NDVA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS
COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le lundi 29 octobre 2001
Le président (M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.)): Je déclare ouverte la séance du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants.
Nous sommes très heureux d'accueillir aujourd'hui des représentants du Centre de la sécurité des télécommunications: M. Keith Coulter, le chef, M. David Akman, le directeur des services juridiques, Mme Barbara Gibbons, directrice générale, Services centraux et M. Simon Gauthier, chef adjoint, Sécurité des technologies de l'information.
Monsieur Coulter, à la suite des événements du 11 septembre, comme vous le savez peut-être, nous effectuons une étude sur la lutte contre le terrorisme. Nous espérons pouvoir soumettre très bientôt un rapport au ministre ainsi qu'au Comité des finances, avant les discussions prébudgétaires. Nous souhaiterions donc vivement entendre vos commentaires, étant donné que votre organisation a récemment bénéficié d'une augmentation de son budget.
Monsieur Coulter, vous avez la parole.
M. Keith Coulter (chef, Centre de la sécurité des télécommunications, ministère de la Défense nationale): Merci beaucoup, monsieur le président. Je ferai une brève déclaration d'ouverture, après quoi j'espère que nous pourrons répondre à toutes vos questions compte tenu du temps dont nous disposons.
[Français]
Je vous remercie de m'avoir invité à vous adresser la parole aujourd'hui. Je suis très heureux d'avoir l'occasion de vous parler du Centre de la sécurité des télécommunications, le CST.
Je dois tout d'abord vous dire que je suis au CST depuis peu de temps. J'ai été nommé à la direction de cet organisme il y a deux semaines seulement. Toutefois, au cours de ces deux semaines, j'ai très bien compris l'importance du rôle confié au CST et constaté avec quel professionnalisme ses activités étaient menées à bien.
Depuis le 11 septembre, j'ai eu l'occasion de voir le CST fonctionner dans des conditions de crise et je veux assurer le comité que l'organisation, grâce aux efforts infatigables de son personnel, a bien servi le Canada depuis cette date historique, comme elle le fait depuis plus d'un demi-siècle lorsque surviennent des situations de crise ou de tension sur la scène internationale.
[Traduction]
Le CST est l'organisme cryptologique national du Canada. Depuis toujours, nous nous considérons comme des concepteurs de codes et des perceurs de codes. Cette description est un peu dépassée aujourd'hui, en cette ère d'infrastructure mondiale de l'information, mais elle est encore valable pour une grande partie de nos activités.
La conception et le décryptage des codes ne sont pas deux activités isolées l'une de l'autre. Ceux qui assurent la protection des communications contre l'interception ont évidemment beaucoup en commun avec ceux qui exploitent les communications en vue de fournir des informations précieuses, et vice versa. Le Canada, comme bien d'autres pays, tire profit de cette réalité en regroupant ces deux fonctions au sein d'un seul organisme, le CST. La devise inscrite sur l'insigne officielle du CST reflète d'ailleurs son double mandat: «Fournir et protéger l'information».
Le CST remplit maintenant une troisième fonction: fournir une aide technique et opérationnelle aux organismes chargés de l'application de la loi et du renseignement de sécurité. Il peut, par exemple, déchiffrer les communications que ces organismes ont recueillies en vertu des pouvoirs qui leur ont été accordés. Il peut aussi leur fournir conseils et formation, et dans certains cas, leur prêter de l'équipement.
Ce sont donc les trois éléments du mandat du CST: le renseignement étranger, la protection de l'information et une contribution aux organismes d'application de la loi et de sécurité.
• 1535
Permettez-moi d'évoquer brièvement l'histoire du CST.
L'organisme a vu le jour il y a 55 ans. À l'approche de la Seconde
Guerre mondiale, le renseignement électromagnétique devenait une
nécessité urgente. Le gouvernement du Canada a réagi en établissant
ce que l'on appelle la sous-section d'examen, sous les auspices du
Conseil national de recherches, dont le but était de fournir du
renseignement grâce à l'interception de signaux radio.
En 1946 le gouvernement a établi par décret le nouveau centre national de cryptologie du Canada, Direction des télécommunications du Centre national de recherches. À la même époque, et à la suite des révélations faites par Gouzenko, on a commencé à craindre pour la sécurité des communications du gouvernement. La DTCMR a donc tout naturellement été chargée d'un nouveau mandat, la sécurité des communications, qui allait de pair avec ses responsabilités en matière de renseignement électromagnétique.
En 1975, la DTCMR a été transférée par décret au ministère de la Défense nationale et rebaptisée le Centre de la sécurité des télécommunications. Depuis lors, le CST est un employeur distinct au sein du ministère de la Défense nationale et demeure un organisme constitué de civils (direction et personnel).
[Français]
À titre de chef du CST, je rends compte de mes activités au ministre de la Défense nationale par l'entremise de deux sous-ministres: le sous-greffier du Conseil privé, conseiller juridique et coordonnateur de la sécurité et du renseignement, qui relève du ministre pour ce qui est des politiques et des activités opérationnelles du CST, et le sous-ministre de la Défense nationale, qui relève du ministre pour ce qui est des questions administratives touchant le CST.
Voici un mot sur les ressources du CST. Le CST dispose d'un budget d'environ 106 millions de dollars et d'un effectif de près de 1 000 personnes. Comme vous le savez, dans le cadre des efforts menés par le gouvernement pour contrer le terrorisme, le CST a obtenu pour l'année financière en cours un montant unique de 37 millions de dollars afin de financer de manière adéquate sa contribution à la lutte antiterroriste.
En ce qui concerne les partenariats, le CST a formé des alliances étroites avec d'autres organisations du gouvernement du Canada, notamment le SCRS, la GRC, le Groupe des opérations d'information des Forces canadiennes et le Bureau de la protection des infrastructures essentielles et de la protection civile.
Le CST travaille aussi en collaboration étroite avec des partenaires internationaux, soit les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Cet arrangement est, sans conteste, à l'avantage du Canada, car nous recevons considérablement plus de ce bassin collectif de renseignements que nous y contribuons.
[Traduction]
Abordons maintenant de façon un peu plus détaillée les programmes de renseignement étranger et de sécurité des technologies de l'information du CST. Commençons par le renseignement étranger.
Le CST recueille du renseignement étranger en ciblant des entités étrangères qui se trouvent à l'extérieur du Canada. Il peut s'agir d'individus, d'organisations, d'États, mais jamais de Canadiens. Nous ne ciblons jamais des Canadiens. Les activités de collecte de renseignements du CST ne visent aucune personne se trouvant au Canada, ni aucun Canadien à l'étranger.
Le gouvernement utilise le renseignement étranger que produit le CST pour mieux comprendre le monde très complexe dans lequel nous vivons. Le produit du CST, en l'occurrence ses rapports de renseignement, aide le gouvernement à prendre des décisions éclairées; il contribue à l'élaboration de notre politique étrangère et il facilite la protection du pays et de ses citoyens. Comme vous pouvez l'imaginer, les besoins du gouvernement en matière de renseignement ont changé radicalement depuis la fin de la guerre froide. Ils viennent de changer encore une fois, depuis les attaques du 11 septembre. Le terrorisme est maintenant notre priorité absolue en matière de renseignement.
• 1540
Nous avons affaire, en même temps, à des transformations
profondes du secteur des technologies de communications. Il suffit
de prendre conscience des moyens de communications dont nous
disposons nous-mêmes pour apprécier l'importance des changements
dans ce secteur. Mettre une lettre à la poste ou utiliser un
téléphone payant sont, pour bon nombre d'entre nous, choses du
passé. Ces moyens ont été remplacés par l'Internet et les
technologies sans fil, tel que les téléphones cellulaires et les
appareils blackberry. Une connaissance de pointe de
l'infrastructure mondiale d'information demeure la force première
du CST. Comme vous pouvez sûrement l'imaginer, maintenir une telle
connaissance n'est pas chose facile. En effet, dans l'environnement
actuel des communications, tout peut être partout. Maîtriser le
secteur dynamique des technologies de l'information est sans doute
le plus grand défi que le CST ait eu à relever jusqu'ici.
Dans cet environnement complexe, le cadre juridique qui régit actuellement le CST restreint sa capacité à contrer la menace transnationale posée par le terrorisme. Le projet de loi C-36, actuellement à l'étude par le Parlement, vise donc à assurer que le CST dispose des outils dont il a besoin pour résoudre les problèmes d'aujourd'hui. Permettez-moi de m'expliquer.
Le CST cible uniquement les entités étrangères situées à l'extérieur du Canada. C'est un point très important à comprendre. Nous ciblons uniquement ces entités étrangères. C'est ce que le présent régime juridique autorise et c'est ce qu'autorisera également le cadre juridique modifié proposé dans le projet de loi C-36. En vertu de ses pouvoirs actuels, le CST ne peut recueillir les communications de deux entités étrangères que lorsqu'elles sont toutes deux situées à l'extérieur du Canada. Cependant, si une cible étrangère située à l'extérieur du Canada, comme une organisation terroriste, communique avec quelqu'un au Canada, la loi interdit au CST d'intercepter cette communication. En effet, en vertu du Code criminel, une communication privée commence ou se termine au Canada. L'identité de l'un ou l'autre des interlocuteurs ou les moyens utilisés pour communiquer sont sans aucune importance. Si la communication est en provenance ou à destination du Canada, le CST ne peut pas l'intercepter. La citoyenneté n'entre donc pas en jeu ici. C'est le lieu géographique qui importe.
En vertu du cadre juridique actuel, si un terroriste en Afghanistan communique avec quelqu'un au Pakistan, le CST peut intercepter la communication. Si, toutefois, le même terrorisme communique avec quelqu'un à Toronto, la loi interdit alors au CST d'intercepter la communication. Soyons clairs. En vertu du nouveau régime, le CST ne serait pas utilisé pour cibler les communications d'une personne située au Canada. Il n'est pas autorisé à le faire en vertu des lois actuelles, et ne le sera pas davantage en vertu de la nouvelle mesure législative. Toutefois, si le terroriste en Afghanistan communiquait avec quelqu'un au Canada, en vertu de la nouvelle loi, le CST serait autorisé à intercepter cette communication.
Ce pouvoir est essentiel pour la lutte contre le terrorisme, car une telle conversation pourrait être le premier indice que des terroristes ont des liens avec le Canada. Les restrictions actuelles limitent considérablement la capacité du Canada en matière de renseignements. Seul le Canada, parmi les pays alliés, se trouve dans cette situation. Nos partenaires clés, les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie et la Nouvelle-Zélande ont déjà des cadres juridiques en place qui leur permettent de recueillir ce genre de renseignement. De par cette capacité de faire ce que les autres ont le droit de faire, nous devenons le maillon faible au sein de la collectivité du renseignement en ce qui a trait aux efforts déployés pour contrer le terrorisme.
Le projet de loi C-36 prévoit donc une modification qui comblera cette lacune. Le CST continuera de viser uniquement les communications d'entités étrangères situées à l'extérieur du Canada. La modification précise très clairement que le CST, dans le cadre de ses activités de collecte, ne sera pas autorisé à viser des Canadiens et des Canadiennes ou toute personne au Canada. Cependant, moyennant l'autorisation écrite du ministre et le respect de règles très strictes, le CST aura le droit d'intercepter les communications d'une cible étrangère légitime qui communique avec quelqu'un au Canada. Cette modification permettra donc d'améliorer considérablement les capacités du CST à recueillir du renseignement sur le terrorisme.
[Français]
Le deuxième volet du mandat du CST porte sur la protection des infrastructures d'information électroniques du gouvernement.
Tout comme dans le cadre de ses activités en matière de renseignement étranger, les restrictions imposées au CST dans le cadre de ce deuxième volet sont également importantes.
Actuellement, il ne peut pas surveiller les données techniques transmises au moyen des systèmes et des réseaux informatiques du gouvernement auxquels sont branchés les Canadiens et les Canadiennes. Une telle surveillance est pourtant essentielle pour évaluer les vulnérabilités existantes des réseaux.
• 1545
Les modifications proposées autoriseraient le CST à
effectuer une surveillance plus efficace des systèmes
et réseaux du gouvernement.
L'importance de ce rôle
ne fera que s'accroître au fur et à mesure que le
gouvernement offrira ses services par
Internet dans le cadre de son initiative du
Gouvernement en direct.
[Traduction]
Chaque fois qu'il est question d'intercepter des communications, il faut garantir d'abord et avant tout la protection de la vie privée des Canadiens et des Canadiennes. Le mode de fonctionnement actuel du CST reflète d'ailleurs l'importance accordée à cette priorité absolue et, pour s'assurer qu'il en est toujours ainsi, le CST mène ses activités dans le cadre de ces régimes très efficaces de surveillance et d'examen. Comme je l'ai dit plus tôt, nous devons rendre compte à deux sous-ministres, à un ministre, et sommes donc, par ce fait même, soumis à des directives et à une supervision politique. En outre, des représentants du ministère de la Justice examine les activités planifiées par le CST avant qu'elles ne soient mises en oeuvre, afin de s'assurer qu'elles ne contreviennent à aucune loi.
En 1996, le gouvernement a nommé M. Claude Bisson, ancien juge en chef de la Cour d'appel du Québec, comme commissaire du CST. Il a pour mandat d'examiner les activités du CST afin de déterminer si elles sont menées conformément à la loi. Les cinq rapports annuels du commissaire ont conclu que les activités du CST sont pleinement conformes à la loi.
Le CST est également assujetti à des examens par le commissaire à la protection de la vie privée, qui, dans une vérification de 1996, a conclu que les activités du CST sont totalement conformes à la Loi sur la protection des renseignements personnels.
Les mesures de protection qui accompagnent les nouveaux pouvoirs proposés ont pour objet d'assurer que la protection de la vie privée des Canadiens demeure une priorité absolue. Le ministre doit être convaincu que des règles strictes sont observées avant d'autoriser l'interception des communications en provenance ou à destination du Canada. Ces règles sont énoncées dans la loi elle-même et exigent entre autres qu'aucun renseignement ne soit utilisé ou conservé à moins que des mesures adéquates ne soient mises en place pour assurer la protection de la vie privée des Canadiens. Outre les nouveaux pouvoirs du CST, le mandat du commissaire du CST a été défini par la loi et élargi de manière à inclure l'examen des activités menées en vertu d'une autorisation ministérielle.
[Français]
J'ai essayé de vous donner un aperçu du travail que l'organisme que je dirige accomplit. Vous comprenez sans doute que je ne peux pas vous donner de précisions sur les moyens qu'il utilise pour l'accomplir.
Je tiens à insister sur le fait que, depuis les événements du 11 septembre, le CST vise à améliorer ses capacités liées à la lutte antiterroriste.
[Traduction]
J'ai traité assez longuement des modifications apportées à la Loi sur la défense nationale dans le projet de loi C-36 parce que les capacités renforcées attribuées au CST en vertu de ces modifications seront très importantes pour nos efforts de lutte contre le terrorisme. Les pouvoirs du CST seront alignés sur ceux de nos alliés les plus proches et leur montreront que nous sommes résolus à jouer un rôle actif et valable dans le cadre de l'alliance étroite conclue avec eux.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Coulter.
Au nom de tous les membres présents du comité, je tiens à vous remercier de votre exposé; il était très intéressant.
Monsieur Benoit, vous disposez de sept minutes.
M. Leon Benoit (Lakeland, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président. Bonjour et bienvenue à tous.
Monsieur Coulter, pendant toute votre présentation, vous vous êtes donné beaucoup de mal pour dire que vous ne ciblez pas les Canadiens. Pourtant, à la page 5, vous dites:
-
En vertu du nouveau régime, le CST ne serait pas autorisé à cibler
les communications d'une personne située au Canada [...] Toutefois,
si le terroriste en Afghanistan communiquait avec quelqu'un au
Canada, en vertu de la nouvelle loi, le CST serait autorisé à
intercepter cette communication.
Donc, après avoir longuement insisté sur le fait que vous ne ciblez pas les Canadiens, vous dites qu'en vertu de la nouvelle loi, dans la pratique, vous pourriez le faire. La question de la citoyenneté ne jouerait pas; le facteur essentiel c'est qu'il s'agirait d'un terroriste d'un autre pays qui communiquerait avec quelqu'un au Canada. Considérez-vous que cela constituerait un changement très important du mandat du CST?
M. Keith Coulter: Je me permets de vous faire observer que si j'ai utilisé le mot cibler, c'est parce que nous visons quelque chose. Nous visons une entité étrangère située à l'étranger, et rien d'autre. Nous essayons de découvrir le contenu de ces communications et l'identité de ces correspondants. Franchement, il n'est pas facile de parvenir à repérer tous les maillons des réseaux terroristes à l'étranger, mais c'est ce que nous essayons de faire.
M. Leon Benoit: Mais bien entendu, comme vous l'avez dit dans votre exposé, vous pouvez intercepter une communication entre un terroriste à l'étranger et quelqu'un au Canada.
M. Keith Coulter: En effet, mais il ne s'agit plus alors de chercher une cible. Si je peux m'exprimer ainsi, nos antennes sont braquées sur l'entité qui se trouve à l'étranger, et il s'agit donc de la communication avec cette entité en provenance ou à destination du Canada.
M. Leon Benoit: Mais cela ne constitue-t-il pas un changement profond de votre mandat?
M. Keith Coulter: Le mandat ne change pas. Nous continuons à recueillir du renseignement étranger, ce qui a toujours été notre mandat. Le mandat du CST peut donc s'inscrire dans la nouvelle loi sans aucun changement. Les nouvelles dispositions législatives nous donnent accès à un domaine de la collecte de renseignements auquel nous n'avions pas accès auparavant. Le volume du renseignement ainsi recueilli serait très réduit, mais extrêmement important, car il nous permettrait de beaucoup mieux comprendre les liens éventuels entre le terrorisme et le Canada.
M. Leon Benoit: Je ne dis pas que ce n'est pas une bonne chose, au contraire; je comprends pourquoi une telle activité est nécessaire, et je suis totalement d'accord pour qu'on l'exerce. Ce qui m'inquiète, c'est qu'à mon avis, les nouvelles dispositions vont modifier les activités de votre organisation en ce qui concerne la protection de la vie privée des Canadiens et c'est la raison pour laquelle le mécanisme d'examen prévu ne m'apparaît pas suffisant. Cet examen est effectué par le ministre; or, voici ce qu'il a dit au Comité de la justice, la semaine dernière. Il a déclaré que c'est le ministre, le commissaire à l'information et le commissaire à la protection de la vie privée qui, soit dit en passant, ont actuellement les mains liées: si le solliciteur général le veut, il peut leur refuser l'accès à toute cette information. Le projet de loi ne dit d'ailleurs pas qu'un ancien juge sera nommé comme commissaire du CST, mais qu'il pourrait l'être. Voilà donc le genre de mécanisme d'examen que la nouvelle loi mettra en place.
Le SCRS, notre service du renseignement canadien, a le CSARS qui suit de très près ses activités. Pourquoi ne créerions-nous pas un organisme semblable afin que le CST soit assujetti à un mécanisme approprié de surveillance et de reddition de compte?
M. Keith Coulter: Me plaçant du point de vue du CST, tout ce que je peux me permettre de dire c'est que nous accepterons toute forme de supervision que le gouvernement du Canada décidera de nous imposer. J'ajouterai cependant qu'avec le mécanisme actuel de supervision politique, je me sens absolument tenu de rendre des comptes. Les avocats du ministère de la Justice scrutent tout ce que nous faisons; le commissaire, non seulement dans le cadre du processus actuel d'examen, mais du fait des mesures prévues par la loi, est tenu d'examiner toutes nos activités en ce qui a trait aux autorisations qui seraient données et de renforcer les moyens dont dispose son bureau pour le faire. Tout cela est prévu dans la loi, y compris l'aide juridique, l'aide technique et toute autre forme d'aide dont il pourrait avoir besoin. Ajoutons à cela l'examen externe. Cela fait tout de même beaucoup de choses et j'estime que nous sommes soumis à un régime assez strict de responsabilisation, mais si le gouvernement jugeait approprié de nous soumettre à un certain type de processus de supervision, nous l'accepterions sans discussion.
M. Leon Benoit: Je ne pense pas qu'il existe une seule agence de sécurité ou agence de renseignement qui aimerait être soumise à une supervision plus étroite du gouvernement.
À mon avis, tous ces organismes d'examen soi-disant minutieux existant actuellement ont des liens trop étroits entre eux. Le ministre et le gouvernement pourraient les contrôler si facilement qu'ils ne sont certainement pas capables de jouer un rôle d'examen et de responsabilisation aussi rigoureux que cela nous paraît approprié. Je le répète, un organisme tel que le CSARS conviendrait beaucoup mieux. Je sais bien que vous ne pouvez pas lui dire à quel genre d'examen vous estimez que votre propre organisme devrait être soumis, mais n'êtes-vous pas d'accord avec moi pour dire qu'il y a des changements importants dans ce que votre organisation est autorisée à faire, puisque maintenant, les citoyens canadiens peuvent être beaucoup plus touchés par le renseignement que vous recueillez.
M. Keith Coulter: Les seuls Canadiens qui seraient touchés par le renseignement que nous recueillons seraient les personnes sur lesquelles nous aurions des informations et qui répondraient à la norme décrite dans la loi concernant ce qui est indispensable à la sécurité et à la défense nationale, ainsi qu'aux affaires internationales. Ce que je vais dire est peut-être simpliste, mais l'ingérence dans la vie privée des terroristes au Canada serait plus importante qu'elle ne l'est actuellement, mais cela ne change rien pour les Canadiens ordinaires.
M. Leon Benoit: Rappelons cependant que l'on déciderait que ces personnes sont des terroristes sans devoir pour cela s'appuyer sur un processus judiciaire ou autre. Je reconnais que vous avez besoin de beaucoup de latitude, mais je pense aussi qu'un mécanisme d'examen minutieux s'impose. Ce que j'essaie donc de déterminer, c'est l'importance de ce changement et son effet sur un nombre même réduit de Canadiens ou de personnes se trouvant dans notre pays.
Le président: Monsieur Coulter, il va falloir que vous attendiez la prochaine ronde de questions pour répondre à M. Benoit, car il a épuisé le temps dont il disposait.
Monsieur Bachand.
[Français]
M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Merci, monsieur le président.
Monsieur Coulter, je vous ai envoyé cet après-midi—je ne sais pas si vous l'avez vue—une lettre officielle vous demandant de me faire visiter le CST, ce qui m'intéresse toujours. J'espère que vous allez répondre rapidement à ma demande, parce que je suis très intéressé à aller visiter votre centre.
M. Keith Coulter: Je peux vous donner une réponse tout de suite. La réponse est oui.
M. Claude Bachand: Très bien.
M. Keith Coulter: Mais nous sommes maintenant très occupés, comme vous le savez, et il faudra choisir une date qui vous convienne et qui nous convienne aussi.
M. Claude Bachand: C'est bien. Je vous remercie beaucoup.
[Traduction]
Le président: Monsieur Coulter, peut-être cette invitation pourrait-elle s'adresser à l'ensemble du comité.
M. Keith Coulter: Je me suis engagé devant le Comité de la justice à examiner le genre de programme, monsieur le président, qui aurait un sens pour les parlementaires. Nous avons bien l'intention, dès que nous aurons retrouvé notre second souffle—j'ai des collaborateurs qui n'ont même pas eu une demi-journée de congé depuis le 11 septembre, comme le comité le comprendra certainement—d'organiser un programme à l'intention des parlementaires intéressés. Nous vous accueillerions à bras ouverts. Nous sommes fiers de ce que nous faisons. Nous ne pouvons pas tenir des séances d'information sur chaque menu détail de nos activités, mais je crois que nous pourrions mettre sur pied le genre de programme qui intéresserait bon nombre de parlementaires.
Le président: Monsieur Bachand, ce ne sera pas déduit du temps dont vous disposez.
[Français]
M. Claude Bachand: Merci beaucoup. J'espère que dans le préambule de votre kit, vous direz que c'est à l'initiative du Bloc québécois que la démarche a été entreprise.
Je reviens à votre présentation, monsieur Coulter. Vous pouvez intercepter des communications électroniques entre des pays terroristes, mais il y a de plus en plus de gens qui disent que vous allez dorénavant pouvoir en intercepter aussi au Canada et qui ne sont pas d'accord sur cela. Ils disent que la vie privée des Canadiens ne sera plus respectée.
Je m'interrogeais là-dessus cette semaine. Je ne sais pas si vous allez nous le dire pendant notre visite. Vous dites que vous avez actuellement le mandat d'intercepter des correspondances ou des communications entre deux pays. Est-ce qu'il y a une liste de pays terroristes sur lesquels vous vous concentrez? J'imagine que cela ne vous donne rien d'écouter ce qui se passe entre la Grande-Bretagne et la France. Pouvez-vous répondre à cette question en premier lieu? Est-ce qu'il y a actuellement une liste de pays qui sont ciblés pour l'écoute électronique?
[Traduction]
M. Keith Coulter: Oui. Nous avons un processus d'établissement des priorités dans le domaine du renseignement que nous examinons chaque année et que nous mettons à jour de temps à autre. Le 11 septembre nous a obligés à effectuer une révision radicale et très rapide de nos priorités et à accorder au terrorisme une importance si grande par rapport à tout le reste qu'il ne fait aucun doute que c'est notre première priorité. Il est évident que nous ne pouvons pas rendre publics les résultats d'un tel processus, puisqu'il s'agit des cibles que nous choisissons et de ce que nous faisons, mais cela fait intervenir un processus interministériel très structuré.
• 1600
On nous fait trop de suggestions pour que nous puissions tenir
compte de toutes, car les gens veulent des informations sur des
choses très diverses. Le monde qui existe au-delà de nos frontières
est extrêmement complexe. Il est difficile de comprendre ce qui se
passe, ce qui est important, et ce qui est réel. Nous essayons donc
de faire un tri entre toutes les exigences des ministères clients
et de fixer des priorités en matière de renseignement grâce à un
processus interministériel; ces priorités sont ensuite présentées
au ministre et à un comité interministériel sur la sécurité et le
renseignement, présidé par le premier ministre. Nous respectons
ensuite les priorités fixées chaque année.
[Français]
M. Claude Bachand: D'accord. Je comprends que vous ne puissiez pas me dévoiler la liste de pays.
Je vais maintenant vous poser une question pour laquelle vous allez avoir besoin de votre collègue des services juridiques. Je vois que vous avez fait asseoir l'avocat, M. Akman, à côté de vous. J'imagine qu'il va pouvoir vous aider.
Vous dites que ce n'est pas une question de citoyenneté, que c'est le lieu géographique qui importe. C'est la question qui me tracassait cette semaine et que je voulais vous poser. J'espère que vous allez pouvoir me répondre. Quand un pays est sur votre liste, est-ce que cela inclut l'ambassade de ce pays ici, au Canada?
[Traduction]
M. Keith Coulter: Je dois répondre pour mon organisation et vous dire que c'est là notre tâche. Le recueil de renseignement étranger est notre fonction et nous regardons donc toujours au-delà de nos frontières. Nous parlons ici de l'autorisation très spécifique de suivre une communication de l'extérieur à destination du Canada. S'il s'agit d'une organisation terroriste, c'est une question tout à fait distincte; je le répète, notre travail est de regarder ce qui se passe à l'extérieur.
[Français]
M. Claude Bachand: Oui, mais...
M. Keith Coulter: Est-ce que je peux continuer?
[Traduction]
Nous ne sommes pas le seul organisme de ce genre au Canada. Si vous vous reportez à la Loi sur le SCRS, vous verrez à l'article 16 que le SCRS a des responsabilités liées à la collecte de renseignement étranger au Canada. C'est donc une autre organisation qui devrait parler de ces questions. Vous avez quelque chose à dire, David?
M. David Akman (directeur, Services juridiques, ministère de la Défense nationale): Je crois que j'ai la réponse à votre question: les ambassades au Canada ne sont pas considérées comme des organismes étrangers aux fins de cette loi. Nous parlons de la situation géographique dans le pays, de tout ce qui se trouve dans celui-ci. Nous n'avons pas autorité pour faire quoi que ce soit au Canada.
[Français]
M. Claude Bachand: Oui, mais vu ma conception de l'aire géographique, j'ai toujours considéré que, lorsque j'étais invité à dîner à l'ambassade des États-Unis, j'étais aux États-Unis. Si j'étais invité à l'ambassade de la Syrie pour dîner ou souper, j'étais en terre syrienne. Est-ce que je me trompe? Vous ne partagez pas ma définition d'une ambassade?
[Traduction]
M. Keith Coulter: L'interdiction qui nous est faite d'intercepter les communications est imposée par l'article 184 du Code criminel, et les définitions sont données dans l'article 183. La définition d'une communication privée s'applique à tout ce qui se trouve au Canada, personne ou organisme, qu'il s'agisse d'une ambassade, de la résidence d'un étranger, d'une chambre d'hôtel occupé par un étranger, de tout ce qui est hors limite au Canada. Seul le SCRS peut recueillir du renseignement au Canada sur des étrangers ou toute autre chose. Ce n'est pas notre rôle, ce n'est pas ce que nous faisons, cela ne fait partie ni de nos préoccupations ni de nos activités.
Le président: Merci, monsieur Bachand.
Monsieur Wilfert, vous disposez de sept minutes.
M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Merci, monsieur le président.
Par votre intermédiaire, la première difficulté est, manifestement, pour le gouvernement et pour les Canadiens d'établir un équilibre entre les libertés dont nous jouissons en tant que Canadiens et la sécurité. Vous avez dit que depuis le 11 septembre, le terrorisme est devenu votre priorité absolue. Ce que je voudrais savoir c'est la place qu'il occupait dans l'ordre des urgences avant le 11 septembre, étant donné que le terrorisme international existe depuis au moins deux siècles, et que nous avons été témoins d'une escalade des activités des États terroristes identifiés par nous, que ce soit l'Iran, l'Iraq, la Syrie ou la Libye? Nous savons qu'il y a au Canada des activités terroristes, des cellules terroristes, ou des sympathisants des terroristes. Il semble pourtant que le 11 septembre, la communauté du renseignement toute entière, en particulier aux États-Unis, a été totalement prise au dépourvu par ce qui s'est passé.
• 1605
Je voudrais donc d'abord que vous nous expliquez ou que vous
nous fournissiez plus de détails sur ce qui se passait avant cette
date puisque vous dites que le terrorisme est maintenant devenu une
première priorité. Lorsque vous parlez de renforcement de la
collecte de renseignement, en quoi cela consiste-t-il exactement?
Je suis certain qu'avant le 11 septembre, la plupart des Canadiens
n'avaient jamais entendu parler de votre organisation—c'est
d'ailleurs peut-être une bonne chose. Par contre, je crois que les
Canadiens sont aujourd'hui beaucoup plus intéressés par ce que vous
faites. Voilà donc ma première question.
M. Keith Coulter: Le changement de vitesse effectué a été important. Le terrorisme était une de nos priorités. Cela dépend de la manière dont vous jaugez l'effort déployé. Nous disposons d'un nombre limité de personnes, d'un nombre limité d'ordinateurs, d'un nombre limité de diverses ressources que nous pouvons consacrer à diverses activités, sans compter qu'il y a des priorités concurrentes.
J'aime toujours regarder vers l'avenir. Le 11 septembre a été un moment extrêmement important pour l'Amérique du Nord, pour le monde tout entier, et cette catastrophe a clairement rappelé au milieu du renseignement ce qu'il devait faire à l'égard de ses priorités immédiates et à long terme. Dans un événement de ce genre, la priorité immédiate est de concentrer les ressources de notre système sur le problème. J'estime, à ce propos, que nous avons fait énormément de choses au cours des jours qui ont suivi et qu'au lieu de regarder en arrière en nous demandant ce qui aurait pu être et quel genre d'efforts auraient permis d'empêcher ce qui s'est produit le 11 septembre, nous nous sommes tournés vers l'avenir. Nous savions qu'il nous faudrait produire des informations et des renseignements qui aideraient le gouvernement du Canada à comprendre ce qui s'est passé et ce qu'il devait faire. C'est ce qui a été notre objectif depuis le 11 septembre et nous en avons fait notre première priorité.
Je crois que nous allons avoir besoin de stratégies à long terme. Franchement, je crois que tous les membres de mon organisation, sans exception, sont convaincus que cela va être une tâche de longue haleine. Ce n'est pas le genre de situation dans laquelle il suffit de recueillir un peu de renseignement et d'envoyer le personnel approprié aux endroits appropriés pour régler la question. Comme le dit mon homologue américain, il ne s'agit pas d'une crise, mais d'une campagne, d'une entreprise à long terme. Nous nous sommes engagés dans cette entreprise qui a des répercussions sur le plan des pouvoirs dont nous avons besoin, le plus important étant ce que nous présentons dans le projet de loi.
Il y a aussi des priorités en matière de partenariat. Il faut que nous fassions le point avec tous nos partenaires de manière à faire correctement ce qu'on attend de nous. Il faut donc nous entendre avec la GRC, avec le SCRS, avec d'autres groupes à Ottawa, ainsi qu'avec nos partenaires à l'étranger. Il nous faudra mettre en place les ressources nécessaires, et nous nous y employons. Nous avons déjà entamé des discussions pour obtenir les ressources à long terme dont on aura besoin pour entreprendre une campagne antiterroriste efficace.
Je sais que cela donne un peu une impression d'éparpillement, mais dans l'immédiat, nous avons voulu nous concentrer exclusivement sur le problème, et maintenant nous nous préparons pour le long terme.
M. Bryon Wilfert: Je sais bien que lorsque vous êtes au volant, vous ne tenez pas à être toujours obligé de regarder dans votre rétroviseur, mais comme nous le savons, ceux qui n'ont pas su tirer des leçons de l'histoire sont condamnés à commettre les mêmes erreurs. Le terrorisme international semble avoir été si souvent marqué par des mouvements de flux et de reflux. Même dernièrement, lors des attentats à la bombe entre les ambassades américaines en Tanzanie et au Kenya en 1998-1999, la réaction a été immédiate, comme cela a encore été le cas lors de l'attentat au Yémen. Pourtant, nous semblons nous être encore une fois laissés bercer par un sentiment de fausse sécurité. Je crois qu'il est important, qu'il ne s'agisse de notre communauté du renseignement ou de celle de nos alliés, de demander pourquoi de telles lacunes existaient. Si vous ne savez pas ce qu'est le problème, il est bien difficile de le résoudre. Il est clair que selon vous, en vertu du projet de loi C-36—et je suis d'accord—un des outils décrits nous aidera à combler la lacune qui, vous l'avez dit n'existe pas chez nos alliés, ce qui est important.
• 1610
En ce qui concerne le travail que vous faites, des ressources
dont vous disposez, celles dont vous dites avoir besoin, comment
évaluez-vous la situation de manière à savoir ce dont nous avons
besoin pour aller de l'avant, pour être certain que nous mettons
les éléments appropriés en place, de manière à ce que la situation
ne se répète pas? Certains craignent en effet que cela ne se
reproduise, éventuellement sous d'autres formes. Je comprends fort
bien qu'il est très difficile de faire face à des terroristes qui
ne respectent pas les règles du jeu. Nous essayons de jouer un jeu
civilisé dans une atmosphère qui est très loin de l'être.
Le président: Monsieur Coulter.
M. Keith Coulter: J'accepte volontiers ce que vous venez de dire. Nous nous sommes attaqués au problème. Aucun organisme de renseignement au monde ne détient la solution parfaite au problème. Nous avançons pas à pas, en suivant un processus répétitif, et nous apprenons en chemin. Nous découvrons beaucoup de choses sur ce que nous aurions pu faire avant le 11 septembre, et nous apprenons aussi comment nous pouvons mieux faire et ce que nous devons faire maintenant.
Bien entendu, bien des livres seront écrits sur ce sujet—il y a eu deux fois plus de victimes sur le sol américain qu'à Pearl Harbour. Bien des ouvrages sont déjà en cours de rédaction. Les gens continueront à regarder dans leur rétroviseur, mais mon organisation et moi-même ne pouvons pas nous permettre d'en faire autant. Nous travaillons d'arrache-pied pour trouver des solutions viables. Tout cela est en partie lié à ce qui ne s'était pas produit avant le 11 septembre—c'est inévitable. En découvrant aujourd'hui des idées nouvelles et de nouvelles façons d'agir, nous nous rendons tout à coup compte que nous aurions aussi bien pu le faire il y a un an, par exemple.
Le président: Merci, monsieur Wilfert. Merci, monsieur Coulter.
Monsieur Stoffer.
M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Merci, monsieur le président.
Vous nous avez dit que vous aviez environ 1 000 employés. Vous avez un budget de 100 à 106 millions de dollars environ avec un complément de 37 millions de dollars. Cela signifie qu'environ 45 p. 100 de votre budget est consacré aux salaires. Avez-vous suffisamment d'argent pour faire un travail que vous jugez efficace? Je sais que tous les ministères disent qu'ils pourraient utiliser plus de ressources, mais pour assurer la sécurité de notre société que les Canadiens réclament, disposez-vous actuellement des ressources nécessaires pour bien faire votre travail?
M. Keith Coulter: Nous sommes parvenus à nous maintenir à flot, ces dernières années, mais nos ressources n'ont pas été sensiblement augmentées, elles sont demeurées assez constantes. Nous voudrions en avoir plus. Nous nous considérons comme une organisation qui essaie de faire tâche utile, et nous voudrions obtenir des ressources qui nous permettraient d'en faire plus.
Au fur et à mesure que nous avancerons sur la question du terrorisme, nous soumettrons—la question a déjà été présentée au niveau bureaucratique, elle passera bientôt au niveau politique—qu'il faudra des fonds. Nous verrons jusqu'où cela pourra aller. Plusieurs questions très pressantes se posent. Certaines organisations avec lesquelles nous travaillons en étroite collaboration, y compris le SCRS, se trouvent dans la même situation: pour obtenir un meilleur rendement, il leur faut davantage de ressources. Je crois que tout commence à tomber en place. Dans la mesure du possible, j'insisterai pour obtenir des ressources pour certains secteurs et, sans aucun doute, on m'écoutera sérieusement dans tous les forums de prise de décision.
M. Peter Stoffer: Monsieur, vous indiquez également dans votre rapport que l'objet du CST n'est pas de cibler les citoyens canadiens ni les résidents permanents à l'intérieur des frontières du Canada. Que se produit-il, mettons, dans un cas comme celui que le solliciteur général a appelé le passager clandestin du conteneur? Que se passerait-il si cette personne se retrouvait sur les côtes du Canada et que vous sachiez qu'il s'agit d'un étranger entré illégalement au pays et qui communiquait grâce à la technologie qu'il aurait eu à sa disposition, c'est-à-dire un portable, un téléphone cellulaire, etc.? Si vous appreniez ces renseignements, pourriez-vous les utiliser ou devriez-vous les communiquer à un autre organisme?
M. Keith Coulter: Par définition, quiconque se trouve au Canada est traité sur un pied d'égalité avec les autres citoyens du pays. Nous ne pouvons cibler leurs communications. Ainsi, même si nous savions, comme dans votre exemple, que quelqu'un vient tout juste d'entrer dans notre zone territoriale de 12 milles, le renseignement serait communiqué à d'autres organismes, par exemple la GRC ou le SCRS, selon les circonstances. Nous ne chercherions pas à en apprendre davantage sur les communications de cette personne.
M. Peter Stoffer: Nous avons la GRC, nous avons les Forces armées, nous avons votre organisation, nous avons le SCRS et nous avons tous ces ministères. Ma question est la suivante: Quel est le lien qui unit tous ces organismes? Si le passager clandestin se retrouvait sur nos côtes et que vous le sachiez, transmettriez-vous cette information et cela se ferait-il en douceur? Comme l'a dit M. Wilfert, il semble, du moins du point de vue des médias, que malgré les services de renseignement les plus perfectionnés au monde, les États-Unis aient été complètement pris au dépourvu. Ils disposent de l'équipement le plus récent, des personnes les mieux formées, ils ont conclu des alliances avec Israël, la France, un peu partout à travers le monde et, pourtant, ils ont été pris au dépourvu.
C'est pourquoi je m'informe. Il semble que le service du renseignement soit un peu embourbé dans la bureaucratie. La situation sera-t-elle corrigée de manière qu'il y ait une transition imperceptible permettant à l'information de passer d'un ministère à l'autre beaucoup plus rapidement qu'aujourd'hui, afin de convaincre les Canadiens que leurs impôts sont bien utilisés et que des organismes comme le vôtre disposent des ressources nécessaires pour faire leur travail et faire en sorte que l'information se rende rapidement à destination et permette de faire les arrestations appropriées ou d'intervenir de manière pertinente?
M. Keith Coulter: Je vous dirais oui. Nous fournissons des renseignements étrangers à ces organismes. S'il y avait une menace à l'endroit du Canada et que nous puissions la voir venir, nous fournirions les renseignements à ces organismes. Ces organismes agiraient conformément à leur mandat. Notre travail quotidien consiste à regarder hors des frontières du pays et à interpréter ce qui s'y passe, à tenter de prévoir. Une partie de ce travail consiste à prévoir les choses qui pourraient être dirigées vers nous et, le cas échéant, ces renseignements sont automatiquement fournis aux agences pertinentes.
Barb, avez-vous quelque chose à ajouter à ce sujet pour le moment?
M. Peter Stoffer: Il vous pose la question.
M. Keith Coulter: Oui, je vous ai mis sur la sellette.
Mme Barbara Gibbons (directrice générale, Services centraux, ministère de la Défense nationale): Et cela m'a réveillée.
Vous nous avez entendu dire que nous ne ciblons que ce qui se passe à l'extérieur du pays. Actuellement, si cette personne se trouvait à l'intérieur des frontières du Canada, nous n'obtiendrons jamais ce renseignement. Et c'est là le problème. Il y a des mesures qui nous empêchent d'intercepter ce genre d'information. C'est exactement la raison pour laquelle nous demandons l'adoption de modifications à la loi.
M. Peter Stoffer: D'accord. J'essaie simplement d'imaginer le scénario suivant: une personne est à bord d'un conteneur embarqué sur un bateau qui se trouve à 300 milles des côtes du Canada. Vous l'apprenez. Une semaine plus tard, cette personne se retrouve dans le port de Halifax. Vous nous dites que vous cesserez de fournir des renseignements?
Mme Barbara Gibbons: Non. Si nous apprenons que cette personne se trouve à 300 milles des côtes, nous en informerons les autorités compétentes au pays.
M. Peter Stoffer: D'accord. Très bien.
M. David Akman: Pour clarifier les choses je précise que nous examinons les renseignements étrangers et si nous savons qu'un étranger cherchera à passer la frontière, nous en informerons l'organisme d'application de la loi ou l'organisme du renseignement de sécurité approprié.
M. Peter Stoffer: Cela me semble assez continu, n'est-ce pas?
M. David Akman: Si nous devons le faire, oui.
Le président: Monsieur Stoffer, votre temps est écoulé.
Madame Wayne, vous disposez de sept minutes.
Mme Elsie Wayne (Saint John, PC/RD): Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Coulter, vous avez dit dans votre exposé que vous travaillez avec le SCRS, la GRC, les Affaires étrangères et Citoyenneté et Immigration. Selon les renseignements que nous avons reçus en 1999, le SCRS était au courant qu'il y avait 350 groupes terroristes au Canada. Ces groupes terroristes étaient constitués d'étrangers. Le service a-t-il traité avec vous à ce moment-là? Travaillez-vous avec le SCRS et avec la GRC et avec d'autres organismes concernant ces groupes? Et pourquoi n'avons-nous rien fait à leur sujet?
M. Keith Coulter: Le SCRS est l'organisme directeur pour ces situations. Nous l'aidons en lui fournissant des renseignements extérieurs. Il y a une foule de choses qui tombent sous les communications étrangères et que nous sommes en mesure de comprendre et de fournir comme renseignement de base au SCRS, ce qui l'aide à faire son travail. Ces 350 groupes terroristes au Canada constituent une part considérable de leur travail. Mais nous pourrons les aider beaucoup mieux grâce aux pouvoirs que nous cherchons à obtenir grâce à cette législation. Plutôt que de nous contenter d'écouter les communications terroristes à l'étranger, nous serions en mesure de les écouter au Canada, d'établir le lien. Actuellement, comme vous l'a dit Barb, nous ne pouvons le faire si nous voulons respecter les lois du Canada. Grâce à cette législation, nous serions en mesure de fournir de meilleurs renseignements au SCRS au sujet de tout groupe terroriste actif au Canada et de préciser lequel a les plans les plus dangereux.
Mme Elsie Wayne: Mon problème est le suivant: sachant qu'en 1999 il y avait 350 groupes terroristes au Canada, on s'est contenté de congédier 750 personnes au lieu de donner au SCRS les outils nécessaires pour faire le travail. Si nous savions déjà en 1999 qu'il y avait 350 groupes terroristes au Canada, pourquoi ne travaillions-nous pas ensemble à ce moment? Je voudrais savoir, monsieur Coulter, pourquoi votre groupe ne s'est pas manifesté? Si vous aviez besoin d'une modification à la loi, nous aurions dû vous l'obtenir en 1999 afin que vous puissiez faire votre travail et collaborer avec les autres organismes dans le but de vous assurer que ces terroristes soient interceptés au Canada et traités en conséquence. Nous attendons que quelque chose se produise aux États-Unis, puis nous intervenons. Nous avons un problème ici même au Canada et nous devons le corriger.
M. Keith Coulter: Pour répondre brièvement à votre question, je dirais qu'en 1999 ces pouvoirs nous auraient été très utiles pour comprendre le fonctionnement de ces réseaux terroristes et savoir ce qu'ils cherchaient à faire. Mais il est impossible de retourner en arrière et savoir si ce que nous aurions pu faire aurait fait une différence importante. Il aurait été certes très utile de comprendre le fonctionnement de ces groupes au Canada.
C'est là où nous en sommes aujourd'hui. Nous allons de l'avant. Selon moi, nous devons profiter de l'occasion et chercher à adopter des mesures qui seraient acceptables pour le Parlement et pour les Canadiens. La situation me paraît différente depuis le 11 septembre, parce que les gens ont vu ces images terribles qui resteront longtemps dans notre mémoire. Les gens voient maintenant ce qui est possible. Si j'avais été ici il y a deux ans, je ne sais pas si j'aurais eu le même auditoire, si vous m'auriez accordé la même attention.
Mme Elsie Wayne: Comment le CST travaille-t-il avec des organisations soeurs aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Australie, et en Nouvelle-Zélande? En quoi êtes-vous proactif, plutôt que réactif, et que faites-vous de différent depuis le 11 septembre vis-à-vis ces pays?
M. Keith Coulter: Nous avons établi un partenariat vraiment remarquable avec ces pays. Nous sommes très bien vus. On nous juge aptes à fonctionner et on nous perçoit comme des partenaires utiles. Comme je l'ai dit dans mon introduction, nous obtenons plus de renseignements et d'autres détails de ce partenariat que nous n'en donnons, mais c'est également vrai des autres partenaires. Les États-Unis sont manifestement le partenaire le plus important, et à ce titre, il a beaucoup à apporter, mais tous les autres membres fournissent une contribution particulière et la contribution de chacun est appréciée. Il s'agit d'un partenariat qui fonctionne très bien.
• 1625
Nous nous livrons tous au même exercice pour tenter de trouver
les stratégies appropriées à long terme relativement au terrorisme.
Il y a une semaine et demie environ, j'ai passé quelques jours dans
les bureaux du National Security Agency des États-Unis et j'ai eu
des rencontres très sérieuses avec des représentants de différents
secteurs de l'organisation, de même qu'avec mes homologues. Ces
gens suivent le même processus difficile, le même processus de
regroupement, le même processus de remise en question pour tenter
de trouver la bonne formule afin de mieux faire face au terrorisme.
Et nous nous entraidons. Nous avons des rencontres au cours
desquelles nous partageons des idées de même que des informations
sur la façon d'aborder cette situation. Comme y arrive-t-on de la
manière la plus efficace? Quelle technologie nous sera la plus
utile? Quelle est la formule appropriée? Nous en sommes tous au
même niveau et nous travaillons en étroite collaboration avec nos
partenaires à ce sujet.
Mme Elsie Wayne: Vous estimez donc que la modification au projet de loi vous donnera les outils nécessaires pour mieux protéger le Canada et les Canadiens par rapport au système actuel?
M. Keith Coulter: Il s'agit d'un élément dont nous avons absolument besoin. Et ce n'est pas la seule chose dont nous ayons besoin. Nous avons parlé plus tôt de ressources. M. Stoffer vous a parlé de partenariats. Il faut que tout cela fonctionne de manière appropriée. Il faut que le résultat soit parfait, rien de moins. Nous avons du travail à faire, nous le faisons. Nous travaillons plus étroitement avec le SCRS, par exemple, que nous ne l'avons fait auparavant. Il est réconfortant de voir comment les gens travaillent ensemble. Nous avons échangé du personnel et nous avons mis sur pied un petit groupe de travail pour générer des idées sur la façon de procéder. Le SCRS y a délégué une personne. C'est là le début d'un excellent partenariat.
Il y a donc autres choses à faire. Il y a les pouvoirs à obtenir, le partenariat à établir et les ressources à trouver. Tout cela s'additionnera, je l'espère, pour former un ensemble dont les Canadiens seront très fiers et qui contribuera à l'effort global.
Mme Elsie Wayne: Merci.
Le président: Merci, madame Wayne. Merci, monsieur Coulter.
Madame Gallant.
Mme Cheryl Gallant (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.
À cause des routeurs Internet qui acheminent les communications d'un pays à l'autre, il peut être long avant de retracer le serveur d'origine. Comme le CST peut-il savoir, de manière non équivoque, qu'il intercepte des communications qui n'ont pas leur origine au Canada.
M. Keith Coulter: Je vous répondrai simplement que nous ne le savons pas. Actuellement, un de nos problèmes est que nous devons être capables de démontrer techniquement que les deux extrémités d'une communication sont étrangères. C'est seulement quand nous parvenons à le démontrer que nous pouvons acquérir une communication. Il y a des communications pour lesquelles nous savons que l'une des extrémités est étrangère, mais nous ne savons pas l'origine de l'autre, ce qui fait que nous ne pouvons intercepter ces communications, autrement nous irions à l'encontre des lois existantes.
Manifestement, si nous étions autorisés à nous intéresser à une cible étrangère, à un groupe terroriste, dans une communication à destination du Canada, nous serons aussi capables de connaître le destinataire. Ce sera une chose de plus. La plus grande partie ne sera pas canadienne. Nos pratiques ont été élaborées au fil du temps en collaboration avec des avocats qui sont constamment à l'affût de ce que nous faisons et qui surveillent les faux-pas, afin que nous ayons une approche extrêmement minutieuse et que nous n'interceptions pas des communications transmises ou reçues par un Canadien.
Mme Barbara Gibbons: C'est le fondement de notre dilemme, le fait que nous devons avoir la certitude que l'émetteur et le destinataire sont étrangers avant de pouvoir intercepter la communication. Comme vous le dites, il est très difficile dans plusieurs cas de savoir comment les communications sont acheminées. En l'occurrence, nous ne pouvons intercepter la communication, même s'il nous manque des renseignements qui nous permettraient d'établir que les deux extrémités de la communication sont étrangères. Notre problème est que nous serions en infraction de l'article 184 du Code criminel si, rétrospectivement, il était prouvé que l'une des parties à la communication était canadienne, même si nous ne le savions pas à l'époque. C'est pourquoi nous ne pouvons le faire pour le moment.
Mme Cheryl Gallant: Ainsi, si vous obtenez des renseignements essentiels par inadvertance, indépendamment de cette loi, existe-t-il un protocole qui permette de rendre ces renseignements admissibles?
M. Keith Coulter: Quel était votre dernier mot?
Mme Cheryl Gallant: Si, par inadvertance, vous obtenez des renseignements qui ont été soit transmis, soit reçus par un Canadien, et que vous ne le sachiez pas, mais que vous le découvriez plus tard, et que cette communication n'avait pas de fondement terroriste, existe-t-il un protocole qui vous permettrait de rendre ces renseignements admissibles?
M. Keith Coulter: Ces renseignements seraient immédiatement supprimés de toutes les bases de données. Et, qui plus est, nous chercherions à établir une meilleure solution technique afin d'être sûr de ne plus intercepter ce genre de communication. Je peux vous dire que nous sommes très forts pour ce travail et que notre commissaire au CST prend son rôle à coeur. Nous ne commettons pas d'erreurs. Si nous interceptons une communication transmise ou reçue par une source canadienne, nous cessons de l'écouter immédiatement. Une telle situation se produirait par inadvertance, dans le cadre des communications générales. Les renseignements ainsi obtenus seraient immédiatement supprimés de toutes les bases de données et nous retournerions à la programmation de base pour nous assurer qu'il s'agit de communications canadiennes et pour corriger le problème.
Mme Cheryl Gallant: Ainsi, vous ne fourniriez pas ces renseignements à la GRC?
M. Keith Coulter: Non.
Mme Cheryl Gallant: Une partie du mandat du CST est de protéger l'infrastructure des communications du gouvernement. Les citoyens, tout comme le gouvernement, sont actuellement vulnérables aux virus découlant de la guerre électronique. Quand le CST met au point un vaccin ou trouve une solution pour contrer un virus, est-ce qu'il communique ces renseignements au secteur privé? Élabore-t-il des virus par anticipation, de manière à avoir des solutions disponibles en cas de besoin?
M. Keith Coulter: M. Simon Gauthier, qui est chef adjoint de la Sécurité et technologie de l'information, répondra à cette question.
M. Simon Gauthier (chef adjoint, Sécurité et technologie de l'information, ministère de la Défense nationale): Nous ne créons pas de virus dans le but d'évaluer la sécurité des communications. Toutefois, nous cherchons à élaborer des techniques non intrusives et non dommageables afin de pouvoir évaluer le degré de sécurité des communications, des réseaux ou des systèmes. Voilà qui répond à la dernière partie de la question.
En ce qui a trait à la protection de l'infrastructure de l'information, notre rôle premier est de servir le gouvernement du Canada. C'est ainsi que nos services sont fournis principalement au gouvernement du Canada par l'entremise d'une série de cellules de services aux clients. Notre problème actuel est que de plus en plus de services gouvernementaux ont recours à l'Internet, non seulement au niveau fédéral, mais entre les secteurs de juridiction, de sorte que nous avons un peu de difficulté à déterminer à quel moment cesser le service. En conséquence, nous avons plutôt tendance à fournir les renseignements plutôt qu'à les conserver. Nous sommes les spécialistes de la vulnérabilité au Canada. Nous cherchons à maintenir cette position en ce qui a trait aux connaissances, aux techniques et aux outils et quand vient le temps de protéger l'infrastructure du Canada, nous n'hésitons pas. Nous cherchons vraiment à servir les Canadiens au sens large du terme.
Le président: Merci, monsieur Gauthier.
M. Simon Gauthier: Et pour répondre à votre dernier point...
Le président: Très brièvement.
M. Simon Gauthier: Nous comptons largement sur l'industrie qui nous permet de fournir ces services à d'autres organismes au sein du gouvernement.
Le président: Merci, madame Gallant.
Monsieur Bachand.
[Français]
M. Claude Bachand: Merci, monsieur le président.
La semaine passée, nous avons eu le privilège de recevoir M. Thompson de l'Institut MacKenzie. Il a fait allusion à un article du Globe and Mail que je n'ai pas pu retrouver. Lors d'une présentation que M. Thompson avait faite devant le Congrès américain, il avait mentionné que le CST connaissait de gros problèmes de sécurité. Je voudrais vous demander premièrement, monsieur Coulter, si vous avez identifié certains de ces problèmes.
• 1635
Deuxièmement, vous avez aussi mentionné que vous aviez
plus de 1 000 personnes à votre emploi.
J'imagine qu'une organisation terroriste aimerait
beaucoup obtenir des renseignements de l'intérieur de
votre organisation. Vous devez donc
faire une enquête assez approfondie sur l'ensemble de
votre personnel. Mettriez-vous votre main au feu
qu'aucune des 1 000 personnes qui travaillent chez vous
ne refilerait des renseignements à une organisation
terroriste?
[Traduction]
M. Keith Coulter: Je peux vous répondre que je suis confiant que nous avons un bon système de sécurité mais j'ajouterais qu'une personne dans ma position ne peut jamais être trop confiante. Comme je l'ai mentionné au tout début, je suis en poste au CST depuis 12 semaines. Au tout début, je me suis dit que j'aimerais faire davantage d'analyses et de travail comparatif sur la sécurité de l'organisation. Déjà, des travaux préliminaires ont été faits. Cela fait partie de mon plan d'action et des priorités pour faire en sorte que nous ayons une sécurité entière et appropriée, mais je n'ai pas de raison de m'alarmer. Aucun incident ne m'a mis en alerte jusqu'à maintenant. Essentiellement, je crois qu'au moment où vous prenez charge d'une organisation, comme ce fut mon cas, il faut tout envisager d'un oeil très critique et être très préoccupé de la façon dont les choses se font et surtout, éviter d'adopter des procédures et des approches courantes qui fonctionnent depuis de nombreuses années.
À la suite des attaques terroristes du 11 septembre, je dirais que les organisations de renseignement partout dans le monde voient d'un oeil différent leur sécurité matérielle. Vous faisiez allusion aux infiltrations et ainsi de suite mais il y a aussi la sécurité purement matérielle des immeubles et la sécurité des personnes qui y travaillent.
Vous soulevez ici toute une gamme de questions et je puis dire à votre comité que je ne tiens rien pour acquis et qu'une partie de ma première année en poste sera consacrée à me convaincre que nous disposons de toutes les mesures possibles pour éviter les incidents auxquels vous faites allusion. Nous sommes accompagnés de la femme qui est notamment responsable de la sécurité au CST.
Mme Barbara Gibbons: J'aimerais ajouter que personne au sein de notre organisation n'a fourni de renseignements à un groupe terroriste. Nous ne pensons pas que cela changera. Je suis ici depuis plus longtemps que M. Coulter et je fais confiance à ceux et celles qui travaillent au sein de notre organisation.
[Français]
M. Claude Bachand: Je voudrais savoir si vous faites enquête sur chacune des 1 000 personnes qui travaillent pour vous actuellement. D'après ce que vous dites, monsieur Coulter et madame Gibbons, vous êtes aussi en train de réviser les mesures de sécurité de votre organisation. Si je vous ai bien compris, monsieur Coulter, il existe des mesures de sécurité que vous voulez réexaminer puisque vous n'êtes en poste que depuis 12 semaines. Vous travaillez donc à resserrer, à peaufiner ou à changer certaines pratiques au niveau de la sécurité à l'intérieur de votre propre organisation. Ai-je bien compris?
[Traduction]
Mme Barbara Gibbons: Pour ce qui est de la fiabilité de notre personnel, je vous dirais que toutes les personnes ont une habilitation au plus haut niveau. Je crois qu'il est question de deux choses ici. D'une part, la menace qui viendrait de l'intérieur de l'organisation, de personnes qui divulgueraient des renseignements; cela ne me préoccupe pas. Chacune des personnes qui travaille au sein de notre organisation a une cote de sécurité des plus élevées. Ce n'est pas un problème.
La sécurité matérielle est un aspect auquel nous nous intéressons de plus près depuis le 11 septembre. Je vous dirais bien franchement qu'il s'agit d'un aspect auquel peu d'entre nous avons accordé beaucoup d'attention jusqu'à maintenant, mais les événements du 11 septembre nous ont rappelé la nécessité d'être vigilants en matière de sécurité. Ainsi donc, nous nous intéressons à la sécurité matérielle.
Le président: Merci, monsieur Bachand. Merci, madame Gibbons.
Monsieur Wood, vous avez cinq minutes.
M. Bob Wood (Nipissing, Lib.): Merci, monsieur le président.
Monsieur Coulter, vous avez dit plus tôt au cours de votre exposé que vos équipes travaillent 24 heures par jour. J'aimerais savoir dans quelle mesure votre charge de travail s'est accrue depuis le 11 septembre.
M. Keith Coulter: Un indicateur serait la quantité de données traitées par l'organisation—qui travaille maintenant sept jours par semaine plutôt que cinq—elle a plus que doublé. C'est là une indication de l'ardeur et du dévouement de chacun des membres du personnel du CST et aussi des réglages évolués des ordinateurs et d'une semaine de travail de sept jours. Les gens font tout ce qui est humainement possible de faire.
Loin de moi l'idée de jouer sur les émotions, mais nous avons une organisation qui cherche véritablement à faire une différence. Tous travaillent à fond et les gens se désâment à faire leur travail. La production a plus que doublé.
M. Bob Wood: M. Stoffer l'a mentionné un peu plus tôt. Le gouvernement a approuvé récemment une somme de 37 millions de dollars qui s'est ajoutée au budget de votre organisation. Si je comprends bien, quelque six millions seront consacrés à l'achat de nouveaux équipements pour la R-D. Qu'en est-il du reste? Ces montants serviront-ils à embaucher du personnel supplémentaire pour alléger la charge de travail?
M. Keith Coulter: Non, ils seront consacrés à la technologie.
Allez-y, Barb, parce que vous connaissez cela mieux que moi.
Mme Barbara Gibbons: J'ai les détails ici.
Ces fonds serviront surtout à l'amélioration de l'infrastructure et à l'achat d'équipement. Nous voulons accroître la capacité de traitement informatique pour l'identification de vulnérabilités—cybermenaces—accroître le traitement des données et les capacités de stockage—comme M. Coulter l'a dit, le volume des données a plus que doublé—acquérir des outils spécialisés pour les analystes—le financement annuel ne nous permettait pas d'ajouter de nouveaux analystes, mais il nous permettait d'améliorer leurs outillages afin de les rendre plus efficients—et améliorer notre infrastructure de TI afin de faire face au volume de travail.
M. Bob Wood: Si tous les pays adoptaient le type de législation dont il est question, relativement à l'Internet à l'étranger, y aurait-il des garanties quelque part dans le monde concernant la confidentialité des données?
M. Keith Coulter: Je ne suis pas sûr de la législation à laquelle vous faites référence.
M. Bob Wood: Je parle de certaines des lois que nous cherchons à faire adopter et je suis sûr qu'il y en aura de semblables aux États-Unis et ailleurs. Y aura-t-il des garanties quelconques?
M. Keith Coulter: Absolument. Le pouvoir...
M. Bob Wood: Comment y arriverez-vous?
M. Keith Coulter: ...que nous cherchons à obtenir par voix législative est un pouvoir que nos pays partenaires—les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie et la Nouvelle-Zélande—ont obtenu il y a un certain temps déjà.
Pour moi, la question de la protection de la vie privée est une question distincte. Nous devons mettre en place des normes et des procédures rigoureuses afin que la vie privée des Canadiens ordinaires, des personnes qui n'ont rien à voir avec les complots terroristes, bénéficie d'une protection absolue. Le projet de loi décrit un régime en vertu duquel le ministre peut nous autoriser, uniquement dans des circonstances très particulières, à nous intéresser à une communication soit reçue, soit transmise par un Canadien, bien que nous ciblions une entité étrangère. Nous disposerions de procédures pour que ces renseignements soient utilisés ou retenus uniquement s'ils sont essentiels à des fins de sécurité nationale.
La barre est très haute, j'en conviens. Toutes les autres informations que nous pourrions acquérir seraient supprimées de toutes les bases de données, aucun registre ne serait conservé et nous serions soumis à un examen indépendant permettant d'établir qu'il en est ainsi. Les rapports seraient déposés au Parlement et les renseignements à ce sujet seraient fournis aux Canadiens par l'entremise du Parlement.
S'il y avait un problème, cela se saurait. Si notre commissaire déposait un rapport dans lequel il était écrit que le CST ne protège plus la vie privée des Canadiens, je suis sûr qu'il y aurait un tollé d'indignation—et il devrait y avoir un tel tollé. C'est là une question qui me préoccupe beaucoup et une question à laquelle mon organisation accorde beaucoup d'importance. Nous devons nous assurer qu'il existe un régime pour protéger la vie privée des Canadiens, un régime que les Canadiens souhaitent, espèrent et méritent.
M. Bob Wood: Avant...
Le président: Monsieur Wood, votre temps est écoulé, malheureusement.
M. Bob Wood: Merci.
Le président: Monsieur Stoffer.
M. Peter Stoffer: Merci, monsieur le président.
• 1645
Monsieur, vous avez dit que vous vous alignez sur les États-Unis, le
Royaume-Uni, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Vous
aligneriez-vous sur nos alliés de l'OTAN, par exemple, pour le
partage d'information? Dans la négative, pourquoi ne le feriez-vous
pas?
M. Keith Coulter: Les partenariats les plus étroits que nous ayons sont avec ces pays et ces partenariats remontent à la Seconde Guerre mondiale. C'est ainsi que les choses sont arrivées. Ces partenariats servent les intérêts de toutes les parties et leur permettent de contribuer et de travailler en étroite collaboration.
Le Canada est également membre de l'OTAN et il partage des renseignements au sein de cette organisation. Les participants canadiens au sein de l'OTAN sont des personnes qui ont accès à nos produits et à notre information.
Ce domaine du renseignement comporte plusieurs niveaux. Nous parlons ici d'une collaboration historique et très étroite avec quatre autres pays, et c'est la plus étroite...
M. Peter Stoffer: Cela comprendrait-il Israël? Apparemment, ce pays dispose du système de collecte de renseignements le plus efficace au Moyen-Orient, région du monde qui a toujours été propice aux activités terroristes au fil des ans. J'imagine que vous aimeriez partager le plus de renseignements possibles avec ce pays.
M. Keith Coulter: Nous n'avons pas d'entente de coopération avec Israël.
M. Peter Stoffer: Est-ce voulu ou est-ce simplement parce que cela ne s'est pas fait?
M. Keith Coulter: Je vérifierai auprès de Barb, mais je ne crois pas qu'il y ait jamais eu une telle collaboration.
Mme Barbara Gibbons: Non, nous n'avons pas d'ententes bilatérales avec quiconque.
M. Keith Coulter: ...avec quiconque.
Mme Barbara Gibbons: Il y a le partenariat que M. Coulter a mentionné, celui qui réunit cinq pays, et l'alliance la plus importante de partage de renseignements que constitue l'OTAN.
M. Peter Stoffer: Les pays dont vous avez parlé—les États-Unis, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni—se sont déjà dotés de ce type de législation. Il y a fort longtemps et nous cherchons simplement à les rattraper.
M. Keith Coulter: Il faut ajouter un bémol à tout cela. Ce pouvoir existe dans tous ces pays. Aux États-Unis, ce pouvoir est accordé par décret. Le gouvernement de la Nouvelle-Zélande fonctionne également à l'aide d'un instrument similaire au décret, mais le gouvernement envisage de l'incorporer à une loi. Il s'agit d'un pouvoir qui existe déjà et qu'on cherche à enchâsser dans une loi, comme ce serait le cas chez nous. Mais tous ces pays ont le pouvoir de le faire.
M. Peter Stoffer: Ma dernière question découle de mon ignorance, à défaut d'autres choses. Si le SCRS s'occupe du renseignement intérieur, et que le CST s'occupe du renseignement extérieur, ne serait-il pas utile ou prudent que ces deux organisations relèvent d'une même autorité? Plutôt que d'avoir à traverser la rue ou d'aller plus loin, vous pourriez tout simplement aller dans le bureau voisin où vous et votre homologue du SCRS pourriez partager des renseignements.
Je le dis parce que je trouve étonnant que M. Timothy McVeigh n'ait pas été Arabe, ni Musulman ni n'ait présenté aucun autre trait distinctif; c'était un Américain du Sud. Si je planifiais une attaque terroriste et que vous le sachiez, vous avez dit que, parce que je suis Canadien, tous les renseignements seraient supprimés de vos dossiers. J'espère à tout le moins que vous auriez l'intelligence d'en informer quelqu'un, de dire que ce Canadien de Nouvelle-Écosse serait en train de préparer un mauvais coup. J'espère au moins que vous transmettriez l'information, mais on nous dit que vous ne le feriez pas.
M. Keith Coulter: Nous ne recueillons pas ce type de renseignements, de sorte que nous ne pouvons le transmettre.
M. Peter Stoffer: Mais si vous le saviez, vous pourriez au moins le laisser savoir à quelqu'un. Au diable toutes les lois du pays.
Des voix: Oh, oh!
M. Peter Stoffer: Je le dis...
Le président: Monsieur Stoffer, vous êtes seul responsable de vos paroles.
M. Peter Stoffer: Monsieur le président, je souhaite, respectueusement, faire marche arrière sur cette dernière déclaration.
Mais si vous saviez que j'ai de mauvaises intentions, monsieur Coulter, vous en informeriez quelqu'un d'autre.
M. Keith Coulter: Nos pensées se rejoignent.
M. Peter Stoffer: J'espère que personne ne regarde.
Des voix: Oh, oh!
M. Keith Coulter: Nous recueillons des renseignements étrangers. Si les renseignements que nous obtenons indiquent qu'il se prépare un incident comme celui de l'attentat terroriste d'Oklahoma City, nous en informerions quelqu'un, c'est sûr. Les membres de l'autre comité se sont également demandés si un acte à caractère criminel pourrait satisfaire au caractère essentiel de la loi. Selon nous et selon notre avocat, les choses les plus graves y répondraient et les renseignements seraient transmis.
M. Peter Stoffer: Que pensez-vous d'une combinaison des deux organismes?
M. Keith Coulter: La combinaison des deux organismes est une question très intéressante. Comme je ne suis pas un spécialiste de l'appareil gouvernemental, je ne saurais vous dire ce que serait la formule parfaite. Toutefois, nous devrions y réfléchir avec beaucoup de prudence. Il y a un certain nombre de choses à envisager.
• 1650
Premièrement, en tant qu'organisme, nous travaillons en
étroite collaboration avec la National Security Agency des États-Unis. Le
SCRS, bien entendu, peut travailler en étroite
collaboration avec la CIA. Si nous fusionnions les organismes,
certains segments de la nouvelle organisation pourraient faire des
choses de cette nature, mais je me contente de l'appareil dont nous
disposons actuellement.
J'ai accepté un mandat pour lequel les décisions sur cette structure étaient déjà prises, et mon programme consiste à améliorer le partenariat. Mon homologue américain est d'accord avec moi, il nous faut un partenariat plus solide. Mon homologue britannique est d'accord lui aussi, il nous faut un meilleur partenariat. J'ai parlé aux représentants de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande, que je dois rencontrer prochainement, et je sais qu'ils seront d'accord eux aussi.
À Ottawa, les gens avec lesquels je discute, y compris le directeur du SCRS, conviennent qu'il nous faut perfectionner ce partenariat. Nous devons le rendre absolument parfait, et c'est là mon objectif, mon programme. Si le gouvernement décide d'adopter une autre machine, toutefois, il nous faudra établir les rapports dans ce nouveau contexte.
Le président: Merci, monsieur Coulter.
Madame Wayne.
Mme Elsie Wayne: Merci, monsieur le président.
Monsieur Coulter, je ne vais pas vous dire que j'ai aucunement l'intention de poser des gestes qui pourraient vous intéresser. Alors mon cher, vous n'avez pas à vous occuper de moi.
M. Peter Stoffer: Vous êtes membre du parti conservateur.
Mme Elsie Wayne: Oui, mais je suis une bonne fille.
Des voix: Oh, oh!
Mme Elsie Wayne: À l'heure actuelle, le sous-greffier du Conseil privé et le conseiller juridique et coordonnateur de la Sécurité et du Renseignement doivent rendre compte au ministre de la Défense nationale des activités du Centre de la sécurité des télécommunications. Un nouveau comité du Cabinet a été chargé de la sécurité nationale et de nombreux comités permanents se réunissent comme nous le faisons aujourd'hui. Est-ce que notre approche paraît aussi énergique que celle adoptée aux États-Unis, monsieur Coulter? L'approche américaine comprend le nouvel Office of Homeland Security ainsi qu'une révision complète du système, c'est-à-dire une nouvelle structure pour assurer les communications et l'efficacité et pour rationaliser les processus afin de combattre le terrorisme. Est-ce que le processus que nous sommes en train d'instaurer au Canada sera aussi solide et efficace que celui des États-Unis, après la révision que les Américains viennent d'effectuer?
M. Keith Coulter: Comme je l'ai dit, j'étais aux États-Unis il y a une dizaine de jours et j'ai été mis au courant de la façon dont cette structure qui vise à assurer la sécurité du territoire évoluait. Mes renseignements sont peut-être déjà un peu dépassés, toutefois.
À mon avis, l'évolution du mécanisme reste incertaine. Tom Ridge est devant une tâche énorme. Bien des rapports traditionnels existent là-bas, et des partenariats se créent au moment même où nous parlons. Je ne vois pas très bien quel sera l'état final de toute cette évolution.
Ici, au Canada, je suis d'avis—et je travaille à Ottawa depuis assez longtemps pour avoir une assez bonne idée là-dessus—que les collectivités de la sécurité et du renseignement n'ont jamais collaboré aussi étroitement l'une avec l'autre. Il y a beaucoup de processus interministériels, et le personnel noue de nouveaux liens et de nouveaux rapports qui nous aideront à long terme. Je serais très curieux de savoir ce que des comités comme le vôtre peuvent recommander pour ce qui est de la structure, et des mécanismes de coordination, etc.
Je crois que Dick Fadden, le sous-greffier du Conseil privé, dont vous avez parlé, se présentera devant un comité du Sénat ce soir à 18 h pour expliquer la coordination de tout cela. Cela relève de sa responsabilité, pas de la mienne. J'essaie seulement d'en tenir compte, de favoriser au maximum une multitude de partenariats solides et une dynamique adéquate. Je sais que ces personnes sont toutes favorables aux partenariats et que c'est la façon dont nous abordons le problème à l'heure actuelle.
Mme Elsie Wayne: J'ai une seule autre question, monsieur le président.
• 1655
Le CST appuie les efforts déployés pour garantir que les
télécommunications et les technologies de l'information du
gouvernement canadien sont sures. Compte tenu de la complexité du
renseignement sur les transmissions, est-ce que le CST ne pourrait
pas faire porter ses efforts sur cet aspect et laisser la sécurité
de la technologie de l'information à une organisation comme le
Bureau de la protection des infrastructures essentielles et de la
protection civile?
M. Keith Coulter: La question est fort intéressante, et je crois, personnellement, que nous ne pouvons pas trop nous avancer sur cette voie. La prestation de l'information et la protection de l'information sont si étroitement liées, le décodage et l'encodage se correspondent si étroitement qu'il vous faut un centre d'excellence dans ce domaine. Mais c'est tout.
Nous n'avons pas à tout faire dans ce domaine. Je crois que M. Gauthier envisage une excellente approche.
Voulez-vous élaborer un peu au sujet de la STI, Simon?
M. Simon Gauthier: Nous travaillons en étroite collaboration avec le BPIEPC, l'organisation que vous venez de mentionner. La division compétente est l'une de celles qui nous permettent de nous concentrer sur les questions de technologie, pour essayer de comprendre les vulnérabilités, les techniques électroniques et les techniques de communication et pour appliquer cette compréhension à l'infrastructure canadienne. C'est là le rapport que nous avons instauré pour l'instant, et il a donné des résultats fort satisfaisants.
Le président: Merci, monsieur Gauthier.
Merci, madame Wayne.
Madame Beaumier.
Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest—Mississauga, Lib.): Merci.
Je ne comprends absolument rien à la technologie, mais j'éprouve une certaine réticence. Honnêtement, rien de ce que j'ai entendu jusqu'ici—je ne veux pas dire de votre part, mais depuis le début de notre examen—, rien de tout cela ne me paraît convaincant.
On nous dit qu'il nous faut une nouvelle loi pour être plus efficaces, qu'il nous faut du matériel pour être plus efficaces. Mais nous savons qu'au moins 20 terroristes ont participé aux attentats suicides. Je ne crois pas que seules ces 20 personnes étaient au courant. D'autres devaient aussi en être informés. Tous ces gens ont dû communiquer par courriel ou par téléphone. Que s'est-il passé? Si nous ne pouvons pas comprendre ce qui n'a pas fonctionné, comment pourrions-nous prévenir quoi que ce soit à l'avenir? Nous ne parlons pas d'opérations complexes, dans ces cas. Nous parlons de personnes audacieuses armées de stylets. Les compagnies d'aviation ont déterminé ce qui s'était passé dans les airs, mais qu'est-ce qui nous a échappé au sol, avant les incidents? De quelle façon pouvons-nous régler le problème si nous ne savons pas cela?
M. Keith Coulter: Je pense que nous avons certaines idées au sujet de ce qui s'est passé. Nous avons de bonnes idées et certains renseignements très valables sur ce qui s'est produit avant le 11 septembre, mais nous n'avons pas d'autre choix que de mettre l'accent sur la collecte de tous les éléments de preuve que nous pourrons trouver. Dans un monde idéal, nous pourrions demander une interruption du jeu, réfléchir un peu, établir exactement ce qui se passe, procéder à une analyse impeccable de tous les facteurs qui ont pu jouer avant le 11 septembre. Mais le monde n'est pas idéal. Le temps ne s'arrête pas, et les organisations terroristes continuent de préparer une deuxième vague d'attentats. Nous n'avons d'autre choix que de faire tout en notre pouvoir pour réunir de l'information susceptible d'aider les responsables à prendre les bonnes décisions.
Cela n'est pas facile, madame, la réalité est vraiment très dure, alors nous parlons ici de chercher à réunir de l'information et à établir une stratégie appropriée, à long terme. Je suis très fier de mon organisation et de mon équipe ainsi que de la façon dont nous nous comportons en ces temps de crise pour essayer de fournir les produits opérationnels nécessaires et d'engager en même temps des discussions sur les ressources et les stratégies. Nous parlons ici d'une loi dont nous avons absolument besoin. Il nous faut mettre en place divers éléments, et nous devons continuer de travailler avec patience.
• 1700
Je suis un optimiste. Je ne crois pas que nous puissions faire
face à plus grand défi, mais je crois qu'ensemble, les
organisations fédérales et les organisations du monde entier, nous
sommes en mesure de nous attaquer à ce problème beaucoup plus
efficacement que par le passé.
Mme Colleen Beaumier: Je ne crois pas que votre organisation ou même une organisation canadienne quelconque ait manqué à son devoir. L'échec vient peut-être de la collecte de renseignements internes aux États-Unis.
Vous dites que vous ne pouvez pas recueillir d'information qui émane du Canada ou qui y est destinée. Nous savons tous que dans le cas de l'Internet il est totalement impossible de déterminer sans délai où commence et où se termine une communication. J'ai beaucoup de difficulté à comprendre tout cela. Est-ce que la plupart de ces communications sont codées? Je vois qu'il y a des codeurs, des décodeurs...
M. Keith Coulter: Nous entrons dans un domaine dont je ne veux pas parler publiquement, mais je peux vous dire qu'il s'agit d'une combinaison. Nous recueillons de l'information chiffrée, et une partie de notre travail consiste à la déchiffrer. Nous recueillons aussi des communications ordinaires qui n'ont pas besoin d'être déchiffrées. Il s'agit d'une combinaison.
Mme Colleen Beaumier: Si vous interceptiez une information vitale, mais que vous ignoriez son origine et sa destination, est-ce que vous pourriez en faire quelque chose?
M. Keith Coulter: Tel n'est pas le cas dans le système actuel, et je vais préciser, car cela nous ramène à la question précédente. Nous ne pouvons pas intercepter une communication si nous sommes incapables de prouver que l'émetteur et le destinataire se trouvent tous deux à l'étranger. Si nous en avions le pouvoir, si nous y étions spécifiquement autorisés par le ministre, nous pourrions intercepter un type donné de communications même si l'émetteur ou le destinataire était Canadien. Nous serions en mesure de le faire, en toute logique, même si l'un ou l'autre des intéressés était inconnu. Nous n'aurions pas besoin de prouver que le destinataire n'est pas Canadien, par exemple.
Le président: Merci, madame Beaumier.
Monsieur Benoit.
M. Leon Benoit: Merci, monsieur Pratt.
Vous ne cessez de répéter que vous ne ciblez pas les Canadiens; pourtant, vous allez recueillir de l'information au sujet des Canadiens et vous allez suivre des Canadiens, pour ainsi dire, grâce à l'information recueillie, et cela au Canada. Lors de la dernière réunion d'un comité, quand vous avez comparu en compagnie du ministre devant le Comité de la justice—je pense que c'était la semaine dernière—, vous avez affirmé que le CST n'aurait pas besoin de mandat pour transmettre de l'information captée dans le cadre des activités de surveillance des communications si vous la transmettiez à la GRC. M. Owen semblait contredire ce point lorsqu'il a dit que le CST n'était pas autorisé à transmettre de l'information à moins que ces renseignements ne soient liés aux affaires internationales, à la sécurité ou à la défense. Est-ce vrai?
M. Keith Coulter: De fait, j'espère que le compte rendu révèle—je n'ai pas lu le compte rendu, mais je me souviens très bien de la façon dont j'ai mis fin à cet échange—M. Owen a dit qu'une grande partie de l'activité criminelle ne satisfaisait pas à ce critère, et j'en ai convenu moi aussi. C'est le plus sérieux...
Prenez, le SCRS, par exemple; il y a beaucoup de jurisprudence dans ce cas. Prenez la définition de menace à la sécurité du Canada utilisée par le SCRS; elle englobe les activités d'origine étrangère nuisant aux intérêts du Canada. Là encore, c'est un critère extrêmement strict. Ce qui nuit aux intérêts du Canada ne nuit pas aux intérêts d'un seul Canadien, et le critère est donc très difficile à satisfaire.
• 1705
Nous soutenons que si quelque chose répond à ce critère très
strict de la sécurité nationale, la loi nous permettrait de
communiquer l'information à ce sujet à d'autres ministères du
gouvernement si cette information était pertinente dans le cadre de
leur...
M. Leon Benoit: Sans mandat?
M. Keith Coulter: Il n'y a pas de mandat, car nous parlons d'un régime d'autorisation ministérielle. Vous ne pouvez pas demander un mandat judiciaire pour ce genre de chose, nous sommes donc d'avis, à l'heure actuelle...
Vous avez mentionné l'opinion de M. Owen. Je crois que M. Owen présentait simplement son opinion, d'après ce que j'ai compris de cette conversation. En effet, suite à une question antérieure j'avais formulé ma réponse de telle sorte que vous pouviez dire que cela s'appliquait de façon plus générale à la criminalité. Si mes paroles se prêtaient vraiment à cette interprétation, alors je lui suis reconnaissant d'avoir posé sa question, car il a affirmé qu'une grande partie de l'activité criminelle ne satisferait pas ce critère. Je suis tout à fait d'accord. Je dirais même non pas «une grande partie» mais bien «la majorité». Certaines activités répondraient donc encore au critère.
M. Leon Benoit: Dans certains cas, pourtant, l'information recueillie au sujet de citoyens canadiens pourrait répondre au critère et être transmise à la GRC, au SCRS, à des agences du renseignement étranger, est-ce exact?
M. Keith Coulter: Oui, parfois. Mais il faut satisfaire à une norme, à un critère très strict.
M. Leon Benoit: Très bien. Même s'il s'agit d'information qui a été recueillie ici ou ailleurs dans votre réseau, il n'y a vraiment rien qui permette de dicter la façon dont l'information transmise à des gouvernements étrangers peut être utilisée. Si par exemple vous recueillez une information qui aidera les Américains à justifier l'assassinat d'un dirigeant étranger, vous pourriez le faire. Vous n'essayez pas de limiter l'utilisation de l'information que vous avez communiquée à une organisation étrangère du renseignement.
M. Keith Coulter: Si nous demandons une autorisation, ce serait pour de l'information que nous utiliserions dans le contexte du gouvernement canadien. Nous serions très prudents. Nous communiquerions les produits du renseignement à nos partenaires des milieux du renseignement, mais s'il s'agissait d'une information sur une personne qui se trouve au Canada, je ne vois pas de circonstances dans lesquelles nous voudrions la transmettre sans aucun traitement aux États-Unis, sauf en cas de menace contre les États-Unis.
M. Leon Benoit: Mais cela pourrait se produire.
Par contre, si je...
Le président: Vous avez épuisé le temps qui vous était alloué.
Monsieur O'Reilly.
M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.): Merci, beaucoup, monsieur le président, et merci beaucoup d'être venu nous rencontrer, monsieur Coulter.
Je voulais poursuivre sur le thème des changements concrets apportés à la Loi sur la défense nationale, car c'est vraiment la question sur laquelle nous devrions nous concentrer dans le cadre des travaux de notre comité. Le projet de loi C-36 a trait au pouvoir décisionnel du ministre, et je voulais que vous développiez un peu cet aspect. En outre, il me semble que la procédure établie a changé et que certains droits individuels seront enfreints en raison de ce pouvoir ministériel.
Le deuxième volet de ma question, de toute évidence, a trait au désaccord entre les éminents membres des divers comités. L'un de nos collègues, M. Owen, s'inscrit en faux contre ce que vous dites dans le document, au sujet de ce qui pourrait survenir et qui répondrait ou non aux critères de la charte.
L'autre volet de la question, c'est que la loi parle de surveillance ou de protection—je ne suis pas certain que ce soit l'une ou l'autre ou les deux—des systèmes informatiques du gouvernement. J'aimerais savoir exactement de quelle façon cela peut se faire.
Je vous souhaite bonne chance si vous voulez surveiller les systèmes informatiques du gouvernement. Nous ne pouvons les convaincre de se parler les uns les autres, alors je ne vois pas comment vous allez réussir à les surveiller. La Bibliothèque du Parlement utilise un système Apple que vous ne pouvez pas ouvrir dans votre bureau—et il est seul en son genre, sans doute parce que l'on donnait ce jour-là des téléviseurs couleur, ou quelque chose comme cela. De quelle façon pourriez-vous protéger des systèmes si différents au sein du gouvernement, puisque ce ne sont pas des systèmes identiques? Le système d'Industrie Canada est différent de celui des Affaires étrangères, celui des Affaires étrangères est différent de celui des autres. Je n'y vois aucune logique, mais je sais très peu de choses au sujet des ordinateurs. Je ne sais pas ce que vous allez faire de tout cela.
Alors voilà, de toute façon, ce sont mes questions.
M. Keith Coulter: Monsieur le président, je suis toujours perplexe quand on parle de violation des droits individuels, car toute la mise en oeuvre de ce projet de loi sera axée sur la protection optimale des renseignements personnels, grâce à un nouveau secteur d'autorité. Nous protégeons la vie privée des Canadiens. Des rapports ont été publiés dans ce domaine et, heureusement, tous indiquent que nous obtenons de très bons résultats.
Parfois, dans le cadre d'une communication se déroulant entièrement à l'étranger, il peut y avoir mention d'un Canadien. Nous avons bien sûr un régime très strict supervisé par le commissaire à la vie privée du Canada; le commissaire du CST et nous-mêmes en sommes très conscients. Nous veillons à ne pas violer sans raison la vie privée des Canadiens, et nous avons un excellent dossier à cet égard.
Ce qui est proposé ici intègre toutes les mesures dont vous avons besoin pour nous attaquer au terrorisme. Nous avons parlé des grandes organisations criminelles internationales contre lesquelles nous pourrions nous battre, par exemple les navires qui se dirigent vers nos côtes avec à bord un nombre inconnu d'individus aux intentions inconnues. Nous pourrions transmettre ce type de renseignements qui ne sont pas toujours directement liés au terrorisme; il pourrait s'agir de contrebande internationale, de choses de ce genre. Le critère est très strict. L'information relative à toute activité qui ne répond pas au critère est éliminée. Elle est purgée de nos bases de données. Elle n'est pas ni utilisée ni conservée, elle est tout simplement détruite. Nous avons aussi défini un processus d'examen indépendant qui permet de veiller à ce que cette exigence soit bel et bien respectée.
Je suis personnellement d'avis que les seuls droits qui risquent d'être violés dans ce contexte sont ceux de quelques très rares personnes dont nous aurons besoin de connaître les activités parce qu'elles constituent une menace à la sécurité de notre pays. Les droits des Canadiens seront protégés.
Pour ce qui est des systèmes de surveillance et de protection, nous parlons d'une technologie qui permet de déceler les intrusions, et il n'y a que Simon Gauthier qui la comprend vraiment.
Simon, pouvez-vous répondre à la question au sujet de la façon dont nous allons protéger les systèmes du gouvernement, compte tenu de leur très grande diversité, même si parfois les éléments sont incompatibles, et sans oublier le système du Gouvernement en direct?
Le président: Soyez bref, monsieur Gauthier.
M. Simon Gauthier: Monsieur, nous n'avons pas l'intention de surveiller constamment tous les réseaux du gouvernement du Canada. Comme vous l'avez dit, c'est une tâche impossible. Mais la nouvelle loi nous permettrait de définir des solutions à partir de données réelles, un travail que nous n'avions pas vraiment besoin d'accomplir avant que l'utilisation de l'Internet se généralise. Il était autrefois possible de trouver de nombreuses solutions dans un contexte de laboratoire, mais aujourd'hui personne ne contrôle vraiment l'Internet. C'est une technologie d'accès qui a été mise au point par le monde entier.
Il nous faut maintenant élaborer des solutions au moyen de ce que j'appelle des données réelles, et c'est un travail que nous ne pouvons pas exécuter actuellement sans en avertir tous les utilisateurs du réseau. C'est le vieux problème de l'oeuf et de la poule. Parce que nous ne savons pas qui sont tous les utilisateurs sur l'Internet, nous ne pouvons pas être d'une efficacité maximale.
Le président: Merci, monsieur Gauthier.
[Français]
Monsieur Bachand, vous avez la parole.
M. Claude Bachand: Monsieur le président, je voudrais faire une remarque à M. Coulter et à Mme Gibbons à propos de la sécurité vis-à-vis des employés. Nous avons été surpris de voir que des organisations criminelles réussissaient parfois à percer et à infiltrer de grandes organisations qu'on pensait totalement sécuritaires. Je peux vous dire que, par exemple au Québec, le crime organisé a réussi à obtenir des informations qui provenaient des bureaux de la Sûreté du Québec.
Je ne sais pas si je peux vous donner un conseil, mais il me semble qu'il serait bon d'instituer un département d'enquête interne à l'intérieur de votre organisation afin que, si des plaintes sont formulées, on puisse enquêter à ce sujet.
• 1715
Je trouve que c'est un peu
angélique de votre part que
de dire qu'il y a 1 000 personnes chez vous et
que vous pensez qu'il n'y aura aucun problème.
C'était ma remarque sur un département d'enquête
interne.
Je veux revenir à ce que M. Coulter a dit, à savoir que ça le choquait un peu que des gens puissent penser qu'il y a une atteinte au droit à la vie privée des Canadiens. Dans votre présentation, monsieur Coulter, vous avez même dit ceci:
-
Le CST peut aussi faire l'objet d'examens par le
commissaire à la protection de la vie privée,
qui a conclu en 1996 que le CST exerce
ses activités en conformité avec la Loi sur la
protection des renseignements personnels.
Je veux vous rappeler que ce même individu a déclaré il y a à peu près une semaine, et je vais le citer en anglais:
[Traduction]
-
It could literally gut all the privacy protections that Canadians
now have.
[Français]
Il a aussi dit:
[Traduction]
-
Bien sûr, le CST pourrait intercepter des communications uniquement
à l'extérieur du Canada, mais le projet de loi antiterroriste
permettrait dans certaines circonstances d'intercepter des
conversations vocales et électroniques entre le Canada et
l'étranger.
[Français]
C'est peut-être choquant pour vous parce que vous êtes bien intentionné, mais comme législateurs, nous voulons nous assurer qu'il n'y ait pas trop d'atteintes à la vie privée des Canadiens et des Québécois. On peut saisir toutes sortes d'occasions. Le projet de loi prévoit que le ministre peut autoriser toutes sortes de choses, notamment des interceptions. Il peut aussi vous autoriser à changer votre mandat. J'aimerais que vous commentiez là-dessus.
En vertu de l'article 3, le ministre peut dire que le chef va changer de fonctions et de mandat. Il va pouvoir faire ça après l'adoption du projet de loi. On n'ajoute pas qu'il va le faire dans le contexte de la loi, et j'espère que ce sera le cas, mais je trouve que ça donne beaucoup d'autorité au ministre, ce qu'il n'avait pas avant. C'est pour ça qu'il y a beaucoup de gens, dont M. Radwanski, qui s'interrogent. Nous nous interrogeons aussi.
Je vous invite à réagir à mes propos.
[Traduction]
M. Keith Coulter: Pour ce qui est de la première partie, à la façon dont vous revenez aux questions de sécurité je vois que vous comprenez le monde tel qu'il est et que vous savez que dans ce monde tous n'ont pas que de bonnes intentions. Les réseaux terroristes sont une réalité, et nous devons y faire face.
Vous avez dit que j'étais choqué. Non, je ne suis pas choqué que certains y voient un empiétement sur les droits personnels. Je pense que c'est une question très grave. Alors je ne suis pas choqué, mais j'en reste perplexe. Nous vivons à une époque où je crois que nous, au Canada, devons voir les choses sous un autre angle. Il nous faut reconnaître qu'une organisation du renseignement comme le CST a besoin du même type d'outils que les organisations du renseignement de nos alliés, afin de pouvoir dresses une stratégie antiterroriste qui permettra, à la longue, de faire face aux problèmes et de comprendre les réseaux ainsi que leurs liens et leurs rapports avec le Canada. Nous avons besoin de ces outils pour éviter d'autres drames ici, en Amérique du Nord et, il faut l'espérer, continuer d'échapper à de tels incidents au Canada. Je pense donc que la question est très grave.
De bien des façons, je sais que mon travail est plus facile que celui des députés et des sénateurs. Je peux me présenter et vous dire que j'ai besoin de telle ou telle chose. Je vous le dis maintenant, ici, cela figure dans le compte rendu, le CST a absolument besoin de ce projet de loi s'il veut contribuer utilement, à long terme, à l'effort mondial contre le terrorisme. Nous en avons besoin, mais les députés et les sénateurs devront décider si oui ou non nous aurons ce pouvoir, si oui ou non, tout bien pesé, il s'agit d'un pouvoir que nous devrions exercer. C'est la raison pour laquelle nous avons le Parlement, ce dont je me réjouis.
Le président: Merci, monsieur Bachand.
Monsieur Coulter, j'aimerais vous poser une question. L'un des commentaires que nous avons beaucoup entendus depuis le 11 septembre se rapporte à toute la question des terroristes qui auraient dû être tenus sous surveillance. Cela signifie essentiellement, bien sûr, qu'ils ont réussi à éviter que leurs appels téléphoniques, leurs télécopies, toutes leurs communications y compris les courriels, soient interceptés. Par conséquent, le gouvernement des États-Unis et ceux des pays alliés n'ont pas pu connaître leurs intentions. Cela nous amène à la question de l'envergure des activités des milieux terroristes.
• 1720
Comme je l'ai dit, un commentaire fréquent a trait à
l'importance du renseignement de source humaine. Je sais que l'on
se pose bien des questions dans des organisations comme la CIA et
la National Security Agency sur l'opportunité de laisser la CIA
s'engager à nouveau dans des activités de collecte de
renseignements de source humaine.
Vous qui travaillez dans le domaine du renseignement sur les transmissions, de toute évidence un aspect important du renseignement extérieur, est-ce que vous diriez que notre capacité en matière de renseignement extérieur est insuffisante parce que nous n'avons pas ce pouvoir, nous n'avons pas d'organisation spécifiquement mandatée pour recueillir des informations de source humaine dans divers pays, de façon dynamique?
M. Keith Coulter: En principe, vous voulez obtenir des renseignements de source humaine aussi bien que des renseignements de sources électroniques, je n'ai donc rien à redire à la façon dont vous présentez le problème. Mais le renseignement de source humaine n'est pas de mon ressort, et je sais que vous le savez.
Le président: Laissez-moi reformuler un peu ma question...
M. John O'Reilly: Désolé, monsieur le président, votre temps est écoulé.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Ne vous en faites pas, nous gardons l'oeil sur l'horloge, monsieur O'Reilly.
Est-ce qu'il y a eu des situations où vous et votre organisation vous êtes dits, collectivement, qu'il aurait été vraiment utile d'avoir quelqu'un sur place pour examiner cet aspect plus à fond, d'une façon ou d'une autre?
M. Keith Coulter: Telle n'est pas notre optique. Nous surveillons les communications et l'infrastructure mondiale de l'information et nous essayons de recueillir ici et là des renseignements.
Pour se faire une idée générale, il vaut mieux s'adresses à certains de nos clients et à certains des responsables de la coordination qui interviennent dans ce dossier, car notre mandat consiste à recueillir de l'information électronique de qualité optimale et à la communiquer aux autres. Je n'entre pas dans la théorie, car il est tout simplement évident que plus vous aurez de renseignements de source humaine dans votre combinaison d'information et mieux vous serez informés.
Le président: Très rapidement, il y a indéniablement bien des renseignements qui circulent dans le cyberespace, et nous avons des organismes qui collaborent avec le Royaume-Uni, les États-Unis, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, etc. Est-ce que le Canada a un créneau particulier d'information, est-ce qu'il y a beaucoup de redoublement d'efforts entre les diverses organisations qui recueillent l'information?
M. Keith Coulter: Oui et non. Nous avons un point de vue unique sur l'information. Nous sommes une organisation canadienne et nous appliquons les priorités du gouvernement canadien. Ces organisations qui sont nos partenaires respectent les priorités de leurs gouvernements. Nous constatons souvent que nous pouvons mettre en commun les données recueillies et que nous sommes en mesure de mettre à profit les données les uns des autres. Mais tout ce que nous faisons respecte les priorités fixées par le gouvernement du Canada, et nous partageons à l'échelle internationale tout ce qui est logique, en fonction de ces priorités.
Le président: Merci.
Monsieur Stoffer.
M. Peter Stoffer: Je serai très bref. Monsieur Akman, à votre avis, est-ce que ce que vous demandez est conforme aux préceptes de la Charte des droits et libertés sous sa forme actuelle? Est-ce que cela serait accepté par la Cour suprême?
M. David Akman: Nous croyons que cela le serait. Prenez la loi actuelle. Des critères y sont fixés pour que le ministre donne son autorisation. Ces conditions sont prévues au paragraphe 273.65(2) proposé, précisément pour respecter les dispositions de la Charte. La Charte protège le citoyen contre toute fouille ou saisie injustifiées, elle ne le protège pas contre les fouilles et les saisies. Nous croyons que toutes ces conditions permettraient de garantir que les fouilles seraient justifiées si un Canadien était pris dans notre filet.
• 1725
Regardez les quatre conditions proposées aux alinéas
273.65(2)a), b), c) et d):
-
a) L'interception vise des entités étrangères situées à l'extérieur
du Canada;
-
b) Les renseignements à obtenir ne peuvent raisonnablement être
obtenus d'une autre manière;
-
c) La valeur des renseignements étrangers que l'on espère obtenir
grâce à l'interception justifie l'interception envisagée;
-
d) Il existe des mesures satisfaisantes pour protéger la vie privée
des Canadiens et pour faire en sorte que les communications privées
ne seront utilisées ou conservées que si elles sont essentielles
aux affaires internationales, à la défense et à la sécurité.
C'est le critère très strict que nous pouvons fixer.
Le ministre pourrait également poser des conditions supplémentaires en vertu du paragraphe 273.65(5) du projet de loi. Il pourrait ajouter des conditions qui lui semblent nécessaires
-
pour protéger la vie privée des Canadiens, notamment des mesures
additionnelles pour limiter l'utilisation et la conservation des
renseignements provenant des communications privées interceptées,
l'accès à ces renseignements et leur mode de divulgation.
Il y a donc suffisamment de mesures de protection prévues pour, à notre avis, mettre en échec toute contestation en vertu de la charte.
M. Peter Stoffer: Très bien.
J'ai encore deux questions. Vous avez dit que nous étions alliés avec les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie et la Nouvelle-Zélande; nous avons une entente. Est-ce que cela signifie qu'à l'occasion, vous pouvez intercepter des communications dans leurs pays aussi?
M. Keith Coulter: Non. Le partenariat prévoit entre autres que nous n'écoutons pas. Nous ne ciblons pas les Américains. Les Américains ne nous ciblent pas. Les Néo-Zélandais ne ciblent pas les Australiens.
Le président: Monsieur Coulter, j'aimerais poursuivre un peu sur cette question. Est-ce là la partie de l'accord dite «amis contre amis»?
M. Keith Coulter: Ce n'est pas ainsi que nous en parlons. Nous disons simplement que nous ne ciblons pas mutuellement.
M. Peter Stoffer: Monsieur, est-ce que vous affirmez que, compte tenu de toutes les craintes suscitées depuis les événements du 11 septembre et indépendamment des alliances ou des amitiés que nous avons les uns avec les autres, si les États-Unis soupçonnent des terroristes de se trouver au Canada et si les Américains ont la capacité de surveiller les activités de ces terroristes, ils ne les surveilleront pas, vraiment?
M. Keith Coulter: Ils ne le feront pas à l'heure actuelle... Nous devons toutefois bien peser nos mots. Il s'agit d'un partenariat d'organisations et non pas de gouvernements. Nous parlons de la National Security Agency aux États-Unis. C'est l'un de nos partenaires, une partie prenante à cette entente, et elle ne cible pas les Canadiens.
J'ai du personnel qui travaille là-bas. Le Groupe des opérations des Forces canadiennes compte des membres intégrés directement dans la structure. Nous savons donc que les Américains ne ciblent personne à l'intérieur des frontières canadiennes mais qu'ils ciblent très activement de l'information à l'étranger.
Leurs règles leur permettent de surveiller les communications à l'intérieur des États-Unis. Lorsqu'ils ciblent un groupe terroriste en Afghanistan, s'ils captent une communication de la part de cette cible étrangère vers le Canada ils peuvent l'intercepter. C'est le pouvoir que nous demandons ici, un pouvoir similaire à celui qu'ont les Américains.
M. Peter Stoffer: Monsieur le président, cela m'étonne. Mme Wayne a dit précédemment que 350 cellules terroristes étaient identifiées dans notre pays en 1999. Nous pourrions disputer ces chiffres, j'imagine, mais récemment on nous a dit qu'une cinquantaine de cellules terroristes oeuvraient au Canada. Je m'étonne d'apprendre ainsi que les États-Unis, par l'entremise de la National Security Agency, ne voudraient pas surveiller ni ne surveilleraient les activités de ces personnes à l'intérieur des frontières canadiennes, avec ou sans l'autorisation du gouvernement canadien ou du CST.
M. Keith Coulter: La seule activité de surveillance que les Américains mènent est la surveillance des cibles à l'extérieur, si ces communications sont liées à ces groupes.
M. Peter Stoffer: À l'extérieur du Canada?
M. Keith Coulter: Oui.
M. Peter Stoffer: Alors s'il y a une cellule terroriste à Montréal, celle d'Ahmed Ressam, par exemple, après cette histoire... Ressam a été pris à la frontière. Voilà un cas où une personne est capturée, mais seulement à la frontière. De toute évidence, il faut supposer—du moins, moi, je le suppose, monsieur le président—que les Américains connaissent l'existence d'autres personnes qui essaient, comme Ahmed Ressam, de s'infiltrer aux États-Unis à partir du territoire canadien. Je dois supposer que les Américains veulent entrer en possession de ce genre d'information. S'ils peuvent mettre la main dessus, ils vont le faire.
M. Keith Coulter: Mais n'oubliez pas que l'organisation responsable de la collecte d'information sur les groupes terroristes au Canada n'est pas le CST et qu'aux États-Unis, ce n'est pas la NSA, la National Security Agency. Je pense que vous soulevez un aspect qui relève du SCRS et que le SCRS a sans doute un partenariat avec un autre organisme aux États-Unis. Vous devriez donc parler au directeur du SCRS de ce qui est mis en commun et de ce qui ne l'est pas.
M. Peter Stoffer: Il y a donc une autre organisation, dans ce cas.
M. Keith Coulter: Comme je l'ai dit, il est vraiment important de savoir s'il s'agit d'un partenariat dans le domaine de la collecte de renseignements électroniques, et non pas d'une organisation qui s'intéresse à tous les renseignements qui circulent entre le Canada et les États-Unis.
Le président: Monsieur Stoffer, merci beaucoup de ces questions.
Monsieur Coulter, merci beaucoup de vos réponses. Vous avez été très franc. Nous sommes en outre heureux que vos collègues, si je peux les appeler ainsi, aient eux aussi participé à la séance et répondu à nos questions. J'espère que nous aurons l'occasion de vous revoir inviter de nouveau—mais peut-être pas dans un avenir très rapproché—pour discuter plus à fond de certaines de ces questions.
• 1730
Merci beaucoup de votre témoignage.
M. Keith Coulter: Merci, monsieur le président. Nous reviendrons avec plaisir.
Le président: La séance est levée.