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NDVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS

COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 1er novembre 2001

• 1548

[Traduction]

Le président (M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.)): Cette séance du Comité permanent de la défense nationale et des affaires des anciens combattants est maintenant ouverte.

Nous sommes heureux d'accueillir M. David Charters, qui est du Centre d'étude des conflits de l'Université du Nouveau-Brunswick.

Avant que je ne vous donne la parole, monsieur Charters, je tiens à préciser que plusieurs membres du comité ont demandé à ce que nous nous prononcions sur une motion que M. Benoit a déposée devant le comité hier.

Monsieur Benoit, voulez-vous nous présenter votre motion?

M. Leon Benoit (Lakeland, Alliance canadienne): Oui, monsieur le président, et j'ose espérer que tout le monde en a reçu le texte. La motion est la suivante: que le comité informe la Chambre que la réponse du gouvernement au rapport unanime du Comité sur les acquisitions de la Défense est insuffisante et ordonne au gouvernement de préparer une deuxième réponse complète.

Quiconque a pris connaissance de la réponse qu'a faite le gouvernement à cette motion reconnaîtra qu'il lui a fallu plus d'un an pour nous répondre. En outre, pour toute réponse aux questions au sujet desquelles le comité avait demandé des renseignements supplémentaires, il nous a dit que nous avions déjà assez d'information. Il est tout à fait inacceptable que le gouvernement ne prenne pas plus au sérieux la demande que lui avait faite le comité. Il devrait se montrer plus respectueux à l'endroit du comité. Sa réponse a été une véritable gifle. Sur plusieurs questions, c'est ce qu'il nous a répondu—que nous avions assez d'informations et que nous n'en avions pas besoin d'autres—même si c'est ce que le comité avait demandé.

• 1550

Étant donné notamment les événements du 11 septembre, la gravité des questions sur lesquelles le comité se penche et l'importance des acquisitions dans le contexte actuel, j'ose espérer obtenir le consentement unanime pour faire adopter cette motion qui demande au gouvernement de nous présenter une nouvelle réponse, qui serait cette fois-là une réponse sérieuse au rapport du comité.

Ce rapport a été adopté à l'unanimité. Il a reçu l'appui de tous les membres du comité. Je doute fort qu'aucun de vous n'accepte que le gouvernement nous réponde que nous avons toute l'information dont nous avons besoin et qu'il n'y a pas lieu de nous en donner plus.

J'espère obtenir le consentement unanime pour faire adopter cette motion, monsieur le président. Je propose donc la motion.

Le président: Nous avons reçu une demande de consentement unanime.

Avant que nous ne nous prononcions, monsieur O'Reilly, vous avez demandé la parole.

M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.): Je n'accorderais certainement pas le consentement unanime. Je tiens à vous prévenir tout de suite. Je ne serais toutefois pas contre l'idée de faire revenir les témoins que nous avons déjà entendus. Si les rencontres que nous avons eues avec ces témoins ne nous ont pas permis d'obtenir tous les renseignements voulus, le comité directeur pourrait peut-être proposer que nous fassions revenir le sous-ministre adjoint, ou qui que ce soit d'autre, étant donné la réponse que nous a faite le gouvernement.

Notre rapport a été rédigé avant les événements du 11 septembre, et nous avons complètement changé de cap depuis. Le comité directeur pourrait peut-être examiner l'opportunité de faire revenir certains des témoins que nous avons entendus avant le 11 septembre. Nous pourrions revoir leur portefeuille avec eux et leur demander de nous éclairer à la suite de ces événements au lieu de présenter au gouvernement une requête qui est finalement irrecevable.

Il n'y a donc pas consentement unanime, et je vous demande de mettre la question aux voix.

Le président: Si j'ai bien compris, vous proposez que nous fassions venir, par exemple, le sous-ministre adjoint responsable du matériel, M. Alan Williams. Est-ce bien ce que vous proposez?

M. John O'Reilly: Il me semble que ce serait un bon point de départ puisque nous commencerions par le témoin qui se trouve au haut de notre liste.

Le président: Très bien.

Je ne veux pas que la discussion s'éternise puisque nous avons un témoin devant nous. Je vais toutefois donner très brièvement la parole à M. Benoit et à Mme Beaumier.

M. Leon Benoit: Monsieur le président, je suis entièrement d'accord pour que nous fassions revenir ce témoin-là. C'est une excellente idée, mais ce que je souhaite, c'est qu'on fasse preuve d'un certain respect à l'endroit du comité. Notre rapport était unanime, mais le gouvernement y a répondu en disant que nous avons toute l'information dont nous avons besoin, même si le comité a demandé à l'unanimité à en obtenir davantage. Il est clair, selon moi, qu'il faut demander au gouvernement de répondre respectueusement au rapport que lui a présenté le comité. Je ne vois pas comment on pourrait être contre cette idée.

J'abonde tout à fait dans le sens de M. O'Reilly. Il faudrait faire revenir le sous-ministre adjoint au matériel. Le fait est toutefois que les questions dont nous nous occupons ne découlent pas seulement des événements du 11 septembre. Il y a huit ans que le gouvernement rogne sur les dépenses militaires, monsieur le président, et le moment est venu pour que le gouvernement réponde sérieusement à nos préoccupations.

Le président: Je vous rappelle, monsieur Benoit, que nous discutons maintenant de la proposition de M. O'Reilly, pour ce qui est de...

M. Leon Benoit: Pourquoi discutons-nous de cela? J'ai une motion à l'étude, monsieur le président.

Le président: C'est vous qui répondiez à son intervention. C'est pour cela que je disais que nous discutions de ce qu'il a dit.

Je vais donner la parole à Mme Beaumier et à M. Anders très brièvement. Je ne veux pas qu'on répète les propos qui ont déjà été tenus, car nous voulons entendre M. Charters le plus tôt possible.

Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest—Mississauga, Lib.): Monsieur Benoit, quand vous tenez des propos comme ceux-là, vous perdez malheureusement un peu de vos appuis. Nous travaillons tous très fort, et nous souhaitons tous être traités avec respect. Vous n'êtes pas le seul à tenir au respect.

Votre motion est peut-être un peu prématurée. Si nous faisons comparaître de nouveau les fonctionnaires, il sera peut-être plus opportun de prendre une décision à ce moment-là.

Le président: D'accord, merci, madame Beaumier.

Monsieur Anders.

M. Rob Anders (Calgary-Ouest, Alliance canadienne): Je tiens à dire que j'étais là quand nous avons présenté un rapport sur les conditions de vie des militaires. Sachez que j'ai été agréablement surpris, voire étonné, de constater que notre comité était un des rares auquel j'ai eu l'occasion de siéger à la Chambre des communes, qui était en fait prêt à s'attaquer aux questions d'une façon qui ne visait pas uniquement à présenter le gouvernement sous un jour favorable. J'ai du respect pour le travail que le comité a fait sur la question à l'étude, et je sais que les membres des Forces canadiennes ont aussi du respect pour le travail qu'a fait le comité à cet égard. J'ai été à même de le constater quand je suis allé les rencontrer à bord de leur navire et dans leur lieu de travail. Dans cette optique, je dirais que, si nous avons à coeur de maintenir des rapports comme ceux-là avec nos militaires et leur montrer que nous nous soucions vraiment d'eux, la motion me paraît valable.

• 1555

Je sais bien que vous êtes nombreux du côté ministériel et que c'est vous qui aurez le dernier mot quand nous voterons sur cette motion aujourd'hui. Je tiens toutefois à faire remarquer que notre dernier rapport montre que nous nous sommes vraiment attaqués aux questions et que ce rapport a vraiment eu une résonnance. Cela s'explique par le fait que ceux qui étaient là à l'époque étaient prêts à prendre position et à dire des choses qui n'étaient parfois pas agréables d'entendre, mais qui ont néanmoins permis de changer foncièrement la situation pour les forces armées. Je pense que, si vous ne faites qu'accepter une réponse insatisfaisante de la part du ministre dans ce cas-ci, nous n'allons pas servir nos militaires comme ils le méritent.

Le président: Très bien.

Nous allons maintenant mettre la motion aux voix. On a demandé le consentement unanime. De toute évidence, il n'y a pas consentement unanime à en juger par les propos de M. O'Reilly.

M. Leon Benoit: Je demande un vote par appel nominal, monsieur le président.

(La motion est rejetée par 8 voix contre 5)

Le président: Monsieur Stoffer.

M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Très rapidement, j'invoque le Règlement, monsieur le président. Je voudrais demander à M. Charters de nous excuser de l'avoir fait attendre 20 minutes pour qu'il puisse nous présenter son exposé. Notre comité n'a pas l'habitude de faire ainsi attendre ses témoins. Je tiens donc à lui faire savoir que ce n'est pas là notre pratique habituelle et à lui demander de bien vouloir nous excuser.

Le président: Merci, monsieur Stoffer. J'ai déjà présenté deux fois nos excuses à M. Charters pour ce retard. Nous sommes impatients de l'entendre.

Vous avez la parole, monsieur Charters.

M. David A. Charters (directeur, Centre d'études des conflits, Université du Nouveau-Brunswick): Merci beaucoup, monsieur le président. Je vous ai fait parvenir un mémoire, qui a été traduit je crois, mais j'aimerais vous le lire, si vous le permettez, pour qu'il soit consigné au compte rendu. Je l'ai intitulé «Le terrorisme du siècle nouveau: Point de vue à la lumière des attaques du 11 septembre».

Le terrorisme n'est pas un phénomène nouveau. Il existe, sous diverses formes, orchestre par divers États, groupes et personnes, depuis au moins deux millénaires. Le terrorisme n'est pas une forme statique de violence politique: il est dynamique, il évolue. Ceux qui s'en servent l'adaptent aux circonstances et aux ressources de leur époque. J'exprime dans le présent mémoire l'opinion que les événements du 11 septembre représentent non seulement une adaptation, mais de fait le début simplement d'une escalade sans précédent des capacités terroristes.

Je dois dire d'entrée de jeu que je ne vois pas le terrorisme comme une pathologie ou comme une maladie. J'y vois plutôt une méthode de lutte, une forme de guerre. C'est l'une des approches guerrières préférées des faibles, qui n'ont pas le pouvoir de combattre l'État sur un pied d'égalité. Plutôt que de recourir aux moyens qui font la force de l'État, notamment sa puissance militaire, ils optent pour des techniques non conventionnelles et asymétriques afin de s'en prendre à ses points faibles. La question qu'il convient de se poser n'est donc pas: «Quelles est la cause du terrorisme?». C'est comme si on demandait: «Quelle est la cause des couteaux?». La question qu'il faut plutôt se poser aujourd'hui est: «En quoi les attaques du 11 septembre démontrent-elles un changement profond dans cette forme de guerre?».

Tout d'abord, les terroristes font appel aux outils de la mondialisation—l'ouverture des frontières, le transport international, les transactions bancaires informatisées, l'Internet—pour en attaquer le coeur même: l'Amérique. C'est là le nouveau visage de la guerre au XXIe siècle: terrorisme.com. Dans le cas présent, les terroristes ont retourné les plus grands atouts de l'Amérique contre elle, ont fait de ces atouts des faiblesses.

• 1600

Ils ont en réalité fait plus que cela: ils en ont fait des armes. Un avion de ligne et un gratte-ciel, en soi, sont inoffensifs. Mais assemblez-les à haute vitesse, en les guidant à l'aide de l'ordinateur le plus perfectionné au monde—le cerveau humain—et en les stimulant grâce à la plus puissante source de motivation—la volonté humaine—et vous avez une arme binaire de destruction massive.

Deuxièmement, il y a trente ans, il était compris de tous que «les terroristes veulent être vus de beaucoup de gens et non pas à en tuer un grand nombre». Le but du terrorisme consistait à publiciser une cause et à mobiliser des appuis à son service: il en a été ainsi de la question palestinienne, par exemple. Ainsi, les groupes qui menaient les attaques s'en réclamaient de façon très publique: à la radio, à la télévision, au moyen de communiqués et de déclarations de porte-parole. Les morts et les blessés étaient généralement peu nombreux et les otages, relâchés. Agir autrement aurait pu aliéner les appuis possibles, retirer sa légitimité à la cause ou provoquer des contre-mesures sévères capables de détruire le groupe.

Les choses ont toutefois changé depuis le début des années 80. De nombreux actes de terrorisme ne sont pas revendiqués. Bien que les raisons de ce changement ne soient pas claires, je crois qu'il s'est produit un glissement de la motivation, un passage de la mobilisation au châtiment. Certains groupes ne sentent plus le besoin de publiciser leur cause ni de rallier des appuis. Leur principal motif consiste plutôt à porter un grand coup physique et psychologique à leurs ennemis et à causer des dommages considérables. Ainsi, le nombre de pertes de vie a beaucoup augmenté. Dans les années 80 et 90, beaucoup d'attentats ont tué des centaines de personnes et en ont parfois blessé des milliers d'autres, mais les dernières attaques représentent un bond sans précédent, tout à fait démesuré, du pouvoir meurtrier. Maintenant il y a beaucoup de spectateurs et beaucoup de morts.

Ces deux changements—la mondialisation du terrorisme et le nombre effarant de victimes—montrent qu'un groupe terroriste bien financé et bien organisé peut désormais intervenir d'une manière dont il ne pouvait pas se prévaloir. Il peut créer des armes dont la puissance destructrice égale les grands armements des États, en user pour frapper les centres de gravité des États—ce que les militaires qualifient d'attaque neutralisante—et ainsi, infliger des pertes humaines, psychologiques, politiques et économiques catastrophiques à un État, qui produisent une réaction en chaîne sur la sécurité et la stabilité mondiales. De telles attaques égalisent les chances et placent les groupes terroristes les plus efficaces sur un pied d'égalité avec les États qui sont leurs ennemis.

Si cette idée est juste, ce qui s'est passé le 11 septembre n'a pas été qu'un point tournant, mais bien un virage décisif. La puissance de frappe des capacités terroristes prodigieusement renforcées se trouvait ainsi révélée. Je m'inquiète parce qu'on a ainsi relevé la barre et établi une nouvelle norme selon laquelle toutes les attaques à venir seront mesurées. Si tel est le cas, les paris sont ouverts. Il n'existe plus de limites et tout est possible.

Le seul aspect positif de ce pronostic est que le nombre de groupes et d'États qui ont les moyens, les mobiles et l'occasion de mener de telles attaques est fixe et relativement peu élevé. Si le réseau terroriste Al-Qaïda est à l'origine des événements de septembre, son passé connu permet de croire qu'il laissera s'écouler un certain temps avant de frapper de nouveau. Ses ressources ne sont pas sans limites et le niveau accru, en ce moment, de sécurité, d'enquêtes et d'opérations militaires à son encontre, dans la région où se trouve sa base, complique ses activités. Ayant été surpris une fois, cependant, nous devrions nous garder de sombrer dans la complaisance et de présumer que nous ne pourrons plus jamais l'être. Comme l'indiquait l'IRA après son attaque du Cabinet britannique: «Nous n'avons besoin de chance qu'une fois; vous devez avoir la chance de votre côté tout le temps».

• 1605

Que faire, alors, devant ce problème? Le fait est que nous devons y faire face, car il ne disparaîtra pas. Si nous n'en tenons pas compte, nous en serons victimes de façon répétée. Nous sommes-nous, de fait, engagés dans une «guerre au terrorisme»? Si oui, quelle proportion de cette «guerre» est militaire?

Il est vrai que les terroristes se croient probablement en guerre contre les États-Unis et peut-être contre l'ensemble de la civilisation occidentale, mais cela ne nous oblige pas à leur rendre la pareille. Déclarer la «guerre au terrorisme» peut constituer une bonne approche de relations publiques, mais ce n'est pas sans conséquence. D'abord, cela donne aux terroristes, quels qu'ils soient, plus de légitimité qu'ils n'en méritent, c'est-à-dire un statut équivalent à celui des militaires d'un État, plutôt que de leur laisser l'identité de criminels qui leur revient à juste titre. Deuxièmement, définir la lutte au terrorisme comme une «guerre» peut fausser nos attentes en matière de services et du temps qu'il faudra y consacrer.

Pour la majorité des Occidentaux, la guerre se compose de batailles militaires et de victoires rapides et décisives. Mais s'il s'agit bien d'une guerre, il est peu probable qu'elle se déroule ainsi. Il s'agira plutôt, et essentiellement, de raids et d'escarmouches, d'enquêtes, d'arrestations et de procès. Cette guerre sera livrée—elle l'est déjà en réalité—surtout dans l'ombre, par la police, les services secrets, les forces spéciales et les juricomptables de divers pays. Elle durera probablement des années et non des mois. Il peut n'être jamais possible de remporter une victoire finale. La victoire peut se résumer simplement du fait que les démocraties tiennent bon, prennent le dessus et survivent.

Manifestement, comme le montre la campagne actuelle en Afghanistan, il existe un rôle pour les forces militaires traditionnelles. Les forces navales fournissent la capacité de «projection de puissance» et les forces aériennes peuvent attaquer certaines cibles fixes et mobiles, quand celles-ci se présentent. Il est possible que, si l'on a des preuves de la participation directe d'un État, en plus du régime taliban d'Afghanistan, la campagne prenne de l'ampleur et inclue des attaques contre les forces militaires, les installations gouvernementales et l'infrastructure d'un tel État. Sinon un affrontement entre armées mécanisées et massives semble moins plausible que la composition actuelle d'opérations conventionnelles et non conventionnelles limitées.

Le problème vient de ce que l'«ennemi» ne présente pas de cible militaire au sens traditionnel du mot. Ces terroristes opèrent en petits groupes et en réseaux, confondus au milieu de diverses populations, usant de fausses identités, le secret et des mesures de sécurité. Anonymes dans la foule, ils font de grands efforts pour ne pas attirer l'attention. Ils ne semblent pas rester longtemps au même endroit. Nous nous trouvons donc devant une cible mobile, pratiquement invisible demeurant parmi nous. Attaquer cette cible n'est pas un travail pour les forces armées mais plutôt pour la police et les services de sécurité et de renseignement. Cela influe assurément sur l'attribution des ressources aux programmes antiterroristes canadiens et sur le rôle des Forces canadiennes dans de tels programmes.

Voilà qui termine mon exposé. Merci.

Le président: Il est certain, monsieur Charters, que vous nous avez présenté un exposé très réfléchi. Au nom des membres du comité, je tiens à vous en remercier. Plusieurs membres du comité souhaiteraient maintenant approfondir quelque peu votre réflexion.

Monsieur Benoit, vous avez sept minutes.

M. Leon Benoit: Merci beaucoup, monsieur le président.

Merci de votre exposé, monsieur Charters. J'ai eu la chance d'assister à une conférence que vous avez coparrainée à Fredericton il y a quelques semaines. J'ai trouvé que c'était une conférence de premier ordre et je vous encourage à poursuivre votre excellent travail. Les militaires doivent avoir le concours de gens qui appuient des forces armées de qualité et qui sont prêts à donner leur avis sur ce qu'il faut faire pour les améliorer.

J'ai trouvé fascinant votre exposé sur le terrorisme aujourd'hui, et je vous en remercie beaucoup. Plusieurs questions me viennent à l'esprit.

Vous avez la réputation d'être un expert de l'anti-guérilla et des opérations antiterroristes. Vous avez déjà dit que vous pensez que la guerre sera longue. Pouvez-vous nous donner une idée plus précise? Combien de temps cela pourrait-il durer? Est-ce que ce serait trois ans, ou peut-être de 20 à 30 ans?

• 1610

M. David Charters: Il est difficile de répondre à cette question, mais je vais être tout à fait honnête. Je ne pense pas pouvoir vous donner une réponse précise. Les États-Unis et les autres membres de la coalition pourraient avoir de la chance et avoir raison de la volonté des Talibans pour les convaincre de leur livrer ben Laden. Ou bien, ils réussiront peut-être à repérer ben Laden en ayant recours à des forces spéciales.

En outre, bien des pays du monde ont déjà accompli des progrès pour arrêter des membres de certains des réseaux terroristes. Ce que nous ne savons pas, c'est combien il en reste. Reste-t-il encore des réseaux intacts qui pourraient lancer de nouvelles opérations? Nous l'ignorons. Le problème, c'est que nous avons une cible mobile et difficile à repérer parmi nous. Les membres de ces groupes ont tendance à être très patients. S'ils se sentent traqués maintenant, ils ne pourront peut-être pas lancer d'opérations pendant un certain temps. Ils choisiront peut-être de rester tranquilles et de lancer une autre attaque contre nous dans un an ou deux.

M. Leon Benoit: Saurons-nous vraiment quand la guerre sera terminée? Si elle peut se terminer, ce ne sera pas facile de déterminer quand ce sera fait, n'est-ce pas?

M. David Charters: Non, en effet. Je ne pense pas que nous puissions un jour avoir un défilé des vainqueurs sur la rue Wellington pour dire que nous avons battu les terroristes.

M. Leon Benoit: Pourtant, le premier ministre a parlé d'opérations de maintien de la paix en Afghanistan après la victoire. C'est peut-être pour cela qu'il peut dire que nous participerons aux opérations de maintien de la paix. Ce pourrait être dans 10, 20 ou 30 ans et peut-être que nous aurons pu rebâtir nos Forces armées d'ici là, mais ce n'est probablement pas à cela qu'il songeait.

Si nous voulons être réalistes, dans le cas d'opérations de maintien de la paix après la victoire en Afghanistan, même si l'on réussit à battre les Talibans et à capturer ben Laden, les Talibans et les terroristes n'auront-ils pas tout simplement recours à de nouvelles activités de guérilla? C'est ce que la Russie a constaté pendant 10 ans.

M. David Charters: Cela dépend beaucoup de la tournure des événements. Si les Talibans sont vaincus seulement après une longue campagne pendant laquelle beaucoup d'Afghans auront été durement éprouvés, il sera peut-être très mal vu de faire venir des occidentaux pour assurer le maintien de la paix. D'autre part, si nous pouvons nous débarrasser assez rapidement du régime taliban et charger des forces qui n'ont pas participé à la guerre, des opérations de maintien de la paix, ces forces seraient peut-être bien accueillies.

Il faut se rappeler que l'Afghanistan n'a jamais été un pays facile à gouverner. Même quand il y a eu un gouvernement au pouvoir à Kaboul, très souvent, il n'arrivait pas à contrôler les régions environnantes. La société afghane est basée sur le système de villages et de clans, et l'est vraiment très difficile de savoir si des forces de maintien de la paix portant le béret bleu seraient bien accueillies dans une région quelconque du pays.

M. Leon Benoit: D'après vous, quel genre de militaires faudrait-il au Canada pour s'occuper de la situation au cours des prochaines années? Que nous faudra-t-il si nous pouvons déclarer qu'il y a la paix à un moment donné et que nous voulons essayer de maintenir la stabilité et d'établir un nouveau gouvernement?

M. David Charters: Pour répondre à votre question, je vais d'abord poser quelques hypothèses. Si nous réussissons à mettre fin d'une façon quelconque au conflit en Afghanistan, s'il y a une mission de maintien de la paix, et si l'on demande au Canada d'y participer, nous aurions besoin de forces armées comme nous en avons maintenant, mais de plus d'effectifs. Si nous voulions même quelque chose de relativement petit, comme un groupement tactique de 1 000 ou 1 500 militaires, cela représente une entreprise considérable dans une région très isolée. Il faudrait une chaîne logistique pas mal longue et beaucoup de moyens de transport. Comme la région est très isolée, il faudrait davantage d'ingénieurs, de personnel médical, de transmetteurs, de personnel de soutien, et ainsi de suite, en plus des forces de maintien de la paix elles-mêmes.

M. Leon Benoit: Que pensez-vous qu'il nous faudrait maintenant et au cours des quelques prochaines années? Quel genre de militaires le Canada devrait-il envoyer pour participer à des opérations de ce genre en Afghanistan? Par exemple, est-ce que ce serait une bonne chose d'avoir le Régiment aéroporté ou une force opérationnelle inter-armées 2 élargie. De quel genre d'effectifs aurions-nous besoin dès maintenant pour contribuer de façon utile aux opérations sur le terrain?

• 1615

M. David Charters: Je vais revenir à certaines choses que j'ai dites tantôt. La guerre contre le terrorisme n'est pas surtout une campagne militaire. On a déjà pris des mesures sur certains fronts et les services policiers du renseignement jouent un rôle plus important sous certains aspects que les forces armées. Nous nous concentrons maintenant sur l'Afghanistan parce que cette partie de la campagne antiterroriste a une dimension militaire, mais ce n'est pas la dimension principale.

Si nous envoyons des forces terrestres pour participer à une longue campagne en Afghanistan, par exemple, au cours des six à 12 prochains mois ou encore plus longtemps, si nous commencions par le contingent de la FOI2 que nous avons déjà envoyé, le contingent est relativement petit et nous pourrions continuer probablement de l'appuyer. Si nous augmentions notre contribution pour envoyer un groupe bataillon d'infanterie ou un groupement tactique, ou si nous voulions envoyer quelque chose comme une brigade, nous aurions besoin de beaucoup plus de ce que j'appellerais des forces de combat classiques. Pour appuyer un groupe bataillon en Afghanistan, nous aurions besoin de deux bataillons de plus au Canada pour assurer le roulement, les renforts, le remplacement des blessés, et ainsi de suite. Si nous allions jusqu'à une brigade, il nous faudrait l'équivalent de deux brigades au Canada. Voici comment il faut faire le calcul: si nous envoyons 1 000 militaires, nous en avons besoin de 3 000. Si nous voulons envoyer de 3 000 à 5 000 militaires, il nous en faut de 9 000 à 15 000.

Le Régiment aéroporté serait-il particulièrement utile? Pas nécessairement. Il y a eu une opération aéroportée il y a quelques semaines, mais cela n'arrivera pas nécessairement souvent. On pourrait facilement se contenter de simples militaires bien formés au combat et bien disciplinés, comme nous avons toujours réussi à produire, mais il nous en faudrait un grand nombre et ils devraient être bien équipés.

Le président: Merci, monsieur Charters.

[Français]

Monsieur Bachand.

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Je vais commencer par vous remercier de votre présentation, mais je dois vous dire qu'il y a certaines choses de cette présentation qui m'ont fait sursauter.

Premièrement, vous dites ceci:

    Déclarer la «guerre au terrorisme» peut constituer une bonne approche de relations publiques, mais ce n'est pas sans conséquences.

Et vous parlez ensuite des conséquences négatives.

Je considère que la première arme dans une guerre, même si c'est une guerre au terrorisme, est celle des relations publiques. Je pense que l'introduction du terme «guerre au terrorisme» est très importante pour l'opinion publique, ne serait-ce que pour rassurer les gens. Il me semble qu'on ne peut pas dire qu'on s'est fait entrer dedans par deux avions, qu'on va être angélique et qu'on ne fera rien.

• 1620

Lorsqu'on est victime d'une attaque comme celle-là, il faut se lancer dans une guerre de relations publiques. Eux ne se sont pas gênés d'ailleurs. Je pense que ce n'était pas fortuit qu'un premier avion frappe et qu'on laisse à tous les médias le temps de s'installer avant que le deuxième avion ne vienne frapper. Je pense que c'est une guerre de relations publiques au départ et que cette guerre n'a pas que des conséquences négatives. Elle a aussi des conséquences positives, et les Américains l'ont dit. Jusqu'à maintenant, le conflit se déroule un peu comme je l'avais prévu.

On a d'abord amorcé une réplique militaire. C'est sûr qu'il y a des bavures, et on ne nous explique pas toutes ces bavures. CNN nous explique toutes sortes de choses, mais où est la vérité? Ceux qui sont sur le terrain le savent peut-être plus. Nous écoutons CNN ou RDI et nous sommes obligés de prendre l'information qui est là. Je trouve que les relations publiques constituaient la première arme. Ils ont bien fait ce travail et ils continuent de bien le faire.

Du côté militaire, je pense que les Américains ont bien joué leurs cartes. Ils sont allés chercher une coalition, que ce soit au Conseil de sécurité de l'ONU, qui a dit que c'était de la légitime défense, ou encore chez les alliés traditionnels de l'OTAN, qui ont dit que c'était une action relevant de l'article 5 du Traité de Washington et qu'ils seraient du côté des Américains.

Donc, je trouve que jusqu'à maintenant, la riposte est mesurée, tant au point de vue militaire qu'au point de vue des relations publiques. Elle se poursuit sur d'autres champs qui ne sont pas traditionnellement militaires. Je pense que la guerre financière, qui consiste à couper les ressources financières aux terroristes, est aussi une chose très importante, et je trouve qu'il faut en parler dans ce type de guerre.

Il y a aussi toute la question diplomatique. Je pense qu'il est important d'isoler le régime. Toutes les démocraties occidentales disent actuellement que le régime taliban n'a pas de bon sens. Donc, le régime est complètement isolé. Il n'y a personne sur la planète qui va pleurer si les talibans tombent demain matin. Donc, la diplomatie est aussi une arme importante.

Mais il y a une chose que tout le monde met de côté depuis le début, et je pense que vous, vous l'avez soulevée. Lorsque je me retrouve dans une ruelle à trois heures du matin devant un gars qui mesure six pieds et six pouces et qu'il y a un bâton sur le coin du trottoir, j'ai tendance à prendre le bâton pour me défendre. Ces gens-là sont peut-être poussés à l'excès. Je ne veux pas justifier leurs gestes, mais je pense qu'il y a là une question de répartition de la richesse. La semaine passée, on me demandait mon opinion sur le nouveau jet américain qui va coûter 300 milliards de dollars au trésor public américain. S'ils en prenaient seulement le dixième pour aider ces pays-là... Autrement dit, la réponse militaire, financière et diplomatique contre ces gens n'est peut-être pas suffisante.

C'est là-dessus que j'aimerais vous entendre. Devrions-nous mettre davantage l'accent sur l'aide pour faire en sorte que ces pays puissent s'en sortir? Il y a actuellement un terreau parfait pour les terroristes. Ils peuvent mobiliser leur opinion publique à eux, s'en prendre aux méchants qui viennent piller leurs réserves et leurs richesses et dire que les seules armes qu'ils ont contre ces méchants sont les gestes qu'ils ont posés le 11 septembre 2001. Par exemple, M. Martin parlait d'une péréquation internationale entre pays riches et pays pauvres. Il me semble qu'il faudrait que cela soit dorénavant plus présent dans la discussion.

[Traduction]

M. David Charters: Ce sont de bonnes questions. Permettez-moi de répondre d'abord à la première.

Je reconnais que les États-Unis ont été attaqués et qu'ils doivent réagir. C'est évident. Je me demande cependant si l'on peut vraiment parler de guerre. Ce n'est peut-être pas le terme approprié. Tout ce que je voulais dire, c'est qu'il n'est peut-être pas approprié d'utiliser le mot «guerre», parce que cela peut créer des attentes auxquelles nous risquons de ne pas pouvoir répondre. Si nous ne répondons pas à ces attentes, cela pourra éroder le soutien dont on aura besoin pour la campagne à long terme qu'il faudra certainement mener contre le terrorisme.

Je suis donc d'accord pour dire que nous devons réagir. Nous devons réagir énergiquement et de façon efficace. J'ai essayé de dire que les moyens militaires font partie de la solution, mais que nous devons aussi faire autre chose. Cela me ramène à la question que vous avez posée vers la fin de votre intervention, soit de savoir s'il existe des façons de s'attaquer à ce que l'on pourrait appeler les causes sous-jacentes de ces événements. Selon moi, si nous pouvons déterminer quelles sont ces causes sous-jacentes et s'il est possible de les résoudre, il existe certainement des moyens de le faire. Je ne suis pas vraiment convaincu qu'il s'agisse simplement d'une lutte entre les pays riches et les pays pauvres.

• 1625

Permettez-moi de me pencher un petit peu sur un certain nombre de choses que nous avons apprises à propos de ben Laden lui-même. Il a énuméré trois motifs justifiant sa guerre contre les États-Unis et l'Ouest. Le premier est celui du différend arabo-israélien à propos de la Palestine. Le deuxième est celui de la présence des Forces américaines sur le territoire saoudien. Le troisième est son désir de renverser un régime saoudien qu'il estime corrompu.

Apparemment, il s'agit là d'un certain nombre de problèmes qui ne sont pas insurmontables. D'abord, les Forces américaines pourraient peut-être stationner ailleurs, comme par exemple en plein océan pour ne pas se trouver sur le territoire saoudien à proprement parler. Voilà quelque chose d'assez facile à régler. Les deux autres points sont plus épineux. Si ben Laden réussissait à renverser le régime saoudien, celui-ci ne serait pas remplacé par une démocratie libérale, mais par un régime islamique encore plus barbare, un État théocratique qui ressemblerait probablement au régime Taliban afghan. Pour la question de la Palestine, la solution de Ben Laden n'est pas celle d'un traité de paix entre Israël et les Palestiniens, mais plutôt de la destruction d'Israël. ben Laden est par ailleurs un antisémite virulent. On peut donc dire que deux de ces trois objectifs sont incompatibles avec les principes moraux qui guident les Occidentaux, et ne débouchent sur aucune solution. Ce sont en tout cas les manifestations les plus visibles de ce que j'estime être un problème plus profond, qu'il serait beaucoup plus difficile de résoudre, peut-être même impossible.

Tournons-nous un peu vers ce conflit—là encore j'hésite à utiliser le mot de guerre—ce conflit entre le monde islamique et le monde occidental. Ce n'est pas sous cet angle que nous voyons les choses, et de nombreux musulmans seraient d'accord avec nous. Oussama ben Laden et les Talibans ne représentent pas l'ensemble du monde musulman, ni même l'ensemble du Moyen-Orient, Pakistan ou Afghanistan compris. Mais ne nous berçons tout de même pas d'illusions, ben Laden constate quand même qu'il jouit d'une certaine notoriété qui suscite un écho puissant au sein d'une minorité dans cette région. Je ne crois d'ailleurs pas que ce soit véritablement un problème de pauvreté. C'est plutôt une question de culture—dans ce cas-ci l'Islam—que l'on voit, ou que l'on se représente, assiégé par l'Ouest, non seulement sur le plan militaire, mais sur le plan économique et culturel. Certains, au Moyen-Orient, en Asie centrale et du sud, sont peut-être parvenus à la conclusion que, étant donné leur système de croyance, ils ne pourront jamais rivaliser avec le monde occidental et participer à la mondialisation.

Le président: Monsieur Charters, je vais être obligé de vous interrompre. M. Bachand a largement dépassé son temps, et nous voulons permettre aux autres membres du comité de vous poser des questions. Vous pourrez peut-être reprendre cette conclusion de votre réponse à M. Bachand plus tard, à un autre tour.

Madame Beaumier, vous avez la parole pendant sept minutes.

Mme Colleen Beaumier: Merci.

Je pense que ces deux volets de notre action—la guerre et les mesures législatives antiterroristes qu'il nous faut adopter—heurtent la sensibilité de la plupart des Canadiens et Américains. Je ne suis pas d'accord avec vous lorsque vous dites que l'on suscite des espoirs, car je ne pense pas que cette guerre suscite quelque espoir de notre part. Personne n'est assez crédule pour croire qu'il y aura une victoire au bout.

Mais la plupart d'entre nous se demandent ce que nous aurions pu faire d'autre. Il faut de toute évidence agir. J'aimerais que vous nous disiez si, d'après vous, il y avait une autre voie. Les Talibans nous demandaient des preuves. Nous n'avons fait aucun cas de leur requête. Ils ont même offert de livrer ben Laden à un pays tiers. Je ne pense pas qu'il y eut un pays tiers prêt à accueillir ben Laden, pas plus qu'ils n'aient eu réellement le désir de le capturer vivant, parce que sa garde poserait de terribles problèmes.

Vous dites qu'en ce moment on se bat sur deux fronts. Il y a d'abord la guerre des communiqués, la propagande—que je ne suis pas certaine nous remportons—il y a ensuite les opérations au sol. Est-ce qu'une agence de renseignements en terre étrangère nous permettrait de renforcer notre position?

M. David Charters: Merci beaucoup. Je suis d'accord avec vous. Pour le moment, sur le front de la propagande, nous ne nous en sortons pas très bien, et nous en sommes à une guerre d'images, avec des images qui ne font pas très bonne impression.

Aurions-nous dû choisir cette autre solution, à savoir soumettre des preuves aux Talibans? Je ne pense pas que les Talibans aient accepté quelque preuve que ce soit des Américains. La façon dont cette preuve aurait été présentée aurait fait partie du jeu. Je ne pense pas que cette offre des Talibans ait été véritablement sérieuse. Si les Américains avaient essayé de fournir des informations suffisamment détaillées pour justifier des poursuites, ils auraient compromis leurs sources de renseignements et leurs méthodes. Ils n'auraient fait en quelque sorte qu'informer les Talibans, et ben Laden, de l'étendue de leurs connaissances. Je ne pense pas que ce fût une option qu'on puisse véritablement choisir.

• 1630

Livrer ensuite ben Laden à une tierce partie, un tribunal international, ou autre, les Américains de façon tout à fait normale pouvaient répondre que ces crimes ont eu lieu en un certain lieu, relevant de leur droit national, et que l'on devait juger les coupables aux États-Unis, à l'exclusion de toute autre juridiction.

Pour ce qui est d'un service de renseignements opérant à l'étranger, il faut bien d'abord se demander si le Canada a réellement besoin d'un service de renseignement indépendant. Nous sommes un pays souverain, avons-nous également besoin d'un dispositif d'information et de renseignements souverain? Est-ce que le CST et le SCRS suffisent à nos besoins, et dans les limites de leur capacité d'action à l'étranger, et cela en parallèle avec nos rapports d'ambassades; ou avons-nous au contraire besoin de plus? Nous dépendons également beaucoup de nos alliés. Est-ce que c'est une bonne chose? Je pense que les événements du 11 septembre doivent au moins nous amener à nous poser ces questions.

Je crois que l'on peut défendre l'idée de la création d'un service de renseignements canadien opérant à l'étranger. Mais je ne pense pas que ce service doive se limiter à la collecte de renseignements. Il faut aussi parallèlement une capacité réelle et de haute qualité d'évaluation, un service spécial—quel que soit son titre—parce que c'est ça qui fait avancer les choses. Il ne s'agit pas simplement de rassembler des informations à l'étranger, ce qui compte c'est la façon dont vous les interprétez et les analysez pour transformer ça en politique. Ces renseignements ne sont utiles sur le plan politique que si le Cabinet, le premier ministre et d'autres, sont en mesure d'en faire quelque chose.

Il faut donc créer, si vous voulez, un climat de réceptivité à l'instrumentalisation du renseignement, au lieu de simplement réagir aux informations de la presse, et au choc de la dernière crise. Il faut donc effectivement se doter d'une capacité de long terme d'utilisation de cette information. Sans cela, la simple création d'un organisme de renseignements à l'étranger, ou même d'un bureau d'analyse et d'évaluation indépendant, ne serait qu'un gaspillage de moyens.

Il faut donc d'abord se poser ses questions.

Mme Colleen Beaumier: Merci.

Le président: D'autres questions, madame Beaumier?

Mme Colleen Beaumier: Non.

Le président: Monsieur Dromisky, il restait deux minutes à Mme Beaumier. Est-ce que vous voulez les utiliser?

M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.): Ces deux minutes, et mes sept en plus?

Le président: Vous pouvez d'abord utiliser ces deux minutes.

M. Stan Dromisky: Très bien.

Votre exposé m'a beaucoup impressionné. Voilà exactement le genre d'article qu'on aimerait pouvoir lire en éditorial dans les journaux du pays, et pour plusieurs raisons.

Votre vision des choses est globale, et extrêmement éclairante. Depuis le 11 septembre, beaucoup de gens ont demandé à cor et à cri des augmentations du budget de la défense et des autres budgets, mais d'une façon qui consisterait à nous préparer à une guerre du passé. Ils veulent plus d'avions, de chars d'assaut, et plus de tout ce que vous pouvez imaginer en matière de jouets conventionnels de guerre. Dans votre dernier paragraphe, vous décrivez une dynamique... ce dernier paragraphe est fantastique. Voilà effectivement ce sur quoi il faut mettre l'accent. Je viens de parler de cette demande de crédits qui seraient affectés à des moyens traditionnels—ce serait donc une mauvaise affectation de nos deniers—alors qu'il faut au contraire s'orienter dans la voie que préconisez dans ce dernier paragraphe.

Pour ce qui est de l'orientation que vous recommandez, quelles sont nos chances de réussite, étant donné les pressions que nous subissons de tous les côtés dans notre pays en ce qui concerne l'achat de matériel traditionnel?

• 1635

M. David Charters: Je peux voir l'intérêt qu'il y a à rééquiper nos forces armées dans certains secteurs traditionnels. Je n'ai pas compétence pour vous dire si nous avons besoin de chars d'assaut ou non. À mon avis, c'est surtout de personnel dont nous avons besoin. Nous avons besoin de personnel bien formé, et il nous faut des tas de spécialistes que nous n'arrivons pas à trouver, par exemple, des ingénieurs, des transmetteurs, du personnel médical et ainsi de suite. Donc si je devais investir, j'investirais d'abord dans les ressources humaines, mais on ne peut pas aller à la guerre rien qu'avec des hommes ou des femmes. Ces personnes doivent aussi disposer d'un bon matériel.

Nous devons peut-être faire l'acquisition de matériel nouveau, par exemple les véhicules aériens télépilotés pour les opérations de reconnaissance et de surveillance étant donné que ces appareils donnent au commandant sur le champ de bataille une vue et une écoute améliorées; il faudra probablement moderniser notre artillerie, mais il faut qu'elle soit très mobile, que l'on puisse la déplacer aisément sur le champ de bataille, et cette artillerie doit pouvoir utiliser des munitions de précision autoguidées; et il faut des hélicoptères, beaucoup plus d'hélicoptères, et peut-être même des hélicoptères armés. C'est le genre de choses qu'on va retrouver désormais sur le champ de bataille moderne. Je ne dis pas que le char a vécu, parce qu'il peut être encore utile dans certaines circonstances.

Le président: Encore une fois, monsieur Charters, je dois vous interrompre parce que M. Dromisky a épuisé son temps de parole. Nous allons passer tout de suite à M. Stoffer, et vous pourrez peut-être reparler de ces questions avec M. Dromisky.

M. Peter Stoffer: Merci beaucoup, monsieur le président.

Je suis d'accord avec M. Dromisky. C'est le genre de texte qui devrait apparaître dans les pages éditoriales de tous les journaux de notre pays parce que la vérité fait mal parfois. Les détails que vous donnez dans votre mémoire sont très simples, quand on y songe. Dans un cerveau humain destructeur, un avion et un immeuble deviennent une arme de destruction massive. Avant le 11 septembre, qui aurait pensé à cela? D'être capable de mettre... quand on y pense, c'est très simple au niveau du détail, mais c'est très meurtrier. Mais tout compte fait, nous ne devrions pas être surpris que Timothy McVeigh ait pour sa part rempli un camion Ryder d'engrais. Le Unibomber se servait simplement de la lettre piégée.

Vous dites d'emblée que «le terrorisme n'est pas un phénomène nouveau». Ce n'est pas un phénomène nouveau, cependant, nous réagissons en tant que nation et en tant que société, comme si c'était un phénomène nouveau.

Je suis étonné de l'angoisse que suscite le bacille du charbon aux États-Unis, alors que le Unibomber a expédié ses lettres piégées pendant des années. Mais c'est seulement maintenant qu'on se met à prendre des précautions. Pensez encore à Timothy McVeigh. Je suis surpris qu'après Waco, les États-Unis n'aient pas cherché à sensibiliser davantage leurs citoyens à l'éventualité d'actes terroristes. Mais ils le font maintenant, parce qu'ils ont un ennemi qu'ils sont capables de visualiser.

Tout de même, il y a eu absolument... dans toute guerre ou acte terroriste on dit que la première victime est toujours la vérité. Nous ne savons toujours rien. Avec les moyens dont nous disposons, nous pouvons présumer qu'il s'agit de ben Laden et de son groupe—c'est plus que probable, c'est le cas—mais la seule preuve que j'ai jamais vue se trouvait dans le Globe and Mail. C'est la même chose pour vous et pour n'importe qui d'autre, en l'occurrence.

Ce qui m'inquiète, c'est que ce n'est pas seulement ce groupe qui a recours au terrorisme. Il y a eu un groupe terroriste au Japon qui pratiquait la guerre chimique dans le métro. Il y a aussi l'IRA—dont les déclarations nous avaient donné froid dans le dos. Je me rappelle ce qu'ils avaient dit: «Nous n'avons besoin de chance qu'une fois.» Je me rappelle que Margaret Thatcher avait été très secouée par ces propos.

Monsieur, voici ma question, pourquoi sommes-nous bêtes au point de ne rien retenir des leçons de l'histoire? Pourquoi faut-il un événement comme celui-là pour se rendre compte enfin que le terrorisme dure depuis toujours et qu'il n'aura pas de fin? Cette prétendue guerre ne connaîtra pas de fin parce que le terrorisme international n'est pas le seul en cause, il y a aussi le terrorisme intérieur. Pourquoi cette réticence de votre part à tirer un enseignement de l'histoire?

M. David Charters: Mon Dieu, la question n'est pas facile.

Je ne crois pas que nous soyons bêtes. Il faut se rappeler que la plupart des sociétés, la plupart du temps, ne sont pas menacées. Le Canada en est un bon exemple. Nous réussissons à fonctionner comme une société normale, si vous voulez, 99 p. 100 du temps. Nous avons des priorités qui nous intéressent. Nous nous préoccupons de la santé, de l'éducation, ou du filet de sécurité sociale. Ce sont ces choses-là qui sont importantes pour nous, donc nous y consacrons tout notre intérêt parce que c'est le genre de choses qui a le plus d'importance pour nous dans le quotidien.

• 1640

Heureusement, ce genre d'événement ne retient pas notre attention très souvent. Peut-être justement à cause de sa rareté, une fois le choc initial passé, nous réussissons à l'oublier quelque peu et à ne pas devenir obsédé. C'est peut-être une bonne chose.

Il faut se remettre des chocs psychologiques, cela ne fait aucun doute. Mais il ne fait aucun doute non plus qu'il y a moyen de songer aux événements du passé et de comprendre qu'il y a certains aspects dans ce dossier qu'on aurait dû prévoir. En fait, l'idée de jeter un avion contre une cible remonte à la Seconde Guerre mondiale. C'est exactement ce que faisaient les pilotes kamikazes dans les batailles aériennes et navales de la Seconde Guerre mondiale. Le précédent le plus récent de cette tactique remonte à 1994 ou 1995. Un groupe de pirates algériens avait détourné un avion vers la France pour qu'il s'écrase à Paris. Donc ces gars-là n'étaient pas les premiers à essayer.

M. Peter Stoffer: À ce sujet, monsieur, vous dites que nous ne sommes peut-être pas aussi bêtes que ça. Nous devons être ignorants alors parce que la catastrophe d'Air India s'était produite en 1983. Par un moyen quelconque, on avait réussi à placer une bombe dans cet avion, dans la cargaison ou le sac d'un passager qui n'avait pas été démasqué. C'est à ce moment-là qu'on s'est mis à inspecter les bagages pour les vols internationaux. Aujourd'hui, vous pouvez monter à bord d'un avion et ne pas savoir ce que contiennent les valises ou la cargaison dans la soute à bagages. Ça ne prend pas grand-chose pour installer des appareils de radiographie au comptoir des bagages et pour radiographier les bagages et la cargaison qu'on met à bord de l'aéronef. Donc, oui, je crois que nous sommes bêtes. Nous n'avons toujours rien appris.

Je pense que nous sommes bêtes parce que toutes nos actions sont fondées sur des considérations économiques ou ce qu'on appelle la gestion des risques. Comme nous ne sommes pas menacés, nous nous croyons dispensés de faire ces choses. Il faut qu'un accident se produise pour qu'on agisse. C'est comme lorsqu'on pose un trottoir dans une rue ou qu'on installe un panneau d'arrêt dans un nouveau parc immobilier. Si un enfant en vélo se fait tuer, le panneau d'arrêt apparaît immédiatement le lendemain. Nous ne réagissons qu'après coup, nous ne sommes pas prévoyants. Ce que vous nous dites, essentiellement, dans votre texte, c'est que nous devons nous réveiller et nous montrer plus proactifs à l'avenir, dans le domaine de la sécurité, du renseignement, en ce qui concerne la GRC, ou que sais-je. Ai-je raison de dire cela?

M. David Charters: Oui, nous pourrions être plus proactifs que nous l'avons été, et peut-être que le 11 septembre nous a bel et bien réveillés. Dans un sens, c'était un événement tragique à tellement d'autres égards, mais si cela a eu pour effet de réveiller le Canada sans trop nous toucher directement, exception faite des nôtres qui ont été tués dans les tours du World Trade Center, alors cela a peut-être été une bonne chose.

Mais nous avons également vécu d'autres événements qui ont servi à nous faire prendre conscience de la réalité. Je pense entre autres à la tempête de verglas et à l'opération de deux-millisation. Ces deux choses nous avaient déjà obligés à réfléchir à des choses comme la sécurité de nos infrastructures essentielles. Le fait que le gouvernement ait créé un nouvel organisme pour s'en occuper est à mon avis l'indice que nous commençons à avancer dans la bonne direction. Mais le 11 septembre nous a rappelés à la réalité une fois pour toutes.

M. Peter Stoffer: Monsieur le président, c'est ma dernière question, si vous le permettez.

Le président: Très brièvement.

M. Peter Stoffer: Oui monsieur.

Pour des organismes comme le SCRS et le CST, qui sont deux services différents mais qui travaillent en étroite collaboration, serait-il préférable qu'ils soient sous le même toit, puisqu'ils travaillent ensemble sur la scène internationale et au Canada et qu'ils échangent des renseignements?

M. David Charters: Je ne pense pas que je serais d'accord avec cela, non. À mes yeux, les deux rôles sont distincts, mais il y a peut-être une lacune qui reste encore à combler.

Le président: Merci, monsieur Stoffer et monsieur Charters.

Monsieur Anders, vous avez cinq minutes.

M. Rob Anders: Merci.

Monsieur Charters, Benjamin Netanyahu a préfacé un livre intitulé Comment l'Occident peut vaincre le terrorisme. On y trouve un certain nombre d'articles, dont deux qui sont signés Paul Laxalt et Jack Kemp. J'ai eu la chance de feuilleter ce livre juste après les attentats au World Trade Centre et au Pentagone. Je m'étonne que certaines des idées énoncées dans ces pages n'aient pas encore été reprises dans le débat public.

L'une de ces idées était que les missions ou consulats d'un certain nombre d'États ou de pays—environ une demi-douzaine dans le monde arabe, comme l'Iran, l'Iraq, la Libye, le Soudan, la Syrie et l'Afghanistan, et d'autres aussi qui jouent peut-être divers rôles—ont servi depuis 10 ou 20 ans, d'une façon ou d'une autre, à favoriser les activités terroristes, que ce soit en fournissant des titres de voyage, des visas, des passeports, de l'argent, en servant d'asiles, en accordant l'immunité diplomatique ou l'usage de la valise diplomatique, etc. Pour les pays qui ont aidé directement ou indirectement les organisations terroristes, on suggère dans ce livre que nous devrions limiter radicalement les privilèges diplomatiques des États qui se sont livrés à ce genre d'activités. Je voudrais savoir ce que vous en pensez.

• 1645

Et j'en profite pour vous poser une deuxième question qui découle de la réponse que vous avez donnée à M. Bachand tout à l'heure, au sujet de la nature de Al-Qaïda. Je me demande si vous avez eu connaissance de l'essai de Samuel Huntington sur le choc des civilisations; son livre est intitulé The Clash of Civilizations and the Remaking of World Order. Si vous connaissez ce livre, pouvez-vous nous faire part de vos réflexions sur Huntington?

M. David Charters: Je vais d'abord répondre à votre question sur le livre de Netanyahu et les points qu'on y soulève. Dans les années 80, il y avait certainement ce que j'appellerais, pour utiliser une expression juridique, des preuves circonstancielles qui liaient un certain nombre d'ambassades étrangères à des opérations terroristes. Nous en avons connu un certain nombre de cas. À l'ambassade du Liban à Londres, des coups de feu ont même été tirés à partir de l'ambassade. Les Libyens semblaient également directement en cause dans l'attentat à la bombe à la discothèque Labelle à Berlin, etc.

Je ne suis pas certain que je sois nécessairement d'accord avec tout ce que dit M. Netanyahu, parce qu'il peut être assez extrême. Mais on peut présenter des arguments convaincants en faveur d'une surveillance étroite des ambassades étrangères si l'on a des raisons de croire qu'elles sont peut-être en cause et appuient des activités malveillantes. Les pays disposent d'un certain nombre d'outils pour le faire.

Il est bien possible qu'il devienne nécessaire de fermer une ambassade et d'expulser tous ceux qui s'y trouvent. Je n'ai pas d'objection à cela si la menace semble suffisamment grave. Je ne considère pas l'immunité diplomatique comme un pacte de suicide et je ne pense pas qu'aucun pays devrait le faire. Quant à utiliser la valise diplomatique pour faire rentrer en contrebande des armes, etc. cela ne devrait pas être permis.

Je dirais donc que, oui, si l'on a des raisons de croire qu'une ambassade est impliquée dans des activités de ce genre, alors il faut prendre les mesures appropriées. Au besoin, on expulse tout le monde. Il n'y a pas de doutes là-dessus.

Pouvez-vous me rappeler la deuxième partie de votre question?

M. Rob Anders: Je vous ai demandé si vous connaissiez le livre de Samuel Huntington?

M. David Charters: Oui, je le connais.

Je suis certain que, dans une certaine mesure, mes idées ne me sont pas exclusives. Nous avons souvent les mêmes lectures et après un certain temps, on commence à se demander d'où viennent nos idées. Huntington a traité essentiellement de ce qu'il percevait comme le choc des civilisations entre le monde musulman et le nôtre. Quant à savoir si mes réflexions ont été influencées par cette lecture en particulier ou d'autres, je l'ignore.

Ce que j'essayais de dire, c'est qu'il faut envisager cela du point de vue de certains éléments du monde musulman—et je ne dis pas que cela représenterait la totalité du monde musulman. Ces éléments considèrent que leur culture ou leur civilisation est menacée, peut-être parce qu'à certains égards, ils n'ont pas le sentiment de pouvoir rivaliser avec la puissance extraordinaire, la puissance mondiale de la culture occidentale.

La culture occidentale pénètre leur société de toutes parts. Si l'on croit vraiment que la société dont on fait partie doit être guidée par le Coran, dans l'esprit et dans la lettre, il n'y a pas de doute que notre culture serait alors perçue comme très menaçante. Nous devons tout au moins reconnaître qu'une telle perception peut exister, et que c'est peut-être ce qui motive des gens comme ben Laden. Il n'est pas seulement en colère à cause du problème palestinien ou qu'il s'oppose aux Saoudiens. C'est ce que tout cela représente pour sa culture. C'est probablement menaçant et je ne suis pas certain que nous puissions y faire quoi que ce soit. Nous ne pouvons rien changer à ce que nous sommes, du moins pas d'une manière qui puisse satisfaire ses critères. Nous sommes qui nous sommes.

M. Rob Anders: Si j'ai encore du temps, monsieur le président...

Le président: Non, vous n'avez plus de temps, monsieur Anders.

Monsieur Bachand.

[Français]

M. Claude Bachand: Merci, monsieur le président.

Monsieur Charters, vous êtes le directeur du Centre d'étude des conflits. Un conflit a toujours une origine et il faut essayer de trouver un règlement. Il arrive souvent qu'on n'est pas à l'origine des conflits, mais quand il y en a un, il faut essayer de le régler.

• 1650

J'aimerais que vous me résumiez votre pensée sur la façon dont les États-Unis et la coalition internationale procèdent. Trouvez-vous qu'on est sur la voie d'un règlement? Est-ce qu'on est en train de chercher un règlement, ou s'il est encore prématuré de chercher un règlement?

Deuxièmement, je veux avoir votre opinion sur le fait que toutes les démocraties réagissent actuellement un peu de la même façon que le Canada, c'est-à-dire par une loi antiterroriste, qui est peut-être une opération de relations publiques dont le but est de montrer qu'on est sérieux et qu'on va prendre le taureau par les cornes.

Je ne sais pas si vous avez pu lire le projet de loi C-36. Nous, du Bloc québécois, sommes un peu réticents, parce que si on restreint trop les droits et libertés, c'est une victoire des terroristes. C'est peut-être cela qu'ils cherchaient. Ils cherchaient peut-être à envenimer les choses afin que les Occidentaux soient obligés de s'imposer leur propre autodiscipline et d'être plus tough à partir de maintenant.

On se pose beaucoup de questions là-dessus, entre autres sur la définition d'un terroriste dans la loi, sur la possibilité d'écoute électronique sans passer par un juge, sur la détention préventive et sur la restriction de l'accès à l'information. Pour vous, la façon dont le Canada se comporte avec le projet de loi C-36 est-elle une façon de régler le problème du terrorisme?

Je vous pose la même question du côté international. Pensez-vous que les Américains et la coalition internationale réagissent bien et sont bien engagés dans la voie d'un futur règlement potentiel?

[Traduction]

M. David Charters: Je vais d'abord répondre à cette question.

Comme je l'ai dit au début, la campagne militaire n'est qu'un élément de la solution. Je ne pense pas que les États-Unis ne soient pas justifiés d'intervenir militairement. Je pense qu'ils ont le droit de le faire aux termes de la Charte des Nations Unies, qui les autorise à prendre des mesures en situation de légitime défense. Pourvu que ces mesures soient proportionnelles, ciblées et qu'elles visent à prévenir de nouvelles attaques contre les États-Unis, il est certain qu'elles sont légalement justifiées en application du droit international.

Le problème que je perçois—et je ne pense pas être le seul dans ce cas—c'est que même si les opérations américaines en Afghanistan sont d'une envergure relativement limitée jusqu'à maintenant, elles n'en sont pas moins suffisantes pour que les gens dans la région se sentent menacés. Le problème est que, même si les Américains s'en tiennent au minimum, leur action va perturber certaines personnes. C'est inévitable. Si c'était absolument tout ce que faisaient les Américains et la coalition, cela nous mettrait dans le pétrin. Le fait que notre propre ministre des Affaires étrangères, Tony Blair, des diplomates américains et le Secrétaire d'État américain aient consacré beaucoup de temps à leurs efforts diplomatiques est une bonne chose, parce qu'il faut prendre l'initiative sur ce front également. Le problème est que nous sommes incapables d'obtenir l'adhésion des gens qui seront offusqués peu importe ce que nous faisons.

Y a-t-il une solution à long terme à tout cela? C'est la question que vous posez en fin de compte. Pour vous dire franchement, je ne pense pas pouvoir vous répondre, parce que je n'en suis pas certain. J'aimerais avoir des certitudes et pouvoir vous dire que si seulement nous faisions ceci ou cela, nous pourrions trouver un moyen de résoudre ce grand conflit. Mais si c'est bel et bien un choc des civilisations, ou tout au moins un choc des cultures, c'est beaucoup plus difficile à résoudre, en particulier si certains éléments de ces cultures croient que les deux ne sont absolument compatibles, qu'elles ne peuvent pas cohabiter.

J'ai dit tout à l'heure que je ne pense pas que beaucoup de Musulmans perçoivent l'Occident de cette manière, qu'ils croient possible au contraire d'en arriver à un modus vivendi. Mais tout en réagissant à ceux qui adoptent un point de vue plus extrême, nous nous trouvons à nous aliéner même les membres de la communauté musulmane qui, autrement, seraient de notre côté.

Je voudrais donc pouvoir vous dire que oui, il y a une solution à cela.

Par ailleurs...

Le président: Monsieur Charters, je dois vous couper la parole. Nous pourrons y revenir tout à l'heure.

Je donne maintenant la parole à Mme St-Jacques.

[Français]

Mme Diane St-Jacques (Shefford, Lib.): Merci, monsieur le président.

C'est la première fois que j'assiste à ce comité-ci, et j'ai été très impressionnée par votre présentation, que j'ai trouvée très éducative et très réaliste.

• 1655

Justement, dans la présentation que vous nous avez faite, vous dites:

    Si le réseau terroriste al-Qaeda est à l'origine des événements de septembre, son passé connu permet de croire qu'il laissera s'écouler un certain temps avant de frapper à nouveau.

Je voudrais avoir votre opinion là-dessus. Cette semaine, on a entendu des rumeurs selon lesquelles il y aurait peut-être encore d'autres attaques terroristes. On parlait même de cette semaine, mais jusqu'à maintenant, il ne s'est rien passé.

Ma question vous amène peut-être aussi aux attaques biologiques avec l'anthrax. Pensez-vous que c'est ce réseau qui est responsable de ces attaques, ou si ce n'est pas plutôt un réseau intérieur, aux États-Unis, qui pourrait peut-être se propager ici à l'avenir?

[Traduction]

M. David Charters: Pour commencer, laissez-moi vous dire qu'à mon avis, le risque d'attaque demeure entier, mais je ne pense pas que nous puissions affirmer avec certitude qu'il y aura d'autres attaques la semaine prochaine, le mois prochain ou l'année prochaine. Peut-être serait-il possible de le savoir, mais personnellement, je n'en sais rien. Ne faisant pas partie du milieu du renseignement, je ne suis pas très bien informé. Toutefois, étant donné ce qui s'est passé le 11 septembre, nous devons partir de l'hypothèse que les moyens qu'une attaque de ce genre se reproduise doivent bien exister quelque part. Peut-être s'agirait-il de quelque chose de différent. Il pourrait s'agir d'une voiture piégée à Washington ou d'une bombe qui exploserait à bord d'un navire dans le port de San Francisco, ou encore d'une attaque quelconque à Londres, à Paris ou que sais-je encore. En deux mots donc, oui, il est possible qu'il y ait d'autres attaques de ce genre, mais je ne pense pas que nous puissions savoir au juste où et quand elles pourraient survenir.

Pour ce qui est de la maladie du charbon, ces attaques m'ont un peu interloqué parce qu'elles ne portent pas la marque d'al-Qaïda. Peut-être en sont-elles une manifestation, mais il y a quelque chose dans tout cela qui ne colle pas bien. Les attaques récentes perpétrées par l'organisation de ben Laden étaient souvent relativement directes, visibles et spectaculaires, comme l'attentat contre les tours de Khobar, ou encore le premier attentat contre le World Trade Centre. Il s'agissait en l'occurrence d'attaques de grande envergure qui avaient produit des effets considérables.

Les attentats perpétrés au moyen du bacille du charbon seraient plutôt le fait d'un type comme l'Unibomber, un genre de cas pathologique si vous préférez. Ou encore celui d'un mouvement d'extrême droite militant pour la suprématie blanche aux États-Unis qui voudrait profiter du sentiment de peur créé par les attaques du 11 septembre. Une autre possibilité serait une action menée par un culte prêchant l'apocalypse. Il y a donc à mon avis toute une série de possibilités.

Mais à certains égards, cela ne ressemble guère à une action d'al-Qaïda. Les cibles choisies sont un peu bizarres. La méthode de dispersion du bacille du charbon est étrange. Ces attaques suscitent la peur, certes, mais elles ne touchent pas vraiment grand monde.

Le président: Ce sera tout, madame St-Jacques?

Mme Diane St-Jacques: Oui.

[Français]

Le président: Monsieur Carignan.

M. Jean-Guy Carignan (Québec-Est, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Charters, je vais me faire l'avocat du diable au niveau de la stratégie utilisée par les terroristes, que vous affublez souvent de qualificatifs péjoratifs. Je m'explique.

Je vais me référer à trois ou quatre passages de votre texte, faire quelques commentaires et terminer par une seule question. Par exemple, vous dites: «Le terrorisme n'est pas un phénomène nouveau.» Vous dites aussi que le présent cas est «la très fine pointe d'une percée quantique» et que c'est «l'une des approches guerrières préférées des faibles». De la façon dont vous le dites dans votre texte, ça semble péjoratif.

Il y a des commentateurs qui ont demandé, à un moment donné, si la façon dont ils avaient procédé n'était pas plutôt un bijou de stratégie. Vous dites un peu plus loin dans votre texte qu'ils ont utilisé les moyens qu'ils avaient pour frapper des cibles significatives pour les Américains.

Pendant la Deuxième Guerre mondiale, les Français utilisaient le maquis. Combien de sabotages ont-ils faits? Comment ont-ils énervé les Allemands et comment ont-ils préparé la victoire? De tout temps, le sabotage a fait partie de la stratégie militaire pour préparer le terrain, comme on va le préparer par le pilonnage de l'aviation.

Vous dites plus loin que le geste nouveau des terroristes a «haussé la barre» et créé de nouvelles normes. «Si tel est le cas, rien ne vas plus. Il n'existe plus de limites et tout est possible», dites-vous. Quelle différence existe-t-il entre la stratégie qu'ils ont utilisée et les quelques nations privilégiées qui possèdent l'arme nucléaire et qui peuvent écraser toutes les autres nations ou encore les tasser dans le coin et les faire vivre dans la peur?

Un peu plus loin, vous dites:

    Déclarer la «guerre au terrorisme» peut constituer une bonne approche de relations publiques, mais ce n'est pas sans conséquences. D'abord, cela donne aux terroristes, quels qu'ils soient, plus de légitimité qu'ils n'en méritent, c'est-à-dire un statut équivalent à celui des militaires d'un État, plutôt que de leur laisser l'identité de criminels qui leur revient à juste titre.

• 1700

Dans ce même paragraphe, vous dites: «Pour la majorité des Occidentaux, la guerre se constitue de batailles militaires...».

Je reviens à ma question. Pourquoi la stratégie de ces personnes ou de ce peuple n'est-elle pas bonne par rapport à ce que nous connaissons et par rapport à la façon dont nous faisons les guerres? Y a-t-il seulement notre méthode qui soit bonne?

Vous dites aussi que si on apprend, à un moment donné, que d'autres nations ont participé à ces attentats avec les talibans, on pourra les attaquer et avoir une bonne guerre conventionnelle.

Dans votre dernier paragraphe, vous dites que tout a changé. De la façon dont vous décrivez cela, ça ressemble énormément à du sabotage ou encore à des guérillas, qui ont existé de tout temps également.

Donc, pourquoi la stratégie utilisée par ces gens n'est-elle pas bonne par rapport à nos stratégies conventionnelles?

[Traduction]

Le président: Monsieur Charters, je vais vous demander de répondre assez rapidement parce que M. Carignan s'est attardé assez longuement sur sa question.

M. David Charters: Je vais voir s'il m'est possible de répondre assez rapidement à tous ces éléments.

Lorsque j'utilise le terme «faible», ce n'est pas d'une manière péjorative. J'essaye simplement de faire valoir que les groupes qui se livrent à des attaques de ce genre sont en règle générale peu nombreux et que leurs pouvoirs sont loin d'atteindre ceux dont dispose un État. Toutes proportions gardées, ces groupes sont donc plus faibles, dirions-nous. Ils n'ont pas un pouvoir militaire, économique ou politique aussi important. Proportionnellement parlant, ils sont donc en situation de faiblesse.

Y a-t-il une différence au niveau des stratégies utilisées par les grandes puissances dans le domaine de l'armement nucléaire? Vous avez parfaitement raison, il en existe une dans un certain sens. D'ailleurs, ce que je dis dans mon texte, c'est que les terroristes sont en passe d'acquérir des moyens qui les mettraient sur un pied d'égalité avec les États. Ce que j'affirme également, c'est que le terrorisme n'est pas un phénomène nouveau, mais par contre que les moyens que les terroristes ont pu déployer ont fait évoluer la relation à leur avantage. Les terroristes peuvent effectivement, désormais, utiliser des moyens dont la puissance est équivalente à certaines des armes que les États eux-mêmes peuvent mobiliser.

Pourquoi leur stratégie serait-elle injustifiée? Elle ne l'est pas pour eux. Pour eux, cette stratégie est le seul moyen dont ils disposent pour se battre. Cela étant dit, nous devons bien reconnaître que les actes qu'ils commettent sont des actes criminels aux yeux de la loi des pays dans lesquels ils les commettent. Par ailleurs, les terroristes violent également tous les principes du droit international de la guerre. Il n'y a eu aucune déclaration de guerre officielle, ces groupes terroristes ne sont pas des intervenants reconnus en droit international, et ils ne portent pas non plus l'uniforme. Il y a toute une série de choses qu'ils n'ont pas faites mais qui sont exigées de la part des troupes combattantes, et on ne peut pas dire de l'attaque qu'ils ont perpétrée qu'elle ait été sélective, proportionnelle ou nécessaire. Donc, par rapport au droit international qui définit ces termes, on ne peut que conclure que ces actes étaient injustifiés.

Je ne pourrais probablement pas vous donner une meilleure réponse.

Le président: Je vous remercie, monsieur Charters.

Monsieur Stoffer, vous avez cinq minutes.

M. Peter Stoffer: Monsieur, avez-vous eu le loisir de lire le projet de loi C-36?

M. David Charters: J'ai seulement commencé à le lire. J'en ai reçu copie la semaine dernière, mais j'étais en train de me préparer à cette comparution, de sorte que je n'en ai pas pris connaissance de façon détaillée.

M. Peter Stoffer: Fort bien.

Je voudrais encore une fois vous féliciter pour ce mémoire que, personnellement, je trouve excellent. Il va beaucoup nous aider pour rédiger notre rapport, en particulier parce que vous y dites que les terroristes utilisent contre nous les outils de la mondialisation. Ce qui fait notre force économique fait également notre faiblesse sur le plan de la sécurité.

Je voudrais vous donner autant de temps que vous en avez besoin et vous demander quelle est, à votre avis, la leçon la plus utile que notre société occidentale puisse tirer non pas des attentats précédents, celui d'Air India, l'Unibomber ou autre Timothy McVeigh, mais bien des événements horribles du 11 septembre? Tout le monde dit que le monde a changé, et j'imagine que vous dites pour votre part que le monde va changer, probablement au sens plus restrictif du terme. Je voudrais donc vous donner le loisir de nous dire ce qui, à votre avis, est l'élément le plus porteur que nous devrions tirer de tout cela au bout du compte.

• 1705

La guerre froide contre la Russie a duré fort longtemps, mais le communisme a fini par être déclaré perdant. Cette guerre-ci—et je n'aime guère utiliser ce terme, je devrais peut-être parler plutôt de «bataille»—va se poursuivre... Vous nous dites que le terrorisme existe depuis deux mille ans, et que selon toute vraisemblance il va encore durer un bon bout de temps. Que va-t-il advenir de tout cela? Le terrorisme ne va pas disparaître, et je me demande ce que cela va signifier pour Monsieur et Madame Tout-le-monde au Canada.

M. David Charters: J'aimerais pouvoir espérer qu'à un moment donné, nous puissions revenir à une vie normale. C'est une possibilité. Si vous déambuler dans les rues d'Ottawa, vous pouvez voir que la plupart des gens se comportent de façon habituelle. Ils vont travailler, ils font leur boulot et ainsi de suite. Cela, à mon avis, va se poursuivre.

Il y a peut-être une chose que l'expérience du 11 septembre aura gravée en nous, c'est que nous allons devoir reconnaître que nous ne pouvons plus tolérer certaines choses qui se passent dans d'autres régions du monde parce qu'elles risquent d'avoir des répercussions chez nous. Elles peuvent avoir des répercussions extrêmement néfastes—physiquement et mentalement pour les gens, néfastes manifestement aussi pour l'économie—de sorte que nous devons prendre conscience du fait que ce genre de choses peuvent se produire. Et peut-être cela change-t-il la perspective que nous avons de nos activités quotidiennes, en ce sens que nous nous soucions peut-être un petit peu plus de notre sécurité.

Par contre, je ne pense pas qu'il faille pour autant vivre en permanence sous le coup de la loi martiale. Cela aurait l'effet inverse de ce que nous recherchons. Toute démocratie doit savoir non seulement qui est son ennemi, mais pourquoi celui-ci se bat. C'est quelque chose que nous ne devons jamais perdre de vue. Aucun mouvement terroriste n'a encore réussi à détruire une démocratie, et nous ne devons donc pas leur faciliter la tâche. Le terrorisme ne porte fruit que lorsque la cible réagit comme les terroristes l'escomptent, de sorte que nous ne devrions pas maintenant réagir en faisant le jeu des terroristes.

Par contre la mise en place d'une culture de la sûreté et de la sécurité ne nous ferait pas de tort. Je veux dire par là qu'il faut être conscient des dangers qui existent dans le monde et qui risquent d'avoir des répercussions sur nous, en particulier si nous travaillons par exemple dans l'une ou l'autre des infrastructures vitales. Certaines de ces institutions prennent très au sérieux la question de la sûreté et de la sécurité, mais ce n'est pas toujours le cas. Peut-être devrons-nous insister davantage sur ces deux éléments, mais sans pour autant, à mon avis, en arriver au point de devoir vivre sous le coup de la loi martiale.

M. Peter Stoffer: Merci beaucoup.

Comme il est merveilleux d'entendre des phrases comme: «les terroristes n'ont pas encore réussi à détruire une démocratie, c'est pourquoi il ne faut pas le faire à leur place.» Je trouve cela merveilleux. On dit aussi qu'on ne protège pas ses libertés civiles en les abandonnant. Je suis sûr que vous êtes d'accord avec une telle affirmation.

M. David Charters: Absolument. En fait, je crois que c'est l'argument que monsieur Bachand essayait de faire valoir plus tôt.

M. Claude Bachand: Et j'aurais une question à vous poser à ce sujet plus tard.

M. Peter Stoffer: Monsieur le président, je tiens à dire que de toutes les séances de comité que nous avons eues jusqu'à présent, celle-ci a été la plus passionnante.

Le président: Je vous remercie, M. Stoffer.

Madame Gallant, vous avez cinq minutes.

Mme Cheryl Gallant (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Alliance canadienne): Je vous remercie, monsieur le président. Avant de commencer, j'aimerais demander que l'on me permette de dire quelques mots avant la fin de la séance aujourd'hui.

Le président: Comme notre ordre du jour est déjà établi, je vous demanderais de poser vos questions à M. Charters.

Mme Cheryl Gallant: La question que j'aimerais poser à M. Charters, par l'entremise de la présidence, est la suivante: nous avons de nombreux points vitaux au Canada qui nécessitent une protection: les centrales nucléaires, les usines hydroélectriques, les aéroports, les pipelines, les barrages et ainsi de suite. Il semble, du moins en partie, que ce travail aurait dû être confié aux réservistes, mais la milice ne compte qu'un effectif de 11,000 à 15,000 personnes. Par ailleurs, l'Agence internationale de l'énergie atomique signale que le combustible épuisé des centrales nucléaires déclassées présente aussi un risque majeur. Donc, à votre avis, quelle devrait être la taille de la milice pour qu'elle puisse effectuer le travail réel qui s'impose?

• 1710

M. David Charters: Tout d'abord, il faut faire une juste évaluation de la menace. Autrement, on se trouve dans une situation où on se sent obligé de tout protéger. C'est aberrant. Même si on faisait appel à tous les policiers, tous les militaires, tous les volontaires de toutes sortes, nous ne pourrions jamais protéger suffisamment chaque élément de l'infrastructure essentielle qui représente un point névralgique dans notre pays. Il faut disposer d'une recherche et d'une analyse efficaces du renseignement pour permettre d'évaluer la menace de façon à pouvoir restreindre le nombre d'objectifs à protéger.

Effectivement, cela comporte une certaine gestion du risque. On évalue qu'en fonction du niveau de la menace, tel type de cible est plus susceptible d'être attaquée qu'une autre. Si on dispose de ressources limitées—ce qui est notre cas à tous, c'est là où vous affectez vos ressources. Nous n'avons pas de ressources illimitées, c'est pourquoi nous devons définir où se trouvent les cibles à risque élevé et les protéger.

La milice a-t-elle un rôle à jouer? Oui, mais il ne faut pas oublier qu'on ne peut pas appeler la milice et la laisser là en permanence. Va-t-on appeler la milice pour dix ans? Je l'ignore. Je ne crois pas que cela soit possible.

Il va falloir trouver d'autres moyens de protéger ces sites. On peut le faire en renforçant la cible de manière à ne pas avoir des gens là en permanence. On peut avoir recours à des caméras de surveillance et à tous ces types de dispositifs. Cela vous permettra peut-être d'assurer la surveillance de certains points sans que des personnes soient affectées sur place, pourvu que vous prévoyiez des moyens de réagir en cas d'attaque.

Mme Cheryl Gallant: Je vous remercie.

Le Canada est-il prêt à affronter une grande menace ou catastrophe interne? La capacité des Forces canadiennes en matière de recherche et de sauvetage en milieu urbain est-elle suffisante?

M. David Charters: Je ne suis pas sûr que les Forces canadiennes seraient les principaux agents de secours d'urgence dans ce genre de situation. Il ne fait aucun doute que nous pouvons faire appel aux Forces armées pour qu'elles apportent leur aide, mais il me semble que la recherche et le sauvetage en milieu urbain, selon votre description, relèvent surtout des services d'incendie, des services policiers et peut-être d'autres services d'urgence. Pouvons-nous demander l'aide des Forces armées? Bien sûr, comme cela a été le cas lors de la tempête de verglas, entre autres.

M. Stan Dromisky: L'enlèvement de la neige à Toronto.

M. David Charters: Oui, l'enlèvement de la neige à Toronto, et l'aide aux sinistrés pendant les inondations à Winnipeg. Il me semble que même si nous pouvons faire appel à eux, nous ne devrions pas faire appel à eux en premier.

Mme Cheryl Gallant: À votre avis, avons-nous une capacité adéquate de réaction à une attaque bioterroriste?

M. David Charters: Je crains de ne pas pouvoir répondre à cette question. Je ne m'y connais pas assez bien. J'ai entendu quelques analyses dans les médias mais je n'ai pas l'impression de posséder suffisamment d'information pour pouvoir répondre à cette question en connaissance de cause.

Mme Cheryl Gallant: Merci, monsieur Charters.

[Français]

Le président: Monsieur Bachand.

M. Claude Bachand: J'ai entre les mains une étude de John E. Finn de Wesleyan University, que vous devez connaître, monsieur Charters, parce qu'il semble critiquer votre livre The Deadly Sin of Terrorism.

Je reviens à mes questions de tout à l'heure. Il y a un passage de l'étude de M. Finn que je trouve très intéressant et que je vais vous lire. Malheureusement, il n'est pas traduit; il n'est qu'en anglais. Il dit:

[Traduction]

    M. Charters va au-delà des idées reçues en signalant que la définition du «succès» qui y est implicite est excessivement étroite. Si nous en élargissons la définition pour inclure le fait de contraindre l'État à adopter une large gamme de mesures en réaction, y compris changer l'attitude du public pour l'amener à accepter «des régimes de gouvernement moins démocratiques» ou à adopter des mesures contraires aux principes démocratiques [...], alors le terrorisme a «réussi» dans une certaine mesure dans chacun des pays examinés dans ce volume. C'est le plus évident dans l'adoption de lois et de politiques antiterroristes qui pourraient être perçues comme antidémocratiques. Ici M. Charters revient à juste titre au problème de définitions soulevé plus tôt, en notant que ces politiques [...] ont été adoptées surtout pour lutter contre le terrorisme intérieur.

[Français]

Je vous posais plus tôt une question sur le projet de loi C-36, où on a une définition de «terrorisme» très large, où on permet l'écoute électronique sur une simple signature d'un ministre, où on permet la détention préventive, où on restreint l'accès à l'information. Ne trouvez-vous pas que si le Canada vote une loi comme celle-là, les terroristes auront réussi au Canada?

[Traduction]

M. David Charters: J'ai déjà expliqué à l'un des autres députés que je n'ai pas eu l'occasion de lire au complet le projet de loi C-36 de sorte que je ne peux le commenter de façon détaillée.

• 1715

Or, Finn a raison et je crois que notre ouvrage l'a bien démontré comme d'autres auteurs l'ont fait aussi. Les démocraties devraient bien peser leurs décisions de conférer des pouvoirs d'urgence qui sont, de par leur nature même, antidémocratiques. Les terroristes peuvent prétendre à une certaine victoire s'ils nous contraignent à aller jusque-là.

Cela dit, je ne crois pas que ben Laden s'inquiète de savoir si le Canada deviendra moins démocratique. Il nous en veut au point de souhaiter que des pays comme le Canada soit détruit par la violence plutôt qu'en devenant moins démocratique.

En règle générale—et cela me ramène à la réponse que j'ai donnée à M. Stoffer—les démocraties ne doivent pas oublier les motifs pour lesquels elles luttent, et ne pas faire le travail des terroristes à leur place. Si nous étendons les pouvoirs policiers, et ceux des organismes de renseignement et de surveillance, si nous prolongeons la période de détention sans qu'une accusation soit portée, etc., il faut que la décision soit mûrement réfléchie. Si nous estimons qu'il est nécessaire d'aller jusque-là, il faut que ces mesures fassent l'objet d'un contrôle, d'une procédure d'appel, de l'application régulière de la loi et, au bout du compte, d'abrogation. Ces lois ne peuvent pas rester en vigueur pour toujours.

M. Claude Bachand: Lorsque vous parlez d'«abrogation», pensez-vous à une disposition de temporarisation?

M. David Charters: Oui, je préférerais une disposition de temporarisation, ou au moins une disposition de réexamen de la loi après un certain nombre d'années afin que nous puissions décider si nous devons la proroger. La Prevention of Terrorism (Temporary Provisions) Act 1989 de la Grande-Bretagne, par exemple, s'appliquait pendant une durée limitée. La Chambre des communes britannique devait périodiquement voter en faveur du maintien de la loi. Ma mémoire me fait défaut, mais je crois qu'elle a finalement été abrogée en 1992.

Je vous dis en fait que toute nouvelle loi doit être utilisée avec circonspection afin de ne pas réprimer l'exercice légitime de droits fondamentaux. Ce n'est pas une tâche facile. Nous tentons de trouver un juste équilibre entre le resserrement de la sécurité et la préservation de nos libertés fondamentales. Ce n'est pas facile. Il n'existe pas de solution parfaite. Vous pencherez forcément pour l'un ou pour l'autre.

Le président: Merci, monsieur Charters.

Monsieur Stoffer.

M. Peter Stoffer: En fait, monsieur le président, j'aimerais vous céder mon temps au cas où vous auriez des questions à poser au témoin.

Le président: Merci, monsieur Stoffer. Vous êtes très généreux aujourd'hui.

Une voix: Il est toujours généreux.

Une voix: Il est toujours comme ça.

Le président: Monsieur Charters, j'aimerais explorer plus avant l'idée d'une agence du renseignement étranger indépendante puisque vous en avez parlé. Certains ont souligné le fait que le Canada est le seul des pays G-8 à ne pas avoir une agence du renseignement étranger. Même certains pays de petite taille, comme l'Australie, par exemple, ont les moyens de recueillir des renseignements de sécurité à l'étranger comme au pays. Si vous le voulez bien, j'aimerais que vous nous donniez de plus amples explications. Par ailleurs, si vous croyez qu'il est important d'assurer l'indépendance des agences responsables du renseignement étranger et intérieur, j'aimerais que vous nous expliquiez pourquoi, notamment en ce qui a trait à la contamination des méthodes de collecte de renseignement. Si vous avez des précisions à nous donner, je l'apprécierais.

M. David Charters: J'aimerais d'abord dire en ce qui concerne le problème précis contre lequel nous luttons maintenant, que le renseignement est la première ligne de défense. Si vous voulez tenter de comprendre le problème que pose le terrorisme, si vous devez évaluer adéquatement la menace afin de prévoir et de prévenir des attaques et d'identifier, de repérer, d'arrêter et de poursuivre les coupables, alors le renseignement est votre arme de choix.

Cela dit, j'essayais plutôt de faire comprendre qu'il ne suffit pas de pouvoir recueillir des renseignements de sécurité à l'étranger—c'est-à-dire sans se fier à ceux qui circulent librement—mais qu'il faut aussi être en mesure de juger de leur valeur. À court terme, si nous constatons que nous devons nous doter de cette capacité, nous pourrions probablement élargir le mandat et augmenter les ressources du SCRS de façon temporaire. Cela pourrait répondre à nos besoins, en attendant de pouvoir créer une toute nouvelle agence. Ce n'est pas là façon optimale de procéder, mais si nous confirmons l'existence d'un besoin à court terme, c'est sans doute la meilleure.

• 1720

Vous avez raison. Il serait risqué de créer une seule agence responsable du renseignement étranger et intérieur et il y aurait un risque de confondre les moyens à employer dans l'un et l'autre cas. Il faudrait exercer une surveillance très fine pour éviter qu'il n'y ait confusion entre les activités de renseignement intérieur et étranger.

J'aimerais ajouter que quand on se heurte à un problème comme celui de ben Ladden—si c'est ce dont nous parlons—il y a déjà une certaine confusion entre le renseignement intérieur et étranger parce que l'ennemi nous a obligés à ne plus faire la distinction. Il y a des gens qui travaillent à l'intérieur d'un pays et à l'étranger. À quel moment une agence devrait-elle céder la place à l'autre? Les deux doivent dialoguer. Même s'il y avait deux agences absolument distinctes—l'une pour le renseignement étranger et l'autre pour le renseignement intérieur, elles doivent se parler. Sinon, le terroriste en profitera pour se faufiler entre les deux. Il faut qu'il y ait échange de renseignements même si une agence les recueille à l'étranger seulement et l'autre à l'intérieur des frontières.

Le président: Très rapidement, nous avons été nombreux à écouter avec intérêt—et dans mon cas, avec étonnement, l'annonce faite par le premier ministre Harris de son intention de créer, au sein de la police provinciale de l'Ontario, une unité antiterrorisme. Que pensez-vous de cette idée étant donné que nous avons déjà plusieurs organismes qui ne se communiquent pas déjà l'information autant qu'ils le devraient? L'Ontario envisage maintenant de créer une autre unité. Le gouvernement de l'Ontario cherche manifestement à jouer un rôle dans cette lutte, mais risque-t-il de faire plus de tort que de bien?

M. David Charters: Plus il y a d'organismes sur le terrain plus il y a risque qu'ils se nuisent les uns les autres en raison du chevauchement d'efforts. Cette nouvelle unité fera peut-être une contribution utile à l'intérieur de la province. Les forces policières ont déjà des équipes d'intervention d'urgence, comme c'est le cas de la GRC, qui interviennent lorsque certains érigent des barricades. Mais oui, il existe le danger d'avoir un trop grand nombre d'intervenants, ce qui crée aussi un danger de mauvaise coordination.

Le président: Merci, monsieur Charters.

Monsieur Benoit.

M. Leon Benoit: Merci, monsieur le président.

Monsieur Charters, j'ai écouté avec intérêt ce que vous avez dit au sujet de la clause de temporisation et du fait que le remède pourrait être pire que le mal lorsqu'il s'agit des libertés civiles. Vous avez dit ne pas connaître très bien le projet de loi C-36, mais sachez que dans ce projet de loi, on cible les terroristes en fonction de leur race et de leur religion. J'aimerais savoir ce que vous pensez de cela avant de passer à d'autres questions.

M. David Charters: Je ne crois pas, encore une fois, être en mesure de commenter. J'ai dû rater cette disposition lorsque j'ai lu le projet de loi. Je n'ai rien vu de tel, où cela m'a peut-être échappé, et je ferais donc mieux de ne pas me prononcer sur quelque chose que je n'ai pas vu.

M. Leon Benoit: Nous avons déjà soulevé ce problème. Un terroriste reste un terroriste, et le fait d'appartenir à un groupe donné ou pas ne rend pas ses actes moins répréhensibles.

M. David Charters: Vous avez sans doute raison, car quiconque s'adonne au terrorisme, peu importe ses antécédents, peut légitimement faire l'objet d'une enquête. Mais cibler un groupe particulier pourrait être une erreur. Cela dit, si des membres d'un groupe reconnu s'adonnent à des activités en grand nombre, vous ne pouvez pas fermer les yeux là-dessus pour la simple raison que vous ne voulez pas offenser le groupe.

M. Leon Benoit: Mais c'est une autre paire de manches. Il s'agit ici de... J'oublie comment on n'appelle cela au ministère de l'Immigration, mais c'est ce que l'on y fait constamment. On cible des gens en fonction de certains profils, disons.

Revenons aux forces spéciales et à la FOI2: Je ne puis comprendre pourquoi on tient tant à garder le secret au Canada au sujet de ce groupe alors qu'aux États-Unis, on sait combien de gens font partie de leurs forces spéciales et combien sont déployés. On en sait tout autant au Royaume-Uni. On sait même que l'Australie va envoyer un tout petit contingent, et qu'elle a dit vouloir déployer 150 membres des forces SAS, c'est-à-dire 100 soldats de ligne de front et 100 soldats d'appui. Mais ici, au Canada, nous ne savons même pas combien de gens font partie du FOI2 et combien d'entre eux seront déployés. Nous ne savons même pas s'il nous en reste suffisamment au Canada pour protéger notre territoire. Pourquoi tant de secret?

• 1725

M. David Charters: Le «Special Air Service» britannique remonte à la Deuxième Guerre mondiale. Ce service a été brièvement démantelé après la guerre, puis recréer en Malaisie. Ce service existe depuis quarante ou cinquante ans. D'ailleurs, ses opérations ont fait l'objet de débat public à plus d'une reprise—et l'opinion n'était pas toujours favorable au régiment. Mais je crois que c'est parce que les Britanniques sont habitués à son existence aujourd'hui que le service n'est plus entouré de secret.

Nous en sommes pas encore là, au Canada, car tout cela est nouveau. J'imagine que nous sommes encore en train de définir notre rapport à cette unité qui est unique en son genre. Nous en sommes au début de la courbe d'apprentissage.

M. Leon Benoit: Serait-ce parce que cette force est toute petite, ce qui serait embarrassant pour un pays de la taille du Canada? On a parlé de 250 soldats, ce qui n'est pas beaucoup pour un pays ayant le PIB du nôtre.

M. David Charters: N'oubliez pas que l'ensemble du régiment du SAS est assez petit. Le SAS est à peine plus gros que la FOI2. Je crois qu'il a un quartier général et cinq escadrons, d'une soixantaine de personnes par escadron, auxquels s'ajoutent divers éléments de formation. On peut donc dire que le SAS représente environ 350 personnes. Autrement dit, nos forces à nous ne sont pas, extrêmement petites, toutes proportions gardées. On a l'impression qu'il s'agit d'une poignée de gens, et c'est le cas. Mais n'oubliez pas que leur nombre est sans doute optimal, étant donné le type de mission pour lequel il a été créé.

M. Leon Benoit: Mais vous parlez des Forces australiennes, n'est-ce pas?

M. David Charters: Non, je parlais des Forces britanniques.

M. Leon Benoit: Dans ce cas, les Britanniques ont des forces spéciales assez importantes, n'est-ce pas?

M. David Charters: Oui, parce que l'on inclut le service maritime spécial, le Special Boat Service. Mais si vous regardez les chiffres à l'état brut, vous constaterez qu'ils ne sont pas en très grand nombre. Avez-vous inclus les soldats des commandos de la Marine royale (Royal Marine Commandos)? Je suppose que l'on pourrait considérer ceux-ci comme formant une force spéciale, mais à mon avis, on pourrait mieux comparer le SAS et les SBS à notre FOI2.

M. Leon Benoit: Bien.

Je voudrais vous remercier de votre exposé qui m'a fasciné. Je veux également vous faire mes excuses car vous ne devriez pas avoir à assister aux querelles politiques dont vous avez été témoin aujourd'hui. Votre exposé a été retardé d'une vingtaine de minutes par les ministériels qui ne se sont présentés car ils craignaient de faire face à un vote. C'est un comportement démocratique, n'est-ce pas, monsieur Charters?

M. David Charters: Je ne commenterai pas.

Le président: Monsieur Benoit... [Note de la rédaction: Inaudible]

Au nom de tous les membres du comité de la défense, je remercie M. Charters d'avoir partagé avec nous ses réflexions. La discussion a été très stimulante car de bonnes questions ont été posées et notre invité a fourni des réponses encore meilleures. Vos commentaires nous aideront dans notre étude. Merci beaucoup d'avoir comparu.

Des voix: Bravo.

Le président: Pour ce qui est des autres travaux du comité, j'ai une annonce à faire.

Une motion a été adoptée concernant la création du Sous-comité des affaires des anciens combattants. Nous serions reconnaissants à tous les partis de fournir la liste des membres qu'ils souhaiteraient voir siéger à ce sous-comité, car nous voudrions pouvoir démarrer les travaux le plus rapidement possible.

Madame Gallant, vous avez une question? Pouvez-vous nous en parler? Nous avons établi un ordre du jour, mais si vous nous dites ce dont il s'agit, je pourrais la soumettre au comité qui décidera ce qu'il veut en faire.

Mme Cheryl Gallant: Bien sûr.

Je lisais avec grand intérêt le rapport «Fostering Human Security Security: A Joint Canada-U.S. Brigade», et je demanderais le consentement unanime du comité pour faire déposer ce rapport au Parlement. J'en ai discuté avec M. Bachand qui a eu l'occasion de jeter un coup d'oeil sur la version anglaise et il m'a dit qu'il serait disposé à l'accepter, même si le rapport n'est qu'en anglais, pour l'instant.

Une voix: Merveilleux!

Mme Cheryl Gallant: Il s'agit d'un rapport préparé en octobre 2000.

Le président: On demande le consentement unanime du comité. Veut-on l'accorder?

Une voix: Non.

M. Rob Anders: Son travail mérite d'être reconnu.

Une voix: Ce n'est pas notre rapport.

Le président: Nous n'avons pas le consentement unanime.

La séance est levée.

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