NDVA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 21 mai 2002
¹ | 1540 |
Le président (M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.)) |
Lieutenant-général M.K. Jeffery (chef d'état-major de l'Armée de terre, ministère de la Défense nationale) |
¹ | 1545 |
¹ | 1550 |
¹ | 1555 |
º | 1600 |
º | 1605 |
º | 1610 |
Le président |
Lgén M.K. Jeffery |
Le président |
Lgén M.K. Jeffery |
Le président |
Lgén M.K. Jeffery |
Le président |
Lgén M.K. Jeffery |
º | 1615 |
º | 1620 |
º | 1625 |
º | 1630 |
º | 1635 |
º | 1640 |
º | 1645 |
Le président |
º | 1650 |
M. Benoit |
Lgén M.K. Jeffery |
M. Leon Benoit |
Lgén M.K. Jeffery |
M. Leon Benoit |
º | 1655 |
Lgén M.K. Jeffery |
Le président |
M. Price |
» | 1700 |
Lgén M.K. Jeffery |
M. David Price |
» | 1705 |
Lgén M.K. Jeffery |
Le président |
M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD) |
Lgén M.K. Jeffery |
» | 1710 |
Le président |
Mme Elsie Wayne (Saint John, PC) |
Lgén M.K. Jeffery |
Le président |
Mme Elsie Wayne |
» | 1715 |
Lgén M.K. Jeffery |
Mme Elsie Wayne |
Lgén M.K. Jeffery |
» | 1720 |
Le président |
Lgén M.K. Jeffery |
Le président |
Mme Cheryl Gallant (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Alliance canadienne) |
Lgén M.K. Jeffery |
Mme Cheryl Gallant |
Lgén M.K. Jeffery |
Mme Cheryl Gallant |
» | 1725 |
Lgén M.K. Jeffery |
Mme Cheryl Gallant |
Lgén M.K. Jeffery |
Mme Cheryl Gallant |
Lgén M.K. Jeffery |
» | 1730 |
Le président |
M. Bob Wood (Nipissing, Lib.) |
Lgén M.K. Jeffery |
M. Bob Wood |
Lgén M.K. Jeffery |
Le président |
CANADA
Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants |
|
l |
|
l |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 21 mai 2002
[Enregistrement électronique]
¹ (1540)
[Traduction]
Le président (M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.)): La séance est ouverte. Je m'excuse du retard.
Général Jeffery, merci beaucoup d'être avec nous. Cela fait un certain temps que nous attendons ce témoignage et nous sommes impatients de vous entendre. Je vous en prie.
Lieutenant-général M.K. Jeffery (chef d'état-major de l'Armée de terre, ministère de la Défense nationale): Merci, monsieur le président.
Comme j'ai déjà comparu plusieurs fois devant votre comité, vous devez tous connaître les questions qui me tiennent à coeur concernant l'armée. Chaque fois que je suis venu vous voir, j'ai essayé de vous donner une idée des objectifs que je me suis fixé.
Je crois qu'il est facile de comprendre que faire évoluer une institution aussi importante et complexe qu'une armée de terre de nos jours n'est pas chose aisée et que les officiers généraux de l'armée de terre se consacrent depuis déjà un certain nombre d'années à l'élaboration d'une stratégie plus cohérente pour cette institution. Le résultat le plus récent de cette réflexion se retrouve dans le document intitulé Engagés, vers l'avant. La stratégie de l'Armée de terre. Ce n'est, bien entendu, qu'un document de base, si vous voulez, de toute une somme d'études qui nous permettront d'aboutir au cours de la prochaine décennie, d'après moi, au genre d'armée de terre dont notre nation a vraiment besoin. Aujourd'hui, j'aimerais vous donner un aperçu non seulement de la stratégie, mais ce qui importe encore plus, de certains des objectifs et des thèmes implicites de cette stratégie, vous donner une idée de ce que cela signifiera pour l'armée de terre au cours de la prochaine décennie, et en même temps vous donner l'occasion de me poser des questions ou, bien entendu, me dire ce que vous en pensez.
Cet exposé, comme je vous l'ai dit plus tôt, monsieur le président, va me prendre assez de temps. C'est une question complexe, il est donc impossible de faire plus court. Si nous voulons examiner correctement cette question, je crains d'avoir à y consacrer un certain temps, mais ceci dit, j'essaierai d'aller aussi vite que possible. Je vous ai fourni des copies papier des diapositives en français et en anglais. Je m'exprimerai en anglais et j'utiliserai les diapositives en anglais et j'essaierai de ne pas oublier de vous dire, au fur et à mesure, à quelle page je me trouve.
Comme le dit la deuxième diapositive, l'intention est de vous présenter, comme nous le disons dans notre jargon, l'intention du commandant sur la direction que doit prendre l'armée afin d'atteindre, comme nous l'espérons, l'unité dans la vision afin que nos objectifs, mesdames et messieurs, soient le plus clairs possible pour vous.
Si vous passez à la page suivante, c'est ainsi que j'entends procéder. Je commencerai par vous parler très brièvement de la situation de l'armée, car je vous en ai déjà parlé, j'ai déjà passé un certain temps sur la stratégie de l'armée, et ensuite, ce qui est encore plus important, je vous parlerai du concept de l'armée de demain et du modèle intérimaire de l'armée de terre, c'est-à-dire de tout ce qui nous permettra d'atteindre les objectifs fixés.
Vous connaissez l'encadrement domestique de l'armée, page 3. Je crois que le message le plus important ici c'est l'effectif de l'armée. J'insiste sur le fait que cette armée n'est pas importante sur le plan de l'effectif. C'est la qualité qui prime, mais comme le dit le vieil adage, la quantité représente en soi une qualité et je ne voudrais pas qu'on l'oublie. Comme vous le savez, l'armée ne manque pas de travail. Nous participons à un certain nombre de missions aux quatre coins du monde. Les plus importantes actuellement sont notre participation, majeure, en Bosnie, et notre participation importante en Afghanistan qui occupent un bon pourcentage des forces de campagne de l'armée de terre.
Si vous voulez bien passer à la page suivante, vous pourrez constater l'amplitude du rythme de déploiement auquel nous devons faire face et auquel nous faisons face depuis une décennie, et cela se passe de commentaires. C'est un des éléments principaux qui a rendu difficile pour les officiers généraux de l'armée de terre la conceptualisation de l'avenir. Mais je tiens à ce que ce rapport très succinct de la situation de l'armée de terre vous fasse bien voir, de mon point de vue, que cette armée de terre, votre armée de terre, remplit excessivement bien sa mission. C'est grâce à tous ces gens, à ces jeunes hommes et à ces jeunes femmes en uniforme, que nous continuons à la remplir avec succès. Le défi pour moi et pour mes officiers est de veiller à ce que cela continue ainsi.
Si vous passez à la diapositive suivante, vous y trouverez, pour l'essentiel, mes explications sur la nécessité et l'orientation de cette évolution fondamentale. Ce qui importe peut-être le plus, et je voudrais m'y arrêter quelques instants, est l'évolution de l'environnement mondial. À quoi notre nation, à quoi, plus particulièrement, notre armée, est confrontée sur la scène mondiale. Cette diapositive parle de l'évolution de la dynamique et je vous ai d'ailleurs parlé de certaines de ces questions lors de comparutions précédentes.
¹ (1545)
Nous entrons dans l'ère de l'incertitude. Il y a quelques mois j'ai participé avec un groupe de commandants d'armée de terre européens, tous mes collègues d'Europe de l'Ouest et même d'Europe de l'Est, y compris le chef d'état-major de l'Armée de terre améciaine, à une conférence en Europe au cours de laquelle le Dr Elliot Cohen de l'Université John Hopkins nous a parlé d'un certain nombre de problèmes. Une chose qui m'a vraiment frappé c'est quand il a dit: «Messieurs, c'est un siècle de surprises qui attent vos armées.» Selon lui, c'est la fin de la guerre froide et la chute du mur de Berlin qui ont constitué la première surprise stratégique majeure. La destruction du World Trade Center a été la deuxième surprise stratégique. Le défi pour vous, a-t-il dit, et pour les dirigeants de toutes les institutions de ce siècle, sera que vous aurez à faire de plus en plus face à des événements de ce genre et qu'ils seront plus importants et plus fréquents. Si j'ai une vision de ce nouveau siècle, c'est la même que celle du Dr Cohen, un siècle plein de surprises. Cela signifie que les armées doivent se préparer à cette incertitude, et c'est l'élément clé de toute la dynamique.
La deuxième chose qu'il nous a dite--opinion partagée de plus en plus par les scientifiques, les observateurs, les militaires et autres professionnels de la sécurité--est que le monde change. Du point de vue de la sécurité, il change peut-être de manière fondamentale. De plus en plus, nous croyons fort possible la fin d'une longue vague d'histoire où la forme dominante de conflit, de conflit entre États, de conflit entre nations, laissera la place à une nouvelle forme qui ressemblera peut-être plus au monde du Moyen-Âge. Les militaires doivent se préparer à des conflits non pas simplement entre États-nations, mais entre bandes religieuses, criminelles, entre seigneurs de guerre, voire même peut-être entre intérêts économiques, environnement totalement différent de ce que nous avons connu de par le passé. Personne ne pouvait le prédire, mais c'est le sentiment général dans le contexte duquel l'armée de demain devra évoluer, le genre d'environnement auquel nous devrons penser en priorité, un environnement totalement incertain.
Mais ce n'est pas ce seul facteur qui nécessite ce changement. Comme vous pourrez le voir dans la diapositive suivante, le ministère m'a confié un objectif clair, dans le cadre de la politique gouvernementale actuelle, celui de réformer cette institution et de la faire passer à la phase suivante. Il y a aussi quelques défis d'importance à relever. Je vous en ai déjà parlé et je ne m'y étendrai donc pas longtemps cette fois-ci, mais nous avons des défis de soutenabilité à relever. Bien que la stratégie ne soit pas une solution ni une panacée pour régler le problème de soutenabilité, évoluer nous permettra pour le moins d'en régler une bonne partie. Mais peut-être d'égale importance est la réalité qu'afin de maximiser et de maintenir les moyens dont nous avons besoin pour l'avenir, l'institution doit elle-même évoluer. Le moyens ce ne sont pas simplement les effectifs ou l'armement, c'est la capacité des forces à remplir une tâche ou une mission précise. À cette fin, étant donné la nature évolutive du monde et l'évolution de la technologie, il nous faut changer de structure.
Enfin, toute organisation a besoin de savoir où elle va. Selon un vieil adage: Quand on ne sait pas où l'on va, n'importe quelle route y mène. Mais bien entendu, il est très difficile d'orchestrer un temps difficile de transition quand on ne possède pas une vision claire et précise de l'objectif. Un des éléments clés, dans cet exercice visant à faire évoluer l'armée de terre, c'est l'unicité. Ce que je recherche, c'est une unité de pensées, de buts et d'actions car comme nous le constatons lors d'opérations militaires bien dirigées et dont la mission est claire, on peut parvenir à beaucoup avec une organisation comme la nôtre. Il en va de même pour la réforme et la modernisation d'une armée de terre. Il faut avoir clairement à l'esprit ce sens d'unicité et de vision et c'est vers cela que tendent tous nos efforts.
C'est donc dans ce contexte, face à ce genre de défi, que cette stratégie vise à définir une approche globale et équilibrée pour préparer l'armée de terre aux demains qui l'attendent. Mais soyons clairs. Compte tenu des défis que nous avons déjà relevés, il faut nous assurer, quelle que soit l'orientation, que cette stratégie et cette institution reposent sur des valeurs essentielles. L'armée a traversé de temps très difficiles au cours de la dernière décennie et tant sur le plan professionnel que sur celui de l'éthique, il faut veiller à ce que nous ne répétions jamais ce genre d'erreurs. En conséquence, nos valeurs--et notre organisation est fondée sur des valeurs--doivent être le principe angulaire de la stratégie qui nous mènera à notre objectif.
¹ (1550)
Le deuxième élément clé est le cadre de cette stratégie, et nous adoptons un outil très courant de la planification stratégique: le concept de développement sur trois horizons. Pensez non pas à une armée de terre, en termes conceptuels, mais à trois armées. Ce que j'essaie de faire c'est gérer l'armée d'aujourd'hui et montrer qu'elle peut s'entraîner, se préparer pour remplir les missions que le gouvernement lui confie actuellement tout en concevant et en construisant l'armée de demain, ce que sera l'armée, d'ici environ10 ans. De plus, compte tenu des incertitudes de l'avenir et de la manière dont le monde évolue rapidement, les officiers supérieurs de l'armée de terre doivent se concentrer intellectuellement sur l'horizon stratégique d'un monde différent, d'un environnement stratégique différent pour concevoir l'armée de demain. Ces activités, la gestion au quotidien, la conception et la construction pour demain alors que nous concevons l'avenir, doivent aller de pair. Ce cadre est donc inhérent à cette stratégie.
Les deux diapositives suivantes abordent la question de la vision de l'armée. L'énoncé de cette vision et de la stratégique qui l'accompagne est très clair. Je ne m'y attarderai pas, vous pouvez lire pour vous-mêmes, mais je reviendrai sur un certain nombre de ces points, surtout sur ceux qui ressortent en caractères gras. J'ai donc l'intention de décrire cette vision relativement en détail. Je dois vous dire, monsieur le président, que je ne suis pas naturellement un fanatique des énoncés de vision, mais nous avons estimé nécessaire de nous assurer que la description, si vous voulez, du but à atteindre soit exprimée de la manière la plus claire et la plus cohérente possible dans l'exposé de la stratégie.
Si vous passez aux diapositives suivantes, vous verrez que découlent de cette vision quatre objectifs stratégiques. J'ajouterai qu'ils correspondent à la propre stratégie du ministère, même s'ils sont exprimés de manière un peu différente. J'aimerais d'abord en dire globalement quelques mots puis consacrer toute la fin de mes remarques aux deux dernières.
Établir un lien avec les Canadiens représente beaucoup plus que de la simple communication, c'est refléter la réalité que l'armée de terre est le tissu de cette nation depuis fort longtemps. Cela concerne non seulement l'armée régulière, mais bien entendu, et de manière importante, les réserves. Les hommes et les femmes en uniforme sont membres de toutes les collectivités de notre nation. Même si l'armée évolue, même si l'armée fait ce que la nation attend d'elle, elle ne coupera jamais ce lien avec la collectivité, elle continuera à être un élément du tissu de notre société. Pourquoi est-ce important? Parce que, de mon point de vue, nous avons oublié certaines de nos difficultés passées et cela revient à oublier nos racines. Cet objectif sert à garantir que jamais nous ne réoublirons nos racines.
Le deuxième objectif de la stratégie, très difficile à atteindre, c'est façonner la culture de l'armée. C'est un mot intéressant, un mot qui signifie beaucoup de choses. Il touche à la nature même de la société dont nous sommes issus, garantissant notre intégration à cette société et interdisant toute distanciation sociale et culturelle, mais elle touche encore plus à la nature même du mode d'opération de l'armée.
¹ (1555)
À la fin de la Première Guerre mondiale, tous les éléments qui serviraient à la Seconde Guere mondiale existaient déjà en Europe de l'Ouest. Ainsi, les lignes disposaient déjà du char d'assaut, de l'avion, d'une grande puissance de feu grâce à l'artillerie lourde et de systèmes de communications mobiles. Tout cela existait déjà en 1919, mais ce n'est qu'à la fin des années 30, lorsque les Allemands ont créé une nouvelle forme de guerre, qu'on a appelé la «guerre-éclair», où le Blitzkrieg de l'attaque de la France en 1940, que cela s'est concrétisé. Ce qu'il y a d'intéressant ici cependant, c'est que bon nombre d'armées européennes, et même la nôtre, étaient retournées à ce qu'elles connaissaient le mieux, à la suite du premier conflit mondial. J'entends par là qu'elles avaient régressé à la situation qui avait cours avant et pendant les premières étapes de la Première Guerre mondiale où les chevaux dominaient encore. Ils constituaient en effet le principal moyen de transport, y compris de nombreux corps d'armée. La primauté de la cavalerie s'est donc réaffirmée, et c'est elle qui a brimé toutes ces armées professionnelles et les a empêchées de moderniser leurs institutions, car elles n'ont pas vu que la conduite de la guerre prendrait de nouvelles formes.
Si j'ai pris la peine de vous raconter cette évolution, c'est qu'à notre propre époque, si nous observons ce qui se passe dans les forces armées, particulièrement celles des pays occidentaux qui ont été façonnées par la guerre froide, où la conduite de la guerre devait s'effectuer surtout grâce aux chars et à des opérations mécanisées, eh bien nous courons le grave danger d'accorder encore une fois la primauté à une façon de voir les choses, celle de la guerre froide, quand les nouveaux conflits revêtiront probalement bon nombre de nouvelles formes. Nous ne devrions jamais tenir pour certain le maintien des formes actuelles, car tout sera peut-être différent demain. Il se peut même que les activités dans lesquelles votre armée a été engagée au cours de la dernière décennie, celles qui étaient différentes et où ne dominaient pas les opérations mécanisées et avec blindés, soient ce qui nous attend à l'avenir.
Par ailleurs, je crois déjà avoir invoqué l'exemple que je vais vous répéter, mais le général Krulak des marines de l'armée américaine parle d'une guerre s'étendant sur trois pâtés de maisons, d'opérations de combat, d'opérations de maintien de la paix et de stabilisation et d'opérations humanitaires, qui sont toutes conduites de front, et à l'intérieur de ce périmètre de trois pâtés de maisons. Il s'agit d'un théâtre d'opérations différent. Par conséquent, dans les efforts que je déploie pour faire évoluer l'armée, je dois tout au moins réussir à ouvrir l'esprit des soldats professionnels, afin qu'ils se rendent compte que les nouvelles formes de combat qui les attendent sans doute seront différentes de ce qu'ils ont déjà connues. Il faut donc modifier la façon dont on conçoit les choses au sein de l'armée si nous voulons qu'elle progresse.
Le troisième objectif stratégique cherche à produire une structure de forces viables et aptes au combat. Je ne vais pas m'étendre trop longtemps là-dessus, car le reste de mon exposé développe souvent l'idée. C'est un peu la même chose pour ce qui est de la gestion de l'état de préparation, que j'aborderai un peu plus loin, mais quoi qu'il en soit, ces quatre objectifs sont les piliers de notre stratégie d'évolution.
Si vous passez à la ligne suivante, toujours au haut de la page 10, je tenais vraiment à faire une mise en garde. En effet, la stratégie constitue une évolution, non pas une fin en soi. À cet égard, et tout au moins au sein des forces armées, et peut-être même dans de nombreuses couches de la société, lorsque quelqu'un parle de l'évolution de l'armée et des nouvelles formes qu'elle veut adopter, certains ont tendance à vouloir prévoir cette nouvelle incarnation jusque dans ses plus petits détails au niveau du simple soldat, même si tout cela ne doit arriver que dans dix ans. Or étant donné la rapidité avec laquelle tout évolue, ce détail est peu pratique, et même nuisible. Je pourrais toujours m'y essayer, mais cela se solderait par des tentatives de réformes à répétition de la culture et de la dynamique. La stratégie que nous envisageons et que nous allons mettre en oeuvre sera sujette à évolution, en ce sens qu'elle devra réagir aux changements inhérents à notre monde, tout en se focalisant sur nos besoins. Par conséquent, les détails qu'on ne voit pas aujourd'hui, seront fournis dans les semaines, les mois et les années à venir. Je me concentre avant tout sur l'idée générale de l'armée de demain.
Si vous passez maintenant à la page suivante, vous y verrez le concept de la transformation, permettant de faire passer l'armée d'aujourd'hui à la forme qu'elle revêtira demain, c'est-à-dire dans une dizaine d'années. Ici, j'aimerais consacrer quelques minutes au développement de cette idée, afin de vous donner un aperçu de l'armée de demain telle que nous l'entrevoyons.
Ce sont les forces régulières qui constituent l'élément essentiel de l'armée, et ces forces comptent trois brigades régulières, qui à défaut d'être très nombreuses ont un potentiel et des capacités très réels face aux possibilités de conflit qui se présentent à nous. Par le passé, les capacités de ces corps d'armée avaient de la profondeur. On a concentré leurs activités dans une forme d'opération, ainsi que je l'ai déjà précisé, celle qui se déploie sur un front central et où un niveau uniforme de préparation demeurait tout à fait pertinent. En raison de notre histoire, nos réserves se sont surtout calquées sur les forces régulières, bien qu'à un plus faible niveau de préparation. Elles étaient prêtes à agir lorsque le besoin s'en faisait sentir, mais elles n'étaient pas nécessairement assez bien conçues pour intervenir de façon régulière. Quoi qu'il en soit, elles aussi étaient destinées à un théâtre d'opération ouvert, c'est-à-dire dans les pays européens, et avaient bénéficié d'une formation normalisée selon l'unité, et tout à fait alignée sur les manoeuvres et la puissance de feu, comme cela a été le cas au cours des 40 ou 50 dernières années.
º (1600)
Cette évolution est encadrée de trois manières. Vient d'abord un volet stratégique s'alignant sensiblement sur la Stratégie 2020 du ministère. Il conçoit l'armée de façon beaucoup plus stratégique pour les besoins du Canada et du gouvernement, et même selon une structure orientée en ce sens. Cela signifie qu'une force doit être rapidement déployable, modernisée de manière à répondre aux besoins de notre époque, interropérable avec celle de diverses nations et soutenable. Je vais préciser quelque peu ce que l'on entend par l'interopérabilité, étant donné son importance. Il s'agit d'équilibrer la structure des forces de façon à accomplir une gamme variée des missions éventuelles et non de se limiter à une seule forme de conduite de la guerre. Il faut au contraire qu'on puisse répondre aux exigences qu'on a observées ces dix dernières anneés et à la conjoncture internationale dont j'ai parlé plus tôt. Il faut aussi que nous procédions par une planification basée sur une capacité disciplinaire. Cela souligne le fait que nos forces doivent être en mesure de s'adapter rapidement aux diverses situations qui peuvent se présenter dans le monde. Il faut donc que nous structurions les forces à cette fin. Enfin, nous devons jumeler nos forces avec des formations alliées capables et complémentaires, quelles qu'elles soient. Ceux qui ont conçu le plan des Forces canadiennes destinées à servir sous l'OTAN et en Europe centrale savaient exactement où elles seraient déployées et comment on s'en servirait. Nous savions aussi avec qui nous allions travailler. En l'occurrence, l'interopérabilité a été assez facile à réaliser. Au cours des dix dernières années, nous avons collaboré avec des nations qui, quelques années auparavant, avaient été nos adversaires. C'est ce que l'avenir nous réserve. Quoi qu'il en soit, il faut que nous soyons en mesure de travailler avec n'importe quelle nation à assez brève échéance, et c'est là un aspect primordial, tout en assurant le maintien d'un commandement national des forces engagées.
Cette conception stratégique débouche sur des considérations tactiques. L'éventail des conflits actuels illustre bien l'évolution que connaît le monde. Aussi, j'aimerais préciser que tous ces genres d'opérations peuvent être assez faciles à comprendre lorsque l'on envisage la guerre ou la paix dans l'abstrait, mais dans les faits, dans certains cas, il faudra parfois participer à chacune d'entre elles en même temps. Il faut donc que nous soyons prêts à faire face à un milieu aussi difficile, complexe et presque cahotique.
Je vais consacrer les prochaines minutes à certaines réalités qui nous contraignent à concevoir nos structures d'une façon donnée, et à préciser comment l'armée doit concevoir ces structures de manière à composer avec l'environnement cahotique du combattant. La diapositive suivante aborde justement l'environnement du combattant. On peut y voir quatre carrés représentant des plans. Le coin supérieur gauche porte sur le plan matériel. Nous sommes une force matérielle. Nous comptons des troupes et des systèmes d'armes, nous manoeuvrons et nous mettons à feu ces armes sur le théâtre d'opération. En fin de compte, deux armées en conflit, ce sont deux forces physiques et matérielles qui se heurtent.
Nous avons toujours su cependant qu'il y a d'autres éléments moteurs qui interviennent. De plus en plus, leur importance va grandissante. Ainsi par exemple, les conflits militaires ont toujours eu une dimension morale, mais à notre époque, cet aspect aura de plus en plus d'importance.
On peut dire aussi que les éléments des plans électromagnétiques et même cybernétiques, qui par le passé ont joué un rôle presque négligeable dans les conflits terrestres, seront de plus en plus au premier plan. Cela ne représentera pas qu'une difficulté de nature conceptuelle, mais aussi matérielle, car il faudra disposer de ressources. Or lorsqu'une armée concentre le plupart de ses ressources, c'est-à-dire ses effectifs et ses systèmes d'armes au plan physique et matériel, alors il lui en reste peu à affecter aux autres plans, qui sont en train de devenir indispensables à notre succès.
º (1605)
Cela m'amène à la question de l'information et de l'ère de l'information, qui est d'ailleurs illustrée à la diapositive suivante. Selon un vieux dicton, on peut faire dire n'importe quoi aux statistiques, les chiffres peuvent mentir et les menteurs citer des chiffres, mais la diapositive permet tout de même d'observer la tendance actuelle des opérations militaires. On y voir le taux des transferts en mots à la minute, ce qui représente le cheminement des renseignements et l'évolution de l'information, échelonnée sur 150 ans qui vont de la guerre de Sésession américaine jusqu'aux grands conflits. Pendant cette période, on confronte l'acheminement des données et le nombre de soldats nécessaire pour couvrir une surface précise du théâtre des opérations. Vous allez peut-être estimer qu'il n'y a rien de commun entre ces deux questions et qu'on ne peut donc les comparer, mais nous pensons au contraire qu'il y a là-dedans un très important lien de causalité. Ce qu'on peut tirer de ce tableau, c'est que plus on en sait, plus on est en mesure de déployer ces forces de façon beaucoup plus efficace et efficience. En outre, grâce à la croissance des communications et des renseignements à la disposition des commandants militaires, on est davantage en mesure de disperser les forces, de manière que rendus à l'époque du conflit en Afghanistan, des effectifs relativement limités couvrent quand même un très vaste territoire. Nous estimons que cette tendance va s'accentuer encore.
Il y a d'autres dynamiques inhérentes à ce milieu riche en information. Les deux diapositives suivantes devraient vous en donner un aperçu. L'une porte sur l'expansion des bandes magnétiques, qui donnent une idée de la qualité des données disponibles pour les forces militaires, du sommet de la pyramide à la base. D'ailleurs, cette nouvelle configuration illustrant le cheminement de l'information, indique que d'ici à une dizaine d'années, grâce à la technologie, le simple soldat disposera peut-être de plus de renseignements que les commandants d'aujourd'hui. Nous estimons que cette possibilité modifiera en profondeur la façon dont on utilise les forces militaires organisées. Nous n'en connaissons pas encore toutes les répercussions, mais il ne fait aucun doute que la nature même des forces militaires sera altérée.
Certaines de ces tendances se dessinent déjà très nettement, ce qu'on voit à la prochaine diapositive. Dans le passé, les forces terrestres devaient lutter pour obtenir des renseignements. La reconnaissance, activité de surveillance et de détection, a été un élément fondamental des opérations des forces militaires terrestres. Il fallait se battre pour obtenir des renseignements, et même, aux premières époques des conflits, un nombre très élevé de pertes étaient liées à cette course aux renseignements. Au fur et à mesure que la technologie évolue et nous permet d'en savoir davantage, nous pouvons lancer des manoeuvres en connaissance de cause, et sans avoir eu à nous battre préalablement pour nous renseigner. Cela pourrait donc modifier profondément la forme même que revêtent les forces armées.
La diapositive suivante porte sur un autre effet de ce nouvel environnement. Dans une certaine mesure, on peut l'observer à la télévision lors des bulletins de nouvelles, car il s'agit de la capacité pour les nouvelles munitions d'atteindre leur cible avec grande précision. Cela ne tient pas uniquement à la plus grande capacité technologique qu'ont les systèmes d'armes de viser juste, mais également à la puissance de l'information et d'un milieu riche en information. C'est tout cela qui nous permet de faire un usage beaucoup plus efficace d'un systèmes d'armes, et ainsi que vous pouvez le voir au bas de la diapositive à la page 15, de passer d'un milieu à faible information, où par compensation du manque de renseignement, il faut masser la puissance de feu, à un milieu de plus en plus riche en information, où on peut lancer des tirs précis. Encore une fois, à mon avis, cela aura des répercussions fondamentales sur les systèmes d'armes dont nous aurons besoin et sur leur forme. Je vais établir un parallèle puis je reviendrai sur cette question un peu plus loin.
º (1610)
Le président: Mon général, cette diapositive est très révélatrice par sa perspective historique. Pouvez-vous expliquer aux membres du comité ce que le sigle ECP représente?
Lgén M.K. Jeffery: Cela représente l'erreur circulaire probable, ce qui signifie, de façon un peu plus simple, que la majorité des cartouches ou des autres munitions qui sont soit larguées, soit tirées, retomberont à l'intérieur d'un cercle donné. Ainsi par exemple, compte tenu d'un certain niveau de précision, l'erreur circulaire probable atteindra 3 300 pieds, ce qui veut dire qu'il faut couvrir une très vaste zone autour de la cible. En revanche, lorsqu'on atteint une erreur circulaire probable de 400 pieds, c'est que le système d'armes est beaucoup plus précis, et que la majorité des cartouches ou des autres munitions tomberont dans une zone plus petite; lorsqu'on arrive à la guerre du Golfe, en 1991, cette erreur circulaire se limite à un rayon de 10 pieds.
Le président: Sans vouloir s'étendre trop longtemps là-dessus, cela a aussi des répercussions sur les pertes civiles.
Lgén M.K. Jeffery: Je sais que les gens n'aiment pas l'expression, mais il s'agit des dégâts subsidiaires. Dans une zone ciblée, cela couvre ce qu'on atteint en plus de l'ennemi, c'est-à-dire les personnes et les installations, qu'il s'agisse d'infrastructures militaires ou autres. Il y a une dynamique claire à l'oeuvre ici.
Le président: Je vous remercie.
Lgén M.K. Jeffery: Et pour illustrer encore mon argument, monsieur le président, je vous dirais qu'à notre époque, on ne pourrait plus se servir d'appareils B-17, si on en avait, pour cette raison même. Là aussi il y a une nouvelle dynamique à l'oeuvre, en ce sens que l'utilité politique de systèmes d'armes aussi imprécis est presque négligeable. Cela aussi est donc à prendre en compte.
Le président: Merci.
Lgén M.K. Jeffery: Cela et bon nombre d'autres évolutions technologiques nous ont amenés à une nouvelle conception des opérations et de la tactique. Telle que nous la convenons, l'armée de demain devra avoir une plus grande souplesse de mouvement.
J'ai parlé d'une armée stratégique, qui devra être en mesure de bouger et de réagir rapidement, mais toujours en fonction du concept de l'information. Une armée centrée sur le commandement et appuyée sur le savoir nous permettrait de tirer parti de la puissance des renseignements électroniques, de réagir rapidement, d'assimiler les données et d'améliorer notre puissance de feu grâce à une plus grande précision de tir et une plus grande souplesse de réaction. Cela signifie aussi qu'on peut envisager l'utilisation d'armes non mortelles, ce qui me ramène à la question à laquelle je viens de répondre, afin qu'on limite le plus possible les diverses formes de dommages inacceptables.
Dans ce nouvel environnement, nous devons aussi reconnaître que la protection des forces revêt une importance grandissante, et tandis que dans d'autres circonstances, particulièrement au cours de la guerre froide, sur le front d'Europe centrale, il fallait s'attendre à des pertes élevées, aujourd'hui, c'est de moins en moins le cas avec la nouvelle donne. Bien entendu, pour mieux protéger nos forces, il faut les rendre soutenables. S'il faut déplacer nos forces de façon stratégique, afin de répondre aux circonstances grâce à nos nouvelles capacités, il faudra qu'il en soit ainsi.
Enfin, la dernière idée de la série porte sur la capacité de générer une force. Monsieur le président, il s'agit là de l'un des changements les plus importants que nous avons l'intention de mettre en oeuvre. Au haut de la page 17, vous verrez que l'idée de la génération de force s'inspire beaucoup de la guerre européenne dont je vous ai parlé plus tôt. À cet égard, notre armée est semblable à celle de bon nombre de pays occidentaux, elle a été conçue en fonction du régime en terrain ouvert sur un front continu. Dans ce cas, des forces nombreuses manoeuvrent en milieu ouvert, comme on l'a vu dans la guerre du Golfe, ou tel que nous le prévoyons dans l'éventualité d'une guerre en Europe centrale, où nous aurions des cibles ou des ennemis lointains. Grâce à la technologie, nous pouvons maintenant faire cela dans le cadre d'une coalition, c'est-à-dire en travaillant avec des gens avec lesquels nous coopérons depuis longtemps. Nous connaissons l'environnement, et en raison de cela, nous avons optimisé l'armée et ses structures. C'est ainsi que l'on voit des bataillons d'infanterie et des groupes de brigade, tous mécanisés, constituer les unités de combat terrestre les plus importantes dans ce genre de cadre. Nous avons estimé à l'époque que cette solution était la meilleure compte tenu du genre de conflits auxquels nous étions exposés, et qu'elle nous permettait de nous adapter dans des circonstances différentes, représentées par les points d'interrogation. Le fait de concentrer le gros de nos efforts sur ce genre de régime, d'ailleurs le plus exigeant, nous paraissait la meilleure manière de nous préparer aux autres circonstances.
Telle était notre façon de voir, et c'était valide et solide à l'époque. Après la guerre froide cependant, nous avons examiné certaines des nouvelles opérations, et avons envisagé quelque chose de différent, mais avions l'impression de ne pas en savoir assez. Nous devions donc courir certains risques en maintenant notre cadre habituel. Depuis, les choses ont continué à changer pendant une bonne dizaine d'années, et nous avons de plus en plus l'impression que les structures actuelles ne conviennent plus de façon satisfaisante à la génération de force. Au fur et à mesure que nous nous sommes adaptés, il a fallu que nous bousculions nos structures à chaque fois que nous allions intervenir, et cela a créé beaucoup de remous, étant donné que la façon de travailler de l'armée était affectée. D'ailleurs, une part de l'attrition et du lourd fardeau de nos effectifs tient à ces exercices de réforme improvisés auxquels nous nous sommes livrés à chaque fois que nous avons déployé nos forces.
Notre conception de l'armée de demain ressemble davantage à la diapositive du bas, où il est question d'optimiser l'armée pour le terrain complexe. Le monde s'urbanise de plus en plus, et par conséquent, nous nous attendons à devoir mener nos opérations de plus en plus en milieu urbain. Cela voudra dire que les cibles seront plus rapprochées et qu'il faudra donc optimiser le contexte de l'information et les manoeuvres d'approche en fonction de l'interopérabilité avec d'autres forces, quelles qu'elles soient, ainsi que je le disais plus tôt. Si nous y parvenons, si nous réussissons à optimiser ces facteurs au sein de nos forces, nous serons en mesure de nous adapter à ce qui est évoqué au coin supérieur droit, c'est-à-dire le terrain ouvert à front continu, si on nous en fait la demande, et d'autres formes d'opérations aussi, si on nous y invite. Cela nous donnera beaucoup plus de souplesse, et c'est précisément à cette fin que nous sommes en train de refondre nos structures.
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Les diapositives suivantes vous permettront de mieux comprendre cette notion au niveau de constitution d'une force. Cela suppose que nous cessions d'être une armée conçue en fonction d'une guerre symétrique, de terrains découverts, de zones de combat contiguës, soit le front d'Europe centrale, une armée constituée d'unités d'environ 700 soldats, qui était l'élément de base des grandes formations polyvalentes normalisées, pour devenir une armée essentiellement conçue pour mener une guerre asymétrique, puisque nous serons de plus en plus appelés à combattre en terrain complexe et dans des zones de combat non contiguës dépourvues d'une ligne de front clairement définie. L'armée sera constituée de blocs de 100 personnes, des sous-unités portant le nom de compagnie ou d'escadron. Cela nous permettra d'adapter beaucoup plus facilement l'unité ou l'organisation à l'échelle voulue et de disposer de formations beaucoup plus souples, devenues nécessaires à cause de l'incertitude caractéristique de la nouvelle ère à laquelle nous sommes entrés. L'armée sera dotée de ressources polyvalentes qui lui permettront de mener davantage d'opérations, bien que pas nécessairement plus en profondeur. Néanmoins, dans l'ensemble, cette nouvelle armée sera capable de s'adapter à l'incertitude de la conjoncture mondiale.
Cela nous amène à la notion de quatrième génération; comme je l'ai dit tout à l'heure, les ressources de quatrième génération sont conçues en fonction d'un terrain complexe, même si elles peuvent être adaptées pour d'autres missions. Tous ces facteurs mènent à la notion de modularité, qui permettrait de concevoir l'armée de telle sorte qu'on puisse en assembler les éléments de différentes façons et relativement vite pour être plus à même de réagir à l'évolution d'une situation, étant donné l'incertitude du monde actuel. En même temps, nous devons rationaliser nos capacités fonctionnelles, car de nos jours chaque organisation est structurée de manière à pouvoir répondre à tous les besoins opérationnels. Nous avons des organiastions hétérogènes, plusieurs types de ressources étant regroupées à l'intérieur d'une unité. Cette façon de faire nous permet de former des organisations plus homogènes, ce qui favorise plus d'efficacité et d'économies.
Par ailleurs, nous devons simultanément améliorer la formation. Monsieur le président, j'ai déjà signalé au comité l'importance d'une formation collective et les raisons pour lesquelles elle est prioritaire. Cela fait également partie de la stratégie pour améliorer l'état de préparation de nos troupes et l'expertise collective. Enfin, le comité est tout à fait conscient de l'importance de mieux harmoniser la Force de réserve et la Force régulière pour pouvoir profiter pleinement de ces deux parties de notre armée.
J'aimerais revenir sur la notion de transformation. Comme vous voyez, l'armée de demain se composera toujours de trois brigades, de structures analogues, mais très différentes de ce qu'elles sont aujourd'hui. Il serait superflu de vous énumérer de nouveau tous les points qui figurent sous cet encadré, car je pense que vous comprenez l'idée à laquelle je veux en arriver. Au cours des mois et des années à venir, notre tâche consistera à mettre en place cette armée de demain.
Si j'insiste sur cette orientation et si je fais valoir le bien-fondé de cette stratégie, c'est que je dois amener les militaires eux-mêmes, les soldats professionnels du Canada, à engager un débat intellectuel et professionnel qui favorisera l'évolution des concepts que je vous ai décrits. Ce ne sera pas là une tâche facile, parce que nous essayons de changer la culture de l'armée. En fait, je vais essayer d'amener les combattants de la guerre froide à s'adapter au XXIe siècle. Pour le faire, il faudra amener l'armée à se réformer elle-même. Mais il est également important que le gouvernement et le peuple canadiens comprennent ce que nous essayons de faire, parce que cela prendra du temps et que tous les intéressés doivent à tout le moins comprendre les raisons pour lesquelles ce changement s'impose.
Nous devons opérer rapidement certains des changements nécessaires, ce qui représente un défi considérable. Pour réaliser cette transformation, il faut imposer un modèle provisoire qui permettra de mieux cibler certains éléments de notre tâche. C'est ce qu'illustre la diapositive suivante, en bas de la page 19. Il faut opérer les changements, mais à court terme, on n'a pas la souplesse nécessaire. Il faut tenir compte des difficultés liées au rythme de travail et à la fatigue dans l'armée. Je ne peux pas créer l'armée de demain d'un seul coup. Comme je l'ai déjà signalé, certains concepts sont très récents, et il faut les préciser davantage.
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Il y a un certain degré d'incertitude sur le plan stratégique. On a dit qu'il y aurait une révision de la politique. Ce sont évidemment de questions d'ordre structurel qui ne relèvent pas de moi ou du gouvernement. Je crois que le gouvernement ne sera pas disposé à faire des modifications importantes à court terme tant qu'on n'aura pas clarifié cette question de politique, mais je crois qu'il serait déraisonnable de retarder cela. C'est pourquoi j'ai demandé au ministre son accord pour aller de l'avant avec cette stratégie avant l'examen de la politique de la défense, étant bien entendu qu'elle n'entraverait pas cet examen.
Évidemment, comme je vous l'ai déjà dit, j'ai peu de souplesse en matière de ressources. Cette réalité m'oblige à trouver une certain souplesse à l'intérieur pour entamer cette transformation. Qu'est-ce que cela me donne pour le modèle provisoire? Le modèle provisoire a pour but de déclencher le changement. Je vais vous présenter cette structure, un structure provisoire qui constitue un objectif intérimaire de changement pour mettre l'accent sur des initiatives de soutenabilité et de modernisation. J'accepte un certain risque en réduisant l'état de préparation dans des secteurs spécifiques. En fait, si vous regardez le tableau du bas de la page, vous allez tout de suite comprendre.
Au bas de la page 20, vous avez un graphique illustrant les tendances de la puissance des forces de campagne dans l'armée--j'insiste sur cette idée de puissance des forces de campagne, la force de combat de l'armée--depuis huit ans. Vous voyez qu'il y a cinq catégories: le commandement, c'est-à-dire le commandement et le contrôle; la reconnaissance, c'est-à-dire les éléments de surveillance et de reconnaissance; l'action, c'est-à-dire essentiellement notre infanterie, nos blindés et notre artillerie, les principaux éléments de manoeuvre et de puissance de feu de l'armée; les boucliers, c'est-à-dire les défenses aériennes de protection de la force, les ingénieurs et autres; et, enfin, le soutien, c'est-à-dire le personnel de soutien logistique du combat et le personnel médical. Ce sont les grands éléments fonctionnels dont je vous parle.
Bien que ce soit un changement relativement mineur, si vous prenez la partie du modèle provisoire 2007, sous commandement et reconnaissance, vous voyez que dans les deux cas il y a augmentation. J'augmente les effectifs et, parallèlement à cela, le nombre de systèmes et de ressources affectés à ces fonctions. Je dois accroître la capacité de commandement et de reconnaissance pour obtenir le genre d'organisation riche en information, centrée sur les connaissances dont je vous ai déjà exposé les notions. On ne peut pas y parvenir sans créer cette nouvelle capacité. Il faut la trouver quelque part. Si vous prenez les lignes action et bouclier, vous voyez qu'il y a dans ce cas-là un recul. Très simplement, je prends les ressources dans d'autres secteurs. Je vais donc réduire la quantité de feu indirect, réduire la quantité de génie, ce qui me donnera la première étape de la souplesse voulue pour construire cette capacité. Cela veut dire que nous allons éliminer les pelotons de mortier et de pionnier dans nos bataillons d'infanterie et confier ces fonctions à notre artillerie et à nos ingénieurs respectivement. C'est un risque, mais c'est à mon avis un risque nécessaire dans le contexte de ce que nous essayons de faire. Cela vous donne aussi un aperçu d'un des risques.
En même temps, je dois améliorer considérablement la gestion de la préparation et la capacité. J'ai déjà parlé au comité du cadre de gestion de la préparation opérationnelle de l'armée de terre pour mieux gérer, d'un point de vue plus centralisé, les ressources plus limitées et le tempo de cette armée et exploiter au mieux nos ressources.
Finalement, nous voulons améliorer considérablement et utiliser mieux nos réserves. Au cours des dernières rotations en Bosnie, nous avons déjà augmenté considérablement le nombre de réservistes et plus particulièrement le nombre de réservistes étrangers, et nous avons l'intention à partir de cet automne d'avoir une compagnie complète d'infanterie de réserve en Bosnie. J'espère que nous pourrons exploiter plus, aussi bien au Canada qu'à l'étranger, les capacités des réserves.
º (1625)
J'aimerais vous donner un aperçu, du point de vue de l'organisation, de ce que nous pouvons réaliser à mon avis et de la façon dont nous pourrons commencer à appliquer les notions que j'envisage, la vision structurale exposée à la page 22. Je voudrais vous parler tout d'abord de nos unités de manoeuvre et vous donnez un aperçu de ces 12 unités de manoeuvre dans l'armée de terre. Au centre, vous avez les six bataillons d'infanterie qui s'appuient sur notre nouveau LAV III, qui sera le pivot de la capacité de manoeuvre de l'armée de terre. Nous sommes actuellement en train de moderniser ces unités et d'ici la fin de l'année elles auront été rééquipées, au moins sous l'angle de la capacité de l'infanterie grâce à ce nouveau LAV III. Il y aura d'autres systèmes à rajouter dans les deux années suivantes, mais nous aurons apporté les changements plus fondamentaux à ces unités d'ici la fin de cette année civile.
Ce que nous devons faire, cependant, c'est modifier le reste de nos unités de manoeuvre. Tout d'abord, les trois bataillons d'infanterie légère évoqués à la droite ne sont actuellement que des bataillons d'infanterie débarquée, et ils présentent de sérieuses lacunes dans divers domaines. Tout en maintenant le niveau de compétence individuelle élevé que l'on a pu constater en Afghanistan, nous devons veiller à ce que ces unités aient plus de mobilité et de puissance de feu et qu'elles soient plus souples pour pouvoir accomplir les diverses tâches que nous envisageons pour cette nouvelle ère. En bref, je dois m'assurer que ces unités puissent encore être envoyées sur des terrains comme l'Afghanistan, mais aussi sur des terrains comme la Bosnie sans nécessiter un recyclage important. Nous pensons que c'est possible si nous avons la bonne organisation et le bon équipement.
Vous voyez que l'on mentionne à droite les unités d'intervention spéciale. Il s'agit de montrer que nous devons aussi faire en sorte que ces organisations soient plus opérationnelles dans le domaine des forces d'intervention spéciale. Vous avez déjà pu constater l'appui considérable que ces forces d'intervention spéciale peuvent apporter aux genres d'opérations que nous menons. Nous pensons que nous allons avoir de plus en plus besoin de ce genre de capacité à l'avenir et nous avons l'intention de creuser la question, bien que ce ne soit pas un problème ou une décision qui relève simplement de l'armée.
À l'autre extrême, nos trois unités de blindés doivent être restructurées pour mieux correspondre à la réalité que nous rencontrons. J'ai l'intention de concentrer nos chars Léopards, qui ont été améliorés en version C2 et ont une capacité importante, au sein d'une unité dans l'ouest du Canada, et de prendre certains risques en réduisant leur niveau de préparation. Ils seront tout de même en mesure de faire le travail, et nous nous servirons de cette capacité pour une bonne partie de notre formation, mais nous ne maintiendrons pas ces unités à un niveau élevé de préparation étant donné que nous ne nous attendons pas à devoir utiliser ce genre de capacité à très brève échéance, et nous concentrerons plutôt les deux autres unités de blindés sur des activités de reconnaissance et de surveillance en les utilisant comme élément de base des opérations d'information vers lesquelles nous essayons de nous orienter.
Vous avez donc là le cadre de base de ces 12 unités de manoeuvre. J'aimerais maintenant vous présenter très rapidement le reste de la structure: le commandement et les trois QG de brigade que nous avons actuellement seront maintenus, mais cette capacité de soutien du commandement devra constituer une amélioration considérable, comme je l'ai déjà dit. Nous construisons donc cette capacité de soutien du commandement, et cela a déjà commencé. Nous avons fait des expériences et des essais importants, et nous allons les poursuivre dans la 2e brigade à Petawawa cette année et l'année prochaine. Nous avons l'intention de construire cette capacité de soutien du commandement à Petawawa à partir de cette année et l'année prochaine avec le nouveau matériel de commandement et de contrôle qui va entrer en service. À partir de ce que nous aurons appris là, nous pourrons transférer cette capacité aux autres brigades.
º (1630)
Les bataillons d'infanterie mécanisée, comme nous l'avions déjà prévu, conserverons leur capacité avec le LAV III, mais la capacité de nos trois bataillons légers va considérablement augmenter, comme je l'ai déjà dit.
Pour ce qui est de nos blindés, nous aurons un régiment de chars d'assaut qui sera placé dans un état de préparation inférieure, alors que nos deux régiments de reconnaissance passeront à un niveau plus élevé de capacité et seront considérablement améliorés.
Parallèlement à cela, nous avons l'intention de concentrer nos armements moyens au sein d'une unité dans l'ouest du Canada en réduisant son état de préparation tout en axant les deux autres unités de tir indirect sur l'artillerie légère et les mortiers. Ces unités auront la responsabilité d'assurer le soutien critique des mortiers aux unités d'infanterie. Notre régiment de défense aérienne va demeurer essentiellement inchangé à court terme.
Nos unités de génie demeureront aussi inchangées, mais elles assumeront la responsabilité supplémentaire de produire des pionniers.
Nos trois escadrons d'hélicoptères qui, comme vous le savez, font partie de l'armée de l'air, mais constituent un élément clé de la capacité des forces terrestres, ne subiront pas de changements structurels importants, mais le chef d'état-major de l'armée de l'air, en collaboration avec l'armée de terre, s'apprête à améliorer considérablement la capacité de surveillance de ce système et envisage des plans d'amélioration de leur capacité de puissance de feu.
Le soutien logistique du combat et les autres éléments des forces sur le terrain ne subiront pas de changement important.
À la page suivante, dans le modèle provisoire de l'armée de terre, il n'y aura pas de changement à court terme pour les troupes additionnelles de l'armée de terre. Toutefois, l'armée de terre institutionnelle, notre infrastructure de base ici au Canada, recevra des améliorations considérables sur le plan de la formation, de la croissance de notre doctrine des forces terrestres et du système de formation de façon à avoir une meilleure capacité de formation, et un Centre canadien de formation aux manoeuvres sera établi d'ici 2004 dans l'Ouest canadien à Wainwright. Cela nous permettra d'améliorer fondamentalement notre capacité et d'atteindre le niveau de formation collective et la souplesse de formation voulue dans le contexte dont je vous parle.
Ma dernière remarque à propos de ce modèle provisoire et de l'armée de demain concerne la restructuration de la réserve des forces terrestres. Comme j'ai déjà comparu devant votre comité, je sais qu'il s'intéresse à la réserve et je ne voudrais pas qu'on ait l'impression que cette initiative concerne uniquement la force régulière, en dépit de son orientation principale. Le tableau du haut de la page 24, qui est un peu touffu, vous donne cependant un aperçu, je crois, du genre de démarche que j'envisage.
À gauche de ce tableau, on parle des échecs du passé, de la méfiance et de la mésentente qui ont entravé la restructuration de la réserve. Quand j'ai pris mes fonctions à la demande du ministre et du chef d'état-major de la Défense, j'ai élaboré un plan stratégique en collaboration avec les responsables de la réserve. La première phase était un effort important pour améliorer la confiance et la bonne santé de la réserve en vue de réaliser une restructuration fondamentale dans le cadre de la deuxième phase. Cela demeure la structure non seulement pour la RRFT, mais aussi de plus en plus pour la stratégie de l'armée de terre car à mon avis, si vous regardez le côté droit de ce tableau et la transformation de l'armée de terre, vous voyez que le modèle provisoire de l'armée de terre est un parallèle fidèle de la phase I de la RRFT. L'objectif à mi-chemin doit être un alignement des composantes de l'armée régulière et de la réserve pour que lorsque nous progresserons vers cette armée de demain, nous n'ayons plus deux objectifs, mais un seul pour l'armée régulière et la réserve. Je pense que vous voyez bien, monsieur le président, ces grandes orientations de l'alignement qui font converger l'armée régulière et la réserve vers un aboutissement identique.
J'aimerais bien maintenant résumer tout cela. J'ai encore plusieurs diapositives, mais je vais passer très rapidement car j'ai déjà couvert tous les point et vous pourrez relire tout cela tranquillement plus tard. J'ai déjà parlé abondamment des décisions du CÉMAT et ce sont des choses qui ont déjà été décidées et qu'on met en oeuvre.
Dans la diapositive suivante, nous parlons des intentions générales et, bien qu'on n'ait pas pris de décision sur ces éléments, ce sont des questions qui relèvent essentiellement de moi et qui devraient d'après moi avancer assez rapidement.
Les diapositives suivantes vous donnent un aperçu de ce que je veux accomplir. Je pourrais dans une certaine mesure prendre ces décisions moi-même, ou dans certains cas j'aurais besoin de l'approbation du gouvernement. Mais je veux simplement essayer de vous expliquer où nous voulons aller et dans quel délai nous y parviendrons.
º (1635)
Au sein de la fonction commander, vous voyez des formations et des unités qui se distinguent par différents niveaux au quartier général et au commandement. J'essaie de développer le concept du commandement et du contrôle qui permet une réaction rapide et une sensibilisation situationnelle essentielle dans ce nouvel âge d'information, passant d'abord à 12 unités de manoeuvre identiques nous conférant une souplesse inhérente comme armée. Ensuite, à partir de cette expérience, nous voulons élargir cette capacité des commandements de contrôle à tous les quartiers généraux. Je m'attends à une armée où les fonctions de commandement et de contrôle seront rationalisées et où la structure sera plus horizontale parce que c'est ce qui donne le genre d'adaptabilité qu'il nous faut.
À la diapositive suivante, on parle de détecter. Vous pouvez voir une partie de la structure déjà en place qui nous offre une capacité en matière de reconnaissance et de surveillance, si essentielle aujourd'hui. Tout en allant de l'avant sur ce plan, nous allons continuer à développer nos capacités sur le plan des renseignements, de la surveillance, de l'acquisition d'objectifs et de la reconnaissance dans le cadre de ce que nous appelons ISTAR. Je me dois d'améliorer et de rationaliser notre capacité de reconnaissance et de surveillance. Il y a beaucoup d'équipement très perfectionné--vous m'avez entendu parler des appareils Coyote--qui n'est pas utilisé de la meilleure façon possible. Je pense que nous pouvons atteindre une plus grande capacité sans augmentation marquée des ressources simplement en restructurant. Donc pour ce faire il nous faut mettre en place une plus grande capacité. Et c'est ce que nous ferons au cours des prochaines années. Pendant que nous allons de l'avant sur ce plan, dans le cadre des expériences qui seront tentées au cours des quelques prochaines années, nous devons mettre au point une capacité de surveillance intégrée grâce à certains des nouveaux systèmes ISTAR qui entreront en service afin de concrétiser l'idée de l'armée de demain dans un milieu riche en information.
La même approche s'applique au niveau des manoeuvres. Vous pouvez voir la structure des régiments blindés et d'infanterie dont j'ai parlé, les améliorations intérimaires au niveau des batteries légères, la capacité d'intervention spéciale, qui intégreraient ISTAR aux manoeuvres pour créer 12 unités de manoeuvre dotées d'une plus grande souplesse organisationnelle, tout en concevant un nouveau concept de manoeuvres pour l'armée de demain. C'est vraiment à ce niveau que le débat intellectuel au sein de l'armée doit se situer.
La diapositive suivante porte sur la puissance de feu. On y voit le nombre de systèmes d'armements, directs et indirects, dont nous disposons. Il me faut mieux exploiter ces systèmes et à court terme, je veux augmenter l'efficacité de cette puissance de feu en la rendant le plus rapidement possible plus précise et en améliorant le taux de tir et les effets définitifs de ces systèmes pour augmenter également l'utilité et l'efficacité par le biais de technologies qui permettent une réduction de masse. J'estime possible d'avoir moins de systèmes d'armes pour arriver à une réduction de l'effectif, tout en ayant quand même des systèmes plus performants nous permettant, le plus rapidement possible, de rationaliser les systèmes que nous avons déjà, en fonction de ce concept, tout en utilisant une puissance de feu à long terme qui intègre les systèmes de feu direct et de feu indirect, car à notre avis, dans dix ans, les nouvelles technologies nous permettront de le faire.
Les quelques dispositives suivantes portent sur protéger et maintenir en puissance. Protéger vise la protection des forces armées dont j'ai parlé plus tôt. Il s'agit d'un domaine où il reste encore beaucoup de travail conceptuel et où moi-même et mon personnel avons encore beaucoup de travail à faire. Nous devons nous assurer que nous utilisons les ressources dont nous disposons pour protéger, de la meilleure façon possible, les forces armées de façon pleinement intégrée. Maintenir en puissance, à mon avis, voilà notre tendon d'Achille, le maillon le plus faible de notre organisation. Il nous faut l'améliorer à court et à moyen terme, dans toute la mesure du possible, tout en examinant ce nouveau concept fondamental de soutien.
º (1640)
Si l'on passe à la page 29, on voit, comme je l'ai dit tout à l'heure, que la transformation de l'armée et la divulgation de sa stratégie sont destinées avant tout à stimuler un débat. La tenue d'un débat au plan professionnel et intellectuel est essentielle à la modification du fonctionnement et de la culture de l'armée, qui pourra ainsi devenir l'armée de demain. Mais pendant que ce débat s'amorce, nous ne saurions pour autant rester dans l'expectative. C'est pourquoi nous avons ici un modèle d'armée provisoire, que nous sommes prêts à mettre en oeuvre. Je ne peux pas vous en indiquer précisément l'échéancier, mais d'ici la fin de l'été, j'aurai un plan qui fixera des objectifs précis sur les cinq prochaines années, avec des dates d'approbation pour chaque objectif.
Évidemment, tout cela ne saurait porter préjudice à ce qui s'est passé dans le contexte de la révision de la politique de défense, et quelle que soit la décision prise, ce travail devra être réévalué, mais je suis convaincu que nous devons avancer si nous voulons profiter de l'occasion qui nous est offerte pour procéder à un cycle de rajustements stratégiques à la faveur de l'augmentation des ressources et de la réorientation des questions de politique que nous réservent les années à venir.
Vous ne serez pas surpris d'apprendre qu'au sein de l'armée, cette question fait l'objet d'un vif débat. On s'inquiète des mesures prises par moi-même et par le commandement de l'armée. Cette diapositive, au bas de la page 29, vous donne une idée des préoccupations et des risques, que ce soit à propos de la perte de capacité et d'expertise dans les blindés, du risque auquel nous expose le feu indirect, de l'incertitude qui plane toujours en matière de défense, de la perte de souplesse dans la masse critique au sein de l'infanterie, à cause des réductions imposées aux pionniers, aux mortiers et à la capacité du génie, ou à l'équilibre régimentaire et à ses effets sur notre système régimentaire.
Je dois vous dire deux choses. Je crains moi aussi ces risques, mais je ne pense pas, monsieur le président, qu'ils suffisent, individuellement ou collectivement, à justifier la moindre attente de notre part car à mon avis, on prendrait un risque encore plus grand en ne faisant rien. J'en profite cependant pour dire à quel point je suis sensible aux questions que pose le système régimentaire. Je m'y suis consacré, et je suis convaincu que le système régimentaire reste l'un des atouts de notre armée. Je n'ai pas la moindre intention de le remettre en question, mais je voudrais l'adapter aux besoins de l'armée en ce XXIe siècle. Si un système régimentaire ne permet pas de les satisfaire, j'en viendrai à considérer qu'il n'est plus pertinent. Je suis convaincu qu'il peut et qu'il doit rester pertinent à l'avenir, et c'est ce à quoi nous nous emploierons.
J'ai cependant plusieurs préoccupations, auxquelles sont consacrées les dernières diapositives. Pour l'essentiel, je vous en ai d'ailleurs déjà parlé. Il y a tout d'abord la soutenabilité. L'armée supporte une charge, et je m'inquiète de savoir combien de temps elle va pouvoir continuer à la supporter. Cette charge entraîne une tension non seulement physique, mais également morale, qui suscite des préoccupations concernant la valeur et la fiabilité de nos dirigeants. Voilà autant d'obstacles potentiels au progrès.
Je m'inquiète également de l'évolution démographique de l'armée, même si les problèmes démographiques ne concernent pas uniquement l'armée. Toutes les institutions, le milieu des affaires, les milieux politiques et l'institution militaire vont avoir un défi démographique à relever pendant la prochaine décennie, et la stratégie va s'en ressentir. Comme je le laissais entendre dans mes propos sur le système régimentaire, j'ai été confronté à des problèmes d'unité interne et je sais que la discipline militaire va poser un problème sérieux quand je vais entreprendre la mise en oeuvre de cette stratégie.
Le dernier élément dont je voudrais vous faire part, mesdames et messieurs, pour apporter un contrepoids à l'élément technologique sur lequel j'ai insisté tout au long de mon exposé, c'est la conviction que la technologie ne saurait remplacer le leadership, que la technologie ne saurait remplacer un soldat. La meilleure arme sur le champ de bataille reste et restera un soldat bien équipé et bien commandé. C'est un élément important à comprendre pour moi, pour le commandement de l'armée et pour tout le monde, car si on s'en remet à notre technologie en renonçant à nos effectifs, c'est l'échec assuré et l'armée sera incapable d'agir. Donc quoi qu'il arrive, c'est à ce niveau que se situe le risque le plus grave.
º (1645)
Monsieur le président, ceci met un terme à mon exposé. Il a pris beaucoup de temps et je vous sais gré de votre patience, mais j'ai pensé qu'il était important que je vous donne le meilleur aperçu possible. Je suis probablement allé parfois un peu trop loin, mais je suis prêt à aller aussi loin que vous le souhaiterez et à vous accorder autant de temps que vous le souhaiterez.
Le président: Mon général, merci beaucoup. Je dois avouer que nous sommes un peu limités par le temps, mais au nom de tous les membres du comité, j'aimerais vous remercier de cet exposé extrêmement exhaustif. Vous avez certes soulevé beaucoup de questions et je m'attends à ce que beaucoup de questions vous soient posées. Vous avez fait la démonstration que l'armée ne peut être accusée d'immobilisme. Vous semblez, pour le moins, avoir adopté le proverbe selon lequel la meilleure défense c'est l'attaque, et en l'occurrence, ce sont de nouvelles idées. Votre exposé contenait certes beaucoup de nouvelles idées et personnellement j'attends avec impatience certaines des questions qui vous seront posées.
Comme d'habitude, nous commencerons par M. Benoit, pour sept minutes.
º (1650)
M. Leon Benoit (Lakeland, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président, et mon général, merci à vous ainsi qu'à vos collaborateurs, d'être venus nous voir aujourd'hui. Je vous en suis très reconnaissant. Malheureusement il me reste beaucoup plus de questions à poser que vous n'avez donné de réponses dans votre exposé. J'ai écrit tellement de questions pendant votre exposé que je ne sais pas vraiment par où commencer. Je commencerai donc par une question très générale.
Vous avez parlé de changement, et pendant ce changement qui nécessitera des ressources supplémentaires tant humaines que financières, il me semble, selon moi, qu'on attendra de vous le maintien des opérations à l'étranger au niveau actuel, et peut-être à un niveau accru ici au Canada. Comment pensez-vous pouvoir mener cet exercice sans ressources supplémentaires?
Lgén M.K. Jeffery: C'est la question à 64 000 $. Il est clair que c'est le plus gros défi de tous.
Premièrement, toute institution a ses limites. Donc quoi que nous voulions faire, il y a des limites à ce que nous pouvons faire. On peut en débattre, et nous n'avons pas hésité à déjà en débattre autour de cette table. Je vous ai déjà donné mon point de vue et je n'ai pas l'intention d'y revenir. Il y a des limites à ce que nous pouvons faire, mais nous devons nous moderniser, nous devons passer à la phase suivante. C'est indispensable car si on veut que cette armée continue à répondre aux besoins de la nation et à ce que le gouvernement et le pays attendent d'elle sur la scène internationale, nous moderniser est indispensable. Il faut payer la note.
Pour atteindre cet objectif, comme je viens de vous le dire, il y a toutes ces choses à faire qui sont indispensables. Jusqu'à présent, comme vous le savez fort bien, en grande part c'est parce que nous n'avons pu résoudre, malgré le désir exprimé, notre problème de manque de ressources. Selon moi, aujourd'hui, nous n'avons plus le choix, l'immobilisme n'est plus de saison. Nous pouvons bouger, nous pouvons même aller très loin, mais cette armée de demain est-elle à notre portée avec nos ressources actuelles? La réponse est non.
M. Leon Benoit: Très bien, mon général. Je suppose que cela répond en partie à la question.
Nous savons déjà que le budget est déficitaire chaque année. On parle beaucoup de surcharge du personnel. Je crois que tout le monde convient que nous demandons déjà trop à ce personnel et pourtant, malgré ces cisconstances, vous parlez de nécessité de modernisation. Je n'en disconviens certes pas avec vous, j'en conviens tout à fait, mais ne faudrait-il pas pour cela une augmentation conséquente des ressources?
Lgén M.K. Jeffery: Manifestement, cela va exiger un investissement. Je ne suis pas disposé à parler chiffres avec vous, mais j'investirais dans quelques secteurs.
Premièrement, à défaut d'une nouvelle politique prévoyant une modification de la taille des forces armées, je suis contraint de travailler avec le total des effectifs dont je dispose. J'ai déjà expliqué la nature de l'ajustement, ou une partie de l'ajustement qu'il sera nécessaire pour atteindre cet objectif. Nous croyons pouvoir respecter l'échéancier que nous vous avons présenté pour en arriver au modèle provisoire de l'armée de terre. Pourrons-nous aller encore plus loin, il est trop tôt pour le dire, mais l'hypothèse de base est qu'il n'y aura pas d'augmentation sensible du personnel.
En ce qui concerne les biens d'équipement, certains ont déjà été achetés. Nous venons tout juste d'intégrer une bonne quantité d'équipement, et pas seulement des plates-formes d'armes, mais aussi un système de communication très moderne et un nouveau système de commandement et de contrôle qui commence tout juste à être activé. Ce que nous essayons de faire, notamment, c'est d'obtenir le meilleur rapport qualité-prix pour les sommes déjà dépensées. Manifestement, le coût des nouveaux biens d'équipement pour ISTAR représente une partie de cette démarche, et cela est un élément du plan d'immobilisations que nous mettons au point.
Ainsi, je dirais que oui, il y a de l'argent, et en termes généraux, il y a des parties de ces sommes investies dans des programmes passés, actuels et futurs. De là à savoir si cela sera adéquat, je ne saurais vous le dire pour l'instant. J'ai l'impression que cela sera inadéquat pour concrétiser le concept de l'armée de demain.
M. Leon Benoit: Ainsi, nous utilisons déjà nos ressources au maximum, nous accumulons les déficits budgétaires. Le changement dont vous parlez n'exige-t-il pas une formation importante, ce qui signifie qu'il faudra retirer du personnel des opérations? Il faut des effectifs pour des opérations, à moins de réduire considérablement nos opérations à l'étranger.
Deuxièmement, un aspect que vous n'avez pas abordé aujourd'hui, qu'en est-il des besoins possibles ici au pays? J'approuve le fait que vous vous concentriez sur notre aptitude au combat et nos capacités outre-mer, mais on a eu recours et aura à nouveau recours à l'armée lors de catastrophes naturelles, pour juguler les soulèvements civils au pays, pour répondre aux éventuelles menaces terroristes; elle sera utilisée dans le cadre du Sommet du G-8 en juin. Toutes ces tâches viennent s'ajouter à la charge. Comment pouvez-vous envisager de faire ces changements alors que toutes ces demandes pèsent déjà sur vous?
º (1655)
Lgén M.K. Jeffery: Les besoins nationaux auront toujours préséance, de la même façon que les forces canadiennes ont toujours répondu à l'appel lors de la tempête de verglas, différentes inondations et autres problèmes survenus au pays. Qu'il s'agisse de ce type de situations ou d'interventions nationales directement liées à la défense, peu importe, si nous devons intervenir, nous le ferons.
En ce qui concerne la gestion du changement, je vous renvoie à la toute dernière page du document, la toute dernière diapo, que je n'ai pas utilisée mais que j'ai incluse à dessein, parce que je soupçonnais que c'était le type de question qui pourrait être soulevée. Vous vous souviendrez que j'ai déjà parlé au comité de la gestion de l'état de préparation et, en effet, c'est un des objectifs stratégiques. Ce modèle triangulaire très simple représente l'essentiel de l'orientation que nous voulons imprimer à l'armée. Il y a trois côtés servant à illustrer le fait que l'armée doit gérer des forces en reconstitution revenues du front, en même temps que des unités d'intervention rapide prêtes à intervenir ou engagées en pleine opération. L'objectif est d'évoluer vers un modèle selon lequel, à tout moment, un tiers de l'armée est en reconstitution, un tiers est en entraînement, et le dernier tiers est prêt à l'intervention rapide ou est déjà déployé. Nous croyons que c'est un cycle de trois ans environ, chaque côté du triangle représentant un an environ. Dans un modèle viable, le tiers de l'armée environ peut être en état de préparation avancée ou engagé dans une opération. Lorsque l'on dépasse ce niveau, la situation devient forcément instable et n'est plus viable. Ce qui ne signifie pas que l'on ne peut pas le faire pour une courte période, mais c'est la limite.
Pour gérer le changement dans ce contexte, je vous dirais que la période de reconstitution de l'armée est celle durant laquelle nous effectuons les changements majeurs, nous introduisons un nouvel équipement, nous effectuons les grandes restructurations, nous mettons en oeuvre les nouvelles doctrines. Lors de l'entraînement, nous renforçons cette capacité pour en faire des capacités opérationnelles, puis nous les appliquons lors de la phase opérationnelle. Cela va donc plus loin que l'état de préparation. En étudiant le changement, nous sommes confrontés à la réalité. C'est comme une roue qui tourne sans arrêt, l'armée change constamment. Dans un certain sens, ce qu'il nous faut accepter, c'est que le fait d'engager plus du tiers de l'armée à la fois, crée une situation qui n'est plus viable. Si vous décidez de dépenser vos ressources de cette façon aujourd'hui, vous en paierez le prix plus tard sous la forme d'une armée amoindrie.
Le président: Merci, général
Monsieur Price.
M. David Price (Compton—Stanstead, Lib.): Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup, général, de votre exposé. Il est extrêmement important. J'ai lu ce document il y a quelque temps déjà et, pour être franc, je n'en ai rien retiré comparativement à ce que j'ai appris de votre exposé aujourd'hui. Nous lisons énormément de documents, ce qui fait que nous le faisons peut-être un peu vite, mais je me demande qui va le lire. Il ne brosse vraiment pas le même tableau que j'ai perçu de votre exposé. Ce que vous nous avez dit aujourd'hui représente tout à fait un volte-face par rapport à l'orientation actuelle des Forces canadiennes. Il n'y a rien de mal à cela, et je comprends vos motifs. Vous disposez d'un personnel limité, vous réfléchissez à l'avenir et essayez de trouver des solutions créatives pour régler les problèmes qui vous attendent.
Voilà donc une question, comment vous allez présenter cela aux intéressés qui devront se pencher là-dessus. Je suis sûr que c'est un petit groupe qui a élaboré ce projet. Si vous pouvez répondre à cette question d'abord, je passerai ensuite à la question suivante.
» (1700)
Lgén M.K. Jeffery: Je comprends votre point de vue et partage votre préoccupation. Je me soucie beaucoup des communications depuis le début. L'achèvement de tout le projet est également un enjeu ici.
Souvent, on veut avoir toutes les réponses immédiatement, et c'est ce qui explique une partie de notre problème. L'objectif était d'élaborer quelque chose de clair et de cohérent pendant que les autres éléments mûrissent. Franchement, effectuer des changements, c'est comme essayer de déplacer une pierre qui est au même endroit depuis longtemps et qui a commencé à s'enfoncer dans le sol. Le plus difficile, c'est de la retourner. Une fois que cela est fait, on peut commencer à la déplacer. Ce que nous faisons ici fait partie de l'effort consacré à renverser la pierre.
Mais cet effort est appuyé par un plan de communications dynamique qui se poursuit. Ce que j'aurais dû dire plus tôt, c'est qu'une bonne partie de ce que j'ai dit est affiché sur le site Web des forces armées, et nous allons diffuser deux nouveaux documents sous différentes formes. Ainsi, si vous visitez le site Web de l'armée, soit le www.army.dnd.ca, vous y trouverez des documents sur le concept de l'armée de demain, le modèle provisoire de l'armée, et certains des autres documents à l'appui. Nous continuerons à afficher de la sorte de plus en plus de documents. Monsieur le président, je peux vous assurer que vous recevrez des copies papier de ces documents immédiatement après cette séance.
Je voyage également d'un bout à l'autre du pays, je saisis toutes les occasions de parler aux membres des forces armées, public cible le plus important, du moins de mon point de vue. Compte tenu des propos que j'ai tenus sur la culture, je dois veiller à ce que ces idées soient véhiculées dans l'armée, pour encourager les gens à aller de l'avant, mais je saisis également toutes les occasions possibles de m'adresser aux autres représentants de la société canadienne, aux chefs gouvernementaux, tant fédéraux que provinciaux, aux gens d'affaires, aux simples citoyens, parce que c'est très important.
M. David Price: Cela m'amène à ma question suivante. Un plan comme celui-ci représente vraiment une volte-face importante. Il implique deux choses. Premièrement, nous sommes censés élargir les rangs des forces armées, et en réalité nous les réduisons, en vertu de ce plan. Même si vous dites que cela reste stable, il faut percevoir ce projet comme une réduction, ce qui signifie moins d'emplois. Oui, dans un sens, nous prenons un virage plus technologique, mais c'est toujours plus difficile à vendre.
Revenons aux membres des réserves parce que c'est un volet où nous pourrions assez facilement élargir les rangs. Vous avez dit que le système des régiments, par exemple, pourrait demeurer intact. Je comprends mal comment il pourrait en être ainsi dans le cadre d'un tel plan, surtout dans les réserves. Peut-être pourriez-vous en parler un peu. Nous discutons depuis longtemps de la structure d'ensemble des forces, ce qui comprend les réserves. Vous abordez bien les réserves, mais vous en parlez bien peu, alors que c'est peut-être un volet de nos forces qui nous permettrait d'augmenter nos effectifs sur le terrain. Ce que nous faisons, c'est réduire les rangs, ce qui est le contraire de ce que nous souhaitons vraiment. Nous voulons être vus davantage. Nous ne pourrons jamais vendre les forces armées au public si notre visibilité décroît.
» (1705)
Lgén M.K. Jeffery: Une question que j'aimerais aborder est celle du potentiel, et elle est difficile à saisir pour certains. Je reviens à la question de la culture. Comment mesure-t-on le potentiel? Je vous dirais que nous avons tous mesuré le potentiel physique, le nombre de soldats sur le terrain, le nombre de systèmes d'armes, le nombre d'unités, etc. À la lumière de cette dynamique à l'avenir, nous sommes d'avis que cela ne constitue pas une mesure raisonnable, car la notion même du potentiel évolue. Je pense à l'évolution du taux de transmission des données comparativement au nombre de soldats par zone. On constate les changements dans les pratiques de la guerre et l'évolution des différentes capacités dans le temps, on compare l'évolution de la taille des armées, de leur structure, de leur disposition sur le terrain. Les armées du passé étaient toutes, dans un sens, dotées de capacités spécialisées, mais ces capacités ont évolué dans le temps et cela s'inscrit dans cette dynamique.
Voilà notamment ce que nous devons reconnaître. Le changement signifie justement cela. Le paysage ne sera plus le même--il y aura amélioration des capacités, mais dans une structure différente.
Le président: Merci, général.
Monsieur Stoffer.
M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président.
J'ai eu l'occasion de prendre part, la semaine dernière, à un exercice d'entraînement pour parlementaires, avec le groupe Delta, à Wainwright, en Alberta. L'équipe à laquelle j'étais affecté était impressionnante. Si ces jeunes représentent l'avenir de nos forces armées et de nos réserves, le pays est vraiment entre bonnes mains. C'est l'une des plus belles semaines que j'ai vécues à titre de député. Ils m'ont fait trimer dur, sans jamais m'induire en erreur, mais ils sont hautement entraînés et très professionnels. Ils m'ont posé quelques questions que j'espère avoir le temps de vous poser.
À la page 26 de votre livre, vous avancez quelque chose que je trouve troublant--je ne parle pas de vous personnellement--sous la rubrique «La flexibilité des ressources»: «La rareté des ressources allouées par le ministère se poursuivra.» À mon avis, le message est très clair. Si j'étais un jeune homme qui envisage une carrière militaire, je lirais cela et je me dirais que si le gouvernement n'a pas l'intention d'investir les ressources nécessaires pour assurer l'avenir, quelle carrière, quel avenir s'offre à moi? L'armée croit-elle vraiment que le gouvernement ne consacrera pas des ressources adéquates à son fonctionnement, et que la rareté des ressources se poursuivra assurément?
Deuxièmement, beaucoup de soldats que j'ai côtoyés et bien d'autres avec qui je discute ailleurs au pays demandent plus de munitions pour s'exercer. Les visions et les plans, c'est excellent, mais si les soldats n'ont pas de balles pour s'entraîner dans les champs de tir, ils sont contraints de rester dans les casernes ou de faire autre chose. Ce qu'ils veulent, c'est être dotés des capacités nécessaires pour être des combattants armés, c'est avoir confiance en leurs moyens à force de s'entraîner. Lorsqu'ils se font dire qu'ils n'ont droit qu'à 15 ou 20 coups tout au plus, en raison des coûts, on revient là à la rareté des ressources dont ils se sentent victimes.
La dernière question que j'aimerais vous poser, lieutenant-général, porte sur les différents modes de prestation des services dans la chaîne d'approvisionnement. Lorsque j 'étais à Edmonton, j'ai eu l'occasion de rencontrer beaucoup de gens. On est très préoccupé, dans les forces régulières, chez les travailleurs civils, et dans les réserves, de voir notre gouvernement confier la gestion de la chaîne d'approvisionnement à une entreprise étrangère, la société anglaise Tibbett. J'aimerais avoir votre point de vue là-dessus.
Lgén M.K. Jeffery: Le premier élément, et sans doute le plus problématique, c'est la difficulté concrète de faire face à la rareté des ressources. Si, en tant que militaire canadien, je regarde la situation à l'échelle mondiale, je vois que nous sommes tous confrontés à cette rareté des ressources. Du point de vue de l'armée et des défis que nous devons relever depuis 10 ans, rien n'indique que les choses soient appelées à changer sur ce point. Je veux du reste adresser ce message à mes propres subordonnés: Ne supposez pas que quiconque va résoudre votre problème par un flot de dollars. L'institution va devoir évoluer étant entendu que les ressources resteront rares. Je pense qu'il faut aborder la gestion d'une institution aussi vaste avec pragmatisme. Monsieur le président, si vous et le gouvernement pouvez y faire quelque chose, j'en serai ravi, mais ma stratégie n'est pas liée au caractère nécessaire ou essentiel des ressources. Cependant, compte tenu des éléments que j'ai fournis dans mes réponses au comité, je ne pourrai pas tout faire à moins d'un changement.
La question des munitions est importante et comporte deux aspects. Je suis confronté à des problèmes de durabilité. Les quantités de munitions que je peux utiliser sont limitées, et c'est là une réalité incontournable. J'aimerais beaucoup pouvoir en donner plus à mes soldats, mais je n'en ai pas d'autres. À cela vient cependant se rattacher un changement culturel, car si nous essayons de miser de plus en plus sur la simulation, c'est non seulement pour obtenir une meilleure formation, mais aussi, en fait, pour modifier la façon dont nous nous entraînons. J'ai parlé tout à l'heure du Centre canadien d'entraînement aux manoeuvres et je peux vous annoncer que d'ici 2004-2005, dans la région où le député a signalé qu'il avait subi son entraînement, nous aurons un système d'entraînement au laser armée contre armée de classe mondiale, plus réaliste, à bien des égards, que l'entraînement à munitions réelles. C'est vers cela que nous nous dirigeons, notamment dans le souci d'économiser les ressources, car cela nous permet d'utiliser moins de munitions. Cette forme d'entraînement n'est pas très bon marché, mais il a fallu faire un compromis.
Je considère que la diversification des modes de prestation dans la chaîne d'approvisionnement fait également partie du changement dont il est ici question. Pouvons-nous continuer à gérer cette institution sans accepter de risques? À mon avis, non. Nous l'avons reconnu et nous nous sommes serrés la ceinture. Je ne suis pas le seul à évaluer les risques. D'autres éléments de l'institution, y compris au niveau ministériel, doivent les considérer.
» (1710)
Le président: Merci, général. Merci, monsieur Stoffer.
À vous, madame Wayne.
Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Général Jeffery, il me semble que le ministère a confirmé que nous allions retirer nos forces terrestres de l'Afghanistan d'ici la fin du mois de juillet ou d'août. Il vient de l'annoncer. Notre mission est-elle terminée en Afghanistan, est-ce que le travail est fini ou est-ce parce que nous n'avons plus de personnel disponible pour continuer à participer à cette mission? Comme vous le savez, on dit que nos militaires seront remplacés par des troupes roumaines. Il nous reste quelques mois, et si nous n'avons pas de relève, que va-t-il se passer?
Lgén M.K. Jeffery: Vous comprendrez que je suis venu ici pour parler de la stratégie de l'armée et de sa vision. Je crois être dans une position légèrement désavantageuse lorsque l'on nous dit qu'une annonce a été faite étant donné que je ne suis pas au courant d'une telle annonce. Je suis très au courant de ce que nous planifions et des décisions que nous prenons, et je considère que je ne suis pas vraiment en mesure de répondre.
Cependant, je dirai deux choses. À mon avis—et il s'agit uniquement de mon avis à titre de soldat—en examinant le rôle des Forces canadiennes là-bas, de toute évidence, le travail n'est pas terminé. Je ne le crois pas plus que le chef d'état-major de la Défense. Au bout du compte, ce sera au gouvernement d'en décider, mais j'ai indiqué très clairement que les ressources représentent une grande difficulté, et comme je l'ai indiqué dans ma réponse ainsi que dans l'un de mes tableaux, on ne peut pas exiger d'une organisation plus que ce que ses ressources lui permettent. C'est un autre aspect dont il faut tenir compte.
Le président: Général, je comprends que vous êtes venu ici pour parler de restructuration, mais notre comité n'a pas souvent l'occasion d'inviter une personne de votre rang. Par conséquent, j'espère que vous ne tiendrez pas rigueur aux membres du comité de vous poser toute question qu'ils considèrent appropriée à cette occasion.
Mme Elsie Wayne: En ce qui concerne ce que vous nous avez présenté aujourd'hui, pour assurer le maintien des forces, certains changements devront être apportés. Je suis sûr que la majorité d'entre nous ont exercé de fortes pressions pour que l'armée devienne une grande priorité au Canada et qu'on mette à votre disposition, général Jeffery, ainsi que d'autres, les fonds dont vous avez besoin pour prendre les mesures que vous considérez être dans l'intérêt de nos hommes et nos femmes en uniforme.
Je viens juste d'arriver ici à midi. En lisant le journal dans l'avion, je suis tombée sur certains articles qui indiquaient que vos hauts gradés recommandent l'élimination de nos compagnies de parachutistes. Je crois comprendre qu'aucune décision n'a été prise encore au sujet de ce rapport, mais pouvez-vous nous indiquer quand ces décisions pourraient être prises à cet égard?
» (1715)
Lgén M.K. Jeffery: Vous comprendrez qu'il ne s'agit pas uniquement d'une question de ressources mais aussi de politique. On effectue constamment de nombreuses études et l'une d'entre elles, qui a été faite il y a quelques années, a examiné l'opportunité de conserver une capacité de parachutisme au Canada, en n'oubliant pas que cela comporte de nombreux aspects dont le plus important est le maintien d'une capacité de parachutisme de combat, la capacité d'assurer l'intervention d'une unité d'infanterie à partir des airs. Bien que cette capacité soit dispersée dans l'ensemble de l'armée, les éléments essentiels existent. L'étude a été faite. Aucune décision n'a été prise à l'issue de cette étude. Je crois que ce sera l'une des questions dont on traitera dans le cadre de l'examen de la politique: quelle capacité maintenons-nous si nos ressources sont limitées, et en quoi consistent ces restrictions?
Mais je tiens aussi à vous faire part de mon opinion personnelle, car j'en ai une. J'aimerais que l'on ait une capacité de parachutisme de combat. Je n'arrive pas à concevoir qu'un commandant d'armée ne veuille pas d'une telle capacité. Mais est-elle essentielle? A-t-elle plus d'importance que bien d'autres choses? C'est là où cette décision devient d'autant plus difficile. Si je parcours la liste, il y a beaucoup de choses que je considère davantage nécessaires, et dont à mon avis cette armée a davantage besoin.
Cela ne signifie pas que nous ne sommes pas en mesure de déployer des militaires par parachute, cela ne signifie pas forcément que nous n'aurions pas la capacité de former des militaires au parachutisme, mais cela peut très bien signifier que nous n'avons pas la capacité de déployer une unité complète de cette façon-là. Nous ne pouvons pas chercher à plaire à tout le monde. Dans le cadre de la modernisation, pour établir et acquérir cette nouvelle capacité, je dois réduire l'ancienne capacité, et il s'agit du même type de dynamique. Ces décisions n'ont pas été prises, mais cela pourrait en être l'une des conséquences.
Mme Elsie Wayne: Mais si nous ajoutions suffisamment d'argent au budget de la Défense, vous n'auriez peut-être pas à le faire, monsieur. Vous pourriez peut-être faire les deux. C'est une question qui préoccupe un grand nombre d'entre nous.
Je dois dire qu'un certain nombre de membres de l'armée en service et à la retraite ont communiqué avec moi pour me dire que nous n'avons pas eu d'exercice d'entraînement pour les brigades complètes depuis près de 10 ans. J'ignore si ce fait est exact ou non, mais c'est ce qu'on m'a dit. Si c'est effectivement le cas, prévoit-on un entraînement pour l'ensemble des brigades dans un avenir prochain, et quelles sont les conséquences de ne pas assurer un entraînement d'une telle envergure?
Lgén M.K. Jeffery: J'ai abordé cette question plusieurs fois avec le comité au cours de l'année dernière. Je continue d'insister sur le fait que cette information est exacte. Le dernier exercice d'entraînement de l'ensemble de la brigade remonte à 1992. Depuis, nous avons eu de plus petits exercices d'entraînement dans le contexte de la brigade, mais aucun de l'envergure nécessaire. L'amélioration de cet entraînement est de toute évidence l'un de mes principaux objectifs, l'un des principaux objectifs du ministère. Il s'agit d'un aspect inhérent de la stratégie et de notre orientation.
Il y a des contraintes au niveau des ressources, mais aussi au niveau du temps. Lorsque l'armée est très occupée, on ne parvient plus à même trouver le temps d'assurer un entraînement. C'est pourquoi il est si important de gérer l'état de préparation. Cela établit une approche disciplinée au sein de l'armée en matière d'entraînement, ce qui devrait nous permettre d'entraîner toutes les unités afin qu'elles atteignent le niveau voulu de façon régulière et aussi d'entraîner une bonne partie de l'armée pour qu'elle atteigne ce niveau, ce qui comporterait l'entraînement de la brigade.
» (1720)
Le président: Pour enchaîner sur la question posée par Mme Wayne, général, un grand nombre d'entre nous ont été étonnés de voir ces images, filmées à l'infrarouge, de troupes américaines qui sautaient d'avion en parachutes au-dessus de l'Afghanistan. Compte tenu de ce que vous connaissez de cette opération en particulier, cela était-il rendu nécessaire par les conditions du terrain ou les conditions opérationnelles? Cela a-t-il incité certains membres du ministère à considérer que la capacité de parachutisme est peut-être une capacité dont nous avons besoin, une capacité fondamentale que nous ne devrions pas perdre? Pourriez-vous nous éclairer à ce sujet?
Lgén M.K. Jeffery: Je ne suis pas au courant des particularités du théâtre d'opération qui ont rendu nécessaire ces sauts en parachute. Comme je l'ai dit plus tôt, je ne suis absolument pas en train de laisser entendre que nous ne devons pas maintenir la capacité de parachutisme. En fait, si on examine les forces spéciales qui existent un peu partout dans le monde, on constate que c'est une méthode privilégiée dans un certain nombre de régions ou d'environnements.
L'existence d'une telle capacité ne signifie pas nécessairement que l'on est en mesure de déployer, par voie aérienne, une unité complète ou plus, avec tous les systèmes d'armes d'appui nécessaires et auxiliaires. Car il s'agit du régiment aéroporté avec la totalité des ingénieurs, de l'artillerie et des autres systèmes de soutien qui l'accompagnent. C'est tout à fait autre chose. C'est une entreprise coûteuse et pour qu'elle soit efficace, il faut y mettre le prix.
Le président: Je vous remercie.
Madame Gallant.
Mme Cheryl Gallant (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Alliance canadienne): Général, considérez-vous que l'armée de demain doit se composer de deux ou trois brigades?
Lgén M.K. Jeffery: Comme je l'ai indiqué dans le concept de transition, le modèle de l'armée de demain est un modèle de trois brigades. Si le gouvernement décidait, compte tenu des questions de politique et de ressources, que ce modèle pourrait être différent ou que les besoins étaient différents, nous pourrions envisager différentes structures. Pour l'instant, il s'agit d'un modèle de trois brigades.
Mme Cheryl Gallant: Je vous remercie.
Si, comme vous l'avez mentionné, les unités blindées sont toutes réunies pour former une unité centrale dans l'Ouest, est-ce que l'on maintiendra le niveau des effectifs aux bases d'où proviendront ces unités blindées?
Lgén M.K. Jeffery: Je vous remercie de la question. En fait, on m'a posé une question plus tôt à laquelle je n'ai pas eu l'occasion de répondre. Je tiens à rectifier toute fausse impression. Cette restructuration ne vise pas à modifier de façon importante les effectifs. Comme j'ai tâché de l'indiquer, il s'agit de déplacer des gens d'une partie de l'armée à l'autre au fur et à mesure que nous modifions les capacités. C'est l'une des contraintes avec lesquelles je dois travailler en ce qui concerne le modèle provisoire de l'armée, parce que cette décision ne m'appartient pas, elle appartient au gouvernement. Si je considérais nécessaire de réduire la taille de l'armée, cette décision devrait être prise par le gouvernement.
Dans ce contexte, la décision de déplacer, en fait de réorienter, les trois régiments blindés actuels concerne plutôt le déplacement de l'équipement qu'un important déplacement de personnel. Les trois brigades, avec les unités blindées qui leur sont allouées à l'heure actuelle, resteront telles quelles, mais le travail de ces unités serait modifié. Même si nous avons élaboré des plans détaillés de mise en oeuvre, il est trop tôt pour que je vous indique les chiffres réels, mais ils devraient être relativement faibles.
Mme Cheryl Gallant: Pour revenir aux parachutistes, quel est le nombre envisagé? Au Canada, nous avons de vastes territoires auxquels on ne peut pas avoir accès par véhicule terrestre, ou qui n'ont pas de pistes d'atterrissage. Si une intervention était nécessaire en matière de défense ou de secours aux sinistrés, comment prévoyez-vous la participation des troupes? Quel est le nombre de parachutistes que vous vous attendez à conserver ou que vous espérez conserver?
» (1725)
Lgén M.K. Jeffery: Je ne peux pas répondre à cette question parce que, comme je l'ai dit, aucune décision n'a été prise, et le plan que j'ai établi ne vise pas à réduire ni éliminer le niveau actuel de capacité de parachutisme. Comme je l'ai dit plus tôt, c'est une décision qui sera prise à la suite d'un examen ultérieur. Cela ne fait pas partie du plan actuel.
Mme Cheryl Gallant: J'essaie simplement de comprendre le raisonnement derrière le rapport dont on a parlé plus tôt. Par exemple, la 82e division aéroportée des États-Unis compte environ 15 000 troupes. Le Canada est en train d'envisager de réduire la nôtre peut-être au niveau de compagnie, même pas de régiment. Donc, si nous avions besoin d'un nombre important de militaires dans la région de l'Arctique, qu'est-ce que l'on a prévu? Espérons-nous simplement que les Américains assumeront cette capacité si nous ne pouvons pas le faire nous-mêmes?
Lgén M.K. Jeffery: Tout d'abord, permettez-moi de préciser la capacité actuelle de parachutisme de combat que nous possédons. Dans chacun de nos trois bataillons d'infanterie légère, nous comptons une compagnie de parachutistes. Cela signifie que tout le monde a reçu l'entraînement voulu et possède la capacité de base. Nous n'avons pas de capacité de parachutisme de combat correspondant à une unité complète, et nous n'avons pas non plus de formation ni d'équipement à l'heure actuelle pour d'autres types de capacité, c'est-à-dire l'ingénierie, l'artillerie, etc.
Quant à savoir la capacité que nous possédons ou que nous conserverions, il s'agit d'une question intéressante. Cela laisse sous-entendre que nous considérons qu'il existe une menace dans les régions arctiques du pays et que nous devons conserver une capacité de parachutisme pour y donner suite. C'est une question dont on a débattu même en pleine guerre froide. Je serais porté à croire qu'il n'existe pas de grave risque qu'un adversaire possible descende en parachute au nord du Canada ou se déploie de façon telle que nous devions dépêcher par parachute une unité dans cette région.
Pour ce qui est d'autres problèmes de défense et de souveraineté, des besoins intérieurs, de recherche et de sauvetage, d'une grave catastrophe aérienne, d'autres capacités, on peut faire intervenir des parachutistes, en fonction du risque et du coût que nous sommes prêts à accepter. On peut aussi se rendre sur ces lieux d'autres façons, et malgré la déclaration faite par la personne qui a posé la question, le fait est qu'il existe encore partout au pays un nombre important de pistes d'atterrissage qui sont tout à fait accessibles. Même le déploiement de militaires par parachute nécessite un certain soutien, ce qui pose des difficultés.
Je veux donc dire qu'il s'agit d'une capacité très coûteuse pour répondre, dans le contexte national, à un besoin limité et je dirais aussi à tout besoin à l'échelle internationale. Il s'agit encore une fois de savoir où fixer les limites compte tenu des ressources dont on dispose.
Mme Cheryl Gallant: L'armée a connu une expérience directe avec la chaîne d'approvisionnement par le biais du secteur privé. Donc comment surmonte-t-elle les graves préoccupations exprimées sur le terrain, par exemple l'incapacité à fournir de l'eau potable, les retards à obtenir des pièces d'équipement et de télécommunications, et le problème qui se pose lorsque, dès qu'une personne reçoit un entraînement du secteur privé à l'étranger, on décide alors qu'il est temps pour elle de retourner à la maison, de sorte que l'on a besoin de trouver quelque de nouveau pour faire le travail, ce qui nuit à la continuité?
Lgén M.K. Jeffery: Toute cette démarche concernant la diversification des modes de prestation des services— examiner de nouvelles façons d'assurer la capacité, reconnaître les difficultés auxquelles nous faisons face au niveau des ressources, l'amélioration de la souplesse—est une question avec laquelle nous nous débattons depuis le début des années 90. Nous avons tâché de prendre certaines mesures, comme un grand nombre de nos alliés, et nous sommes encore en train d'en tirer des leçons. Tout changement entraîne des difficultés de croissance, et la situation actuelle n'est pas différente. Je crois qu'à bien des égards on n'a pas encore déterminé quelle en sera l'efficacité. Cette question comporte un certain nombre d'aspects que je ne comprends pas bien. Les entreprises qui effectuent ce genre de travail connaîtront des problèmes d'attrition. Elles vont perdre des gens qu'elles devront remplacer, et ce sera pour nous une grande source de préoccupation. Cela fait partie des exigences que nous leur imposons.
Pour ce qui est des autres questions particulières, il faudra que j'obtienne plus de détails avant de pouvoir vraiment y répondre.
» (1730)
Le président: Je vous remercie, madame Gallant.
Général Jeffery, notre temps est écoulé mais M. Wood a attendu patiemment pour poser une question et nous devrions peut-être l'autoriser à le faire.
M. Bob Wood (Nipissing, Lib.): C'est la première fois que l'on m'attribue le mérite d'être patient.
Comment ce problème de continuité va-t-il vous toucher? En fait ce que j'essaie de vous demander c'est quelle est la durée de votre service dans les forces armées? Il s'agit d'un programme de 10 ans. Vous êtes celui qui le mettez en branle, et je suppose que vous devrez en assurer le déroulement. Y a-t-il des gens qui partagent votre point de vue, et à votre avis la continuité posera-t-elle problème?
Lgén M.K. Jeffery: Je crois qu'à notre époque, la continuité demeurera un problème. J'ai parlé des trois défis que pose la stratégie, et le plus important est celui de l'unité, l'unité de pensée, d'objectifs et d'action. Cette stratégie vise à permettre à l'organisation d'avancer. Je crois que c'est la raison fondamentale pour laquelle il m'a fallu tant de temps pour parvenir au stade où nous nous trouvons. L'établissement de cette stratégie ne dépend pas uniquement de mes propres convictions mais de ce que l'ensemble des dirigeants de l'armée considèrent nécessaire pour progresser et c'est un élément essentiel. Comme vous l'avez dit, il s'agit d'une stratégie sur dix ans, en fait il s'agit d'une stratégie sur deux générations. Ce que moi-même et les dirigeants de l'armée essayons aujourd'hui d'élaborer n'est pas uniquement un modèle, mais un changement culturel et l'adoption par les hauts gradés de l'armée du type de changement nécessaire pour avancer. Je crois que ces éléments sont présents.
La question n'est pas vraiment de savoir combien de temps je serai là. Comme le laisse entendre votre question, je ne serai pas ici pendant 10 ans, pour une foule de raisons, entre autres parce que j'en suis déjà à ma 38e année de service. Mais l'élément important ici est que je transmette le flambeau à mon successeur et qu'il fasse de même avec son successeur. C'est pourquoi le ralliement, l'unité de pensée, de but et d'action sont si importants dans le cadre de cette stratégie. Je crois que les éléments essentiels sont présents, sinon je n'aurais pas entamé ce processus. Le défi consiste toutefois à intégrer tous ces éléments au sein d'une force.
M. Bob Wood: Je n'ai rien vu concernant la qualité de vie dans ce rapport. En fait, ce que vous faites ce n'est pas vraiment ajouter ou enlever des éléments mais plutôt tout remanier. Comme quelqu'un l'a déjà dit, c'est un peu comme jouer à la chaise musicale. Qu'en est-il du problème de déploiement? Allez-vous faire des modifications à ce sujet-là? Le cas échéant, comment est-ce que vous allez y intégrer les questions de qualité de vie? C'est un élément très important après tout.
Lgén M.K. Jeffery: Oui, c'est un élément crucial. Comme vous pouvez l'imaginer, nous avons discuté longuement de ce qu'on devrait inclure dans la stratégie. À mon avis, la question du personnel est omniprésente dans notre stratégie. Si vous étudiez notre document sur la gestion de l'état de préparation et nos observations sur la durabilité, vous allez comprendre que notre stratégie est très axée sur le personnel. L'élément déterminant d'une armée, ce sont les soldats, pas la technologie. Ce que nous visons c'est de disposer de forces armées bien équipées, bien formées et bien dirigées. Les soldats sont la clé de voûte de cette stratégie. Si les soldats n'ont pas une bonne qualité de vie, le Canada ne disposera pas des forces armées qu'il devrait avoir. Il ne s'agit pas uniquement d'une question de qualité de vie, mais plutôt de permettre aux militaires de vivre une vie suffisamment équilibrée pour faire en sorte qu'elles veuillent continuer à faire partie des Forces armées canadiennes.
Le président: Merci, monsieur Wood.
Général Jeffery, colonel Peters et lieutenant-colonel Kampman, j'aimerais vous remercier d'avoir témoigné devant ce comité aujourd'hui. À mon avis, nous avons pu avoir une discussion fructueuse et je pense que nous avons pu vous poser des questions pertinentes également. Donc, j'aimerais vous remercier d'avoir été des nôtres aujourd'hui.
La séance est levée.