NDVA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS
COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 25 octobre 2001
Le président (M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.)): Je déclare ouverte cette séance du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants.
Avant d'entendre notre témoin, M. Thompson, je voudrais faire quelques annonces.
Premièrement, lundi prochain, le 29 octobre, nous recevrons M. Keith Coulter, qui dirige le Centre de la sécurité des télécommunications. Il comparaîtra devant le comité et la séance sera télévisée.
Le mardi 6 novembre, nous aurons la présentation des nouveaux uniformes des soldats et nous avons tous bien hâte de les voir. Cela se passera entre 15 heures et 15 h 30. Je proposerais que l'on envoie des invitations à tous les députés pour qu'ils aient l'occasion de voir les nouveaux uniformes. Ce sera à la pièce 253-D de l'édifice du Centre et cette séance sera également télévisée.
Ensuite, le jeudi 8 novembre, l'Association internationale des pompiers comparaîtra devant le comité entre 16 h 45 et 17 h 30, après la comparution du sous-ministre adjoint aux Ressources humaines du MDN, et cette séance sera également télévisée. Nous avons invité les pompiers à témoigner devant le comité parce qu'ils seraient parmi les premiers à intervenir en cas d'incident nucléaire, biologique ou chimique.
Oui, monsieur Wilfert.
M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Monsieur le président, pourriez-vous préciser à quelle heure aura lieu la séance lundi, car certains d'entre nous aurons peut-être un conflit?
Le président: Ce sera lundi à 15 h 30.
M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Lundi prochain?
Le président: Oui, monsieur Bachand.
M. Bryon Wilfert: Alors j'ai un conflit. Bien, merci.
Le président: Bon.
J'ai maintenant le plaisir, au nom du comité, de vous souhaiter la bienvenue, monsieur Thompson. Nous sommes heureux de vous voir. Comme beaucoup d'entre vous le savent déjà, M. Thompson est le directeur de l'Institut MacKenzie.
Nous avons hâte d'entendre votre exposé, monsieur Thompson; je vous cède donc la parole sans plus tarder.
M. John C. Thompson (directeur, Institut MacKenzie): Merci. Je vous remercie de m'avoir invité à prendre la parole devant le comité.
On m'a demandé d'être bref et comme la concision est l'une des rares vertus que je possède, je peux vous assurer qu'il n'y aura pas de problème.
Je ne vais pas me lancer dans une récapitulation de la situation stratégique du monde d'aujourd'hui ni vous décrire ce qui pourrait se passer au cours des prochaines décennies, mais on peut raisonnablement supposer que le Canada sera inévitablement impliqué dans au moins un grand conflit et plusieurs conflits mineurs au cours du prochain siècle. Les rivalités stratégiques et les conflits de la fin du XVIII`e siècle ont créé notre pays. Ce processus s'est poursuivi au XIXe siècle. Et bien sûr, notre participation aux deux guerres mondiales a amené notre pays à la maturité. Ce serait se leurrer que de croire que notre avenir sera pacifique, et nous devrions donc nous pencher sur l'état de notre armée.
En guise d'observation préliminaire, je voudrais aborder brièvement trois points. Le premier est une brève discussion de l'éthos militaire; le deuxième porte sur la doctrine et la révolution dans les affaires militaires; et le troisième est un simple plaidoyer en faveur de la nécessité de la qualité dans nos forces armées.
• 1535
Au sujet de l'éthos militaire, le général Sir John Hackett,
l'un des plus brillants soldats et écrivains militaires de
Grande-Bretagne, a déjà fait observer qu'un homme peut être un superbe
musicien ou un physicien incroyablement doué, tout en étant une
personne absolument épouvantable, tandis qu'un bon soldat doit être
un être humain remarquable à presque tous les égards. C'est bien
sûr important parce que les traditions militaires dans le monde
occidental et la façon dont les pays occidentaux font la guerre
poussent à l'extrême limite la tolérance de l'être humain. En
conséquence, pour être un bon soldat, il faut posséder une assez
grande force. Cet argument est illustré plus clairement dans le
livre de Victor David Hansen intitulé The Western Way of War, dans
lequel on décrit comment les anciens Grecs ont été les premiers à
opérer cette transformation.
Pour obtenir des gens qui sont capables d'aller jusqu'au bout, de résister héroïquement sous les bombardements, ou de continuer à tirer du canon à bord d'un navire en train de couler, il faut une série de relations profondément spéciales. Ces hommes doivent pouvoir se faire mutuellement confiance, faire confiance à leurs chefs, et leurs chefs doivent pouvoir faire confiance à leurs subordonnés. L'éthos militaire repose sur la création et le maintien de cette confiance. C'est un respect mutuel, une loyauté inébranlable, et il est essentiel que cette loyauté se vérifie sur tous les plans, c'est-à-dire entre pairs et aussi de bas en haut et de haut en bas de la chaîne de commandement. Chacun, dans une organisation militaire, doit pouvoir faire la preuve qu'il est capable de mériter cette confiance de façon continue. Si cette condition existe, alors les gens deviennent mieux armés pour supporter et infliger la violence extraordinaire qui caractérise la bataille.
Les guérilleros, les terroristes, les gangsters, les milices des seigneurs de la guerre ou des chefs de faction réussissent rarement à créer des liens de ce genre entre eux, mais les bons soldats doivent y parvenir. Pour aider à créer cette confiance, les forces armées occidentales ont créé au fil du temps des coutumes et des traditions et ont adapté la formation et l'entraînement des nouveaux soldats. Dans les bonnes unités possédant un solide esprit de corps, l'éthos militaire est toujours présent.
Au Canada, cet état d'esprit a été diminué ces dernières années. Nous en sommes arrivés au point où l'on a vu des soldats en mission de maintien de la paix tenter d'empoisonner leur propre adjudant. Nous avons eu parfois un aperçu de la méfiance mutuelle qui caractérise une grande partie de notre armée. Il y a maintenant des officiers carriéristes qui espèrent que leurs hommes ne vont pas les mettre dans l'embarras, ce qui risquerait de nuire à leurs chances de promotion. Et il y a des soldats qui ne font pas confiance à leurs officiers quand ils ont des problèmes personnels et auraient besoin d'aide.
L'éthos militaire est difficile à soutenir. Fondamentalement, de par sa nature même, cet état d'esprit est contraire aux valeurs d'une société libérale qui a souvent des problèmes à comprendre ou à apprécier les conditions qui créent l'éthos militaire. Mais pour un bon soldat, des concepts comme le devoir, l'honneur et l'intégrité doivent être tout à fait réels. La formation psychosociale, le carriérisme et les qualités de gestionnaire, par opposition aux qualités de chef, ne sont absolument d'aucune utilité. Pire, l'éthique moderne qui incite plutôt à se préoccuper des apparences d'un problème qu'à s'attaquer au fond du problème, est un véritable poison pour l'éthos militaire.
L'expression révolution dans les affaires militaires a été utilisée si souvent ces derniers temps qu'on en est même venu à la désigner dans les articles publiés sous le sigle RAM. Mais au niveau fondamental, les progrès dans le domaine technologique et de la doctrine ont rendu possible pour une armée moderne de combattre plus efficacement et de façon plus efficiente que jamais auparavant.
L'un des meilleurs exemples en est la Guerre du golfe de 1991, qui illustre trop clairement ce qui se passe quand deux armées de taille égale se heurtent de front, l'une dotée de la technologie et de la doctrine de la fin des années 70 et du début des années 80, et l'autre taillée sur mesure pour les années 90. La Guerre du golfe de 1991 a donné lieu à un déséquilibre quant au nombre des victimes de part et d'autre, ce qui était typique des conflits de la fin du XIXe siècle en Afrique, alors que les troupes européennes armées de fusils se chargeant par la culasse et de mitrailleuses ont livré bataille à des Africains armés de javelots. Autrement dit, de nos jours, un écart de dix ans dans l'état de la technologie est devenu tellement dangereux que l'on ne peut plus ne pas en tenir compte.
Une autre illustration de l'évolution de la technologie militaire moderne se trouve au niveau de la supériorité aérienne. En 1943, s'il fallait détruire une usine, on pouvait y envoyer un groupe de 60 bombardiers. La moitié des bombes qui étaient lancées—et l'on en jetait environ 1 000—tombaient dans un rayon de 500 mètres de l'usine visée. Le bombardement tuait ou blessait, en moyenne, environ 300 civils au sol. En même temps, normalement, trois bombardiers étaient abattus et 30 membres d'équipage perdus. De nos jours, pour s'attaquer à la même cible, un seul avion pourrait jeter deux bombes, qui ont toutes les deux 90 p. 100 des chances d'exploser à moins de cinq mètres de la cible. On peut lancer l'attaque aérienne à une heure où l'usine est vide, et il y aurait très peu de victimes civiles, si tant est qu'il y en ait. En même temps, la probabilité de perdre l'appareil envoyé en mission est également très faible. Durant la campagne du Kosovo, il y a eu plus de 12 000 sorties, et un seul appareil a été abattu par l'ennemi.
• 1540
Pour les armées modernes, un avantage technologique se traduit
par une véritable capacité de se déplacer et d'attaquer plus
rapidement qu'un ennemi ne peut réagir, de frapper avec ce qui
semble maintenant une précision non naturelle, et d'immobiliser ou
de démolir psychologiquement un ennemi sans avoir à tuer ou à
blesser la plus grande partie de ses troupes. Pour y parvenir, il
faut une automatisation très poussée de la collecte de
renseignements militaires et de la planification. Des systèmes de
commandement et de contrôle plus puissants et des dispositifs de
surveillance plus perfectionnés sont également essentiels. Mais ce
qui importe par-dessus tout, ce sont les normes en matière
d'éducation qui s'appliquent aux soldats et à leurs chefs. Il faut
des gens intelligents, à l'esprit agile, qui poursuivent
continuellement leur formation tout au long de leur période de
service. Le Canada éprouve maintenant quelques difficultés à
attirer et à conserver des soldats et des sous-officiers instruits.
Les États-Unis insistent sur l'éducation permanente de leurs forces
armées, et nous n'avons pas l'équivalent chez nous; l'armée
canadienne a parfois manifesté ce que l'on pourrait qualifier
d'environnement plutôt anti-intellectuel.
La doctrine consiste en une série d'hypothèses qui guident les achats d'équipement, l'élaboration des normes de formation, l'évolution tactique et d'autres considérations. Les forces armées américaines travaillent constamment à la doctrine destinée aux soldats, et les efforts actuels dans ce domaine visent à inculquer aux soldats la capacité d'affronter à la fois le combat moderne d'intensité moyenne et des missions de maintien de la paix, surtout les missions de maintien de la paix complexes que nous avons de nos jours, alors que la même personne peut être amie le matin, ennemie l'après-midi et neutre en soirée.
L'armée canadienne n'a pas passé beaucoup de temps ces dernières années à examiner sa doctrine. Les programmes de formation de nos officiers commandants et d'état-major sont moins étoffés qu'avant. Le financement des centres d'études stratégiques dans les universités a été réduit, et il cible souvent des aspects très ésotériques comme le maintien de la paix et le désarmement. Les journaux indépendants, par exemple la Revue canadienne de défense, qui était autrefois un centre de réflexion, sont également diminués ou complètement absents. Les programmes de maîtrise au Collège militaire royal et au Collège d'état-major de Toronto tentent de prendre le relais, mais ce n'est pas suffisant. Les centres où s'élaborent de façon continue la réflexion et le discours de nos forces armées ont été considérablement amoindris.
Et bien sûr, il y a le besoin de qualité. Ce qui revient souvent dans la longue liste des plaintes au sujet de notre armée, ce sont les lacunes, souvent dans les programmes de grands équipements ou de systèmes d'armement clés. Il y a là de graves problèmes, mais ils ne sont pas aussi vitaux que d'autres problèmes. Les systèmes d'armes sont des outils. Les hommes et les femmes qui les utilisent sont plus importants. De plus, dans notre histoire militaire, le soldat canadien a toujours manifesté une capacité d'adaptation assez remarquable, et c'est peut-être même là l'une de nos caractéristiques nationales, sur laquelle nous pouvons encore compter pendant un certain temps.
Le plus important, c'est la force institutionnelle de l'armée, et aussi sa capacité d'aligner des soldats et des chefs de grande qualité, le professionnalisme des chefs haut gradés, et la restauration de l'éthos militaire. C'est avec de bons soldats que l'on fait de bons pelotons, avec de bons pelotons que l'on fait de bons régiments, et avec de bons régiments que l'on fait une bonne armée.
Le principal avantage de la révolution dans les affaires militaires se situe au niveau des simulateurs pour la formation, des nouvelles communications, et du matériel muni de capteurs, et nous devrions investir fortement dans l'acquisition de toutes ces techniques dès maintenant, de préférence en achetant du matériel américain disponible sur le marché, pour acclimater nos soldats à ce nouveau style d'opération. Les exigences que cela imposera aux soldats et aux chefs doivent aussi déterminer nos politiques de recrutement et de maintien des effectifs, autant pour la force régulière que pour les réserves.
Si j'avais une liste de souhaits, bien sûr, j'aimerais que l'armée canadienne soit équipée de matériel moderne dans l'artillerie, les blindés, les hélicoptères et tout le reste, mais nos contraintes financières actuelles sont bien réelles, et aussi le fait que de bons soldats modernes peuvent s'adapter au changement et à du nouveau matériel. Des soldats de réserve qui savent manipuler un obusier de 105 millimètres datant de 40 ans peuvent s'adapter facilement à l'utilisation d'une pièce d'artillerie moderne, pourvu qu'on leur donne des outils de communication modernes et des capteurs modernes. L'infanterie de bonne qualité qui peut s'adapter au champ de bataille moderne peut aller au combat à pied, à bord d'un véhicule de combat d'infanterie, ou d'un hélicoptère. Ce qui compte d'abord et avant tout, c'est d'avoir une infanterie de bonne qualité, et les moyens utilisés pour aller au combat viennent en deuxième lieu.
• 1545
Bien sûr, au XXe siècle, l'armée canadienne a fait le coup de
feu dans quatre guerres et dans un certain nombre de missions de
maintien de la paix. Durant les années 90, notre armée de l'air a
tiré des missiles et lancé des bombes dans deux autres guerres.
Cela fait six conflits où nos militaires ont ouvert le feu au cours
du XXe siècle. Nous avons déjà déployé des soldats, bien que ce
soit un engagement très limité pour notre armée, durant la première
guerre du XXIe siècle, une guerre qui présente un danger très réel
de se transformer en un conflit beaucoup plus vaste. Nous pouvons
aussi nous attendre à ce que d'autres conflits surgissent au cours
des 99 années qui suivront. Par conséquent, l'argument en faveur
d'une réforme de notre armée devrait aller de soi.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Thompson. Pour une présentation relativement brève, je dirais que celle-ci était très riche et même tout à fait fascinante par moments.
Nous allons donc commencer la période des questions.
Monsieur Benoit, vous avez sept minutes.
M. Leon Benoit (Lakeland, Alliance canadienne): Oui. Merci beaucoup, monsieur Thompson, pour votre très intéressant exposé.
Certains points que vous avez soulevés au sujet de l'éthos militaire, en particulier dans l'armée, ont aussi été abordés par d'autres. Le Congrès des Associations de la défense traite dans son dernier rapport de la démilitarisation progressive des Forces canadiennes. Le professeur Jack Granatstein, dans un rapport présenté au ministre en 1997, a dit qu'une «culture de la timidité» était le plus grave problème auquel étaient confrontées les Forces canadiennes. Ce sont des déclarations assez catégoriques. Qu'en pensez-vous?
M. John Thompson: Eh bien, ces affirmations sont tout à fait vraies.
Il y a un autre livre. Le nom de l'auteur est Fehrenbach. Il a écrit une histoire de la guerre de Corée intitulée This Kind of War. Dans le premier chapitre, il décrit l'armée américaine des années 40, explique comment la société libérale a influencé l'armée, ce qui a entraîné la catastrophe épouvantable qui s'est abattue sur les soldats de l'armée américaine en Corée en 1950, alors qu'ils ont été complètement écrasés par les conditions auxquelles ils étaient confrontés. Autrefois, jusqu'à il y a 10 ou 15 ans, je crois, dès qu'un officier canadien était promu au grade de brigadier général, on lui remettait un exemplaire de ce livre en lui demandant spécifiquement de lire le premier chapitre.
De façon générale, une armée doit être une armée. Une armée doit penser différemment. En fin de compte, toutes ses énergies doivent être concentrées pour résister à des stress épouvantables. Une armée qui peut aller au combat et qui est préparée à le faire peut affronter n'importe quelle autre mission qui peut lui être confiée. Ce qui est important, c'est que la discipline qui crée une armée capable de combattre est la même discipline que l'on peut utiliser à 1 000 autres fins. Mais si la chaîne de commandement se désintègre, parce que plus personne ne fait confiance à personne, si les soldats ne se font plus confiance, on se retrouve avec une troupe qui n'est pas vraiment meilleure que, disons, une milice tribale, ou bien les hordes qui suivent quelque seigneur de la guerre quelque part dans le tiers monde.
M. Leon Benoit: Cela fait mal, parce que j'ai toujours considéré que beaucoup d'hommes et de femmes de nos forces armées sont extrêmement bien entraînés et tout à fait compétents, qu'ils sont en excellente condition physique, qu'ils ont l'âme combattante. Il est certain que dans le passé, l'un des points forts des Canadiens tenait au fait que nous pouvions compter sur des soldats professionnels, de grande qualité, bien entraînés, coriaces.
M. John Thompson: Nous avons beaucoup de très bons éléments, cela n'a pas changé. Fondamentalement, nous attirons encore de bonnes recrues, parfois pas en nombre suffisant. Mais j'ai souvent remarqué que certains de nos meilleurs éléments, les bons sous-officiers qu'il nous faut pour former de nouveaux adjudants, capitaines et majors, s'en vont après un certain temps, déçus de ne pas avoir trouvé ce qu'ils cherchaient.
En même temps, nous avons remarqué qu'un militaire qui n'a pas beaucoup d'estime de soi a tendance à se désintégrer sous la pression. Nous pouvons nous pencher sur ce qu'il est advenu du Régiment aéroporté en Somalie. On constate que les soldats subissaient de lourdes pressions, en particulier la chaleur, l'humidité, l'isolement, et peut-être aussi l'effet des médicaments qu'ils prenaient contre la malaria, et que la chaîne a commencé à se désintégrer. Il y a alors des gens qui n'obéissent plus aux ordres, des gens qui se servent mutuellement de couverture. Bien sûr, toute l'enquête qui a suivi a révélé une multitude de problèmes jusqu'au sommet de l'échelle. Je pense que les commissaires qui ont participé à l'enquête sur la Somalie ont constaté qu'un certain nombre de leurs recommandations sont restées lettre morte.
M. Leon Benoit: Le manque d'allant au combat, le manque de confiance de la part des soldats envers leurs chefs, les mauvaises relations entre les soldats, et tout ce que vous venez de décrire, j'ai toujours considéré que tout cela était présent dans le régiment aéroporté et a été perdu pour l'armée quand on a démantelé ce régiment. En fait, j'ai entendu le témoignage de nombreux militaires, hommes et femmes, et notamment de ceux qui partent. Nous avons fait à mon bureau une enquête, par l'entremise du magazine Esprit de Corps, pour savoir pourquoi les gens partaient. Nous n'avons pas encore compilé tous les résultats, mais il y a un point commun: beaucoup partent parce qu'il n'y avait aucun groupe d'élite auquel ils pouvaient aspirer, comme l'était le régiment aéroporté. Ne croyez-vous pas que la raison pour laquelle tout cela a été perdu tient peut-être beaucoup au fait qu'il n'y a plus de groupe d'élite, sauf la FOI2, qui est un groupe très restreint?
M. John Thompson: C'est peut-être un aspect de l'équation, mais si vous examinez votre régiment local de la milice, vous verrez que beaucoup de jeunes de 17 ans s'enrôlent parce qu'ils veulent vivre une expérience éprouvante et enrichissante. Ils veulent se salir les mains, ils veulent connaître la fatigue des membres, ils veulent faire partie d'un groupe, ils veulent sentir la camaraderie qui existe souvent dans les forces armées. Quand ils s'aperçoivent que rien de tout cela n'existe, ils s'en vont. C'est ainsi que nous perdons des recrues très prometteuses. Tous les soldats, surtout quand ils sont jeunes, aiment vivre une expérience dure et éprouvante, parce que cela renforce leur confiance et leur estime de soi.
M. Leon Benoit: Pensez-vous qu'on passe trop de temps à la formation psychosociale et pas assez à enseigner à nos soldats à être des soldats durs et disciplinés?
M. John Thompson: Comme beaucoup de gens, je me laisse parfois aller à écrire de la fiction. En fait, j'ai écrit une série de nouvelles ou d'essais pour décrire ce qu'était la vie militaire il y a une vingtaine d'années, quand j'étais beaucoup plus jeune. J'ai remarqué qu'à cette époque, nous n'avions pas de formation psychosociale, mais aussi que nous n'en avions pas besoin. Les premiers Musulmans, les premiers Hindous, les premiers Noirs, les premiers Indiens que j'ai rencontrés étaient tous des soldats. Il n'y avait pas de problème parce que, franchement, c'était très simple: quand on faisait partie de la même équipe d'artilleurs ou du même peloton, on s'entendait ou on ne s'entendait pas. Ce qui était déterminant à cet égard, c'était la capacité de faire son travail.
M. Leon Benoit: Vous saviez que vous étiez choisi en fonction du mérite, ou promu au mérite, etc.
M. John Thompson: Ce que je vais vous dire est purement anecdotique, mais j'étais simple soldat artilleur à l'époque, et j'étais une nouvelle recrue. C'était une unité de la réserve, mais nous faisions un exercice et nous étions déployés. L'un de mes camarades de classe du cours initial, un Chinois, qui était très tranquille et peu liant, marchait justement à côté de la batterie de tir, et les deux bombardiers-chefs, qui étaient sous-officiers et qui étaient les chefs de file de la batterie, ceux qui faisaient l'opinion, l'ont regardé passer et ont dit, oui, Chang est correct, il va faire l'affaire. Ce simple mot fut suffisant pour opérer une véritable transformation. Subitement, il est devenu quelqu'un; les chefs de pièces se disputaient ses services. Il n'était plus affecté à des patrouilles de sentinelle à 2 heures du matin. Je n'étais pas encore accepté à cette époque. J'ai été le dernier à être choisi pour faire partie d'une équipe de batterie et j'ai dû me taper des patrouilles aux petites heures du matin pendant encore deux mois. Mais c'était seulement grâce à ses mérites, à titre personnel. Et c'était la même chose pour les Jamaïcains et tous les autres.
De façon plus générale, voyons ce qui s'est passé au XIXe siècle, quand l'Italie a été constituée: le pays a utilisé son armée pour transformer les Piémontais et les Siciliens en Italiens. Les Allemands en ont fait autant, de sorte que les Saxons et les Bavarois et les Prussiens sont devenus des Allemands dans les forces armées. L'exemple allemand n'est peut-être pas le meilleur, parce qu'on sait qu'ils ont eu quelques problèmes du côté des militaires et dans la société, mais je pense que vous comprenez ce que je veux dire, à savoir que souvent, le service militaire unit les peuples.
Le président: Monsieur Thompson, je dois vous interrompre, parce que M. Benoit a dépassé de beaucoup le temps qui lui était imparti.
Monsieur Bachand.
M. Claude Bachand: Merci, monsieur Thompson, de votre présentation, que je pourrais un peu qualifier de critique à l'endroit de l'armée canadienne. Cependant, j'aimerais que vous me confirmiez si vous avez effectivement comparu devant le comité spécial du Sénat sur la sécurité et le renseignement et devant le sous-comité de l'immigration de la Chambre des représentants des États-Unis? Est-ce que vous avez bien comparu devant ces comités-là?
[Traduction]
M. John Thompson: Oui, nous l'avons fait.
[Français]
M. Claude Bachand: D'accord.
À maintes reprises, vous avez soulevé des problèmes. J'ai noté une pleine page, lors de votre présentation, de choses qui pourraient être améliorées. Vous devez savoir qu'on est actuellement aux prises avec un débat sur le projet de loi C-36, qui est le projet de loi antiterroriste, et je sais que vous avez une vision là-dessus aussi.
On a reçu M. Coulter, la semaine passée, du Centre de la sécurité des télécommunications. Vous avez déjà adressé des critiques au Centre de la sécurité des télécommunications en disant—et je ne veux pas me tromper—qu'il y avait des problèmes de sécurité au Centre de la sécurité des télécommunications. Alors, ce sera ma première question, monsieur Thompson. Pourriez-vous nous dire devant qui vous avez dit cela, si effectivement vous avez dit cela? Et si vous avez dit cela, pouvez-vous nous expliquer quels sont ces problèmes de sécurité, à votre point de vue?
Maintenant, je vais vous poser une autre question pendant que j'ai la parole, toujours sur les renseignements. Nous, les députés, constatons qu'il y a plusieurs sources de renseignements. Le SCRS est une source de renseignements et la GRC est une source de renseignements, et ils se rapportent au solliciteur général. Le ministère du Revenu a aussi ses sources de renseignements, et il se rapporte au ministre du Revenu. Le CST a des sources de renseignements, et se rapporte au ministre de la Défense nationale.
Il y a des témoins qui sont déjà venus nous dire que ça prendrait peut-être un ministère du renseignement. Il y a un témoin qui nous a dit cela la semaine passée. Ce serait, justement, pour faire le tour, coordonner et vérifier tous les renseignements qui entrent dans les différentes agences ou dans les différents ministères. C'est ma deuxième question. J'aimerais avoir votre avis sur la pertinence de créer un véritable ministère du renseignement.
[Traduction]
M. John Thompson: Au sujet du Centre de la sécurité des télécommunications, j'ignore d'où cela provient. Je ne suis pas au courant de quelconques problèmes de sécurité au CST. Je soupçonne que vous en savez tous beaucoup plus que moi au sujet du CST. Il est bien sûr notoire que ces gens-là sont muets comme des carpes, mais il n'y a aucun doute dans mon esprit là-dessus et je ne crois pas qu'il y ait le moindre problème de sécurité au CST.
Par contre, ce que j'ai fait remarquer à maintes reprises, c'est que les données du CST ne sont pas toujours communiquées aux autres agences canadiennes de sécurité aussi rapidement qu'il le faudrait. J'ai dit publiquement à plusieurs reprises depuis le 11 septembre que je serais en faveur de la création de ce que j'appellerais un ministère de la sécurité, ou quelqu'un d'autre, ou un organe quelconque, qui serait chargé de superviser la collecte rapide de renseignements sur la sécurité intérieure parmi toutes les sources possibles, y compris Citoyenneté et Immigration, les douanes, les services de police locaux, etc.
Le critère que j'applique toujours pour la sécurité intérieure, c'est ce que j'appelle le test d'Ahmed Ressam. Nos arrangements de sécurité l'empêcheraient-ils de quitter le pays muni d'un faux passeport et de revenir après avoir séjourné en Afghanistan pour y apprendre à fabriquer des bombes?
J'ignore si ces observations sont pertinentes à ce dont vous voulez discuter cet après-midi, mais j'espère m'être bien fait comprendre.
[Français]
M. Claude Bachand: Alors, vous n'auriez rien contre le fait qu'il y ait un organisme, ou encore un ministère qui, au Canada, contrôlerait ou ferait en sorte d'amasser et de colliger l'ensemble des renseignements qui sont éparpillés, actuellement, dans le paysage canadien.
• 1600
Est-ce que vous considérez aussi les
contacts, car il y a aussi un partage des
informations avec nos partenaires? Est-ce que vous
considérez qu'on devrait pousser plus loin
l'«interopérabilité» dont on parle souvent du
côté de l'armée?
En ce qui a trait aux renseignements, est-ce que vous
pensez qu'on devrait pousser encore plus
l'«interopérabilité» avec nos voisins américains, qui
ont certainement de l'avance sur nous en matière de
renseignements? Est-ce que vous voyez une objection à
ce qu'on puisse essayer même de mettre en commun cet
aspect qu'est le renseignement avec nos voisins
américains et de pousser l'«interopérabilité» jusque
là?
[Traduction]
M. John Thompson: Quand j'étais militaire, j'ai été pendant trois ans officier du renseignement, qui est un poste à l'état-major. On m'a dit que l'essentiel en matière de renseignement, c'est de faire en temps voulu la collecte, la compilation, l'interprétation et la diffusion de l'information, l'accent étant mis sur le fait que tout cela doit se faire à temps. Bien sûr, il s'agissait là de renseignements tactiques militaires, où le temps a une grande importance, mais vous pouvez voir que ce principe s'applique de façon générale et il arrive souvent que nos activités de renseignements sont loin de respecter l'impératif temporel.
Quant à la diffusion de renseignements à nos alliés, nous en faisons déjà beaucoup, surtout dans le domaine militaire, bien sûr. Nos militaires ont toujours partagé l'information et le renseignement avec nos alliés.
Quant à la police, la GRC a de très bonnes relations de travail avec le FBI et le Bureau de l'alcool, du tabac et des armes à feu, et je sais que la police provinciale de l'Ontario a de bonnes relations de travail avec les services de police de certains États frontaliers. Notre problème a souvent été notre incapacité de partager l'information entre nos propres sources intérieures. Voyez l'affaire Ahmed Ressam: la police de Montréal savait quelque chose à son sujet, les agents de l'immigration qui l'avaient interrogé savaient quelque chose à son sujet, la France a communiqué des renseignements à son sujet au SCRS, mais personne ne s'est vraiment empressé de tout mettre ensemble.
Le président: Merci, monsieur Thompson. Merci, monsieur Bachand.
Monsieur Wilfert, vous avez sept minutes.
M. Bryon Wilfert: Merci, monsieur le président. Je suis certain que vous serez assez généreux à mon égard, comme vous l'avez été pour M. Benoit.
Le président: Je m'efforce d'être juste.
M. Bryon Wilfert: Excellent.
Je vais m'adresser à la présidence, et je vous rappelle, monsieur Thompson, que vous avez fait un exposé devant le Sous-comité de l'immigration et des réfugiés en janvier 2000 et qu'au cours de votre comparution, pour donner suite à ce que mon collègue d'en face disait, vous avez dit que depuis que le SCRS a été créé à partir d'un service de la GRC, il y a un problème, celui du partage de l'information, c'est-à-dire que nous semblons mieux communiquer avec les pays étrangers, en particulier les États-Unis. Vous avez signalé dans votre témoignage que nous n'avons pas de service de renseignement à l'étranger; si je peux me permettre, monsieur le président, je vais aborder cette question. Et puis il y a eu des recommandations formulées par le Comité permanent des affaires étrangères, selon lesquelles nous devons renforcer notre présence dans le sud du Caucase et en Asie centrale, puisque nous n'avons pas de personnel diplomatique dans la région, par exemple en Ouzbékistan, qui représente 40 p. 100 de la population. Nous venons d'envoyer des troupes dans une région du monde où notre capacité de renseignement est minime ou même nulle. Nous devons nous fier aux autres pour obtenir des renseignements—certains diraient que nous nous fions à CNN.
Voici donc ma première question: que pensez-vous de la situation, alors que nous envoyons des soldats dans une région du monde où nous n'avons aucune capacité directe de renseignement? De qui dépendons-nous pour obtenir des renseignements?
Deuxièmement, en ce qui concerne la communication de ces renseignements chez nous, pensez-vous que le ministère de la Défense nationale obtient l'information dont il a besoin, que ce soit du SCRS ou d'autres organisations, autant au Canada qu'à l'étranger?
• 1605
Et enfin, quelles recommandations feriez-vous au gouvernement
du Canada pour veiller à ce que nous obtenions l'information
nécessaire pour évaluer, par exemple, la situation en Somalie et au
Rwanda, où nous n'avions pas les renseignements voulus, en dépit du
fait qu'il y avait là des opérations de l'ONU, de sorte qu'il ne
faut pas s'étonner de ce qui s'est passé au Rwanda et en Somalie?
Si je peux me permettre une brève digression, je me rappelle que lorsque nous avons envoyé des transports de troupes blindées en Somalie, ce n'était pas une mission de maintien de la paix. C'est ce que les médias disaient, mais c'était clairement une zone de guerre. Ce n'était pas du tout ce dont il s'agissait, mais c'est pourtant ce qu'on disait à tout le monde. Je ne pense donc pas que ce soit trop étonnant.
Je répète que ma question porte sur le renseignement et l'envoi de troupes à l'étranger, et je vous invite à y répondre, monsieur Thompson. Merci.
M. John Thompson: Vous avez abordé plusieurs questions. Le premier point de rupture dans le domaine du renseignement, ce n'est jamais la capacité de recueillir le renseignement, c'est plutôt la capacité du client de ce renseignement de croire ce qu'on lui dit. Nous en avons un exemple dans l'histoire, celui de Joseph Staline, qui se faisait dire par toutes les sources possibles que les Allemands s'en venaient et qui a refusé de le croire, et il s'est fait prendre les culottes baissées, pour ainsi dire.
Il y a un petit secret du métier que vous n'entendez probablement jamais de la part du SCRS, de la CIA ou de quiconque, à savoir qu'environ 90 p. 100 à 95 p. 100 de l'information qu'ils recueillent provient de sources ouvertes à tous. Ils se contentent d'ouvrir l'oeil. À Langley, en Virginie, ils interceptent et regardent les signaux de télévision qui alimentent CNN. Quand nos militaires ont ouvert un atelier spécial pour se préparer en vue du bogue de l'an 2000, l'une des premières mesures qu'ils ont prises pour se renseigner sur la question a été de s'abonner au câble, et ensuite ils ont commencé à dépouiller les journaux et les magazines. Cela s'applique à quasiment tout le monde. L'un des problèmes est toutefois qu'il faut savoir aller chercher, dans le véritable fouillis que sont les médias modernes, les éléments d'information dont on a vraiment besoin. C'est parfois utile, par exemple, de laisser de côté CNN avant d'aller dans un endroit comme la Somalie ou l'Afghanistan, et de consulter peut-être l'édition de 1912 de l'Encyclopaedia Britannica, qui fut la dernière encyclopédie à décrire les faits bruts, à dire la vérité sur la situation locale, avant que la sensibilité moderne ne commence à s'imposer et à fausser les faits.
Quant au renseignement à l'étranger, nous avons une organisation qui oeuvre dans ce domaine, nous en avons toujours eu une. Cela s'appelle les Affaires étrangères. Le mandat des Affaires étrangères consiste en grande partie à recueillir de l'information. Et notre problème dans certaines régions réside en partie dans le fait que nous n'avons pas vraiment une présence très forte des Affaires étrangères.
Dans un deuxième temps, nous comptons aussi sur nos militaires pour recueillir des renseignements à l'étranger, grâce au partage de l'information, souvent automatique, avec nos partenaires de l'Alliance et avec les États-Unis. Nous avons toujours pu compter là-dessus également.
Pour nos problèmes intérieurs, je ne pense pas que nous ayons très souvent besoin de compter sur la GRC ou le SCRS. Si nous devons leur donner plus d'argent pour renforcer la sécurité, je pense que nous devons vraiment dépenser cet argent ici même, pour renforcer certaines capacités très utiles qui font défaut à l'heure actuelle. Il n'y a pas grand monde qui parle arabe dans ces services. Je pense que personne ne parle le pashtoun et très peu de gens qui parlent le punjabi.
Et puis, en même temps, nous pourrions acquérir de l'information pour pouvoir la partager ensuite avec les Français ou les Américains ou les Britanniques, parce que ces problèmes ont souvent une envergure internationale. On a vu comment Ahmed Ressam s'est rendu dans tellement de pays différents. Si nous avions obtenu des renseignements à temps, les Français et les Belges auraient été ravis de les recevoir, tout comme les Français étaient irrités parce qu'ils nous avaient communiqué des renseignements et que nous avons refusé d'y donner suite.
M. Bryon Wilfert: Monsieur le président, très brièvement, par votre entremise, si nous envoyons des gens dans des régions du monde où nous avons très peu de capacité de renseignement sur place, et si vraiment nous avons une situation où nous devons compter, dans une certaine mesure ou dans une grande mesure, disons dans ce cas particulier, sur les États-Unis et la Grande-Bretagne, pour ce qui est de renseignements filtrés, comment évaluez-vous ce que nous recevons vraiment et dans quelle mesure cette information est-elle vraiment utilisée par le client?
M. John Thompson: Dans certains cas, par exemple dans le cadre du NORAD ou des renseignements reçus par l'entremise du SACLANT, il s'agit de renseignements techniques. Nous obtenons les renseignements bruts tout aussi rapidement que les Américains. Souvent, nous regardons les mêmes écrans que les officiers américains regardent chez eux, nous recevons la même information. Il arrive aussi que l'information soit de nature plus politique. Il est certain qu'elle peut être filtrée. Je me rappelle que lorsque j'avais accès à des dossiers secrets, il nous arrivait d'indiquer quels pays étaient autorisés à recevoir tel ou tel document. Cela a toujours été le cas. J'ai remarqué que nous partagions très librement l'information avec ce que les Allemands appelleraient le reste de la mafia anglo-saxonne. Je n'ai donc pas trop d'inquiétude de ce côté-là.
• 1610
Il y a quelques années, je travaillais au dossier de la
contrebande transfrontalière, surtout le marché noir des armes à
feu importées au Canada en provenance des États-Unis. J'ai remarqué
que le BATF collaborait de façon exemplaire avec la GRC. En fait,
il répondait à toutes les demandes de renseignements de la GRC et
lui fournissait tous les éléments d'information qu'il jugeait
pouvoir être utiles à la GRC. C'était une superbe collaboration et
je crois savoir que cela s'applique aussi à d'autres environnements
entre la GRC et d'autres services de police nationaux.
Le président: Monsieur Thompson, je vais devoir vous couper la parole, et à vous aussi, monsieur Wilfert, car vous avez amplement dépassé votre temps.
M. Bryon Wilfert: Je vous remercie de votre générosité.
Le président: Monsieur Stoffer.
M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Merci, monsieur le président, et merci à vous, monsieur Thompson, pour votre présentation.
Monsieur, pendant combien de temps avez-vous été militaire?
M. John Thompson: Je l'ai été pendant 13 ans.
M. Peter Stoffer: Merci.
Je ne veux absolument pas croiser le fer avec vous, mais je trouve simplement extraordinaire que vous ayez vraiment écrit ceci et que vous nous ayez distribué ce document. En 1999, vous avez écrit:
-
Par contraste, l'armée canadienne semble maintenant formée de
personnes sans instruction.
Êtes-vous toujours de cet avis?
M. John Thompson: Les statistiques que je cite plus loin dans cet article, qui ont été compilées pour le ministère de la Défense en 1997, révèlent—je n'ai pas l'article sous les yeux—que par contraste avec les Américains, très peu de nos officiers et très peu de nos soldats ont fait des études universitaires. J'ai fait cette constatation quand j'ai rendu visite à la 101e Division d'assaut aéromobile, qui est l'une des divisions les plus réputées de l'armée américaine. La série télévisée actuellement diffusée sur HBO et intitulée Band of Brothers met en scène cette division pendant la Deuxième Guerre mondiale. On nous avait dit que nous pouvions aller à peu près n'importe où et parler avec n'importe qui, pourvu que nous ne mettions pas le pied dans l'enceinte des forces spéciales. Je me rappelle avoir pris un jour le déjeuner au mess des soldats, près de la brigade d'artillerie de la division. Je me suis assis à une table où prenait place tout un groupe de soldats de l'armée américaine et j'ai commencé à leur parler. Trois d'entre eux à la table étudiaient leurs leçons tout en mangeant; ils suivaient des cours au collège communautaire. C'étaient tous de simples soldats. Ils m'ont parlé du sergent-maître commandant leur équipe de pièces qui étudiait pour obtenir son diplôme universitaire de deuxième cycle.
J'ai fait une petite enquête et j'ai constaté que presque tous les membres de l'unité, dès qu'ils en avaient le temps—et les collèges communautaires et les universités de la région avaient des programmes pour leur faciliter la tâche—travaillaient à l'obtention d'un diplôme d'un collège communautaire, d'un diplôme de premier cycle, ou faisaient des études de deuxième cycle. La plupart des officiers de l'armée américaine ne dépassent pas le grade de major sans avoir fait des études universitaires de deuxième cycle. Le niveau des connaissances, d'expertise et de perfectionnement professionnel continu dans cette division était remarquable. Bien sûr, c'est également vrai de la quasi-totalité des forces armées américaines, où ces normes en matière d'éducation sont généralisées. Parmi les Marines des États-Unis, 95 p. 100 des recrues ont leur diplôme d'études secondaires.
M. Peter Stoffer: Je vous remercie de ces explications, monsieur, mais je voudrais vous signaler que je n'ai pas fait moi-même d'études universitaires et que, même si d'autres peuvent aligner une série de lettres après leur nom, je ne m'en considère pas moins politicien pour autant. J'ai rencontré des milliers de soldats et d'anciens combattants et je ne les qualifierais pas de personnes sans instruction. Ils n'ont peut-être pas de lettres après leur nom, mais ils sont loyaux, ils sont dévoués, ils obéissent aux ordres, ils s'entraînent dur, ils travaillent dur et, dans bien des cas, ils sont nos libérateurs. Je songe à ces anciens combattants de Buchenwald qui viennent de recevoir leur indemnisation—je pense qu'aucun d'entre eux n'avait d'instruction.
Je conviens avec vous que le perfectionnement professionnel continu est souhaitable dans toutes les couches de notre société, y compris parmi les militaires. Je vous remercie de votre présentation et j'encourage le gouvernement et j'encourage mes collègues de ce côté-ci à exhorter le gouvernement à continuer d'insister là-dessus, parce que chacun a besoin d'éducation permanente. Mais je trouve simplement renversant qu'un homme de votre intelligence dise une chose pareille de nos hommes et de nos femmes militaires. Personnellement, je ne pourrais pas aller à Shearwater si j'avais fait cette affirmation, ou du moins je n'en sortirais pas vivant. J'en ai rencontré tellement qui ont une meilleure éducation que moi, et ils n'ont pas de titre à aligner après leur nom.
• 1615
Je vous fais simplement cette mise en garde, monsieur, parce
que vous les englobez tous dans cette généralisation. Je sais que
ce n'est pas ce que vous voulez dire et que vous êtes bien
intentionné, mais les hommes et les femmes de nos forces armées
font de l'excellent travail pour notre pays et ceux qui étaient
embarqués à bord de ces navires qui sont partis mercredi
accomplissent une tâche exemplaire. Dire qu'ils sont sans
instruction ou donner l'impression que la majorité d'entre eux n'en
ont pas me paraît tout simplement inacceptable. Je ne peux pas
accepter cela, monsieur Thompson.
Je voudrais toutefois dire en votre faveur que vous avez abordé ce débat à un niveau très élevé et je vous en félicite. Vous avez beaucoup apporté à notre comité et à notre étude, nous vous en sommes reconnaissants et nous vous en remercions.
Ma dernière question, monsieur—et je m'adresse en fait à tout le monde—c'est celle-ci: combien d'argent, à votre avis, le ministre des Finances devrait-il injecter dans les forces armées dans son prochain budget pour répondre aux besoins que vous avez évoqués?
Le président: Monsieur Thompson, veuillez vous sentir libre de répondre aux observations de M. Stoffer, en plus de répondre directement à la question.
M. John Thompson: Très bien.
Soit dit en passant, je préférerais que tous nos militaires aient leur diplôme d'études secondaires, pour commencer. Les diplômes universitaires n'ont pas nécessairement la même valeur que les diplômes de collèges communautaires, et un grand nombre de nos militaires, surtout dans la Marine, qui est une profession extraordinairement technique, travaillent effectivement à l'obtention de diplômes, quand ils le peuvent. Mais même un soldat d'infanterie moderne, quoiqu'il doive être extrêmement compétent et en excellente condition physique, doit aussi comprendre les principes du système qu'il utilise. À 3 heures du matin, sous une pluie verglaçante, quand l'imageur thermique tombe en panne et que c'est le seul instrument qui peut empêcher le soldat de se faire surprendre par l'ennemi, il n'est pas nécessaire de savoir exactement comment le réparer, mais c'est souvent extrêmement utile d'avoir quelqu'un qui comprend les principes de base de son fonctionnement.
Un soldat moderne, c'est quelqu'un qui utilise un système de positionnement global par satellite pour s'orienter. Je parle d'un simple soldat au sol. Il doit savoir comment utiliser l'Internet. Je répète que dans le système américain moderne, cela fait partie de cette révolution des affaires militaires, c'est-à-dire que chaque section possède au moins l'équivalent d'un ordinateur portable très robuste et les soldats savent s'en servir. Si vous prévoyez partir en patrouille, vous aimez bien connaître les conditions météo. Vous voulez une évaluation récente des renseignements recueillis pour savoir ce qui se passe dans les quatre ou cinq kilomètres que vous allez patrouiller. Vous voudrez peut-être passer rapidement en revue un manuel que vous n'avez pas dans votre poche. Disons que vous tombez sur une mine et que vous voulez savoir comment désamorcer cette mine, pas de problème, vous n'avez qu'à cliquer sur le diagramme et voilà, tout est là. Voilà à quoi ressemble maintenant la guerre moderne.
Vous avez raison de dire qu'un diplôme universitaire n'est pas la preuve absolue de l'intelligence, mais cela aide. Cela aide de pouvoir dire tout au moins, très bien, j'y suis allé, j'ai fait tout cela, j'ai la formation voulue, j'ai élargi mes horizons. En fait, combien de gens connaissez-vous détiennent un BA et appliquent vraiment ce qu'ils ont appris? Ce qui importe le plus, ce sont souvent les habiletés dans la recherche et la rédaction qu'ils ont acquises alors qu'ils étudiaient en vue d'obtenir ce diplôme.
Quant à l'augmentation du budget militaire, je ne suis pas économiste. Je sais simplement que le budget devrait être plus important. Dieu seul sait comment on arrivera à trouver l'argent ailleurs, mais on en a grandement besoin.
Le président: Merci, monsieur Thompson.
Merci, monsieur Stoffer.
Madame Gallant.
Mme Cheryl Gallant (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président, et merci à vous, monsieur Thompson.
Vous avez signalé dans votre documentation que l'unité JTF2, bien qu'elle ait plus de ressources disponibles pour la formation que d'autres unités militaires, manque d'expérience dans les opérations dites «noires» ou antiterroristes. Or, on constate qu'au lieu de mettre sur pied une unité qui ressemblerait à celle que vous décrivez, la 101e Division, le gouvernement prévoit renforcer les effectifs de la FOI2 en y ajoutant 1 000 soldats, espère-t-on, pour s'occuper des opérations spéciales. D'après votre expérience et à votre avis, serait-il plus logique de conserver la FOI2 comme unité d'intervention intérieure en cas de prise d'otages et d'aller chercher des soldats dans le reste des forces armées pour peut-être revenir à une force d'intervention spéciale comme le régiment aéroporté?
M. John Thompson: Je dirai deux choses. Premièrement, la FOI2, comme les SAS britanniques ou les forces spéciales américaines, avec lesquelles elle collabore de très près, d'après ce qu'on me dit, a un certain nombre d'activités, dont la fonction de garde du corps des personnalités à l'étranger. Et l'on m'a dit, mais j'ignore si je peux vraiment le croire, que cette unité a été à l'étranger dans le cadre de quelques missions, d'habitude pour pointer un rayon laser sur quelqu'un afin de guider une bombe intelligente. À part cela, bien sûr, vous en savez probablement beaucoup plus que n'importe qui d'autre sur ce qu'ils font.
Les gens qui s'enrôlent dans la communauté des forces spéciales doivent vraiment représenter la crème de la crème. Ils doivent avoir une condition physique extraordinaire, mais en même temps beaucoup d'intelligence et d'ingéniosité. Ils doivent être assez brillants pour savoir quand éviter de se mettre dans le pétrin. J'ai un très bon ami qui est un vétéran de quelque 20 ans dans la communauté des forces spéciales britanniques; il a passé 13 ans dans les SAS, qui l'ont entraîné à la perfection pour devenir un soldat extrêmement meurtrier. Après avoir fait cela, ils ont passé beaucoup de temps à l'entraîner pour qu'il sache éviter de se mettre dans le pétrin. Parmi les critères exigés pour entrer dans les SAS, par exemple, il y a un degré d'intelligence suffisant pour savoir comment se comporter, mais aussi un degré extraordinaire de détermination et d'acharnement.
Beaucoup de gens se portent candidats pour entrer dans la communauté des forces spéciales. Dans chaque armée, c'est le défi ultime, mais il n'y en a pas beaucoup qui ont l'acharnement, la détermination et la discrétion voulue. Il y a beaucoup plus de gens qui ont la forme physique nécessaire et je pense que si l'on réactivait le régiment aéroporté canadien, que l'on pourrait peut-être, pour des raisons historiques, appeler le premier bataillon de parachutistes canadien ou quelque chose du genre—une telle unité pourrait accueillir beaucoup de soldats qui aimeraient entrer dans la communauté des forces spéciales, mais qui ne sont pas tout à fait à la hauteur. Mais de plus, on ne veut pas vraiment que ces forces spéciales soient chargées de combattre. On ne veut pas envoyer ces gens-là faire, disons, des raids de commando. Les Américains ont la force Delta, l'unité des Seals de la Marine, et d'autres groupes du même genre pour la reconnaissance, mais quand ils ont besoin d'une opération de commando, ils se tournent vers les Rangers, et l'ancien régiment aéroporté canadien était au moins l'égal des Rangers américains. Si l'on devait ressusciter le bataillon de parachutistes, je suis sûr que ce serait la même chose.
Mme Cheryl Gallant: Vous connaissez bien le rapport du Congrès des associations de la défense intitulé Pris entre deux feux. On y fait allusion au déclin des normes de formation. Avez-vous eu l'occasion d'examiner la question du déclin des normes de formation dans les Forces canadiennes?
M. John Thompson: J'ai encore beaucoup de contacts parmi les militaires, autant dans les forces régulières que dans les réserves, et j'ai jeté un coup d'oeil sur certaines nouvelles normes de formation. Les normes de condition physique ont été abaissées de quelque 20 à 25 p. 100, et parfois même plus. Un élément qui prend maintenant de l'importance est qu'il n'y a plus du tout de formation à la guerre chimique et biologique. Quand j'ai fait mon entraînement d'officier à Gagetown, j'ai dû passer trois jours dans une combinaison NBC, en plein été, ce qui n'était pas facile, mais cela m'a certainement appris comment évoluer dans cette combinaison en toutes circonstances. On ne donne plus cet entraînement. On fait peut-être une petite visite à la cabane à gaz pour apprendre à bien mettre son masque, et c'est à peu près tout. Si jamais nous sommes confrontés à une contamination à la maladie du charbon sur une grande échelle, les premières personnes vers qui nous allons nous tourner, après les services d'incendie locaux, pour la décontamination et le sauvetage, ce seront les militaires, mais les gens qui ont une longue expérience dans le port de la combinaison et la façon de se comporter dans un environnement contaminé ne sont plus là.
Le président: Merci, monsieur Thompson.
[Français]
Monsieur Bachand.
M. Claude Bachand: Merci, monsieur le président.
Je vous ai adressé une question, tout à l'heure, peut-être un peu trop directement sur le fait que le CST, le Centre de la sécurité des télécommunications, avait des problèmes de sécurité. Cependant, j'ai ici la présentation que vous avez faite le 26 janvier 2001 devant le sous-comité de l'immigration, et voici ce que vous déclariez. Je m'excuse, je vais le lire en anglais car je l'ai seulement en anglais:
-
Les forces armées canadiennes ont un certain rôle à jouer dans la
sécurité intérieure. Comme le NSA américain, le Centre de la
sécurité des télécommunications joue un rôle dans la sécurité des
communications et le renseignement électronique. L'organisation
baigne dans le secret et l'on ne sait pas vraiment quel est son
budget. Il y a eu toutefois ces derniers mois des rumeurs voulant
que le moral soit très bas et qu'il y ait d'importants problèmes de
sécurité.
[Français]
Pour être plus précis dans ma question, d'où viennent les rumeurs? Pensez-vous que les rumeurs à l'effet qu'il y aurait de gros problèmes de sécurité sont vraies?
[Traduction]
M. John Thompson: Y a-t-il une note en bas de page de ce document? Parce que je citais un article du Globe and Mail dans lequel on disait qu'il y avait des problèmes de moral et des problèmes personnels dans l'organisation. C'est un article du Globe and Mail qui a probablement été publié vers le milieu de 1999. J'en ai certainement copie dans mon dossier quelque part à mon bureau.
[Français]
M. Claude Bachand: Faites-vous des présentations? Je regarde l'Institut MacKenzie et vous en êtes le directeur exécutif. J'imagine que vous ne pouvez pas amener des sujets sur la base d'articles de journaux. Avec tout le respect que je dois aux journalistes, parfois, ce n'est pas tout à fait exact. Vous, vous êtes le directeur exécutif d'une institution qui a quand même une certaine reconnaissance.
Selon vous, à la lumière de cet article du Globe and Mail, sur lequel vous semblez vous baser pour faire l'affirmation que je viens de vous lire, pensez-vous qu'il y a des problèmes de sécurité au Centre de la sécurité des télécommunications au moment où on se parle ou vous ne le savez pas?
[Traduction]
M. John Thompson: J'ignore s'il y a des problèmes de sécurité au CST. Je sais qu'il y a des problèmes dans l'organisme américain équivalent, le NSA, qui possède de vieux ordinateurs et du matériel ancien. C'est son principal problème. De plus, je pense que l'organisme n'a pas assez d'argent pour accomplir toutes les tâches qu'on lui demande actuellement de faire. Mais quand vous parlez de problèmes de sécurité, je pense que vous voulez laisser entendre qu'il pourrait y avoir une fuite ou quelque chose du genre. Je n'en ai jamais entendu parler. Cela m'étonnerait pas mal qu'il y en ait.
[Français]
Mr. Claude Bachand: J'imagine que vous avez aussi vu, la semaine dernière, monsieur Thompson, que le gouvernement fédéral a injecté une somme d'argent assez substantielle dans le CST. Estimez-vous que cet argent est bien investi pour un contribuable? Pensez-vous que c'est suffisant?
Il me semble qu'avec le projet de loi C-36, si on veut donner une plus grande ampleur au CST... Entre autres, on semble étendre son pouvoir. Le ministre pourrait même autoriser l'écoute électronique sans passer par un juge. Face à cet aspect-là, celui de l'écoute électronique sans passer par un juge, quelle est votre réaction?
[Traduction]
M. John Thompson: Quand on parlait de faire de l'écoute électronique sans passer par un juge, ce n'était pas tellement du CST qu'il était question. Mais le CST a effectivement un rôle à jouer pour protéger nos communications, y compris les communications par ordinateur.
Soit dit en passant, si jamais vous voulez passer un après-midi intéressant, vous pourriez peut-être demander au CST de vous faire faire la tournée des toits des diverses ambassades éparpillées autour de cette ville; vous y verriez une forêt d'antennes qui n'ont pas vraiment d'affaire là.
Je crois savoir que les fonds injectés dans le CST comprennent quelque chose comme 3,1 millions de dollars pour de nouveaux ordinateurs. J'ignore quel est le prix courant des nouveaux modèles d'ordinateur Cray, mais cette somme pourrait être insuffisante. Je pense qu'on a prévu aussi 26 millions de dollars pour de la formation et un mandat plus étendu. Là encore, c'est peut-être suffisant pour faire du rattrapage et les amener là où ils devraient être déjà. En tant que contribuable, je sais qu'il y a très peu d'argent pour nous doter de nouvelles capacités, mais je pense que le CST aurait peut-être besoin d'un peu plus d'argent que ce qu'on lui a donné ces dernières semaines.
Le président: Merci, monsieur Bachand. Merci, monsieur Thompson.
Monsieur Wood, c'est à vous. Cinq minutes.
M. Bob Wood (Nipissing, Lib.): Merci, monsieur le président.
Monsieur Thompson, on vous cite dans beaucoup de périodiques, mais j'en ai feuilleté un où j'ai lu que, d'après vous, les Canadiens, et par extension les politiciens canadiens, ne prennent pas au sérieux les problèmes de terrorisme. Je pense que l'on peut maintenant dire sans risque de se tromper que nous prenons très au sérieux le problème du terrorisme. Mais dans votre esprit, combien de temps nos inquiétudes dureront-elles? Dans un an, serons-nous redevenus négligents, ou bien les Canadiens baisseront-ils un jour leur garde?
M. John Thompson: Je pense que la crise actuelle va probablement durer très longtemps. En fait, pour utiliser une métaphore, je ressens parfois, depuis le 11 septembre, ce que je ressentais quand je faisais du canotage en eau vive, lorsque le courant vous emporte et que vous n'êtes plus vraiment capable d'aller ailleurs que dans le sens du courant. Nous nous dirigeons vers une crise dont nous ne connaissons pas la fin, nous ne savons pas ce qui nous attend, nous ne savons pas quel en sera l'aboutissement, et tout ce que nous pouvons vraiment espérer, c'est de ne pas chavirer et de ne pas frapper de roches. Je pense que notre bonne vieille attitude nonchalante en matière de terrorisme ne reviendra pas de sitôt, si jamais elle revient. D'un certain point de vue, je pense qu'un peu de laissez-aller ne nous ferait pas de tort, parce que je commence à être fatigué de toute cette panique souvent injustifiée au sujet de l'anthrax.
Il y a une chose que je trouvais souvent très irritante avant le 11 septembre, c'était notre réaction nonchalante face au terrorisme émanant de l'intérieur du Canada. Les Tigres de libération de l'Eleam tamoul menaient leurs activités quasiment au vu et au su de tout le monde. L'attentat de l'Air India était souvent perçu comme un problème indien, et non pas un problème canadien, non pas par la GRC, mais par nos médias, par le grand public, même si près de la moitié des gens qui ont été tués étaient des citoyens canadiens. Mais non, je pense que cette nonchalance est disparue pour un bon bout de temps.
M. Bob Wood: Vous auriez également déclaré qu'il faut légiférer pour permettre de renvoyer du Canada quiconque a déjà été reconnu coupable, avant de devenir citoyen canadien, d'infractions impliquant la drogue ou la violence, la fraude, les armes à feu, les crimes politiques. Je pense que vous avez fait cette affirmation il y a deux ou trois ans. Estimez-vous toujours que le gouvernement se traîne les pieds? Et pensez-vous que si une telle loi avait été en place il y a quelques années, nous ne serions pas pris avec ces gens-là qui s'accrochent au Canada et y exercent leurs activités?
M. John Thompson: C'est difficile à dire. Je suppose que le cas d'Ahmed Ressam vient encore à l'esprit, puisqu'il avait été impliqué dans un réseau de vol d'automobiles. Quand il est entré au Canada, nos agents de l'immigration ont été vigilants, ils ont remarqué qu'il avait un passeport français falsifié et ils l'ont donc interrogé. Il a reconnu pendant l'interrogatoire qu'il avait été impliqué dans les activités du GIA en Algérie. Donc, au départ, on est en présence de quelqu'un qui voyage muni d'un faux passeport, sous un faux nom, qui a de l'expérience dans des activités insurrectionnelles à l'étranger. Ensuite, il a été impliqué dans une activité criminelle systématique, le réseau de vol d'automobiles.
On peut comprendre dans le cas de quelqu'un qui vient au Canada et qui commet, disons, un crime passionnel ordinaire ou une infraction criminelle mineure, mais c'est différent quand le crime met en cause les stupéfiants ou des armes à feu, éléments qui indiquent habituellement des liens avec un réseau criminel. La plupart des groupes insurrectionnels dans le monde sont aujourd'hui alimentés par le crime organisé; c'est ainsi qu'ils financent leurs activités. Cela aurait certainement dû constituer un autre signal d'alarme indiquant qu'il s'agissait d'un individu dangereux que nous ne devions pas garder au Canada plus longtemps que nécessaire.
Quant à ce qui va se passer maintenant, à certains égards, je vois dans la nouvelle loi sur la sécurité une liste de souhaits que nous aurions toujours dû avoir, à mon avis. D'un autre côté, je suppose que tout se déroule très rapidement. D'habitude, j'ai un certain instinct libertaire et je tiens beaucoup à protéger les libertés civiles, et j'espère donc que l'on agit après mûre réflexion pour s'assurer que nous aurons encore toutes les protections que nous pouvons encore nous permettre dans une société démocratique libérale, tout en renforçant notre propre sécurité individuelle. Nous sommes maintenant entrés dans une ère où le terrorisme se fait à coup d'armes de destruction de masse et sur une échelle effrayante, mais nous devons quand même demeurer qui nous sommes dans toute la mesure du possible.
Le président: Monsieur Benoit, vous avez cinq minutes.
M. Leon Benoit: Merci, monsieur le président.
Monsieur Thompson, il me semble qu'il s'agit là d'une occasion pour quiconque se soucie de renforcer nos forces de sécurité et surtout nos forces armées, une occasion qui ne se présentera peut-être plus, une occasion d'exercer des pressions sur le gouvernement pour qu'il engage des ressources importantes dans nos forces armées. Très franchement, j'aurais beaucoup plus de fermeté quand on vous interroge sur l'argent et que vous répondez, ma foi, vous savez, c'est difficile de trouver les ressources voulues.
Il me semble que la première responsabilité du gouvernement fédéral est d'assurer la sécurité de notre nation et des citoyens de notre nation. Il ne s'agit pas de ramasser l'argent qui reste. Cela pourrait coûter un supplément de 10 milliards de dollars par année; il pourrait coûter 15 milliards de plus par année pour renforcer nos forces de sécurité et les amener au point où elles devraient être déjà. Si c'est le prix qu'il faut payer, nous n'avons pas besoin d'augmenter les impôts. Notre parti a identifié depuis huit ans des compressions de 10 milliards de dollars par année que le gouvernement pourrait faire dans les dépenses moins prioritaires et, dans certains cas, dans des dépenses qui sont du pur gaspillage. Il ne s'agit donc pas de payer plus d'impôt, cela n'est pas acceptable. Accumuler les déficits n'est pas acceptable. Ce qu'il faut, c'est revoir nos priorités. Et comme la toute première priorité est la sécurité nationale, nous devons exercer des pressions sur le gouvernement dès maintenant, moi-même à titre de député de l'opposition et vous-même, monsieur Thompson, et quiconque se soucie des forces armées, devez à mon avis exercer des pressions pour que l'on injecte les ressources voulues dans les forces armées. Si nous ratons cette occasion, nous n'en aurons pas d'autre, en tout cas certainement pas sous le régime du gouvernement actuel.
Je vous demande donc si vous êtes d'accord pour dire qu'il s'agit d'une occasion qui ne se représentera peut-être plus d'exercer des pressions sur le gouvernement pour qu'il finance sérieusement les forces armées.
M. John Thompson: Je pense que nous en avons peut-être pour 10 ou 20 ans et que nous serons confrontés tout ce temps-là à un très grave problème de sécurité, et peut-être aussi à des conflits régionaux dont nous ne voulions même pas entendre parler avant le 11 septembre. Je ne vois pas comment ce conflit pourra prendre fin, mais je ne pense pas qu'il se terminera bientôt. Je doute qu'Oussama ben Laden soit encore en vie à la fin de l'année et je pense que le gouvernement des Talibans en Afghanistan sera disparu, mais nous pourrions être confrontés à une situation vraiment horrible par la suite.
Beaucoup d'écrivains s'efforçaient de décrire l'évolution du monde dans les années 90, et Samuel Huntington, dans son livre intitulé The Clash of Civilizations, a présenté une vision des choses assez terrifiante. D'un autre côté, il a visé plus juste que n'importe qui d'autre si l'on considère ce qui s'est vraiment passé. Et je crains que son interprétation de ce qui s'en vient soit la plus exacte et je pense donc que nous devons nous attendre à des décennies très difficiles.
M. Leon Benoit: Nous sommes dans un monde moins stable et sûr qu'au cours de la période précédente.
M. John Thompson: Nos forces armées ont été négligées pendant longtemps et il faut en effet les renforcer, les améliorer et en augmenter les effectifs, mais avant de réparer la maison, réparons d'abord les fondations. La raison pour laquelle je vous ai parlé de l'éthos militaire, de la qualité des recrues, de l'attention qu'il faut accorder au perfectionnement professionnel, de la révolution dans les affaires militaires, et de nous préparer à cette éventualité en premier lieu, c'est que tout cela prend d'autant plus d'importance maintenant. Ensuite, on pourra commencer à construire sur cette base dans toute la mesure de nos moyens.
Quand j'étais officier subalterne, je voyais constamment des plans s'échafauder au sujet de magnifiques corps d'armée canadiens, des régiments de reconnaissance divisionnaire, la brigade d'artillerie canadienne, et une foule d'autres concepts et systèmes d'armes hypothétiques qui étaient toujours sur papier et ne se concrétisaient jamais. Nous avons dû nous contenter de bataillons d'infanterie de 120 hommes. Je ne vais donc pas vous présenter une liste de souhaits quant à la nature des formations que nous devrions avoir, mais les effectifs vont augmenter. Nous n'avons pas le choix. Nous sommes confrontés à un monde qui va devenir vraiment hideux.
M. Leon Benoit: Mais combien de temps pouvons-nous attendre? Ça prend dix ans pour former un officier subalterne de fort calibre qui est capable de conduire des hommes au champ de bataille. Avec le programme de recrutement qu'on lance aujourd'hui, on n'aura personne qui pourra vraiment aller sur le terrain à l'étranger sans recevoir au moins, je dirais, trois ans d'entraînement, c'est-à-dire dans trois ans à partir d'aujourd'hui, si l'on commence seulement le recrutement initial.
M. John Thompson: C'est pourquoi j'aimerais que l'on accorde de l'attention aux fondations de la qualité individuelle, à la révolution dans les affaires militaires et à l'éthos militaire dès maintenant, pour nous donner des bases solides sur lesquelles nous pourrons rebâtir nos forces armées.
• 1640
Si vous étudiez l'histoire de l'armée canadienne, vous verrez
que nous avons été chanceux pendant la Deuxième Guerre mondiale
parce que, à l'exception des pauvres gars que l'on a envoyés à Hong
Kong, tous les autres avaient reçu environ trois ans de formation
avant de s'engager sur le champ de bataille. Dans l'armée
américaine, il y a eu une augmentation titanesque des effectifs,
mais ils ont été chanceux eux aussi puisqu'ils avaient de bonnes
bases sur lesquelles bâtir et ils ont donc pu transformer une armée
de 200 000 hommes en une armée de six millions d'hommes en cinq
ans. Si l'on a une fondation solide au départ, on peut bâtir
n'importe quoi.
Le président: Merci, monsieur Thompson. Merci, monsieur Benoit.
Monsieur Dromisky.
M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je trouve très intéressants vos commentaires sur le moral dans les forces armées. Je voudrais vous parler non pas de la réserve, mais de l'élément actif de nos forces. J'ai déjà lu un article dans lequel on disait que si l'on passait en revue les officiers de la force active, depuis les plus hauts gradés jusqu'au bas de l'échelle, on constatait que plus on descend dans l'échelle des grades, plus le problème de moral est grave. Cet article faisait état de plusieurs facteurs, si je me rappelle bien, mais l'un des facteurs qui m'a vraiment frappé était que les gars au bas de l'échelle étaient fort mécontents et avaient des récriminations au sujet des avantages dont jouissaient les officiers hauts gradés. C'était comme un club privé: ils avaient du temps libre pour diverses activités, dont le golf. Tous ces facteurs étaient pris en compte dans l'article. Je ne sais pas dans quelle mesure cet article était fidèle à la réalité. Tout ce que je sais, c'est que beaucoup de gens se plaignaient du mode de vie des officiers les plus hauts gradés, en comparaison des gens qui se situaient au bas de l'échelle. C'était un facteur clé dans l'apparition du problème de moral. Pouvez-vous commenter cette observation?
M. John Thompson: On trouve des observations de ce genre dans le magazine Esprit de Corps et aussi dans le magazine Frank, quoique je pense que les accusations formulées dans Esprit de Corps sont toujours beaucoup plus sérieuses. L'armée demeure une organisation hiérarchique et il est vrai que quand j'étais capitaine, j'avais un mode de vie très différent de celui que j'avais comme simple soldat, il n'y a aucun doute là-dessus. Mais il y a eu un certain ressentiment. Il est vrai que certains soldats ont dû faire appel aux banques d'aliments, surtout à Halifax et à Victoria, quand les salaires ont été bloqués pendant longtemps, et les soldats voyaient bien que les généraux ne partageaient pas tout à fait leurs difficultés. Il y a eu d'autres problèmes aussi. J'ai entendu des capitaines et des majors se plaindre du comportement de nos officiers généraux.
Mais je sais que certains de nos officiers généraux savaient parfaitement ce que les simples soldats et les capitaines pensaient et qu'ils étaient très conscients de leurs préoccupations. Dans le cas des officiers généraux, il y a parfois une différence entre quelqu'un qui a gravi les échelons de la chaîne administrative ou logistique et quelqu'un qui est sorti du rang, en gravissant par exemple les échelons de la hiérarchie opérationnelle dans la marine ou dans l'armée, qui a dû travailler très étroitement avec des sans-grade pendant toute sa carrière et qui a donc absorbé en partie l'éthos militaire. J'ai constaté qu'un certain nombre de nos officiers dans l'armée sont vivement conscients des problèmes qu'éprouvent les soldats.
Le président: Madame Beaumier, voulez-vous prendre deux minutes du temps de M. Dromisky?
Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest—Mississauga, Lib.): Oui, s'il vous plaît.
Il y a un certain nombre de points sur lesquels je ne suis pas d'accord avec vous, à commencer par votre position sur l'éducation. J'ai fait des études universitaires et j'ai vu beaucoup de gens qui ont étudié bien au-delà de leurs capacités et beaucoup de gens qui ont décroché à l'école secondaire parce que le système scolaire leur a fermé la porte, pas parce qu'ils n'étaient pas assez intelligents pour apprendre.
Le problème que j'éprouve devant ce que vous dites, c'est que c'est comme si je lisais le journal. J'ai lu l'opinion de quelque expert en terrorisme qui a dit qu'ils s'apprêtent à bombarder une centrale nucléaire, mais je ne vois aucune référence. C'est votre opinion et je n'ai vu aucune référence dans le document du comité de l'immigration dont j'ai pris connaissance. Sur quoi fondez-vous ce témoignage expert?
M. John Thompson: Au sujet des normes d'éducation?
Mme Colleen Beaumier: Non, tout ce que vous dites. Vous nous peignez un tableau tellement sombre, et vous dites que la vie va devenir encore pire, que la terreur va se répandre, que les menaces contre notre sécurité vont empirer. Sur quoi fondez-vous toutes ces affirmations?
M. John Thompson: Je vous invite à lire The Coming Anarchy de Robert Kaplan et The Clash of Civilizations de Samuel Huntingdon. Il y a aussi l'ouvrage de Yossef Bodansky, intitulé Osama bin Laden and the Islamic Fundamentalist, qui est assez révélateur. On y fait remarquer qu'il n'y aura aucune paix avec les fondamentalistes.
En étudiant l'histoire militaire, on peut souvent tirer des conclusions. Nous n'avons pas revu le nazisme ni la ferveur impériale japonaise depuis 1945, parce que ces idéologies ont été complètement écrasées. Mais quand les Talibans seront partis, quand Oussama ben Laden ne sera plus, les prédicateurs, les mosquées, les enseignants et les écoles qui ont donné naissance à cette idéologie seront encore là et continueront de former des gens qui prendront le relais. Je pense que, dans l'ouvrage de Yossef Bodansky, vous serez aussi intéressée à apprendre comment des fonds ont été détournés, y compris dans la famille royale saoudienne. Ce n'est pas une crise qui va se dissiper rapidement.
Pour tout le reste, si vous voulez jeter un oeil très critique sur le dysfonctionnement militaire, le meilleur livre que vous pourriez probablement lire—en fait, c'est un livre que je relis tous les cinq ans environ, parce qu'il est tellement bon—est celui de Norm Dixon intitulé On the Psychology of Military Incompetence. Norm Dixon était un expert en désamorçage des bombes pendant la Deuxième Guerre mondiale, ce qui veut dire qu'il devait manipuler d'une main tremblante un dispositif qui pouvait à tout moment faire exploser la bombe sur laquelle il était assis. Après la guerre, il est devenu psychologue. Son livre est une étude du dysfonctionnement dans une hiérarchie militaire. Il écrit d'abord à titre d'historien militaire, décrivant un siècle de désastres militaires britanniques. Ensuite, il redevient psychologue professionnel et déclare que tel type de personnalité entraîne tel comportement incompétent. C'est un excellent livre. Cela s'applique aux militaires, mais aussi à n'importe quelle structure hiérarchique qui récompense le conformisme. Je pense que vous constaterez que la lecture de ce livre est un antidote contre le conformisme dans toute organisation, qu'elle soit militaire, corporative ou même politique.
Le président: Merci, monsieur Thompson. Si vous avez d'autres questions, nous pourrons vous redonner la parole, madame Beaumier.
C'est maintenant au tour de M. Bachand qui a cinq minutes.
[Français]
M. Claude Bachand: Merci monsieur le président.
J'ai une question à vous adresser sur le contrôle politique. Toujours dans le même document que vous avez déposé devant le sous-comité du Congrès des États-Unis, vous dites, et je cite:
[Traduction]
-
À l'extérieur des milieux politiques, le partage courant de
l'information n'est pas ce qu'il devrait être. Le CST [...]
[Français]
on revient toujours au CST—,
[Traduction]
-
par exemple, est une extraordinaire source d'information, mais fait
rapport exclusivement au Bureau du Conseil privé, ce petit groupe
de hauts fonctionnaires d'élite qui appuie le Cabinet. Quand des
renseignements sont communiqués à d'autres organisations, ils sont
déjà passés, souvent lentement, par une série de filtres
politiques. De tels délais entravent souvent le travail de
renseignement. Le cas classique d'échecs des services de
renseignement, c'est quand le client refuse de croire ce que ces
agents lui rapportent. L'insertion d'une bosse de ralentissement
dans le cheminement dégrade la qualité de l'information, provoque
des retards, et peut même bloquer complètement certains éléments.
[Français]
Au sujet du contrôle, je veux savoir ceci. Si on met au monde des agences comme le Centre de la sécurité des télécommunications, n'est-il pas un peu normal qu'il y ait un contrôle politique sur ce type d'agence? Ça, c'est ma première question.
Je ne sais pas si vous aurez le temps de répondre à la deuxième, mais j'aimerais beaucoup que vous le fassiez. Sinon, je vais vous en reparler individuellement. Vous finissez votre présentation devant le Congrès américain en disant:
[Traduction]
-
Le Canada se doit de protéger ses propres citoyens et, en tant que
voisin responsable, il ne peut pas permettre que des menaces contre
les États-Unis prennent naissance sur son propre territoire. Nous
pourrions faire du meilleur travail.
[Français]
Pouvez-vous nous expliquer brièvement quel meilleur travail pourrait être fait pour assurer notre lien de bon voisinage avec les États-Unis?
M. John Thompson: Chez les militaires, l'une des caractéristiques qui est souvent la plus recherchée, c'est l'objectivité complète et absolue. Les faits sont les faits, et les faits sont compilés et transmis au client le plus rapidement et le plus précisément possible, même lorsque les faits ne sont pas réjouissants. L'un des problèmes des insurrections modernes et du crime organisé moderne, c'est que dans une société cosmopolite, nous nous sommes conditionnés—et au niveau politique, ce conditionnement existe—à être mal à l'aise ou à nous méfier des problèmes qui émanent d'une communauté en particulier. La plupart des groupes insurrectionnels et la plupart des groupes de crime organisé ont tendance à recruter de nos jours dans une communauté ethnique restreinte. Nous avons souvent connu ce problème au Canada.
L'un des cas les plus flagrants est celui des gangs de délinquants jamaïcains qui ont commencé à apparaître à Toronto et dans le sud de l'Ontario à la fin des années 70 et au début des années 80, et ces groupes étaient violents. Le taux d'homicides a augmenté en flèche. On faisait le coup de feu à gauche et à droite. Un groupe est apparu, appelé le Comité d'action défense des Noirs, dont le financement semblait provenir de gens associés aux gangs jamaïcains. C'était une preuve circonstancielle, mais les apparences étaient contre lui. Il prétendait représenter la communauté noire toute entière. Dès que la police tirait un suspect noir, il y avait tout un tollé. Les gangs jamaïcains tuaient sept ou huit fois plus de jeunes hommes noirs et ce groupe n'en a jamais soufflé mot. Tout politicien local qui tentait de dénoncer le danger de ces gangs jamaïcains ou qui osait dire qu'il faudrait accélérer la procédure d'extradition de leurs membres vers la Jamaïque essuyait de sévères critiques.
Quand le Babbar Khalsa est apparu pour la première fois au Canada, a commencé à prendre en main des temples sikhs modérés et a tenté de se présenter comme le représentant de tous les Sikhs canadiens, encore une fois, dès que des figures politiques commençaient à s'intéresser à leurs activités, toute une série d'intervenants de la communauté sikh se mettaient à dénoncer l'enquête qu'ils qualifiaient de raciste ou xénophobe.
Enfin, un bon exemple est celui des Tigres du Tamoul, un groupe qui est responsable de la mort de 65 000 personnes au Sri Lanka. Aujourd'hui, la moitié de la diaspora tamoule habite au Canada et ces gens-là ramassent de l'argent très ouvertement par l'intermédiaire de groupes qui sont dénoncés depuis six ans par le département d'État des États-Unis comme étant des groupes de façade des Tigres tamouls.
[Français]
M. Claude Bachand: Juste avant de finir, monsieur le président, j'aimerais que M. Thompson réponde à ma question. Est-ce que vous voulez avoir un contrôle politique ou pas de contrôle politique? C'était ça, la question. Je ne veux pas entendre parler des Tamouls et de la Jamaïque; je veux savoir, s'il y a un contrôle politique, s'il est contre un contrôle politique, finalement.
[Traduction]
Le président: Monsieur Bachand, vos cinq minutes sont écoulées. Je vous invite à revenir à la charge au tour suivant. Vous aurez de nouveau la parole.
Madame Beaumier.
Mme Colleen Beaumier: Plus vous parlez, plus vous soulevez des questions et des controverses. Qu'est-ce que c'est que l'Institut MacKenzie? Je suis désolée, je l'ignore, je suis nouvelle au comité.
M. John Thompson: Nous sommes essentiellement une petite organisation composée de cinq membres. Nous faisons de la recherche et des commentaires sur des questions relatives à la violence organisée et à l'instabilité politique. Cela comprend tout un éventail de domaines, depuis les activités militaires ordinaires jusqu'aux émeutes, au terrorisme, au crime organisé dans certaines communautés. Entre autres choses, nous avons fait une grande enquête sur le marché noir des cigarettes, et l'on me dit que cette enquête a contribué à déclencher en 1994 la baisse des taxes qui a anéanti le marché noir des cigarettes. Nous avons également fait une étude sur les Tigres du Tamoul, et aussi sur...
Mme Colleen Beaumier: Qui finance votre organisation?
M. John Thompson: Nous sommes financés par plusieurs organismes de bienfaisance et particuliers du Canada. Nous n'acceptons pas d'argent du gouvernement, de n'importe quel niveau.
Mme Colleen Beaumier: Est-ce un club?
M. John Thompson: Non. Actuellement, nous recevons des subventions de trois grandes fondations canadiennes, mais comme je m'exprime ici en public, je dois dire que nous avons certains problèmes de sécurité. Une lettre piégée m'a été envoyée en 1995, on m'a tiré dessus en 1993, et l'année dernière, nous avons été traqués par les Tigres du Tamoul. Ils essayaient de découvrir où j'habite et où se trouvent nos bureaux. Vous me pardonnerez donc si je refuse d'identifier les fondations.
Mme Colleen Beaumier: Je comprends.
• 1655
Vous avez évoqué le Babbar Khalsa. Je connais un peu ce
groupe. Vous avez dit que des Sikhs prennent la parole pour les
défendre et accusent les gens qui s'en prennent à eux d'être
racistes. Ce n'est tout simplement pas vrai. Ce qui s'est passé,
c'est qu'en 1998, Joe Clark a envoyé un message à tous ceux qui
faisaient de la politique pour leur dire de ne pas s'associer à
quiconque était membre de la World Sikh Organization ou de la
fédération, parce que c'étaient des terroristes. Il se trouve que
je faisais une campagne électorale pour un monsieur sikh et je me
rappelle que j'étais debout dans une salle pleine de monde et que
je leur ai dit: Dieu du ciel, j'espère qu'aucun d'entre vous n'est
membre de ces organisations! Ils sont partis à rire et ont dit
qu'ils étaient tous, jusqu'au dernier, affiliés à l'une ou à
l'autre de ces organisations. Je pense que vous devez reconnaître
que toute manifestation de sympathie envers l'une ou l'autre de ces
organisations était bien fondée, quand on sait ce qui s'est passé
en Inde.
M. John Thompson: Oui, en 1984.
Mme Colleen Beaumier: Ces gens-là n'étaient pas tous des terroristes—en fait, la majorité d'entre eux n'en étaient pas. Avant de se prononcer sur les autres, je pense que nous devrions peut-être attendre la conclusion des procédures actuellement en cours.
M. John Thompson: Eh bien, la World Sikh Organization est qualifiée depuis un certain temps d'organisation terroriste par le Département des États-Unis, tout comme Babbar Khalsa. Toutefois, en 1984, à la suite de la profanation du Temple d'or à Amritsar, beaucoup de Sikhs canadiens se sont en effet affiliés à l'organisation. Je suis catholique romain et si quelqu'un avait fait au Vatican ce qui a été fait au Temple d'or, et s'il y avait quelque part un groupe de terroristes catholiques luttant contre les coupables d'un tel acte, je me serais peut-être joint à eux, moi aussi, pendant quelques années.
Mme Colleen Beaumier: Justement.
M. John Thompson: Par ailleurs, il y a depuis des années une lutte acrimonieuse au sein de la communauté sikh pour empêcher les militants de Babbar Khalsa de financer les temples. C'est une lutte qui a souvent entraîné le meurtre de Sikhs canadiens modérés.
Mme Colleen Beaumier: Dans ce cas, vous disposez de vos propres sources de renseignements policiers qui ne sont pas du domaine public, parce que certains de ces Sikhs modérés qui ont été assassinés étaient des amis personnels à moi et je sais que le financement n'avait rien à voir avec cela.
Je ne veux pas argumenter ou lancer un débat, je trouve seulement que certaines de vos conclusions sont douteuses. Vous semblez très catégorique sur tout cela et j'estime que c'est contestable. C'est une simple observation, vous avez peut-être absolument raison, mais je trouve vos propos offensants.
Le président: Avez-vous quelque chose à ajouter, madame Beaumier?
Mme Colleen Beaumier: Non, merci.
Le président: Madame Gallant, vous avez cinq minutes.
Mme Cheryl Gallant: Merci, monsieur le président.
Le ministre de la Défense nationale et, je crois, le secrétaire parlementaire du ministre de la Défense ont dit publiquement que les Forces armées canadiennes sont plus compétentes et capables et mieux équipées pour combattre aujourd'hui qu'elles ne l'étaient il y a dix ans. Êtes-vous d'accord avec cette évaluation?
M. John Thompson: Non, je ne le suis pas. Il y a dix ans, nous pouvions compter sur un plus grand nombre de sous-officiers et d'officiers qui avaient été recrutés durant les années 70 et 1980, dont bon nombre avaient été membres du 4e Groupe-brigade mécanisé en Allemagne. Ils avaient suivi un entraînement conventionnel très poussé dans un environnement mécanisé, de sorte que nous avions beaucoup plus de gens qui savaient comment se comporter dans un important exercice de l'OTAN, l'un de ces grands exercices multinationaux parfaitement intégrés. Nous avions, tout au moins en Allemagne, plus d'équipement et celui-ci n'était pas tout à fait aussi désuet qu'il l'est maintenant. C'est l'un des grands problèmes. De plus, ces gens-là qui ont été recrutés à cette époque et qui ont reçu cet entraînement sont partis au cours des dix dernières années.
Voyons ce qu'il en est de notre infanterie. Bon nombre de nos soldats ont participé à des opérations de maintien de la paix très traumatisantes. Cela veut dire qu'ils ont beaucoup d'expérience concrète dans des environnements hostiles, ce qui n'était pas le cas il y a dix ans. Je pense que c'est en 1991 que, pour la première fois depuis la guerre de Corée, nos soldats ont tiré des coups de feu en situation de guerre, et la première fois depuis la crise de Chypre en 1974. Mais globalement, le niveau de formation aux opérations de pointe et l'équipement que nous avons, tout cela est disparu ou est en stockage quelque part. Nous n'avons plus personne qui a participé à beaucoup d'entraînements collectifs de grande envergure. Que je sache, l'armée n'a pas fait de véritable exercice au niveau de la brigade depuis 1991.
• 1700
La plupart de nos blindés ont été mis en entreposage. Ils sont
peut-être dotés de nouveaux ordinateurs et de nouvelles visées,
mais les chars d'assaut Léopard que nous avons achetés en 1978 sont
quand même une version d'un modèle apparu en 1960. Ils sont
dépassés.
Avec le système de communication que nous avons, le système TIC, nous venons tout juste de commencer à distribuer les appareils radio. Ils ont été commandés à la fin des années 80.
Quant au nombre de soldats qui ont reçu une formation, surtout dans l'infanterie, ils étaient auparavant beaucoup plus nombreux à avoir fait l'école de parachutisme, de sorte qu'il y avait des normes plus élevées en matière de condition physique et, bien sûr, ces gens-là ne sont plus là.
Il y a tellement d'autres lacunes. Je pense que nous sommes loin d'être aussi bons, en comparaison de toutes les autres armées du monde, que nous l'étions il y a dix ans.
Mme Cheryl Gallant: Vous dites que cette menace de terrorisme n'est pas nécessairement temporaire; nous pourrons nous attaquer au terrorisme et le vaincre, mais il restera toujours des éléments beaucoup plus violents. La carte du monde telle que nous la connaissons, surtout au Moyen-Orient, pourrait changer considérablement. La menace est imminente. Vous nous avez décrit les fondations, mais qu'en est-il du sommet de la pyramide? On entend souvent dire qu'il faut dépolitiser le MDN.
M. John Thompson: À ce sujet également, il y a deux livres, intitulés Tested Mettle et The Sharp End. Dans Tested Mettle, on fait remarquer que le fait de demander à des fonctionnaires, qui ont un éthos différent et une orientation différente, de rédiger des rapports de rendement des officiers militaires n'est pas du tout favorable au maintien de l'éthos militaire.
De plus, j'ai remarqué qu'avec l'unification, le modèle que nous avons, où nos forces armées sont toutes placées sous un seul commandement opérationnel et où l'on a ajouté un grand nombre de fonctionnaires civils à notre quartier général, est un modèle qu'aucun de nos partenaires n'a jamais pris la peine d'imiter. Ils ne l'aiment pas, ils ne pensent pas qu'il fonctionne tellement bien.
Mme Cheryl Gallant: Ce serait donc une autre mesure à prendre, de séparer les civils des...
M. John Thompson: Oui, il faudrait créer une démarcation claire entre les autorités civiles et les autorités militaires, en gardant à l'esprit que les militaires doivent toujours être absolument redevables aux autorités civiles. Mais en même temps, dans le quotidien, les militaires devraient vraiment diriger leurs propres affaires d'une façon militaire.
Quant aux préoccupations au sujet de l'image, de la manipulation de l'information et tout le reste, les militaires ont en fait consacré beaucoup de temps, d'argent et d'efforts ces dernières années dans le domaine des affaires publiques, ce qui est souvent révélateur d'une vision des choses typique de la fonction publique et ils ne devraient pas vraiment agir de la sorte.
Mme Cheryl Gallant: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, madame Gallant.
Monsieur Provenzano.
M. Carmen Provenzano (Sault Ste. Marie, Lib.): J'ai seulement deux questions au sujet des commentaires que vous avez faits sur le niveau général d'instruction.
Je pense qu'il y a des problèmes de recrutement. Et puis je pense qu'il y a un problème spécifique de renouvellement du personnel. Avez-vous quelque chose à dire là-dessus?
M. John Thompson: Dans l'armée de l'air des États-Unis, en 1995, 92 p. 100 des recrues avaient leur diplôme d'études secondaires. Dans le Marine Corps américain, qui a les normes les plus élevées des quatre principales composantes des forces armées américaines—la garde côtière n'a pas été englobée dans ces statistiques—plus de 95 p. 100 des recrues avaient terminé leurs études secondaires. Ils trouvent que c'est satisfaisant, surtout qu'ils conduisent maintenant une forme de guerre très technique. C'est ça, la révolution dans les affaires militaires.
En général, je pense qu'environ 80 p. 100 de leurs officiers ont un diplôme de premier cycle. D'habitude, la plupart des officiers ne peuvent pas aspirer à une promotion au-delà du grade de major s'ils n'ont pas un diplôme d'études supérieures quelconque. Et cela s'ajoute à la formation professionnelle, au collège d'état-major, à la formation donnée à l'état-major, que les autres forces armées fournissent également à leurs troupes.
• 1705
Dans les forces armées soviétiques, à l'époque où celles-ci
étaient encore menaçantes, les généraux soviétiques étaient
toujours très bons dans leur domaine. Un général pouvait passer
environ le tiers de sa carrière professionnelle à suivre des cours
et à recevoir une formation professionnelle.
M. Carmen Provenzano: Pouvez-vous nous donner des exemples précis, monsieur, démontrant que le niveau d'instruction que vous décrivez chez nos militaires nuit à l'interopérabilité avec les forces américaines?
M. John Thompson: Premièrement, à la défense de l'infanterie canadienne, je dois dire que la plupart de nos soldats ont toujours su s'adapter rapidement; on peut dire qu'ils sont «vite sur leurs patins». Mais le soldat américain qui travaille à leurs côtés fonctionne dans un environnement pour lequel nous ne sommes tout simplement pas préparés. Par exemple,...
M. Carmen Provenzano: Je m'excuse, mais je voudrais vraiment que vous nous donniez des exemples précis démontrant que cela nuit à l'interopérabilité entre les forces.
M. John Thompson: Je n'ai pas encore d'exemple.
M. Carmen Provenzano: Aucun.
Voici ma dernière question. Vous avez cité un certain nombre d'auteurs de livres et d'articles et des titres de périodiques. Est-ce que l'un ou l'autre de ces auteurs serait administrateur, employé ou associé de l'institut?
M. John Thompson: Non. Je n'ai jamais rencontré Huntington ni Kaplan et je pense que Norm Dixon est à la retraite en Angleterre. Mais Huntington, entre autres choses, a déjà été responsable de l'élaboration de la stratégie américaine au Conseil national de sécurité des États-Unis, et il est une figure politique de très haut calibre. Kaplan est, je crois, l'un des plus grands journalistes du monde. Il était toujours en reportage quelque part dans le monde en développement et il étudiait la situation locale. J'aimerais bien qu'il soit membre de mon conseil, ce serait fabuleux.
M. Carmen Provenzano: Merci.
Le président: Monsieur Bachand.
[Français]
M. Claude Bachand: J'espère, monsieur le président, que le témoin aura le temps de répondre à ma question. Ce que je sens, à la lecture de votre présentation devant le sous-comité du Congrès des États-Unis et à la lumière de vos réponses de cet après-midi, c'est que vous avez une certaine réticence à ce qu'il y ait une espèce de contrôle politique sur les autorités militaires.
Je m'explique. Si on regarde votre présentation, votre mémoire, c'est cousu de fil blanc que vous avez une certaine réticence quand vous parlez de politicized filters, quand vous parlez de political speed bumps.
Je me demande de quelle façon on peut contrôler les agences reliées aux militaires si ce n'est pas par la politique. Moi, je crois que ce sont les autorités civiles qui doivent contrôler les autorités militaires. Peu importe le régime en place: ça peut être les libéraux, ça pourrait être les alliancistes dans le futur, et ça ne sera certainement pas le Bloc québécois, mais quand même, il y a des autorités civiles qui doivent contrôler l'armée.
C'est une cohabitation—j'en conviens avec vous—qui peut être parfois difficile, mais si ce ne sont pas les autorités civiles qui contrôlent les autorités militaires, quel est votre système de contrôle des autorités militaires à ce moment-là? Est-ce que je me trompe quand je dis que vous êtes réticent au contrôle des autorités politiques sur les autorités militaires?
[Traduction]
M. John Thompson: Premièrement, je voudrais m'excuser d'être parti sur une tangente en répondant à votre dernière question et d'avoir ainsi épuisé votre temps.
Pour ce qui est des exemples de contrôle des autorités militaires par les autorités politiques, cela n'a jamais été un problème facile pour quiconque. Il ne faut pas se faire d'illusions là-dessus. Je pense que le séminaire peut-être le plus compliqué et le plus stressant auquel j'aie jamais participé était un séminaire de trois jours avec David Charters, du Centre d'étude des conflits de l'Université du Nouveau-Brunswick, où l'on a justement discuté de cette question précise, et bien sûr, personne n'a pu s'entendre sur un point en particulier. C'est peut-être aussi parce qu'il s'agit là de l'une de ces questions qui appellent une réponse différente chez chaque personne, en fonction de sa propre philosophie.
• 1710
Cela dit, ultimement, bien sûr, il faut naturellement que les
militaires relèvent toujours du pouvoir politique, et même, dans
d'autres circonstances, ils peuvent relever d'autorités politiques
subalternes. Si l'on a fait appel aux militaires pour aider le
gouvernement du Québec à affronter ce qui semblait une insurrection
ou pour aider le maire de Toronto à surmonter une tempête de neige
démesurée, alors, bien sûr, les militaires doivent rendre des
comptes à ces autorités politiques particulières. Mais dans le
quotidien, ou pour l'aspect opérationnel, idéalement, on confie à
l'armée une tâche en lui disant: voici ce qu'il faut faire, mettez-vous à
la tâche et faites-le, et on les laisse s'en occuper selon
les normes militaires. C'est la relation idéale, mais nous savons
tous que la vraie vie est beaucoup plus complexe que cela.
Je devrais peut-être dire qu'à Ottawa, il pourrait être bon de relâcher quelque peu les rênes.
M. Claude Bachand: Je n'ai pas d'autres questions.
Le président: Vous n'avez pas d'autres questions, très bien. Merci, monsieur Bachand.
Monsieur Thompson, j'ai moi-même une question à poser. Vous semblez être un consommateur avide d'articles, de journaux et de livres sur les questions militaires. Or, il y a un article qui a vraiment attiré mon attention ces derniers mois. C'était intitulé The Swift and Elusive Sword; je ne sais pas si vous l'avez lu, c'était publié sur le site Web de CDI. Je l'ai trouvé très bon. Je ne me rappelle plus du nom de l'auteur, mais il décrivait à quoi devraient ressembler les forces armées américaines à l'avenir. En fait, ce type a pris les idées de Sun Tzu, qui était un stratège militaire dans la Chine antique, et les a combinées aux idées du lieutenant-colonel John Boyd, qui était un célèbre pilote de chasse et stratège américain. Il a ainsi établi une liste, par ordre de priorité, de tout ce qui est important pour une armée. Ce qui vient en premier, d'après lui, ce sont les personnes, au deuxième rang les idées, et au troisième rang, l'équipement. Je suis certain que vous connaissez bien les écrits de Sun Tzu, qui traitent de la guerre conventionnelle et non conventionnelle, de l'importance du renseignement, etc.
Pour nous, qui étudions toute la question du contre-terrorisme et de la guerre asymétrique, ce qui va probablement se passer d'ici environ un an, c'est que nous serons appelés à examiner une refonte de la politique étrangère ou encore un livre blanc. Voyez-vous la nécessité pour nous de retourner à la base, en vue de reconfigurer nos forces armées pour le XXIe siècle?
M. John Thompson: Oui, la base vient en premier et cela comprend l'éthos militaire et la qualité des soldats au niveau individuel. Nous avons toujours eu d'assez bons éléments pour bâtir nos forces armées, car les Canadiens ont toujours été d'assez bons soldats, mais ce sont là les priorités: la qualité des personnes, ensuite les idées, et ensuite l'équipement—mais n'allez pas croire une seconde que je vous dis que l'équipement n'est pas nécessaire ou qu'il n'est pas important, car il l'est assurément.
Le président: Oui. Si je comprends bien, vous n'avez pas lu cet article-là.
M. John Thompson: Non, celui-là m'a échappé.
Le président: Bien.
M. John Thompson: J'ai lu Sun Tzu, bien sûr, et je le relis périodiquement. Ses réflexions sont toujours valables et s'appliquent à tout, depuis un hypothétique conflit thermonucléaire jusqu'à une guerre de rue entre gangs.
Le président: Je crois que vous devriez le lire, monsieur O'Reilly.
M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.): J'ai déjà été un combattant de rue—que puis-je dire d'autre?
Le président: Avez-vous d'autres observations à formuler sur toute la question de la guerre asymétrique et sur ce que nous devons faire pour reconfigurer nos forces armées en prévision de l'avenir? Parce qu'il y a toujours un équilibre, je crois, entre les forces spéciales et ce que l'on pourrait qualifier de forces conventionnelles.
M. John Thompson: De façon très générale, dans le cas de la guerre asymétrique, du contre-terrorisme, peu importe l'appellation qu'on utilise, la première intervention à l'intérieur du pays doit provenir d'une organisation civile. Il faut que ce soit la police. Nous devrions aussi, bien sûr, accorder davantage d'attention dans notre pays, à nos organisations de protection civile, compte tenu de l'ampleur de ce qui s'est passé le 11 septembre et de la menace que posent les armes chimiques ou biologiques. Ces organisations ont aussi été négligées et auraient besoin de certaines retouches. Bien sûr, cela rapportera des dividendes dans d'autres circonstances, parce que les organisations de protection civile interviennent en cas de verglas, d'inondations et d'autres catastrophes que nous connaissons bien.
Les forces armées à l'étranger constituent notre première intervention, je crois, en cas de guerre asymétrique, lorsque la menace peut être identifiée et localisée à l'étranger. Il faudrait certainement se pencher sur la logistique, les transports et les moyens de déployer rapidement des ressources à l'autre bout du monde. Nous n'accordons pas beaucoup d'attention à ces questions non plus au Canada. Je sais que l'armée de l'air va me détester pour avoir dit cela, et je sais que j'aimerais bien qu'on lui donne des chasseurs bombardiers, mais je souhaiterais vraiment que nous ayons beaucoup plus d'avions de transport gros porteurs pour pouvoir déplacer un bien plus grand nombre d'éléments par voie aérienne beaucoup plus rapidement.
• 1715
Je répète qu'il faut mettre l'accent sur la qualité des
soldats. L'unité FOI2 est bonne pour les tâches qu'on lui confie,
au Canada et à l'étranger, et elle devrait être assez restreinte.
Mais je pense que nous avons besoin de nous doter de nouveau d'un
élément qui ressemblerait au régiment aéroporté. En outre, j'estime
que nous avons aussi besoin d'une brigade d'infanterie légère
durable et de très bonne qualité que l'on pourrait envoyer
n'importe où très rapidement.
Comme toujours, les Américains sont aujourd'hui les chefs de file mondiaux en technologie militaire. Nous devrions nous aligner assez étroitement sur eux et travailler à l'interopérabilité avec les Américains, ne serait-ce que parce qu'ils représentent vraiment aujourd'hui la force militaire la plus meurtrière qui existe dans le monde, une organisation qui est absolument capable d'affronter n'importe quelle menace, une fois qu'ils s'y mettent.
Le président: Merci, monsieur Thompson.
Monsieur Benoit.
M. Leon Benoit: Merci, monsieur le président.
Quand vous prétendez qu'il faudrait une force d'élite comme le régiment aéroporté, c'est certainement contraire à ce que le ministre et le chef d'état-major de la Défense et d'autres ont dit. Selon eux, cette idée de se préparer à faire la guerre est une «vieille notion du temps de la guerre froide», et la création d'une force d'élite de ce genre serait un concept dépassé. C'est ce qu'ils ont dit. Leurs propos sont donc très différents des vôtres. Le ministre lui-même a dit devant le comité, je pense que c'était la semaine dernière ou peut-être la semaine d'avant, que nous n'avons absolument pas besoin d'un corps d'élite comme le régiment aéroporté. Pourtant, les premiers éléments que l'on envoie en Afghanistan correspondent exactement à cette définition, et je ne comprends donc pas la position du ministre.
Je me demande vers quoi nous allons, aussi longtemps que nous aurons un gouvernement qui suit cette ligne de pensée. En fait, ce qui m'inquiète, c'est que nous avons depuis 30 ans au Canada des gouvernements qui ne croient vraiment pas que nous ayons besoin de forces armées solides—et ça paraît—à commencer par Trudeau. Ils ne croient tout simplement pas que nous en ayons besoin, ils estiment qu'il n'y a aucune menace et ce qui s'est passé au fil des ans témoigne bien de leur conviction.
À votre avis, le temps est-il venu d'avoir un nouveau livre blanc dans lequel on définirait ce que devraient être les Forces armées canadiennes, quelles devraient être leurs responsabilités et quels services précis elles devraient pouvoir fournir?
M. John Thompson: Je pense qu'un nouveau livre blanc sera probablement rédigé en réponse à la situation qui continuera d'évoluer au cours de l'année prochaine. Depuis le 11 septembre, nous nous enfonçons dans un monde très différent de celui que nous connaissions. Peut-être que dans un siècle, les historiens regretteront les occasions perdues des années 90. Il est certain que nous devrons opérer des changements.
Je pense que notre modèle de la guerre froide était celui d'une brigade mécanisée lourde pour confronter les forces armées soviétiques. C'est une menace qui n'existe plus. Mais des forces légères que l'on peut déployer dans n'importe quelle situation seront beaucoup plus nécessaires au cours des prochaines années.
M. Leon Benoit: Oui, cela semble évident. Je n'en croyais pas mes oreilles quand j'écoutais tous ces gens que nous avons entendus depuis environ trois semaines. Évidemment, ce que je crains, c'est qu'un nouveau livre blanc ne serve de prétexte au gouvernement pour faire de nouvelles compressions—c'est vraiment inquiétant.
Mais je pense que c'est le moment ou jamais d'agir, parce que la population canadienne est un peu plus conscientisée au fait que nous avons besoin de forces de sécurité et que nous avons besoin de forces armées solides. C'est pourquoi je vous ai interrogé là-dessus. Vous avez dit que cela arriverait de toute façon, mais je pense que ce n'est pas suffisant. Je pense qu'il faut que le gouvernement soit proactif, qu'il examine ce qui se passe et ce qui va probablement se passer et qu'il s'affaire activement à changer les forces armées pour faire du bien meilleur travail dans ce dossier.
M. John Thompson: Depuis 15 ans, je répète constamment qu'il faut renforcer nos capacités militaires, et je ne vais pas changer d'avis là-dessus.
M. Leon Benoit: Non, bien sûr, je m'en rends compte.
• 1720
J'ai une question précise à poser. Je n'ai probablement pas la
citation exacte, mais je pense que vous parliez de l'éthos dans
l'achat d'équipement.
M. John Thompson: Je crois avoir dit que nous devrions accorder beaucoup plus d'attention à l'éthos militaire avant de nous lancer dans de grands achats d'équipement. Je n'en pense pas moins qu'il est très important que nous accordions de l'attention à certains équipements essentiels, le matériel de communication, les capteurs, et les simulateurs d'entraînement qui permettent aux Américains de combattre comme ils le font. Nous devrions acquérir ces outils assez rapidement, parce qu'il est toujours utile d'en disposer, peu importe quelles sont nos autres acquisitions.
M. Leon Benoit: Oui, c'est probablement ce que vous vouliez dire. Je vous avais mal compris.
Merci, monsieur Thompson. Je dois filer. J'ai un avion à prendre. Je vous remercie beaucoup de votre témoignage.
M. John Thompson: Merci.
Le président: Monsieur O'Reilly.
M. John O'Reilly: Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Thompson, je n'ai pas de questions à vous poser. J'ai entendu ce que vous aviez à dire et je vous en remercie. Il y a divergence entre vos propos et mes propres réflexions sur les forces armées, et je m'étonne de certains commentaires faits par les députés de l'opposition—non, en fait, cela ne m'étonne pas vraiment, je m'y attendais.
M. Benoit vient juste d'attirer notre attention sur un problème. Nous voici en ce jeudi après-midi en train de faire l'audition d'un témoin et nous n'avons plus de députés parce que tout le monde se sauve pour prendre l'avion. Que Dieu les bénisse parce qu'ils prennent l'avion, mais les conservateurs ne se sont pas montrés, les néo-démocrates sont partis aussitôt après avoir posé leurs questions, tout le monde a autre chose à faire. Je tiens à signaler à la présidence qu'il n'est pas juste pour le témoin de ne pas avoir une série complète de questions à lui poser—et cela s'applique à n'importe quel témoin, pas seulement à vous, monsieur Thompson. Nous vous sommes reconnaissants d'être venu, votre témoignage est du domaine public et c'est important. Il y aura un compte rendu de la séance d'aujourd'hui.
Ce qui m'inquiète, c'est la procédure. Nous avons neuf comités qui se réunissent aujourd'hui. Chacun d'eux compte neuf députés libéraux. Tout le monde sait ce que donne neuf fois neuf. Il n'y a tout simplement pas assez de députés aux alentours. Je pense que nous devons réévaluer notre horaire pour faire preuve de respect et de courtoisie envers les témoins. Nous avons ici deux députés de l'opposition officielle ainsi que deux secrétaires parlementaires. Monsieur le président, je pense que nous ferions mieux de nous pencher sur ce problème. Je crains que nos comités ne soient en train de s'effilocher. Cela ne me fait rien de rester, c'est mon travail. Je pense que nous ferions mieux de nous en occuper.
Je vous remercie de votre témoignage, monsieur Thompson.
Le président: Premièrement, monsieur O'Reilly, je ne veux pas m'appesantir là-dessus, parce que je pense que c'est vraiment le comité directeur qui doit s'en occuper et, à mon avis, cette question ne devrait pas être soulevée aujourd'hui.
M. John O'Reilly: Je voulais seulement soulever la question au titre d'un rappel au règlement.
Le président: Très bien, mais je pense que nous devrions peut-être envisager d'aborder la question au comité directeur. En guise d'explication, le créneau du jeudi après-midi est l'un des pires. Nous devrons nous en accommoder pendant un an ou au moins jusqu'à la fin de l'année.
S'il y a d'autres questions à l'intention de M. Thompson au sujet des aspects de la défense qui font l'objet de notre réunion, posons-les maintenant. Il nous reste encore à peu près sept minutes.
Mme Cheryl Gallant: Bien dit.
Monsieur Thompson, pensez-vous que le fait de se préparer à faire la guerre correspond à un schème de pensée désuet datant de la guerre froide? Et pouvez-vous donner des exemples de la réflexion du gouvernement canadien démontrant que nous n'avons pas su nous mettre à la page en fonction des réalités de la guerre moderne?
M. John Thompson: Premièrement, si je peux répondre aux observations de votre collègue, je ne suis nullement offusqué par les députés qui sont absents ou qui partent avant la fin. J'ai déjà critiqué assez souvent et publiquement des figures politiques. Par contre, je sais fort bien que vous devez tous travailler très fort et que vous êtes surchargés de travail. Je vous remercie, mais tout cela ne m'offusque pas.
Quant à vos observations, entre la Première et la Deuxième Guerre mondiale, il y a eu toute une discussion sur des plans officiels et détaillés décrivant ce que nous ferions en cas d'attaque par tel ou tel pays. Les Américains avaient leur plan orange et leur plan rouge et leur plan noir. Le Canada, que Dieu nous aide, avait même le plan de Buster Brown pour envahir les États-Unis, qui a été rédigé au milieu des années 20. C'était un bon plan.
Le président: Il n'est pas allé bien loin.
M. John Thompson: Aujourd'hui, le monde est beaucoup plus complexe. Dans les années 80, nous pouvions dire: très bien, si les Soviétiques envahissent l'Europe de l'Ouest, voici ce que nous allons faire. Mais aujourd'hui, il nous est parfois impossible de prédire ce qui va se passer. Je ne pense pas que quiconque aurait pu élaborer un plan, par exemple, prévoyant l'élimination systématique des camps d'entraînement de Ben Laden avant les événements. Cela, il a probablement fallu l'improviser. Par contre, si nos services de renseignements sont à la hauteur et en liaison avec ceux de nos alliés, nous pouvons élaborer des plans à l'improviste, au besoin. Et si nous avons une bonne et solide base militaire, alors nous pouvons avoir des forces armées capables de réagir dans n'importe quelle circonstance.
Mme Cheryl Gallant: Au sujet d'une bonne et solide base, le chef des forces terrestres a signalé à notre comité en mai dernier que l'armée n'a plus que 18 600 soldats actifs, et encore moins de personnel combattant ou de première ligne. Cela signifie que la plupart de nos soldats combattants sont engagés dans la mission en Bosnie, ou bien se préparent en vue de cette mission ou bien reviennent tout juste de Bosnie. Comme on le précise dans Aperçu de la performance de la défense 2000, cette mission est une lourde charge pour les forces armées toutes entières. On y dit également que nous ne pouvons pas faire plus, que nous sommes déjà à la limite, et que nous ne faisons pas les investissements voulus pour l'avenir.
Dans ce contexte, si on le lui demande, le Canada a-t-il la capacité voulue pour remplacer les forces américaines, compte tenu de nos engagements actuels dans les Balkans, tout en étant toujours capable de réagir en cas d'urgence intérieure au Canada?
M. John Thompson: Non. Nous sommes en train de gratter le fond du baril en ce moment même. Par exemple, s'il se produisait une crise du genre de celle d'Oka, nous ne pourrions pas réagir.
Mme Cheryl Gallant: Merci.
Le président: Bien.
Monsieur Thompson, je voudrais vous remercier encore une fois d'être venu. Nous avons eu une discussion intéressante. Jusqu'à maintenant, nous avons entendu beaucoup de bons témoignages de gens comme vous et d'autres personnes du ministère. On nous donnera la tâche de rédiger un rapport au cours des prochaines semaines, un rapport provisoire à l'intention du ministre, et vous voudrez peut-être en prendre connaissance quand il sera terminé et nous dire ce que vous en pensez. Je vous remercie une fois de plus d'être venu.
M. John Thompson: Je vous remercie de m'avoir invité.
Le président: La séance est levée.