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NDVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS

COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 22 mars 2001

• 1531

[Traduction]

Le président (M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.)): Je déclare ouverte la cinquième séance du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants.

Nous recevons aujourd'hui deux témoins. Je suppose que je peux les qualifier de témoins experts sur la question de l'uranium appauvri. Il s'agit du colonel Ken Scott, qui est le directeur de la politique de santé au ministère de la Défense nationale, et de M. Edward Ough, qui est chargé de recherche au département de chimie et génie chimique du Collège militaire royal du Canada.

Messieurs, merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation à comparaître aujourd'hui et nous sommes impatients de connaître vos avis sur ce sujet de l'uranium appauvri.

Colonel Scott, vous avez la parole.

M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): J'aimerais simplement informer le comité d'un sujet non apparenté. Je présenterai mardi une motion avec préavis de 48 heures concernant le contenu d'un article paru dans la presse d'aujourd'hui sur l'avenir de la base aérienne de Shearwater. J'ai pensé qu'il serait bon que j'en avertisse le comité.

Le président: D'accord. Merci, monsieur Stoffer.

Colonel Scott, vous avez la parole.

Colonel Ken Scott (directeur, Politique de santé, ministère de la Défense nationale): Monsieur le président et membres du comité, je vous remercie de votre invitation à comparaître aujourd'hui dans le but de vous renseigner sur l'uranium appauvri. On m'a demandé, en guise d'introduction, de préciser mes états de service et c'est ce que je vais faire, avant de céder la parole à mon collègue, M. Ed Ough, afin qu'il puisse en faire autant.

J'ai servi comme médecin militaire hors rang dans les Forces canadiennes pendant six ans, et ai été élevé au rang de major, puis ai suivi une formation spécialisée en médecine interne et maladies infectieuses à l'Université de Calgary. J'ai ensuite été affecté à Ottawa, où j'ai mis sur pied une clinique avant la Guerre du Golfe—une clinique spécialisée dans la fatigue chronique—dont la plupart des patients se plaignaient de fatigue, d'absence de mémoire, de troubles du sommeil, de douleurs articulaires, de difficultés respiratoires et d'éruptions cutanées.

J'ai été moi-même déployé pendant la Guerre du Golfe comme renfort à l'Hôpital de campagne canadien 1. À mon retour du Golfe, je suis retourné au Centre médical de la Défense nationale.

J'ai participé en 1993, pour le compte de l'Organisation mondiale de la santé, à une étude de la trypanosomiase en Afrique équatoriale francophone. En juillet 1994, j'ai été affecté à Kigali, au Rwanda, comme commandant du contingent médical de la mission canadienne MINUAR. J'y suis arrivé alors que le général Dallaire était toujours là et y suis resté jusqu'en janvier 1995.

J'ai créé la clinique canadienne de la Guerre du Golfe en 1995 et l'ai fermée en 1997. Puis, en 1998, des cliniques multiples ont ouvert leurs portes à travers le pays, dotées de spécialistes de médecine interne et accueillant des militaires actifs et des anciens combattants.

• 1535

Nous avons conclu un protocole d'entente avec ACC afin de soigner tous ceux ayant participé à des missions de maintien de la paix canadiennes. Nous avons même déjà eu deux anciens combattants de la Guerre de Corée. Nous avons donc fermé notre clinique de la Guerre du Golfe afin d'ouvrir ces autres cliniques multiples à tous les gardiens de la paix canadiens, car nous estimons que les problèmes que nous voyons dans notre contingent de la Guerre du Golfe sont similaires à ceux des membres de toutes les autres missions canadiennes.

Je suis actuellement directeur de la politique de santé des Forces canadiennes. Je siège également au Comité directeur MDN-ACC. Je suis membre en outre du Conseil consultatif des Forces canadiennes. On m'a récemment demandé de participer à l'intégration des activités de recherche d'Anciens combattants Canada et du MDN concernant notre clientèle de militaires actifs et d'anciens membres des forces armées.

Docteur Ough.

M. Edward A. Ough (chargé de recherche, Département de chimie et de génie chimique, Collège militaire royal du Canada): Ce sera un peu plus court pour moi.

Je suis chimiste de formation. J'ai obtenu mon baccalauréat en sciences à l'université Western Ontario en 1986 et la même université m'a décerné mon doctorat en 1993. Ma spécialité à Western était la chimie inorganique et analytique. Une bonne partie du matériel de recherche que j'utilisais à Western était du type analytique.

À la fin de mes études à l'université Western Ontario en 1993, j'ai occupé un poste de chargé de recherche au Collège militaire royal du Canada. Pendant les six premières années, j'ai travaillé à la synthèse et à la caractérisation des colorants infrarouges destinés aux opérations de recherche et sauvetage. Au Collège militaire royal je travaillais sous Mme Catherine Creber.

Depuis deux ans, je travaille au sein du groupe nucléaire du collège, avec M. Brent Lewis, Bill Andrews et Les Bennett. Mon travail porte principalement sur l'uranium. J'ai participé à la rédaction d'un rapport sur les risques de l'uranium commandé par le DGSN.

J'ai fait office d'expert-conseil auprès du colonel Scott aux fins des tests effectués sur le personnel militaire, tant actif que retraité. Je m'occupe également en ce moment d'une comparaison entre laboratoires qui vient de commencer, portant sur les différentes techniques analytiques employées pour l'analyse d'échantillons biologiques.

Voilà qui résume mes antécédents.

Le président: Colonel Scott.

Col Ken Scott: L'uranium appauvri est devenu depuis peu une source de grande inquiétude dans l'esprit des militaires et du grand public canadien. J'espère pouvoir vous donner les renseignements objectifs dont vous avez besoin pour mettre cette question en perspective.

L'uranium est l'un des éléments originels de la terre. À ce titre, on le rencontre partout dans la nature. Il est présent dans l'air que nous respirons, l'eau que nous buvons et la nourriture que nous mangeons. Tous les êtres humains ont de l'uranium dans leur corps. Il est présent dans tous nos tissus, notamment les reins, les poumons, les os et les glandes lymphatiques. On le décèle également dans tous les liquides biologiques, l'urine, le sang, la sueur et les larmes.

L'uranium est un métal lourd, à l'instar du plomb et du mercure. Les concentrations que l'on rencontre dans la nature varient selon le lieu, mais en moyenne il existe quatre tonnes d'uranium naturel dans un mille carré de terre d'un pied de profondeur. Un camion à benne typique de huit mètres cubes de terre en contient une demi-cuillère à thé. Dans les régions riches en phosphate du monde, telles que la Floride, on trouve environ 140 tonnes d'uranium naturel par mille carré. Pendant la Guerre du Golfe, les alliés ont utilisé 320 tonnes de munitions à uranium appauvri. Cela correspond donc à l'uranium naturel existant dans 2,3 milles carrés de la Floride. Il y a autant d'uranium dans une arrière-cour moyenne du Canada que dans un projectile militaire.

• 1540

L'uranium naturel est un élément radioactif, c'est-à-dire qu'il émet des radiations en se désintégrant. L'uranium naturel se compose de trois isotopes principaux, l'U-234, l'U-235 et l'U-238, qui se distinguent par leur degré de radioactivité. Dans son état naturel, l'uranium est très faiblement radioactif, comme on peut le voir dans les exemples que j'ai donnés. Toutefois, l'uranium peut être enrichi, de façon à produire une substance plus radioactive, par un procédé complexe qui accroît la proportion des isotopes les plus radioactifs. C'est cette forme enrichie d'uranium que l'on emploie dans les centrales et les armes nucléaires. Le sous-produit de ce procédé d'enrichissement est ce que l'on appelle l'uranium appauvri, ou UA, car il est environ 40 p. 100 moins radioactif que l'uranium naturel. L'uranium appauvri conserve les propriétés chimiques de l'uranium naturel. Il est très lourd et dense, tout en émettant moins de rayonnements.

Il existe une importante littérature traitant des effets sur la santé de l'uranium naturel et enrichi. On possède moins d'études traitant directement des effets de l'uranium appauvri. Toutefois, étant donné que l'uranium appauvri est virtuellement identique à l'uranium naturel, les résultats des recherches sur l'uranium peuvent être appliqués à l'UA. Dans les effets sur la santé de l'uranium, on peut distinguer les effets chimiques et les effets radioactifs. Étant donné que l'uranium et l'UA sont des substances virtuellement identiques, les effets toxicologiques ou chimiques de l'uranium naturel sont identiques à ceux de l'UA. Les effets radioactifs de l'UA sont toujours moindres que ceux de l'uranium naturel car l'UA est moins radioactif que ce dernier. En général, la toxicité chimique de l'uranium, en tant que métal lourd, est considérée comme un risque sanitaire plus grave que son rayonnement. Comme je l'ai déjà dit, l'uranium est considéré comme un élément de faible radioactivité.

Je traiterai d'abord des effets des rayonnements de l'uranium. L'uranium émet des rayons alpha, bêta et gamma, qui peuvent être dangereux au-delà d'une certaine quantité. Une forte quantité de ces rayonnements peut provoquer des cancers tels que la leucémie et des lymphomes, ainsi que des anomalies congénitales, comme on l'a constaté chez les survivants de la bombe atomique. Toutefois, un long délai sépare l'apparition de leucémies et de lymphomes de l'exposition, et il faut pour cela de fortes doses. En général, il s'écoule au moins trois à cinq ans entre l'exposition au rayonnement et l'apparition d'un cancer.

• 1545

En ce qui concerne la toxicité chimique, les métaux lourds comme l'uranium peuvent être toxiques pour certains organes, particulièrement les reins. Cependant, là encore, il faut de fortes doses d'uranium pour obtenir ces effets.

L'uranium est extrait, transformé, enrichi et employé dans divers produits depuis des décennies, et ses effets sur la santé ont été intensivement étudiés. Malgré cela, aucun cas de cancer ou d'autres effets néfastes pour la santé humaine n'a jamais été associé à ces expositions industrielles. Les niveaux d'exposition des travailleurs de l'industrie sont bien supérieurs à ceux des militaires et durent de nombreuses années. L'élément important à retenir est qu'aucun effet néfaste sur la santé des travailleurs résultant de l'exposition industrielle à l'uranium n'a pu être mis en évidence.

L'uranium appauvri est très dur et très dense. Ce sont précisément ces propriétés qui le rendent utile pour l'industrie. L'UA est employé dans les écrans anti-rayons-X des hôpitaux, comme contrepoids dans les aéronefs et dans les quilles des voiliers. Les militaires emploient l'UA pour fabriquer des armes pénétrant les blindages. On l'utilise également dans les véhicules blindés pour durcir leur blindage.

Je vais maintenant traiter de la nocivité potentielle de l'UA, sur la base des connaissances concernant son niveau de radioactivité. Un travailleur entièrement entouré d'UA, huit heures par jour, pendant un an, ne recevrait pas une dose de rayonnement supérieure à la limite professionnelle annuelle maximale.

L'UA est trois millions de fois moins radioactif que le radium 226, toujours présent dans de nombreuses vieilles horloges et montres lumineuses. Il est 10 millions de fois moins radioactif que l'américium 241 que l'on trouve dans les détecteurs de fumée courants. Il faudrait que plus de cinq grammes d'uranium passent dans le sang pour obtenir une dose de rayonnement équivalente à celle reçue sur une période de 50 ans du fait du rayonnement ambiant naturel.

Une personne moyenne possède dans son corps de multiples sources de radiation. Elles comprennent en particulier 90 microgrammes d'uranium, produisant 1,1 becquerels de radiation par jour; 30 microgrammes de thorium, produisant 0,111 becquerels de radiation par jour; 17 microgrammes de potassium, produisant 4 400 becquerels de rayonnement par jour; 95 microgrammes de carbone 14, produisant 15 000 becquerels de radiation par jour; 0,6 picogramme de tritium, produisant 23 becquerels de radiation par jour; et 0,2 picogramme de polonium, produisant 37 becquerels de radiation par jour.

• 1550

Il convient de signaler la contribution relativement faible de l'uranium: seulement 1,1 becquerels sur plus de 19 000 becquerels, soit l'exposition totale que les humains reçoivent chaque jour en provenance des sources internes de rayonnement.

Comme toute autre substance, l'UA peut être dangereux s'il est ingéré en quantités suffisamment importantes sur une longue période de temps. Toutefois, les niveaux d'exposition du personnel militaire sont loin d'approcher les niveaux d'exposition à l'uranium naturel des travailleurs de l'industrie. Comme je l'ai dit, ces derniers ont fait l'objet d'études poussées et l'on n'a pas constaté chez eux de problèmes médicaux dus à leur exposition aux rayonnements.

Au cours des dernières années, de nombreuses études ont été effectuées dans le monde sur l'uranium et l'exposition des militaires à l'uranium appauvri. Citons entre autres: le rapport du Comité consultatif présidentiel sur les maladies de la Guerre du Golfe de 1997; le rapport RAND sur l'uranium appauvri de 1999; le rapport de l'Agency For Toxic Substances and Disease Registry sur l'uranium de 1999; le rapport du General Accounting Office, de 2000; le rapport du Institute of Medicine de 2000; le rapport de la Maison Blanche, décembre 2000; le rapport final du Presidential Special Oversight Board de décembre 2000; et le rapport de la Commission européenne sur l'uranium appauvri de mars 2001.

Tous ces rapports ont conclu que l'UA n'est pas susceptible d'avoir causé les maladies constatées chez les anciens combattants de la Guerre du Golfe. Le rapport de la Commission européenne publié au début du mois tire la même conclusion pour ce qui est des anciens des Balkans.

Des munitions à l'uranium appauvri ont été utilisées dans la Guerre du Golfe de 1991, dans le conflit en Bosnie de 1994 et 1995 et au Kosovo en 1999. L'unité canadienne la plus proche des combats pendant la Guerre du Golfe était l'Hôpital de campagne canadien 1, à 80 kilomètres du champ de bataille. Le taux de maladie dans toutes les unités canadiennes ayant servi dans le Golfe est identique—y compris le taux de maladie dans une unité rapatriée avant les hostilités et qui a suivi la guerre aérienne et terrestre sur CNN.

La toxicité de l'uranium est fonction de la dose et de la durée d'exposition. Si l'uranium était responsable des maladies chez les vétérans canadiens de la Guerre du Golfe, la fréquence des maladies devrait être plus grande plus l'unité était proche du front. Ce n'est pas ce que l'on constate.

Plus significatif encore, si l'UA était responsable de maladies chez les Canadiens ayant servi quelques semaines seulement dans les pays du Golfe persique, la santé des civils ayant résidé dans ces pays au cours des dix dernières années devrait également être touchée. Encore une fois, ce n'est pas ce que l'on constate.

Aucune étude, les études canadiennes pas plus que les autres, n'ont jamais fait apparaître un taux de cancer ou de leucémie accru chez les anciens du Golfe. Aucun pays de l'OTAN n'a constaté une fréquence accrue de leucémie ou de cancer chez les gardiens de la paix des Balkans. Les taux de cancer sont les mêmes que ceux d'une population de taille similaire et présentant la même distribution par âge et sexe.

Le Canada a commencé à offrir des tests de dépistage d'uranium appauvri aux anciens combattants de la Guerre du Golfe et des Balkans il y a un an. Nous avons fait appel pour cela à deux laboratoires civils indépendants de l'Ontario—nous avons choisi de retenir deux laboratoires afin que l'un puisse servir d'étalon de contrôle de qualité pour l'autre. Jusqu'à présent, on a mesuré le niveau total d'uranium dans l'urine de 136 personnes. Cela représente 272 résultats normaux consécutifs. En outre, les ratios d'isotopes dans les échantillons de cheveux de 34 personnes et dans un échantillon d'os d'une trente-cinquième sont tous compatibles avec ceux de l'uranium naturel. On utilise les ratios d'isotopes pour distinguer l'uranium naturel de l'uranium appauvri.

• 1555

En janvier de cette année, plusieurs pays de l'OTAN ont mis en place un dépistage de l'uranium chez les anciens des Balkans. La Belgique avait déjà analysé les niveaux d'uranium chez 2 600 de ses gardiens de la paix des Balkans. Des milliers de vétérans ont maintenant été testés, certains alors même qu'ils se trouvaient encore dans les Balkans. Pas un seul résultat anormal n'a été rencontré. Cela est conforme aux résultats de nos propres tests sur les Canadiens.

Enfin, les Américains ont suivi un certain nombre d'anciens combattants de la Guerre du Golfe ayant essuyé des tirs amis—ils se trouvaient sur ou à proximité de véhicules blindés ayant sauté. Les Américains ont connu l'exposition la plus intense à l'uranium appauvri de tous les anciens du Golfe. Dans certains cas, ils avaient même des éclats d'UA dans le corps et on a trouvé dans leur urine des niveaux d'uranium 1 000 fois supérieurs à ceux de la population civile normale.

Ce qui est significatif, c'est que ces anciens combattants ne présentent pas de problèmes médicaux liés à l'uranium appauvri. Ils n'ont pas développé de cancer ou de leucémie et, à eux tous, ils ont engendré 38 enfants sains. Si des anciens combattants devaient souffrir de maux en raison de l'exposition à l'uranium appauvri, c'est dans ce groupe, plus que dans tout autre, que l'on s'attendrait à les rencontrer.

En résumé, la question de savoir si l'uranium et l'uranium appauvri sont nocifs pour la santé humaine a été étudiée à fond, tant dans le passé que plus récemment. Il existe une grande masse de données de très haute qualité qui montrent que l'uranium appauvri, dans les doses auxquelles le personnel militaire y est exposé sur les champs de bataille modernes, ne présente pas un risque pour la santé.

Je tiens à vous remercier encore de votre invitation à vous faire part de ces renseignements. Je suis à votre disposition pour répondre à toute question que vous pourriez avoir concernant ce sujet très important et intéressant.

Le président: Merci beaucoup, colonel Scott, de cette explication détaillée du problème.

Plusieurs députés désirent poser des questions et nous allons commencer le tour de sept minutes avec M. Goldring.

M. Peter Goldring (Edmonton-Centre-Est, AC): Merci beaucoup, monsieur le président. Merci à vous, monsieur Scott, de votre explication sur l'uranium appauvri.

Il semble exister là plusieurs éléments et votre explication en a décrit un, mais pas les autres. En tout premier lieu, je crois savoir que l'uranium appauvri provenant de centrales nucléaires a été déclaré matière dangereuse et que sa manutention doit respecter des protocoles HAZMAT spéciaux. Est-ce exact?

Col Ken Scott: Mon collègue Ed Ough pourra probablement vous répondre mieux que moi. Le combustible irradié que l'on retire du réacteur contient quantité de composés dangereux, en sus de l'uranium appauvri. Ils peuvent être séparés.

M. Peter Goldring: Peut-être pourriez-vous nous expliquer quels composés. Du plutonium, par exemple?

Col Ken Scott: M. Ough est l'expert dans ce domaine. Il pourra vous indiquer certains des composés qui rendent les déchets nucléaires plus dangereux que l'uranium appauvri employé dans les forces armées, ainsi que dans l'industrie civile.

M. Edward Ough: Tout d'abord, il faut distinguer deux formes. L'uranium appauvri est propre—l'uranium extrait d'une mine est expédié aux États-Unis où on l'utilise dans deux filières. La première est la filière enrichie, l'autre la filière appauvrie. Cet uranium n'a jamais vu un réacteur nucléaire.

• 1600

Vous parlez probablement du fait que, certaines années, les États-Unis ont pris du combustible irradié—je crois qu'il provenait de leurs réacteurs produisant de l'uranium d'armement—pour le faire repasser par la filière d'enrichissement.

M. Peter Goldring: Mais ce matériau va-t-il aux machinistes pour transformation en obus, armements? N'est-il pas un déchet dangereux à ce stade?

M. Edward Ough: Il sera considéré matériau nucléaire.

Nous sortons là de ma spécialité.

M. Peter Goldring: C'est justement là-dessus que portent mes questions, car c'est l'un des grands sujets d'inquiétude.

Tandis que vous avez dit, colonel, que le matériau est sans danger, qu'on peut l'employer sans danger, l'Italie et l'Allemagne ont toutes deux demandé un moratoire sur son emploi. Donc, manifestement, il y a des divergences d'opinions.

Il se peut fort bien que le matériau se présente comme une boule de charbon ou de plomb inerte, anodine ou tout ce que vous voudrez, ne présentant aucun danger. Nous savons que la particule alpha est très faiblement pénétrante; elle ne pénètre pas la peau. C'est pourquoi on considère ce matériau comme très sûr. Puis nous avons cette boule de plomb, en quelque sorte, qui, lorsqu'elle touche au but, explose en un feu d'artifice d'étincelles et de flammes, produisant un nuage de matières.

J'aimerais savoir quels essais de confinement ont été effectués, du point de vue de l'analyse biologique nucléaire de base, au niveau de l'explosion, non pas au niveau du matériau brut dont on peut discuter s'il est sûr ou non, s'il s'agit d'une matière dangereuse ou non, mais une fois qu'il explose.

Colonel, vous avez expliqué que les militaires, à proximité immédiate de l'explosion, ne souffrent pas d'effets. Mais après l'explosion, 20 p. 100 sont des aérosols qui peuvent être transportés par le vent sur des centaines de kilomètres.

Nous connaissons les problèmes rencontrés pendant la Guerre du Golfe, avec les incendies de puits de pétrole et les conditions éoliennes catastrophiques. J'aimerais savoir si des essais en espace confiné ont prouvé de façon concluante l'innocuité de ce matériau lorsqu'il explose. Lorsqu'il le fait, quels sont les résidus?

On ajoute à ce matériau recyclé un composé chimique. Quel produit chimique y ajoute-t-on pour créer cette explosion et tout le reste? Autrement dit, de quoi s'agit-il en réalité? Vous dites que c'est de l'uranium appauvri, mais quelle est la réalité? Quelles autres substances chimiques y a-t-on ajoutées?

Col Ken Scott: Vous me posez quantités de questions. Voyons si je puis me souvenir de toutes. J'avance en âge et je n'ai plus l'esprit aussi rapide qu'avant.

Tout d'abord, le groupe d'experts italiens a remis aujourd'hui même son rapport final sur l'uranium appauvri. Il a conclu, tout comme la Commission européenne le 6 mars, que les anciens combattants italiens ne présentent aucune maladie liée à l'exposition à l'uranium. La fréquence de cancer ou de leucémie n'est pas plus grande chez les Italiens. Vous avez soulevé cette question.

M. Peter Goldring: Pourquoi l'Italie demande-t-elle alors un moratoire?

Col Ken Scott: C'est une question politique, pas médicale.

Deuxièmement, comme M. Ough vous l'a déjà expliqué, en ce qui concerne les projectiles et les véhicules contenant de l'uranium appauvri, ce dernier est un sous-produit du procédé d'enrichissement. Ce matériau n'est jamais passé dans un réacteur nucléaire. Il n'a jamais vu de réacteur nucléaire. Il ne contient pas tous ces autres composés dont vous parlez.

Il est vrai que le matériau sortant d'un réacteur nucléaire peut être recyclé pour en retirer le plutonium, pour le remettre dans un état très sûr, comme l'uranium original. Les Américains ont dit ne pas avoir utilisé d'uranium recyclé dans leur...

M. Peter Goldring: Mais ces essais de confinement ont-ils été effectués?

Col Ken Scott: Je n'avais pas fini de répondre à la première question.

Donc, les Américains affirment ne pas avoir utilisé d'uranium recyclé. D'autres prétendent que si, et il y a donc une controverse à ce sujet. Mais le fait est que lorsque l'uranium est recyclé, on en retire tous ces autres éléments transuraniens qui sont produits lors de la combustion dans un réacteur nucléaire.

Donc oui, les chars et divers véhicules touchés par des obus ont fait l'objet d'études poussées. Il subsiste encore quelques lacunes dans les connaissances.

• 1605

Nous savons, par exemple, que le taux de dispersion de l'uranium lorsqu'un projectile frappe ces véhicules est limité à quelques mètres de distance. On n'a pas pu mesurer d'uranium au-delà de quelques mètres de distance de ces véhicules.

Une étude est en cours aux États-Unis, du nom de projet Capstone, qui cherche à identifier tous les autres composés produits lorsque le projectile frappe un véhicule blindé, tel que le dioxyde d'uranium et le trioxyde d'uranium.

M. Peter Goldring: On ne possède donc pas de résultats complets à cet égard.

Col Ken Scott: L'autre question est celle du transport éolien. Les Américains ont analysé de nombreux échantillons de sol prélevés dans tout le Koweit, dans toute l'Arabie saoudite et dans des endroits, par exemple, où des Canadiens étaient déployés. Les analyses de sol dans toutes ces régions font apparaître des niveaux d'uranium identiques à ce que l'on trouve partout ailleurs, et l'isotope décelé est de l'uranium naturel, et non pas appauvri.

M. Edward Ough: Si je puis intervenir, une autre chose à signaler est que l'uranium appauvri, ou le métal d'uranium, est pyrophorique. Lorsqu'il frappe la cible, il s'enflamme spontanément. C'est l'une des raisons pour lesquelles on l'emploie. Lorsqu'il pénètre le blindage d'un char, il éclate et produit ces flammes spontanées à l'intérieur du char. On n'ajoute aucun produit chimique à l'uranium appauvri, on le recouvre simplement d'un revêtement métallique pour prévenir son oxydation.

M. Peter Goldring: C'est donc l'uranium appauvri...

Le président: Monsieur Goldring, nous avons laissé le temps pour l'explication.

M. Peter Goldring: C'est en réponse à ma...

Le président: Je sais. Nous avons laissé le temps pour entendre l'explication complémentaire. Nous devons maintenant passer à M. Bachand. Vous avez largement dépassé votre temps.

Monsieur Bachand.

[Français]

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Merci, monsieur le président.

J'aimerais demander au colonel Scott si c'est lui qui a écrit la présentation qu'il nous a faite ici, cet après-midi.

[Traduction]

Col Ken Scott: Oui.

[Français]

M. Claude Bachand: Je suis allé à Bruxelles, il y a deux semaines, et j'ai entendu la même chose, à peu près mot pour mot, que ce qu'il y a dans la première partie de votre exposé, par les gens qui préparaient notre visite et qui nous ont donné de l'information sur l'uranium appauvri pendant une journée.

L'impression qui me reste, c'est que du côté des alliés de l'OTAN, un même discours semble se dégager, du type «pas de panique, pas de danger, nous avons fait tous les tests qui s'imposent et personne ne sera malade». C'est ce que j'ai retenu et c'est pourquoi j'ai beaucoup de réticence à croire ce que vous nous dites.

Peut-être les faits que vous nous rapportez sont-ils exacts. Pour faire des tests, on sectionne une plante, on prend une motte de terre ou un peu d'eau, après quoi on dit que ces tests démontrent qu'il n'y a absolument rien dans le reste.

Mais le problème n'est pas là, à mon point de vue. Vous êtes sans doute des experts en munitions, de même qu'en médecine. À ce que j'ai lu, on peut porter sur soi sans danger un obus qui contient de l'uranium appauvri. Ce serait comme porter une veste anti-rayons X, comme vous l'avez dit tout à l'heure. Il en va de même pour les applications industrielles.

Cependant, selon les études, lorsqu'on se trouve sur un champ de bataille où on fait des opérations militaires, par exemple, et que l'obus frappe, il y a 35 p. 100 ou peut-être même jusqu'à 70 p. 100 de l'uranium qui s'en va en émanations. Des gens commencent à appeler cela un aérosol d'uranium. Et cela, à mon avis, peut être transporté par le vent. Si les forces canadiennes ou les forces de l'ONU se trouvent dans un rayon de 100 kilomètres et que cet aérosol d'uranium emporté par le vent est respiré par des personnes, je pense qu'il y a un problème majeur.

Il est bien certain que si vous prenez aujourd'hui un échantillon de terre ou de plante, vous ne le verrez pas. Pourtant, les gens qui étaient là au moment des attaques... Et il y en a eu, des attaques. Je ne sais pas si vous ayez vu la carte de l'OTAN qui fait état d'à peu près 500 frappes dans 500 zones précises. À un moment donné, il y a des rapprochements qui vont se faire et on va conclure que certaines personnes sont malades à cause de cela. C'est pourquoi j'ai beaucoup de difficulté à vous croire. Trop de gens sont malades et de plus en plus de gens contestent vos dires.

Ce qui a provoqué mon incrédulité, c'est la première partie de votre discours et non pas la deuxième, parce que vous avez fait une application canadienne, ce qui était bien. Mais la première partie sur la terre qu'on transporte, sur l'uranium qu'on boit et qu'on mange tous les jours, c'est le discours typique de l'OTAN, copie conforme, duplicata. Alors, selon moi, il y a un problème.

• 1610

Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: D'accord.

Colonel Scott.

Col Ken Scott: La première partie de mon discours est tirée de diverses publications, qui ne sont pas des publications de l'OTAN. Par exemple, lorsque j'ai parlé de la quantité d'uranium présente dans un mille carré de sol, cela provient du rapport de septembre 1999 de l'Agency for Toxic Substances and Disease Registry. Vous constaterez en lisant les diverses présentations que tous les experts ont lu le rapport RAND. Tous les experts ont lu le rapport de l'Agency for Toxic Substances and Disease Registry. Tous les experts ont lu le rapport de l'Institute of Medicine. Ils prennent donc ces constats, qui mettent les choses en perspective pour le grand public, et ils s'en servent tous.

La partie de mon mémoire où j'indique, par exemple, qu'il y a autant d'uranium dans une arrière-cour moyenne que dans un projectile à l'uranium appauvri est tiré du rapport de la Commission européenne. Ce groupe a donné une conférence de presse et cité cet exemple particulier. J'imagine que d'autres s'en serviront également.

Je ne vous ai pas dit, par exemple, qu'un paquet de cigarettes contient 2,5 nanogrammes d'uranium. J'aurais pu. Cela figure dans le rapport de l'Organisation mondiale de la santé qui a également été publié plus tôt ce mois. Je vais incorporer cela dans mes discours ultérieurs. Ça va?

Vous avez donc tout à fait raison, nous lisons tous les mêmes rapports et nous en extrayons ces éléments car, à mon avis, ils sont significatifs et placent tout ce problème en contexte.

Le président: Merci, colonel Scott.

Monsieur Price.

M. David Price (Compton—Stanstead, Lib.): Merci, monsieur le président.

Colonel Scott, j'ai trouvé très intéressant ce que vous avez dit. Vous avez fait pas mal de travail dans le passé. J'aimerais peut-être commencer par remonter un peu en arrière.

On semble focaliser sur l'uranium ou l'UA, mais puisque vous dites qu'il n'est pas responsable, vous devez manifestement chercher d'autres causes. Vous dites avoir mis sur pied une clinique spécialisée dans le syndrome de fatigue chronique—je vais vous poser plusieurs questions et vous pourrez y répondre lorsque j'aurai fini. Quelle autre maladie voyez-vous et qu'avez-vous examiné depuis la Guerre du Golfe et depuis l'ouverture des autres cliniques?

Vous mentionnez plusieurs études, mais en ce qui concerne l'UA et les autres composés, comme l'a mentionné M. Ough, c'est-à-dire les mélanges de produits chimiques pouvant entrer en contact avec l'UA et engendrer quelques problèmes, il n'existe pas à l'heure actuelle d'études sur le long terme. Elles semblent toutes être à plutôt court terme. Des études sont-elles en cours sur le long terme? Vous en avez mentionné une—y en a-t-il d'autres dans d'autres pays? Je ne pense pas qu'il y en ait en cours au Canada, mais c'est peut-être le cas dans d'autres pays. Et quand sont-elles censées être achevées?

Une autre question est de savoir quel est le pourcentage de militaires atteints de ces maladies et présentant ces symptômes qui causent le problème, comparé à la population civile.

Col Ken Scott: Dans les cliniques post-déploiement que nous avons aujourd'hui, où nous voyons des gens ayant participé à tous les conflits, les maux sont attribués à divers facteurs sur lesquels se sont déjà penchées différentes organisations médicales et scientifiques. Les spécialistes de la Guerre du Golfe, par exemple, ont maintenant examiné 33 expositions environnementales intervenues dans ce conflit et dont les anciens combattants s'inquiètent. J'ai administré cette clinique de la Guerre du Golfe pendant plusieurs années et je continue à voir des patients dans les cliniques post-déploiement.

• 1615

Néanmoins, en pourcentage, le plus grand nombre des patients que je vois, de tous les conflits, y compris celui de la Guerre du Golfe, sont des militaires déployés en Somalie. La proportion est faussée car je tiens des cliniques régulières à Petawawa, la base de notre régiment aéroporté. J'étais encore à Petawawa mardi de cette semaine. Donc, le fait que je tiens une clinique là-bas, la base du régiment aéroporté, fausse ces résultats.

Nos anciens de Somalie pensent que la méfloquine pourrait être la cause de tous ces maux similaires.

La GRC m'a demandé de voir certains de ses agents de retour de Haïti et souffrant de fatigue, de troubles de la mémoire et du sommeil, ce qu'ils appellent le syndrome post-Haïti. Les anciens de Haïti s'inquiètent de problèmes consécutifs à la dengue, de même que du fait qu'ils ont pris de la chloroquine, un antipaludique.

J'ai vu des anciens du Rwanda qui s'inquiètent d'avoir été au contact de cadavres et du fait qu'ils ont pris de la méfloquine.

J'ai récemment vu des militaires de retour du Timor oriental. Mon collègue qui gère la clinique de Valcartier a vu pas mal d'anciens du Timor oriental qui pensent que leurs troubles pourraient être liés à l'amiante, à la malaria et à la dengue.

Après chaque déploiement, un certain nombre de personnes reviennent inquiètes de leur exposition à l'environnement, et c'est là un reflet, je pense, des préoccupations de la société canadienne en général. Nos anciens de Croatie étaient inquiets au sujet de la bauxite et des PCB. J'ai vu un certain nombre de nos anciens du Kosovo qui étaient préoccupés par la fumée provenant d'une centrale électrique au charbon. Ceux qui sont allés en Turquie pour secourir les sinistrés du tremblement de terre s'inquiétaient des conséquences de la pulvérisation contre les moustiques qui avait lieu là-bas. Donc, après chaque déploiement, nous voyons des personnes inquiètes au sujet de leur exposition à l'environnement, et je pense que c'est là un reflet de la société canadienne.

Quels sont les problèmes que nous constatons dans nos cliniques post-déploiement? Ces données proviennent de la clinique sur la Guerre du Golfe. Le premier type de doléance médicale que nous voyons porte sur des problèmes qui seraient apparus de toute façon chez ces personnes. Le fait de partir en mission ne garantit pas qu'à un moment futur vous n'allez pas souffrir de tension artérielle ou de migraine. Un grand nombre de personnes pensent que ces maux nouvellement apparus pourraient être liés à leur déploiement. Mais si nous regardons la prévalence dans la société d'ensemble, nous constatons qu'elle est identique.

M. David Price: Dites-vous que la prévalence est la même que chez les militaires?

Col Ken Scott: Oui.

La deuxième catégorie de plaintes sont les troubles musculo-squelettiques. Dans nos déploiements, nous faisons joujou avec d'énormes engins et nous faisons des choses très risquées. Les gens se font mal. Donc, la plainte médicale la plus courante, et de loin—et c'est ce qu'observent tous les pays de la Coalition—motivant des demandes de pension d'invalidité sont des troubles musculo-squelettiques.

Le troisième type de doléance intéresse des troubles mentaux. Il n'est pas surprenant que lorsque vous exposez des personnes au danger, certains vont revenir avec des séquelles. Le trouble psychiatrique le plus courant que nous voyons chez les militaires de retour de mission est un grave trouble dépressif. Le deuxième trouble psychiatrique le plus fréquent est l'anxiété. Le troisième est le SSPT, le syndrome de stress post-traumatique. Ce n'est pas le trouble le plus commun que nous voyons, même si c'est celui dont les médias parlent le plus. Dans notre clinique de la Guerre du Golfe, nous avons diagnostiqué le SSPT chez 10 p. 100 de nos patients. Au ministère des Anciens combattants, 3 p. 100 des pensions d'invalidité sont accordées pour le SSPT. Donc, encore une fois, ce n'est pas le plus commun, il vient au troisième rang.

Le quatrième grand groupe sont les plaintes que je voyais déjà avant de partir dans le golfe. Le terme que j'emploie maintenant est celui de symptômes multiples, idiopathiques, physiques—fatigue, troubles de mémoire, douleurs articulaires, insomnie, difficultés respiratoires, éruptions cutanées, difficultés à se concentrer et troubles de mémoire, ce genre de choses.

Tous ces troubles ont déjà très bien été décrits dès la guerre civile américaine. Un grand nombre d'anciens combattants de la guerre civile américaine ont été examinés à leur retour par le chirurgien général américain de l'époque. Son nom était Da Costa. C'est pourquoi le syndrome qu'il a décrit porte son nom, le syndrome Da Costa.

• 1620

Le président: Je vais malheureusement devoir vous interrompre car M. Price a atteint sa limite de temps. Il voudra peut-être vous poser d'autres questions sur ce sujet plus tard.

Monsieur Stoffer.

M. Peter Stoffer: Merci de votre exposé.

Certains des tests que vous avez mentionnés sont-ils effectués par des pays non membres de l'OTAN?

Col Ken Scott: Parlez-vous des tests de laboratoire?

M. Peter Stoffer: Tous les tests portant sur l'UA.

Col Ken Scott: La Suède en fait. Je ne sais pas si la Suède est membre de l'OTAN.

Une voix: Non.

M. Edward Ough: La Croix-Rouge internationale a effectué quelques tests sur ses employés.

Col Ken Scott: La Suède effectue certaines de nos analyses et elle n'est pas membre de l'OTAN.

M. Peter Stoffer: Vous connaissez sans doute le cas d'Uranium City, dans le nord de la Saskatchewan, où un grand nombre de Métis et d'Autochtones présentent toutes sortes de cancers et d'anomalies congénitales.

Col Ken Scott: C'est très vrai.

M. Peter Stoffer: Ils viennent tous d'une zone bien précise.

Dans votre exposé—rectifiez si je me trompe—vous dites que les travailleurs en contact avec l'uranium ne sont pas plus exposés que, mettons, le grand public? Est-ce exact?

Col Ken Scott: Ceux qui travaillent sur l'uranium sont plus exposés. Le Canada est l'un des premiers producteurs mondiaux d'uranium. Le Sud-ouest des États-Unis produit également beaucoup d'uranium et un grand nombre de Navahos travaillent dans les mines d'uranium. Il y a certainement une plus grande fréquence de cancer du poumon chez les Navahos et les mineurs canadiens, mais ce n'est pas à cause de l'uranium. C'est dû au produit de la désintégration de l'uranium, le radon. Lorsque le radon...

M. Peter Stoffer: Je n'ai pas besoin de l'explication détaillée. Je ne dispose que de quelques minutes.

Col Ken Scott: Excusez-moi.

M. Peter Stoffer: Merci.

Dans les notes d'information de la bibliothèque du Parlement, on lit que l'Ottawa Citizen a fait état en 2001 du fait que des militaires canadiens auraient été exposés à des rayonnements au Camp Doha au Koweit. On vous y attribue ce propos: «L'enquête sur l'incident conduite par les États-Unis auprès du personnel militaire canadien...» Pourquoi les États-Unis mèneraient-ils l'enquête sur un incident ayant mis en jeu du personnel canadien?

Col Ken Scott: Ce n'est pas le cas.

M. Peter Stoffer: Mais je lis ici: «conduite par les États-Unis».

Col Ken Scott: Oui.

M. Peter Stoffer: Ce document fait-il erreur?

Col Ken Scott: Oui.

M. Peter Stoffer: D'accord. C'est bien. Je suppose que les chercheurs seront intéressés de l'apprendre.

M. Terry Riordon, de Nouvelle-Écosse, est décédé et sa veuve, comme vous le savez, s'est lancée dans une véritable croisade. Pour être capitaine dans les Forces armées canadiennes, il faut posséder une forte volonté et avoir l'esprit rationnel, ne pas être porté à raconter n'importe quoi. Il faut être très discipliné. Je suis sûr que vous avez étudié son cas ou au moins lu des rapports le concernant. Selon votre interprétation, si l'UA ne l'a pas tué ou n'a pas contribué à son décès, quelle est votre opinion professionnelle sur la cause du décès de Terry Riordon?

Col Ken Scott: Je ne parle jamais d'un patient. J'ai eu à soigner le capitaine Riordon pendant plusieurs années. Je pense que cela serait inconvenant et le Collège des médecins ne tolérerait absolument pas que je parle de ce cas.

M. Peter Stoffer: Très bien.

Col Ken Scott: Je peux dire que le capitaine Terry Riordon est arrivé dans le Golfe Persique le 26 décembre 1990. Il a passé une semaine à Manama, au Bahrain. Il a passé plusieurs semaines comme agent de sécurité à Dubai, dans les Émirats arabes unis. Il est rentré du Golfe le 19 février 1991. Manama est située à 400 kilomètres des champs de bataille, Dubai à 800 kilomètres.

M. Peter Stoffer: D'accord. Le dernier point que vous avez mentionné était l'amiante au Timor oriental. Comme nous le savons tous, si vous êtes exposé à de l'amiante, mettons ici dans l'édifice Wellington, vous n'allez pas en ressentir les effets avant 20 ou 30 ans. Y a-t-il la moindre possibilité que les personnes qui ont été exposées à l'UA—du fait que nous n'avons pas d'étude sur le long terme—dans des circonstances inhabituelles comme une zone de combat, puissent développer des séquelles graves dans 20 ou 30 ans? Nous ne possédons pas d'études.

Col Ken Scott: Nous avons les études sur l'uranium naturel et l'uranium enrichi, des études qui couvrent plus de 30 ans. La toxicité chimique de ces composés est identique. Leur risque radiologique est beaucoup plus grand. Ces éléments ont donc été étudiés pendant 30 ans et, jusqu'à présent, n'ont fait apparaître aucune conséquence pour la santé après 30 ans.

• 1625

Le groupe qui a été exposé aux tirs amis et qui est suivi aux États-Unis constitue un groupe à exposition positive car il se trouvait sur ou à proximité des véhicules qui ont explosé. Toutes les études scientifiques dont j'ai parlées recommandent que ce groupe soit suivi sur une longue période. Il a déjà été testé en 1994, en 1997 et en 1999. Les résultats de la dernière étude ont été présentés en janvier 2001. Ce groupe va effectivement être étudié sur une longue période.

Je conviens à 100 p. 100 que les membres qui servent dans les Forces canadiennes, le personnel militaire qui sert notre pays, est inquiet des conséquences de leur déploiement et se demandent si nous les suivons adéquatement, en tant que pays. Lorsque nous avons bouclé notre étude originelle sur les anciens combattants de la Guerre du Golfe en 1998, nous avons pris des dispositions avec Statistique Canada pour continuer à les suivre régulièrement pendant plusieurs décennies. Nous pouvons le faire. Nous pouvons faire le point tous les cinq ans et voir quel est leur taux de cancer, leur taux de leucémie et leur taux de décès.

Mais cela vaut aussi pour tous les autres groupes. Je ne pense pas qu'il faille ne pas suivre les anciens de Somalie, les anciens du Timor oriental et nos vétérans de Haïti. J'ai eu hier une réunion de deux heures avec Statistique Canada. Vous avez vu l'article en première page du journal. L'accord officiel n'est pas encore conclu. Je pense qu'il faut établir des corrélations de données pour tout le personnel déployé afin que nous puissions l'étudier à intervalles réguliers, tous les cinq ans, et répondre à ces préoccupations.

Je crois également—et vous ne le savez pas encore mais les Américains ont commencé à travailler là-dessus—que tous nos anciens combattants s'inquiètent de choses telles que les anomalies congénitales. Il est possible de constituer une base de données de type registre des naissances. Rien n'indique que dans le groupe des anciens du Golfe ou d'aucune autre mission il y ait une fréquence accrue d'anomalies congénitales. Mais pouvons-nous ou devrions-nous également vérifier régulièrement le registre des naissances des nôtres? Rien n'indique qu'il y ait des problèmes, mais je pense que cela rassurerait nos militaires. Je serais pleinement en faveur de cela.

M. Peter Stoffer: Merci.

Le président: Merci, monsieur Stoffer.

Madame Wayne.

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Merci beaucoup, monsieur le président.

M. Leon Benoit (Lakeland, AC): Monsieur le président, rappel au Règlement.

Le président: Monsieur Benoit.

M. Leon Benoit: Je serai bref, monsieur le président.

Il s'est produit un incident. Mme Paula Richmond est ici. C'est son fils qui a défoncé avec sa voiture le mur d'un bâtiment de la base d'Edmonton la semaine dernière.

Je sais que cela est imprévu, mais j'aimerais demander le consentement unanime du comité afin de lui donner cinq ou dix minutes, maintenant ou à la fin de la séance, si le colonel Scott veut bien, afin qu'elle puisse nous faire part de la situation de son fils et de sa conviction qu'il n'a pas obtenu des autorités militaires les soins dont il avait besoin.

Tout ce qu'elle demande, c'est cinq ou dix minutes pour faire part de la situation directement au colonel Scott. Elle serait tout à fait disposée à répondre à vos questions, si vous voulez lui en poser. Je m'en remets au comité. Je demande le consentement unanime pour cela.

Le président: D'accord. Je vais poser la question aux membres. C'est une procédure inhabituelle. Nous avons convoqué des témoins pour la séance d'aujourd'hui, mais si le comité veut modifier l'ordre du jour, je ne m'y oppose pas.

Mme Elsie Wayne: Certains d'entre nous doivent partir, comme vous le savez, pour prendre l'avion. Nous aimerions poser nos questions. Nous ne sommes pas opposés à ce que cette dame soit entendue une fois que nous aurons pu poser nos questions.

Le président: Je pose la question aux membres du comité. Y a-t-il consentement unanime pour modifier l'ordre du jour d'aujourd'hui?

Des voix: Oui.

Une voix: Non.

Mme Elsie Wayne: Oui, nous pouvons le faire.

Le président: Non, il n'y a pas consentement unanime.

Madame Wayne.

Mme Elsie Wayne: Monsieur le président, je veux dire ceci à M. Ough ainsi qu'au colonel Scott: il ne faut pas seulement faire ce qui s'impose, il faut aussi que ce soit apparent. Le plus gros problème est que nous avons des gens qui étaient dans le golfe Persique et qui sont malades. Je sais que vous ne voulez pas parler de Terry Riordon, mais cet homme est mort et l'on a trouvé de l'uranium appauvri dans ses os.

• 1630

Nous savons aujourd'hui que l'Italie s'inquiète du nombre croissant de cas de leucémie chez ses gardiens de la paix qui ont servi au Kosovo après le conflit. D'aucuns disent que la leucémie est due au contact de ces gardiens de la paix avec des véhicules et le sol touchés par les munitions à l'UA.

Nous savons que le programme environnemental des Nations Unies a publié fin mars sont rapport sur l'uranium appauvri au Kosovo. Il dit qu'aucune contamination importante du sol n'a été décelée dans les secteurs étudiés. Par ailleurs, monsieur Ough, étant donné la controverse en Europe, l'Organisation mondiale de la santé commence ce mois-ci une étude sur l'affirmation irakienne d'un lien entre les obus à l'UA tirés dans la guerre du Golfe persique et le taux de cancers et d'anomalies congénitales dans le sud de l'Irak.

Je pense que la considération première ici est que nous avons des gens qui reviennent d'opérations de maintien de la paix et qui ont des problèmes. Ils ont des problèmes de santé, et nous devons faire quelque chose pour eux. C'est indispensable. Nous avons des personnes ici dans la salle qui ont servi là-bas et qui ont des problèmes de santé. Que faisons-nous pour rectifier cette situation? Que faisons-nous?

Col Ken Scott: Vous posez plusieurs questions. Vous n'étiez peut-être pas là lorsque j'ai attiré l'attention du comité sur le fait que le groupe d'experts italiens sur l'uranium appauvri a publié aujourd'hui même son rapport. Il a fait le même constat que tous les autres pays de l'OTAN, à savoir que la fréquence de leucémie ou de cancer chez les gardiens de la paix italiens n'est pas plus grande que dans la population civile en général. La prévalence de cancer et de leucémie est identique. Ils n'ont pas pu établir de liens entre l'uranium appauvri et des problèmes de santé.

Mme Elsie Wayne: Eh bien, je pense qu'il serait plutôt difficile, monsieur le président, d'évaluer toute la population du Canada pour effectuer la comparaison avec le petit nombre de gardiens de la paix que nous avons, dont le nombre diminue chaque année, et le nombre de ceux qui reviennent avec des leucémies ou d'autres problèmes de santé, parce que nous les avons envoyés en mission là-bas. Je pense qu'il faut mettre un peu les choses en proportion.

J'ai rencontré certains de ces militaires envoyés en mission et qui souffrent aujourd'hui. Ils demandent seulement que nous leur rendions justice. La plupart d'entre nous autour de cette table—et j'irai jusqu'à dire tous—veulent qu'on leur rende justice.

Col Ken Scott: Et moi aussi. C'est pourquoi je siège à tous ces comités. Nous voulons pouvoir rassurer nos anciens combattants, ou bien déceler tout de suite toute augmentation du taux de cancer ou de leucémie. Nous savons qu'en 1997 la prévalence de cancer et de leucémie chez nos anciens de la Guerre du Golfe était identique au taux de la population civile tel que mesuré dans l'enquête ontarienne sur la santé de 1990.

Nous savons également que lorsque nous avons effectué cette étude, nous avions un groupe de contrôle interne en sus, soit le personnel militaire déployé pour d'autres missions. Nous savons donc qu'en 1997 notre groupe des Balkans avait un taux de cancer et de leucémie identique à celui du groupe de contrôle externe, soit l'enquête sur la santé ontarienne de 1990.

Mme Elsie Wayne: Puis-je poser une autre question? Les soldats britanniques...

Le président: Auparavant, colonel Scott, aviez-vous terminé votre réponse?

Col Ken Scott: Non. Je voulais dire, en réponse à la question, que nous pensons—et c'est ma conviction personnelle—que nous devons être en mesure de répondre à cette sorte de question concernant le cancer et la leucémie et les anomalies congénitales pour tous nos déploiements, y compris au Timor oriental, en mettant en place ces liaisons de données et registres de naissance. Nous sommes tous en faveur de cela et nous travaillons très fort en ce sens. Cela permettrait de rassurer les intéressés ou d'identifier les problèmes s'il en survenait.

L'autre élément est que nous sommes le premier pays ayant participé à la Guerre du Golfe à avoir établi des cliniques post-déploiement pour tous les gardiens de la paix, quelle que soit la mission. Je suis d'accord avec vous à 100 p. 100. J'ai vu les anciens des Balkans. Les vétérans que je vois le plus fréquemment sont ceux du Kosovo et de Bosnie. Je n'ai pas vu de nouveaux vétérans de la Guerre du Golfe depuis trois ans.

• 1635

Je crois que les militaires que nous envoyons dans toutes ces missions reviennent en mauvaise santé. C'est pourquoi nous avons ouvert ces cliniques.

Mme Elsie Wayne: Précisément.

Col Ken Scott: C'est pourquoi nous avons conclu un protocole d'entente avec Anciens combattants Canada. Cela a alourdi notre travail. Dès lors que nous décelons un problème, nous voulons aider ces gens.

Mme Elsie Wayne: Puis-je poser l'autre question?

Le président: Il vous reste encore une minute et demie.

Mme Elsie Wayne: Bien. Certains soldats britanniques se sont plaints récemment du fait que, avant leur départ pour le Kosovo, on les a peu renseignés sur les précautions à prendre dans les secteurs contaminés par des munitions à l'UA appauvri. Dans quelle mesure le personnel canadien a-t-il reçu des instructions avant son arrivée au Kosovo?

Col Ken Scott: Je ne puis répondre à cette question car je ne m'occupe pas des opérations.

Mme Elsie Wayne: Vous ne savez pas si l'on a donné des instructions ou non aux nôtres.

Col Ken Scott: Cela ne relève pas de ma compétence ou de ma responsabilité.

M. Peter Stoffer: Rappel au Règlement, monsieur le président.

Le président: Monsieur Stoffer.

M. Peter Stoffer: Il s'agit davantage d'un éclaircissement. J'avais posé à ce monsieur une question sur l'incident au Camp Doha qui a fait l'objet d'une enquête de...

Le président: Monsieur Stoffer, je ne pense pas que ce soit un rappel au Règlement valide. C'est plutôt une autre question. Nous reviendrons plus tard à votre question.

M. Peter Stoffer: Monsieur le président, c'est un rappel au Règlement car elle a dit que les États-Unis n'ont pas mené l'enquête, alors qu'une lettre qu'il a adressée à l'Ottawa Citizen indique très clairement que l'enquête a été menée par les autorités américaines.

Le président: C'est peut-être un sujet de débat, mais ce n'est pas un rappel au Règlement.

J'aimerais maintenant poursuivre avec l'ordre des intervenants. La parole est à M. Goldring.

M. Peter Goldring: Rappel au Règlement d'abord.

Le président: Allez-y, monsieur Goldring.

M. Peter Goldring: J'aimerais demander, si c'est possible, que vous déposiez des copies du rapport—l'étude qui vient d'être publiée par l'Italie sur l'innocuité de l'uranium appauvri.

Col Ken Scott: Une étude de qui?

M. Peter Goldring: Vous avez dit que l'Italie vient de publier un rapport.

Col Ken Scott: Tout ce que j'ai, c'est l'article d'Associated Press de ce matin suite à la conférence de presse donnée par le président du groupe d'experts italiens. Je n'ai pas le rapport.

J'ai toutefois remis aux membres du comité le rapport du 6 mars 2001 du groupe d'experts de la Commission européenne, qui fait état des tests allemands et français.

Le président: Nous venons juste de recevoir une copie de ce rapport...

Col Ken Scott: Je vous l'ai remis.

Le président: ...remis par le colonel Scott, et nous sommes en train de le faire traduire.

Col Ken Scott: Je vous ai également remis un éditorial qui a paru dans Lancet en janvier 2001 et dont un député tout à l'heure disait que je m'étais inspiré. J'ai effectivement puisé quelques citations dans cet article de Lancet. Il est connu.

Je vous ai également remis une copie de l'éditorial du British Medical Journal de janvier 2001, ainsi qu'une copie de...

Le président: Nous avons tout cela. Il faut le faire traduire d'abord.

Col Ken Scott: Ce sont là des revues médicales et lorsqu'on m'a invité à venir il y a quelques jours... Je ne peux pas les traduire, mais je vous ai remis une copie du numéro de mars 2001 de Clinical Medicine, un article du Dr Simon Wessely qui fait le point dix années après la Guerre du Golfe et qui met toute cette affaire...

M. Peter Goldring: Quand avez-vous remis tous ces articles?

Col Ken Scott: Quand je les ai remis?

M. Peter Goldring: Oui.

Col Ken Scott: Hier.

M. Peter Goldring: J'aimerais poser une question au président. Puisque nous avions tous ces articles, et qu'ils concernent le sujet de cette réunion, y a-t-il une raison pour laquelle ces documents n'ont pas été distribués?

Le président: Je crois l'avoir dit deux fois, mais je le répéterai une troisième, monsieur Goldring. Il nous faut faire traduire les documents. La règle de ce comité veut que les documents...

M. Leon Benoit: Nous n'avons pas eu le temps de le faire.

Le président: ...les documents doivent être traduits. Les membres ont reçu de la documentation sur le sujet. Vous disposez également de vos propres ressources de documentation. Nous allons vous transmettre ces documents dès qu'ils seront traduits.

Je signale d'ailleurs qu'une partie de ces documents sont également disponibles auprès de sources publiques. J'imagine que l'étude de la Commission européenne sera disponible sur son site Internet.

Col Ken Scott: Le BMJ est également sur Internet. L'accès à tout cela est gratuit.

Le président: Oui. Donc, pour vous faciliter les choses, nous allons essayer de vous faire tenir cela le plus rapidement possible, et je m'y suis déjà engagé.

M. Leon Benoit: Juste un rappel au Règlement. Pourquoi, à l'avenir, dans ce genre de situation, ne nous indiqueriez-vous pas, en tant que président du comité, où sur Internet nous pouvons trouver à l'avance ces documents, afin que nous puissions les consulter avant les réunions? Ce serait très apprécié.

Le président: Eh bien, monsieur Benoit, je ne suis pas en mesure de vous donner des renseignements de documentation sur tous les sujets traités par le comité. Nous avons du personnel de recherche. Si vous voulez, vous pouvez demander de la documentation au personnel de recherche et je suis sûr qu'il sera ravi de vous fournir tout ce qui est disponible.

Il existe des volumes et des volumes de documents...

M. Leon Benoit: Mais il s'agit là de documents qui ont déjà été remis au comité, monsieur le président, par les témoins comparaissant aujourd'hui.

Le président: Et j'ai expliqué pourquoi je ne peux les distribuer.

• 1640

M. Leon Benoit: Mais vous les avez eus hier. N'auriez-vous pas pu nous indiquer simplement les sites Internet afin que nous...

Le président: Cela a peut-être été envoyé hier, mais le comité ne l'a reçu qu'aujourd'hui.

M. Peter Goldring: Sur le même sujet, étant donné que nous avons maintenant les documents et qu'ils sont en cours de traduction, pourrions-nous réserver la décision de rappeler éventuellement le colonel Scott pour lui poser d'autres questions sur ces nouveaux renseignements?

Le président: Monsieur Goldring, vous êtes membre du comité directeur. Vous avez tout à fait le droit, en tant que membre du comité directeur, de demander le retour du colonel Scott.

Mme Elsie Wayne: Rappel au Règlement, monsieur le président. Certains d'entre nous, comme je l'ai dit, doivent partir pour prendre un avion. Mais j'ai parlé avec mon collègue du côté gouvernemental au sujet de l'audition de cette dame. Apparemment, elle est venue exprès de Medicine Hat.

Nous ne consentons pas habituellement à cela—comme je le lui ai dit, nous ne faisons pas cela. Ce n'est pas une bonne procédure à suivre, et nos collègues le savent tous. Mais elle est là, et M. Ough et le colonel Scott sont là, et j'ai parlé à mon collègue et il veut bien céder, pas céder, mais...

Si nous accordons à la dame cinq ou sept minutes... Nous ne pouvons pas tous continuer à poser des questions, car certains d'entre nous doivent partir, mais nous aimerions bien l'entendre aussi. Je sais que vous l'autoriseriez après, mais nous aimerions l'entendre. Est-ce que nos collègues acceptent? Monsieur le président?

Le président: Eh bien, je m'en remets aux membres du comité. Je veux bien leur demander s'ils acceptent de rouvrir la question.

M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.): Rappel au Règlement. Monsieur le président, je ne veux pas être ici le méchant. J'aimerais entendre le témoignage, moi aussi, mais le fait est que nous n'avons pas en main toutes les données qu'il nous faudrait concernant la présentation qui nous a été faite. J'aimerais disposer de cela. Je ne pense pas pouvoir poser des questions au médecin sans savoir ce que contient sa présentation.

Je pense donc qu'il nous faudrait une nouvelle séance et demander à quiconque veut comparaître devant le comité de contacter le greffier, et ils pourront certainement arranger cela. Je n'y vois pas de problème.

Une voix: Nous n'avons pas à nous en inquiéter maintenant.

M. Leon Benoit: Concernant ce rappel au Règlement, cela semble un peu injuste alors que le président nous a dit avoir reçu ces documents hier et refuse de nous les distribuer, et a répété ce matin...

Le président: Monsieur Benoit, la première fois que j'ai vu ces documents, c'était il y a une heure environ—un peu plus d'une heure.

Mme Elsie Wayne: Sur le rappel au Règlement, monsieur le président.

Le président: Nous avons des règles dans ce comité que nous appliquons depuis des années concernant la traduction des documents remis par les témoins. Par respect envers les règles du comité et envers nos collègues francophones, je déclare que cette question est tranchée. Cela dit, poursuivons avec les témoins qui sont là.

Mon interprétation de la déclaration de M. O'Reilly est que, à l'avenir, les témoins qui veulent comparaître devant le comité devraient suivre la voie normale, c'est-à-dire contacter le président et passer par le comité directeur. Est-ce bien...?

M. John O'Reilly: Nous avons toujours eu coutume de... M. Benoit veut faire des effets de tribune, et c'est très bien. Mais le fait est qu'il y a une procédure à suivre. Si un témoin demande à comparaître devant le comité, on lui paie ses frais de voyage. Il comparaît devant le comité et fait son exposé, et la documentation est fournie dans les deux langues officielles, afin que le comité soit pleinement informé.

J'estime qu'aujourd'hui nos mains sont liées, car nous n'avons déjà pas la documentation dont nous aurions besoin pour poser des questions aux témoins que nous entendons. Ensuite, nous imposer quelqu'un d'autre, à l'improviste, est injuste envers le greffier et injuste envers les membres du comité. Je serais ravi de les entendre. J'ai des anciens combattants de la Guerre du Golfe dans ma circonscription qui aimeraient probablement comparaître ici, eux aussi.

Le président: Très franchement, je pense qu'il ne sert à rien de s'attarder davantage là-dessus. Il n'y a manifestement pas consentement unanime. Je l'ai demandé deux fois, il a été refusé deux fois. Nous allons donc poursuivre la séance.

Monsieur Goldring, vous avez la parole.

M. Peter Goldring: Merci, monsieur le président.

Le président: Nous entamons les tours de cinq minutes.

M. Peter Goldring: Oui, monsieur le président.

• 1645

Colonel Scott, nous aimerions tous apporter notre concours, mais l'une des difficultés que nous avons lorsque nous tentons d'avancer et d'y voir clair dans la situation... Nous venons de parler de cette documentation qui nous aurait été utile si nous l'avions eue par avance. Mais d'autres obstacles sont jetés sur notre route lorsque nous tentons de déterminer la nature du problème et de mener une enquête propre.

Je fais allusion à un incident qui m'est arrivé il y a trois mois environ, lorsque j'ai commencé à me pencher sur la question de l'uranium appauvri. C'est arrivé lorsque j'ai visité le CMR à Kingston. Je savais qu'ils ont là-bas un réacteur nucléaire et des spécialistes, et c'est donc vers eux que je me suis tourné pour tenter de comprendre.

J'avais une conversation assez intéressante avec l'un des scientifiques là-bas, qui m'expliquait les composants radioactifs et les risques, il avait commencé à m'expliquer que les produits alpha, ou particules alpha, ne pénètrent pas la peau. Elles ne sont pas un risque sur ce plan. Mais il a ajouté: «Toutefois, si elles sont ingérées...», et il a commencé à m'expliquer tout cela. Cela semblait très sérieux et très inquiétant. Autrement dit, cela pouvait être l'arme du crime dans toute cette équation.

Je vois également ici un rapport du CRM qui dit que, contrairement au plomb et au nickel, l'uranium est potentiellement un carcinogène tant radiologique que chimique. Des analyses ont été faites, et nous avons déjà parlé du cas de Riordan, et un seul test a jamais été effectué sur un échantillon d'os.

Pardonnez ma confusion et mon inquiétude concernant tout cela, mais ne sont-elles pas causées en partie par les personnes même qui auraient pu nous aider, qui ont interrompu ma conversation téléphonique afin de m'empêcher d'enquêter sur la question? Un député, que l'on interrompt en pleine conversation téléphonique et que l'on renvoie à un attaché de presse, bon sang... Ce n'est pas cela coopérer pour essayer de cerner le problème et trouver une solution.

Pourquoi fait-on cela? Pourquoi est-il si difficile de trouver la documentation et pourquoi est-il si difficile de parler aux experts, afin que tout le monde puisse être bien renseigné?

Col Ken Scott: Vous vous adressez à M. Ough, je suppose?

M. Peter Goldring: Je vous pose la question, à vous, colonel, et peut-être M. Ough voudra-t-il intervenir aussi.

Col Ken Scott: Je ne suis pas au courant de l'incident au CMR dont vous parlez. Comme je l'ai dit dans mes remarques liminaires, l'uranium est un agent radiologique de faible intensité. Il émet des rayons alpha, bêta et gamma, mais principalement alpha, c'est-à-dire deux protons et deux neutrons. Dans l'atmosphère, les émissions alpha couvrent une distance de quatre centimètres. Dans les tissus, ils ne vont pas plus loin que 25 à 80 microns. Ils ne pénètrent pas la peau, même superficielle. Vous avez donc tout à fait raison, monsieur. L'uranium et l'uranium appauvri ne représentent pas un danger externe. Vous pouvez vous coucher sur une palette d'obus à l'uranium, par exemple. Il n'y a pas de danger, par exemple, à se promener dans la campagne au Kosovo.

Vous avez tout à fait raison; pour que les émissions alpha puissent causer des problèmes, le matériau doit être ingéré. Ce n'est pas non plus l'appareil digestif—et heureusement, tout ce que l'on ingère par l'appareil digestif est excrété. L'ingestion n'est un problème que par inhalation.

C'est pourquoi nous vérifions dans la littérature les constats faits chez les personnes exposées dans leur profession.

M. Peter Goldring: Mais puisqu'on sait cela, pourquoi vos tests ne se concentrent-ils pas sur la destination du matériau ingéré, le flux sanguin, les os et la moelle? Pourquoi ne pas faire ces tests?

Col Ken Scott: Tout d'abord, nous avons une vaste expérience de l'inhalation d'uranium, qui a une toxicité chimique identique et qui est plus radiologique—c'est-à-dire, plus radioactif—et cette expérience s'étend sur plus de cinq décennies, avec des travailleurs qui ont été suivis sur plus de 30 années, sans que l'on relève chez eux une fréquence accrue de cancer ou de leucémie.

Une fois l'uranium incorporé à l'organisme, quel que soit le moyen, qu'on l'injecte dans le sang—et des expériences ont été menées où le sujet est injecté intraveineusement—qu'on en avale une certaine quantité ou qu'on l'inhale, que l'on ait des éclats dans un muscle, il se crée chaque fois un équilibre dans tout le corps. Donc, n'importe quel tissu organique vous donnera un taux d'isotopes compatible avec le total emmagasiné par le corps.

• 1650

L'étalon utilisé partout dans le monde dans le cas des personnes exposées dans leur profession est une collection d'urine sur 24 heures. Pour que nous commencions, à ce stade, avec toutes les données disponibles sur l'uranium, d'effectuer des prélèvements de moelle osseuse, une procédure très invasive, il faudrait avoir des raisons médicales et scientifiques très sérieuses.

M. Peter Stoffer: Monsieur le président, si vous permettez, je dois partir et je ne voulais pas le faire sans dire au revoir, par courtoisie. Je tiens à remercier nos estimés témoins militaires de leurs présentations.

Le président: Merci, monsieur Stoffer.

M. Leon Benoit: Je vais prendre ce qu'il reste du temps de M. Goldring. Il m'a offert ce qui reste de son temps.

Le président: Il n'y en a plus, monsieur Benoit. Il est déjà dépassé.

La parole est à M. Perron.

[Français]

M. Gilles-A. Perron (Rivière-des-Mille-Îles, BQ): J'ai une question très rapide. Quel est le nom des deux laboratoires où vous faites faire les tests dont vous avez parlé dans votre exposé?

[Traduction]

Col Ken Scott: Il s'agit d'Activation Laboratories...

M. Gilles Perron: Quel est leur nom?

Col Ken Scott: Les laboratoires Activation et Becquerel, de la province de l'Ontario.

[Français]

M. Gilles Perron: Monsieur le président, disons que, pour me montrer bon garçon, je crois le colonel Scott quand il dit que l'uranium ne présente aucun danger. Par contre, moi qui ai 60 ans, je travaille depuis un an et demi sur le dossier de jeunes personnes, garçons ou filles, de 31 ans—mon fils en a 32—que j'ai vus très malades, perdre leurs cheveux, avoir des problèmes de libido—la libido touche aux relations sexuelles, monsieur Scott—, avoir des problèmes dans les os, souffrir de cancer, toutes choses pour lesquelles on ne fait rien. On ne fait rien pour ces jeunes-là.

Soyons honnêtes. Acceptons que ce n'est pas l'uranium qui est la cause de leur état. Mais ces jeunes sont tombés malades après être revenus des Balkans. En tant que citoyens canadiens, ils ont le droit d'être soignés. Nous avons le devoir de les soigner. Nous avons le devoir de les libérer mentalement, de donner à ces jeunes de 31 ans...

Monsieur le colonel, je vais vous dire que vous en avez...

[Traduction]

Le président: Monsieur Perron, je vous prierais d'adresser vos propos à la présidence.

[Français]

M. Gilles Perron: Je vais vous dire, monsieur le président, que dans l'armée à Québec, dans le 22e Régiment, à Valcartier, il y a des soldats actifs qui sont restés dans l'armée, qui leur fournit des bottines spéciales parce qu'ils ne sont plus capables de marcher, parce qu'ils n'ont plus de force musculaire. Ils reviennent des Balkans. Ces gens-là ne sont pas aidés. Ils sont délaissés.

J'ai même contacté des vétérans qui m'ont dit que ce sont des nouveaux cas et qu'ils ne sont pas habitués de travailler avec des jeunes vétérans de 31 ou 32 ans qui reviennent malades. Ils sont habitués de travailler avec des gens d'un âge où les cheveux sont comme ceux de mon ami Ivan Grose et les miens, des cheveux de gens de mon âge, mais pas avec des jeunes.

Je n'ai pas de capital politique à me faire avec cette cause, mais nous avons le droit de savoir pourquoi ces jeunes sont malades. Est-ce une combinaison de médicaments? On sait qu'ils ont reçu des vaccins qui leur ont causé des bosses sur les fesses.

Ces gens-là qui me parlent ne sont pas des amis qui se connaissent. Ce sont des gens choisis au hasard. Ce sont des gens qui ne se sont jamais vus, hommes et femmes, majoritairement des hommes. Ils ont tous les mêmes symptômes: stress, peur, problèmes musculaires, problèmes osseux, perte de cheveux, tremblements, manque de force. Ils ne sont plus capables de jouer au hockey, ils sont finis. Ces jeunes sont assis sur la voie ferrée, à la gare, à attendre leur décès. Qu'est-ce que nous faisons pour eux, nous, politiciens?

Monsieur le président, si vous ne me croyez pas, je suis bien prêt à dire que oui, je suis un menteur, mais je vais les amener parader devant vous ici. J'espère que le comité directeur aura assez de bon sens pour dire: oui, rencontrons ces gens-là.

• 1655

Il y en a qui sont au bout du rouleau. À Sherbrooke, monsieur Price, il y en a un de 31 ans, Luc, qui s'est pendu il y a un mois et demi. Il s'est pendu.

[Traduction]

Le président: Monsieur Perron, je suis obligé de...

[Français]

M. Gilles Perron: J'ai fini. Merci. C'est le message que j'avais à transmettre.

[Traduction]

Le président: ...vous dire que si vous attendez une réponse à votre...

M. Gilles Perron: Je ne veux pas de réponse, mon ami.

Le président: Dans ce cas, il vous reste 28 secondes, si vous voulez continuer.

[Français]

M. Gilles Perron: Merci de m'avoir écouté, mes amis. J'espère qu'on fera quelque chose.

[Traduction]

Le président: Monsieur Price.

M. David Price: Il ne fait aucun doute qu'il y a une grande part de vérité dans ce que dit M. Perron. Nous ne faisons pas assez.

Je vais m'engager dans une autre direction pour le moment. En fait, c'est quelque chose qui me tarabuste depuis un moment. Il ne s'agit pas de nous directement, mais nous sommes concernés en tant que citoyens du monde et c'est en rapport avec l'UA.

Pendant la guerre du Kosovo, on a beaucoup parlé d'avions rentrant du Kosovo qui devaient larguer leurs munitions. Ils l'ont beaucoup fait dans les lacs du Kosovo, dans l'océan avant leur retour en Italie, et même dans certains lacs italiens.

J'aimerais savoir si des essais à long terme ont été effectués, ou si l'on va en effectuer, concernant ces masses d'obus et les différents matériaux qu'ils renferment? Quelle sorte de réaction peut se produire dans l'eau salée et dans l'eau douce? Que va-t-il arriver avec tous ces obus?

Certes, aucun de ces obus ne nous appartient. Ce ne sont pas des munitions canadiennes, mais américaines, principalement, nous-mêmes n'en avions pas. Mais comme je l'ai dit, si nous voulons être bons citoyens du monde, c'est une chose dont il nous faut parler. A-t-on fait des recherches dans ce domaine?

Col Ken Scott: Je ne sais rien sur le largage de munitions, mais M. Ough possède des connaissances sur le comportement de l'uranium dans l'eau et il pourrait peut-être vous renseigner.

M. David Price: Particulièrement en combinaison avec les produits chimiques que peuvent contenir ces obus et leur détonateur, etc.

M. Edward Ough: Premièrement, à ma connaissance, les A-10 Thunderbolt II, les Warthogs, étaient les seuls à contenir de l'uranium appauvri au Kosovo...

M. David Price: C'est juste.

M. Edward Ough: ...il faudrait donc que ce soit le A-10...

M. David Price: Mais il y en avait des masses, et lorsqu'ils les ont largués...

M. Edward Ough: Non, ils utilisaient uniquement des obus de 30 millimètres à uranium appauvri; ils étaient l'équivalent des balles de la mitrailleuse Gatling. Je n'ai pas entendu parler de largage d'uranium appauvri dans des lacs.

Les obus GAU-8 avaient un revêtement, et il faudra donc du temps avant que l'oxydation gagne l'uranium. Mais ce qui va se passer, c'est qu'il va lentement s'oxyder et être assimilé dans le milieu aquatique.

Si vous faites le calcul, c'est probablement une quantité infime comparée au niveau naturel dans l'eau, particulièrement dans l'océan. L'océan, si ma mémoire est bonne, renferme à peu près dix fois plus d'uranium naturel que l'eau douce, et c'est réellement une très petite quantité dans une masse très grande.

M. David Price: Il fallait que je vous pose la question, puisque vous êtes là, car cela me tarabuste...

M. Edward Ough: Il faut savoir aussi qu'au Canada l'Organisation mondiale de la santé fixe le niveau maximal d'uranium dans l'eau potable à deux microgrammes par litre. Santé Canada a effectué une étude il y a quelques années. Certains puits de particuliers au Canada contiennent presque 800 microgrammes par litre. Il y a donc des gens qui boivent de l'eau ayant un niveau d'uranium 400 fois supérieur à la limite de l'Organisation mondiale de la santé pour l'eau potable.

M. David Price: Monsieur Scott, pour poursuivre avec ce que vous appelez les autres affections, ce que j'appellerais des symptômes, similaires à la fibromyalgie et à la polymyalgie dont souffrent beaucoup de gens, elles sont principalement liées au stress. Si on compare le nombre de militaires touchés à la population générale, que trouve-t-on?

Col Ken Scott: Ces symptômes physiques idiopathiques multiples finissent par donner lieu à des diagnostics. Ils comprennent le syndrome de fatigue chronique, la fibromyalgie, le syndrome de douleur myofaciale, et le syndrome de douleur des tissus mous. Pour ce qui est de savoir si on les rencontre plus souvent dans la population militaire que la population civile, le syndrome de fatigue chronique a été déjà décrit en 1750, sous le nom de fébricule. Pratiquement toute la littérature sur le syndrome de fatigue chronique, jusqu'au milieu des années 40, figure dans la littérature médicale militaire. Il s'agit toujours de soldats revenant d'un conflit. À une conférence à laquelle j'ai assisté il y a deux mois, on a cité une très belle description de vétérans de retour de la guerre des Boers et de la guerre de Crimée, qui présentaient des symptômes identiques.

• 1700

C'est dont un ensemble de symptômes qui ont été très bien décrits il y a déjà longtemps. S'agissant de savoir quelle est la cause sous-jacente de la fibromyalgie ou de la douleur myofaciale, je dirais que ces affections sont très mal comprises. D'après notre étude Goss Gilroy, nous savons qu'il y a une plus forte prévalence chez nos anciens de la guerre du Golfe de maladies du type fibromyalgie et syndrome de fatigue chronique que dans la population ontarienne générale, selon l'enquête sur la santé ontarienne de 1990. Mais ce ne sont pas des diagnostics courants.

Le président: Colonel, je vais devoir vous interrompre, car nous avons d'autres membres désireux de poser des questions.

Monsieur Benoit.

M. Leon Benoit: Merci, monsieur le président, et bon après-midi, colonel Scott et monsieur Ough.

Selon vous, ces soldats qui pensent souffrir des conséquences de l'uranium appauvri souffrent en réalité d'autre chose, d'une sorte de syndrome de stress post-traumatique. D'ailleurs, les soldats préfèrent appeler cela réaction de stress au combat. Pensez-vous que les militaires canadiens souffrant de ces affections sont traités comme il faut actuellement?

Col Ken Scott: J'ai indiqué qu'en fait le SSPT est l'un de nos diagnostics les moins courants. Que faisons-nous pour notre population militaire? Nous restons toujours le seul pays à avoir établi des cliniques pour voir tous les militaires revenant d'un déploiement. Aucun autre pays n'en a encore fait autant. Nous avons aussi des cliniques auxquelles peuvent s'adresser les clients du ministère des Anciens combattants, ceux qui ne sont plus dans les forces armées. Car vous avez tout à fait raison, dans le monde civil, si vous êtes un ancien du Rwanda ou du Golfe, on ne vous comprend pas. Nous avons donc dans ces cliniques post-déploiement la connaissance et l'expertise requises.

De même, grâce aux efforts du général Dallaire, nous avons établi ces cliniques multiples à travers tout le pays, appelées centres d'assistance aux victimes de traumatisme et de stress, les CAVTS. Ceux-ci ne sont actuellement qu'à la disposition des militaires en service actif. Ce sont des cliniques multidisciplinaires disposant de psychiatres, de psychologues, de travailleurs sociaux, d'aumôniers, ce genre de choses.

M. Leon Benoit: Pour les soldats en service actif?

Col Ken Scott: Oui. Le CAVTS moyen...

M. Leon Benoit: Pourquoi semble-t-il si difficile à ces soldats d'accéder aux services de ces centres? C'est une doléance si fréquente. Ce ne sont pas des cas isolés. Vous ne pouvez prétendre que ce sont des cas isolés. Les soldats pètent les plombs parce qu'ils n'obtiennent pas de traitement.

Col Ken Scott: Le délai d'attente moyen dans les six CAVTS pour voir un spécialiste est de quatre mois. Dans la plupart des villes où existent ces centres, le délai d'attente moyen pour accéder à des soins de santé mentale est de 12 à 18 mois.

M. Leon Benoit: Vous êtes donc satisfait de la façon dont des soldats comme le caporal McEachern sont traités dans les forces armées?

Col Ken Scott: Non. Je vous dis que le délai d'attente moyen est de quatre mois. Ce serait bien qu'il soit plus court. Mais c'est mieux que dans le civil. Pouvons-nous faire mieux? Absolument. Est-il juste que les clients d'Anciens combattants Canada n'aient pas accès à ces centres? Ils ont accès à nos cliniques post-déploiement, mais non pas à ces CAVTS. Ces centres ne sont pas encore ouverts à eux. Nous sommes en cours de discussion pour le faire, car nous pensons que ce serait une bonne chose, pour que les clients d'ACC puissent également bénéficier de ces cliniques. Mais nous devons veiller à mettre en place les ressources humaines, les psychiatres et psychologues, par exemple, au préalable...

M. Leon Benoit: À ce sujet...

Le président: Aviez-vous terminé votre réponse, colonel Scott?

M. Leon Benoit: À ce sujet, colonel Scott, pensez-vous que les psychologues civils...

Le président: Monsieur Benoit, je demandais au colonel Scott s'il avait fini. Il n'a pas pu...

M. Leon Benoit: Monsieur le président, je comprends...

Le président: Vous lui avez posé trois questions, et il n'a pas pu répondre pleinement à chacune.

M. Leon Benoit: Monsieur le président, si je suis satisfait de la réponse, pourquoi ne puis-je pas poursuivre avec mes autres questions?

Le président: Je ne dis pas que vous ne pouvez pas...

M. Leon Benoit: J'étais satisfait de sa réponse.

Le président: J'essaie simplement de donner au témoin la possibilité de nous renseigner.

M. Leon Benoit: Mais je pense que ce serait plus productif si vous n'interveniez pas, monsieur le président. Nous n'allons nulle part de cette façon.

Le président: Veuillez également adresser vos questions par l'entremise de la présidence.

M. Leon Benoit: Eh bien, oui, merci.

• 1705

Colonel, pensez-vous que des psychologues civils soient en mesure de donner des soins appropriés dans les cas comme celui du caporal McEachern, dont les troubles résultent d'une situation de combat ou assimilable au combat? On assiste à des choses horribles, en l'occurrence une femme se faisant violer alors qu'on a l'ordre de ne rien faire pour la secourir, ou un soldat ou un policier battu à mort, sans que l'on puisse intervenir.

Dans des cas comme celui-ci, pensez-vous que les psychologues civils puissent réellement donner les soins voulus? Je sais que les soldats ne le croient pas. Ils veulent être soignés par quelqu'un qui, à tout le moins, connaît un peu le genre de choses auxquelles ils ont été confrontés.

Col Ken Scott: Je comprends cela. C'est un sentiment que je partage souvent moi-même. Je ne peux pas le prouver, et je pense que mes collègues psychiatres et psychologues civils seraient indignés si j'affirmais que nous pourrions faire un meilleur travail. Je n'ai absolument aucune preuve en ce sens.

Je conviens avec vous que beaucoup de gens en uniforme ou qui l'ont porté préféreraient se rendre dans un CAVTS, doté de personnel soignant militaire, qui connaisse la réalité militaire.

M. Leon Benoit: Que faites-vous donc pour offrir ce genre de soins à davantage de militaires ayant vécu ce genre de choses, pour mettre davantage de psychologues à la disposition des soldats qui en ont besoin?

Col Ken Scott: Comme je viens de vous le dire, nous avons déjà ramené le délai d'attente à quatre mois. Dans le monde civil, c'est douze...

M. Leon Benoit: Vous dites donc, implicitement, que tout va bien, que ces soldats reçoivent à tout le moins les soins qu'ils escomptent, car ils sont meilleurs que ceux dont disposent les civils.

Col Ken Scott: Vous ne me laissez jamais terminer. Je dis aussi...

Le président: Colonel, terminez votre réponse, je vous prie.

Monsieur Benoit, je suis réticent à employer le terme, mais votre attitude à l'endroit du colonel Scott confine au harcèlement.

M. Leon Benoit: J'essaie simplement d'obtenir quelques réponses, monsieur le président.

Le président: Colonel Scott, allez-y, je vous prie.

Col Ken Scott: Je crois, et je viens de vous le dire, que le service que nous offrons actuellement est meilleur que dans le civil. J'avais aussi indiqué précédemment que je pense que nous pouvons faire mieux.

Je crois aussi—et c'est là mon avis personnel—que les clients du ministère des Anciens combattants qui ne sont pas actuellement admissibles dans ces centres devraient également y avoir accès.

Premièrement, les délais d'attente devraient être plus courts et, comme vous l'avez mentionné, ces patients devraient être vus par du personnel soignant spécialisé, qui connaisse la vie militaire. Nous essayons, et nous sommes en négociation avec Anciens combattants Canada pour voir si nous pouvons doter ces cliniques du personnel nécessaire pour assurer le service dont ces personnes ont besoin. Nous devons doter ces centres de psychiatres et de psychologues. Mais ces derniers sont rares et nous sommes en concurrence avec le reste du pays pour les trouver. Il n'y a pas assez de psychiatres et de psychologues dans le pays et nous sommes en concurrence pour les embaucher.

Mais je suis d'accord avec vous, j'aimerais en avoir davantage. J'aimerais faire baisser les délais d'attente—et la prestation des soins de santé n'est pas de mon ressort.

Le président: Colonel, je vais devoir vous interrompre ici car nous avons d'autres députés souhaitant poser des questions.

Monsieur O'Reilly.

M. John O'Reilly: Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à vous, colonel Scott, d'avoir accepter de comparaître.

Voici ma première question. J'ai dans ma circonscription des anciens combattants de la guerre du Golfe, qui sont partis là-bas en parfaite santé, d'après ce que je pouvais voir, et qui sont revenus malades, tant mentalement que physiquement.

Je sais que le syndrome est un ensemble de maux non apparentés, et c'est pourquoi on l'appelle un syndrome; une maladie est quelque chose que l'on peut traiter. On a beaucoup utilisé les deux mots aujourd'hui sans distinction dans ce contexte, assimilant cela à une maladie alors qu'il s'agit en fait d'un syndrome. Je suppose donc que vous avez un ensemble de preuves non concluant.

Une étude est-elle en cours, sous une forme ou sous une autre, pour tenter de relier l'uranium appauvri au syndrome de la guerre du Golfe? Est-ce là une possibilité que l'on explore spécifiquement, ou bien n'a-t-elle pas encore été pleinement examinée?

Ma deuxième question porte sur la fiabilité des tests. A-t-on fait appel à des laboratoires civils pour cela, ou bien s'agissait-il exclusivement de laboratoires militaires? Je ne veux mettre en doute l'intégrité de personne, mais j'ai toujours pensé que si vous donnez un échantillon à quelqu'un qui cherche quelque chose de bien précis, ou au contraire ne cherche pas, les résultats pourraient être différents d'un laboratoire à l'autre. J'aimerais avoir votre réponse à ce sujet.

• 1710

Col Ken Scott: Les militaires reviennent de la guerre, qu'il s'agisse de la guerre de Crimée ou de celle des Boers, en souffrant de maladies. Je ne me suis pas attardé là-dessus, mais lors de chacun de ces conflits, les médecins ont décrit un syndrome. Pour chacun de ces conflits, vous pouvez décrire un syndrome de la guerre de..., en laissant un blanc pour le nom de la guerre.

Quantité de groupes d'experts médicaux et scientifiques se sont penchés sur les symptômes des vétérans de la guerre du Golfe, par exemple, et ont conclu qu'ils ne présentent aucune maladie propre à la guerre du Golfe. Les types de diagnostics que l'on voit sont tous du genre que l'on trouve dans la population générale.

Cela ne signifie pas que ces gens ne sont mal portants ni que ces diagnostics ne sont pas liés à ces déploiements. Nous avons une abondante littérature montrant que les gens qui partent pour ces déploiements reviennent en souffrant de fatigue, de troubles de mémoire, d'insomnie, de difficultés respiratoires—ce genre de choses. Il est abondamment prouvé que les personnes reviennent avec cette sorte de problèmes.

En ce qui concerne l'uranium appauvri, le groupe dont tous les experts conviennent qu'il doit être étudié de plus près sont ceux qui ont essuyé des tirs amis. Ce sont eux qui font l'objet d'un suivi de longue durée.

En ce qui concerne les maladies chez nos anciens combattants canadiens, le taux de maladie dans tous les groupes de vétérans canadiens est identique. Si l'uranium appauvri était un facteur, celui-ci devrait obéir aux lois de la physique, c'est-à-dire être fonction de la dose et de la durée. Si l'uranium était le facteur, il ne se pourrait pas que le taux de maladie à l'Hôpital de campagne canadien I soit identique au taux de maladie au QG de Bahrain, au taux de maladie dans les bases Canada Dry Un et Deux au Qatar, au taux de maladie des personnes qui ont servi dans le blocus naval du secteur Charlie, et au taux de maladie dans les unités canadiennes rapatriées avant la guerre. C'est impossible.

Pour répondre à votre question concernant les laboratoires, nous faisons appel à deux laboratoires civils, Activation et Becquerel; ce ne sont pas des laboratoires gouvernementaux. Peut-être M. Ough voudra-t-il ajouter quelque chose.

M. Edward Ough: Oui, ce sont deux laboratoires civils.

Un grand nombre d'échantillons ont été envoyés directement par les vétérans au laboratoire, sans jamais passer par les mains du MDN. Tout ce que savaient les laboratoires étaient qu'ils recevaient, dans le premier cas, des échantillons d'urine sur lesquels ils devaient effectuer un dosage de l'uranium total et isotopique. Ils ne savaient pas ce qu'ils devaient rechercher dans les échantillons. Ultérieurement, un des laboratoires a reçu des échantillons de cheveux sur lesquels il devait effectuer un dosage isotopique, du fait que la concentration totale d'uranium était si faible.

Je répète que ces deux laboratoires sont des laboratoires privés qui travaillent pour l'industrie nucléaire, si bien qu'ils connaissent très bien l'analyse d'urine.

Le président: Monsieur O'Reilly, votre temps de parole est expiré.

Monsieur Goldring.

M. Peter Goldring: Merci.

Docteur Scott, on a pu lire que la situation de ces vétérans malades serait bien meilleure si on leur reconnaissait le véritable statut d'anciens combattants—autrement dit, si les militaires de retour du Golfe avaient officiellement le statut d'anciens combattants—ce qui leur permettrait d'accéder aux centres de soins à long terme et à d'autres interventions médicales. Pouvez-vous nous dire votre réaction?

Col Ken Scott: Je pense que vous mélangez là deux choses distinctes. Je vais vous donner mon sentiment personnel.

Je pense que quiconque a servi son pays à l'occasion de tout déploiement, y compris à l'intérieur du Canada, lors de la tempête de glace, des inondations du Manitoba ou du Saguenay, est un ancien combattant. Je pense que nous devrions tous être considérés comme anciens combattants. Je pense que c'est rendre un mauvais service aux membres des forces armées que de ne pas les appeler anciens combattants. Voilà mon avis personnel.

M. Peter Goldring: Cela ferait-il une différence?

Col Ken Scott: L'autre volet, ce sont les prestations. Je pense que si une personne est blessée au service de son pays, que ce soit dans les inondations du Saguenay ou pendant la tempête de glace ou au Rwanda ou au Timor oriental, les prestations devraient être les mêmes. Mais cela, c'est mon avis personnel.

• 1715

M. Peter Goldring: Je vais revenir à mon sujet initial.

Très franchement, je ne vois pas comment l'on peut comparer l'exposition de personnes travaillant dans les mines d'uranium—des situations plus ou moins normales, comme celles-ci, où il y a une plus forte concentration des niveaux d'uranium—à une explosion catastrophique, où des débris sont propulsés à des milliers de pieds par seconde, et comparer les deux comme étant...

En bref, je pense qu'à cause du conditionnement, de la façon dont on fabrique les munitions, et à cause des caractéristiques de combustion, pyrophorique, de l'uranium, la substance elle-même peut être modifiée de façon impossible à mesurer. Ce qui me soucie énormément, c'est que l'on n'a pas effectué d'études sur les effets en confinement de ce matériau.

Avez-vous participé à des études, ou possédez-vous des renseignements ou des documents sur des études portant sur l'explosion elle-même de ce matériau, dans le cadre de tests de confinement?

Col Ken Scott: Oui, il y a des études à ce sujet. Des études sont en cours, comme je l'ai déjà indiqué en réponse à votre question. Le projet Capstone comble certaines lacunes dans les connaissances.

Je vous ai également dit que des êtres humains impliqués dans ces mêmes incidents dont vous parlez font l'objet d'études. Soixante-trois personnes sont maintenant suivies au Centre des anciens combattants de Baltimore, dont 15 ayant des éclats dans le corps.

Le rapport le plus récent sur la santé de ces personnes a été rendu public le 26 janvier 2001 à Alexandrie, en Virginie. L'effet sur la santé de l'exposition à l'uranium appauvri de ces personnes suivies au Centre de Baltimore est nul. Ils ont engendré 38 enfants en bonne santé.

M. Peter Goldring: Monsieur le président, ces rapports pourraient-ils être déposés, afin que nous soyons tous informés des résultats?

Le président: D'accord.

M. Ough voulait donner quelques compléments d'information à ce sujet.

M. Edward Ough: Premièrement, vous voyez là une évaluation du risque sanitaire, faite aux États-Unis, des effets objectifs. Ce sont là à peu près les seules données, jusqu'à présent, que possèdent les États-Unis. Les Américains reconnaissent qu'il y a des lacunes dans leur information et ils s'activent à les combler.

Si vous voulez ce document, je peux vous donner l'adresse Internet où vous pourrez le trouver. C'est un document volumineux. Ceci est le premier. Il y a deux autres volumes d'appendices.

M. Peter Goldring: Mon dossier va grossissant, mais j'aime avoir toute l'information sur laquelle je peux mettre la main.

M. Edward Ough: Deuxièmement...

Le président: Peut-être le greffier pourrait-il vous voir plus tard, monsieur Ough, au sujet de cette adresse.

M. Edward Ough: Deuxièmement, on peut, dans une certaine mesure, prendre l'industrie nucléaire pour modèle.

L'uranium est présent dans l'air. Nous en respirons tous, et les études montrent que deux organes tendent à accumuler l'uranium lorsqu'on avance en âge: les os et les poumons, les ganglions lymphatiques des poumons. Nous savons que l'uranium ambiant dans l'atmosphère s'accumule. Les travailleurs de l'industrie nucléaire sont exposés à des poussières d'uranium de taille respirable, d'une taille qui peut être inhalée.

Oui, on peut utiliser cette information. Dans votre cas, vous parlez de personnes qui ont eu une grosse exposition ponctuelle. Les travailleurs de l'industrie nucléaire ont une exposition constante à faible dose, mais ils vont...

Je n'ai rien vu là-dessus, car pour parler franchement, il n'est pas facile de prélever des échantillons de ganglions pulmonaires pour effectuer des biopsies. Mais si l'on prend comme modèle les travailleurs des mines et usines d'uranium, vous constaterez chez eux une augmentation de la dose dans les poumons.

Le président: En fait, votre temps est expiré. M. O'Reilly a une question, mais je suis sûr que nous pouvons revenir à vous.

M. John O'Reilly: J'ai une courte question, qui fait suite à ma question précédente.

Une chose que j'ai remarquée, et je me demande si elle est avérée, est que ceux qui souffrent de ce que l'on peut appeler le syndrome de la guerre du Golfe semblent avoir davantage de problèmes que... Il y a une chute des cheveux, une perte de mémoire, une perte de capacité physique à fonctionner, une perte de coordination musculaire—il y a là diverses choses dont je ne pense pas qu'elles soient associées à un stress professionnel.

• 1720

Je vais vous donner un exemple. J'ai été ambulancier pendant quelque temps, jusqu'à ce que j'ai à ramasser cinq ou six corps et membres sur la route. J'en ai souffert. Cela m'a affecté mentalement pendant longtemps—j'avais des flashbacks, je me réveillais au milieu de la nuit en sueur, je revivais la scène—mais je n'ai pas perdu mes cheveux, je n'ai pas perdu mes fonctions physiques. J'ai graduellement surmonté le traumatisme et ce genre de troubles.

J'ai du mal à m'y retrouver dans le syndrome de la guerre du Golfe. J'essaie de voir ce qui peut causer la différence. Vous pouvez regarder les exemples dans les forces armées, celui du général Dallaire, qui souffre de ce que nous reconnaissons tous être un syndrome de stress. Physiquement, il est en excellente santé. Il doit donc y avoir quelque chose de plus. Je ne sais pas s'il y a un refus de voir chez les militaires, ou un refus de voir chez les médecins, ni de quoi il s'agit, mais il y a quelque chose de plus.

N'est-ce pas à cela que nous cherchons tous à en venir? Nous sommes tous convaincus qu'il doit y avoir quelque chose de plus. Lorsque nous nous tournons vers vous pour avoir un avis expert, je ne veux pas entendre parler de quelques études faites en Italie, je veux savoir ce que nous pouvons faire de plus pour aller au fond de la chose.

Col Ken Scott: Je pense que vous apprécieriez l'article du Dr Wessely, que je vous ai remis, qui date de mars de cette année, où il passe en revue les facteurs des maladies de notre population d'anciens combattants, quel que soit leur déploiement. Je répète qu'il n'y a pas de maladie propre à la guerre du Golfe.

Dans ma pratique, le traitement de la fatigue chronique, je vois beaucoup de patients qui sont beaucoup plus handicapés que ceux qui sont atteints, mettons, du VIH. Les maladies du syndrome de fatigue chronique, du syndrome de douleur myofaciale et de fibromyalgie ont une qualité de vie incroyablement mauvaise.

Ce qui est intéressant et fascinant dans ces maladies et syndromes liés à la guerre, constatés il y a déjà 150 ans, c'est qu'elles tendent à persister et ces patients continuent à avoir des problèmes pendant parfois 30 ans. Chose intéressante, nous soupçonnions que l'état de ces personnes tend à s'améliorer avec le temps. Deux études ont maintenant été effectuées, une aux États-Unis et une au Royaume-Uni, au moyen d'un instrument appelé le SF-36, qui mesure le bien-être psychologique et physique. Ils ont réexaminé des anciens combattants qui avaient été examinés antérieurement et, dans les trois études, les anciens de la guerre du Golfe présentaient une amélioration; leur bien-être psychologique et physique s'est amélioré.

Nous, une société occidentale, séparons l'esprit et le corps, la psyché et le soma. C'est une conception occidentale moderne. Il n'en était pas de même par le passé et ce n'est pas une conception qui a cours dans les sociétés non occidentales. Elle remonte à l'époque de Descartes et des Lumières. Je la trouve regrettable, car je suis convaincu que l'esprit exerce une influence énorme sur le corps, et inversement. Il existe un interniste de grande sagesse, qui pratique à Chicago, du nom de William Kissick, qui a publié un livre que vous aimerez peut-être lire, intitulé Medicine's Dilemmas. Il y est écrit: «On peut être mal portant sans être malade et malade sans être mal portant».

J'admets que nous devons en savoir plus sur ces maladies dans notre population d'anciens combattants. Nous essayons de faire une étude longitudinale, commençant au niveau des recrues, avec des questionnaires et examens très détaillés, afin de suivre ces militaires tout au long de leur carrière, y compris pendant les déploiements. Pouvons-nous identifier des facteurs communs à ceux qui reviennent malades d'un déploiement? Je vous parie que nous verrons ces choses après n'importe quel déploiement, y compris l'actuel en Éthiopie.

Le président: Colonel Scott, je dois vous interrompre.

Monsieur Goldring, dernier tour, cinq minutes.

M. Peter Goldring: Merci, monsieur le président.

L'une de mes autres préoccupations, ayant écouté vos explications, est que l'on assiste à une tentative de faire sembler par tous les moyens les matériaux radioactifs comme très sûrs, en disant qu'ils sont partout, à toutes sortes de concentrations. J'en ai été pas mal entouré lorsque je travaillais dans le secteur privé, avec quelques centaines de milliers de détecteurs de fumée qui contiennent de l'américium et d'autres formes de matériaux radioactifs... Nous avions des détecteurs de fumée au début des années 50 et 60 qui contenaient une forte quantité de matériau radioactif, à tel point que si l'on voulait en monter trois sur un plafond, il fallait des certificats d'Énergie atomique du Canada. Le bâtiment devait être certifié pour ce type de détecteurs de fumée. C'était très courant. Mais je pense que c'est trop banaliser que de dire que c'est très courant, sans danger, innocent.

• 1725

Je suis d'accord avec mon collègue pour dire qu'il s'agit principalement de déterminer la cause et l'effet. Bien que j'essaie à toute force de voir si ceci est l'arme du crime ou non, si on peut me démontrer rationnellement et raisonnablement que ce n'est pas le cas, alors nous allons tourner notre attention dans une autre direction.

Mais je ne trouve pas vos explications assez solides. Peut-être pourrions-nous donner d'autres données qui clarifieraient les choses. Mais je ne suis pas prêt à admettre qu'il n'y a pas là quelque chose qu'il faut étudier de très près. Je persiste à croire, car je n'ai pas été convaincu du contraire, qu'il y a là une sorte de matériau diabolique. Que ce soit dans l'aérosol, ou que ce soit dans l'uranium et le matériau lui-même, je me dis qu'il y a là quelque chose qui cause ces maladies.

C'est comme le disait mon collègue. Le stress, la perte des cheveux, la perte d'autres choses, tous ces maux semblent être plus symptomatiques de l'empoisonnement radioactif, d'après le peu que je sais.

J'espère que vous comprenez ma position. J'espère que vous puissiez me convaincre aujourd'hui que je peux refermer ce dossier, car vous ne m'avez pas encore convaincu. J'espère qu'un jour vous le pourrez.

Col Ken Scott: Je respecterai toujours votre droit à votre propre opinion. C'est la moindre des choses, en démocratie.

M. Peter Goldring: Ce n'est pas seulement ma propre opinion. C'est une opinion partagée dans le monde entier, en Italie, en Allemagne, et dans d'autres pays. La controverse fait rage partout. Ce n'est pas seulement mon opinion personnelle. Je me tourne vers vous. Je me tourne vers le CMR de Kingston. Je cherche de l'aide. Je cherche à être convaincu que je me trompe.

Col Ken Scott: Vous ne tenez pas compte de l'opinion médicale. Tous les pays que vous venez de mentionner, y compris l'Italie, sont unanimes.

M. Peter Goldring: Est-ce une opinion médicale ou est-ce une opinion des atomistes? Quel niveau de connaissance faut-il atteindre pour trancher cela?

Col Ken Scott: Une opinion médicale. Ce sont des gens qui sont experts dans ce domaine. L'opinion médicale est unanime. C'est pourquoi l'autre député, je ne me souviens plus qui a posé la question, demandait les rapports. Il existe une somme énorme d'information. C'est une exposition sur laquelle nous avons...

M. Peter Goldring: J'espère que dans les jours et les mois à venir vous...

Le président: Excusez-moi, monsieur Goldring. Ceci n'est pas une conversation. Je vous demanderais d'adresser vos propos par l'intermédiaire du président, et j'aimerais que le colonel Scott puisse finir de répondre. Je trouve que vous ne lui permettez pas de finir de répondre.

Colonel Scott.

Col Ken Scott: Ceci est un cas particulier, car c'est une exposition sur laquelle, contrairement à beaucoup de choses que nous voyons dans les Forces canadiennes, nous possédons une masse énorme de renseignements. C'est pourquoi vous voyez une organisation comme la Commission européenne, le groupe d'experts constitué en janvier, déposer son rapport dès le 6 mars. Ce n'est pas un sujet dont on ignore à peu près tout, au contraire, on dispose d'une masse énorme d'information.

M. Peter Goldring: J'espère que nous trouverons la réponse dans l'information à venir. Je l'espère vraiment.

Le président: Monsieur Ough.

M. Edward Ough: Mon problème est qu'énormément de tests sont effectués un peu partout. Énormément de groupes placent leurs données sur la table. Tous ces tests reviennent négatifs pour l'uranium appauvri.

En tant que scientifique, je suis prêt à tout envisager. Le problème que je vois, c'est que la seule voix dissidente qui persiste à dire qu'il y a des résultats positifs n'a jamais publié ses données dans une revue scientifique, afin que tout le monde puisse en prendre connaissance. Voilà un aspect. On est obligé de faire preuve d'un certain scepticisme tant qu'ils ne mettent pas leurs études, tous leurs résultats, sur la table afin que tout le monde puisse les examiner.

Grâce à la Loi sur l'accès à l'information, toutes les analyses effectuées par le MDN sont à la disposition de tout le monde. C'est la même chose aux États-Unis. Les Allemands ont publié leur étude. Les Belges ont publié leur étude. La Croix-Rouge internationale a fait des analyses. Nous avons accès à tout cela. Les données du projet médical sur l'uranium ne sont pas disponibles.

• 1730

Le président: Là-dessus, je vais lever la séance.

Auparavant, je tiens à remercier nos deux témoins, le colonel Scott et M. Ough, de leur témoignage. Vous avez eu à affronter des questions assez agressives. J'espère que cela ne vous a pas dérouté. Je trouve que vous vous êtes assez bien débrouillés. Encore une fois, merci d'être venus.

Col Ken Scott: Merci de nous avoir invités.

Le président: La séance est levée.

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