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NDVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS

COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 7 juin 2001

• 1530

[Traduction]

Le président (M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.)): Je déclare ouverte la séance du Comité permanent de la défense nationale et des affaires des anciens combattants.

Nous souhaitons la bienvenue aujourd'hui à Susan Riordon, qui comparaît à titre personnel sur l'état de préparation des Forces canadiennes; et aussi Mary Ripley-Guzman, présidente du conseil d'administration du Uranium Medical Research Centre. Au nom de tous les membres du comité, je vous souhaite la bienvenue.

Je rappellerai au comité, comme plusieurs d'entre vous savaient sans doute, nous prévoyons des votes plus tard cet après-midi. Les cloches commenceront à sonner vers 17 h 15. Mais elles pourraient sonner avant, et je propose donc qu'on étudie d'autres questions, peut-être des questions d'ordre administratif, entre 17 h 20 et 17 h 25. Nous pourrons ensuite lever la séance pour pouvoir aller voter à la Chambre des communes à 17 h 30.

Nous devrions donc pouvoir discuter de cette question jusqu'à vers 17 h 20. J'ai l'impression qu'il y aura beaucoup de questions. Mais nous allons commencer par vos exposés, Mme Riordon et Mme Ripley-Guzman.

Madame Riordon, vous avez la parole.

M. Susan H. Riordon (témoignage à titre personnel): Merci. J'ai déjà comparu devant le comité, en tant que femme d'un militaire, en 1998. Je comparais ici aujourd'hui en tant que veuve du capitaine du J. Terry Riordon, qui a servi le Canada pendant 23 ans.

Comme le temps est très limité, je vais faire ressortir les points saillants de mon exposé.

Il n'y a pas eu de guerre du Golfe au Canada. Aux termes des lois internationales ou canadiennes, la guerre n'a pas eu lieu—du moins c'est l'avis du gouvernement—même si notre honorable premier ministre a bel et bien parlé de la guerre du Golfe dans sa proclamation de la Semaine des anciens combattants le 2 février 1999. Cela me laisse perplexe.

Le capitaine Riordon a obtenu son diplôme du Royal Roads Military College à l'âge de 33 ans; il avait une intelligence supérieure à la moyenne et une évaluation globale des fonctions de 98. Lorsqu'il a quitté les Forces canadiennes, il avait une EGF de 45: déficience de communication, discours illogique, incapacité de travailler, problèmes de relations familiales. Environ deux ans avant la mort de Terry, qui est survenue le 29 avril 1999, il avait une EGF de 20: risque de faire mal à lui-même ou à d'autres, tentatives de suicide sans stratégie bien définie, comportement violent fréquent, manque d'hygiène personnelle, communication très déficiente, incohérent en général.

L'homme que vous avez envoyé au Golfe avait une EGF de 98. L'homme que j'ai fait crématiser avait une EGF sans doute en bas de 20. C'est ce même homme qui a obtenu une moyenne de B du collège Royal Roads, tout en ayant deux enfants et une femme—il faut l'admirer pour cela.

Terry a été envoyé au golfe Persique avec 32 heures d'avis. On l'a appelé à 10 heures le matin de Noël pour lui dire qu'il partait le lendemain. Et le lendemain il est parti.

En vérité, il n'est pas arrivé là-bas le 26 décembre, contrairement à ce qu'a dit le colonel Ken Scott dans son article, «Depleted Uranium, Depleted Intelligence». L'article a eu l'appui de l'Association nationale des anciens combattants de la guerre du Golfe, et il est paru dans le numéro de décembre. Il est impossible de se rendre d'Halifax aux Émirats arabes unis en si peu de temps, mais passons. On ne pouvait pas s'attendre à ce que Ken Scott sache vraiment où se trouvait Terry.

Terry était en tenue civile et travaillait comme officier de renseignements par intérim—non pas comme officier de renseignements.

Il est rentré chez lui seulement vers le 21 février 1991. Il était malade à son retour. Il est allé là-bas pour servir son pays et il est rentré très malade. Les documents indiquaient qu'en mars 1991 il souffrait d'une perte de motricité, de fatigue chronique, de difficultés respiratoires, de douleurs thoraciques, de difficultés à respirer, de problèmes de sommeil, de la perte de mémoire à court terme, de douleurs testiculaires, de douleurs dans les os, d'autres douleurs, de diarrhée, de dépression. Tout cela, c'était en mars 1991—il était de retour seulement depuis quelques jours.

• 1535

Eh bien, nous avons eu maille à partir avec les Affaires des anciens combattants concernant cette situation. Ils ont décidé qu'ils avaient eu tort, et la demande a été acceptée. Mais c'était plusieurs années plus tard. En 1991, les autorités militaires ont dit: «Non, il ne faut pas passer par les Affaires des anciens combattants. C'est seulement du stress causé par la guerre.» Il n'avait pas participé à la guerre. Ils ont dit ensuite, «Eh bien, il souffre sans doute d'une dépression majeure, d'une maladie obstructive respiratoire chronique, mais nous allons cacher la maladie obstructive respiratoire.» En fait, il a appris cela seulement en 1998, lorsqu'il n'était plus militaire.

Il a été totalement mal diagnostiqué par l'ancienne clinique de la guerre du Golfe, et par M. Ken Scott, qui ont dit qu'il avait l'épilepsie temporale du côté gauche. C'est étayé par les documents que vous avez entre les mains. Vous ne saurez jamais ce que cela a coûté à Terry d'être mal diagnostiqué pendant une année, et notre famille l'a payé très cher aussi. Ce gouvernement, sur les plans financier et émotif, a violé notre famille entière. J'emploie ce mot à bon escient.

J'ai dû attendre jusqu'en 1998 pour apprendre que Terry avait un diagnostic clinique de syndrome de la guerre du Golfe, diagnostiqué en 1995 par Ken Scott. J'ai été choquée et bouleversée de me rendre compte qu'un officier supérieur a manqué de franchise et d'honnêteté en parlant aux honorables membres du comité, quand il a dit que le syndrome n'existait pas, et pourtant il en a fait le diagnostic. Il faut le faire. C'est à vous d'y réfléchir. Je dois vous exposer la vérité. Si vous ne l'exigez pas de vos officiers militaires, je n'y peux rien. C'est notre pays.

Il y a tout un tas de documents sur le syndrome de la guerre du Golfe. Vous voudriez peut-être parler avec Kenny Scott de ses antécédents exacts. C'est la raison pour laquelle je me suis tournée vers Asaf Durakovic. Voici ici son curriculum vitae. Comment est-ce que j'évaluerais celui de Ken Scott? Je pense qu'il y a une différence marquée, puisque Ken, selon les témoignages que j'ai lus, a trouvé bon de ne pas déposer son curriculum vitae ici. Alors, si le comité veut obtenir la vérité, il l'a et c'est un civil qui vous le dit, une veuve militaire.

Pourquoi les officiers militaires ne vous ont-ils pas donné la vérité? J'aimerais bien savoir la réponse. En tant que représentants de ce gouvernement, vous teniez la vie de Terry entre vos mains. C'est maintenant ma vie que vous tenez entre vos mains, et celle de milliers d'autres personnes qui sont malades, blessées ou mourantes. Il ne faut pas oublier que je fais partie des dommages collatéraux tout autant que nos militaires. C'est le cas de toutes les femmes et de tous les partenaires.

Terry a eu un diagnostic clinique de brûlure séminale. Les Américains appellent ça «shooting fire». Ken Scott lui a dit qu'il ne s'intéressait plus au sexe. Je ne sais pas où il a inventé cela, mais ce n'était certainement pas le cas. Terry était père de deux enfants, mais peu avant sa mort il a découvert qu'il était stérile. Il était un coureur de fond, un coureur de marathon. Une semaine après son retour du golfe, en mars, il ne pouvait pas courir même un kilomètre.

J'ai lu tous ces commentaires dérogatoires. J'ai beaucoup de détermination, et cela ne me dérange pas de lire «Depleted Uranium, Depleted Intelligence», des faits et de la fiction rédigés par le colonel Ken Scott ou les autorités du projet médical sur l'uranium.

Le capitaine Terry Riordon. Terry est décédé. Il est mort pour son pays il y a plus de deux ans, et j'en paie toujours le prix. L'administration militaire a imposé deux réductions à ses prestations de pension, de sorte que je n'en reçois que 60 p. 100, en tant que veuve.

• 1540

La dernière fois que j'ai comparu devant un comité permanent, on payait 588 $ pour des soins 24 heures par jour pour Terry. Moi, je n'ai pas obtenu cela. J'ai soigné Terry pendant neuf ans. Je suis maintenant physiquement incapable de travailler pendant plus de trois ou quatre heures par jour. Vous m'avez fait perdre ma santé en prenant soin de mon mari. C'est de la main-d'oeuvre à bon marché, des dommages collatéraux. J'ai été D/W pendant que j'étais en Europe, et c'était déjà assez mal payé—bien sûr, je n'avais pas droit aux primes d'assurance-chômage.

Là où je veux en venir, c'est que vous exigez beaucoup des partenaires, et non seulement des militaires. J'ai 46 ans, et je ne pourrai plus jamais travailler. Le gouvernement détermine mes revenus. J'ai rencontré le ministre de la Défense nationale—à sa demande—le 2 mars 2000. Le 3 mars, on a envoyé tout le dossier de paie de Terry au directeur des services de rémunération pour vérification—une vérification générale seulement. Le dossier y est toujours.

Je vous demande donc, mesdames et messieurs, de lire ce que notre ami Kenny dit concernant Terry. Je vous ai exposé la vérité. Les Forces canadiennes ont libéré le capitaine Riordon en vertu de la disposition 3a): inapte à tout emploi en tout environnement. Malgré cela, on lui a réduit sa pension, qui aurait pu l'aider de son vivant. Il n'a pas pu rester jusqu'à sa retraite parce qu'il a été mal diagnostiqué: il était malade, blessé et mourant.

Maintenant qu'il est mort, on veut enlever une partie de l'argent. Terry est décédé il y a plus de deux ans, mais les Affaires des anciens combattants est toujours en train d'étudier son dossier.

Le ministère américain des Affaires des anciens combattants a distribué une brochure pour aider les anciens combattants de la guerre du Golfe et leurs familles, qui sont ce que nous appelons des dommages collatéraux.

Je vous fais la demande ici. Terry a sacrifié sa vie pour vous. J'ai sacrifié la mienne aussi. Mes enfants ont assez souffert. Je demande à ce comité de rembourser tous les arriérés provenant des deux réductions imposées sur la pension militaire de Terry, et de me payer à vie le plein montant de la pension, sans restrictions, et de m'envoyer une lettre d'excuses pour avoir gardé son dossier au service de vérification pendant plus d'un an. De plus, je demande officiellement aux Affaires des anciens combattants d'être payées une allocation pour soins, niveau 1, ainsi que des prestations en vertu du programme pour l'Autonomie des anciens combattants.

J'ai été la première femme non militaire de passer par le système des Affaires des anciens combattants. Terry n'a jamais mis les pieds dans les locaux du ministère, n'est jamais allé devant le conseil des pensions. Il n'en était pas capable.

J'y ai sacrifié ma santé. Je vous ai donné mon mari. Je l'ai fait crématiser; j'ai fait enlever ses organes pour la recherche. J'ai assez donné. Le minimum que je demande, c'est d'avoir assez d'argent pour vivre. J'ai payé à l'avance ma propre crémation.

Voici l'homme dont vous avez pris 23 ans. Voici ce qui l'attendait à son retour: la morphine, l'Artane, l'erasat, le Tylenol-4, des inhalateurs, des couches Depends, la nourriture de bébé et les jus, les chaises roulantes. Il avait 45 ans lorsqu'il est décédé à la maison. Et les autorités militaires ne le savaient pas, comme il était toujours couvert par la Loi sur les secrets officiels.

Eh bien, quelqu'un ferait mieux de révéler ces secrets officiels, puisque le capitaine Terry Riordon a eu une réaction positive lors d'une épreuve pour l'empoisonnement par l'uranium appauvri. Le curriculum vitae du Dr Asaf Durakovic étaye tout ce qu'on a trouvé dans le corps de Terry. Terry ne peut plus rien donner à son pays. Il a même continué à donner après sa mort. Je ne peux vous donner que la vérité.

• 1545

Je demande officiellement ces deux choses au comité. Je demande aussi une réponse concernant les raisons derrière tout ça. Je suis prête à être tout à fait franche concernant mon propre état de santé, et pourtant vous permettez à un officier militaire de vous mentir.

La cause officielle du décès de Terry est le syndrome de la guerre du Golfe, d'après un diagnostic clinique fait en 1995 par Ken Scott, celui même qui affirme que le syndrome n'existe pas. J'aimerais recevoir une explication de cette contradiction. Je serais heureuse de répondre aux questions que vous pourriez avoir, et je serai plus franche que vos propres officiers l'ont été.

Le président: Madame Riordon, merci beaucoup de votre exposé.

Je ne suis pas sûr ce que vous savez concernant les pouvoirs de ce comité, mais je ressens un devoir de vous dire que nous n'avons pas l'autorité statutaire nécessaire d'accorder des pensions ici. Le comité prend des décisions concernant des politiques. Notre rôle est de vous écouter concernant vos expériences avec le système en général.

Si vous croyez que des mesures de redressement devraient être prises par le gouvernement du Canada, en vertu de ses responsabilités envers vous et votre mari décédé, vous devez vous adresser au ministère des Affaires des anciens combattants et au ministère de la Défense nationale.

Madame Ripley-Guzman, avez-vous un exposé à faire?

Mme Mary Ripley-Guzman (présidente, conseil d'administration, Uranium Medical Research Centre): Oui, je voudrais présenter l'étude qui a repéré l'uranium appauvri dans les os de Terry. J'aimerais expliquer les faits scientifiques concernant l'uranium appauvri, pour que vous puissiez comprendre la différence entre l'uranium naturel et l'uranium appauvri, ainsi que les raisons et les modalités de cette étude. J'ai aussi des transparents.

Le président: D'accord.

Madame Wayne?

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le président, en ce qui concerne ce que vous avez dit à Mme Riordon, je crois que nous avons tous des préoccupations majeures concernant l'exposé de Mme Riordon. Je n'aimerais certainement pas qu'elle ait l'impression que nous allons tout simplement l'écouter. Si nous sommes d'avis qu'il y a des doléances légitimes ici, je crois que nous avons l'obligation, en tant que comité de la défense, d'informer le ministre de nos préoccupations.

Je crois que nous avons le devoir de le faire. Je ne voudrais surtout pas que Mme Riordon reparte pensant que nous ne ferons rien. Le comité ne peut pas adopter des mesures pour corriger la situation, mais il peut formuler des recommandations à cet égard. Je tiens à ce qu'elle le sache.

Le président: Oui. Je voulais que Mme Riordon sache exactement à quoi s'en tenir au sujet de la demande qu'elle présente au comité. Madame Riordon, pourriez-vous répéter dans vos propres mots ce que vous espérez que le comité fasse. Je pense que c'était au sujet de la pension...

Mme Susan Riordon: Je demande au comité d'émettre des directives générales. Je me suis déjà adressée au ministère des Affaires des anciens combattants ainsi qu'au ministère de la Défense nationale. Le ministère des Affaires des anciens combattants étudie toujours le dossier de Terry. On me doit toujours de l'argent deux après son décès. Pour ce qui est du ministère de la Défense nationale, j'attends toujours les résultats d'une vérification menée il y a plus d'un an. Je demande au comité d'émettre des directives générales.

Le président: C'est exactement notre rôle.

Mme Susan Riordon: Oui. C'est exactement ce que je vous demande. Je ne vous demande pas simplement de régler mon cas à moi, mais de comprendre les besoins des dommages collatéraux, c'est-à-dire de ceux qui restent, soit les veuves, les partenaires et les enfants.

J'ai prouvé au-delà de tout doute que je suis aujourd'hui malade parce que je me suis occupée de Terry et des directives générales doivent être adoptées. Je suis peut-être la première à le réclamer, mais je ne serai pas la dernière. Beaucoup d'autres me suivront.

• 1550

Très peu de gens ont vraiment aidé Terry, mais je demande maintenant qu'on nous aide nous, les veuves.

Le président: Je crois que Mme Ripley-Guzman devrait maintenant faire sa déclaration préliminaire.

Plus que toute autre chose, le comité souhaite faire la lumière sur les faits entourant ce dossier et il lui appartiendra ensuite de décider des mesures qu'il compte recommander dans ce domaine ainsi que dans d'autres.

Madame Ripley-Guzman, vous avez la parole.

Mme Mary Ripley-Guzman: Je comparais aujourd'hui devant le comité au nom du Uranium Medical Research Centre. Il s'agit d'un groupe indépendant de scientifiques qui ont décidé d'étudier cette question parce ce que des anciens combattants, en majorité d'Angleterre, nous ont demandé de le faire étant donné que leur propre gouvernement et leurs propres forces armées n'étaient pas prêts à faire les études voulues.

Au nom de Terry Riordon. Comme Sue faisait tout en son pouvoir pour découvrir la vérité au sujet de son mari, nous avons fait analyser son urine avec celle d'un groupe de soldats britanniques. L'analyse a donné un résultat positif. Quelques semaines avant la mort de Terry, j'ai dit à Susan Riordon que si nous devions procéder à des tests sur davantage de Canadiens, il nous faudrait obtenir leur urine, mais que ce n'était vraiment qu'en analysant leurs os que nous aurions des preuves irréfutables. Je lui ai donc dit que si elle pouvait demander à l'épouse d'un ancien combattant sur le point de mourir si elle était prête à faire don de ses os, nous pourrions obtenir des preuves beaucoup plus probantes étant donné qu'on peut toujours soutenir qu'on retrouve de l'uranium appauvri dans l'urine de tout le monde, on ne peut pas dire la même chose lorsqu'on en trouve dans les os. On ne trouve pas de l'uranium appauvri dans les os de la plupart des gens.

Il s'est produit que Terry Riordon est mort cinq jours plus tard après cette conversation et Susan a agi très rapidement et a obtenu que nous ayons accès aux résultats de l'autopsie. Nous avons obtenu des fragments d'os qui ont été analysés. Voilà pourquoi nous effectuons ces recherches indépendantes. Je vais maintenant vous donner un aperçu de ces recherches.

Notre étude vise à établir la quantité d'uranium appauvri à laquelle les anciens combattants et les civils ont été exposés. Je vais d'abord vous faire l'historique de l'Uranium Medical Research Centre et vous exposer notre raison d'être. Ces recherches devraient être menées dans une université. Normalement, le gouvernement appuierait ce genre de recherche. S'il s'agissait de recherche sur le sida, elle serait menée avec l'appui du gouvernement.

Nous comparerons ensuite l'uranium naturel à l'uranium appauvri parce que beaucoup de non-spécialistes ont du mal à comprendre ces données scientifiques complexes. Si vous pouviez consacrer deux ou trois semaines à lire tous les rapports écrits par messieurs Durakovic et Dietz, vous y verriez clair et on ne pourrait plus essayer de vous faire prendre des vessies pour des lanternes. Comme vous n'avez sans doute pas le temps de le faire, je vais vous fournir les données essentielles.

Nous examinerons ensuite les résultats des essais menés à l'université Memorial. Jusqu'à il y a un an, c'était le seul institut de recherche au monde qui était prêt à prendre le risque de faire ces recherches. Ces gens de Terre-Neuve sont stupéfiants. Un laboratoire de spectrométrie de masse situé en Angleterre a aussi fait quelques essais. La BBC a payé pour les essais menés en Angleterre sur des militaires revenant du Kosovo. Ces tests ont révélé la présence d'uranium appauvri chez presque tous ces militaires.

Nous parlerons ensuite des prochaines étapes, c'est-à-dire des travaux que nous pensons doivent être faits et ne seront pas faits si l'on compte seulement sur un petit groupe de scientifiques indépendants qui disposent de peu de ressources. Le projet de recherche, pour qu'il aboutisse, doit disposer de fonds beaucoup plus importants.

• 1555

Parmi les scientifiques qui ont participé volontairement à ce projet de recherche, mentionnons le Dr Asaf Durakovic. Il s'agit d'un médecin et d'un enseignant possédant un doctorat en médecine nucléaire et en radiologie. Il fait des recherches depuis 35 ans sur les radio-isotopes et compte une expérience clinique aussi longue de la médecine nucléaire. Il a obtenu une bourse de recherches postdoctorale du British Medical Council à Oxford, en Angleterre, il y a plus de 30 ans. Il a aussi obtenu une bourse de recherches postdoctorale du Conseil national de recherches du Canada à Ottawa en 1975 qui lui a permis d'étudier l'uranium et les éléments transuraniens.

Je souligne pour votre gouverne que lorsque le Dr Durakovic faisait ses recherches il y a 25 ans, qui portaient sur des nannogrammes, soit d'infimes quantités d'éléments, les mêmes quantités qu'on retrouve chez les anciens militaires, les scientifiques devaient revêtir un ensemble de protection et devaient montrer leur écusson avant d'être admis dans le laboratoire où ils faisaient des recherches sur les chiens. En 1991, on a cessé de prendre ces précautions parce qu'on a décidé que l'uranium appauvri, qui est un sous-produit des réacteurs nucléaires, n'était plus dangereux. On a décidé qu'on pouvait l'utiliser sur les champs de bataille et que les civils pouvaient également l'utiliser.

J'attire votre attention sur le fait que les règles de manutention de petites quantités radio-isotopes ont changé entre le moment où le Dr Durakovic faisait ces recherches au Conseil national de recherches du Canada et le moment où l'armée a commencé à les utiliser. Les lois de la science ainsi que les lois de la recherche ont alors changé.

Le Dr Durakovic a publié plus de 70 études sur les effets médicaux des rayonnements. Il a participé au projet pour les enfants de Chernobyl mis en oeuvre à l'université Hadassah à Jérusalem et il a été conférencier invité à plus de 200 conférences internationales sur la médecine nucléaire et la médecine des rayonnements.

Voilà notre problème. J'ai constaté ce qu'il en était lorsque j'ai accompagné le Dr Durakovic à des conférences en Europe, en France, en Belgique et en Angleterre. Les spécialistes de ces sujets au sein des forces armées ne peuvent compter sur la même expérience. Ils n'ont pas fait de recherches en laboratoire sur les radio-isotopes et ils ne sont pas des spécialistes de la médecine nucléaire. Je pense que le colonel Scott est un omnipraticien qui compte une certaine spécialisation en médecine interne, ce qui ne le qualifie pas pour se prononcer sur les effets des radio-isotopes sur le corps humain.

Pat Horan est une brave femme qui participe à ce projet de recherches à l'université Memorial. Je me trouvais à Terre-Neuve la semaine dernière à une réunion où elle a présenté les données qu'elle a recueillies et ses méthodes de recherche à plus de 100 de ses pairs, géochimistes et géophysiciens. Personne n'a contesté les données et les méthodes qu'elle a présentées. Tout le monde a pensé que ses recherches étaient impeccables. Personne n'en a jamais contesté la qualité. Les forces armées sont les seules à le faire. C'est elle qui a fait l'analyse de spectrométrie de masse de nos échantillons d'uranium appauvri. C'est elle qui a fait les analyses sur l'urine et les os.

Dans le cas de Terry Riordon, elle a fait des essais sur ses poumons, son foie et sur d'autres parties de son corps, mais elle a trouvé de l'uranium appauvri dans ses os où elle s'attendait à en trouver. Les recherches qu'elle a menées pour nous lui ont valu d'être proposé comme lauréate du prix pour l'excellence de la recherche accordée par le doyen.

Leonard Dietz est un physicien. Il a maintenant pris sa retraite, mais il compte 30 ans d'expérience dans la R&D dans le domaine de la spectrométrie de masse, le type d'analyse nécessaire pour obtenir des données adéquates.

Les études menées par le gouvernement de la Belgique et du Canada, c'est-à-dire les études menées par le MDN, ne comportent pas l'analyse de spectrométrie de masse. Elles ne cherchent pas à détecter la présence de U235. Par conséquent, ces études ne peuvent pas établir s'il y a présence d'uranium appauvri ou non. Elles permettent simplement de dire quelle est la quantité d'uranium totale qu'on retrouve dans le corps. On trouve de l'uranium dans votre corps et dans le mien, c'est-à-dire de l'uranium normal. Si l'on ne fait pas la distinction entre l'uranium appauvri et l'uranium naturel, l'étude ne sert à rien.

Len Dietz a travaillé dans les laboratoires Knoll. Il s'agit d'un laboratoire atomique situé à Schenectady dans l'état de New-York. M. Dietz cherchait à détecter la présence de radio-isotopes aéroportés chez les travailleurs des centrales nucléaires. Le document le plus important qu'il a publié et qui vous a été remis, si je ne m'abuse, est passablement technique, mais vous pouvez essayer de le lire. Il porte sur la contamination à l'uranium appauvri dans le Golfe. Il a fait des recherches et de la modélisation mathématique pour établir combien d'uranium appauvri se trouvait dans l'air qu'auraient respiré les soldats qui se trouvaient dans le Golfe.

Voici la chronologie. En 1998, nous avons entrepris des études par la technique moins sensible de l'analyse par activation neutronique à l'université McMaster. Nous avons obtenu des résultats positifs, mais la marge d'erreur lors d'essais de ce genre est assez élevée et nous avons décidé d'abandonner cette méthode. Les résultats de ces recherches ont été présentés à la New York Academy of Medicine à New York. Le mémoire présenté s'intitulait «Internal Contamination with Transuranic Elements». Il a été évalué par des médecins et des spécialistes du rayonnement de faible niveau.

En 1999, les mêmes travaux de recherche ont été présentés au Congrès International sur la recherche sur le rayonnement à Dublin en Irlande. En 1999, nous avons aussi entrepris des études au moyen de la méthode de spectrométrie de masse très sensible à l'université Memorial. Il n'a pas été facile d'obtenir que l'université participe à cette étude. Nous avons dû attendre des mois.

• 1600

Je n'ai pas pu obtenir qu'un autre laboratoire au Canada qui a l'équipement et les compétences voulues—il y en a 3 ou 4, participe au projet. Ils ne veulent pas le faire. C'est un dossier trop délicat au point de vue politique. Ils auraient à traiter avec les médias. Les Anciens combattants les accuseraient de prendre trop de temps pour faire les recherches. La situation est très difficile et nous sommes très chanceux d'avoir Pat Horan.

En 2000, cette étude a été présentée à Paris devant l'Association européenne de médecine nucléaire. Cette étude a été présentée à cette conférence à l'issu du processus d'examen par les pairs. Moins de 700 mémoires sur 1 700 ont été acceptés. Les scientifiques participant à cette conférence sur la médecine nucléaire ont choisi ce mémoire comme l'un des mémoires clés de la conférence. Il a aussi été présenté à Manama au Bahrain à la première conférence sur la médecine militaire pour les États ayant participé à la guerre du Golfe. Le document s'intitulait «Radiological Warfare Environmental Effects».

En l'an 2001, un laboratoire en Angleterre a décidé de participer à nos travaux. Il s'agit d'un laboratoire qui utilise un équipement semblable et qui compte des scientifiques, des géophysiciens et des géochimistes qui connaissent le domaine. Ils ont été payés par la BBC et ils ont procédé à des analyses sur 33 civils ayant été au Kosovo. On a retrouvé de l'uranium appauvri dans la plupart d'entre eux. Le gouvernement de l'Angleterre n'a pas procédé à des analyses, mais la BBC voulait le faire pour pouvoir présenter un reportage. Notre étude a été présentée à une conférence tenue en Italie et qui s'intitulait «Depleted Uranium in the NATO veterans of Balkan Conflict».

Voilà donc qui nous sommes. Deux laboratoires sont sur le point de reprendre les études qui ont été faites à l'université Memorial. Ces deux laboratoires, un en Angleterre et l'autre en Espagne, ont l'équipement et le savoir voulus pour faire ce genre de recherches et ont effectué ce genre d'analyses depuis des années sur des roches. Nous consultons Pat Horan pour voir comment nous pouvons adapter la méthode utilisée pour analyser les urines très étranges qui sont recueillies. Ces urines sont remplies de matériaux organiques et ces personnes prennent tellement de médicaments qu'il est difficile de procéder à des analyses. Le laboratoire espagnol enverra quelqu'un à Terre-Neuve en juin, c'est-à-dire dans les prochaines semaines, pour y être formé.

Nous avons également créé un siège social international à Toronto parce que des scientifiques d'Italie, de France, de Belgique, d'Angleterre et d'Espagne veulent participer à nos efforts. Les soldats qui font l'objet d'analyses en Italie font aussi l'objet d'analyses en Espagne et les données recueillies seront versées dans une base de données centrale parce que jusqu'ici aucun gouvernement n'a voulu établir ce genre de base de données.

Permettez-moi de vous donner des renseignements de base. Pourquoi procédons-nous à ces recherches? Tout a commencé par une étude menée à l'hôpital pour anciens combattants de Wilmington au Delaware. Les patients qui ont nettoyé les chars d'assaut en Iraq ont été adressés au Dr Durakovic. Ils avaient passé des examens médicaux courants, des radiographies, des examens cliniques et d'autres examens de médecine nucléaire. On a constaté qu'il y avait une grave détérioration de leur système immunitaire, de leurs voies respiratoires, de leur système gastro-intestinal et du fonctionnement de leurs reins.

En 1992, ces patients ont été envoyés à la clinique pour anciens combattants de Boston où on leur a fait faire toutes sortes de tests. En 1993, leur urine a été envoyée à un laboratoire radiochimique de l'armée à Aberdeen au Maryland. On a opéré les reins et les uretères de certains patients. En 1994, deux patients sont morts du cancer du poumon et un troisième de causes inconnues. Les 21 autres patients étaient repartis chez eux. Il s'agissait de la 144e compagnie de transport. Ces soldats ont nettoyé les chars d'assaut dans le Golfe. La compagnie a été dispersée. Ils se sont répartis dans tous les États-Unis et le Dr Durakovic n'a pas pu les retrouver. C'est la façon dont le gouvernement des États-Unis a agi. Le gouvernement du Canada a fait de même.

En 1995, on a mis fin à l'étude sur l'uranium appauvri à Boston. En 1996, on a mis fin à l'étude sur l'uranium appauvri portant sur les anciens combattants à Wilmington. En 1997, le Dr Durakovic a été congédié. On a dit que c'était en raison d'une «compression d'effectifs». En 1997, j'ai dit au Dr Durakovic qu'il ne pouvait pas simplement laisser tous ces gens disparaître parce qu'il n'avait pas de clinique. Il m'a répondu qu'il n'y pouvait rien. Je lui ai dit qu'il fallait trouver des gens et un laboratoire pour poursuivre les recherches. Ce que je ne savais pas, c'est que j'allais consacrer des années à ces recherches et que j'allais le faire à temps plein. Je ne vois pas quand je pourrai passer à autre chose parce que personne ne veut de cet emploi non rémunéré.

• 1605

Voilà donc pour la genèse de l'Uranium Medical Research Centre. Nous sommes en communication avec des scientifiques et des médecins serbes, italiens et espagnols ainsi qu'avec une clinique située en Suisse qui veut commencer à nous aider dans nos essais cliniques. Nous pouvons aussi compter sur des médecins américains qui ont travaillé dans des établissements nucléaires à Oak Ridge. Beaucoup de gens veulent participer à ce projet. Le laboratoire à Terre-Neuve conserve les échantillons de centaines de gens et des centaines d'autres personnes attendent pour passer des tests. Voilà où nous en sommes à l'heure actuelle.

Je vais vous donner quelques données de base parce que toute la question est très compliquée.

L'uranium existe en quantité très petite dans la nature, dans une proportion approximative de trois parties par million. L'urine de la personne moyenne contient une partie par million. L'uranium ingéré est éliminé dans une proportion de 98 p. 100 dans un délai de quelques jours. Nous ingérons continuellement de l'uranium et nous l'éliminons. Cela ne pose pas de problème.

L'uranium appauvri est un sous-produit de l'enrichissement de l'uranium. Cet uranium est très concentré. C'est ce que fait le processus. L'uranium est concentré pour notamment créer des bombes et des réacteurs nucléaires. Il faut donc faire une distinction entre l'uranium naturel et l'uranium enrichi. Au lieu de représenter une cuiller à café dans une surface très grande, l'uranium est presque pur.

Pourquoi l'armée utilise-t-elle l'uranium appauvri? Parce qu'il permet de construire des armes qui permettent de percer les blindages. L'uranium enrichi brûle au moment de l'impact et avant celui-ci. Je ne sais pas si vous avez vu la vidéo, avant même que le projectile n'atteigne sa cible, on voit une trace de poussière d'uranium. Lorsque le projectile atteint sa cible, il explose et brûle. Toutes les particules d'uranium se répandent dans l'air et demeurent en suspension comme une poudre. Si une personne entre par la suite dans le char d'assaut, elle peut respirer cette poudre. Les particules d'uranium sont comme ce qu'on retrouve dans un aérosol. Elles peuvent être inhalées. Lorsqu'on les inhale, elles deviennent des toxines chimiques et radiologiques.

On a constaté la présence d'uranium appauvri dans 40 pays actuellement. Parmi ces pays, il y en a qui transforment l'uranium, qui possèdent des réacteurs nucléaires ou qui ont utilisé l'uranium lors de guerres sur leur territoire.

Ce tableau indique quelque chose d'intéressant. Il montre la différence entre l'uranium naturel et l'uranium appauvri. On constate qu'il y a moins d'U235 dans l'uranium appauvri. C'est parce qu'on l'a retiré pour produire de l'uranium enrichi.

L'autre chose intéressante est que l'uranium naturel ne contient pas d'U236. Si vous regardez la ligne du bas, vous voyez le shrapnel; il contient de l'U236. C'est un isotope de l'uranium fabriqué. Il n'existe pas dans la nature. Cela prouve que l'uranium dont nous constatons la présence chez ces patients est un sous-produit d'une réaction nucléaire.

C'était une question brûlante en Europe. Les Européens étaient très contrariés d'apprendre que l'U235 n'était pas séparé de façon nette afin de produire l'uranium appauvri, mais qu'en fait il était créé dans le réacteur. Il s'agit d'un déchet radioactif créé dans le réacteur.

On a également la preuve que l'uranium appauvri contient des traces de plutonium. Notre laboratoire de Terre-Neuve n'est pas autorisé à tester sa présence, car c'est illégal. Toutefois, le laboratoire d'Angleterre pour lequel nous allons commencer à travailler sera autorisé à tester la présence de plutonium que l'on trouve dans l'uranium appauvri, et ce conformément au Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE). Les Anglais sont allés au Kosovo et ont prélevé des échantillons de sol.

C'est un autre problème, important, mais que nous n'aborderons pas ici.

Voici l'analyse des éclats d'obus. On constate la présence de 0,0017 d'U236. Si l'on se reporte aux échantillons positifs provenant de nos patients, on constate que tous contiennent de l'U236, qui est un sous-produit du processus d'enrichissement de l'uranium. Sans l'U236, on peut déterminer encore s'il s'agit d'uranium appauvri ou non, car si le ratio de l'U238 à l'U235—figurant dans l'avant-dernière colonne—dépasse 137, ce qui est le ratio de l'U238 à l'U235 dans l'uranium naturel, on y ajoute quelques points de pourcentage pour la marge d'erreur, et toute lecture dépassant 141 nous indique la présence d'uranium appauvri.

Grâce à des échantillons d'urine prélevés sur ces patients, on peut calculer quel pourcentage d'uranium est de l'uranium appauvri et quel pourcentage est de l'uranium naturel. L'uranium naturel est présent dans l'organisme. L'uranium naturel que nous aurions respiré ou bu hier sera éliminé dès demain. Si nous savons qu'un organisme contient de l'uranium appauvri, nous avons de bonnes raisons d'affirmer que le patient a participé à la guerre du Golfe, parce que cet uranium n'existe pas dans la nature, ou encore nous pouvons supposer qu'ils habitent près d'un site où l'on fait des tests sur l'uranium appauvri, ce qui est peu commun, mais en tout état de cause, la présence de cet uranium n'est pas naturelle.

• 1610

Mme Susan Riordon: Le capitaine Terry Riordon vous a servi pendant 23 ans. Jamais un officier de l'armée ne parle de l'U236. Les fonctionnaires non plus. L'U236 était présent dans l'organisme de mon mari. Cela explique en partie pourquoi je suis veuve aujourd'hui. Dieu bénisse le Canada.

Mme Mary Ripley-Guzman: La question de l'U236 est un sujet brûlant en Europe. Ce n'est pas encore le cas au Canada mais cette question trouble énormément les scientifiques européens.

À la conférence de l'Association européenne de médecine nucléaire, ce sujet a été abondamment discuté parce qu'on a la preuve que l'uranium appauvri présent dans l'organisme de ces patients est un déchet radioactif qui provient d'un réacteur nucléaire.

D'habitude, ce sous-produit est entreposé dans des contenants sécuritaires, enfouis au Utah et protégés pour des millions d'années. En 1990, on a décidé qu'on pouvait l'utiliser pour les chars d'assaut et les obus, et une fois éclaté, il se transforme en particules d'aérosol que les gens peuvent inhaler.

Mme Elsie Wayne: Est-ce que tous les gens qui se trouvent sur cette liste sont décédés?

Mme Mary Ripley-Guzman: Non, en fait ils sont tous vivants sauf Terry Riordon.

Si le rayonnement était de haut niveau, ils seraient tous morts. Il est d'un niveau bas, de sorte qu'une fois inhalé, il est présent dans les poumons et petit à petit il se propage aux os. Les patients que nous avons testés ont tous été exposés à ce rayonnement pendant sept ans avant que nous procédions aux tests. La période radioactive de l'uranium dans les poumons est de seulement quatre ans. Ainsi, la présence d'uranium constatée ici a été vérifiée dans les os, de petites quantités étant excrétées dans l'urine.

Terry est la seule personne dont les os ont été testés, mais actuellement, ceux d'un soldat britannique sont en voie d'être testés. Toutefois, il est très difficile de se procurer des os, parce qu'on hésite à demander aux gens qui passent par cette épreuve de donner les os de leur mari.

Un autre Canadien est mort il y a deux jours et sa femme ne pouvait pas se faire à l'idée de donner ses os. Nous devons nous contenter de l'urine, qui n'est pas la meilleure matière pour le test.

Nous avons découvert autre chose—parce que certains de ces patients ont été testés à intervalles, six mois plus tard par exemple—et nous avons constaté que le patient chez qui le taux d'uranium était très élevé à un moment donné, avait un taux d'uranium assez bas, lors du test six mois plus tard, ce qui montre que, parce que leurs reins d'ordinaire ne fonctionnent pas bien, ces patients n'éliminent pas l'urine de façon régulière. Ainsi, tout cet uranium peut être retenu pendant une semaine ou un mois donné. Donc, il y a des variations. Quand on fait le test sur les os, le résultat est constant.

Il est également très difficile de faire le test avec l'urine car certains sujets éliminent cinq litres d'urine par jour, de sorte que nous devons condenser ces cinq litres pour les réduire à un volume de la taille de la moitié d'un ongle afin de procéder à l'analyse isotopique. En procédant à la concentration, par le jeu de la transformation chimique, on perd tous les éléments organiques, et il est très facile de perdre l'uranium, si bien que pour finir, le test n'est absolument pas probant.

Ainsi, il ne suffit pas de disposer de matériel qui coûte 1,5 million de dollars. Il nous faut des scientifiques aussi dévoués que Pat Horan, qui ne renonce pas tant qu'elle n'a pas vérifié de façon certaine la présence éventuelle d'uranium appauvri.

Il lui faut constater la présence de l'U235 et de l'U236 et elle consacre des mois à sa tâche tant qu'elle n'a pas obtenu sa réponse. Elle délaisse un moment sa tâche et demande plus d'échantillons d'urine, qu'elle fait bouillir, et elle reprend ses analyses chimiques. C'est un travail d'amour. Elle ne travaille pas dans un laboratoire commercial qui touche 1 000 $ pour faire cela. Elle passe ses soirées et ses week-ends dans son laboratoire parce qu'elle se soucie véritablement du sort de ces anciens combattants, parce qu'elle leur porte un vif intérêt.

• 1615

Il ne suffit pas d'avoir les titres de compétences scientifiques et le matériel, ce qui est cependant rare. Comment convaincre une université de renoncer pendant des semaines à l'utilisation de son matériel qui coûte 1,5 million de dollars, pendant des semaines pour procéder à ces analyses?

Nous avons beaucoup de chance de pouvoir compter sur Terre-Neuve. En ce moment, d'autres laboratoires en Angleterre et en Espagne se sont offerts mais ils vont demander des frais d'utilisation trois plus élevés que Terre-Neuve. Ainsi, nous allons avoir des problèmes financiers sous peu.

Il faut passer aux étapes suivantes. Il est essentiel d'augmenter le nombre des laboratoires indépendants de recherche en spectrométrie de masse, capables de détecter les faibles concentrations. Deux laboratoires ont travaillé avec nous, l'un à partir de juin et l'autre à partir d'août. Il nous faut une base de données multinationale pour préserver le résultat de cette recherche et il faut effectuer des recherches médicales pour étudier les effets sur les populations affectées.

Nous essayons de mettre sur pied une clinique qui va faire les évaluations cliniques des patients chez qui on a détecté de l'uranium appauvri, mais c'est très difficile. Ces gens viennent des quatre coins du Canada et de l'Angleterre. Il nous faut des spécialistes en médecine nucléaire, qui comprennent les radio-isotopes, et ces spécialistes sont rares.

J'ai terminé. Je répondrai volontiers aux questions que vous voudrez bien me poser.

Le président: Merci, madame Ripley-Guzman.

Madame Riordon, je voudrais des précisions sur ce que vous avez dit tout à l'heure. Notre objectif ici est essentiellement l'élaboration d'une politique, qui fera l'objet d'une recommandation au gouvernement. Nous sommes un dirigeant vu que nous formulons des recommandations que nous transmettons au gouvernement. Le gouvernement est libre de les accepter ou les rejeter.

Madame Ripley-Guzman, je vous remercie de ce témoignage.

Même si je sais que j'ai ces renseignements sous la main, je vous demanderais quand même de décrire, pour la gouverne des membres du comité, vos compétences professionnelles.

Mme Mary Ripley-Guzman: Je ne suis pas une scientifique. Je suis celle qui a proposé qu'on mette ce projet à exécution. Je travaille avec le Dr Durakovic, qui a un curriculum vitae impressionnant. Je travaille également avec Len Dietz, qui a 30 ans d'expérience dans le domaine et Pat Horan, qui possède tout le matériel et les connaissances actuelles en géochimie. Je suis la personne qui fusionne tout cela. Toutefois, depuis trois ans que je travaille avec ces scientifiques, j'ai beaucoup appris sur la façon d'expliquer le dossier aux non-initiés. Ce sont là mes compétences.

Le président: D'accord. Merci.

La parole est à M. Goldring pour un tour de sept minutes.

M. Peter Goldring (Edmonton-Centre-Est, AC): Merci, monsieur le président.

Merci beaucoup de votre exposé.

Madame Riordon, je tiens à vous féliciter d'avoir tenu bon et d'avoir persévéré dans ces circonstances tragiques. Je pense que nous comprenons tous qu'il ne s'agit pas en l'occurrence d'un problème uniquement canadien qu'il faut approfondir. C'est un problème mondial. Il touche un grand nombre de gens. Je tiens à vous remercier de ce que vous faites.

En outre, madame Riordon, j'espère que vous ne trouverez pas mes questions insensibles au sort de la dépouille de votre défunt mari. Je voudrais vous poser des questions sur son corps, l'état dans lequel il était au moment de sa mort et les tests qui ont été effectués. Je vais devoir vous demander sur quelle partie du squelette on a trouvé la présence d'uranium appauvri. S'agissait-il de tout le squelette? Y a-t-il des endroits particuliers où l'uranium s'était accumulé, concentré?

Madame Ripley-Guzman, peut-être voudrez-vous répondre à cette question.

Mme Mary Ripley-Guzman: Les dépôts dans le tissu osseux sont assez également répartis, de sorte que l'on peut trouver dans un os de n'importe quelle partie du corps une petite quantité d'uranium appauvri.

Mme Susan Riordon: On a prélevé sur Terry l'os crânien, trois quarts de son cerveau, la thyroïde, le fémur, les poumons, le foie et les reins.

M. Peter Goldring: Ces tests exigent-ils une somme considérable de tissu? De quelle masse doit-on disposer pour effectuer ces tests? En faut-il beaucoup? Il semble que ce soit assez considérable.

Mme Mary Ripley-Guzman: Nous n'en avons trouvé d'uranium appauvri nulle part. D'ailleurs, nous ne nous attendions pas à en trouver parce que la période radioactive de l'uranium dans tous les organes est trop courte. Il avait été exposé à des éléments radioactifs pendant sept ans avant que nous n'effectuions les tests, de sorte que nous ne nous attendions à trouver de l'uranium appauvri que dans ses os, même si nous pensions qu'avec un peu de chance nous pourrions en trouver dans ses poumons. Si nous avions analysé la totalité des deux poumons, nous en aurions probablement trouvé. Nous ne l'avons pas fait. Nous n'en avons prélevé qu'une partie.

• 1620

C'est dans l'os que l'on peut détecter la présence d'uranium, où il est distribué assez également. Peu nous importe la partie. Nous effectuons le test sur un morceau d'os seulement, et c'est un petit morceau. Il faut qu'il y ait une concentration chimique. Il faut en extraire l'uranium. Il nous faut un microgramme d'uranium afin de procéder à cette analyse isotopique, mais nous n'avons pas besoin de beaucoup de tissu osseux pour cela. Certains anciens combattants nous ont offert de procéder à des biopsies de l'os, ce que nous pourrions faire. Mais c'est assez coûteux.

M. Peter Goldring: Manifestement, ces tests sont extrêmement différents de ceux auxquels procède le MDN. Est-ce que l'information tirée de ces tests a été fournie au ministère de la Défense pour examen? Le cas échéant, le ministère s'est-il prononcé sur cette méthode de test?

Mme Mary Ripley-Guzman: Ed Owgh s'est prononcé, et il a dit que cette méthode de test, qui a été jugée par des pairs à travers toute l'Europe, était risible. Il a également harcelé l'Université Memorial de diverses façons.

Mme Susan Riordon: C'est la méthodologie qu'applique le Dr Asaf Durakovic. Je l'ai personnellement communiquée au sous-ministre Larry Murray le 11 avril 2000. Nombre de députés, dont certains sont dans cette pièce, ont pu en prendre connaissance également.

M. Peter Goldring: Peut-on attribuer le rejet de cette méthode de test au fait qu'on n'a pas transmis le dossier à quelqu'un qui possède les titres de compétences pour bien en analyser l'efficacité? Comment expliquez-vous, vous-même, en termes simples, que le colonel Scott la rejette? Je suppose qu'il est l'un de ceux qui ont rejeté cette méthodologie.

Mme Susan Riordon: Les faits et gestes du colonel Scott me dépassent, et ce depuis longtemps.

Je crois savoir qu'il a également procédé à des tests sur les cheveux. Même si l'on fait des tests sur les poils du pubis pour y détecter la présence d'uranium appauvri de qualité militaire, on ne peut s'appuyer sur une norme scientifique. Peut-être que cela s'apparente à son diagnostic clinique concernant le syndrome de la guerre du Golfe: c'est selon son bon vouloir. Il n'a pas utilisé les laboratoires sérieux.

Larry Murray est un homme très bien, et nous avons de la chance qu'il soit aux Affaires des anciens combattants. Je suis sûre qu'il a transmis le dossier. En fait, l'ex-honorable George Baker—non pas qu'il ne soit plus honorable, mais il n'est plus ministre des Affaires des anciens combattants—a dit le 2 mars 2000: «Si un ancien combattant veut un test d'uranium appauvri, il peut s'adresser n'importe où, à n'importe qui au Canada». Il a dit cela à un point de presse sur la chaîne parlementaire. C'est donc vérifiable.

M. Peter Goldring: Pouvez-vous nous donner des détails sur la façon dont cet uranium appauvri peut produire les symptômes de ce que l'on appelle le syndrome de la guerre du Golfe? Comment peut-il donner lieu à toute une gamme de symptômes que nous constatons chez des patients diagnostiqués comme souffrant du syndrome de la guerre du Golfe? Pouvez-vous nous expliquer cela? Comment ces symptômes sont-ils produits?

Mme Mary Ripley-Guzman: Je voudrais revenir à votre dernière question car j'ai une réponse vraiment précise à vous donner. Avant que le ministère de la Défense nationale ne décide de procéder à des tests dans deux laboratoires ontariens, j'ai appelé les laboratoires. J'ai ensuite consulté Len Dietz, un physicien qui a 30 ans d'expérience dans l'analyse des radio-isotopes aéroportés aux travailleurs sous rayonnements. J'ai consulté Pat Horan et le Dr Dorakovic. Nous avons tous déterminé que ces laboratoires n'étaient pas en mesure de détecter les niveaux d'U235 présents dans l'urine de ces anciens combattants.

J'ai corédigé un document de deux pages avec ces trois scientifiques, et par l'intermédiaire de Susan Riordon, je l'ai envoyé au MDN. Avant qu'il ne procède aux tests, il savait qu'il ne serait pas capable de détecter les niveaux d'U235. En fait, j'ai discuté avec le responsable du laboratoire. Il m'a dit que le ministère ne leur avait pas demandé de tester le 235. J'ai répondu que les niveaux d'U235 étaient 500 fois moins élevés que les niveaux d'U238. Il m'a répondu qu'il n'avait pas eu la consigne d'effectuer des tests pour cela. Ainsi, toute la démarche était futile dès le départ, et il le savait.

M. Peter Goldring: Comment cette matière affecte-t-elle l'état de santé? Comment peut-elle causer cet état de santé?

Mme Mary Ripley-Guzman: Nous ne pouvons pas dire quelle est la corrélation directe parce que nous n'avons fait de tests que sur quelques douzaines de personnes.

Nous pouvons affirmer cependant ce que contient l'article du Dr Durakovic paru dans le journal médical croate et qui porte sur 150 ans de recherche et d'études épidémiologiques sur les effets de l'uranium sur les mineurs et les travailleurs du nucléaire, sur les cas de cancer dans le voisinage des centrales nucléaires, sur le genre de symptômes, sur les symptômes somatiques multiples, sur les problèmes d'immunité, sur les problèmes liés au foie, aux reins, sur les cancers, les leucémies—toutes ces affections sont associées à la présence d'uranium dans l'organisme, à une contamination interne.

• 1625

Ainsi, lorsqu'on découvre certains niveaux d'uranium appauvri dans l'urine des patients et dans leurs os, on peut établir une corrélation, mais on ne peut pas affirmer quoi que ce soit parce que nous ne disposons pas des cliniques nécessaires à l'examen de ces patients. Nous n'avons pas un nombre suffisant de médecins ayant une connaissance de la contamination interne aux radio-isotopes ou des connaissances oncologiques et toxicologiques nécessaires, capables d'effectuer des examens personnels sur place des patients qui se révèlent positifs. Aucune installation de ce genre n'existe dans le monde aujourd'hui.

Et cela ne touche pas uniquement les anciens combattants de la guerre du Golfe et du Kosovo, car les gens qui vivent à proximité des centrales nucléaires sont atteints, de même que les gens qui vivent près des unités de transformation ou d'extraction de l'uranium, comme les habitants de Port Hope, qui désormais s'adressent à nous. Tous ces gens ne savent pas vers qui se tourner pour une vérification des niveaux dans leur organisme. Ils s'adressent à leur généraliste qui leur répond ne pas savoir ce qui ne va pas chez eux, qui peut constater tous ces symptômes, dont l'ensemble ne suggère rien au médecin—ce qui est le propre du syndrome de la guerre du Golfe, qui est difficile à cerner.

Quand on regarde le groupe de patients, on constate que le rayonnement les touche en divers endroits. Si génétiquement, ils sont vulnérables à des problèmes cardiaques, le rayonnement atteint leur coeur et peut causer un problème. Si le rayonnement atteint leurs reins, ils peuvent souffrir de calculs rénaux ou d'autres problèmes aux reins, mais avec le temps, le rein corrige cela. Ils peuvent souffrir de problèmes hépatiques, de difficultés gastro-intestinales, d'insomnie ou de troubles neurologiques. L'uranium qui se trouve dans leurs os est transporté par les cellules-souches qui se constituent dans la moelle osseuse et il atteint le reste de l'organisme, les irradie, lentement mais sûrement, et il atteint le système immunitaire car l'uranium se trouve dans le tissu osseux, donc dans le système immunitaire. Dès que le système immunitaire est affaibli, le patient attrape tout ce qui passe.

On constate qu'il y a des problèmes somatiques multiples et que ce n'est pas localisé. La difficulté provient du fait que les médecins qui examinent ces patients n'ont pas l'expérience nécessaire.

Mme Susan Riordon: Mary, je crois que vous l'avez bien dit, dans cette courte réponse à la question de M. Goldring: traumatisme, pour le ministère des Affaires des anciens combattants, c'est le mot clé, c'est la principale cause des mises à la retraite pour les anciens combattants de la guerre du Golfe: traumatisme. Le Dr Asaf Durakovic dit que l'empoisonnement par rayonnement et la toxicité due à un métal lourd se manifestent ainsi. C'est comme ça que l'on met les militaires à la retraite. C'est comme ça qu'ils sont regroupés, qu'ils sont étiquetés.

Mme Mary Ripley-Guzman: Comprenez-moi bien, il ne s'agit pas seulement de l'uranium appauvri car d'autres facteurs interviennent. C'est cela qui rend les choses encore plus compliquées car il faut alors décider si ce sont les produits chimiques qui en sont la cause ou encore l'uranium appauvri, et il ne faut pas oublier qu'ils sont aussi vaccinés. Il faut démêler tout cela.

Le président: Je vais vous interrompre, madame Ripley-Guzman, car M. Goldring a dépassé son temps de parole.

Monsieur Bachand.

[Français]

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Merci, monsieur le président.

Je veux d'abord vous dire que je trouve que vous êtes une femme tenace. Il n'a pas dû être facile de voir votre mari partir en santé et revenir dans cet état. Le temps passé avec lui a dû être difficile pour vous et pour les enfants aussi. Vous ne serez plus toute seule dorénavant à livrer bataille. D'ailleurs, nous avons invité des gens qui sont ici ce matin et qui souffrent des mêmes problèmes que votre mari. Je pense que nous—à tout le moins mon parti politique et moi—ne pouvons plus accepter que des gens nous disent qu'il n'y a aucun problème. Je n'y crois plus, et cela depuis un bon bout de temps.

• 1630

Je voulais aussi vous offrir notre appui, vu que M. Pratt, notre président, a parlé de la capacité du comité de faire des recommandations au ministère dans le but de faire adopter de nouvelles politiques. Il est vrai qu'il s'agit de notre rôle, et cette façon de faire est aussi celle de la Chambre des communes.

En plus, il est possible, en tant qu'individu ou parti politique, de défendre des causes, par exemple celle de la pension de votre mari, ou de toute autre chose semblable. Je voudrais en savoir plus long sur ce sujet pour essayer de vous aider. Cela constitue aussi un des rôles des députés de la Chambre des communes que d'aider les gens qui ont besoin de cette aide. Il n'est pas suffisant de simplement participer aux travaux des comités.

Je vous l'affirme, nous allons nous parler et essayer de vous aider.

D'autre part, je vous demanderais de réagir au plan d'action ou aux demandes que nous avons soumises au gouvernement à propos de la guerre du Golfe et de celle des Balkans. Ces demandes sont assez précises parce que nous avons beaucoup travaillé avec ces gens. Je vous offre donc de vous joindre à nous, parce qu'il faut être nombreux pour remporter cette bataille.

Quant à moi, je ne suis pas un scientifique. Mes collègues non plus ne sont pas des scientifiques. Cela constitue souvent un problème. Je suis un peu perdu quand il est question d'uranium 234, 235, 236, avec 0,76 d'un millième. Je peux cependant vous dire que j'ai suffisamment de perspicacité pour me rendre compte que la présentation que le colonel Scott a faite la dernière fois qu'il est venu ici était la même, presque mot à mot, que celle qu'il avait faite la semaine précédente devant l'OTAN à Bruxelles. Je lui ai demandé si c'était lui qui avait rédigé son discours. Je me suis dit que quelqu'un en haut lieu, avec l'aide des gouvernements, essayait de transmettre le message qu'il n'y a aucun problème. Il aurait peut-être dû apporter quelques modifications à son discours parce qu'il s'agissait presque intégralement de ce que j'avais entendu une ou deux semaines auparavant.

Je vous demande donc quelles sont vos réactions face aux demandes que nous faisons aujourd'hui au gouvernement. Nous aimerions, entre autres, que tous les gens qui ont participé à la guerre du Golfe et à celle des Balkans soient examinés par une équipe de spécialistes médicaux indépendants et civils. Il est primordial qu'ils soient civils, parce qu'on sait ce qui se passe quand les militaires font ces examens. C'était la première chose que je voulais dire.

Deuxièmement, nous aimerions que les gens qui sont reconnus malades par cette équipe soient déclarés anciens combattants pour qu'ils puissent être bénéficiaires du régime et ainsi éviter d'avoir à payer des fortunes en médicaments. Ils seraient en bien meilleure posture s'ils étaient considérés anciens combattants.

Nous souhaitons aussi qu'il y ait un protocole médical. Cela vous concerne plus directement, madame Ripley-Guzman. Ce protocole médical, lorsque des gens doivent se rendre dans un théâtre d'opérations, les avertirait des dangers qui les attendent et les renseignerait sur les types de médicaments suggérés. Ce n'est pas ce qui s'est passé. On a dit aux gens de se mettre en ligne et de baisser leur culotte, et on leur a administré un vaccin dans la fesse droite. La journée suivante, on a donné à chacun trois pilules roses et une pilule rouge qu'ils devaient prendre à telle heure, telle heure et telle heure. Nous voulons donc qu'il y ait un protocole médical et nous voulons qu'il y ait une enquête publique pour savoir ce qui s'est vraiment passé.

J'aimerais connaître vos réactions. S'il faut que je revienne au deuxième tour pour avoir plus de précisions, je le ferai. Il y a quatre volets. Répondez aux volets auxquels vous pouvez répondre, et si vous n'avez pas le temps de répondre à tous, je vais revenir au deuxième tour pour traiter à fond du plan d'action ou des demandes que nous avons faites au gouvernement.

[Traduction]

Mme Mary Ripley-Guzman: Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de voir les films de Doug Rokke, qui est un chimiste-expert en biologie nucléaire et que l'on a envoyé après la guerre du Golfe pour procéder à la décontamination. Son équipe a mesuré les chars d'assaut. Elle a passé des mois à décontaminer ces chars, à les enfouir ou à les rapatrier aux États-Unis. Le gouvernement américain lui a demandé de faire des films après la guerre du Golfe pour qu'à l'avenir les gens sachent ce qui se produit lors d'une guerre, pour qu'ils se munissent de l'équipement approprié, pour qu'ils n'aillent pas retourner la poussière et la respirer. Jusqu'à présent, ces films n'ont jamais été visionnés aux États-Unis.

• 1635

Mme Susan Riordon: Il s'agit ici du film intitulé Depleted Uranium Hazard Awareness, un film servant à l'entraînement de l'armée américaine, dont le numéro de production est le 710493 TVT 3-92, avec une ligne téléphonique commerciale accessible aux États-Unis, 205-848-4489. Dans ce film de sensibilisation, tourné par l'Armée américaine en 1995, on affirme que l'uranium appauvri ne comporte que deux dangers pour la santé, la toxicité du métal lourd et l'empoisonnement dû aux rayonnements.

Il existe également un film d'entraînement sur les opérations de gestion de confinement de l'uranium appauvri de qualité militaire, intitulé The Clean-Up, numéro de production 701358DA, TVT 9-284. Il appartient aux États-Unis de faire voir ces films, et que je sache, ils ne l'ont pas fait. Le Canada semble ignorer totalement l'existence de ces films.

En outre, le département de la Défense, par l'intermédiaire du colonel Daxon, et c'est notre... Il préfère le même type de serment d'Hyppocrate. Il semble que Daxon refuse de divulguer 2 300 documents d'un comité sénatorial, semblable au vôtre, et, selon l'Association nationale des anciens combattants, c'est illégal.

Il nous faut une politique mais nous devons également nous souvenir de nos dégâts subsidaires.

Le président: Je vais devoir vous interrompre, monsieur Bachand, parce que, malheureusement, vous avez mis beaucoup de temps à poser votre question.

M. Leon Benoit (Lakeland, AC): J'invoque le Règlement. Le président du comité pourrait-il demander des exemplaires de ces films au gouvernement américain? Nous avons tous les renseignements permettant de les repérer. J'aimerais voir ces films. Je demande le consentement unanime du comité pour que l'on demande des exemplaires de ces films, monsieur le président.

Le président: Monsieur Benoit, permettez-moi de réfléchir à votre demande. Entre-temps, je vais donner la parole à un député libéral, monsieur Price.

M. David Price (Compton—Stanstead, Lib.): Merci, monsieur le président.

Nous sommes ravis de vous accueillir. Malheureusement, ce n'est pas sur un sujet très réjouissant. Quand nous nous sommes rencontrés officiellement la dernière fois, nous discutions de la qualité de vie chez les militaires, et il est intéressant de constater que vous soulevez aujourd'hui le problème des dégâts subsidiaires. C'est un sujet qui n'a pas été abordé pendant que nous discutions de la qualité de vie. Nous ne nous sommes même pas penchés là-dessus. Je pense qu'il faut maintenant s'en occuper, et je suis sûr que c'est un élément qui sera ajouté au reste au moment de l'examen. En effet, et c'est ce qui est bien dans le cas du rapport sur la qualité de vie, nous le reprenons chaque année, pour évaluer ce qui a été fait et ce qu'il reste à faire. Il faut dire que vous avez présenté un mémoire à Halifax et que des changements majeurs ont été apportés depuis.

Il y a quelques semaines j'étais en Europe, à une réunion de l'OTAN, avec d'autres parlementaires d'autres pays, et j'ai pu constater que la situation chez eux est identique à la nôtre. Il y a encore une grande pénurie d'information mais il est indéniable qu'il y a un problème. Le syndrome de la guerre du Golfe existe—du moins sous ce vocable actuellement—mais la difficulté demeure d'en trouver les causes. Dans bien des pays, on fait valoir qu'il y a des patients qui exhibent les mêmes symptômes en général mais qui n'ont jamais été exposés à l'uranium appauvri. Donc, on s'interroge.

Autre chose qui nous nuit, le fait que l'Organisation mondiale de la santé ait publié en avril un rapport qui conclut essentiellement que les risques que comporte l'uranium appauvri pour la santé sont négligeables. Je suis sûr que vous connaissez l'existence de ce rapport et j'aimerais que vous me disiez ce que vous pensez.

• 1640

Quand c'est l'Organisation mondiale de la santé qui se prononce, cela a beaucoup de poids. Pour ce qui est du public qui se tourne vers nous...et si le public se fonde sur les affirmations de l'organisation qui dit qu'il n'y a pas de quoi s'inquiéter, nous devrons quant à nous offrir des preuves solides si nous voulons faire avancer le dossier.

Mme Mary Ripley-Guzman: Je peux vous donner une référence à propos de ce rapport. Je pense que vous avez le livre de Martin Messonnier, La guerre invisible, n'est-ce pas?

Des voix: Non.

M. David Price: J'en ai entendu parler.

Mme Mary Ripley-Guzman: L'auteur est un journaliste, et il a réalisé le film que vous avez vu, je pense.

M. David Price: C'est cela.

Mme Mary Ripley-Guzman: Il s'est penché sur les conclusions de l'Organisation mondiale de la santé pour déterminer pourquoi elle avait tiré ces conclusions-là. Il a découvert un document qui remonte à plusieurs années. Ce document explique que l'Organisation mondiale de la santé n'est pas autorisée à émettre une opinion indépendante concernant les rayonnements à moins que cette opinion n'ait été sanctionnée ou modifiée par un institut nucléaire donné, qui constituait un groupe de pression nucléaire très puissant en Europe à l'époque. Je ne me souviens pas du nom de ce groupe. Mais je peux vous trouver la référence.

Personnellement, je ne me fie pas à ce rapport. Malcolm Hooper, détenteur d'un doctorat en Angleterre, travaille avec la Royal Society d'Angleterre pour obtenir que l'on effectue les tests qui s'imposent. Il travaille depuis plus de deux ans et il n'a pas réussi à faire tester un seul patient. Il a présenté un rapport qui critique le rapport des Nations unies sur l'environnement et le rapport de l'Organisation mondiale de la santé. Leurs données ont été très manipulées avant la parution de ce rapport et on les a édulcorées. Il signale toutes les erreurs qu'on trouve dans ce rapport.

Je ne suis donc pas qualifiée et ma mémoire flanche. Je l'ai lu toutefois et je me suis dit que c'était plein de bon sens.

Vous devriez lire ce rapport et je peux vous en obtenir un exemplaire.

M. David Price: Vous pouvez vous imaginer que pour nous les membres du comité, qui doivent présenter des recommandations que l'on puisse mettre en oeuvre, cela constitue un obstacle majeur.

Mme Susan Riordon: Monsieur Price, peut-être que je peux vous montrer pourquoi certaines personnes qui n'ont pas été déployées dans le Golfe persique présentent les mêmes symptômes, c'est à cause de cela... C'est l'équivalent de la poussière d'uranium appauvri. Cette poussière a été rapportée ici. Nous l'avons rapportée au Canada, à Trenton. Les préposés au nettoyage de l'avion et des chars d'assaut n'ont pas reçu de combinaison protectrice.

Terry y est allé et n'a pu obtenir de combinaison. Mais c'est équivalent à la poussière dans l'air.

M. David Price: Ça me mène directement à ma prochaine question.

Puisque les véhicules sont revenus couverts de poussière, cette poussière a-t-elle été testée? Qui a effectué ces tests et dans quelles conditions?

Mme Susan Riordon: Le Dr Durakovic a fait analyser la poussière. C'est le Doug Rokke qui est allé nettoyer les véhicules. Il lui a fallu trois mois pour préparer 24 véhicules pour leur retour, et trois ans pour les nettoyer. Avons-nous fait quelque chose? Je ne le crois pas.

Je travaille avec des anciens combattants qui n'ont pas été déployés dans le Golfe mais qui ont dépoussiéré les hélicoptères, et qui aujourd'hui sont malades ou mourants.

M. David Price: Je sais que nous avons fait appel à deux laboratoires indépendants pour tester nos soldats, et je connais déjà vos réponses à ce sujet. Il est très clair que ces tests n'étaient peut-être pas...

Mais qu'en est-il de la poussière elle-même? Savez-vous si des tests ont été effectués ici?

Mme Susan Riordon: Au Canada? Non.

Si nous voulons suivre l'exemple de Ken Scott, nous devons dire «Oui, mon commandant» à tout ce que les États-Unis affirment.

Mme Mary Ripley-Guzman: Ils ont ramené une douzaine de chars d'assaut de l'Iraq. Ces derniers sont entreposés aux États-Unis, dans un énorme hangar doté de filtres à air spéciaux qui aspirent la poussière. Ils resteront dans ce hangar et on engloutira je ne sais combien de millions de dollars pour s'assurer que cette substance ne contamine pas le reste des États-Unis. Les soldats qui ont été envoyés dans le Golfe ont rapporté avec eux des souvenirs, des éclats d'obus. De la poussière dans leurs bottes. Personne n'a été mis en garde sur la manière de décontaminer ces objets.

M. David Price: En conclusion, pourriez-vous recommander à notre comité des mesures qu'il devrait prendre?

Mme Mary Ripley-Guzman: Il est déjà un peu trop tard pour les soldats qui ont combattu dans la guerre du Golfe. On ne peut extraire cette substance de leurs os. Je ne suis pas médecin. Je vous fais part de ce que j'ai appris en parlant aux spécialistes. Je suis comme vous, je suis profane, mais j'ai côtoyé ces gens assez longtemps.

• 1645

Pour ceux qui sont allés au Kosovo, il n'est peut-être pas trop tard. On devrait les tester immédiatement. Il existe des lavements de poumon. J'ai apporté une liste. On peut y lire que l'objectif principal de la thérapie chez les patients ayant des dépôts internes d'uranium est de prévenir l'absorption dans le système à partir de la région de pénétration, et d'éliminer l'uranium du système sanguin ou des organes ciblés. Il est de la plus grande importance d'entamer cette thérapie le plus tôt possible après l'exposition...et il y a plusieurs façons de le faire. On peut nettoyer les intestins, nettoyer les poumons—vous trouverez tout ça dans le document.

Nous avons aussi mis sur pied une clinique dont le personnel de spécialistes évaluera les patients dont les échantillons quant à l'uranium appauvri sont reconnus positifs en vue de déterminer des méthodes de traitement de leurs symptômes, même si la substance ne peut être retirée de leur corps. Les patients doivent savoir identifier les symptômes. Ils devraient subir des examens TDM pour dépister les cancers.

On devrait leur dire qu'ils n'ont pas imaginé tout cela, que leur corps est ravagé de l'intérieur—j'emploie des termes simplifiés. Leur système immunitaire ne fonctionne pas normalement. En conséquence, ils sont vulnérables à toutes sortes de maladies. Nous avons des moyens de soutenir ces patients et de traiter leurs symptômes, même si on ne peut en éliminer la cause parce qu'il est trop tard.

Pour mettre cela en pratique, il nous faut, au Canada, une clinique spécialisée dotée d'un toxicologue, un oncologue et en spécialiste en médecine nucléaire. C'est ce que nous souhaitons. Nous voulons une clinique en Amérique du Nord, et elle devra être située au Canada, parce que je doute que les États-Unis s'en chargent; et nous voulons une clinique en Suisse. Une clinique en Suisse est disposée à jouer ce rôle, et nous en discuterons avec les intéressés cet été.

Le président: Madame Ripley-Guzman, je dois vous interrompre parce que M. Price a dépassé son temps de parole.

Monsieur Stoffer.

M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président.

Susan, au nom de tous les anciens combattants de la guerre du Golfe, je vous remercie des efforts courageux que vous faites pour porter cette question non seulement à notre attention mais à celle du pays également. Vous méritez des éloges à ce chapitre.

Mme Susan Riordon: Nous leur devons beaucoup.

M. Peter Stoffer: J'ai devant moi le procès-verbal de votre réunion avec le comité provincial des Affaires des anciens combattants en Nouvelle-Écosse. On peut y lire des choses troublantes.

Aujourd'hui, votre approche semble un peu plus réservée que lors de votre comparution devant John Holman, Gerry Pyne et bien d'autres. Je n'ai pas assisté à cette réunion, mais on me dit que c'était assez triste—et vous avez dû passer à travers cette épreuve.

Mme Susan Riordon: Ils m'ont demandé de leur dire toute la vérité, et c'est ce que j'ai fait.

M. Peter Stoffer: Je vais vous poser une question de nature personnelle, et si vous préférez ne pas répondre, vous n'avez pas à le faire.

Lorsque M. Scott est venu comparaître, je lui ai posé une question de nature personnelle, à savoir de quoi Terry Riordon était mort, à son avis. Il a répondu que, comme il s'agissait d'un ancien patient, il ne conviendrait pas qu'il réponde à la question.

Je vous pose donc la question. M. Scott vous a-t-il déjà dit, confidentiellement ou à titre personnel, ce qui, à son avis, a causé la mort de votre mari? Vous l'a-t-il déjà dit, ou lui avez-vous déjà demandé?

Mme Susan Riordon: La seule chose que Ken Scott a faite, c'est de rédiger l'article qui s'intitule «Uranium appauvri: Intelligence appauvrie», dans la revue du National Gulf War Veterans Association. On peut y lire que de la mort du Terry est peut-être due au syndrome de la guerre du Golfe—en fait, non pas peut-être, mais effectivement.

M. Peter Stoffer: Ce n'est pas ce qu'il a dit au comité. Il a dit que, puisqu'il s'agissait d'un ancien patient, il ne serait pas approprié pour lui de répondre.

M. Susan Riordon: Il a jugé approprié de publier cet article dans une revue pour anciens combattants et sur l'Internet, n'est-ce pas?

M. Peter Stoffer: C'est pourquoi je vous pose la question. Puisqu'il ne pouvait y répondre devant un comité de parlementaires, en tant que médecin ayant traité Terry, vous a-t-il dit personnellement, à l'époque, ce qui avait causé la mort de votre mari?

Mme Susan Riordon: Ken Scott refuse de m'adresser la parole; il refuse de communiquer avec moi.

M. Peter Stoffer: D'accord, vous répondez que non.

Mme Susan Riordon: Non, rien. Et je ne le croirais pas de toute façon.

Je m'excuse, Peter.

M. Peter Stoffer: La colère que vous ressentez pour cet homme en dit long. Avez-vous déjà envisagé d'intenter des poursuites judiciaires contre lui?

Mme Susan Riordon: Je me réserve le droit de le faire, mais à partir du moment où j'entamerai des poursuites, je ne pourrai plus m'exprimer publiquement.

Le président: Monsieur Stoffer, je ne suis pas sûr que vos questions soient recevables sur le plan de...

M. Peter Stoffer: D'accord, je change de sujet, monsieur le président. Merci.

Vous avez parlé une sensation de brûlement à l'éjaculation. Madame Guzman, peut-être qu'il est trop tôt pour vous poser la question, mais à votre avis, à première vue du moins, croyez-vous que l'uranium appauvri est transmissible sexuellement?

• 1650

Mme Mary Ripley-Guzman: Nous n'avons pas effectué d'analyse du sperme. Le gouvernement américain a fait de telles analyses, mais nous n'avons pas vu...

Mme Susan Riordon: Mme Rosalie Bertell soutient que c'est transmissible par le sperme. Dans une étude effectuée aux États-Unis en 1997, on affirme que le sperme de plusieurs anciens combattants de la guerre du Golfe contient des isotopes qu'on ne retrouve pas à l'état naturel.

Nous courons un grave danger. Le dégât subsidiaire que je représente pourrait s'avérer bien plus grave qu'on ne l'imagine. Peut-être que des centaines de milliers de personnes sont atteintes dans le monde.

À bien y penser, si c'est transmissible sexuellement, qu'en est-il des dons d'organes? Si cette substance est acheminée par le sang et les organes jusqu'aux os, et que nous avons permis à des personnes susceptibles d'être contaminées de faire des dons d'organes, qu'avons-nous fait aux patients? Le problème a une portée plus vaste qu'on ne le croit.

Mme Mary Ripley-Guzman: Nous savons que ça cause des dommages génétiques; c'est prouvé. Des recherches ont été faites, ce qui ne signifie pas nécessairement que la substance se trouve dans le sperme. Mais nous savons que les cellules sexuelles peuvent être affectées.

Mais nous abordons là des questions hautement techniques de nature médicale, et le projet du Uranium Mecidal Research Centre n'a effectué aucun test sur le sperme.

M. Peter Stoffer: Merci.

Le président: Madame Wayne.

Mme Elsie Wayne: Je veux que vous sachiez que nous compatissons tous, de part et d'autre de la table. Nous compatissons, Sue, et chacun d'entre nous souhaite aussi trouver les réponses.

J'ai noté que, au point 14 du document Uranium Medical Research Centre, on peut lire: poursuivre les efforts pour informer la presse et les politiciens en Europe et au Canada; continuer de répondre aux questions des scientifiques et des particuliers; accroître notre réseau de collaboration qui s'étend maintenant à l'Angleterre, au Canada, aux États-Unis, à la France, à la Belgique, à la Hollande, à l'Allemagne, à l'Espagne, à l'Italie, à la Grèce, à la Bosnie, à la Serbie, à la Croatie et au Moyen-Orient.

Organisez-vous des conférences regroupant en un même lieu des représentants de tous ces pays?

Mme Mary Ripley-Guzman: Nous ne pouvons nous le permettre. Nous recueillons des fonds pour financer notre administration. Les médecins, les physiciens et moi appuyons la recherche.

Le Dr Durakovic m'a accompagnée en Belgique pour assister à une conférence. Ce voyage a été financé par les anciens combattants britanniques. Nous venons de nous rendre en Angleterre pour nouer des relations avec les deux laboratoires qui collaboreront avec nous. Ce sont les anciens combattants britanniques qui ont payé ce voyage.

Le lien avec l'Italie a été créé grâce au Vatican, qui a financé le voyage du Dr Durakovic ainsi que l'organisation de la conférence.

Dans tous les cas où l'exercice nous paraît utile, si quelqu'un est disposé à recueillir les fonds nécessaires, nous nous rendons sur place et mettons sur pied une conférence. Les anciens combattants britanniques ont également défrayé le voyage à Paris pour la conférence de médecine nucléaire. Leur organisme caritatif est financé par le public britannique.

Malheureusement, au Canada, nous n'avons pas une telle oeuvre de bienfaisance. Sue va lancer le Fonds commémoratif Terry Riordon pour nous permettre de tester les anciens combattants au Canada et poursuivre ce travail.

Mme Elsie Wayne: Vous avez parlé du médecin de la Memorial University à Terre-Neuve, et de la recherche qui a été faite là-bas. Je me demande s'il ne serait pas judicieux d'inviter ce médecin et le Dr Durakovic à venir témoigner devant notre comité.

Si je me fie à ce que Sue et Mme Guzman ont dit aujourd'hui, en invitant ces deux spécialistes à venir témoigner, nous aurions l'occasion de poser ces questions à des experts. C'est ce que nous devrions faire, et je crois qu'il est très important de procéder ainsi.

À partir des renseignement qu'ils pourront nous fournir et des réponses qu'ils pourront nous donner, nous serons en mesure de soumettre des recommandations au ministère de la Défense nationale et au ministère des Anciens combattants.

Comme Mme Guzman l'a dit, elle oeuvre dans ce domaine sans en être spécialiste. Nous sommes conscients de l'épreuve que Terry et Sue ont connue.

• 1655

Vous avez des enfants, n'est-ce pas, Sue?

Mme Susan Riordon: Oui, deux enfants.

Mme Elsie Wayne: Deux enfants, c'est ce que je pensais. Je crois que nous avons un devoir envers Sue, et envers tous ceux qui sont malades, d'assumer le rôle de leader dans le domaine. De plus, monsieur le président, nous avons le devoir de demander, au nom de ces deux personnes exceptionnelles qui oeuvrent dans le domaine—et en collaboration avec d'autres pays—, que notre pays et notre Comité de la défense agissent comme chefs de file dans le domaine. Voilà comment je vois les choses.

Le président: Avez-vous d'autres questions, madame Wayne?

Mme Elsie Wayne: Non, merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Vous avez tout le loisir d'aborder cette question devant le comité directeur de notre comité.

Monsieur Benoit.

M. Leon Benoit: Merci, monsieur le président. Merci également à vous deux, mesdames, d'être venues aujourd'hui, et je vous remercie de tout le travail que vous avez accompli. Vous avez certainement dû être très persévérantes pendant bien des années, et ça doit être difficile.

La situation est si complexe qu'il est difficile de savoir où commencer. Je pense qu'il faudrait revenir...j'ai vu beaucoup de données et de prétendues preuves sur toute cette question, y compris l'information provenant de l'OTAN. L'OTAN affirme qu'il n'y a absolument aucune preuve permettant d'affirmer que l'uranium épuisé cause des problèmes de santé. C'est aussi ce que le colonel Scott a dit lors de sa comparution.

Si l'on examine les statistiques—et je sais que lorsque l'on parle de son mari, on ne devrait pas parler de statistiques, mais c'est la façon dont le colonel voit les choses. Il a dit que les statistiques montrent que les soldats qui ont été exposés à l'uranium épuisé ne connaissent pas plus de problèmes de santé que d'autres groupes témoins dans l'armée et dans le grand public. C'est ce que le colonel Scott a dit au comité il n'y a pas si longtemps. Pourquoi donc chercherait-on plus loin lorsqu'on dit que les preuves indiquent que l'exposition à l'uranium épuisé n'augmente pas les risques pour la santé? Moi je sais pourquoi on voudrait le faire, mais je veux que vous nous le disiez.

Voilà ce que disent le colonel Scott et les gens de l'OTAN, mais j'aimerais connaître votre réaction.

Mme Susan Riordon: Oui. Le colonel Scott vous a également dit que le syndrome de la guerre du Golfe n'existe pas. Il l'a écrit. Or, il a diagnostiqué ce syndrome en 1995. C'est ce qui a causé la mort de Terry.

Le colonel Scott dit beaucoup de choses. L'étude Goss Gilroy devait être une étude indépendante menée en collaboration avec le ministère de la Défense nationale. L'étude porte la signature de Ken Scott. Il était alors lieutenant-colonel. Voyons ce qu'on y lit. L'étude dit que les soldats de rang inférieur signalent davantage de problèmes de santé et que cette situation est attribuable à leur mauvaise scolarité, à un taux d'alcoolisme plus élevé chez ces militaires et au fait qu'ils cherchent à attirer l'attention.

Si vous voulez croire ce que dit le colonel Scott, grand bien vous fasse.

Voici les statistiques portant sur l'incidence du cancer parmi les anciens combattants du Golfe persique. Si j'ai pu obtenir ces données de la Croix-rouge, le colonel Scott peut en faire autant.

M. Leon Benoit: Que dites-vous que ces données montrent? Je ne comprends pas ce que vous dites.

Mme Susan Riordon: Il s'agit de l'incidence du cancer parmi les anciens combattants du Golfe persique. Les données datent de 1996. Si je peux obtenir ces données, pourquoi le colonel Scott ne peut-il pas en faire autant?

M. Leon Benoit: Mais il les a obtenues et il dit qu'elles indiquent que l'incidence des problèmes de santé n'est pas plus élevée chez ces militaires.

Mme Susan Riordon: Il n'a déposé aucun document à l'appui de ses dires et il vous a simplement dit de consulter l'Internet. J'ai déposé des milliers de pages de documents, une vidéo et je vous ai amené la présidente du projet de recherche médicale sur l'uranium.

Je vous ai fait connaître la vérité. À vous d'en tirer partie.

M. Leon Benoit: Je vous présente cette information de la façon dont on nous l'a présentée.

Mme Susan Riordon: Oui, j'en suis consciente.

M. Leon Benoit: Vu l'intérêt personnel que vous y portez, vous étudiez cette question depuis longtemps. Ce que j'essaie de savoir, c'est ce que vous pensez de la position qui nous a été présentée.

Mme Susan Riordon: Il s'agit des consignes de parti. En suivant les consignes de parti, on se dégage de toute responsabilité.

• 1700

M. Leon Benoit: Vous pensez donc qu'on cherche à étouffer la vérité?

Mme Susan Riordon: Oui, je pense que c'est exactement ce qu'on cherche à faire. L'armée pas plus que le monde civil veut assumer sa responsabilité. C'est une question de sous.

Mme Mary Ripley-Guzman: J'aimerais vous parler de l'OTAN. J'ai participé à une conférence en Belgique l'an dernier qui portait sur la question de l'uranium appauvri. Quatre médecins spécialistes en ont discuté. L'un d'entre eux avait fait faire des tests à 2 000 soldats à leur retour du Kosovo. Il a présenté ses conclusions en détail et moi, qui ne suis ni spécialiste ni physicienne, j'ai demandé si on avait des tests sur le U235? Je me suis levée et j'étais la seule parmi tous ces spécialistes à vouloir des renseignements au sujet du U235. On n'avait pas cherché à établir la présence de U235 pas plus que le MDN ne l'a fait. On s'est contenté d'analyser les niveaux d'uranium. Or, le niveau d'uranium n'indique rien. Lorsqu'on vous dit qu'on ne retrouve pas plus d'uranium chez les militaires qui sont allés dans le Golfe que chez les personnes qui n'y sont pas allées, cela ne vous dit rien. Ce qui importe, c'est l'uranium appauvri.

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Bachand, vous avez la parole.

M. Claude Bachand: Combien de temps avons-nous pour le deuxième tour?

Le président: Cinq minutes.

[Français]

M. Claude Bachand: Je répète que je ne suis pas un scientifique. J'essaie de voir comment on peut résoudre le problème causé par le fait que des gens affirment une chose et que d'autres affirment le contraire. Nous, les parlementaires, devons tâcher de voir où est la vérité. J'ai déjà dit que je ne croyais pas le colonel Scott—c'est un début—parce que que j'avais entendu le même discours à Bruxelles.

J'aimerais maintenant connaître vos réactions. Tâchons de faire cela rapidement, parce que je ne suis pas sûr de disposer d'un autre tour de parole. Nous proposons que les militaires qui ont participé à la guerre du Golfe et servi dans les Balkans obtiennent le statut d'ancien combattant. Êtes-vous d'accord sur cela? Oui.

Deuxièmement, madame Riordon, vous m'avez sensibilisé à la cause des conjointes et des enfants. Vous avez parlé de dommages collatéraux. Cela veut dire que votre santé, si j'ai bien compris, est aussi affectée.

Nous proposons donc que le gouvernement mette sur pied une équipe de spécialistes multidisciplinaire, indépendante et civile afin d'étudier l'état de santé des militaires ayant participé aux deux conflits et de leur procurer les soins appropriés. Si je vous ai bien comprise, il faudrait ajouter l'expression «ainsi qu'à leur famille» pour s'assurer de couvrir tout le monde. Cela vous va aussi? Oui.

Nous voulons aussi qu'un protocole médical soit établi et utilisé lors de déploiements ou de sorties des Forces canadiennes. Cela veut dire qu'avant de se rendre sur un théâtre d'opérations, tous les militaires sauraient quels sont les dangers et quelles sont les contre-mesures médicales qui seront adoptées pour les aider s'ils opèrent dans un théâtre d'opérations dangereux. Vous approuvez l'idée qu'on sache d'avance...

[Traduction]

Mme Susan Riordon: Fantastique.

[Français]

M. Claude Bachand: ...grâce au protocole médical, ce à quoi ces gens auront droit.

Nous proposons qu'une commission d'enquête indépendante soit instituée afin qu'on sache une fois pour toutes ce qui s'est passé. J'imagine que vous approuvez aussi cette idée.

[Traduction]

Mme Susan Riordon: Certainement.

Mme Mary Ripley-Guzman: Je m'excuse, avez-vous dit qu'il fallait nommer un groupe médical indépendant?

M. Claude Bachand: Un groupe médical indépendant,

[Français]

mais aussi une commission d'enquête indépendante qui ira au fond des choses pour savoir ce qui s'est passé.

Nous voulons que l'équipe médicale soit indépendante, mais aussi civile, parce que les gens ont perdu confiance. Ils ne croient plus un médecin capitaine de l'armée qui leur dit qu'ils n'ont rien. Ils ne croient plus ces gens. Il faut donc des civils indépendants de l'armée. Partagez-vous ce point de vue ?

[Traduction]

Mme Mary Ripley-Guzman: Tout le monde aboutit à cette conclusion. Si vous lisez le compte-rendu des audiences du congrès aux États-Unis et les reportages qui portent sur les anciens combattants britanniques, vous verrez que tous les anciens combattants de tous les pays disent ne pas faire confiance à leur ministère de la défense et leur ministère des affaires des anciens combattants. On sait que le problème existe depuis 10 ans et on n'a toujours pas obtenu de diagnostic convenable. Nous voulons des études indépendantes. Il faut trouver les fonds voulus et engager les personnes qui ont l'expérience et les compétences nécessaires et ne pas simplement confier ces études à l'armée ou au gouvernement qui non content de vouloir étouffer la vérité, ne font pas appel aux personnes ayant les compétences voulues.

• 1705

Notre groupe compte des gens qui ont des années d'expérience dans l'étude des radioisotopes, qui ont fait des expériences sur les animaux, qui ont travaillé dans des laboratoires et qui ont étudié la santé des enfants de Chernobyl. Peu de gens possèdent ce genre d'expérience. Il faut les trouver et les attirer. Or on peut voir d'après les constatations résultant de la guerre du Golfe et du traitement réservé aux anciens combattants aux États-Unis, que les gens qui ont ce genre d'expérience ne veulent pas faire connaître leur opinion parce qu'ils travaillent dans le secteur nucléaire et qu'ils craignent de perdre leur emploi.

À titre de dirigeants politiques, vous devez donc créer un climat qui permette à ces gens de dire le fond de leur pensée sans avoir à craindre de perdre leur emploi...

Le Dr Durakovic a fait l'objet de nombreuses attaques. J'ai pu le constater moi-même au cours des cinq dernières années. Mais il a du coeur au ventre, il défend ses opinions et poursuit ses travaux. Très peu de gens risqueraient comme lui leur réputation. Ceux qui sont prêts à risquer leur réputation sont ceux qui ont déjà pris leur retraite et ils sont trop vieux pour faire quoi que ce soit.

Il nous faut donc trouver les spécialistes voulus et par l'Internet, nous avons établi des contacts avec des spécialistes du monde entier qui sont prêts à faire ce genre de recherche.

Le président: Ça va, monsieur Bachand?

Monsieur Wilfert.

M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Monsieur le président, j'aimerais d'abord remercier nos témoins d'être venues comparaître devant le comité aujourd'hui.

J'ai lu à l'avance votre mémoire qui m'a beaucoup troublé. Il présentait beaucoup de données scientifiques, mais ce dont il s'agit vraiment ici c'est d'une tragédie humaine.

Le fait est que, à la fin de la Seconde guerre mondiale, aucun pays au monde n'a aussi bien traité ses anciens combattants que le Canada. Mon père m'a raconté de nombreuses histoires de guerre. Il est mort des éclats d'obus quÂil avait reçus pendant la guerre. Lorsqu'on lit ce qu'a coûté au point de vue mental, physique et financier et aux militaires et à leurs familles leur participation à des conflits armés, lorsqu'on lit qu'on leur a retiré une partie de leur pension de retraite, qu'on a récupéré plus de 8 800 $ de leur RPC, qu'il a fallu rembourser complètement la Maritime Life et tout l'argent reçu en invalidité à long terme, je n'ai pas l'impression que c'est pour cela que des hommes et des femmes sont allés combattre dans le Golfe. Ce n'est certainement pas la raison pour laquelle mon père a combattu pendant la Seconde guerre mondiale.

J'aimerais savoir quel est l'état de ce dossier au ministère des Affaires des anciens combattants? J'en déduis que le dossier est toujours ouvert.

Mme Susan Riordon: Le dossier de Terry est toujours ouvert et c'est la raison pour laquelle deux ans après son décès on ne m'a toujours pas donné l'argent voulu pour l'entretien de sa tombe.

M. Bryon Wilfert: Qu'est-ce qu'on vous a dit en un mot?

Mme Susan Riordon: On m'a dit que Charlottetown avait donné son approbation; un instant.

M. Bryon Wilfert: On nous a fait remarquer qu'il a fallu plus de 40 ans pour considérer, définir et accepter les effets du gaz moutarde utilisé pendant la Grande guerre, et bien sûr l'agent Orange du conflit au Vietnam. J'espère bien que nous n'allons pas débattre des aspects scientifiques pendant encore 40 ans, alors que des gens sont victimes de cette affection, quelle qu'elle soit.

Si votre mari est parti pour le Golfe en bonne santé...

Mme Susan Riordon: Oui, c'était le cas.

M. Bryon Wilfert: ...et qu'il est revenu transformé, pendant que nous débattons des aspects scientifiques, je crois qu'il faudrait savoir sur ce qui s'est passé lorsque Mme Riordon est allée présenter sa cause au ministre de la Défense en mars 2000, je crois.

Mme Susan Riordon: Le 2 mars 2000.

M. Bryon Wilfert: Quelle a été la réponse? Qu'est-ce que le ministre des Anciens combattants a donné comme réponse? Si votre affaire est toujours en cours, c'est inacceptable. Je trouve cela inacceptable en tant que député, et j'imagine que nous devrions pouvoir communiquer directement avec les deux ministres à ce sujet.

Pendant ce temps, il est bien évident que vous traversez une épreuve que ni votre mari, ni qui que ce soit dans cette pièce trouve acceptable, à mon avis.

Mme Susan Riordon: C'est le seul moment où je suis contente que Terry est mort. Il n'a aucune idée de ce qui est arrivé à sa famille. Lorsqu'il était en vie, il ne savait pas ce qui se passait, donc il ne se rendait pas compte de la situation. Nous étions à deux doigts de la faillite. Ce gouvernement a profité de nous. Cela n'est pas seulement arrivé à ma famille, mais à des centaines de milliers de familles de notre pays.

• 1710

Je fais du bénévolat avec le CPVA, et j'ai réussi à libérer deux anciens combattants de leur dépendance à l'assistance sociale, ils en dépendaient depuis dix ans. J'ai passé un soir avec un ancien combattant qui a tenté de se suicider. J'étais à ses côtés pendant cinq heures à l'hôpital. Où était le ministère? Une ligne d'écoute téléphonique de 48 heures n'est pas suffisante.

M. Bryon Wilfert: Ce que j'aimerais voir, monsieur le président, c'est de la compassion. Personne qui a porté l'uniforme de ce pays, ni leur famille, devrait être assujetti à ce genre de situation.

Je dois avouer qu'au début, je n'en croyais pas mes yeux.

Mme Susan Riordon: Une vie sans pareille, monsieur Wilfert.

M. Bryon Wilfert: Le fait d'avoir appris une expérience personnelle aujourd'hui va certainement me motiver, et je crois que ce sera le cas pour tout le monde dans cette pièce. Les gouvernements peuvent agir très lentement mais aussi très rapidement. Lorsque j'étais au palier municipal, je mettais parfois de gros ciseaux sur la table afin d'éliminer la paperasse. C'est vrai qu'il faut recueillir toute la preuve scientifique possible, mais cela ne va pas résoudre le problème de ces hommes et de ces femmes qui souffrent. Nous leur avons demandé d'y aller, et à mon avis nous devons nous acquitter de cette obligation.

J'espère donc, monsieur le président, que lorsque nous décidons d'agir comme comité, nous le ferons rapidement et efficacement.

Le président: Merci, monsieur Wilfert.

Monsieur Stoffer.

M. Peter Stoffer: Merci, monsieur le président.

M. Wilfert a tout à fait raison. Ce comité a déjà entendu les problèmes qu'a le MDN à recruter des jeunes au militaire. Aujourd'hui, lorsque j'ai vu ces hommes et ces femmes courageux avec les députés du Bloc québécois à la conférence de presse, je me suis dit que si j'avais 18 ans et si je voyais ces anciens combattants, est-ce que je m'inscrirais dans les forces armées en sachant que dans quelques années je pourrais leur ressembler? À mon avis, j'hésiterais.

Lorsqu'on lit l'histoire et lorsqu'on rencontre les anciens combattants, on voit combien ils étaient fiers de s'engager comme volontaires et de s'impliquer. Ils l'ont fait sans poser de questions car ils savaient que c'était la meilleure chose à faire et un excellent choix de carrière.

Donc, il faut se demander si nous pourrons compter sur les forces armées dans un proche avenir, si nous traitons nos anciens combattants de cette manière?

Madame Riordon, vous dites que M. Scott suit les consignes de parti. Je ne crois pas du tout que mes collègues de l'autre côté feraient partie d'un gouvernement qui, sciemment ou même inconsciemment, vous ferait du tort intentionnellement.

Mme Susan Riordon: Je parle des consignes de parti des forces armées, non pas du gouvernement.

M. Peter Stoffer: C'est ce que je voulais que vous précisiez.

Mme Susan Riordon: C'est ce qu'on appelle dans l'armée «protéger ses arrières».

M. Peter Stoffer: Je suis d'accord avec M. Wilfert, lorsqu'il dit que ce qui s'est passé dans votre cas est attribuable à la léthargie de certains fonctionnaires qui ne transmettent pas les messages assez rapidement. Il a tout à fait raison. Il est déjà assez difficile d'obtenir les preuves scientifiques. Vous et vos enfants ne devraient pas en pâtir financièrement. Mais, je suis certain...

Mme Susan Riordon: Mais si on m'aide, il faudra ensuite aider le suivant. C'est là...

M. Peter Stoffer: Vous avez entendu l'engagement que nous avons pris ici.

Mais, je vous le demande, croyez-vous sincèrement que M. Scott a induit notre comité en erreur dans l'exposé qu'il nous a fait?

Mme Susan Riordon: Honnêtement, je crois qu'il a menti.

M. Peter Stoffer: D'accord. Merci.

Le président: Je m'excuse, je n'ai pas entendu.

Mme Susan Riordon: Je crois honnêtement qu'il vous a menti.

Le président: Monsieur Stoffer, je préfère qu'on ne pose pas de questions de cette façon, pour ce qui est de...

M. Janko Peric (Cambridge, Lib.): Il peut poser la question sous la forme qu'il veut.

M. Peter Stoffer: Pourquoi pas?

Monsieur le président, permettez-moi de vous dire que je ne suis pas de votre avis. M. Scott est venu ici en uniforme et a témoigné d'une façon que j'ai crue très crédible. Je ne connais pas les faits. Je ne sais pas ce qu'il fait comme travail. Il est médecin et il est respecté dans l'armée. J'ai toujours le même respect pour lui. Mais nous avons devant nous une femme qui contredit tout ce qu'il dit. Alors je voulais savoir...

Le président: Je crois que c'est à nous de...

M. Peter Stoffer: ...nous a-t-il induit en erreur? Je n'ai pas demandé s'il nous avait menti. J'ai demandé s'il avait induit notre comité en erreur, et elle l'a nié, disant qu'il nous avait menti.

• 1715

Le président: Je ne crois pas qu'il nous incombe...

M. Peter Stoffer: Je lui donnais l'occasion d'exprimer son avis.

Le président: Poursuivons les questions. Mais, surtout lorsque les gens ne sont pas présents, la simple politesse exige en toute justice qu'on n'attaque pas leur réputation professionnelle.

M. Peter Stoffer: Ce n'est pas ce que je fais.

Le président: Il se peut qu'il y ait des divergences d'opinions, mais à mon avis, il faut bien se garder de lancer des attaques personnelles. La différence est souvent très nuancée. Les membres de ce comité, tout comme les témoins, sont protégés, mais je crois quand même qu'il faut peser ses mots lorsqu'on siège autour de cette table.

Mme Mary Ripley-Guzman: J'aimerais répondre à la question. Je mets en doute l'indépendance des Forces armées canadiennes, car nombre des documents et des rapports que j'ai vus sont des copies de ce que le monsieur a dit qu'il a vu à Bruxelles. Ils sont publiés par des pays de l'OTAN, ou par les États-Unis.

Si on demandait aux États-Unis d'épurer l'Iraq, ils auraient une énorme responsabilité. Il coûte des milliers de dollars par mètre cube pour nettoyer un site d'essai d'uranium appauvri. Combien est-ce que ça coûterait alors dans le cas de l'Iraq? Les États-Unis ont un intérêt particulier à ne pas divulguer les faits sur l'uranium appauvri.

Si le colonel Scott ou quiconque se fie entièrement aux renseignements que publie la société RAND et les Forces armées américaines comme source d'information, il se peut qu'il ne fasse pas les recherches voulues. De toute façon il n'est pas qualifié pour les faire, c'est un simple docteur en médecine, non pas un spécialiste en médecine nucléaire. Il n'a aucune connaissance particulière des radioisotopes, et il se renseigne auprès des gens qui obtiennent leur information des États-Unis. Dans ces rapports, il cite Naomi Harley et Daxon. C'est là sa source de recherche.

Nous avons besoin de faire de la recherche indépendante au Canada—c'est ce que je demanderais. C'est la raison pour laquelle j'ai cru qu'il valait la peine de venir ici: parce que vous n'êtes pas des scientifiques et vous ne le savez pas. Même si le Dr Durakovic accepte de comparaître ici, il s'exprimera dans sa langue d'expert et il vous convaincra qu'il sait de quoi il parle. Et il sait effectivement de quoi il parle, mais il ne vous sera pas aussi facile de comprendre que si moi je l'explique.

Le président: Madame Wayne, avez-vous des questions à poser?

Mme Elsie Wayne: J'aimerais simplement dire, tout comme mon collègue de l'autre côté, que nous voulons agir correctement. S'il y a injustice, nous sommes là pour la réparer. C'est notre rôle, Susan et Mme Guzman. Nous essaierons d'obtenir les renseignements dont nous avons besoin pour rectifier la situation.

Mme Susan Riordon: Pouvez-vous faire en sorte que le ministre de la Défense finisse la vérification générale du compte de paye de Terry? Elle dure depuis plus d'un an.

Mme Elsie Wayne: Plus d'un an?

Mme Susan Riordon: Oui.

Mme Elsie Wayne: D'accord, nous allons essayer.

Le président: Madame Wayne, avez-vous d'autres questions?

Mme Elsie Wayne: Oui, monsieur le président. Nous devons demander qu'on termine la vérification générale du compte de Terry qui dure depuis plus d'un an.

Le président: Monsieur Regan, à vous la parole.

M. Geoff Regan (Halifax-Ouest, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je veux d'abord dire combien j'apprécie le fait que Mme Riordon et Mme Ripley-Guzman comparaissent aujourd'hui et nous présentent leurs exposés.

À titre de députés, nous avons la très lourde responsabilité de surveiller les activités des ministères. À titre de membres de ce comité qui est chargé du ministère de la Défense nationale, nous devons veiller au bon traitement non seulement des militaires du ministère, mais aussi des civils.

Donc, j'incite notre comité de direction à inviter à comparaître le Dr Durakovic et le Dr Horan, et d'autres, qui soient susceptibles de nous éclairer sur ces questions. Je ne veux pas dire que vos réponses ne sont pas claires, mais il s'agit d'un sujet très complexe qui a trait à des radioisotopes et à différentes sortes d'uranium. C'est difficile à comprendre et à plus forte raison d'arriver à des conclusions très claires.

• 1720

Cependant, il me semble que notre ministère de la Défense nationale ainsi que notre ministère des Anciens combattants, dans leurs rapports avec nos anciens combattants, devraient appliquer une présomption en leur faveur. Il est odieux et renversant de constater que ces ministères ont pris la position que, tant qu'on n'aura pas identifié la maladie et prouvé que l'uranium appauvri en est la cause, ils n'ont pas l'intention d'admettre que c'est la réalité. Et quand on pense que la pension de M. Riordon a fait l'objet de sanctions, c'est révoltant.

Évidemment, j'aimerais en savoir plus long. J'aimerais qu'on m'explique ces choses, parce que c'est tout à fait révoltant. Je le répète, il nous incombe de faire en sorte que cette question soit examinée de fond en comble.

Maintenant, je devrais poser mes quelques questions; cependant, il ne nous reste pas beaucoup de temps.

Le timbre retentit. Nous devons aller voter, sans quoi j'aurais posé certaines questions.

Mme Susan Riordon: Merci beaucoup.

Le président: Si vous voulez le faire, monsieur Regan, je pense qu'il nous reste au moins 10 minutes avant que retentisse le timbre de 15 minutes.

M. Geoff Regan: Il y aura deux timbres.

Le président: Très bien.

Pour ce qui est des questions administratives que je voulais soumettre au comité, j'ai l'impression qu'il faudra tenir une réunion spéciale pour étudier le Rapport sur les plans et les priorités lundi prochain à 15 h 30, pour être en mesure de transmettre notre rapport dans le délai prescrit par le Règlement. À cette réunion, nous traiterons aussi d'un avis de motion concernant la présence des médias aux réunions du comité.

Mme Elsie Wayne: Monsieur le président, à ce moment-là, serais-je en mesure de présenter ma motion concernant l'invitation des deux médecins...

Une voix: Et Ken Scott.

Mme Elsie Wayne: ...et Ken Scott.

Le président: Je vous dirais respectueusement, madame Wayne, qu'il vaut mieux laisser au comité de direction le soin de s'occuper de cette question.

Mme Elsie Wayne: À quel moment?

Le président: À l'automne, probablement.

Mme Elsie Wayne: Pas avant l'automne.

Le président: J'aimerais maintenant remercier nos témoins d'être venues aujourd'hui. Madame Riordon et madame Ripley-Guzman, merci de vos observations.

La séance est levée.

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