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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 15 février 2005




Á 1105
V         Le président (L'hon. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.))
V         M. Jeffrey Reitz (professeur en sociologie, R.F. Harney, Études sur les ethnies, l'immigration et le pluralisme, Université de Toronto, témoigne à titre personnel)
V         M. Don DeVoretz (professeur d'économie, Codirecteur et enquêteur principal du Centre d'excellence pour la recherche en immigration et en intégration, Université Simon Fraser, témoigne à titre personnel)

Á 1110

Á 1115

Á 1120
V         L'hon. Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.)
V         M. Don DeVoretz

Á 1125
V         Le président
V         M. Jeffrey Reitz

Á 1130

Á 1135

Á 1140
V         Le président
V         M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, PCC)
V         M. Jeffrey Reitz

Á 1145
V         M. Don DeVoretz

Á 1150
V         L'hon. David Anderson (Victoria, Lib.)
V         M. Don DeVoretz
V         Le président
V         M. Roger Clavet (Louis-Hébert, BQ)
V         M. Don DeVoretz
V         M. Jeffrey Reitz

Á 1155
V         M. Roger Clavet
V         M. Don DeVoretz
V         Le président
V         M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas, NPD)
V         M. Jeffrey Reitz

 1200
V         M. Don DeVoretz
V         M. Bill Siksay
V         M. Don DeVoretz
V         Le président
V         M. Bill Siksay
V         M. Don DeVoretz

 1205
V         M. Jeffrey Reitz
V         Le président
V         Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest, Lib.)
V         M. Jeffrey Reitz
V         M. Don DeVoretz

 1210
V         Mme Colleen Beaumier
V         M. Don DeVoretz
V         M. Jeffrey Reitz
V         Le président
V         Mme Helena Guergis (Simcoe—Grey, PCC)

 1215
V         M. Don DeVoretz
V         M. Jeffrey Reitz
V         Le président
V         L'hon. Hedy Fry

 1220
V         M. Don DeVoretz
V         M. Jeffrey Reitz

 1225
V         L'hon. Hedy Fry
V         M. Jeffrey Reitz
V         Le président
V         M. Yvon Lévesque (Abitibi—Baie-James—Nunavik—Eeyou, BQ)
V         M. Jeffrey Reitz

 1230
V         M. Don DeVoretz
V         Le président
V         M. Don DeVoretz

 1235
V         Le président
V         M. Don DeVoretz
V         M. Jeffrey Reitz
V         M. Don DeVoretz
V         M. Jeffrey Reitz
V         Le président
V         M. Jeffrey Reitz
V         Le président
V         M. Don DeVoretz
V         Le président
V         Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, PCC)
V         M. Jeffrey Reitz

 1240
V         Mme Diane Ablonczy
V         M. Jeffrey Reitz
V         Mme Diane Ablonczy
V         M. Don DeVoretz
V         M. Jeffrey Reitz

 1245
V         Le président
V         M. Lui Temelkovski (Oak Ridges—Markham, Lib.)
V         M. Jeffrey Reitz
V         M. Don DeVoretz
V         M. Lui Temelkovski
V         M. Don DeVoretz

 1250
V         Le président
V         M. Bill Siksay
V         M. Don DeVoretz
V         M. Jeffrey Reitz
V         M. Bill Siksay
V         M. Jeffrey Reitz
V         Le président
V         L'hon. Hedy Fry

 1255
V         M. Don DeVoretz
V         Le président
V         Mme Helena Guergis
V         M. Jeffrey Reitz
V         Le président

· 1300
V         L'hon. Hedy Fry
V         Le président
V         L'hon. Hedy Fry
V         Le président
V         Mme Colleen Beaumier
V         Le président
V         M. Bill Siksay
V         Le président
V         L'hon. Hedy Fry

· 1305
V         M. Lui Temelkovski
V         M. Benjamin Dolin (attaché de recherche auprès du comité)
V         L'hon. Hedy Fry
V         M. Lui Temelkovski
V         Le président
V         M. Bill Siksay
V         Le président
V         Mme Diane Ablonczy
V         M. Bill Siksay
V         Mme Colleen Beaumier
V         L'hon. Hedy Fry
V         M. Bill Siksay
V         Mme Colleen Beaumier
V         M. Bill Siksay
V         M. Lui Temelkovski
V         M. Bill Siksay
V         Mme Colleen Beaumier
V         L'hon. Hedy Fry
V         M. Bill Siksay
V         L'hon. Hedy Fry
V         M. Bill Siksay
V         Le président
V         M. Lui Temelkovski
V         Le président
V         M. Lui Temelkovski
V         Le président
V         M. Lui Temelkovski
V         Le président

· 1310
V         M. Bill Siksay
V         Le président
V         Mme Diane Ablonczy
V         Le président
V         M. Lui Temelkovski
V         Le président










CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 020 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 15 février 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

Á  +(1105)  

[Traduction]

+

    Le président (L'hon. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.)): La séance est ouverte.

    Nous accueillons aujourd'hui deux éminents témoins, le professeur Reitz et le professeur DeVoretz. Lequel de vous deux veut commencer?

+-

    M. Jeffrey Reitz (professeur en sociologie, R.F. Harney, Études sur les ethnies, l'immigration et le pluralisme, Université de Toronto, témoigne à titre personnel): Pourquoi ne commencez-vous pas?

+-

    M. Don DeVoretz (professeur d'économie, Codirecteur et enquêteur principal du Centre d'excellence pour la recherche en immigration et en intégration, Université Simon Fraser, témoigne à titre personnel): Merci, Jeffrey

    Je vous remercie de m'avoir invité. Je suis honoré d'être parmi vous. Cet auditoire est fort différent de la classe à laquelle j'enseignais il y a une vingtaine d'heures car les étudiants devaient subir un examen à la fin du cours, et je n'ai pas l'intention de vous en faire passer un.

    Je ne lirai pas mon mémoire; il est disponible en anglais et en français et vous pouvez le consulter. Cependant, je vais m'en inspirer dans l'espoir de vous inciter à poser des questions aujourd'hui. Je ne suis pas ici uniquement en tant que professeur d'université, mais en tant que codirecteur du RIIM, l'un des cinq centres Metropolis qui existent. Tous les jours, nous nous penchons sur des questions comme celles-là avec un groupe de jeunes étudiants de deuxième cycle à l'Université Simon Fraser, à l'Université de la Colombie-Britannique ainsi qu'à d'autres établissements d'enseignement. C'est donc en tant que professeur féru de recherches sur les orientations stratégiques que je prendrai la parole. Évidemment, notre recherche doit respecter certaines normes, mais nous nous intéressons toujours aux enjeux stratégiques.

    L'enjeu dont il est question aujourd'hui, la reconnaissance des titres et compétences, est l'une des nombreuses questions que nous avons examinées au cours des neuf dernières années. Comme on le sait, en vertu de la Loi sur l'immigration de 1978, il y avait trois portes d'entrée possibles pour venir au Canada, et c'est sensiblement la même chose encore aujourd'hui : la catégorie réfugiés, la catégorie famille, et la catégorie qui revêt énormément d'importance de nos jours, la catégorie dite économique. Un bref retour historique nous apprend qu'encore au début des années 80, les immigrants, particulièrement ceux de la catégorie économique, rejoignaient la cohorte des Canadiens de souche après une période de 10 à 12 ans. Même à cette époque, on se demandait pourquoi il leur fallait une douzaine d'années pour y arriver. Par la suite, ces personnes dépassaient leur cohorte canadienne. Nous étions suffisants et satisfaits de notre politique d'immigration puis, nous avons constaté à la fin des années 80 que cette période de rattrapage prenait jusqu'à 22 ans; on a commencé à s'inquiéter de cette tendance voulant que les immigrants qui arrivaient ici consacraient la plus grande partie de leur vie simplement à essayer de rattraper un Canadien.

    Cette situation a amené Barbara McDougall et ensuite Sergio Marchi à adopter un changement de politique : on a alors privilégié fortement l'entrée des immigrants de la catégorie économique; 50 p. 100 ou plus des nouveaux venus faisaient partie de cette catégorie. On croyait qu'en acceptant davantage d'immigrants de la composante économique, le niveau de la rémunération augmenterait en général. Malheureusement, cette théorie ne s'est pas avérée, mais au milieu des années 90, grâce à un meilleur ensemble de données fournies par Statistique Canada et par le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration—et les données sont cruciales dans ce domaine—, nous avons pu identifier exactement qui arrivait par ces portes d'entrée et nous avons pu constater que l'effondrement qui fait l'objet de notre discussion aujourd'hui a commencé sérieusement au milieu des années 90.

    Bon nombre de projets de recherche financés en partie par Metropolis à l'aide de subventions du CRSH ont considéré cette période comme un laboratoire pour tenter d'expliquer les écarts de revenu des immigrants. Pour résumer la recherche et son rapport aux orientations stratégiques dans les années 1990, il n'y a pas de consensus sur la véritable cause de l'effondrement de la rémunération, mais le problème de la reconnaissance des compétences en est un facteur. Cela dit, il existe d'autres explications qui sont tout aussi séduisantes pour un observateur. Premièrement, le lieu où l'immigrant a fait ses études est un facteur : il peut y avoir un manque de correspondance entre la formation et les exigences au Canada. Deuxièmement, on se souviendra que notre adhésion à l'ALENA a provoqué un changement structurel, particulièrement dans la grande et « dure » Ontario et avec la montée en flèche des niveaux de chômage, on a vu apparaître en guise d'explication un phénomène que l'on appelle la détérioration des compétences. Cela signifie qu'un immigrant qui ne réussit pas bien un an ou deux après son arrivée au Canada porte le poids de cet échec pour le reste de sa vie. Pendakur et Pendakur ont examiné la situation et, d'après eux, c'était un problème de couleur. De toute évidence, la discrimination a fait son oeuvre dans ces circonstances changeantes.

Á  +-(1110)  

    Nous avons donc de nombreuses explications possibles : la qualité des études à l'arrivée; la discrimination sur le marché du travail et l'état du marché du travail au Canada. Il faut aussi se rappeler que nous avons commencé à former en très grand nombre des Canadiens pour des emplois de haute spécialisation dans les années 90. Il existe donc une concurrence au sein du marché ici. Enfin, une autre chose m'a frappé, comme bien d'autres d'ailleurs. En 1995, Jiang Zemin a dit aux Chinois qu'ils étaient libres de quitter la Chine. Avant cela, nous n'accueillions pas en grand nombre des immigrants de la République populaire de Chine. Ils venaient plutôt de Hong Kong. Autrement dit, notre pays source a changé lui aussi.

    Aujourd'hui, on parle de diplomanie, ce qui est un des problèmes en l'occurrence, mais c'est loin d'être le seul. La question de l'effondrement de la rémunération, l'incapacité des immigrants de la vague d'après 1995 de tirer parti de leurs compétences, est sérieuse, même si nous ne pouvons en cerner la cause exacte. Depuis deux ans et demi, nous menons des recherches auprès des immigrants chinois à Vancouver et ailleurs, et nous avons observé, particulièrement parmi ceux qui viennent de Chine, qui sont majoritairement les travailleurs spécialisés dont il est question aujourd'hui, une chute précipitée de la rémunération. D'après les rapports du recensement de 1996, en 1995, un immigrant chinois hautement qualifié touchait un revenu moyen inférieur à 15 000 $ pour l'année entière, et ce, à mi-carrière. Si l'on compare cela à la norme canadienne, qu'il était censé rattraper, elle s'établit à 55 000 $ environ. L'écart est énorme, et les immigrants ne combleront jamais la différence.

    Nous avons donc décidé d'agir différemment, en tant qu'économistes : nous avons eu recours à de grands nombres, ce que les économistes ne font pas habituellement. Nous avons interviewé 500 personnes, et les résultats, qui figurent d'ailleurs sur notre site Web, ont été très révélateurs. Nous avons demandé à des Chinois récemment arrivés à Vancouver, particulièrement de la République populaire de Chine, quels étaient, à leur avis, les obstacles à leur réussite. En masse, ils ont cité la barrière de la langue, leur incapacité de converser couramment et de réussir des examens dans la langue dominante à Vancouver, qui est l'anglais. Le deuxième facteur était l'absence d'expérience professionnelle canadienne exigée par les employeurs. On peut interpréter cela comme un euphémisme qui masque une possible discrimination : ils ne peuvent entrer sur le marché du travail. C'est un cercle vicieux : ils savent que s'ils n'ont pas d'expérience canadienne ils ne trouveront pas d'emploi sur le marché canadien. Le troisième facteur mentionné était la non-reconnaissance de leurs compétences—et nous parlons de diplômés de Renmin Daxue, à Pékin et de l'Université de Shanghai, d'établissements dont nous accueillons Jeffrey et moi des diplômés. Nous savons à quel point ils sont brillants, mais apparemment leurs compétences ne sont pas reconnues dans les autres secteurs de l'économie.

    En somme, les Chinois—en tout cas les 583 qui ont répondu à cette enquête aléatoire, savent très bien quels obstacles leur barrent la route. Vous vous demandez peut-être pourquoi ils ne prennent pas les moyens pour s'en sortir? Pourquoi ne prennent-ils pas des cours de langue? L'une des raisons qu'ils mentionnent, c'est qu'ils ont déjà deux emplois et demi. Je constate que cela suscite quelques sourires, mais c'est vrai. Les Chinois travaillent d'arrache-pied, mais ils occupent des emplois mal rémunérés qui ne correspondent pas à leurs compétences. Et lorsqu'on leur dit qu'il existe un programme de transition et qu'ils ont droit à des cours d'anglais et qu'on leur demande pourquoi ils n'en profitent pas, ils répondent : ma femme et moi avons deux emplois; nous sommes épuisés lorsque nous rentrons à la maison. L'obstacle, c'est la pauvreté elle-même. C'est en quelque sorte un cercle vicieux, et j'y reviendrai lorsque nous aborderons les recommandations stratégiques que j'ai à vous proposer.

    Et lorsqu'on demande aux Chinois : « Pourquoi restez-vous au Canada? », un tiers d'entre eux répondent : Nous n'avons pas l'intention de rester; nous attendons d'obtenir notre citoyenneté pour partir. Nous voulons être citoyens canadiens lorsque nous rentrerons chez nous. Mais les deux tiers qui ont l'intention de rester répondent qu'ils le font pour leurs enfants : ils sont d'avis que les perspectives d'avenir de leurs enfants sont meilleures que les leurs. Par conséquent, la solution des Chinois à leurs problèmes bien connus, c'est soit partir soit rester et miser sur leurs enfants parce qu'ils savent qu'ils sont dans une situation terrible ici. Nous reviendrons sur la preuve corroborant ce dernier argument pour voir s'il y a lieu d'être optimiste ou non.

Á  +-(1115)  

    Je ne parvenais plus à comprendre ce qui se passait. Nous avons effectué des sondages, nous avons examiné 4,1 millions de fichiers de données, et nous ne sommes pas plus avancés que nous l'étions en 1995, alors que nous avons commencé à nous intéresser au problème. Nous avons donc inversé la question. Nous avons adopté une approche hypothético-déductive. Il y a des gens qui surpassent tous les autres dès le premier jour de leur arrivée ici; ils ne sont pas nombreux, mais ils font partie de certains groupes. Nous savons que la plupart des groupes échouent, qu'on ne reconnaît pas leurs compétences et qu'ils font face à tous les obstacles que j'ai mentionnés tout à l'heure, mais certains groupes tirent admirablement leur épingle du jeu sur le marché du travail; pour tous les autres, c'est une vie de misère dès le départ.

    Les Ukrainiens sont un de ces groupes; on les appelle la troisième vague des Ukrainiens. Nous nous sommes dit que si nous pouvions trouver le facteur X, l'élément unique qui distingue ce groupe de gagnants, cela nous permettrait de comprendre ce qui nous échappe. Nous avons donc confié à deux ou trois étudiants de deuxième cycle la mission d'étudier cette question pendant 18 mois. Et qu'ont-ils trouvé? Les nouveaux immigrants ukrainiens d'après 1990 ressemblent énormément aux Chinois sur papier. Ils ont un capital humain très riche, des diplômes, et leurs femmes aussi. Leur maîtrise de l'anglais n'est guère meilleure que celle des Chinois; ils utilisent l'alphabet cyrillique, ils font face à toutes sortes de difficultés, etc. Mais lorsqu'on fouille un peu, deux choses ressortent. Les Ukrainiens surclassent les Canadiens à l'arrivée, ou en cinq à sept ans, et rien ne peut les retenir par la suite. En fait, le même phénomène se produit aux États-Unis. Nous avons effectué un test là-bas pour voir s'il y avait une caractéristique propre aux Ukrainiens. C'est certainement le cas.

    Qu'en est-il exactement? Il y a, entre autres, l'effet peau de mouton, pour employer un terme technique. L'employeur à qui l'on soumet un diplôme ukrainien y accorde-t-il plus de valeur qu'à un diplôme de Renmin Daxue? La réponse est oui—vous pouvez faire des tests cliniques à cet égard—, et de loin. Autrement dit, un diplôme de Kiev est bien reconnu, et nous expliquerons pourquoi tout à l'heure. Deuxièmement, lorsque les Ukrainiens ont accédé rapidement à la citoyenneté, tout comme les Chinois, cela a provoqué un effet citoyenneté sur le marché du travail. Nous y reviendrons également. Les gains des Ukrainiens ont surpassé ceux des Canadiens en l'espace de cinq à sept ans—officiellement, il faut résider au pays au moins cinq ans avant de pouvoir devenir citoyen. À cela s'ajoutent quelques autres facteurs mineurs dont l'importance n'est pas négligeable. Par exemple, nous avons découvert que la plupart des mères d'origine ukrainienne parlent anglais à la maison, ce qui est une constatation des plus intéressantes. Pour le meilleur ou pour le pire, si l'on interroge des mères chinoises, elles vous diront que le mandarin est la langue du foyer. En conséquence, les Ukrainiens ont adopté une stratégie différente d'autres groupes. Enfin, il faut se rappeler l'effet Kuchma, qui n'existe plus. Les Ukrainiens n'avaient aucunement l'intention de rentrer chez eux. On n'entend pas les Ukrainiens dire qu'après avoir obtenu la citoyenneté canadienne ils vont rentrer dans leur pays d'origine et ce, à cause de Kuchma et de sbires. Cela va peut-être changer maintenant, mais leur avenir était uniquement basé sur le fait qu'ils allaient rester ici, de sorte qu'ils ont beaucoup investi dans le marché du travail.

    Ce sont là deux groupes opposés, mais nous avons toujours un problème de taille. La majorité des immigrants ne se tirent pas bien d'affaires. Les Ukrainiens nous fournissent une piste de solution. D'après mes recherches, quelles sont les suggestions que je propose pour aborder le problème? Nous pouvons adopter l'une des deux stratégies suivantes.

    Premièrement, nous pouvons resserrer—et nous l'avons déjà fait—le processus de sélection des personnes autorisées à venir ici à l'avenir de façon à éviter ou à tout le moins atténuer les effets de cette dégringolade et de la non-reconnaissance des accréditations. Nous avons relevé les exigences pour ce qui est des points requis, une initiative qui a été fort controversée, et nous avons modifié la combinaison des immigrants. Nous ignorons ce qui va se passer, mais au RIIM, nous suivons la situation de très près. Cela dit, nous avons déjà constaté une conséquence : les Chinois ont arrêté de venir. Le nombre d'immigrants en provenance de la République populaire de Chine a chuté radicalement. Les candidats ne peuvent réussir à satisfaire aux critères. Nous avons donc fait quelque chose en ce sens. Que ce soit la bonne chose ou non, c'est une mesure que nous avons prise.

    Que pouvons-nous faire ici pour ceux qui sont déjà au pays? Si nous n'agissons pas rapidement, certains d'entre eux partiront. Si nous n'agissons pas rapidement, leurs enfants réussiront mieux et le problème disparaîtra, mais au cours des sept à dix prochaines années. Nous serons aux prises avec le problème intermédiaire. Que pouvons-nous faire? Je pense que le Programme des candidats des provinces pourrait jouer un rôle, mais comme nous sommes ici aujourd'hui pour parler particulièrement du gouvernement fédéral, c'est ce que je ferai.

Á  +-(1120)  

    La première chose que je ferais serait de créer l'équivalent des chaires de recherche que nous avons mises sur pied il y a cinq ou sept ans lorsque nous avons cru qu'il y avait un exode des cerveaux. Nous nous sommes dit : Ciel, nous faisons face à un exode des cerveaux—qu'allons-nous faire? Nous avons décidé d'investir des sommes considérables dans les universités pour pouvoir garder ici les meilleurs éléments. En vertu d'un mandat analogue, il serait possible de distribuer de l'argent, particulièrement aux universités, qui sont toujours à l'affût de fonds, en précisant qu'il faut s'en servir pour réserver des places pour des médecins ayant besoin de recyclage. On pourrait dire à l'Université de la Colombie-Britannique qu'on va lui donner x dollars, à condition qu'elle accueille quatre immigrants des Antilles qui, au bout du compte, pourront ou non pratiquer la médecine ici.

+-

    L'hon. Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.): Est-ce que vous me souriez?

+-

    M. Don DeVoretz: Non. En fait oui, je vous souris, mais pas pour la raison que vous croyez.

    Les fonds en question pourraient être réservés en vertu d'un mandat fédéral qui contournerait le champ de compétence des provinces dont relèvent les immigrants. C'est là un obstacle de taille. S'il n'y a pas d'argent disponible et s'il n'y a pas de place, les immigrants compétents ne vont pas abandonner leur travail de chauffeur de taxi, pour les raisons que j'ai expliquées. C'est donc une façon dont le gouvernement fédéral pourrait intervenir.

    Deuxièmement, au niveau fédéral, on pourrait lancer une initiative plus controversée, et je répondrai volontiers à toutes les questions à ce sujet. Si nous jugeons que l'accréditation pose un problème sérieux, et c'est le cas—d'ailleurs, les Chinois ont un bilan désastreux à cet égard—que pouvons-nous faire à moyen terme? Pour ma part, j'accorderais à tout étranger diplômé d'une université reconnue le statut d'immigrant reçu et je lui ouvrirais une voie accélérée vers la citoyenneté. Je ne forcerais pas ces gens-là à rentrer chez eux, comme ils sont obligés de le faire à l'heure actuelle. Nous les forçons à rentrer en Ukraine au cours des derniers 18 mois. Toute demande doit être présentée à l'extérieur du pays. Nous perdons ainsi des gens compétents qui, dans la plupart des cas, ne rentrent pas chez eux, mais se dirigent vers les États-Unis ou l'Australie. Nous accélérons peut-être l'exode des cerveaux, c'est vrai, mais nous sommes en concurrence avec les États-Unis et non pas avec leur pays d'origine.

    D'ailleurs, j'envisagerais de faire la même chose pour les étudiants de premier cycle. Il y a 100 000 étudiants étrangers au Canada. La plupart d'entre eux ne se prévaudront pas de cette option; ce n'est pas comme si nous allions tout à coup en accueillir 100 000. Mais il existe ici des obstacles incroyables. Il faut maintenant compter de 18 à 20 mois pour obtenir le statut d'immigrant. Les candidats ne peuvent travailler ici au cours de cette période après l'obtention de leur diplôme, de sorte qu'ils doivent rentrer chez eux. Par la suite, ils disparaissent dans la file d'attente et n'aboutissent jamais ici.

    Je conçois que cette suggestion est plus controversée, mais le gouvernement fédéral a clairement le pouvoir de la mettre en oeuvre. D'ailleurs, je signale que nous faisons quelque chose d'analogue dans les provinces de l'Atlantique; si vous restez là-bas, vous pouvez présenter une demande de là-bas. C'est une expérience. Nous devrions la suivre de près. Pour sa part, le Québec a sa propre politique en matière d'immigration. La province a elle aussi institué des règles pour inciter les gens à revenir, et nous devrions les examiner. Nous devons trouver d'autres avenues.

    En somme, nos recherches nous offrent diverses pistes de solutions. Nous pourrions faire une sélection beaucoup plus intelligente. L'Ontario a recours à un logiciel que tout le monde devrait utiliser et qui permet aux candidats de tester leurs compétences chez eux, grâce à l'Internet. Depuis Shanghai, il est possible à un candidat de répondre aux questions suivantes : Ai-je suffisamment de points pour être admis? Est-ce faisable? Il faut faire comprendre aux gens que le marché du travail au Canada n'est pas sans risque. Si vous obtenez moins de 50 points au test virtuel de Don, vous n'avez aucune chance qu'une association d'ingénieurs avalise votre candidature. À ce moment-là, vous êtes au courant des risques. Il nous faut rendre ces outils disponibles à tous. Ensuite, il nous faut aussi choisir nos immigrants avec plus de circonspection. Et en dernier lieu, on pourrait appliquer toute une série de mesures que j'ai énoncées : le versement de fonds aux universités et aux écoles techniques, qui seraient réservés pour les nouveaux venus; la possibilité pour les diplômés d'université d'entrer au Canada par une voie expresse; et la reconnaissance du fait que si nous ne faisons rien, les gens partiront. D'après les preuves recueillies par les chercheurs, environ un cinquième des immigrants chinois qui sont arrivés depuis 1986 vivent à Hong Kong.

    Nous sommes aux prises avec un problème très complexe. À cet égard, je suis d'accord avec Jeffrey : c'est une grande perte pour l'économie canadienne, mais aussi pour les immigrants eux-mêmes.

    Merci beaucoup.

Á  +-(1125)  

+-

    Le président: Merci.

    Professeur Reitz.

+-

    M. Jeffrey Reitz: Merci. Je suis reconnaissant au comité de m'avoir invité à participer à une discussion sur les questions d'immigration.

    Les arguments que je vais vous présenter sont tirés d'un document diffusé il y a environ deux semaines par l'Institut de recherche en politiques publiques et dont j'ai envoyé un exemplaire au comité. Comme il ne compte que 18 pages, il ne faut pas beaucoup de temps pour le lire, mais il renferme aussi un sommaire. Je veux simplement en extraire quelques points pour les souligner. Mes propos seront sensiblement les mêmes que ceux de Don, mais il y a certaines différences dont nous voudrons peut-être discuter.

    Je veux aborder quatre points. Le premier concerne l'importance du problème de la reconnaissance des compétences dans le contexte du déclin des perspectives d'emploi des immigrants depuis plusieurs décennies et à la lumière de l'engagement très substantiel du Canada envers son programme d'immigration, qui dépasse celui de tout autre pays industrialisé. Nous accueillons un fort pourcentage d'immigrants, et le succès de notre programme dépend de leur accession à l'emploi. On peut donc dire que notre programme d'immigration est en panne.

    Deuxièmement, je veux parler des causes de ce phénomène. Don en a mentionné quelques-unes. Mes propres travaux suggèrent que nous devons examiner très attentivement les changements importants survenus dans le marché de l'emploi. Certaines personnes y voient l'émergence d'une économie du savoir. À mon avis, les changements survenus dans la répartition des emplois sur le marché du travail intérieur et le profil des compétences de la main-d'oeuvre de souche ont eu pour effet de diminuer les débouchés par les immigrants.

    Mon troisième point porte sur les réactions stratégiques que nous avons vues jusqu'ici de la part des différents paliers de gouvernement et de diverses agences, ce qui m'amène à un quatrième point, soit qu'aucune agence gouvernementale, à quelque niveau que ce soit, n'a accepté la responsabilité de l'appauvrissement des perspectives d'emploi des immigrants et de la non-reconnaissance de leurs compétences. Nous sommes en présence d'un éparpillement de la responsabilité, d'où l'obligation de se demander qui est responsable de ce problème. Ma principale recommandation consiste à faire en sorte que cette responsabilité soit assignée à une agence gouvernementale quelconque.

    En ce qui a trait à l'importance du problème, vous avez sans doute déjà tous entendu dire que l'incidence de la non-reconnaissance des compétences des immigrants dans l'économie canadienne se chiffre à 2,4 milliards de dollars. En fait, ce n'est là que la pointe de plusieurs icebergs car cela représente uniquement la valeur du travail qui n'est pas effectué par les immigrants parce qu'ils n'occupent pas les emplois faisant appel à leurs compétences, comparativement aux Canadiens d'origine qui ont les mêmes compétences. Qui plus est, les immigrants qui ont des emplois correspondant à leur niveau de compétence sont sous-payés, ce qui est évalué à 12 milliards de dollars environ. En conséquence, lorsqu'on fait le calcul, on arrive à près de 15 milliards de dollars du point de vue de l'immigrant plutôt que du point de vue de l'économie canadienne.

    Le déclin des débouchés professionnels des immigrants au fil des ans a certainement exacerbé ce problème, et à mon avis l'une des raisons pour lesquelles la reconnaissance des compétences est devenue un enjeu politique aussi important, c'est que les conséquences sont de plus en plus lourdes pour les immigrants : ils sont repoussés de plus en plus bas dans la hiérarchie économique. Permettez-moi de vous citer une statistique : en 1980, les immigrants de sexe masculin qui étaient arrivés au cours de la décennie précédente gagnaient environ 80 p. 100 du salaire moyen des Canadiens d'origine. En 1996, ce pourcentage était tombé à 60 p. 100, et comme 50 p. 100 représente approximativement le seuil de pauvreté, il est facile de voir qu'un pourcentage élevé des immigrants vivent dans la pauvreté. D'ailleurs, cela a été démontré à Toronto : le taux de pauvreté des minorités raciales est plus du double de celui des Canadiens de souche. Ces tendances valent tant pour les hommes que les femmes et pour tous les principaux groupes d'origine, particulièrement les deux plus importants, soit les Chinois et les Noirs. Tout espoir de voir ces tendances renversées par un nouvel essor de l'économie canadienne à la fin des années 90 a été anéanti par les chiffres du recensement de 2001 montrant que le déclin s'était poursuivi, et de nombreuses études de Statistique Canada l'ont aussi mis en relief. Soit dit en passant, ces chiffres concernaient les personnes occupant des emplois. La proportion des immigrants capables de trouver du travail était aussi à la baisse.

Á  +-(1130)  

    J'estime que ces faits sont importants non seulement pour le soutien politique au programme d'immigration qui, à mon sens, repose sur la perception que les immigrants apportent une contribution positive à l'économie canadienne, mais aussi parce qu'ils sont susceptibles d'avoir un certain nombre de conséquences sociales, politiques et économiques pour notre pays. C'est donc un problème que le gouvernement doit régler. Il faut que quelqu'un reconnaisse le problème et prenne certaines mesures appropriées.

    Permettez-moi d'aborder la question des causes de ce phénomène, qui sont très complexes. Le déclin dont j'ai parlé peut s'expliquer par différentes causes, mais mes propres travaux et ceux de certains de mes collègues ont mis au jour le rôle joué par les changements importants survenus dans le marché de l'emploi au Canada.

    Dans une économie du savoir, si l'on regarde uniquement ce qui se passe aujourd'hui, de plus en plus d'employeurs exigent une myriade de renseignements au sujet des candidats à un poste avant de faire leur choix. C'est une tendance qui s'est accrue avec le temps. Ils veulent savoir non seulement quels diplômes vous avez, mais quelles compétences spécifiques reflètent ces diplômes. Ils veulent savoir quelle est la qualité de l'établissement qui a délivré ces diplômes. Ils veulent savoir quel a été le cheminement du candidat dans l'acquisition de ces diplômes. Ils veulent savoir quels autres attributs personnels pourraient influer sur son rendement au travail. Ils veulent savoir de quelle façon d'autres personnes ayant les mêmes compétences ont réussi dans un contexte local comparable à celui de l'emploi pour lequel la personne est embauchée. Cela représente énormément d'information. Or, la plupart des éléments d'information que je viens de mentionner ne se trouvent ni dans les CV, ni dans les dossiers officiels, et les employeurs obtiennent cette information par le biais d'une variété de canaux formels et informels.

    Là où je veux en venir, c'est qu'il est extrêmement difficile pour les immigrants de fournir cette information parce qu'ils sont en marge des institutions locales professionnelles auprès desquelles les employeurs puisent ces renseignements. En conséquence, cette économie du savoir, au sein de laquelle l'évaluation des compétences devient de plus en plus serrée, n'est pas particulièrement conviviale pour les immigrants. Il s'ensuit—et cela a été largement reconnu—qu'il existe des obstacles à l'accès aux professions. Et ce n'est pas tout : dans les milieux professionnels, les possibilités d'avancement sont réduites et les taux de promotion à des postes de direction sont plus faibles. En outre, les obstacles auxquels font face les immigrants à l'extérieur de l'économie dite des connaissances se multiplient et c'est sans doute un facteur parmi les moins reconnus. En effet, nous produisons aujourd'hui au Canada des diplômés universitaire à un rythme plus rapide que nous produisons de nouveaux emplois qui exigeaient traditionnellement un diplôme universitaire. Il y a donc toute une gamme de postes pour lesquels les employeurs reçoivent les candidatures de diplômés universitaires, et ils se servent de ces diplômes pour faire une sélection.

    C'est dans ce contexte que les immigrants se heurtent à de multiples difficultés. Comme je l'ai mentionné, si l'on regarde les obstacles à l'accès aux professions, parmi les Canadiens d'origine ayant des diplômes universitaires, environ 57 p. 100 oeuvrent dans un milieu professionnel, alors que pour les immigrants, ce pourcentage s'établit autour de 30 p. 100. Si l'on considère leur rémunération, on constate qu'il existe aussi un fossé par rapport à leurs compétences : leur salaire est de 12 à 15 p. 100 inférieur à ceux des Canadiens d'origine occupant les mêmes postes. Dans les domaines non professionnels et à l'extérieur de l'économie du savoir, les écarts salariaux sont encore plus grands. Ils sont de l'ordre de 30 à 35 p. 100.

    Pour en revenir à ce chiffre de deux milliards de dollars, il s'explique en grande partie par des obstacles à l'accès à des emplois de cadres intermédiaires; non pas les domaines professionnels de prestige, non pas ceux pour lesquels un permis est exigé, etc., mais toute une gamme de postes comme conseillers financiers dans les banques, gestionnaires de ressources humaines, directeurs de services d'entreprises de vente au détail, etc. Il y a une vaste gamme de postes comme ceux-là.

Á  +-(1135)  

    Avec le temps, cette concurrence fondée sur les compétences s'est généralisée dans le marché du travail et a touché un plus grand nombre d'emplois. Parallèlement, les Canadiens nés au Canada sont de plus en plus instruits et ce mouvement est très rapide. En fait, en Ontario nous entendons poursuivre dans cette voie. Tout le monde trouve qu'il faut accélérer ce mouvement.

    Don a dit que nous travaillons très fort pour choisir les immigrants plus soigneusement, mais pendant la plus grande partie des 25 dernières années, ces efforts n'ont pas suivi le rythme de la hausse du niveau de compétence des Canadiens de souche. Bien sûr, les immigrants sont pénalisés au départ dans cette comparaison. Ils obtiennent environ la moitié des crédits que valent leurs compétences—c'est comme s'ils jouaient à la roulette avec un dollar à 50 cents—et l'on ne reconnaît quasiment pas leur expérience à l'étranger.

    La conséquence pour les immigrants est qu'ils n'ont pas accès au domaine professionnel pour lequel ils sont qualifiés et ils doivent donc descendre non pas d'un échelon, mais jusqu'en bas de l'échelle, au premier échelon du marché du travail. Le stéréotype voulant que des immigrants ayant un doctorat conduisent des taxis correspond à la pure vérité. Une étude de Statistique Canada publiée l'année dernière montre qu'un immigrant sur quatre ayant fait des études universitaires travaille dans un emploi qui n'exige que des études secondaires. Parmi tous ceux qui ont des diplômes universitaires, les immigrants ont cinq fois plus de chance que les autres de travailler et non pas seulement comme chauffeurs de taxi, mais aussi comme concierges, chauffeurs de camion, gardiens de sécurité et dans divers emplois industriels de bas de gamme.

    Pour toutes ces raisons, je pense que nous avons un marché du travail qui non seulement ne fonctionne pas bien pour les immigrants, mais dont l'évolution rend progressivement de plus en plus difficile pour les immigrants de rivaliser sur un pied d'égalité avec ceux qui sont nés au Canada.

    Quant aux politiques en vigueur, on a déjà mis beaucoup l'accent sur la sélection des immigrants; on semble croire que si l'on réussit à trouver la formule magique pour choisir les immigrants et ne prendre que ceux qui conviennent, cela réglera tous les problèmes comme par magie. Pourtant, c'est un fait que dans tous les groupes que nous avons choisis au fil des années, on constate une baisse de l'emploi des immigrants.

    Les programmes d'établissement que le ministère de l'Immigration a mis en place ne sont à peu près d'aucune utilité pour ces problèmes d'emploi. La plupart ont été conçus à une époque antérieure, quand la question des titres ne se posait pas avec autant d'acuité sur le marché du travail.

    Un vaste éventail de ce que l'on pourrait appeler des innovations du marché du travail ont été partiellement adoptées ou ont donné lieu à des expériences par le gouvernement fédéral. RHDCC commence à accorder plus d'importance à ce domaine. Divers services des gouvernements provinciaux y travaillent. Des groupes communautaires locaux, frustrés par l'inaction du gouvernement, ont commencé à agir de leur propre chef. Ces initiatives comprennent des services d'évaluation des titres de compétence; des programmes de formation et d'aide à la transition pour parfaire les compétences des immigrants ou combler des lacunes dans une vaste gamme de corps de métier; des stages subventionnés dans des lieux de travail et des mentors pour les immigrants, afin d'essayer d'abattre les obstacles systémiques du marché du travail; des programmes améliorés de formation en gestion des ressources humaines pour aborder divers problèmes; la reconnaissance des employeurs qui ont eu des succès particulièrement remarquables; des efforts de sensibilisation du public; et des sources d'information sur Internet pour les immigrants.

    Beaucoup de ces mesures sont bonnes, à mon avis, et commenceront à provoquer des changements sur le marché du travail. Mais la difficulté, et je reviens à ce que je disais au début, c'est qu'il n'y a aucune agence gouvernementale, à un quelconque niveau, qui assume la responsabilité du succès des immigrants en termes d'emploi. Si nous voulons nous fixer comme objectif dans notre pays, ou si tel est l'objectif du comité, d'enrayer le déclin des perspectives d'emploi des immigrants et de s'attaquer au problème de la reconnaissance des titres de compétence, je ne suis pas trop certain de savoir quel ministère du gouvernement serait chargé de cette tâche.

    Le ministère de l'Immigration n'a jamais accepté de s'attarder aux problèmes d'emploi des immigrants après leur arrivée au Canada. Cela n'a jamais été très prioritaire. RHDCC s'intéresse davantage à la question dans une certaine mesure, mais le programme d'immigration n'est pas son mandat. Bien des gens disent que les gouvernements provinciaux sont responsables de l'emploi. Dans une certaine mesure, l'Ontario et d'autres gouvernements provinciaux ont pris des mesures, mais ils disent : « Vous savez, nous n'avons aucun contrôle sur les immigrants qui arrivent; ce n'est pas notre domaine ». Le ministère des Collèges et des Universités de l'Ontario travaille également à ce dossier.

Á  +-(1140)  

    Nous devons donc nous attaquer au problème de la fragmentation des responsabilités et décider qui sera chargé de ce dossier. Comme je l'ai dit au début, c'est critique pour le Canada à cause de notre très grand investissement dans l'immigration et du fait que notre programme d'immigration est en panne, comme on commence maintenant à le reconnaître dans tous les milieux. Ce n'est pas seulement le problème des compétences, car ce problème est multiplié par les changements qui surviennent sur le marché du travail et qui font reculer les perspectives d'emploi des immigrants, au point qu'il deviendra à mon avis de plus en plus clair aux yeux des Canadiens que les immigrants ne contribuent peut-être plus aussi positivement à l'économie qu'ils le faisaient dans le passé.

    Merci.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Nous allons amorcer notre période des questions. Les questions et réponses sont d'une durée de sept minutes durant le premier tour. Après cela, ce sera cinq minutes.

    Monsieur Jaffer.

+-

    M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, PCC): Merci, monsieur le président.

    Je remercie beaucoup les témoins d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. J'ai trouvé les exposés très utiles. Ils se sont vraiment attardés aux problèmes auxquels nous sommes confrontés en matière de titres de compétence.

    Je les remercie pour leurs suggestions, surtout l'idée de mettre de l'argent de côté pour établir un système comportant des chaires de recherche. J'ai eu un entretien avec le doyen de la faculté de médecine de l'Université de l'Alberta et c'est exactement ce qu'il me disait, qu'on a le sentiment que les associations professionnelles essaient peut-être bien souvent de garder ces gens-là à l'écart. Il disait que notre plus grave problème est que nous devons déployer des efforts dans nos universités pour essayer de trouver des postes pour que nos étudiants en médecine puissent faire leur internat, mais nous n'avons pas l'appui du gouvernement fédéral pour aider à établir un système qui permettrait de donner du recyclage aux gens qui viennent ici ou pour leur permettre d'effectuer la transition, en faisant un internat ou quoi que ce soit pour faire reconnaître leurs titres de compétence ou acquérir cette expérience canadienne dont vous parlez.

    Je voudrais que vous nous parliez davantage de tout cela. Est-ce la meilleure solution pour nous? En dépit de ce que peuvent dire les associations professionnelles et malgré les difficultés auxquelles elles sont confrontées, si nous devions créer ces chaires de recherche dont vous parlez et les financer suffisamment, en partenariat avec les universités, cela réglerait-il le problème d'intégrer ces gens-là dans ce créneau pour leur permettre d'acquérir de l'expérience canadienne et traiter ensuite avec les organisations professionnelles, car on entend souvent dire que celles-ci érigent peut-être des obstacles pour empêcher certains immigrants de s'intégrer?

    Je voudrais vos réflexions là-dessus. Avez-vous des suggestions, l'un ou l'autre d'entre vous?

+-

    M. Jeffrey Reitz: Premièrement, je voudrais dire que le problème ne se limite pas aux professions; on a beaucoup insisté sur les autorités chargées de délivrer des permis et tout cela. C'est très important, mais seulement 20 p. 100 des immigrants environ travaillent en fait dans ces domaines-là. Même s'ils trouvaient des emplois sans se buter à des obstacles, ils ne représenteraient qu'environ 30 p. 100. Or l'écart de revenu défavorable aux immigrants touche tout un éventail de métiers; en fait, l'écart est même plus grand dans les domaines non professionnels. Cela ne veut pas dire que le programme des obstacles dans les professions n'est pas important. Je veux simplement faire ressortir que c'est loin d'être le seul problème auquel les immigrants sont confrontés.

    Je suis certainement d'accord pour dire qu'il est essentiel d'obtenir un accès au marché du travail, mais il importe de reconnaître qu'il y a tout un éventail d'intervenants. Ce n'est pas seulement les autorités, les employeurs et les immigrants. Il y a aussi les établissements d'enseignement. Prenons le problème de la formation complémentaire; on a beaucoup parlé du programme de formation complémentaire de l'Université de Toronto pour les pharmaciens. Les pharmaciens formés à l'étranger peuvent compléter leur formation en suivant un très court programme qui met l'accent sur les lacunes précises qui existent dans leurs compétences. La faculté de gestion fait quelque chose de semblable pour les diplômés en gestion; ils prennent quelqu'un qui a obtenu une maîtrise en administration des affaires à Hong Kong et lui donnent une formation complémentaire de quelques mois portant sur les particularités canadiennes. Mais vous comprendrez que si l'on doit faire cela séparément dans chaque profession, ce n'est pas simple.

    C'est pourquoi les établissements d'enseignement doivent jouer un rôle. Les syndicats doivent jouer un rôle. C'est une toile complexe de groupes interreliés et c'est pourquoi j'ai insisté sur une liste d'innovations pour s'attaquer à divers aspects du problème. Dans mon document, j'explique où nous en sommes dans la mise en oeuvre de tout cela.

    Il importe de reconnaître qu'il n'existe pas une solution unique pouvant résoudre globalement ce problème. Il faut s'attaquer à une foule de points d'accès au marché du travail qui représentent autant d'obstacles pour les immigrants.

Á  +-(1145)  

+-

    M. Don DeVoretz: Je vais adopter une position opposée. Je pense qu'il y a une solution unique. Je pense qu'il faut commencer quelque part. J'en reviens à ce que je disais sur l'acceptation d'étudiants étrangers et le fait que l'on ne reconnaît pas les titres.

    Il ne s'agit pas simplement de compléter la formation, ce qui est très important. Ce sont bien sûr des domaines complexes mais importants. Les médecins, infirmières, pharmaciens, etc.—ils ont tous un éventail de compétences qui change constamment.

    Un article publié en manchette dans le Vancouver Sun évoquait le cas d'un médecin venu d'Allemagne qui ne pouvait pas pratiquer son art dans un hôpital associé à l'Université de Colombie-Britannique. Quelle histoire! Il lui a fallu retourner à l'école. Il n'y avait pas de place pour lui et il était tout disposé à le faire. Voilà donc quelqu'un qui, je dirais, à première vue, est compétent, mais qui pour une raison quelconque doit retourner à l'école. Il n'y a pas de place pour lui et il doit donc se tourner les pouces. Il s'agit d'un médecin d'Allemagne qui a gagné des prix là-bas; il a 40 ans, il est dans la force de l'âge.

    Il faut commencer quelque part. Rappelez-vous qu'on parle d'initiatives fédérales. Jeffrey a dit beaucoup de choses qui sont absolument vraies, mais qui ne se situent pas dans le domaine du gouvernement fédéral. Injecter de l'argent qui doit servir à une fin déterminée, cela n'empiète pas sur les compétences des provinces en éducation, mais c'est perçu comme une manière de donner une certification aux immigrants. Je pense que c'est l'une des initiatives que l'on peut prendre.

    Deuxièmement, je ne sais pas si ça va fonctionner. Il faut mettre cela à l'essai dans le cadre d'un projet pilote. On identifie, en collaboration avec les provinces, les compétences dont on a le plus grand besoin. On entend constamment parler des infirmières. À l'heure actuelle, si nous voulons faire venir une infirmière de Minneapolis ou de Manille, nous devons conclure une entente avec RHDCC établissant que la province en cause a formé deux personnes pour chaque personne qu'on fait venir. Cela s'appelle une entente de bienveillance.

    En passant, de ces deux personnes que nous avons formées, l'une partira pour le Texas.

    Quoi qu'il en soit, ce sont des dossiers complexes dont Jeffrey a parlé, mais il faut bien commencer quelque part. identifions les compétences où il y a pénurie à notre avis. Il faut aussi tenir compte des problèmes sexo-spécifiques; ce sont encore essentiellement des femmes qui sont infirmières. Injectons de l'argent et voyons ce qui se passe.

    Nous avons 154 personnes à Metropolis qui se réveillent chaque matin en se disant : « Qu'est-ce que je vais faire en fait de recherche sur l'immigration? » Demandons à certains de ces gens-là de se pencher sur le problème. Voyons ce qui se fait en Israël. Là-bas, ils se sont réveillés un matin et ils avaient 54 000 médecins de l'Union soviétique. Quel pays a moins besoin de médecins qu'Israël? Aucun.

    Je suis Juif; vous savez, on nous dit toujours de faire médecine.

    Alors qu'ont-ils fait? Ils ont...

Á  +-(1150)  

+-

    L'hon. David Anderson (Victoria, Lib.): Vous avez écouté votre mère.

+-

    M. Don DeVoretz: Non, je ne l'ai pas écoutée.

    Alors qu'ont-ils fait? Ils les ont renvoyés à l'école. Il y a une abondante documentation sur les succès et les échecs de ce programme et nous pourrions étudier tout cela : qui ils ont choisi, dans quel groupe d'âge, en posant toutes les questions précises, comme Jeffrey l'a dit.

    Nous ne fonctionnons pas dans le vide, mais je propose de mener une expérience, pour répondre à votre question.

    Jeffrey a raison, ce ne sont pas seulement les sommités qui ont deux ou trois diplômes. Nous avons beaucoup de gens qui ont des compétences techniques. Comme je l'ai dit dans mon mémoire, vous pouvez injecter de l'argent dans notre école technique ici à Burnaby, qui s'appelle BCIT, pour régler les problèmes des électriciens ou d'autres corps de métier. Je pense que ce serait de l'argent bien dépensé. Si cela ne fonctionne pas, on arrêtera tout.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Nous passons maintenant à M. Clavet.

[Français]

+-

    M. Roger Clavet (Louis-Hébert, BQ): Merci, monsieur le président.

    Le Bloc québécois croit que la reconnaissance des compétences étrangères est strictement de compétence provinciale. Cela dit, cela ne nous empêche pas d'apprécier la contribution des deux témoins à la reconnaissance des compétences des immigrants et à la formulation de quelques pistes intéressantes.

    Par exemple, il y a le stéréotype concernant les chauffeurs de taxi qui possèdent un doctorat et qui conduisent encore des taxis. D'après ce que nous dit M. Reitz, il y en a encore et ce n'est pas un mythe. Y a-t-il des professions où on constate un progrès encourageant dans la reconnaissance des compétences et de la formation? Y a-t-il toujours autant d'immigrants chauffeurs de taxi? Est-ce encore une tendance lourde ou si la situation s'est améliorée?

    L'un ou l'autre des témoins peut répondre à la question que je m'apprête à poser. En Australie, on a peut-être tenté de diminuer l'immigration pour bien régler les cas qu'on avait déjà, et on est arrivé à des résultats désastreux. Vous me corrigerez si je me trompe.

    Donc, dans un premier temps, j'aimerais que vous nous parliez des professions dans lesquelles on constate certains progrès. Deuxièmement, je crois que vous vous êtes tous deux intéressés à l'expérience australienne, et j'aimerais savoir si les effets ont été désastreux et comment le Canada peut éviter ce genre d'expérience.

[Traduction]

+-

    M. Don DeVoretz: Cette idée d'aller chercher des étudiants diplômés comme source de compétences, je l'ai volée en Australie. Donc pour répondre à votre question directement, ce qui a été perçu comme un « désastre » en Australie était en fait un problème politique. Nous le savons par la réaction de Mme Hanson. Il y a eu une grande réorganisation en Australie. Ils ont notamment décidé d'accélérer l'entrée dans l'économie australienne pour les gens qui obtiennent au moins un de leurs diplômes dans une université australienne.

    Ils ont fait cela pour deux raisons. D'abord pour augmenter le nombre des inscriptions dans les universités australiennes, et aussi pour s'attaquer à leur problème qui ressemble au nôtre.

    Sur la première question, je ne suis pas un expert en la matière et je ne peux pas y répondre.

+-

    M. Jeffrey Reitz: Je ne connais aucun secteur dans lequel nous ayons fait de la recherche et de l'évaluation nous permettant de dire : nous avons enrayé le problème et éliminé les difficultés pour les immigrants. Il y a toutefois des pratiques identifiées comme les règles de l'art, mais je ne pense pas qu'on puisse dire que cela ait vraiment fonctionné dans aucun cas. Je le répète, le déclin se poursuit.

    C'est toutefois intéressant de constater que les obstacles à l'accès aux professions semblent moins prononcés que dans certains domaines non professionnels. Je trouve que c'est important, parce que cela fait ressortir que les compétences des immigrants leur permettent en fait de trouver des emplois dans les secteurs professionnels où les titres de compétence sont examinés et évalués plus attentivement, ce qui est le cas dans les professions. L'examen rigoureux avantage en fait les immigrants, tandis que dans d'autres secteurs où les employeurs exigent des titres et qualités mais où celles-ci ne sont toutefois pas définies aussi clairement—ils recherchent des gens intelligents qui ont une capacité d'analyse, etc., mais ils ne savent pas exactement ce qu'ils cherchent—c'est là que les immigrants ont le plus de difficulté.

    Quant à l'expérience australienne, l'un des aspects les plus importants dans la politique de l'Australie, c'est qu'ils ont réduit le nombre d'immigrants. Cela a eu trois conséquences. Premièrement, cela a aggravé les problèmes des relations raciales en Australie. Deuxièmement, cela a réduit le niveau de compétence des immigrants parce que le ministère a été forcé de couper davantage dans les catégories professionnelles que dans la catégorie de la famille, pour des raisons politiques. Et troisièmement, les pressions économiques les ont forcés à rouvrir les vannes de l'immigration de sorte qu'ils en sont revenus au même chiffre qu'avant.

    L'Australie a déployé plus d'efforts pour tenter d'aller puiser dans certaines catégories de compétences, comme Don l'a dit, et je pense que c'est un élément important de leur expérience. Mais même après le rétablissement du niveau d'immigration, leur nombre d'immigrants par habitant n'est encore qu'à peu près la moitié de ce qu'il est au Canada. Nous avons un engagement plus prononcé envers l'immigration et il est important pour nous de s'attaquer très sérieusement à cette question.

Á  +-(1155)  

[Français]

+-

    M. Roger Clavet: Si c'est possible, j'aimerais poser une question sur une mention qui est faite dans le document de M. DeVoretz concernant la préférence du fédéral pour les employés nés au pays. C'est une tendance qui se poursuit, et vous dites que cela doit être aboli. Dans le discours du Trône, le présent gouvernement s'engage à redoubler d'efforts pour faciliter l'intégration des nouveaux arrivants sur le marché du travail. Je suppose vous laissez entendre que ces efforts doivent être bien réels et ne pas être que des intentions.

+-

    M. Don DeVoretz: Merci beaucoup.

[Traduction]

    J'ai oublié ce point tout à fait crucial. L'une des suggestions en fait de politiques dans mon mémoire consiste à cesser de donner la préférence aux citoyens canadiens pour les postes fédéraux. C'est plus qu'un détail.

    Premièrement, la Cour suprême a rendu une décision à la suite d'un recours collectif il y a deux ans, affirmant qu'il n'y a pas de discrimination contre les gens nés à l'étranger avant qu'ils acquièrent la citoyenneté dans le marché du travail fédéral, parce que tôt ou tard—c'est le noeud de la décision—on devient citoyen canadien et l'on ne se bute plus à cet obstacle.

    Je ne veux pas vous sermonner, mais simplement vous rappeler que si vous devez attendre cinq à sept ans pour pratiquer votre profession, vous êtes marqué; comme Jeffrey l'a dit, vous tombez toujours plus bas. Donc si vous avez des compétences que le gouvernement fédéral pourrait utiliser, que ce soit à titre d'économiste comme moi ou quelque chose du genre—, vous devez rester assis dans ce que les Chinois et les Ukrainiens appellent « le goulag ». Le goulag, c'est la salle d'attente, là où on attend de devenir citoyen, après quoi on peut postuler à RHDCC ou Industrie Canada ou là où votre profession vous appelle.

    Nous devons aussi faire attention parce que ce n'est pas un obstacle généralisé, c'est simplement une préférence pour l'emploi. Je pense que cette préférence doit être éliminée. Il y a évidemment certains postes clés où nous voulons des citoyens, notamment dans le domaine de la sécurité. Mais même là, j'y penserais deux fois; il y a ici beaucoup de Chinois dont les compétences seraient utiles au SCRS.

    Je trouve que c'est une question importante. Nous avons examiné cela et l'une des conséquences de la citoyenneté c'est d'avoir accès à un marché du travail beaucoup plus vaste. C'est l'une des raisons pour lesquelles les gens se débrouillent mieux.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Siksay.

+-

    M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas, NPD): Merci, monsieur le président et merci, messieurs, pour vos exposés de ce matin.

    Quand j'entends parler de ces divers problèmes associés à la reconnaissance des titres étrangers et à la difficulté d'obtenir que tous les intervenants travaillent ensemble dans ce dossier, je m'interroge au sujet de la question soulevée par le professeur Reitz, à savoir la nécessité que quelqu'un assume la responsabilité.

    L'un de nos collègues a présenté un projet de loi d'initiative parlementaire réclamant la création d'un secrétariat au gouvernement fédéral chargé expressément du dossier des titres étrangers, afin de créer un centre de responsabilité dans ce dossier. Avez-vous des réflexions là-dessus? Cela vous semble-t-il une bonne idée? Y a-t-il d'autres modèles de ce genre, existe-t-il un moyen de contourner ce problème de l'absence de responsabilité?

+-

    M. Jeffrey Reitz: Eh bien, cela semble répondre à ma préoccupation. Personnellement, je n'ai pas d'opinion sur la question de savoir quelle agence du gouvernement devrait se voir confier cette tâche, qu'il s'agisse d'un nouveau ministère, de RHDCC ou bien du programme d'immigration lui-même, ou encore quel niveau de gouvernement devrait en être responsable. Ce qui m'inquiète, c'est que personne n'assume la responsabilité actuellement.

    Par exemple, les gens parlent constamment des efforts pour obtenir la collaboration fédérale-provinciale, on ne cesse de dire qu'il faut que les gouvernements coopèrent. Mais cela n'a rien donné. En fait, à certains égards, cela a même détourné l'attention du problème. Toute la série de griefs et disputes entre le fédéral et les provinces sur la sélection n'a pas vraiment beaucoup changé la sélection des immigrants.

    Toute la question du partage des fonds d'établissement est également accessoire, en fait, parce que ces fonds d'établissement... Enfin, l'Ontario se plaint que le Québec obtient tout l'argent pour l'établissement, c'est leur principal grief dans les discussions sur les compétences fédérales et provinciales, sans remarquer que si le Québec a quatre fois plus d'argent que l'Ontario, ou quelle que soit la proportion, le Québec n'a pourtant pas été... Voyez l'intégration des immigrants au Québec, ce n'est pas mieux qu'en Ontario. Alors ce n'est pas l'argent comme tel qui va régler le problème.

    Dans les discussions de ce genre, il me semble qu'il y a un petit problème, à savoir que cela détourne l'attention. Si l'on confiait la responsabilité à un ministère quelconque au gouvernement, il me semble que cela aiderait à éviter de détourner ainsi l'attention étant donné cet émiettement des responsabilités dans l'ensemble de l'appareil gouvernemental.

  +-(1200)  

+-

    M. Don DeVoretz: Je veux ajouter quelques mots à cela.

    Je suis la personne la plus âgée dans cette salle, j'en suis certain, et je me rappelle de l'époque où le ministère s'appelait non pas Citoyenneté et Immigration, mais plutôt Main-d'oeuvre et Immigration. Comment le ministère se débrouillait-il dans ces dossiers quand il s'appelait Main-d'oeuvre et Immigration? Il se débrouillait très bien. Je vous l'ai dit, avant 1980, tout fonctionnait bien.

+-

    M. Bill Siksay: Intéressant.

    Nous entendons souvent dire autour de cette table que le Québec semble faire quelque chose de différent dans le dossier des titres étrangers. J'ignore si l'un de vous deux connaît la question ou pourrait faire des commentaires là-dessus. Vous avez laissé entendre que le résultat net n'est peut-être pas tellement mieux, mais y a-t-il un modèle différent ou un processus différent et de meilleurs résultats au Québec?

+-

    M. Don DeVoretz: Merci d'anticiper sur ma prochaine étude, qui sera publiée d'ici quelques semaines.

    Ce n'est pas une question tendancieuse; par l'entremise de la même organisation que Jeffrey, j'ai étudié ce qui s'est passé au Québec et leur soi-disant grille de sélection. Aux termes de l'entente Cullen-Couture, ils ont une grande latitude pour le choix des immigrants indépendants. Ils ne faisaient pas cela très bien jusqu'en 1996—Jeffrey a raison, les problèmes étaient semblables—, mais ils ont changé leur grille de sélection en 1996.

    Cela n'allait pas bien à leurs propres yeux, je m'empresse de l'ajouter, pas de notre point de vue, en ce sens qu'ils s'inquiétaient des questions linguistiques et du problème de la conservation des immigrants. Ils ont fait une refonte de leur programme pour tenir compte d'éléments favorables plus généraux, notamment un point très important, à savoir que l'on accorde un complément spécial aux titres et qualités du conjoint, dans le cas de ceux qui sont mariés; c'est un peu comme de toucher une prime à l'examen final, c'est-à-dire que le processus de précertification, dans le cadre duquel il faut obtenir un certain minimum pour que la candidature soit même étudiée, peut être mis en branle par les mécanismes de soutien.

    Je trouve que cela jette un éclairage très intéressant sur le problème dont je parlais, celui des Chinois. Les deux conjoints viennent ici, ils ont tous les deux emplois et ils n'arrivent pas. Si l'on pouvait évaluer le conjoint, que le principal demandeur soit l'homme ou la femme, et leur contribution, peut-être pourrait-on sortir du cercle vicieux de la pauvreté.

    Et oui, cela va mieux depuis 1996 avec une grille de sélection différente. Comme je l'ai dit, ils tentent de faire revenir des chimistes ou ingénieurs francophones, etc., et nous devrions examiner ces expériences pour voir comment cela fonctionne. Le résultat est meilleur que vous pourriez le penser.

+-

    Le président: Monsieur Siksay, il vous reste une minute et demie.

+-

    M. Bill Siksay: Je veux vous interroger, professeur DeVoretz, au sujet de la difficulté de garder les étudiants étrangers au Canada. Cela pose-t-il un problème éthique en termes d'exode des cerveaux des pays du tiers monde, ou quelque chose du genre? Quelles sont vos réflexions là-dessus?

+-

    M. Don DeVoretz: Excellente observation.

    Jiang Zemin, que j'ai cité tout à l'heure, qui a permis à un demi-million de Chinois, précisément 480 000, de partir pour aller étudier aux États-Unis, a dit que c'était un marché digne de Méphisto : si un tiers d'entre eux reviennent, nous sommes contents. C'était sa position éthique. Avant qu'il ne prenne sa retraite—est-ce bien le bon mot, ou bien est-il parti vers de plus verts pâturages?—j'ai eu l'honneur d'accompagner Équipe Canada avec le groupe de Chrétien. Jiang Zemin a alors déclaré, quatre ans plus tard : j'ai commis une erreur, il y a un exode des cerveaux et il est bien réel.

    Donc, même en adoptant la largeur de vue des Chinois, cela pose une question d'ordre éthique. Avant de venir ici, je suis allé voir mon voisin, qui est philosophe au département de philosophie au bureau voisin, et je l'ai interrogé là-dessus. Il a dit : bien sûr que ça pose un problème; c'est une question de redistribution. Nous sommes gagnants au détriment des gens qui les envoient. Mais nous pouvons les indemniser, avec de l'aide ou grâce à l'argent envoyé par les immigrants.

    Un point très important, c'est que les immigrants bougent beaucoup de nos jours. Comme je l'ai dit, les Chinois retournent à Hong Kong et on les retrouve par la suite à Burnaby. C'est devenu un peu flou. Si vous voyez la situation comme la circulation des cerveaux plutôt que comme un exode des cerveaux à sens unique, je pense que vous aurez une position éthique plus solide.

    C'est donc une importante question éthique. Vous devez faire attention à l'origine des immigrants.

  +-(1205)  

+-

    M. Jeffrey Reitz: Je me demande si je pourrais ajouter une petite observation.

    Le problème éthique ne se pose pas seulement pour les étudiants et on le reconnaît d'ailleurs dans le cadre des discussions de l'UE sur l'immigration. Prendre seulement les plus compétents dans un pays quelconque pourrait soulever des problèmes et plus ils ont d'expérience, plus ils peuvent être précieux pour le pays en question. Donc l'UE envisage de conclure des ententes de développement avec les pays d'où viennent les immigrants, en partie pour les indemniser et en partie pour leur donner l'espoir qu'à l'avenir, leurs citoyens ne vont pas partir chercher fortune ailleurs. Au Canada, cela ne fait pas du tout partie de notre débat sur l'immigration.

+-

    Le président: Merci.

    Madame Beaumier.

+-

    Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest, Lib.): Merci.

    Vous avez dit que l'Université de Kiev a une bonne réputation, contrairement aux universités de Chine. Existe-t-il des normes reconnues internationalement et utilisées par nos universités pour évaluer les diplômes obtenus ailleurs dans le monde?

    Par exemple, pour les médecins, nous avons entendu des témoins qui sont médecins. Qu'un médecin soit formé en Inde ou au Pakistan, le corps humain est le même partout. S'il y a un organisme international qui atteste des diplômes, pouvons-nous utiliser ce levier pour faire venir des médecins chez nous plus rapidement?

    J'ai déjà eu un livreur de journaux qui était un médecin de Pologne. Il a quitté le Canada parce que, disait-il, en six mois il pourrait pratiquer la médecine aux États-Unis. C'était gênant. J'en avais honte. Et ce sont les Canadiens qui sont perdants.

+-

    M. Jeffrey Reitz: Il n'existe pas de programme international d'évaluation, à ma connaissance. Les universités ont une méthode très rudimentaire pour évaluer les titres. N'oubliez pas que pour les universités qui acceptent des étudiants étrangers dans leurs programmes menant à des diplômes, ces étudiants sont des clients. Ils sont un peu moins intéressés à vérifier les antécédents que les employeurs qui envisagent de recruter des employés formés à l'étranger, parce qu'ils investissent dans ces employés. Les étudiants payent les universités et les employeurs payent les immigrants. Les intérêts en jeu ne sont pas les mêmes.

    Quand je siège à des comités d'admission, je suis toujours renversé, premièrement, par la difficulté d'obtenir des renseignements sur les titres et qualités des gens qui viennent de l'étranger et, deuxièmement, par l'aspect rudimentaire des systèmes utilisés par les universités pour évaluer les universités étrangères. À l'Université de Toronto, ils ont encore des universités classées « A », qui sont acceptables, et des universités « B », qui ne le sont pas. C'est tout.

    C'est ainsi que nous procédons depuis 25 ou 30 ans.

+-

    M. Don DeVoretz: Je voudrais intervenir rapidement. Je viens d'une université différente où l'expérience est différente. Peut-être que nous devons être plus circonspects que dans le Grand Toronto.

    Dans le domaine économique, nous avons un format standard pour reconnaître les titres, et c'est un examen au niveau du diplôme. Plus que cela, ils sont nos employés. Ils sont l'épine dorsale de notre corps enseignant. Je suis ici seulement parce que j'ai un adjoint qui donne un examen aujourd'hui.

    Nous exigeons de tous nos candidats—cela revient à ce que je disais tout à l'heure—qu'ils présentent une lettre de recommandations légitime de quelqu'un dont nous reconnaissons l'autorité. Donc, ce n'est pas seulement l'école, mais la personne qui évalue les titres et qualités en Chine, avant que les étudiants viennent. J'ai évoqué l'université populaire appelée Renmin Daxue. Nous avons des professeurs qui ont enseigné là-bas, qui connaissaient les étudiants et qui ont écrit des lettres de recommandations. Nous avons aussi des centaines de demandes.

    Deuxièmement, si quelqu'un vient d'une école dont la réputation est incertaine, une école de catégorie B—nous n'avons pas la réputation de Toronto et nous ne pouvons donc pas refuser tout le monde—nous disons : sur papier, d'après les résultats de l'examen que vous avez passé, puisque tout le monde y est astreint, il semble que vous soyez qualifié, mais nous ne reconnaissons pas votre diplôme et vous devez donc refaire votre maîtrise. Nous avons des gens qui viennent de l'Inde et qui ont une maîtrise d'une école que nous ne reconnaissons pas et qui refont leur maîtrise avant de pouvoir faire un doctorat; c'est comme de faire du rattrapage. Nous réservons deux des 20 places que nous avons pour cela.

    C'est ainsi que cela se passe.

  +-(1210)  

+-

    Mme Colleen Beaumier: Je voulais par ailleurs discuter de l'expérience canadienne.

    On parle de grandes organisations; parlons en particulier du gouvernement. Pour les gens qui sont très qualifiés, le gouvernement est presque totalement exclu, parce que la plupart de nos promotions au gouvernement se font à l'interne. Je maintiens que nous avons au Canada des ateliers clandestins parmi les plus instruits au monde, et cela ici même, dans notre propre gouvernement. Nos travailleurs de première ligne, dont beaucoup sont sous-payés, sont très instruits. Beaucoup sont des immigrants et ils reflètent l'évolution démographique.

    Si, à cause de notre système fermé, nous ne pouvons pas donner l'exemple au gouvernement en donnant des promotions à des immigrants instruits et qualifiés, comment pouvons-nous encourager la grande entreprise à faire ce que nous-mêmes ne semblons pas capables de faire au gouvernement?

+-

    M. Don DeVoretz: Ravi Pendakur, l'un des frères Pendakur, qui travaillait à Patrimoine canadien, a fait une étude commandée par Patrimoine canadien sur les pratiques relatives aux promotions pour les groupes minoritaires. Sauf votre respect, il a constaté que les choses s'améliorent. Bien sûr, nous avons des exemples flagrants à Santé Canada et ce sont des exceptions.

    Dans son étude et dans d'autres aussi, on compare les pratiques d'emploi et de promotion et l'on montre que le gouvernement fédéral fait maintenant mieux que le secteur privé. Le secteur privé peut aussi en tirer des leçons.

    Ce qui est plus pertinent, c'est que si les obstacles étaient supprimés, notamment la citoyenneté dont j'ai parlé, je pense que le gouvernement fédéral pourrait faire encore mieux pour ce qui est d'attirer des gens dès le départ au lieu d'attendre sept ans, période pendant laquelle ils trouvent un autre emploi ailleurs et ne reviennent plus.

    Je pense donc que vous pouvez prendre des mesures, mais je ne crois pas que ce soit aussi mauvais qu'on le dit parfois, du moins d'après les recherches, quoique peut-être pas sous l'angle juridique.

+-

    M. Jeffrey Reitz: Les recherches montrent certainement que l'expérience à l'étranger compte pour presque rien au Canada. Comme je l'ai dit tout à l'heure, les employeurs veulent savoir si quelqu'un va bien se débrouiller dans un environnement local. L'expérience acquise à l'étranger est-elle pertinente? Personne ne le sait vraiment. C'est souvent perçu comme de la discrimination. Cela peut en être effectivement, si l'expérience acquise à l'étranger est en fait valable.

    J'ai toujours soutenu que ce n'est pas très logique dans notre régime de sélection d'exiger que les gens soient à la fois jeunes, instruits et expérimentés. Nous cherchons toujours des jeunes gens très instruits ayant beaucoup d'expérience et, vous savez, ce serait extraordinaire d'en trouver, mais on ne peut pas en trouver beaucoup d'un seul coup. Pourtant, c'est sur cette base qu'on choisit et pour que les employeurs prennent le risque d'embaucher des gens dont l'expérience a été acquise à l'étranger, nous devrons leur fournir beaucoup plus d'information ou leur proposer des manières dont les employeurs peuvent intégrer plus efficacement ces travailleurs dans leur milieu de travail.

+-

    Le président: Merci beaucoup. Nous avons dépassé un peu.

    Madame Guergis.

+-

    Mme Helena Guergis (Simcoe—Grey, PCC): Merci.

    Les problèmes qui se posent dans l'intégration au marché du travail témoignent-ils de lacunes dans les critères de sélection d'Immigration Canada? Dans l'affirmative, quels changements devraient être apportés aux politiques fédérales relativement au recrutement de travailleurs qualifiés?

    L'un de vous a dit que les actuels programmes d'établissement ne sont pas pertinents par rapport à l'emploi. Quels changements, le cas échéant, pourrait-on ou devrait-on apporter pour les rendre pertinents?

    Par ailleurs, avez-vous des commentaires sur la note de passage pour les travailleurs qualifiés? Le fait de l'abaisser a-t-il changé quoi que ce soit?J'ai entendu dire qu'on pourrait l'abaisser de nouveau. Qu'en pensez-vous?

  +-(1215)  

+-

    M. Don DeVoretz: J'ai pris note d'autant de questions que j'ai pu. Je vais y répondre dans l'ordre inverse.

    La note de passage a changé, comme nous le savons tous, depuis deux ans et demi. C'est un obstacle dont la barre monte et descend. Tout de suite après le changement, nous avons fait une étude qu'on peut consulter sur notre site Web. L'auteur, Mme Yan Shi, s'est demandée particulièrement quelle a été l'incidence du changement dans le nombre de points et la répartition des points—c'était votre première question—sur le nombre d'arrivants chinois. Eh bien, il a diminué et n'est plus que 38 p. 100 du total précédent.

    Il n'est pas nécessaire de changer beaucoup le nombre de points. La plupart des gens peuvent obtenir presque le nombre de points voulus; ce sont les cinq derniers points qui sont les plus durs. Quand nous avons porté le nombre de 60 à 70 pour le rabaisser par la suite, cela a touché un grand nombre de gens.

    Maintenant, je pense que c'est un instrument assez primitif pour répondre à la question qui se pose aujourd'hui, à savoir « Ma foi, nous ne savons pas trop que faire des gens qui n'ont pas un très bon rendement ici, alors n'en laissons pas entrer plus ». Ce sont les professeurs Worswick, je crois, et Sweetnam qui, dans leurs témoignages donnés dans un autre cadre, ont dit qu'il nous fallait deux ans de répit pendant lesquels on n'admettrait aucun immigrant pour régler ces problèmes.

    En fait, c'est ce que nous avons fait; nous avons augmenté le nombre de points nécessaires pour diminuer le nombre d'immigrants. Nous vérifions si ceux qui sont arrivés depuis vont se débrouiller mieux que les arrivants des années 90. Nous devons attendre la réponse. Voilà le vrai critère. Je pense donc que c'était une erreur de changer seulement le nombre de points sans toucher à rien d'autre.

    Je vais m'en tenir là. N'oubliez pas, mes brillants sujets sont Ukrainiens. Une femme dont je ne dirai pas le nom ici parle russe, allemand, anglais et français, a une maîtrise en littérature shakespearienne de l'Université de l'Arkansas, un doctorat en économie de SFU et, dans ce nouveau programme, elle ne peut pas immigrer ici parce qu'elle n'a pas d'expérience de travail. Voilà ce que nous avons fait.

    Je suis d'accord avec Jeffrey, je me débarrasserais de l'expérience de travail et la remplacerais par une offre d'emploi légitime qui donnerait des points bonis, comme on le fait au Québec et en Australie. Ce serait mon changement fondamental.

    J'espère que cela répond à vos questions.

+-

    M. Jeffrey Reitz: Je ne pense pas que de fixer la barre à un niveau particulier soit une solution à long terme. Si vous relevez la barre, vous réduisez le nombre de candidats. À moins d'avoir un plus grand nombre de candidats, si vous relevez la barre, vous réduisez le nombre de ceux qui sont admissibles. Cela a été fait pour régler le problème de l'arriéré ou des files d'attente. Si la file d'attente est longue, alors on peut dire, ma foi, relevons la barre et n'acceptons que certaines personnes, résorbant ainsi rapidement la file d'attente.

    C'est là que le problème s'est posé. Des gens avaient déjà posé leur candidature et une nouvelle norme allait leur être imposée. À long terme, je ne pense pas que ce soit une solution.

    Les programmes d'établissement sont vraiment conçus par des organismes locaux qui présentent des demandes de financement. En fait, c'est l'une des caractéristiques qui ont empêché d'en faire l'évaluation systématique. Ils n'ont pas vraiment mis l'accent sur l'emploi. Si je pouvais décider en l'absence de toute considération politique, je transférerais la totalité de cet argent à des programmes ciblant directement l'intégration au marché du travail. C'est le besoin clé du programme d'immigration.

    Je sais que cela n'arrivera pas parce que beaucoup de groupes communautaires qui sont financés dans le programme d'établissement sont habitués à toucher l'argent, mais il me semble que c'est une utilisation des fonds fédéraux affectés au programme d'immigration qu'il faudrait réduire.

+-

    Le président: Bon, les interventions sont maintenant limitées à cinq minutes, alors je vous remercie.

    Nous passons maintenant au Dr Fry, qui a le pouvoir de décision ultime dans ce dossier.

+-

    L'hon. Hedy Fry: Merci, mais je n'élèverais pas mon poste à ce point, monsieur le président. Je n'ai pas nécessairement le dernier mot, pas du tout.

    Je sais que Don a soulevé la question de savoir quel ministère est responsable—ou peut-être l'avez-vous soulevée tous les deux. Nous avons identifié jusqu'à maintenant 14 ministères qui sont responsables au gouvernement fédéral. Il y avait un besoin que quelqu'un coordonne tout cela et on m'a confié cette tâche. Mais ce n'est pas ici ou là.

    Je voulais vous remercier tous les deux pour les renseignements que vous nous avez donnés, parce que vos travaux sont extrêmement importants. Je sais que Don travaille chez Metropolis depuis longtemps, depuis les débuts de Metropolis en fait. Nous recueillons maintenant ces données depuis pas mal longtemps. Je pense toutefois que vous avez absolument raison; si le gouvernement fédéral a assumé ou tenté d'assumer le rôle de leader dans ce dossier, nous devons travailler avec les provinces, surtout sur la question de la reconnaissance des titres.

    Comme vous le savez, nous avons signé des ententes avec toutes les provinces—l'Ontario négocie actuellement dans ce dossier—sur les cours de langue et l'établissement, et avec le développement des ressources humaines et les provinces pour les compétences et la formation. Dans le budget 2004, nous avons même injecté 20 millions de dollars par année au titre de CIC pour travailler avec les provinces en vue d'étoffer la formation linguistique, particulièrement dans le domaine de l'emploi ou de la profession. Ce n'est pas simplement des cours d'anglais langue seconde, mais bien une formation linguistique étoffée et approfondie. RHDCC a reçu 68 millions de dollars pour travailler avec les provinces à des initiatives de transition au travail. Tout cela évolue donc constamment.

    Je tiens à vous remercier d'avoir signalé la complexité du dossier et je voudrais avoir votre avis là-dessus. Ce que nous tentons maintenant de faire... Les provinces ne sont pas seulement responsables de légiférer sur la reconnaissance des titres et de créer les organes responsables de la reconnaissance des titres ou de la réglementation, les provinces sont aussi des employeurs publics. Nous pouvons donc travailler avec les provinces dans le dossier de l'emploi ou de l'internat, par exemple, pour les infirmières et les médecins et d'autres employés provinciaux. Mais pour le secteur privé, et pour certaines instances non réglementées ne dépendant pas des titres, par exemple dans les corps de métier, nous devons travailler avec les syndicats et avec les employeurs privés. Ces derniers n'ont pas encore embarqué dans tout cela, pas plus que les syndicats. Nous essayons de les rejoindre par l'entremise du Centre syndical et patronal du Canada, mais nous constatons que c'est une tâche difficile, parce que ce sont les gens que nous devrons embaucher.

    Quel serait à votre avis un bon moyen de contourner ce problème sans... [Inaudible—La rédaction]... compétences? Et comment, à votre avis, pourrions-nous faire du meilleur travail pour ce qui est d'obtenir l'adhésion de ces deux groupes?

  +-(1220)  

+-

    M. Don DeVoretz: Je vais répondre en premier. Je suis de Colombie-Britannique et j'ai donc l'avantage de la glace.

    J'ai fait allusion à cela. Je pense que les sommes que j'envisage pourraient aller à BCIT—c'est le jargon local pour désigner l'Institut de technologie de Colombie-Britannique, à Burnaby—et aussi aux universités pour former les gens qui sont fortement en demande. La Colombie-Britannique—hourra!—est en pleine croissance, enfin.

    Ce n'est pas un plaidoyer spécial pour les universités; nous discutons de la certification des immigrants.

    Cela servira également à insuffler de l'enthousiasme aux employés. À ma connaissance, le taux d'emploi des diplômés de BCIT est de 200 p. 100; je reçois deux offres d'emploi pour chaque diplômé. Je veux dire, maintenant que nous avons la croissance... Il y aura donc adaptation ou enthousiasme.

    Voyez le modèle allemand—Jeffrey et moi-même avons tous les deux étudié en Allemagne. Là-bas, bien sûr, le programme d'apprentissage syndical est essentiel. Les Allemands ont essayé de remédier à la perte de compétences de leurs immigrants en obtenant la coopération pour le programme d'apprentissage. Je ne traiterais pas cela différemment que le BCIT : j'injecterais des tonnes d'argent.

    Vous soulevez des questions cruciales. Nous devons travailler avec les syndicats, et les syndicats ont des privilèges de formation deux pour un, comme je l'ai dit. Cela en fait un programme très coûteux si l'on forme deux Canadiens pour chaque personne de la Barbade. Nous devons donc conclure un accord avec les syndicats. Nous devons leur indiquer que c'est dans leur intérêt mutuel que ces gens-là deviennent syndiqués, etc. etc. Il faut procéder avec finesse politique pour y arriver. Je crois que nous devons avancer dans ce dossier.

    En tant qu'économiste, je crois fermement aux encouragements par opposition aux sanctions. L'argent est convaincant, même pour les syndicats.

+-

    M. Jeffrey Reitz: C'est important de réfléchir à la question des encouragements. Qu'est-ce qui encourage les employeurs à s'attaquer à ce problème? Bien sûr, comme on le disait, beaucoup de travailleurs qualifiés ne trouvent pas d'emploi. Ils sont encouragés à aller les chercher et ils le font. Je pense que beaucoup d'employeurs prennent des mesures.

    Par ailleurs, il importe de reconnaître l'incitatif du programme d'immigration. Le programme d'immigration cherche à enrayer la baisse de la situation économique des immigrants. C'est différent. Les employeurs peuvent s'attaquer à ce dossier dans l'environnement compétitif pour rivaliser et battre leurs concurrents. Ils peuvent le faire très efficacement sans pour autant résoudre le problème du programme d'immigration. Nous devons le reconnaître.

    Bien sûr, nous imaginons les employeurs comme des gens qui aiment prendre des risques, des cow-boys, etc., mais ils ont aussi un instinct grégaire dans le monde des affaires. Je pense que c'est une perception répandue qu'on leur demande d'agir dans ce dossier à titre de citoyen, c'est-à-dire, vous comprenez, il faut faire le bien, nous devons embaucher des immigrants parce que c'est la manière canadienne, par opposition à : nous devrions embaucher des immigrants parce que cela va nous aider à faire plus de profits.

    C'est donc important de dialoguer avec les employeurs pour savoir quel est leur problème et de ne pas les sermonner au sujet de leurs obligations. Allez voir ce qui empêche les employeurs de s'engager plus profondément.

    Prenons les programmes de mentorat, qui font beaucoup de bien à mon avis. Je travaille avec le Conseil de placement des immigrants de la région de Toronto, dont le sigle anglais est TRIEC et qui a lancé un certain nombre d'innovations dans cette veine, dont un programme de mentorat. Il consiste à jumeler un nouvel employé immigrant avec un membre de l'effectif. Pour que cela fonctionne bien, il faut trouver une manière de faire l'appariement et cela va enlever du temps à la personne qui s'occupe du mentorat. Il faut des subventions pour cela. On ne peut s'attendre à ce que les gens fassent cela par simple bonté d'âme quand ils ont d'autres candidats qualifiés qu'ils pourraient choisir.

    Je suis certain que si vous parliez aux employeurs...

  +-(1225)  

+-

    L'hon. Hedy Fry: Nous l'avons fait dans les tables rondes.

+-

    M. Jeffrey Reitz: Cela va évoluer davantage vers le modèle allemand de l'apprentissage, qui est géré de manière à répondre vraiment aux besoins des employeurs.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Nous passons à M. Lévesque.

[Français]

+-

    M. Yvon Lévesque (Abitibi—Baie-James—Nunavik—Eeyou, BQ): Bonjour, messieurs.

    Je viens d'une région éloignée où on a fermé le bureau de l'Immigration. Lorsqu'on veut connaître la capacité d'un immigrant à accomplir un travail, ce dernier doit parcourir 500 à 600 kilomètres afin de faire valoir ce qu'il est capable de faire.

    J'ai vu au Québec, par exemple, un médecin qui ne pouvait se qualifier parce qu'il venait d'un autre pays. À mon avis, il n'y a pas beaucoup de différence entre le corps d'un Indien et le corps d'un Québécois. Il s'agit d'une question de formation. Dans le cas des métiers de la construction, à une certaine époque, il y avait une marge énorme entre la formation donnée aux différents hommes de métier québécois et celle donnée aux hommes de métier ontariens. Cependant, la formation s'est harmonisée au fil des ans à la suite de négociations entre les deux provinces. De part et d'autre, on a pris connaissance de la formation donnée aux travailleurs de l'autre province et on a offert des cours complémentaires pour que la formation soit égale dans les deux provinces.

    Connaissant la provenance des immigrants, le gouvernement central du Canada ne pourrait-il pas tenir une banque de données sur la formation que les gens reçoivent dans leur pays et sur ce qui leur manque pour avoir une formation équivalente à celle qu'on exige chez nous? Au lieu de demander aux gens de faire un nouveau bac, une nouvelle maîtrise ou un nouveau doctorat, est-ce qu'on ne pourrait pas simplement compléter leur formation, ce qui serait beaucoup moins long et beaucoup moins coûteux?

[Traduction]

+-

    M. Jeffrey Reitz: C'est essentiellement en cela que consiste la formation transitoire. Je suis entièrement d'accord avec vous et c'est mis en oeuvre métier par métier. Il n'y a pas de base de données générale là-dessus. Une base de données générale sert à l'évaluation des titres, à évaluer si les titres étrangers sont l'équivalent des titres canadiens. Cela se fait en examinant l'éventail de cours suivis pour obtenir un certain diplôme.

    La difficulté de l'évaluation des titres, quoique je pense qu'il vaut la peine de le faire, c'est qu'en Ontario, par exemple, et aussi en Colombie-Britannique et au Québec, on dit seulement aux employeurs que le diplôme est l'équivalent du diplôme canadien. Mais comme je l'ai dit, les employeurs recherchent des renseignements beaucoup plus détaillés que cela. Si c'est tout ce qu'ils savent, que c'est l'équivalent du diplôme canadien, cela les aide à distinguer entre deux candidats canadiens; cela les place tous sur le même pied.

    Je ne suis pas certain que le processus d'évaluation des titres puisse fournir des renseignements plus détaillés, mais il n'est assurément pas satisfaisant. Peut-être que les gens qui participent aux programmes de formation transitoire ont un avantage plus marqué à cause du fait qu'un établissement d'enseignement canadien a attesté qu'ils ont l'équivalent et chacun sait ce que représente l'établissement canadien en question.

  +-(1230)  

+-

    M. Don DeVoretz: Pour répondre brièvement, je pense que la question portait davantage sur la capacité d'un travailleur d'obtenir une attestation lui permettant de travailler dans une autre province ou dans d'autres régions, pas seulement la question de la reconnaissance des titres. C'est ce à quoi je faisais allusion tout à l'heure, à savoir que les immigrants, avant d'arriver, devraient être en mesure de décider ou d'évaluer eux-mêmes la probabilité, compte tenu des titres qu'ils ont, de réussir ou d'atteindre leurs objectifs professionnels. Cela exige des renseignements et nous pouvons les leur fournir grâce à la base de données.

    Nous savons par exemple, grâce à une extraordinaire série de données appelée BDIM, que les gens peuvent occuper certains emplois grâce à leurs titres. Nous pouvons leur donner ce renseignement. Nous pouvons aussi leur dire quelles associations professionnelles reconnaissent certaines parties de leur formation, de sorte que lorsque vous vous présentez à une sélection, la profession médicale reconnaît certains éléments de formation et exige ensuite un complément. Nous pouvons transmettre cette information aux médecins avant qu'ils ne postulent.

    Cette information devrait être mise à la disposition des immigrants avant qu'ils quittent leur pays. Ils feront alors l'autosélection; ils ne viendront pas s'ils ne pensent pas avoir de bonnes chances. Dans le cas contraire, ils viendront.

    C'est donc une excellente idée et cela devrait être diffusé sur le Web.

+-

    Le président: Merci.

    Je vais prendre pour moi un tour de questions de notre côté.

    En 1957, après la révolution hongroise, le gouvernement a fait l'une des choses les plus extraordinaires, quand Jack Pickersgill était ministre. La situation à l'époque était que les gens de l'école de foresterie de Sopron, en Hongrie, sont partis en masse. Pickersgill a établi des liens avec l'Université de Colombie-Britannique, qui a absorbé essentiellement toute l'école, y compris les étudiants. Ainsi, l'école de Sopron a été attachée à l'Université de Colombie-Britannique, et c'est ainsi que beaucoup de forestiers de Colombie-Britannique étaient des réfugiés hongrois.

    J'imagine que c'est l'intervention la plus poussée que le gouvernement ait jamais faite pour ce qui est d'aider les gens à s'établir. Êtes-vous au courant d'études quelconques qui ont été faites là-dessus? Vaudrait-il la peine de faire une étude sur cet épisode?

+-

    M. Don DeVoretz: Vous parlez en particulier de la situation de la foresterie en Hongrie?

  +-(1235)  

+-

    Le président: Oui, l'école de Sopron.

+-

    M. Don DeVoretz: Oui, en fait, il y a eu des études rétrospectives sur ce groupe, puisque la plupart sont à la retraite ou sont morts. On leur rend hommage à l'Université de Colombie-Britannique et ils ont retrouvé un bon nombre d'étudiants diplômés. Mais j'ose dire que c'est une situation différente puisque les gens se sentaient forcés de partir. C'est un cas spécial. On sait qu'ils n'avaient pas le choix de partir et qu'on les a poussés dehors.

    On voir rarement une répétition de cette situation aujourd'hui. En Chine, les gens partent de leur plein gré. Je ne sais donc pas si le gouvernement pourrait jamais refaire un tel coup.

    Nous avons fait quelque chose durant les années 1980 avec Flora MacDonald, lorsque les réfugiés de la mer étaient désignés par des chiffres et le gouvernement a lancé un programme financé moitié-moitié. Il y a eu beaucoup d'études pour voir dans quelle mesure ces réfugiés de la mer vietnamiens avaient réussis, en particulier une étude de Morton Beiser sur la profession médicale—et ils se sont très bien débrouillés.

    Nous avons donc des exemples de mouvements de masse facilités par le gouvernement. Dans certains cas, cela a très bien marché. Mais cela veut dire aussi que nous avons mis beaucoup de ressources pour aider ces gens à leur arrivée. Nous ne pourrions pas refaire cela pour tout le monde. Nous avons 4,1 millions d'immigrants ici. Cela coûterait trop cher.

+-

    M. Jeffrey Reitz: C'est aussi important de mentionner que nous avons aujourd'hui une société canadienne radicalement différente de celle de l'époque.

+-

    M. Don DeVoretz: Ou par rapport à 1980.

+-

    M. Jeffrey Reitz: Ce qu'il faudrait pour aider l'intégration des immigrants serait donc très différent aujourd'hui. De plus, il y a le fait qu'une grande proportion des immigrants au Canada aujourd'hui sont membres de minorités visibles. Toutes les données indiquent que pour une raison ou une autre, ils ont beaucoup plus de difficulté que n'importe quel immigrant d'origine européenne.

+-

    Le président: Je suppose que je voulais en venir à ceci : l'investissement en première ligne rapporte en fin de compte des dividendes intéressants. Avez-vous des modèles de cela? Et il ne s'agit pas de faire une répétition sur la même échelle, mais plutôt d'aider des particuliers...

+-

    M. Jeffrey Reitz: Il y a un domaine de gestion des ressources humaines qui conseille les compagnies sur la manière de tirer le maximum de leurs nouvelles recrues. Ils ont de grands programmes d'orientation. Ils reconnaissent que l'on ne peut pas se contenter d'embaucher quelqu'un, en lui demandant de se débrouiller dans l'organisation et en s'attendant à ce qu'il apporte une riche contribution sans avoir suivi beaucoup de formation, d'intégration et de mentorat, etc.

    Il y a donc un modèle de gestion des ressources humaines, mais je ne connais pas de programme semblable au niveau national pour intégrer les gens dans un contexte d'économie du savoir. C'est en effet ce qui émerge.

    Je trouve qu'il est important que le Canada soit un chef de file à cet égard et nous ne le sommes pas à l'heure actuelle. L'UE y travaille. Les Européens s'efforcent de créer un marché du travail européen, ce qui veut dire s'assurer que quelqu'un qui a un diplôme de l'Université de Madrid puisse aller à Berlin et se trouver rapidement du travail. Ils ont vraiment mis au point un modèle élaboré pour cela. Bien sûr, c'est un bassin international limité, mais il n'en demeure pas moins que nous aurions beaucoup à apprendre à mon avis en examinant de plus près comment ils ont réglé ce problème.

+-

    Le président: Merci.

+-

    M. Don DeVoretz: Je pourrais peut-être donner une brève réponse supplémentaire, monsieur.

    En Allemagne, un très grand nombre de gens sont arrivés après la chute du mur, surtout ceux qu'on appelle les Aussiedler, les groupes ethniques allemands. Ce que les Allemands ont fait et très vite, car ils ont dû réagir vite à ce problème, c'est d'envoyer des agents dans les pays d'Europe centrale pour évaluer les gens avant leur arrivée, dans la ligne de ce que vous proposez. Nous savons maintenant par expérience que ceux qui ont été évalués avant leur arrivée ont fait beaucoup mieux que ceux qui sont arrivés non préparés.

    Tout indique donc que d'investir de l'argent avant le fait améliore effectivement l'expérience des immigrants après leur arrivée, et c'est récent.

+-

    Le président: Merci.

    Madame Ablonczy.

+-

    Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, PCC): Rapidement, je voudrais une précision. Pour commencer, vos études montrent que récemment, le succès économique des immigrants au Canada a décliné. Cette étude prend-elle en compte tous les immigrants ou est-elle limitée aux immigrants de la catégorie économique?

+-

    M. Jeffrey Reitz: Les recherches que j'ai faites là-dessus, en commençant dès le début des années 1990, étaient essentiellement fondées sur les données du recensement, et l'on ne peut pas identifier les catégories d'immigrants dans ces données. J'ai donc examiné la situation de tous les immigrants sans distinction, séparés principalement par l'origine et aussi par le capital humain, d'après les indications qu'on trouve à ce propos dans le recensement. Des recherches semblables ont été faites en utilisant la BDMI, base de données du ministère de l'Immigration associée aux dossiers fiscaux, et l'on a constaté qu'il y a également une baisse chez les immigrants qualifiés. Cela ne vise pas une catégorie d'immigrants en particulier.

    Je pourrais généraliser en disant qu'on a observé dans toutes les séries de données que je connaisse que le déclin se produit vraiment dans tous les groupes. C'est vrai autant pour les immigrants blancs que pour les minorités visibles. C'est vrai pour les Chinois et les Noirs. C'est vrai pour les femmes et les hommes. C'est vrai pour les femmes et les hommes. C'est la situation dans tous les grands groupes et dans toutes les principales catégories d'immigration.

    J'en conclus que le problème ne se situe pas au niveau des immigrants eux-mêmes; c'est plutôt l'évolution de l'environnement qui a produit ces résultats.

  +-(1240)  

+-

    Mme Diane Ablonczy: D'accord. Je voulais simplement préciser cela.

    Vous avez aussi parlé de la création d'institutions du marché du travail et vous avez dit qu'il était prioritaire de mettre en place un marché du travail mondial fonctionnel. C'est un nouveau concept, du moins pour moi—notez bien que j'ai plein de nouveaux concepts à apprendre—et j'aimerais que vous nous en disiez plus là-dessus. Si c'est prioritaire, alors je dois le comprendre et je pense que le comité le doit aussi.

+-

    M. Jeffrey Reitz: Nous avons un marché du travail canadien, nous avons un marché du travail ontarien et nous avons des marchés du travail locaux qui fonctionnent bien, parce que les employeurs peuvent obtenir les renseignements qu'il leur faut. Tous les renseignements dont les employeurs ont besoin pour prendre leurs décisions en matière de recrutement, ils peuvent les obtenir par des canaux non officiels. Ils savent à qui demander des lettres de référence. Ils savent ce que représente un diplôme en particulier. Ils savent comment vérifier si un candidat a fait de bonnes études, etc.

    Plus on s'éloigne de sa base, plus il est difficile d'obtenir ces renseignements. Bien sûr, dans le marché du travail du Canada, quelqu'un qui embauche à Toronto sait ce que représentent les diplômes de Colombie-Britannique. De plus en plus, nous connaissons les diplômes des universités américaines et même de certains pays européens.

    En ce sens, nos institutions du marché du travail, les canaux officiels et non officiels par lesquels les gens obtiennent les renseignements voulus sur les candidats et la manière dont les candidats apprennent ce qu'on exigera d'eux quand ils postuleront un emploi pour un employeur quelconque, tout cela représente les canaux et les structures sociales, pour ainsi dire, dont je vous parle ici.

    Cela n'existe pas vraiment entre le Canada et la Chine. Don a mentionné que l'Université de Colombie-Britannique exige une lettre de référence d'un candidat qui vient de Chine. C'est certainement un exemple de la mise en place d'un marché du travail plus mondial. Mais il n'en demeure pas moins que j'ai participé à des discussions de ce genre et des questions se posent : à qui s'adresser en Chine et comment s'assurer que la réponse qu'on reçoit répond bien aux attentes? Toutes ces questions sont encore beaucoup plus compliquées quand on a affaire à quelqu'un qui vient de Chine plutôt que de McMaster.

+-

    Mme Diane Ablonczy: Ça va, je comprends. Ce n'est pas que cela ne m'intéresse pas, mais je n'ai que cinq minutes.

    Je m'adresse à vous deux. Vous avez mentionné des organismes des États-Unis, d'Australie et de l'UE qui s'occupent en particulier de l'évaluation des titres, mais qui aident aussi les gens à mieux connaître leur marché du travail, pour ainsi dire. À votre avis, y a-t-il une institution ou une approche dans un autre pays qui fonctionne bien et qui pourrait aussi servir de modèle pour nous ici au Canada, compte tenu de notre système constitutionnel, du partage des pouvoirs, etc.?

+-

    M. Don DeVoretz: Je vais vous donner une brève réponse, car je crois que cela entame vos cinq minutes.

    Les Allemands ont établi ce qu'ils appellent un grün karte, c'est-à-dire une carte verte, mais le nom est trompeur. Leur méthode pour assurer le perfectionnement des compétences est la suivante : la décision quant au choix de ceux qui peuvent venir dans leur pays est faite par la compagnie qui va embaucher la personne en question. On procède ensuite à une vérification de sécurité et tout le reste, mais le recrutement n'est pas fait au titre de la nouvelle loi allemande sur l'immigration; c'est l'entreprise qui recrute. Ils ont mis en place des normes minimales, ce qui répond aux problèmes évoqués par le Dr Fry au sujet des syndicats. Une entreprise ne peut embaucher une personne qualifiée à moins d'être disposée à payer cette personne un salaire d'au moins 60 000 euros.

    Ce programme a eu beaucoup de succès pour Siemens et d'autres grandes entreprises. Les immigrants de Hongrie sont venus en grand nombre et ont eu beaucoup de succès dans le cadre de ce programme. À l'origine, ils ciblaient les Indiens venant notamment de Bangalore, mais ils ne pouvaient pas les faire venir à cause du racisme en Allemagne. Ils pouvaient par contre faire venir des Hongrois à cause de la langue. Il y a donc des meilleures pratiques.

    L'autre exemple est en Australie. Ils forment beaucoup de gens dans leurs universités, après quoi ils les acceptent comme immigrants.

+-

    M. Jeffrey Reitz: Il importe toutefois de se rappeler que l'expression meilleures pratiques est utilisée à tort et à travers. Dans la plupart des cas, on ne fait pas beaucoup d'évaluations. Je pense qu'un bon exemple serait celui des services d'évaluation des titres.

    En passant, cela montre aussi à quel point nous avons du retard par rapport à d'autres pays. Quand l'Ontario a voulu se doter d'un service d'évaluation des titres, il n'y avait rien sur place. Nous avons dû embaucher une entreprise de New York qui s'est chargée de le faire. Nous ne savons pas si cela fonctionne bien en Ontario parce que personne ne l'a jamais évalué. Mais ils ne savaient pas si ça fonctionnait bien à New York non plus, parce que ça n'a jamais été évalué là-bas. Nous avons simplement embauché ces gens-là parce que nous voulions un tel service et que c'était le seul disponible.

    Nous devrions évaluer ces diverses innovations pour voir lesquelles fonctionnent et lesquelles ne fonctionnent pas et nous devrions le faire nous-mêmes.

  +-(1245)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Temelkowski.

+-

    M. Lui Temelkovski (Oak Ridges—Markham, Lib.): J'ai plusieurs questions à aborder. Je vais d'abord poursuivre au sujet de l'évaluation des titres; les autorités provinciales et aussi les associations professionnelles se penchent actuellement sur la question.

    Est-on le moindrement intéressé à transférer cela d'une manière ou d'une autre dans le champ de compétence fédéral, au lieu que ce soit éparpillé dans chaque province? Parce que cela rend la tâche difficile, comme vous le savez.

+-

    M. Jeffrey Reitz: Je n'ai pas d'opinion ferme là-dessus. Comme je l'ai dit, ce qui me préoccupe avant tout à propos de ces services, c'est que je me demande s'ils fonctionnent. Nous ne savons pas ce que les employeurs pensent de ces documents. Nous avons justifié la mise en oeuvre de ce programme en Ontario en exigeant que les immigrants payent pour s'en prévaloir. À long terme, ils sont censés payer 100 $. Au départ, il a fallu payer l'entreprise qui offre le service, mais le nombre de personnes qui s'inscrivent tourne seulement autour de 1 500 par année, ce qui est une très petite proportion du marché potentiel.

    Aucune des agences, à ma connaissance, n'a la moindre information témoignant que ces certificats aident vraiment les gens à trouver des emplois. Alors avant d'aller plus loin, je pense que nous devrions en savoir davantage sur leur véritable utilité.

+-

    M. Don DeVoretz: Constitutionnellement, il serait très difficile de faire ce que vous proposez. Je propose donc plutôt de mener une expérience comme j'en ai fait la suggestion à Vancouver, Montréal ou Toronto. Le gouvernement financerait des tentatives ciblées visant à obtenir la certification et il exercerait ensuite des pressions pour obtenir ce qu'a évoqué tout à l'heure le monsieur du Québec, la réciprocité et la reconnaissance : l'Ontario reconnaît tel titre si vous reconnaissez le nôtre. Vous pourriez contourner l'obstacle constitutionnel. Les organisations professionnelles font cela constamment, par exemple la réciprocité dans le domaine de la comptabilité. Si cela se fait en Ontario, cela peut se faire ailleurs.

    Je pense donc que vous pouvez procéder en dépit de ce que stipule la Constitution, mais on en revient toujours à l'argent qu'il faut injecter dans les trois principales régions dans lesquelles il y a absence de reconnaissance des titres.

+-

    M. Lui Temelkovski: L'autre question que je voulais aborder est l'élimination des obstacles à la citoyenneté. Pourriez-vous nous en dire plus long là-dessus?

+-

    M. Don DeVoretz: Oui, c'est une préférence, ce n'est pas une barrière. On m'a repris plusieurs fois et je me suis fait taper sur les doigts. C'est une préférence qui entraîne une pénalité considérable en termes de revenus. L'écart sera en grande partie comblé si l'on accélère l'obtention de la citoyenneté pour certaines professions et pas seulement pour les possibilités d'emploi au gouvernement fédéral; c'est un signal, un autre signal à l'adresse de l'employeur privé. Si vous êtes citoyen, cela en dit long sur vos perspectives d'intégration à long terme.

    C'est donc un signal et je pense que nous pouvons faire deux choses à cet égard. Premièrement, dans les professions non essentielles au gouvernement fédéral, nous devons supprimer cette préférence pour les citoyens canadiens, qui est une barrière implicite. Ce serait une amélioration considérable pour beaucoup de groupes.

    Deuxièmement, nous discuterons en avril de changements à la Loi sur la citoyenneté pour accélérer l'acquisition de la citoyenneté, pour améliorer les possibilités de double citoyenneté. Nous pourrions apporter bien des changements à la loi—les changements envisagés ne sont pas en discussion aujourd'hui—en vue d'accroître les perspectives économiques. Je pense que l'on pourrait notamment réduire cette période de cinq ou six ans. Cette échéance est importante à cause de la détérioration des compétences. Faute d'obtenir la citoyenneté, un immigrant n'obtient pas l'emploi qu'il désire, il lui faut attendre six ans et il devient alors cynique, comme certains Chinois : je vais m'en aller dès que j'aurai la citoyenneté, au lieu de rester pour m'en servir.

    Mais je pense que nous aurons une heure ou deux au printemps pour en discuter.

  +-(1250)  

+-

    Le président: Monsieur Siksay.

+-

    M. Bill Siksay: Merci, monsieur le président.

    Je veux revenir à certaines questions que vous avez abordées, Dr DeVoretz, notamment les explications que l'on a données de cet effondrement du revenu des immigrants. Vous avez notamment évoqué la discrimination contre les gens de couleur.

    Vous avez même utilisé le mot racisme, ou discrimination raciale à quelques reprises ce matin. Est-ce un problème important? A-t-on fait des études là-dessus? La question sur l'expérience canadienne ou l'absence d'expérience au Canada est-elle une sorte de code dissimulant une attitude raciste face au nouvel immigrant?

+-

    M. Don DeVoretz: Il y a eu plusieurs études, justement intitulées The Colour of Money et The Colour of Work, faites respectivement par Pendakur et Pendakur et par Dan Hiebert, qui ont tous les deux tenté de savoir s'il y a un écart ou une barrière simplement à cause de la couleur de la peau. Pendakur et Pendakur concluent catégoriquement que lorsqu'on contrôle absolument tous les facteurs imaginables relativement à la qualité de l'immigrant, y compris l'identité de sa mère, la couleur de la peau compte. Dans le cas des Phillipins, par exemple, qui ont des compétences professionnelles, après avoir contrôlé absolument tout, on constate un écart de revenu se situant entre 30 p. 100 et 40 p. 100.

    Vous pouvez appeler cela comme vous voulez, mais la coïncidence est tellement forte que pour ma part, j'appelle cela de la discrimination. Nous savons que certains programmes de promotion sociale, notamment au gouvernement fédéral, réduisent ces barrières. Ce n'est pas seulement un écart de revenu; c'est aussi la capacité d'obtenir un emploi. Quand on examine les groupes minoritaires, surtout les réfugiés de couleur, leur problème n'est pas la discrimination en ce sens qu'ils seraient payés moins qu'une personne de race blanche. La question est de savoir s'ils peuvent obtenir le même emploi en ayant les mêmes titres et qualités. C'est donc une barrière et tout cela se trouve dans l'ouvrage de Dan Hiebert.

    Nous avons une bonne législation pour lutter contre cela. Il ne faut pas lancer des appels, il faut être plus énergiques. Un immigrant écope-t-il doublement s'il est à la fois un immigrant et un immigrant de couleur? La réponse est oui.

+-

    M. Jeffrey Reitz: Je suis absolument d'accord pour dire que la race est une barrière sur le marché du travail. Je ne connais pas précisément l'ampleur du problème, mais je suis certain qu'il existe.

    Je ne suis toutefois pas d'accord pour dire que nous avons les moyens voulus pour l'enrayer, parce que si tel était le cas, nous ferions des progrès et je ne pense pas que nous en fassions. Par contre, je ne pense pas que le racisme soit en train de se généraliser au Canada. Je ne pense pas que la race ait grand-chose à voir avec la chute de revenus des immigrants puisque l'on constate une baisse de revenus de tous les immigrants dans tous les groupes, y compris les immigrants venus d'Europe.

    Il y a peut-être des cas où la discrimination systémique—par exemple l'exigence d'avoir de l'expérience au Canada, ou d'avoir des diplômes canadiens—peut jouer contre certains groupes plus fréquemment que dans le passé, mais ce n'est pas un racisme plus envahissant. C'est peut-être un problème croissant de discrimination systémique sur le marché du travail.

+-

    M. Bill Siksay: Professeur Reitz, je pense que vous avez dit à un moment donné que le système d'immigration est en panne. Je me demandais seulement si l'un ou l'autre d'entre vous constate des indications quelconques que cette panne nuit à la capacité du Canada de recruter ou d'attirer des immigrants au Canada, si l'on se passe le mot dans le monde à propos de ces graves problèmes dans notre système d'immigration. D'après ce que je sais de notre grand besoin d'avoir un programme d'immigration, étant donné la croissance du marché du travail et même la future croissance démographique, je me demande seulement si l'on voit des indices de problèmes de ce genre à l'étranger.

+-

    M. Jeffrey Reitz: Notre programme d'immigration ne fonctionne plus parce que nous dépendons tellement de l'immigration et parce que les perspectives deviennent plus mauvaises pour les immigrants. Si vous examinez par exemple dans quelle mesure les immigrants d'origine comparable se débrouillent bien aux États-Unis, l'un des pays qui nous font concurrence, vous constaterez qu'ils réussissent moins bien là-bas que chez nous. Mais le sort des immigrants au Canada s'est détérioré et se rapproche du niveau des États-Unis, en partie parce que notre système d'emploi et notre économie s'orientent tous les deux vers le modèle américain, surtout dans l'économie du savoir.

    Beaucoup d'immigrants veulent encore aller aux États-Unis. Pourquoi? Eh bien, c'est le pouvoir d'attraction d'un grand pays. Si vous ne trouvez pas d'emploi dans une ville, vous pouvez déménager dans une autre, etc. Beaucoup d'éléments déterminent la concurrence.

    Je ne pense donc pas que le Canada ait une mauvaise réputation par rapport à d'autres pays, mais il n'en demeure pas moins que les immigrants ont de la misère au Canada.

+-

    Le président: Merci.

    Docteur Fry.

+-

    L'hon. Hedy Fry: On a posé une question sur les titres, à savoir si cela empêche les gens d'obtenir un emploi. Dans certaines professions, notamment la médecine, le droit, les sciences infirmières, le génie, les titres et diplômes sont la clé. Il ne s'agit pas seulement de dire que le bout de papier qu'on présente est acceptable; c'est tout un processus par lequel on juge de la compétence d'une personne à travailler et à respecter un code de déontologie, qui est crucial pour certains groupes. C'est donc un élément qui pèse d'un grand poids.

    On a parlé des meilleures pratiques. Il y a une meilleure pratique avec laquelle nous avons en fait obtenu beaucoup de succès. Je suppose que les étoiles nous sont favorables et que nous avons besoin d'un plus grand nombre de médecins, parce que les provinces ont uni leurs efforts à ceux du gouvernement fédéral et de tous les organismes provinciaux de reconnaissance des titres en médecine afin de constituer un groupe de travail sur les diplômes de médecine internationaux. Le gouvernement fédéral a contribué à financer la création de ce groupe de travail, lequel a formulé des recommandations sur l'évaluation pancanadienne, sur l'évaluation préalable, avant que les gens viennent ici, de manière qu'on puisse faire l'évaluation en ligne. On est en train de donner suite à toutes ces recommandations.

    Une autre mesure qu'on a évoquée et à propos de laquelle nous avons conclu des ententes avec des universités consiste à aider à mettre au point une formation linguistique spécifique à la médecine et aux sciences infirmières, ou tout au moins pour la médecine, le tout s'accompagnant d'une meilleure compréhension du climat culturel dans lequel sont dispensés les soins médicaux et des attentes des patients à l'égard des médecins au Canada, des règles juridiques en vigueur chez nous en cas de faute professionnelle, etc. Ensuite, on a travaillé avec les provinces pour établir un processus pour la création de postes d'interne. Une fois l'évaluation faite et les examens réussis, il est possible de faire venir des internes.

    Là où je veux en venir, c'est qu'il existe une meilleure pratique quand on travaille et qu'on discute entre les organismes de reconnaissance des titres d'un modèle pancanadien d'évaluation. Les ingénieurs en ont déjà un.

    Donc, en dépit des questions constitutionnelles, les organismes de reconnaissance des titres peuvent, comme Don l'a dit, établir leurs propres modèles d'évaluation pancanadienne et leurs propres modèles d'examen pancanadien et cela va finir par se faire. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de problèmes d'embauche parce que les gouvernements provinciaux embauchent des médecins. Nous devons donc travailler spécialement avec eux pour progresser sur ce plan. Mais il existe un modèle de meilleures pratiques et on est en train d'en établir un avec les infirmières.

    La compagnie McCain Foods dans les Maritimes est un très bon exemple de meilleures pratiques chez un employeur du secteur privé qui cherche à diversifier ses effectifs et qui prend même des mesures concrètes : aider les gens à trouver un logement, les aider à obtenir une carte de crédit et une cote de crédit. La compagnie fait tout cela. Bien sûr, c'est une grande entreprise; les petites et moyennes entreprises ont des problèmes très différents.

  +-(1255)  

+-

    M. Don DeVoretz: Tout cela est admirable, mais je pense que ce sera très coûteux et il faut évaluer cela très attentivement. Israël, qui avait lancé un programme très ambitieux de ce genre pour les médecins, y a renoncé après quatre ans. Il avait beaucoup de succès, mais il coûtait beaucoup trop cher pour eux.

    J'en reviens donc à un éventail de programmes, qui engloberaient des mesures comme celle-là, plus la reconnaissance accélérée des étudiants étrangers chez nous.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Il ne reste qu'une brève question de Mme Guergis.

+-

    Mme Helena Guergis: Dans quel secteur professionnel précis, le cas échéant, a-t-on accompli beaucoup de progrès vers la reconnaissance des titres? Je pense que vous avez mentionné les pharmaciens?

+-

    M. Jeffrey Reitz: Je dirais que c'est dans le génie que les associations professionnelles ont fait les plus grands progrès en termes d'élimination des obstacles procéduriers, en tout cas en Ontario. C'est logique, parce que beaucoup de candidats, en particulier les candidats chinois, sont qualifiés dans ce domaine.

    Par contre, je ne sais pas si cela a été évalué. On constate dans les données du recensement que les immigrants chinois dans les domaines techniques sont relativement nombreux par rapport aux autres groupes. Ils ne sont pas bien payés comparativement à d'autres groupes et je ne suis donc pas sûr qu'après avoir obtenu leurs titres et qualités d'ingénieurs, ils progressent nécessairement et gravissent les échelons de leur organisation, surtout pour ce qui est d'atteindre des postes de cadres, où l'on peut vraiment faire de l'argent. Je pense qu'il y a dans les organisations beaucoup d'obstacles pour les ingénieurs.

    C'est donc un succès mitigé. C'est probablement l'un des meilleurs exemples, mais cela montre pourtant à quel point l'évaluation et la reconnaissance des titres et l'octroi de permis ne suffisent pas.

+-

    Le président: Merci. Nous avons dépassé le temps qui nous était imparti.

    Je voudrais vous remercier beaucoup d'avoir témoigné. Cela me rappelait beaucoup un séminaire que j'ai suivi. C'était tout à fait passionnant. Chose certaine, nous savons que le problème du gaspillage des cerveaux est bien plus grave que ne l'a jamais été celui de l'exode des cerveaux.

    Merci beaucoup et nous comptons avoir le plaisir de vous revoir à l'avenir.

    Nous devons maintenant étudier un certain nombre de motions. Il y en a une que nous n'allons pas étudier. La motion de Mme Faille est retirée. Elle ne sera pas présentée aujourd'hui.

    L'autre motion dont nous sommes saisis est celle de M. Siksay.

·  +-(1300)  

+-

    L'hon. Hedy Fry: Excusez-moi, monsieur le président, mais la motion de Mme Faille est-elle retirée définitivement ou seulement temporairement?

+-

    Le président: Non, non, c'est simplement qu'on ne va pas l'étudier aujourd'hui.

+-

    L'hon. Hedy Fry: Je comprends, parce qu'elle n'est pas là.

+-

    Le président: Oui. Il est évident que si nous voulons faire quoi que ce soit à ce sujet, il nous faudra des témoins...

+-

    Mme Colleen Beaumier: Avons-nous une réunion ce soir?

+-

    Le président: Non.

    Monsieur Siksay.

+-

    M. Bill Siksay: Merci, monsieur le président.

    La motion que je vous présente aujourd'hui est assez simple et j'espère que les députés pourront l'appuyer. L'objet de la motion est de s'assurer que les critères relatifs aux qualités et compétences pour les nominations faites par le gouvernement aux offices, commissions et autres organismes, nominations que nous étudierons à notre comité, soient clairement établis, afin de nous aider à garantir que ceux qui seront nommés à ces postes auront les qualités et compétences nécessaires pour faire le travail. Je songe en particulier aux nominations à la Commission de l'immigration et du statut des réfugiés, car nous avons soulevé certaines préoccupations au sujet des décisions que l'on prend dans cette instance.

    Nous demandons en fait que le gouvernement présente ces critères au comité permanent pour qu'il les étudie. Il y aurait ensuite un processus de publication, ce serait promulgué et la collectivité aurait accès à cette information. Ensuite, au moment des nominations, le comité serait avisé à l'avance et nous mettrions de côté du temps pour faire l'audition des personnes visées avant qu'elles ne soient vraiment nommées.

    Je trouve que c'est assez simple. Il s'agit en fait de tenter de s'assurer que les personnes les plus compétentes possible occupent les divers postes dans le domaine de la citoyenneté et de l'immigration. Personnellement, je pense que cela contribuera à assurer la transparence et l'accessibilité, si les critères sont du domaine public.

+-

    Le président: Docteur Fry.

+-

    L'hon. Hedy Fry: Je veux seulement donner quelques renseignements.

    En mars dernier, de nouveaux critères ont été établis pour les nominations à la CISR.

    Les dossiers des candidats sont passés en revue par un groupe consultatif indépendant composé d'avocats, d'universitaires, de membres d'organisations non gouvernementales et de spécialistes des ressources humaines. Ces gens-là sont nommés par le président de la CISR. Le groupe est ensuite chargé d'évaluer le formulaire de demande très complet. Il y a un curriculum vitae. Il y a un examen et l'on scrute les résultats de cet examen. Une fois cette tâche terminée, ceux qui ont été retenus à l'issue du processus d'examen, etc., sont ensuite interviewés par un jury de sélection non gouvernemental. Celui-ci est présidé par le président de la CISR et est composé là encore d'experts qui connaissent bien le droit de l'immigration, etc. Les membres du groupe consultatif confirment ensuite les choix du jury de sélection et la liste des personnes nommées est ensuite établie en fonction des recommandations du groupe consultatif et du président avant d'être remise au ministre.

    Maintenant, le choix et la nomination des futurs présidents de la CISR seront donc fondés sur un processus de concours public et le tout sera examiné par le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration en fonction de critères établis par le groupe d'experts. On élabore actuellement un processus semblable pour la nomination des juges au Bureau de la citoyenneté.

    Voilà donc ce qui se passe dans le dossier de la citoyenneté et de l'immigration. Quand cette liste définitive est établie, en termes du président de la CISR, notre comité devra en discuter, se réunir et interviewer les présidents proposés ou la courte liste de candidats proposés pour la présidence de la CISR. Tout cela est déjà en bonne voie et l'on s'affaire actuellement à en faire autant pour les nominations des juges au Bureau de la citoyenneté.

    Je tenais seulement à apporter ces précisions.

·  +-(1305)  

+-

    M. Lui Temelkovski: Combien de nominations différentes étudierions-nous pour la CISR et les juges au Bureau de la citoyenneté?

+-

    M. Benjamin Dolin (attaché de recherche auprès du comité): À peu près 200, je crois.

+-

    L'hon. Hedy Fry: Il y a beaucoup de juges au Bureau de la citoyenneté d'un bout à l'autre du pays.

+-

    M. Lui Temelkovski: Sommes-nous en mesure d'entreprendre une tâche de cette ampleur?

+-

    Le président: Eh bien, ça fait beaucoup.

    La seule question que je me pose concerne les 60 jours avant la nomination. Si nous avons une pénurie de juges au Bureau de la citoyenneté, nous devrons en nommer rapidement. Serait-il possible d'établir une liste dans laquelle on pourrait puiser des gens qui sont qualifiés, pour que leur nomination soit immédiate?

+-

    M. Bill Siksay: Monsieur le président, je ne tiens pas mordicus aux 60 jours. Je pense que nous pourrions facilement retrancher cette échéance précise de la motion. Ce serait encore une motion acceptable en l'absence de cette exigence.

    Je remercie le Dr Fry pour les précisions qu'elle a apportées. Je persiste à croire que notre comité a un rôle à jouer en examinant ces nominations et en interviewant les personnes ainsi nommées. Je comprends qu'il y a un processus amélioré, mais je pense qu'il nous incombe de nous assurer que ce processus fonctionne bien. Je pense que cela nous donnerait l'occasion de le faire.

+-

    Le président: Le greffier m'informe qu'il nous faut le consentement pour retirer les 60 jours.

+-

    Mme Diane Ablonczy: Par quoi les remplacerait-on?

+-

    M. Bill Siksay: On enlèverait seulement les mots « 60 jours », de sorte que la phrase se lirait simplement « au comité permanent avant la date de leur nomination ».

+-

    Mme Colleen Beaumier: On envisagerait donc d'examiner quasiment toutes les nominations? Enfin, combien y en a-t-il?

+-

    L'hon. Hedy Fry: Des centaines.

+-

    M. Bill Siksay: Il me semble que le comité peut choisir d'en faire autant ou aussi peu qu'il le désire, mais au moins nous aurions...

+-

    Mme Colleen Beaumier: Mais quels critères appliquerions-nous pour décider qui choisir?

+-

    M. Bill Siksay: C'est à nous d'en décider, je suppose.

+-

    M. Lui Temelkovski: Bill, cela créerait-il des critères différents de ceux que le ministère applique actuellement? Est-ce cela qu'on veut?

+-

    M. Bill Siksay: Pas nécessairement, Lui. Ce que Hedy vient de décrire pourrait facilement devenir le processus établi que nous réclamons, c'est-à-dire que ce sont là les critères et le processus établis, mais nous aurions quand même la capacité d'examiner ces nominations.

+-

    Mme Colleen Beaumier: N'avons-nous pas déjà la capacité d'examiner n'importe quelle nomination?

+-

    L'hon. Hedy Fry: Seulement celle du président de la CISR, à l'heure actuelle.

+-

    M. Bill Siksay: Mais nous sommes avisés de toutes les nominations...

+-

    L'hon. Hedy Fry: Oui, si vous voulez les convoquer, je suppose que vous le pouvez.

+-

    M. Bill Siksay: ...et je suppose donc que nous avons ce pouvoir.

+-

    Le président: Le comité peut examiner n'importe quelle nomination par décret.

+-

    M. Lui Temelkovski: Après les nominations ou avant?

+-

    Le président: Nous le faisons après. C'est un examen après coup.

+-

    M. Lui Temelkovski: Par conséquent, nous n'opérons aucun choix, nous ne recommandons rien du tout. C'est simplement « bonne chance dans vos nouvelles fonctions », quelque chose du genre.

+-

    Le président: C'est cela.

    Je me demande s'il serait utile de... J'ignore si tout le monde a eu la chance de lire la documentation fournie par l'attachée de recherche, Megan Furi.

+-

    M. Lui Temelkovski: Quelle documentation, monsieur le président?

+-

    Le président: Celle que nous venons d'avoir. En fait, cela date de quelque temps. Et on distribue en ce moment même un autre document.

    Je dis seulement que si les députés le veulent, nous pouvons étudier cette motion à la prochaine réunion. Est-on d'accord?

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    M. Bill Siksay: Ma seule réserve est que je sais que Don Boudria voulait connaître la réaction des comités aux questions de ce genre d'ici le 18 février, pour le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre.

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    Le président: Peut-être pourrions-nous le faire jeudi.

    Madame Ablonczy.

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    Mme Diane Ablonczy: Monsieur le président, il me semble que ce serait une bonne motion. Vous savez peut-être que je suis préoccupée par la procédure actuelle, qui nous permet d'examiner les nominations, mais seulement après coup. Je trouve que c'est une véritable insulte envers les députés au Parlement, parce que c'est un exercice futile et, bien sûr, cela se fait rarement justement pour cette raison.

    Je trouve que si l'on pense que nous avons quelque chose d'utile à dire, alors nous devrions le dire au moment voulu, soit avant qu'une décision soit prise, pas après. Enfin, nous sommes des gens occupés, mais nous sommes aussi des adultes et nous sommes capables d'exercer notre pouvoir discrétionnaire et de choisir les nominations auxquelles nous voudrons consacrer un peu de notre temps précieux.

    Je signale aussi que dans un système vraiment démocratique, il y a des poids et contrepoids à l'exercice du pouvoir discrétionnaire des ministères et des ministres. C'est pourquoi le comité existe, essentiellement pour donner des conseils et faire des études qui aident le ministre à mieux cibler les efforts du ministère. Il me semble que si les personnes chargées de faire ces nominations savaient que leurs décisions pouvaient être scrutées à la loupe, discutées et jugées par les membres du comité, un comité multipartite, d'une manière qui serait je crois non partisane, je pense que la qualité du processus décisionnel serait renforcée. Cela ne nuirait certainement pas le moindrement.

    Je pense donc que c'est une bonne motion, une motion raisonnable et je ne vois aucun inconvénient particulier à son adoption, ni pour le comité ni assurément pour le gouvernement. Je suis sûre que nous constaterons que la qualité des nominations est tellement élevée que nous n'aurons rien d'autre à faire que de louanger les personnes choisies.

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    Le président: Veut-on poursuivre la discussion sur la motion?

    (La motion est adoptée [Voir le procès-verbal].)

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    M. Lui Temelkovski: Nous avons bien enlevé les 60 jours, n'est-ce pas?

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    Le président: Oui.

    Maintenant, quelqu'un pourrait-il proposer une motion pour que je fasse rapport de cela à la Chambre, au ministre et au président du comité?

    Une voix : J'en fais la proposition.

    Le président : Tout le monde est en faveur?

    Des voix : D'accord.

    La séance est levée.