des préavis de mise à pied est assez minime; or, cela pourrait être important au point de vue de la cessation d'emploi obligatoire et pourrait permettre aux travailleurs de se préparer à trouver un nouvel emploi. Au Canada, un programme A.-C. généreux—qui ne l'est plus autant qu'auparavant—était prévu pour les travailleurs, ce qui explique le laxisme de la loi dans ce domaine. Vous voudrez peut-être repenser la réglementation.
Je vous rappellerais également qu'il y a plusieurs années, le ministre du Travail cherchait à susciter le dialogue sur les lieux de travail, sur la façon dont ils sont organisés, sur la manière dont ils devraient être réglementés. Tout cela s'est fait dans le contexte d'une réflexion collective sur l'évolution du monde du travail. À mon avis, cela correspond tout à fait à votre mandat et vous souhaiterez peut-être y réfléchir davantage car, comme je l'ai dit plus tôt, l'intensification du travail est l'un des facteurs importants qui influent sur la décision des gens quant à la durée de leur vie active.
• 1125
La temporalité de l'emploi a des effets importants sur la
capacité des gens d'accumuler des droits à pension. L'absence
générale de formation en milieu de travail contribue peut-être aux
difficultés que connaissent les travailleurs âgés lorsqu'ils se
retrouvent mis à pied. Il serait bon aussi que vous réfléchissiez
à cette question.
De toute évidence, il faudrait s'attarder sur plusieurs programmes de formation et d'adaptation au marché du travail. J'aimerais souligner que dans le contexte actuel de compressions des ressources, de cession, de prêts et subventions de perfectionnement, nous nous écartons d'un système où les travailleurs ont en fait droit à la formation et à l'éducation. À notre avis, cela mine l'infrastructure qui est nécessaire pour aider les travailleurs à passer d'un emploi à l'autre et il vaudrait peut-être la peine de s'intéresser aux façons de remédier à ces problèmes.
Des questions connexes de pensions publiques se posent également, mais je ne vais pas me lancer dans ce débat, car habituellement, quand je commence, je ne peux plus m'arrêter. Je termine donc ici.
Merci, madame la présidente.
La présidente: Merci beaucoup.
Monsieur Hayes, avez-vous des observations à faire, ou voulez- vous simplement poser des questions? Oui? Merci.
Madame Ablonczy.
Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Réf.): Merci, messieurs, d'être venus. Nous savons que vous avez fait un travail extraordinaire pour les travailleurs occupant un emploi et, malheureusement, pour ceux qui sont au chômage, et nous vous sommes reconnaissants de nous faire profiter de votre expertise.
Je pourrais moi-même me lancer dans un débat sur les pensions publiques et sur leur viabilité, mais je vais m'abstenir de le faire.
J'aimerais parler plus particulièrement de la façon d'aider les travailleurs à confronter les réalités du milieu de travail, ce dont vous avez parlé, monsieur Baldwin, à savoir que le temps où l'on travaillait au même endroit pendant 40 ans et où l'on prenait sa retraite en recevant un cadeau de départ et une pension intéressante, n'existe plus. L'emploi est de plus en plus à court terme et les changements qui ne manquent pas de surgir tout au long de la vie d'un travailleur posent de graves problèmes aux travailleurs âgés notamment.
J'aimerais savoir ce que vous pensez du fait que les prestations de fin d'emploi sont considérées comme un revenu. Vous en avez fait mention, et je me demande si vous pourriez brièvement nous indiquer pourquoi à votre avis, il faudrait revoir cette politique.
M. Bob Baldwin: Ce sont des questions de principe ainsi que des questions pratiques. Je vais répondre et inviter ensuite mon collègue à prendre la parole à ce sujet.
Pour ce qui est du principe, selon moi, si les prestations de pension et de fin d'emploi ne sont pas un revenu gagné au moment où elles sont versées, s'il faut qu'elles le soient à un moment donné, elles devraient l'être avant la mise à pied et non après. Je pense que le gouvernement a eu tort de considérer qu'elles représentent un revenu gagné au moment où la personne est au chômage.
Au point de vue pratique, plusieurs choses sont à considérer. Tout d'abord, nous plaçons les gens dans une situation où ils sont forcés d'utiliser leurs prestations accumulées de fin d'emploi et de pension pour vivre, puisque nous leur disons qu'ils ne peuvent bénéficier de l'assurance-chômage tant qu'ils n'auront pas utilisé toutes ces prestations; en d'autres termes, ces prestations ne pourront plus être utilisées pour assurer une retraite confortable ou pour financer une nouvelle petite entreprise, ou autre chose du genre. Nous disons en fait à ces gens qu'ils doivent dépenser ces prestations sans attendre.
Mme Diane Ablonczy: Ces prestations ne peuvent servir deux maîtres à la fois. Elles ne peuvent vous permettre de vous adapter à un nouveau travail et en même temps payer vos frais de subsistance.
M. Bob Baldwin: Exactement.
Kevin, voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Kevin Hayes (économiste principal, Politiques sociales et économiques, Congrès du travail du Canada): Ce qui est ironique, c'est que les changements relatifs à la cessation d'emploi ont été apportés au moment où les gouvernements s'intéressaient de près au travail indépendant; les changements apportés en 1984 ont coûté aux travailleurs âgés du Canada plus d'un milliard de dollars par an, dans le sens où ces fonds étaient prévus pour financer l'adaptation. L'ironie du sort également, c'est que les changements apportés aux règles relatives à la cessation d'emploi et à la pension, sont survenus à un moment où dans leur majorité, les mises à pied dans les années 80 et 90 étaient permanentes. Contrairement aux années 70 où les mises à pied temporaires représentaient les trois-quarts de toutes les mises à pieds d'une année donnée, aujourd'hui, près des trois-quarts des mises à pied sont permanentes.
• 1130
Par conséquent, du point de vue du marché du travail et des
conséquences que cela a entraîné et du point de vue de l'adaptation
et de l'occasion offerte aux travailleurs âgés de se servir de
leurs économies pour investir et d'utiliser en fait ce que la
plupart des gens considèrent comme des avoirs—des économies comme
le sont sûrement les prestations de fin d'emploi et de pension, au
sens de l'AC—le fait de faire passer ces prestations dans la
catégorie du revenu et de les considérer comme des gains, a sapé de
nombreux objectifs relatifs au marché du travail, objectifs qui
avaient peut-être semblé positifs. Nous avons toujours tout fait
pour que les prestations de fin d'emploi et de pension ne soient
pas considérées comme des gains aux fins de l'assurance-chômage.
Il suffit d'examiner les changements au niveau des bénéficiaires de l'assurance-chômage, ainsi que les chiffres de Statistique Canada de janvier dernier, pour s'apercevoir que les hommes âgés représentent le seul groupe qui, toutes proportions gardées, en termes absolus, n'a pas été gravement touché par les changements AC; cela reste toutefois très marginal. Leurs chances sont restées à peu près égales.
Par contre, depuis 1989, les femmes âgées sont durement touchées. Alors que le nombre de prestataires a augmenté parmi les hommes âgés—par hommes âgés, je veux parler de ceux qui ont plus de 45 ans—les femmes âgées ont subi une diminution de 5 p. 100 des prestations. Par conséquent, l'une des questions relatives aux travailleurs âgés est liée au sexe. Nous croyons que les femmes font l'objet de discrimination, car elles sont pénalisées par le système AC du fait qu'elles sortent de la population active pour s'occuper de leurs enfants. Par conséquent, je crois qu'il faut établir une distinction entre les hommes et les femmes.
Mme Diane Ablonczy: J'ai une autre question sur laquelle j'aimerais m'attarder avec vous et d'autres pourront faire de même.
Vous dites dans votre exposé qu'il est difficile de parvenir à un équilibre entre les intérêts et la capacité de payer des jeunes travailleurs, qui financent beaucoup de nos programmes sociaux, et la compression de revenus que ressentent beaucoup de personnes âgées, surtout lorsque leur capacité de gagner un revenu est amoindri pour diverses raisons et parce qu'elles n'ont pas de prestations de pension pour combler l'écart. Comme vous le savez et comme nous le savons tous, il est difficile de parvenir à un tel équilibre.
À ce sujet, je demande toujours aux témoins si nous pourrions ou devrions faire plus pour aider les travailleurs pendant leur vie active, notamment au moment où ils deviennent plus âgés, pour qu'ils se puissent se préparer à l'avance en vue des adaptations et des changements qui sont presque inévitables. Je me demande si vous avez fait des études ou si vous avez des observations à faire à ce sujet.
M. Kevin Hayes: J'allais justement dire qu'à cause des changements récemment apportés à l'assurance-chômage par la Loi sur l'assurance-emploi—le projet de loi C-12—une grande partie de l'infrastructure qui effectivement apportait cette aide en matière d'adaptation dont vous parlez—services de counselling, formation, tout cela—a été sérieusement touchée.
Plus d'un milliard de dollars ont été soustraits du soutien du revenu pour la formation depuis le projet de loi C-12, ou juste avant lui, autant au niveau du système AC que de celui des programmes du trésor. Pour ce qui est des programmes d'emploi visant à aider les organisations à but non lucratif et à but lucratif, les provinces elles-mêmes n'avaient pas l'infrastructure nécessaire en place au moment de la cession, comme l'a fait remarquer la Commission canadienne de mise en valeur de la main-d'oeuvre dans son étude.
Par conséquent, vous avez raison de dire que le genre de soutien continu pour ceux qui sont confrontés à cette adaptation et pour ceux qui doivent se préparer à une telle adaptation lorsqu'ils deviennent plus âgés n'existe tout simplement plus. Beaucoup de ce qui existait n'existe plus et personne ne s'en est préoccupé.
M. Bob Baldwin: J'aimerais ajouter une ou deux choses. Au cours de mon exposé, j'ai parlé de la possibilité d'offrir la formation par l'entremise de l'AC comme étant un droit— contrairement à ce qui s'est passé jusqu'à présent—ce qui permettrait aux travailleurs d'avoir accès à la formation et à l'éducation pendant leur vie active. Je pense également qu'il faut remettre à l'ordre du jour de la politique gouvernementale, ne serait-ce que pour en débattre, la question de savoir pourquoi si peu de formation est proposée en milieu de travail au Canada pour les travailleurs canadiens. Le gouvernement était prêt à essayer d'exercer une pression morale à cet égard à la fin des années 80 et au début des années 90. À mon avis, il est temps de remettre la question sur le tapis et c'est la raison pour laquelle l'exercice de réflexion collective m'intéresse.
Je crois également que le congé pour obligations familiales et le soutien pour les soins à apporter aux membres de la famille sont une question pertinente car, comme je l'ai dit plus tôt, beaucoup de femmes âgées sont obligées de quitter la population active pour s'occuper de parents; aucun soutien n'est prévu pour cela. Je sais que nos perspectives sur les pensions publiques et leur efficacité sont différentes. De mon point de vue, elles sont beaucoup plus efficaces, efficientes et équitables que les régimes privés. Compte tenu également de ce que j'ai dit plus tôt, à savoir que les gens vont avoir du mal à accumuler de longues années de service et à bénéficier de pensions, je crois que nous devons en fait envisager de consolider les programmes de pension publique, ce qui serait une façon de tenir compte du fait que les gens veulent prendre leur retraite et passer du temps en dehors d'un milieu de travail.
Mme Diane Ablonczy: Vous et moi pourrions peut-être en discuter à un moment donné.
Il vaut la peine cependant de revenir sur l'observation que vous avez faite plus tôt au sujet des programmes de formation, à savoir que d'après de nouvelles études, ce qui encourage la loyauté des jeunes travailleurs à l'égard d'un employeur, ce n'est pas tant la participation aux bénéfices et ce genre de choses, que les possibilités d'accès à la formation, les possibilités de se développer et de continuer à apprendre. Par conséquent, cette formation en milieu de travail convient parfaitement à tous les travailleurs, à tous les âges.
Je vais céder la parole à mes collègues et je vous remercie de vos réponses.
La présidente: Merci; votre observation est très utile.
[Français]
Monsieur Crête.
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Merci de votre présentation. Si demain vous aviez à faire une proposition concrète pour faire face à la réalité des travailleurs, quelle serait-elle? Il s'agit de gens qui ont plus de 50 ans au moment où leur entreprise ferme; ils n'ont pas nécessairement la possibilité de se replacer. Quels seraient les éléments principaux d'une stratégie pour assurer à ces gens un revenu décent? Avec le tableau que vous nous présentez, on a l'impression qu'il y a une période où les gens sont plus pauvres ou en situation plus précaire qu'avant. Lorsqu'ils arrivent à 65 ans, certains doivent être soulagés de recevoir leur pension. Quels seraient les éléments d'une stratégie pour permettre à ces gens d'avoir un revenu satisfaisant, en utilisant l'assurance-emploi ou toute autre solution que vous pourriez juger pertinente?
[Traduction]
M. Bob Baldwin: Permettez-moi de commencer à répondre avant de céder la parole à mon collègue.
Pour ce qui est de la stratégie à envisager, le premier élément serait un soutien du revenu raisonnable, car ces gens-là devraient avoir l'assurance de pouvoir subvenir à leurs besoins, indépendamment de ce qu'ils pourraient faire ou ne pas faire. Bien sûr, il est souhaitable, souvent du point de vue des gens eux-mêmes et d'autres également, qu'ils trouvent un emploi lucratif. Pour ce faire, il faudrait prévoir des services de counselling, l'accès à l'information sur le marché du travail et, dans de nombreux cas, l'accès à l'éducation et à la formation. Peut-être plus important encore, il faudrait prévoir un lieu où ils pourraient se rendre pour prendre connaissance de tous les services relatifs au marché du travail qui existent, dont ils pourraient avoir besoin, et également, y avoir accès.
Dans le contexte actuel, j'aimerais souligner que, d'après nous, au lieu de rassembler tous ces éléments pour permettre aux gens de passer d'un emploi à l'autre, on les fragmente par le processus de la cession. Ces gens-là manquent de ressources.
• 1140
J'aimerais aborder un autre point suite aux questions posées
au comité. Il est évident que des gens vont se retrouver au chômage
dans une région donnée où les perspectives d'emploi ne sont pas
très bonnes; il faudrait donc ajouter un autre élément à tout
l'éventail des programmes, soit un genre de programme de
développement économique local dans les régions où il n'y a pas
d'emplois pour l'instant. Ce serait à mon avis les principaux
éléments du programme.
J'aimerais soulever un autre point qui est une source de frustration pour nous depuis quelque temps. À notre avis—tout en tenant compte de la situation du Québec—aucun palier de gouvernement ne va jamais se retirer complètement du domaine de la formation et du marché du travail et, en fait, le débat sur les compétences en la matière est, en grande partie, futile. En dernière analyse, les deux paliers de gouvernement doivent être responsables et il faudrait passer beaucoup plus de temps à envisager des mécanismes de coordination entre les deux paliers de gouvernement plutôt que de débattre de compétences exclusives.
[Français]
M. Paul Crête: J'aimerais savoir si vous avez fait des évaluations du nombre de personnes touchées dont on peut régler le problème par des mesures actives et du nombre de celles pour lesquelles les mesures passives sont la seule solution. Les mesures actives s'adressent à la personne qui perd son emploi à plus de 50 ans; on fait alors un portrait de ce qu'elle peut faire et elle réintègre le marché du travail après une période de recyclage. Il y a aussi une partie de la population pour laquelle cela est impossible. Avez-vous fait des études là-dessus? Quelles sont les mesures qui vous semblent pertinentes?
Pensez-vous que le PATA, le Programme d'aide aux travailleurs âgés, devrait être réinstauré tel qu'il était ou avec des modifications?
[Traduction]
M. Kevin Hayes: Je vais reprendre les points soulevés par Bob en les développant.
Pour ce qui est du soutien du revenu, dans le cas particulier des travailleurs âgés, nous sommes en faveur de mesures relatives à des changements en matière d'assurance-chômage prévoyant des prestations aux travailleurs âgés sur une plus longue durée selon une formule, comme par exemple, quatre semaines supplémentaires de prestations pour chaque année passée au sein de la population active.
Nous recommandons également que la formation soit un droit. Ce que nous voulons dire, c'est qu'une personne aurait le choix, dans le système d'assurance-chômage, de demander un congé de formation ou d'éducation, lorsque c'est elle qui en prend la décision. Cela pourrait se faire également selon une formule comme par exemple, tant de semaines de formation pour chaque année de travail dans le cadre de l'assurance-chômage qui garantit un soutien du revenu.
Nous sommes absolument contre ce qui se passe actuellement, c'est-à-dire le transfert de la responsabilité et du coût de la formation au particulier par l'entremise d'un programme de prêts. Il est absolument scandaleux de croire qu'une personne, au chômage, peut obtenir un prêt. Jusqu'à présent, à l'exception de l'Alberta peut-être, qui prévoit des prêts pour la formation consentis par le gouvernement, aucun autre gouvernement au Canada n'a trouvé de programme de prêts permettant de donner la possibilité aux chômeurs de suivre une formation. Par conséquent, la proposition actuelle qui consiste à obliger les travailleurs à emprunter de l'argent est tout simplement immorale.
Nous avons parlé également de la possibilité de verser des prestations aux travailleurs âgés, pas nécessairement exclusivement aux travailleurs âgés, pendant plus longtemps. La méthode actuelle qui consiste à établir un lien entre la prolongation des prestations et le taux de chômage est beaucoup trop mesquine pour l'instant. En d'autres termes, la prolongation des prestations reliées au taux de chômage devrait probablement être le double de ce qu'elle est actuellement. Cela nous ramènerait grosso modo à la situation d'il y a quelques années.
• 1145
En ce moment, comme vous le savez probablement, 40 p. 100 des
chômeurs n'ont pas eu de travail rémunéré au cours des 12 derniers
mois. Les travailleurs âgés connaissent des périodes de chômage
plus longues et la recherche d'un emploi leur est plus difficile.
Il faudrait également s'occuper de l'infrastructure nécessaire pour le counselling et autres services du genre. Il faut prévoir beaucoup plus de soutien tant pour le counselling et l'aide du gouvernement que pour les organisations à but non lucratif qui offrent ce soutien si l'on veut surmonter les difficultés de l'adaptation. Cela doit être prévu dans le cadre des services au public, ce qui n'est plus le cas. Tout cela disparaît.
Pour ce qui est du développement économique local, il faut des programmes offrant des possibilités d'emploi locales que les politiques macro-économiques habituelles ne peuvent offrir. Il faudrait donc avoir davantage de stratégies de développement économique de ce genre.
Pour ce qui est du revenu, on ne peut pas parler d'adaptation sans parler d'un revenu de base permettant de payer le loyer et l'épicerie. Tant qu'un programme de soutien de revenu adéquat n'existera pas, les travailleurs âgés ne s'en sortiront pas.
La présidente: Merci.
Madame Davies, puis, M. Scott.
Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Merci, madame la présidente.
Tout d'abord j'aimerais remercier le CTC de comparaître aujourd'hui au sujet d'une question fort importante qui ne retient pas souvent beaucoup l'attention, à savoir celle des travailleurs âgés et ce qui leur arrive au moment des restructurations et des mises à pied, ainsi que la difficulté pour ces travailleurs âgés d'obtenir l'aide dont ils ont besoin, compte tenu de toutes les compressions dont nous sommes témoins.
Après avoir entendu certaines des observations que vous avez faites tous les deux aujourd'hui, j'aimerais m'attarder un peu plus longtemps sur la question de la formation et sur ce que pourrait envisager notre comité de façon concrète, notamment en ce qui concerne le fonds AC.
Beaucoup de témoins et de gens ont dit qu'il faut prévoir de bien meilleures possibilités de recyclage pour les travailleurs âgés, mais comment le faire? Nous avons entendu parler de programmes qui n'existent plus aujourd'hui, mais que faire à l'avenir? Le comité a envisagé entre autres possibilités celle de comptes particuliers de formation AE.
Vous avez déjà souligné que le CTC s'oppose au concept de prêt ou au paiement du recyclage par les travailleurs eux-mêmes. Pour ce qui est du financement indépendant, je demande simplement ce que vous pensez de comptes particuliers, par rapport à ce que le mouvement ouvrier a préconisé dans le passé, soit des comptes paritaires, par l'entremise de syndicats, de l'employeur et du gouvernement, où l'approche est un peu plus universelle.
Comme je le dis toutefois, on nous a proposé d'envisager la possibilité de comptes particuliers. Le comité devrait examiner si ces comptes doivent être uniquement ouverts par les travailleurs ou si une source de financement indépendante est possible. Les métiers de la construction, par exemple, ont très bien tiré leur épingle du jeu grâce à des comptes fiduciaires paritaires. Il me semble que l'on devrait miser sur ce genre de succès.
Je me demande ce que vous en pensez en ce qui concerne la formation ou le recours éventuel à l'AE.
M. Kevin Hayes: Les métiers de la construction négocient depuis des éternités quatre cents de l'heure pour la formation. Le succès de cette entreprise découle en partie—notamment en ce qui concerne la formation d'apprentissage—du lien établi entre l'assurance-chômage et le soutien du gouvernement fédéral pour la partie théorique de cette formation.
Une grande partie de tout cela a disparu, comme vous le savez. Le soutien du gouvernement fédéral pour la formation en apprentissage se chiffrait dans les 200 millions de dollars par année alors qu'aujourd'hui, il ne représente que deux millions de dollars; l'impact en a été important. Une conférence a lieu en fin de semaine à Winnipeg à propos des difficultés du système de l'apprentissage. Il se peut que le système de l'apprentissage disparaisse à moins que l'on ne prenne de meures draconiennes à cet égard.
• 1150
Pour ce qui est des comptes particuliers, je crois que,
d'après ce que l'on peut voir, le système de l'assurance-chômage
permet de gagner des droits à la formation par le biais des primes
AC; cela fonctionnerait de deux façons: non seulement, l'employeur
dirait quand l'employé a besoin de formation, mais ce dernier
pourrait également décider de prendre congé en vue de sa formation.
Cela s'appliquerait notamment aux travailleurs âgés qui, tout d'un
coup, se rendent compte que la technologie les force à se recycler.
C'est une façon de faire.
Ce qui est également important—et qui ne doit pas être sous- estimé ni minimisé—c'est ce que nous appelons l'infrastructure qui offre cet appui. Nous en bénéficions par l'entremise de certains de nos conseils sectoriels, comme le Conseil canadien du commerce et de l'emploi dans la sidérurgie qui facilite le recyclage des travailleurs visés, par l'entremise du syndicat des métallurgistes et des employeurs qui travaillent en coopération.
Par ailleurs, point mentionné plus tôt, les employeurs ont une responsabilité importante en matière de formation. Je crois que l'idée du Québec d'imposer une taxe de formation—les employeurs contribuant jusqu'à 1 p. 100 des frais de personnel pour la formation—est extrêmement importante. Il faudrait de plus en plus que le lieu de travail soit l'endroit où se déroule la formation. Cela ne veut pas dire qu'il faut supprimer la formation théorique, mais il ne fait aucun doute que les employeurs ont une grande responsabilité à cet égard. Nous nous apercevons de plus en plus, comme cela l'a été indiqué plus tôt, qu'il s'agit d'une revendication de nos membres auprès de leurs syndicats. Dans le contexte des négociations, la formation devient presque aussi importante que les salaires.
Ces dernières années, les travailleurs canadiens de l'automobile ont négocié d'énormes taxes ou contributions de formation de la part des employeurs, ce qui se rapproche en quelque sorte de ce que font les métiers de la construction depuis des années.
M. Bob Baldwin: Permettez-moi d'ajouter un point. À mon avis, il est aussi extrêmement important de faire le lien avec l'adaptation et de souligner qu'il ne convient peut-être pas de voir la formation comme un service unique offert aux travailleurs. Ces derniers ont souvent besoin d'un ensemble de services, dont la formation est un élément très important. Par rapport à votre proposition, je crois qu'il faut que... pour l'adaptation, il faut travailler dans un contexte institutionnel où les travailleurs mis à pied ont non seulement accès à la formation, mais aussi au counselling, à l'information sur le marché du travail, etc. Je tenais à le souligner, car je ne pense pas qu'il suffise de simplement remettre un chèque aux gens et de leur dire d'aller acheter des services de formation.
Mme Libby Davies: Effectivement, ce que vous dites est exact. Il est en effet assez cruel de dire à un employé qui a travaillé au sein d'une société ou pour un employeur pendant longtemps: «Voici votre chèque, allez, débrouillez-vous.» Il est très important d'offrir l'infrastructure sociale ainsi que tous les éléments de l'appui.
Pour ce qui est de la taxe de formation dont vous parlez, elle est prévue dans le cadre de conventions collectives négociées. Y a- t-il d'autres cas au Canada...envisagez-vous que le fédéral puisse essayer de rendre obligatoire un genre de taxe de formation dans les domaines qui relèvent de sa compétence?
M. Kevin Hayes: Eh bien, nous avons dit dans le passé que le gouvernement fédéral peut le faire et qu'en réalité, il le fait dans une certaine mesure, par l'entremise du système d'assurance- chômage. Il n'est pas allé jusqu'à rendre cette taxe obligatoire. Ce que nous disons et que nous avons toujours préconisé, c'est que l'on intègre dans la structure de prestations et de primes d'assurance-chômage le concept de droit—en d'autres termes, que l'on dise que le congé de formation ou la formation sont aussi valables que la recherche d'un emploi dans le processus d'adaptation. Selon nous, la formation doit être envisagée de la même façon que la recherche d'un emploi pour ce qui est du droit aux prestations d'assurance-chômage.
Nous croyons que le fait de rendre pratiquement obligatoire la formation permettrait de régler bien des problèmes. Il est clair que l'idée du Québec d'exiger des employeurs d'endosser leur responsabilité en matière de formation...si les employeurs ne le font pas, les syndicats, lorsqu'ils existent, mettent de plus en plus cette question à l'ordre du jour des négociations.
La présidente: Merci beaucoup.
J'aimerais quelques éclaircissements. Lorsque vous dites que les travailleurs, pendant toute leur vie active, devraient avoir le droit à la formation—et pour donner suite aux observations de Diane et de Libby—savez-vous que le Congrès américain vient de publier une étude selon laquelle les États-Unis connaissent une crise en matière de formation et que d'ici l'an 2005, il faudra recycler 70 p. 100 de la population active? Y a-t-il au Canada des études semblables indicatrices de tendances?
M. Kevin Hayes: Nous n'en connaissons pas. En fait, ce qui est épouvantable à propos de ce débat sur la formation au cours des 10 dernières années, c'est le peu d'information dont nous disposons. Statistique Canada, par exemple, ne fait pas d'enquête sur la formation offerte. Le ministère a une enquête sur l'éducation et sur la formation des adultes, qui est utile, mais qui ne fait pas état de la formation, du genre de formation offerte, du genre de cours proposés, etc. Il y a donc un trou au niveau de l'information.
Au fur et à mesure que les États-Unis arrivent au plein emploi—c'est-à-dire lorsque les taux de chômage sont peu élevés—les employeurs font ce qu'il est impossible de faire lorsque les taux de chômage sont élevés, c'est-à-dire qu'ils offrent de la formation. Je viens juste d'être mis au courant de la situation aux États-Unis, lorsque j'ai assisté à une présentation la semaine dernière. Effectivement, c'est une évolution intéressante de la situation.
La présidente: Merci beaucoup.
Madame Ablonczy, avez-vous d'autre chose à dire?
Mme Diane Ablonczy: Non, je crois que le sujet a été bien traité. Merci.
La présidente: Merci beaucoup, vous avez fait preuve de beaucoup de concision.
M. Norman Doyle (St. John's-Est, PC): Madame la présidente, j'ai quelque chose à dire.
La présidente: Monsieur Doyle, allez-y.
M. Norman Doyle: Pour ce qui est de l'assurance-chômage, nous sommes passés d'un système hebdomadaire à un système horaire en matière d'admissibilité aux prestations. Quel en a été l'effet global sur la population active?
M. Kevin Hayes: Le plus important, c'est l'impact incroyablement négatif que cela a eu sur les femmes, car les employés à temps partiel, hommes ou femmes, ne sont pas admissibles. Bien sûr, cela a un effet extrêmement perturbateur sur le processus d'adaptation, notamment pour les femmes participant à la vie active ou dont le milieu de travail est dominé par des emplois à temps partiel occupés par des femmes.
Le plus important à cet égard, ce n'est pas tant qu'il s'agisse d'heures ou de semaines, mais c'est le problème du seuil- limite. En d'autres termes, nous sommes passés d'un seuil de 15 heures par semaine, en vertu de l'ancien système, à un seuil de 35 heures et c'est là que se trouve le problème. Autrement dit, c'est le total des heures requis.
Au plan administratif ou de conception de systèmes, peu importe qu'il s'agisse d'heures ou de semaines. Ce qui est important, c'est le nombre d'heures nécessaires pour être admissible. Par conséquent, le système horaire ne pose pas de problèmes dans la mesure... Je ne voudrais pas dire que le passage de 15 à 35 heures est une caractéristique intrinsèque du système horaire, mais c'est de plus en plus la façon dont certains le voient. Le fait est que l'on est passé de 15 à 35 heures. Dans le cas des prestations spéciales, l'exigence a augmenté de la même façon; en d'autres termes, il s'agit maintenant de 20 semaines multipliées par 35 heures au lieu de 20 semaines multipliées par 30 heures. Par conséquent, il y a des demandes de prestations de maternité qui tombent. Nous pensons que chaque année, près de 12 000 femmes ne reçoivent pas de prestations de maternité auxquelles elles auraient eu droit en vertu des anciens règlements.
M. Norman Doyle: D'après les dernières statistiques dont j'ai entendu parler, seulement 37 p. 100 des chômeurs sont admissibles à l'assurance-chômage. Quelle en est la cause? Est-ce une accumulation de tous ces changements apportés au système AC, ou autre chose?
M. Kevin Hayes: Selon nous, il y a trois raisons. La première, c'est que les règles d'admissibilité apportées par chaque changement législatif sont plus sévères. Par ailleurs, le fait que le pourcentage des chômeurs assurés ait chuté, s'explique à 75 p. 100 par le fait qu'aucun des changements apportés dans les années 90 n'a tenu compte de l'évolution du marché du travail.
• 1200
On peut citer deux faits importants à propos de l'évolution du
marché du travail. Premièrement, le pourcentage des chômeurs qui
n'ont pas travaillé au cours des 12 derniers mois est maintenant de
40 p. 100. C'est une augmentation énorme de la durée du chômage.
M. Norman Doyle: Pouvez-vous répéter?
M. Kevin Hayes: Ce sont maintenant 40 p. 100 des chômeurs qui, au cours des 12 derniers mois, n'ont pas travaillé ou n'ont pas occupé un emploi rémunéré. Ainsi, sur les 1,3 million de chômeurs, 40 p. 100 n'ont pas travaillé dans les 12 derniers mois. Par conséquent, la période de référence, en l'occurrence 52 semaines pour les prestations d'assurance-emploi, est trop courte et devrait probablement être de 104 semaines.
Dans le marché changeant du travail il nous faut tenir compte d'un autre facteur important, à savoir que presque toute la croissance des emplois se situe dans ce que certains appellent «travail précaire», le travail indépendant et à temps partiel. Encore une fois, quarante autres pour cent de tous les emplois au Canada se rangent dans la catégorie du travail autonome ou dans celle du travail à temps partiel—ou 38 p. 100, pour être plus précis. Le système d'assurance-emploi ne couvre pas ces deux catégories et en fait ne les protège pas. Des problèmes se posent tant du côté de l'emploi que de celui de l'assurance-chômage et il faut s'attaquer aux changements que subit le marché du travail.
Le troisième point, c'est que, à l'heure où on se parle, 12 p. 100 de la population active travaille à contrat et ne profite donc pas des avantages de la permanence. Voilà autre chose qui compromet les chances de toucher des prestations d'assurance- chômage. Nous nous situons donc à 37, 38 p. 100 en raison croyons- nous de ces facteurs. Le tiers du problème ou de la question tient pour un tiers aux compressions, mais les deux tiers sont attribuables au fait que le système ne reflète pas le marché de l'emploi de 1999.
La présidente: Monsieur Baldwin, sentez-vous bien libre d'intervenir dans la discussion.
M. Bob Baldwin: J'ajouterai un autre point, parce que nous avons tendance à parler de formation et d'assurance-chômage comme s'il s'agissait de deux questions distinctes.
Je voulais signaler qu'au cours des dernières années, la presque totalité du soutien à la formation du gouvernement fédéral a été accordée par l'entremise du programme d'assurance-chômage et que tous les problèmes reliés à l'accès à l'assurance-chômage dont nous avons parlé comme étant un problème d'assurance-chômage sont en fait un problème d'accès à la formation. Il est vraiment important que le comité n'oublie pas que ces pourcentages en baisse sont des pourcentages représentant des gens qui auront droit au soutien à la formation.
Mme Libby Davies: Simplement pour bien comprendre, si vous êtes un travailleur en chômage qui n'a pas droit à l'assurance-emploi, vous n'êtes pas non plus admissible à ces programmes de formation.
M. Bob Baldwin: Oui. C'est exact.
Mme Libby Davies: C'est donc assez désastreux.
M. Bob Baldwin: Oui, parce que la presque totalité du financement ne provenant pas de programmes d'assurance-chômage a été éliminé.
Mme Libby Davies: De combien d'argent s'agissait-il?
M. Bob Baldwin: À un certain moment, on parlait de plus d'un milliard de dollars par année et c'était particulièrement important pour les gens qui n'avaient pas d'expérience récente du marché du travail. C'était important pour les immigrants tout comme pour les femmes qui réintégraient le marché du travail. C'était important pour les gens qui avaient été au chômage tellement longtemps qu'elles ne pouvaient plus satisfaire les critères d'admissibilité à l'assurance-emploi.
Mme Libby Davies: Et elles ne pouvaient plus désormais...
La présidente: Merci beaucoup. Il valait vraiment la peine d'attendre cet exposé et nous vous remercions. Cela nous aidera dans nos délibérations.
La partie publique de cette réunion est maintenant terminée. Après une pause de dix minutes, nous poursuivrons nos travaux à huis clos.