CIMM Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 18 avril 2005
¾ | 0805 |
Le président suppléant (M. Lui Temelkovski (Oak Ridges—Markham, Lib.)) |
M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas, NPD) |
Le président suppléant (M. Lui Temelkovski) |
Mme Lloydetta Quaicoe (à titre personnel) |
¾ | 0810 |
Le président (L'hon. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.)) |
Mme Eileen Kelly Freake (gestionnaire du service de carrière, AXIS Employment and Training Centre, Association for New Canadians) |
¾ | 0815 |
¾ | 0820 |
Le président |
Mme Kaberi Sarma-Debnath (membre à titre personnel, Multicultural Women's Organization of Newfoundland and Labrador) |
¾ | 0825 |
¾ | 0830 |
Le président |
M. Nick Summers (président, Conseil canadien pour les réfugiés) |
¾ | 0835 |
Le président |
Mme Donna Jeffrey (directeur général, Refugee Immigrants Advisory Council) |
¾ | 0840 |
¾ | 0845 |
Le président |
Mme Helena Guergis (Simcoe—Grey, PCC) |
M. Nick Summers |
Mme Eileen Kelly Freake |
¾ | 0850 |
Le président |
Mme Meili Faille (Vaudreuil-Soulanges, BQ) |
¾ | 0855 |
M. Nick Summers |
Mme Meili Faille |
M. Nick Summers |
Le président |
M. Bill Siksay |
Mme Kaberi Sarma-Debnath |
Mme Eileen Kelly Freake |
¿ | 0900 |
M. Bill Siksay |
Mme Lloydetta Quaicoe |
Le président |
M. Lui Temelkovski |
Mme Eileen Kelly Freake |
M. Lui Temelkovski |
Mme Eileen Kelly Freake |
M. Lui Temelkovski |
Mme Eileen Kelly Freake |
M. Lui Temelkovski |
¿ | 0905 |
Mme Eileen Kelly Freake |
M. Lui Temelkovski |
Mme Lloydetta Quaicoe |
M. Lui Temelkovski |
Mme Donna Jeffrey |
M. Lui Temelkovski |
Le président |
M. Lui Temelkovski |
Mme Donna Jeffrey |
M. Lui Temelkovski |
Le président |
M. Lui Temelkovski |
Le président |
M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, PCC) |
¿ | 0910 |
Mme Donna Jeffrey |
M. Rahim Jaffer |
Mme Lloydetta Quaicoe |
¿ | 0915 |
Le président |
Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest, Lib.) |
M. Nick Summers |
¿ | 0920 |
Mme Lloydetta Quaicoe |
Le président |
Le président |
Mme Janet Mackey (travailleuse social en règlementation, Gestionnaire du service aux demandeurs d'asile, Association for New Canadians) |
¿ | 0940 |
¿ | 0945 |
Le président |
M. Nick Summers |
¿ | 0950 |
Le président |
M. Liai Tong Kom (co-commanditaire, Paroisse de la Basilique de Saint-Jean-le-baptiste, Roman Catholic Episcopal Corporation of St. John's) |
Mme Laurel Doucette (paroissienne, Paroisse de la Basilique de Saint-Jean-le-baptiste, Roman Catholic Episcopal Corporation of St. John's) |
Le président |
Mme Laurel Doucette |
¿ | 0955 |
M. Liai Tong Kom |
À | 1000 |
Le président |
Mme Donna Jeffrey |
Le président |
Mme Donna Jeffrey |
Le président |
Mme Donna Jeffrey |
À | 1005 |
À | 1010 |
Le président |
Mme Lloydetta Quaicoe |
À | 1015 |
Le président |
À | 1020 |
Mme Colleen Beaumier |
Le président |
M. Rahim Jaffer |
M. Nick Summers |
M. Rahim Jaffer |
M. Liai Tong Kom |
M. Rahim Jaffer |
À | 1025 |
M. Liai Tong Kom |
Le président |
Mme Meili Faille |
À | 1030 |
M. Nick Summers |
Le président |
M. Bill Siksay |
Mme Donna Jeffrey |
M. Nick Summers |
À | 1035 |
M. Bill Siksay |
Mme Lloydetta Quaicoe |
Le président |
Mme Colleen Beaumier |
M. Liai Tong Kom |
Ms. Colleen Beaumier |
À | 1040 |
Mme Lloydetta Quaicoe |
M. Nick Summers |
Mme Colleen Beaumier |
M. Nick Summers |
Le président |
Mme Helena Guergis |
M. Nick Summers |
À | 1045 |
Mme Janet Mackey |
Mme Helena Guergis |
M. Nick Summers |
Mme Helena Guergis |
Le président |
M. Lui Temelkovski |
Mme Janet Mackey |
À | 1050 |
M. Lui Temelkovski |
Mme Janet Mackey |
M. Lui Temelkovski |
Mme Janet Mackey |
M. Lui Temelkovski |
Mme Janet Mackey |
M. Lui Temelkovski |
Mme Janet Mackey |
À | 1055 |
M. Lui Temelkovski |
Mme Janet Mackey |
M. Lui Temelkovski |
Mme Janet Mackey |
Le président |
Le président |
Á | 1105 |
Mme HuaLin Wong (présidente, HuaLin Wong Immigration Consultant Limited, à titre personnel) |
M. Remzi Cej (étudiant, à titre personnel) |
Á | 1110 |
Á | 1115 |
Mme HuaLin Wong |
Le président |
Mme HuaLin Wong |
Le président |
Á | 1120 |
Mme Lynn Haire (Newfoundland and Labrador Families Adopting Multiculturally) |
Á | 1125 |
Le président |
M. Nick Summers |
Á | 1130 |
Le président |
Mme Mary Ennis (vice-présidente, Conseil des Canadiens avec déficiences) |
Mme Leslie MacLeod (membre, Comité sur les droits humanitaires, Conseil des canadiens avec déficiences) |
Á | 1135 |
Mme Mary Ennis |
Á | 1140 |
Le président |
M. Rahim Jaffer |
Mme Lynn Haire |
M. Rahim Jaffer |
M. Nick Summers |
M. Rahim Jaffer |
Á | 1145 |
M. Nick Summers |
M. Remzi Cej |
Le président |
Mme Meili Faille |
Á | 1150 |
Le président |
Mme Meili Faille |
M. Nick Summers |
Mme Meili Faille |
Á | 1155 |
Le président |
M. Bill Siksay |
M. Nick Summers |
Mme Leslie MacLeod |
M. Bill Siksay |
Mme Leslie MacLeod |
M. Bill Siksay |
M. Nick Summers |
 | 1200 |
M. Remzi Cej |
Mme HuaLin Wong |
Le président |
Mme Colleen Beaumier |
 | 1205 |
M. Remzi Cej |
Mme Colleen Beaumier |
M. Remzi Cej |
Mme Colleen Beaumier |
M. Remzi Cej |
Mme Colleen Beaumier |
M. Remzi Cej |
Mme Colleen Beaumier |
Le président |
Mme Helena Guergis |
Mme Leslie MacLeod |
 | 1210 |
Mme Helena Guergis |
Le président |
M. Lui Temelkovski |
Mme Lynn Haire |
M. Lui Temelkovski |
Mme HuaLin Wong |
M. Lui Temelkovski |
 | 1215 |
Mme HuaLin Wong |
M. Lui Temelkovski |
Mme HuaLin Wong |
M. Lui Temelkovski |
Le président |
M. Remzi Cej |
Le président |
M. Remzi Cej |
Le président |
 | 1220 |
Mme Lynn Haire |
Le président |
Mme Colleen Beaumier |
 | 1225 |
Le président |
M. Nick Summers |
Le président |
M. Nick Summers |
Le président |
M. Nick Summers |
Le président |
M. Rahim Jaffer |
Le président |
Mme Meili Faille |
M. Bill Siksay |
Mme Meili Faille |
M. Bill Siksay |
 | 1230 |
Le président |
M. Bill Siksay |
Le président |
Mme Meili Faille |
Le président |
CANADA
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration |
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 18 avril 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¾ (0805)
[Traduction]
Le président suppléant (M. Lui Temelkovski (Oak Ridges—Markham, Lib.)): Bonjour. Je m'appelle Lui Temelkovski et je suis député de Oak Ridges—Markham, une circonscription située tout près de Toronto, en Ontario. Aujourd'hui, nous sommes accompagnés d'Helena Guergis, de Simcoe—Grey, une circonscription qui se situe juste au nord de la mienne, en Ontario, et aussi de Bill Siksay, qui vient de Colombie-Britannique et représente la circonscription de ...?
M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas, NPD): Burnaby--Douglas.
Le président suppléant (M. Lui Temelkovski): Si vous le voulez bien, nous allons commencer. Le président du comité se joindra à nous un peu plus tard.
Chaque témoin disposera de sept minutes pour faire une déclaration ou nous parler de lui et de la situation dans laquelle il se trouve. Ensuite, nous passerons à la période de questions et réponses, avec des tours de table de cinq minutes chacun.
Nous entendrons en premier Lloydetta. Allez-y quand vous serez prête.
Mme Lloydetta Quaicoe (à titre personnel): Oui, je suis prête.
Bonjour à tous et merci de me donner l'occasion de témoigner devant votre comité.
Je m'appelle Lloydetta Quaicoe et je suis membre de plusieurs organisations communautaires de cette province. J'aimerais tout d'abord situer le contexte dans lequel s'inscrit ma déclaration et aborder quelques questions relatives aux principaux obstacles à l'intégration et à la réinstallation des immigrants dans notre province, à savoir le manque de reconnaissance des titres de compétences acquis à l'étranger. Je concluerai mon intervention par quelques recommandations.
Permettez-moi, pour commencer, de mettre les choses en contexte. Dans le discours du Trône de septembre 2002, on a reconnu que la capacité d'accueillir les immigrants est nécessaire afin d'atténuer et je le cite: « les conséquences démographiques du vieillissement de la population et d'un ralentissement de la croissance de la main-d'oeuvre » causées par la dénatalité et l'émigration. C'est d'autant plus nécessaire dans cette province qui connaît les taux les plus élevés d'émigration au pays et où les statistiques révèlent une baisse du taux de natalité et un vieillissement de la population. En outre, la province a subi l'émigration secondaire des immigrants et des réfugiés qui avaient choisi de s'y établir, mais qui ont été forcés de partir en raison de l'absence de débouchés et de la non-reconnaissance de leur expérience et de leurs titres de compétences acquis à l'étranger. C'est un phénomène qui nécessite un examen plus approfondi.
Pour que cette province parvienne à accroître et à conserver sa population immigrante, il faudrait que CIC considère les conséquences d'ensemble de cette situation, car il y a seulement un organisme d'aide à l'établissement des nouveaux arrivants reconnu par le gouvernement et financé par le gouvernement fédéral dans toute la province. Il ne serait d'aucune utilité d'envoyer des immigrants et des réfugiés réinstallés dans cette province si, après être restés ici sans perspectives d'emploi, ils émigrent vers d'autres provinces plus peuplées. Les statistiques récentes ont montré que moins de 2 % arrivent dans les provinces maritimes et que moins de 50 % de ces 2 % y restent après cinq ans. Nous essayons de bâtir des communautés ethniques viables, mais c'est une bataille perdue d'avance si les immigrants sont obligés de partir pour chercher du travail ailleurs.
D'après le recensement de 2001, les gens nés à l'étranger représentent 1,6 % de toute la population de notre province. Par conséquent, il devrait y avoir au moins 1 % d'employés appartenant à des minorités visibles dans les institutions qui servent cette population, y compris dans la fonction publique fédérale. Nous devons nous assurer que les divers milieux de travail reflètent la composition multiethnique et multiculturelle de Terre-Neuve-et-Labrador.
Une des principales barrières à l'emploi pour les nouveaux arrivants dans cette province est la non-reconnaissance de leurs titres de compétences et diplômes obtenus à l'étranger. Ce qui est ironique, à cet égard, c'est que les raisons pour lesquelles ces immigrants ont été sélectionnés par CIC pour venir s'établir au Canada tenaient précisément à leurs titres de compétences et à leur expérience professionnelle. Selon le système de points de CIC, qui évalue la candidature des travailleurs qualifiés avant leur entrée au Canada, les notes les plus élevées sont attribuées aux titulaires d'un doctorat ou d'une maîtrise ayant complété au moins 17 années d'études à plein temps ou l'équivalent. Pouvez-vous envisager qu'après 17 ans d'études et de travail, on vous dise que votre formation et votre expérience ne comptent pas?
Il semble que le Canada sélectionne les meilleurs candidats puis les mette de côté à leur arrivée. Cette province est maintenant désignée sous le nom de « camp de transit pour les immigrants » en raison du taux élevé d'émigration secondaire des immigrants. C'était le titre d'un article paru dans notre journal local, le Sunday Independent, le 12 septembre 2004. M. Rahman, qui est venu au Canada sur la base de ses titres de compétences et a obtenu une note élevée selon le système de points de CIC, n'a pas pu trouver de travail ici. Beaucoup d'immigrants vivent la même expérience; certains ont déjà quitté la province et d'autres se préparent à le faire. Nous posons donc la question suivante : si la raison même sur laquelle se fonde le Canada pour accueillir des immigrants est l'augmentation de sa population vieillissante et le renouvellement de sa main-d'oeuvre, pourquoi les travailleurs hautement qualifiés et compétents ne peuvent-ils obtenir des emplois qui leur permettent d'échapper à la pauvreté tout en contribuant à la croissance économique du Canada?
Les immigrants qui arrivent au Canada sans avoir un travail assuré se retrouvent au bas de l'échelle. Ils n'ont pas accès aux mêmes réseaux que les personnes nées ou établies depuis longtemps au pays. Qui les présentera à des employeurs éventuels? Nous avons un bureau d'immigration provincial qui fonctionne avec 1,5 employés. C'est également le cas pour le programme provincial de candidatures, qui a besoin de plus de ressources humaines pour pouvoir attirer et garder des immigrants dans la province.
Les résultats d'une étude récente ont démontré que la valeur de l'expérience professionnelle acquise à l'étranger sur les marchés de l'emploi au Canada a diminué sensiblement au cours des 30 dernières années en raison de changements survenus dans les pays d'origine des immigrants entre les années 1960 et 1990. Les immigrants en provenance d'Europe de l'Ouest et des États-Unis n'ont perçu aucun changement significatif dans la valeur de leur expérience acquise à l'étranger, alors pourquoi ne reconnaît-on pas l'expérience des immigrants d'Asie et d'Afrique?
L'étude montre également que l'écart salarial était encore plus prononcé chez les immigrants diplômés universitaires arrivés depuis peu au pays, puisque ceux-ci gagnaient 31 % de moins que les diplômés nés au Canada. L'étude laisse entendre que les facteurs additionnels de disparité entre les revenus des immigrants et des Canadiens de naissance incluent des différences dans la connaissance que les immigrants ont des marchés du travail canadiens, surtout en ce qui concerne la façon de trouver des emplois, des différences dans l'accès des immigrants aux réseaux sociaux, ce qui pourrait être un facteur déterminant dans leur capacité de décrocher des emplois dans des sociétés ou des secteurs économiques rémunérateurs, et enfin la discrimination.
Le Conference Board du Canada rapporte que l'économie du pays enregistre une perte de 4 à 5 milliards de dollars par an à cause de la non-reconnaissance des titres de compétences acquis à l'étranger. C'est une réalité devant laquelle la province ne peut rester indifférente. Bien qu'on ait besoin de travailleurs qualifiés et expérimentés, les titres de compétences obtenus à l'étranger ne sont pas reconnus, même pour les immigrants qui viennent de pays du Commonwealth.
Le Canada a adopté une loi sur l'équité en matière d'emploi, mais est-il équitable? Tous les candidats ont-ils des chances égales? Il existe des barrières systématiques qui empêchent les immigrants d'obtenir un emploi.
La situation de ceux qui sont confrontés à des barrières linguistiques est encore pire parce qu'il faut encore plus de temps à ces personnes pour apprendre une langue étant donné qu'elles ne peuvent s'exercer à la parler dans la communauté. Nous avons souvent souligné le fait que l'utilisation d'une langue en milieu de travail augmentait considérablement la qualité et la rapidité d'apprentissage de cette langue.
La non-reconnaissance des titres de compétences acquis à l'étranger crée un stress et une frustration considérables pour les familles. Leurs espoirs et leurs attentes d'une vie meilleure au Canada sont anéantis et leurs enfants en souffrent. Dans certaines cultures, il n'est pas acceptable de recevoir de l'argent sans l'avoir gagné. Ceci entraîne un stress émotionnel et mental pour ces gens qui savent qu'ils ont la capacité et les compétences nécessaires pour travailler, mais doivent dépendre de l'assistance du gouvernement et des banques d'alimentation pour survivre. C'est très déshumanisant pour les familles immigrantes.
L'émigration secondaire n'est pas une option envisageable pour les immigrants réticents à partir de nouveau à l'aventure, mais beaucoup ont été forcés de faire ce choix. Les réfugiés réinstallés ont vécu dans l'instabilité pendant des années et ils arrivent ici en espérant s'y établir de façon permanente. Malheureusement, l'idée de déménager encore et de déraciner leurs enfants des écoles cause beaucoup de stress et d'angoisse aux familles. Les immigrants savent que s'ils décrochaient un emploi dans leur domaine, ils pourraient être auto-suffisants et subvenir aux besoins de leur famille, mettant ainsi fin au cycle de la pauvreté.
Un autre problème que nous avons ici est que certains centres de recherche d'emploi, conseillers en matière d'emploi et conseillers d'orientation professionnelle encouragent les immigrants à se recycler, à refaire des études et à suivre de nouvelles formations. À part le fait que cela leur coûte plus cher de s'engager dans cette voie, certains immigrants doivent choisir entre payer des frais de scolarité ou nourrir leur famille, et nous considérons que c'est un dilemme dans lequel ils ne devraient pas se retrouver.
Sur la base de ce qui précède, nous recommandons que Citoyenneté et Immigration Canada collabore avec les employeurs en leur offrant des incitatifs pour les sensibiliser aux avantages de la reconnaissance des titres de compétences acquis à l'étranger; établisse des programmes de mentorat réunissant employeurs et travailleurs qualifiés et professionnels sans emploi; crée un programme d'accueil pour les nouveaux arrivants afin de les aider à établir des contacts avec des employeurs dans leur domaine d'expertise, particulièrement les immigrants qui n'ont pas besoin du programme CLIC; veille à ce que les organismes d'accueil et les centres de recherche d'emploi soient sensibles aux différences culturelles et comprennent les défis auxquels doivent faire face les travailleurs qualifiés et professionnels nouvellement arrivés; encourage les partenariats entre les associations professionnelles, les gouvernements et les intervenants de la société civile; il ne s'agit pas ici de partenariats purement symboliques, mais d'initiatives pratiques dont les participants doivent être tenus responsables de l'obtention de résultats stratégiques concrets; assure un meilleur accès à l'information pour les immigrants avant et peu après leur arrivée (même à l'aéroport) sur le marché du travail dans la province où ils sont envoyés.
Nous demandons également que CIC revoie les politiques du programme provincial de candidatures, qui devrait refléter la dynamique changeante de l'immigration au Canada. Dans cette province, nous avons 1,5 personnes affectées à cette tâche, ce qui est inacceptable pour un programme aussi important.
J'en ai terminé. Je pense que je n'ai pas dépassé les sept minutes qui m'ont été allouées.
Éliminons les barrières et bâtissons des collectivités fortes dans lesquelles tout le monde aura les mêmes chances d'accès à l'emploi, sans distinction de race, d'appartenance ethnique, de sexe, de capacité, d'âge ou de statut socioéconomique; en d'autres termes, nos droits fondamentaux, notre rêve canadien.
Merci.
¾ (0810)
Le président (L'hon. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.)): Merci.
Madame Freake.
Mme Eileen Kelly Freake (gestionnaire du service de carrière, AXIS Employment and Training Centre, Association for New Canadians): Bonjour. Je m'appelle Eileen Kelly Freake. Je vous remercie de me permettre de témoigner devant vous aujourd'hui de la reconnaissance de l'expérience et des compétences acquises à l'étranger par les immigrants.
Avant de vous faire part de mes observations, j'aimerais vous présenter un bref historique de l'organisation que je représente et vous décrire les services que nous offrons. L'Association for New Canadians a été créée en 1979 afin d'aider les immigrants à acquérir les compétences, les connaissances et l'information nécessaires pour devenir des personnes autonomes et des membres actifs de leur collectivité. Chaque année, l'association offre ses services à environ 155 réfugiés parrainés par le gouvernement ainsi qu'aux nouveaux arrivants au pays dans diverses autres catégories d'immigration, y compris les demandeurs du statut de réfugié.
Depuis 10 ans, l'organisation s'associe aux ministères des gouvernements fédéral et provincial responsables des ressources humaines pour offrir un vaste programme de services d'orientation professionnelle afin de répondre aux besoins des nouveaux arrivants et de soutenir leurs efforts durant leurs démarches d'intégration au marché du travail. En tant que gestionnaire des services d'orientation professionnelle et de conseillère en emploi, j'ai offert des services de première ligne en matière d'emploi et d'orientation à plusieurs milliers de nouveaux arrivants durant cette période.
La reconnaissance de l'expérience et des titres de compétences acquis à l'étranger constitue une priorité pour ce programme ainsi que pour notre organisation depuis de nombreuses années. À ce chapitre, nous avons pris une part active à divers comités et groupes de travail nationaux et régionaux chargés d'étudier les questions liées à la participation des nouveaux arrivants au marché du travail et aux obstacles à l'obtention d'un emploi. Le fait que nous offrions une gamme complète de programmes et de services d'établissement et d'intégration au nom de Citoyenneté et Immigration Canada, nous permet d'appliquer un modèle plus global dans notre approche à l'intégration des nouveaux venus. Malgré notre petite envergure, nous estimons que nous accomplissons des progrès importants dans la création de partenariats stratégiques avec le monde des affaires, les établissements d'enseignement et les gouvernements, et nous avons réussi à créer des occasions d'échanges continus entre les partenaires de la collectivité. Beaucoup reste cependant à faire.
Le processus d'évaluation des titres de compétences est d'une rare complexité, à tel point que la plupart d'entre nous, qui travaillent dans le domaine, peinent parfois à s'y retrouver; pourquoi faudrait-il s'attendre à ce qu'un nouvel arrivant au pays le comprenne? La province compte actuellement cinq centres d'évaluation des titres de compétences autorisés qui sont membres de l'Alliance canadienne des services d'évaluation de diplômes. Les immigrants peuvent opter pour le centre de leur choix. Toutefois, pour que les immigrants puissent poursuivre leur scolarité au Canada, la plupart des établissements d'enseignement postsecondaire exigent de pouvoir effectuer leur propre évaluation afin d'autoriser l'admission aux divers programmes. Bien que ce soit un bureau central qui fasse cette évaluation, dans certains établissements, il arrive que les départements effectuent et sanctionnent même les évaluations.
En outre, les évaluations des titres de compétences acquis à l'étranger ne sont pas automatiquement acceptées ou reconnues d'une province ou d'un territoire à l'autre. Une fois effectué, le processus d'évaluation des titres de compétences ne fournit qu'une simple indication d'équivalence scolaire dans le contexte canadien et ne constitue pas une prise en compte des qualifications, des compétences et des aptitudes linguistiques requises pour réussir sur le marché du travail canadien. En outre, lorsque les immigrants sont déjà aptes à occuper un emploi, l'expérience acquise à l'étranger n'est souvent pas reconnue. En fait, ces professionnels expérimentés sont pour la plupart traités comme s'ils venaient tout juste d'obtenir leur diplôme.
Ce système désordonné entraîne le dédoublement des services, des pertes de temps et de ressources ainsi qu'un manque d'uniformité dans l'approche susceptible de mener à des résultats différents selon la personne qui effectue l'évaluation et l'objectif visé. Notons par ailleurs que plusieurs de ces problèmes ont été révélés ou confirmés par les recherches effectuées dans l'ensemble du pays. Le temps est venu de se concentrer résolument sur la recherche de solutions et d'élaborer un plan d'action national complet et axé sur la collaboration. J'aimerais vous soumettre les recommandations suivantes, parce que nous estimons que le système d'évaluation des titres de compétences se doit d'être pertinent, équitable, transférable et accepté par les utilisateurs finaux.
Premièrement, dans la mesure du possible, les évaluations des attestations d'études doivent être réalisées avant que les immigrants ne quittent leur pays d'origine.
Deuxièmement, les fonctionnaires de CIC postés à l'étranger doivent insister davantage sur l'importance et l'utilité de posséder la documentation et les titres de compétences appropriés dans le contexte canadien.
Troisièmement, il faut continuer d'appuyer les travaux des groupes de travail et des comités directeurs des divers paliers, qui s'efforcent de trouver des solutions pratiques et de prendre des mesures en vue de lever les obstacles auxquels font face les immigrants qui entrent sur le marché du travail.
Quatrièmement, nous avons besoin de champions au sein des collectivités et des milieux de travail pour inciter les employeurs à se préoccuper des enjeux liés à l'intégration des immigrants au marché du travail.
Cinquièmement, il faut accentuer les efforts de marketing et de promotion. Les organisations qui dispensent des services se doivent d'aller plus loin que la simple défense des intérêts et de mettre l'accent sur le renforcement des capacités, en établissant des liens avec le reste de la collectivité.
Sixièmement, il faut faire la promotion et accroître les ressources en vue de bonifier les programmes de formation et de gestion des ressources humaines au sein des gouvernements et du secteur privé. Cette démarche doit comporter des stratégies en matière d'acquisition de compétences culturelles et de respect de la diversité en vue de favoriser l'accession des immigrants à des emplois qui correspondent à leur niveau de connaissances et de compétences.
¾ (0815)
Septièmement, il faudrait mettre sur pied une banque de données communes sur les programmes universitaires et collégiaux afin de déterminer les équivalences entre les diplômes. Cela favoriserait la collaboration en vue de la reconnaissance et du transfert des évaluations entre les secteurs et les provinces et territoires.
Huitièmement, les portefeuilles de RDA pourraient être utilisés plus efficacement en vue de démontrer les aptitudes et les expériences acquises antérieurement. Ce processus permettrait aux personnes de décrire leurs compétences et leur expérience de façon tangible. Cela pourrait également se faire au moyen du cadre des compétences essentielles.
Neuvièmement, il faut mettre au point des tests d'évaluation fondés sur les compétences normalisés à l'échelon national et les utiliser dans le processus d'embauche. Ces outils d'évaluation pourraient être élaborés en collaboration entre les établissements d'enseignement postsecondaire dans le cadre d'un programme d'encouragement du gouvernement fédéral.
Dixièmement, il faut mettre au point des tests linguistiques sectoriels afin de fournir à l'organisme de réglementation professionnel, à l'employeur et aux organisations d'enseignement postsecondaire ainsi qu'aux personnes une évaluation plus réaliste des compétences linguistiques requises pour des occupations particulières.
Onzièmement, il faut mettre sur pied des cours de recyclage en ligne et les rendre accessibles aux immigrants afin de contribuer à combler les lacunes en matière de qualification et à remplir les exigences pour obtenir le permis d'exercer et occuper l'emploi.
Douzièmement, il faut élaborer des programmes spéciaux de stages en milieu professionnel et les appuyer afin de faciliter l'insertion des immigrants qualifiés sur le marché du travail. Cette formule profiterait particulièrement aux immigrants qui connaissent mal les technologies logicielles les plus récentes, dans les domaines de la comptabilité et du génie, par exemple.
Treizièmement, il convient d'aider, au moyen de prêts spécialisés, les immigrants à payer les droits pour l'obtention d'un permis, les exigences en matière d'examens professionnels et les coûts d'évaluation relatifs au système d'accréditation.
Enfin, il faut créer des structures de collaboration, comme un organisme d'accréditation national. Cette instance nationale pourrait réunir des représentants des provinces et territoires et elle serait chargée de l'accréditation des organisations professionnelles et autres entités responsables de la délivrance de permis.
À l'heure actuelle, de nombreuses initiatives nationales et provinciales sont réalisées au sein de diverses professions ciblées, comme les ingénieurs, les médecins et infirmières, ainsi que dans le domaine de la formation d'insertion, de l'amélioration des compétences linguistiques, du mentorat et du placement professionnel. On évalue actuellement ces initiatives et projets pilotes. Il faut cependant investir d'autres ressources pour pouvoir généraliser la portée de ces services afin de soutenir l'intégration des immigrants dans la province ou la région où ils demeurent. Il ne fait aucun doute que tous les groupes devront encore collaborer afin de régler de façon plus efficace et plus efficiente ces enjeux complexes.
Dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador, nous avons adopté une approche fondée sur la collaboration entre les collectivités, les employeurs et tous les ordres de gouvernement. Par ailleurs, le dossier de l'immigration a pris davantage d'importance à l'échelon provincial.
Quels que soient les résultats de ces audiences pancanadiennes, il faut viser, en dernière analyse, à ce que chaque immigrant compétent puisse travailler dans son domaine. Ces nouveaux Canadiens pourront alors commencer à participer et à contribuer à notre économie, à notre culture et à notre société.
Je vous remercie de votre écoute.
¾ (0820)
Le président: Merci beaucoup.
Nous écoutons maintenant Kaberi Sarma-Debnath.
Mme Kaberi Sarma-Debnath (membre à titre personnel, Multicultural Women's Organization of Newfoundland and Labrador): Bonjour. Je m'appelle Kaberi. Je représente la Multicultural Women's Organization of Newfoundland and Labrador. J'aimerais remercier Immigration Canada et la Multicultural Women's Organization de m'avoir désignée pour vous présenter cet exposé en leur nom. J'aimerais remercier particulièrement Yamuna Kutty, qui a révisé mon exposé, ainsi que tous les membres du conseil d'administration de l'organisation qui fournissent des services aux femmes de cette province, particulièrement aux femmes d'origine ethnique.
Je suis une travailleuse sociale autorisée. Mon exposé porte sur la reconnaissance de l'expérience et des titres de compétence acquis à l'étranger par les immigrants. Étant moi-même une canadienne d'origine étrangère, j'ai dû suivre les étapes nécessaires pour l'obtention de mon permis de travailleuse sociale dans ma province.
Je vais commencer par une citation. Certains d'entre vous ont peut-être déjà entendu la chanson d'un chanteur canadien bien connu qui s'est hissée au haut des palmarès et qui disait, « Don't assume everything on the subject is what you see, that taxi driver's got a PhD », ou autrement dit, ne vous fiez pas aux apparences, ce chauffeur de taxi a un doctorat. Comme bon nombre de Canadiens le savent, ce n'est pas très loin de la vérité. Beaucoup de professionnels ne peuvent pas exercer leur profession parce qu'ils ont acquis leurs titres de compétence à l'étranger.
L'immigration a toujours joué un rôle important dans la société canadienne. Dans mon exposé, je vais mettre l'accent sur divers problèmes auxquels sont confrontés les immigrants compétents et les professionnels. Je vais aussi souligner certains cas. Ceux-ci illustrent des situations dans lesquelles se trouvent certains professionnels immigrants de la province dont les compétences ne sont pas reconnues. Pour terminer, j'essaierai de formuler quelques recommandations à l'intention des décideurs et des groupes professionnels.
Nous savons tous que les facteurs démographiques changent dans le monde entier. Il y a une demande croissante de travailleurs qualifiés et de nouveaux travailleurs. Le Canada est présenté comme une mosaïque culturelle, et les immigrants ont toujours joué un rôle d'importance dans l'édification de cette société. Le Canada est confronté à une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée, et le nombre de travailleurs compétents qui entrent au pays s'accroît d'année en année. De 1991 à 2001, 1,8 millions nouveaux arrivants ont été admis au Canada. De plus en plus d'immigrants qualifiés qui viennent s'établir au Canada ont de la difficulté à trouver un emploi convenable. Bon nombre de nouveaux arrivants restent incapables de décrocher un emploi à la hauteur de leur niveau d'instruction et de leurs antécédents professionnels. L'obtention d'une reconnaissance professionnelle est un processus complexe qui fait intervenir plusieurs institutions, ce qui est source de beaucoup de frustrations.
Des données récentes sur l'immigration révèlent que beaucoup d'immigrants qualifiés sont des professionnels. De fait, on estime que six immigrants sur dix acceptent un emploi à l'extérieur de leur domaine de spécialisation.
Selon les données du Recensement de 2001, un Canadien sur cinq est né à l'extérieur du Canada, et 24 % des immigrants âgés de 25 à 44 ans qui sont arrivés au Canada entre 1996 et 2000 sont hautement qualifiés. De ce nombre, 65,8 % seulement ont un emploi. Le taux de chômage chez les immigrants est 12 fois plus élevé que chez les gens nés au Canada.
Ces donnés sont alarmantes. Diverses organisations, comme l'ONFIFMVC, ont fait des recherches dans ce domaine. En 1995, l'ONFIFMVC a réalisé une enquête auprès de femmes immigrantes et de femmes appartenant à une minorité visible afin d'évaluer l'effet sur la vie des femmes de la reconnaissance des titres de compétence acquis à l'étranger. Les suggestions et les observations reçues donnent à penser que les obstacles à la reconnaissance des titres de compétence acquis à l'étranger sont nombreux. Cette organisation a également présenté certaines recommandations en 1995. D'après l'enquête, les femmes immigrantes détentrices d'un grade professionnel, en plus d'être confrontées aux problèmes courants que connaissent leurs homologues masculins, étaient plus affectées par le manque de services et de ressources dans les domaines de la garde d'enfants et de la formation linguistique.
Dans une autre étude, les participants ont donné à entendre que les politiques d'immigration elles-mêmes devraient être remaniées. Par exemple, le gouvernement devrait lever l'exigence relative à la citoyenneté qui est actuellement imposée aux employés de la fonction publique, par le biais de la législation.
Au moyen du Programme du multiculturalisme, le ministère du Patrimoine canadien a appuyé divers projets visant à cerner l'étendue des problèmes auxquels sont confrontés les associations, le gouvernement, les particuliers et les organismes de représentation. Les immigrants, particulièrement les travailleurs qualifiés et les professionnels, n'obtiennent pas l'emploi auquel ils avaient rêvé avant leur arrivée au Canada.
¾ (0825)
Il faut aussi tenir compte du marché du travail dans cette équation. Des études ont révélé que plus de la moitié des 200 000 immigrants admis bon an mal an au Canada sont des immigrants qualifiés. Si le marché du travail ne peut pas faire appel à ces travailleurs, on perd beaucoup d'argent... sans parler du déclin du capital social et de la perte de ces compétences.
Dans une autre étude réalisée récemment par le Conference Board du Canada, on apprend que la non-reconnaissance des compétences entraîne une perte d'environ 4 à 6 milliards de dollars par année pour l'économie canadienne.
Voilà certains des faits qui ont été mis en lumière. Ce qui illustre la nécessité de puiser dans cette main-d'oeuvre.
Je vais maintenant mettre l'accent sur certaines des difficultés que rencontrent les immigrants et sur les raisons pour lesquelles ces gens ne sont pas intégrés et leurs compétences ne sont pas reconnues. Nous savons tous que les compétences linguistiques sont un facteur. Il n'est pas facile d'apprendre une nouvelle langue, particulièrement les deux langues officielles du Canada, l'anglais et le français. Par conséquent, même si un immigrant a une connaissance de base en anglais ou en français, il peut lui être difficile de s'exprimer correctement avec un employeur.
La discrimination quant à elle entre en jeu lorsqu'on embauche des immigrants et qu'on offre des promotions. Le facteur temps joue aussi un rôle vu que de nombreux professionnels ne peuvent pratiquer leur profession et que l'exigence relative à la citoyenneté empêche les immigrants d'obtenir un emploi dans la fonction publique dès leur arrivée au Canada car le processus d'obtention de la citoyenneté dure trois ans.
Lorsqu'une personne émigre au Canada, elle doit assumer un fardeau financier, tout comme sa famille. L'évaluation des titres de compétence requiert beaucoup d'argent, que ce soit pour trouver l'information à transmettre ou pour obtenir tous les documents nécessaires auprès de leur pays d'origine, ce qui est parfois impossible à faire. C'est la raison pour laquelle ils ne peuvent faire reconnaître leurs titres de compétence et doivent se résigner à accepter de petits boulots.
Sur le plan organisationnel, la reconnaissance professionnelle est un problème. Il n'existe pas d'organismes nationaux de reconnaissance professionnelle, par exemple pour les médecins ou les ingénieurs. Il y a certaines associations professionnelles qui peuvent reconnaître des titres de compétence, mais tout dépend de la profession. Les médecins ont par ailleurs une profession très bien organisée.
Les travailleurs sociaux sont évalués d'après...et on m'a dit que ce titre était reconnu partout. C'est bien pour les travailleurs sociaux, mais ce n'est pas aussi facile d'obtenir un permis dans d'autres professions. Ça cause beaucoup de problèmes.
Le manque d'information est aussi un autre facteur. Il y a des problèmes. On ne donne pas aux professionnels qui veulent venir ici l'information nécessaire sur la façon d'obtenir des renseignements ou sur les organismes responsables de l'évaluation des titres de compétence. Ce processus prend vraiment beaucoup de temps.
Pour terminer, certains cas sont présentés dans notre mémoire, notamment celle d'une ancienne enseignante de niveau collégial qui doit maintenant se contenter de petits boulots. Sur le plan de la discrimination, on présente le cas d'une femme qui, après son arrivée au Canada, a travaillé à temps partiel. Toutefois, elle a dû quitter son emploi en raison de la discrimination raciale et du harcèlement constants qu'elle subissait de la part de collègues, de son patron et de l'entreprise. On voit ce genre de situation dans cette province.
Il nous faut un organisme national de reconnaissance professionnelle commun pouvant évaluer les compétences et être facilement accessible. Il faut mettre en place des politiques visant à accepter tous ces professionnels. Il faut reconnaître non seulement le diplôme, mais aussi l'expérience des immigrants. Il faut sensibiliser les gens et les décideurs à ce problème et aux obstacles auxquels sont confrontés les immigrants.
Je terminerai mon exposé en vous disant que nous devons effectuer davantage de recherches pour cerner les véritables obstacles, et ce à l'échelle tant provinciale que nationale.
Merci beaucoup de m'avoir écoutée.
¾ (0830)
Le président: Merci.
Notre prochain témoin est M. Summers.
M. Nick Summers (président, Conseil canadien pour les réfugiés): Merci. C'est toujours agréable de comparaître devant ce comité.
Je parle aujourd'hui au nom du Conseil canadien pour les réfugiés. Fait étonnant, je n'ai pas de rapport à vous soumettre. Je sais que vous êtes habitués à recevoir beaucoup de documents de notre part, mais pour ce qui est de ce sujet, nous voulions surtout aborder quelques aspects particuliers.
Il ne fait aucun doute que nous reconnaissons l'aspect vital de cet enjeu. Il est très important que la formation et les compétences des immigrants soient reconnues et qu'on n'induise pas ces gens en erreur. Ce qui nous préoccupe toutefois, c'est que le débat porte surtout sur les gens qui viennent ici en tant que travailleurs qualifiés, mais dont les compétences pour lesquelles ils ont été choisis ne sont pas reconnues par la suite. Beaucoup de gens n'émigrent pas en tant que travailleurs qualifiés, mais plutôt à titre de personne appartenant à la catégorie de la famille ou par d'autres moyens. Il faut aussi aider ces gens à intégrer le marché du travail. Ils ont des compétences. Ils n'ont peut-être pas été choisis en fonction de leurs compétences, mais ils ont quand même besoin d'aide.
Seulement dans cette ville, des médecins, des ingénieurs, des avocats et d'autres professionnels venus au Canada en tant que réfugiés ont eu de la difficulté à faire reconnaître leurs titres de compétence. Il faut toutefois aussi reconnaître les compétences des immigrants qui ne sont pas des professionnels. Les gens de métier et même les personnes qui ont un niveau de scolarité assez restreint ont besoin d'aide pour intégrer le marché du travail, ce qui est avantageux pour chacun d'entre nous.
Nous devons investir davantage pour aider les gens à trouver des façons d'entrer sur le marché du travail canadien. Ça peut être au moyen d'une formation linguistique, de l'apprentissage de connaissances élémentaires ou de l'amélioration des compétences de base liées à l'emploi. Un de mes collègues a parlé de formation en informatique, qui est une compétence essentielle dans notre société, mais qui ne l'est pas nécessairement ailleurs.
Nous voulons aussi que le gouvernement, quand il se préparera à intervenir dans ce domaine, s'assure d'effectuer une analyse comparative entre les sexes. Il n'y a pas vraiment eu de discussions sur le niveau de difficulté qu'éprouvent les femmes par rapport aux hommes à trouver leur place sur le marché du travail. Nous croyons que c'est un domaine qui mérite d'être exploré davantage et que des programmes devraient être attentivement élaborés pour éviter de créer un déséquilibre.
Le CCR appuie bon nombre des propos des autres témoins, c'est-à-dire qu'il faut avoir des organismes nationaux de reconnaissance professionnelle et établir un programme généralement plus ouvert et accueillant. Nous aimerions insister sur le fait qu'il ne faut pas mettre l'accent uniquement sur le réfugié ou sur quiconque doit mettre à jour ses compétences pour répondre aux besoins du marché canadien. Il faut aussi tenter d'améliorer l'attitude des employeurs canadiens à l'égard des travailleurs étrangers. Il nous faut des programmes permanents de sensibilisation du grand public. Malheureusement, le racisme existe au Canada, tout comme les préjugés. Nous aimerions penser que c'est chose du passé, mais le fait est que c'est bien réel. On le voit sur le marché du travail. Les minorités visibles et les personnes dont les compétences linguistiques sont peu raffinées font l'objet de discrimination en milieu de travail. Nous devons donc travailler sur nous-mêmes et mettre de l'avant des programmes destinés aux nouveaux arrivants.
Voilà en somme ce que j'avais à dire. Je vais laisser les quelques minutes qu'il me reste aux autres intervenants.
¾ (0835)
Le président: Merci beaucoup.
La parole va maintenant à Mme Jeffrey.
Mme Donna Jeffrey (directeur général, Refugee Immigrants Advisory Council): D'abord, je vous prie de m'excuser car je n'ai que des notes. Je travaille dans le domaine du parrainage depuis 25 ans à Ottawa et à St. John's. Au cours des 15 dernières années, j'ai travaillé auprès des immigrants par le biais du Refugee Immigrants Advisory Council, qui est une organisation principalement composée de bénévoles dont l'objectif est d'aider les réfugiés et les immigrants à avoir une vie productive et indépendante.
Quelques-uns d'entre nous, si je ne m'abuse, sont venus s'exprimer sur ce même sujet il y a deux ans, c'est-à-dire sur la reconnaissance de l'expérience et des titres de compétence acquis à l'étranger par les immigrants. Malheureusement, rien n'est réglé. Nous continuons de perdre les compétences de professionnels immigrants comme des docteurs, des dentistes, des chercheurs en médecine et des ingénieurs. Au lieu de contribuer à la société canadienne, bon nombre de ces immigrants deviennent un fardeau. Je sais que dans certains cas, particulièrement dans le domaine médical, les responsables de la reconnaissance des compétences professionnelles font partie du problème.
Ce qui est particulièrement dérangeant pour ces professionnels immigrants, comme les médecins, c'est de perdre leur titre. J'ai entendu des médecins me confier ce qu'ils ont ressenti quand on leur a retiré ce titre. Comment peut-on décider qu'on ne doit plus les appeler docteur? Est-ce parce que nous craignons qu'ils pratiquent la médecine? Ça, c'est le premier point. Puis, ces professionnels découvrent—je reviens encore aux médecins—que leurs diplômes ne sont pas reconnus. L'Organisation mondiale de la Santé a reconnu diverses facultés de médecine dans le monde entier, mais on n'en tient même pas compte.
Malheureusement, ce qui arrive parfois, et je dirais même souvent, c'est que ces professionnels finissent sur l'aide sociale. Ils deviennent non seulement un fardeau pour la province, mais aussi pour le Canada. De plus, ça occasionne d'autres coûts en raison de l'éclatement de la famille, et c'est ce qui arrive lorsque l'homme de la famille—habituellement c'est un homme—constate qu'il ne peut pas s'en sortir. Il ne peut plus nourrir sa famille, et c'est l'éclatement. Ces gens vivent de l'aide sociale et ne cessent de trouver des obstacles sur leur chemin.
La pire des situations est celle où un médecin est un spécialiste ou a un doctorat. Il est préférable d'arriver ici fraîchement diplômé d'une faculté de médecine pour pouvoir avancer. Autrement, on perd les compétences de ces médecins car on ne leur permet pas de pratiquer et on les oblige à repartir à zéro, ce qui représente des années de pratique perdues... Le Canada a besoin de médecins, mais le système fait comme si ce n'était pas le cas.
Il y a aussi les gens qui émigrent ici grâce au système de points. Il s'agit des personnes dont nous avons supposément besoin, c'est-à-dire les travailleurs qualifiés et ceux ayant de bonnes compétences, auxquels le système a accordé suffisamment de points pour leur permettre d'émigrer au Canada. À leur arrivée, et ça se passe ici, ils constatent qu'il n'y a pas de travail. On leur a pourtant dit que nous avions besoin d'eux, mais aucun emploi ne les attend.
¾ (0840)
Ils ne peuvent pas obtenir du travail, surtout dans cette province. Ça nous ramène exactement à la même situation que celle des médecins. Les immigrants se demandant pourquoi ils sont venus ici alors que c'était mieux chez eux.
Comme vous le savez, ces immigrants survivent au début grâce à l'argent qu'ils ont apporté avec eux, mais si après deux ans, il n'y a pas d'emploi... J'ai vu des immigrants qui se sont retrouvés sur l'aide sociale puisqu'ils ne pouvaient plus se permettre financièrement de retourner dans leur pays. C'est ridicule.
Les personnes qui émigrent au Canada par le biais du système de points devraient être informées dès le début, au bureau des visas dans leur pays, qu'il est possible qu'elles n'obtiennent pas d'emploi et qu'il n'y a aucune garantie. Une autre façon de les aider serait d'avoir une banque d'emplois au bureau des visas. Ainsi, on pourrait travailler davantage avec elles avant leur arrivée. Cependant, il faut avant toute chose leur dire qu'un emploi n'est pas garanti.
Il faut ensuite mettre un terme à cette situation qui perdure. Pour ce qui est des médecins, ils peuvent toujours participer à des programmes de formation par observation pour entrer plus rapidement dans le système. Je n'en peux plus de voir des médecins qui perdent leur temps et reçoivent des prestations d'aide sociale alors que c'est une profession dont on a besoin—je suppose qu'on a besoin de médecins—, et ce tout simplement parce qu'ils ne peuvent pas entrer dans le système.
Avec l'expérience, je constate qu'à Terre-Neuve, les programmes de stage et de mentorat conviennent très bien à certains types de professionnels et de travailleurs qualifiés. À Terre-Neuve, nos pharmaciens ont appris leur métier dans le cadre de stages et d'une formation au collège communautaire. Après quelques années—cinq ou six ans peut-être—, nous avons décidé de nous associer à l'université car les autres provinces ne reconnaissaient pas ce diplôme. Néanmoins, le programme de stage est une bonne chose.
Il faut aussi parler des examens de médecine. Le fait de devoir quitter Terre-Neuve pour se rendre à Halifax ou à Toronto pour se présenter à un examen en médecine, c'est une énorme dépense. Il faudrait aussi voir à ça.
Je vois que vous voulez que je termine mon exposé.
¾ (0845)
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer à la période de questions. Chaque ronde dure cinq minutes, ce qui signifie que les questions et les réponses ne doivent pas dépasser en tout cinq minutes. Ainsi, nous pourrons faire quelques tours de table, ce qui nous permet parfois d'aborder des questions que les membres n'auraient pas soulevées s'ils n'avaient pu s'exprimer qu'une seule fois.
Madame Guergis.
Mme Helena Guergis (Simcoe—Grey, PCC): Bonjour. Merci beaucoup d'être ici.
J'apprécie le temps que vous avez consacré à la rédaction de vos rapports. Je suis certaine, comme l'un d'entre vous l'a mentionné, que vous avez déjà présenté une bonne partie de cette information il y a environ deux ans.
Je suis une des nouvelles députées, mais j'ai constaté assez rapidement, après avoir entendu de nombreux témoins et lu de nombreux rapports et recommandations, que c'est la même chose qui refait toujours surface. Je crois sincèrement que le gouvernement et les décideurs savent ce qu'il faut faire, mais ce qui manque, c'est la volonté politique. Pour ma part, comme tous ceux et celles autour de cette table, j'aimerais vraiment que nous allions de l'avant.
Hier, une annonce a été faite. Je n'ai pas tous les détails, mais je suppose que nous aurons cette information plus tard cet après-midi. Je ne sais pas si ça va aider, mais j'ai néanmoins certaines questions à vous poser.
J'aimerais savoir combien d'entre vous avez fait des recommandations dans le passé et si celles-ci ont changé au cours des deux dernières années?
En tant que nouvelle députée, j'ai souvent entendu parler du modèle australien. Je ne suis pas une spécialiste dans ce domaine et je ne pourrais pas en parler en détail. Je me demande toutefois si vous connaissez ce modèle et si vous avez des commentaires à faire sur son application possible au Canada.
J'ai aussi une question concernant les différences entre les sexes. Quelle est la proportion d'hommes et de femmes qui émigrent à Terre-Neuve et quelles sont les différences en ce qui a trait à leurs compétences et métiers?
M. Nick Summers: Je peux répondre à certaines de vos interrogations.
Je ne connais malheureusement pas le modèle australien. Le Conseil canadien pour les réfugiés a effectivement fait des déclarations dans le passé sur le besoin de reconnaître les titres de compétence acquis à l'étranger. Si je ne m'abuse, je ne crois pas que nous ayons soumis auparavant des mémoires au comité sur ce sujet.
En ce qui a trait aux différences entre les sexes, ce qui nous préoccupe, c'est qu'aucune étude n'a vraiment été faite sur les différences relatives à la formation et aux titres de compétence acquis à l'étranger. Je peux certainement vous dire que d'après mon expérience et les discussions que j'ai pu avoir avec d'autres personnes, tout dépend du pays et de la région d'où viennent les gens. À un moment, nous avons eu un nombre important de gens de l'Europe de l'Est. Il n'y avait pas beaucoup de différence au sein de ce groupe. Les hommes et les femmes étaient formés sensiblement de la même façon. Pour ce qui est de l'ancienne Union soviétique, où on semblait porter davantage d'attention à l'égard de l'égalité des sexes, on a constaté que c'était surtout en surface, contrairement à ce qu'on aurait pu croire. Pour ce qui est des pays en voie de développement, il n'y a souvent qu'une seule personne dans la famille qui a acquis des compétences.
Ce que nous essayons de dire, c'est qu'il ne faut pas oublier les personnes qui n'ont pas de compétences professionnelles en s'assurant que des programmes sont établis pour les aider.
Mme Eileen Kelly Freake: Je connais bien le modèle australien que j'ai examiné ainsi que le travail fait par l'Union européenne. Je sais que les Australiens songent à ce qu'un organisme national étudie toute la question conjointement. Ils font beaucoup de recherches avant que les nouveaux arrivants présentent leur évaluation et avant qu'ils n'arrivent en provenance de leur pays. C'est aussi quelque chose que nous devons envisager.
Pour ce qui est du nombre d'hommes et de femmes à qui nous offrons des services et avec qui nous travaillons, il se répartit habituellement également. Nous servons en moyenne le même nombre d'hommes et de femmes. En ce qui concerne la formation que nos clients—qui se renouvellent constamment—possèdent et des métiers qu'ils exercent, c'est très varié.
Vous avez aussi signalé que la question semblait être à l'étude depuis longtemps. Je travaille sur ce dossier depuis 1997, en participant, entre autres, à des groupes de travail nationaux. Il est décourageant que ce soit aussi long, mais je pense qu'il se passe des choses intéressantes.
À mon avis, il faut travailler plus fort au niveau local pour intéresser tous les paliers. Il n'y a pas seulement les gouvernements national ou provincial qui doivent se mobiliser, mais aussi les administrations municipales et les fournisseurs de services. Tout le monde doit collaborer, surtout les employeurs. C'est le groupe que nous ciblons actuellement.
¾ (0850)
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons maintenant entendre un point de vue dans l'autre langue officielle. Vous avez des écouteurs pour l'interprétation.
Madame Faille.
[Français]
Mme Meili Faille (Vaudreuil-Soulanges, BQ): Je vous remercie.
Je viens d'une province où on parle majoritairement le français. Je vous fais part de ce qui me préoccupe par rapport à la reconnaissance des titres étrangers. J'ai oeuvré dans le domaine technique. J'ai étudié en ingénierie, en informatique, en gestion et je travaillais chez IMB Canada, où on employait beaucoup de personnes du domaine technique. Ce n'est pas évident de surmonter les difficultés. Souvent, on avait besoin d'ingénieurs, alors on offrait des stages. Par le biais de ces stages, les gens finissaient par obtenir leur accréditation. Il y avait tout un processus d'accompagnement.
Nous étions dans une période de pénurie. Cela faisait en sorte que toutes les personne ayant un minimum de compétences en informatique étaient embauchées, et on les formait en conséquence. Il y a peut-être un problème par rapport à l'offre et au besoin. Les gens qui sont acceptés ne sont peut-être pas acceptés dans les domaines où il y a un grand besoin.
Comme Mme Freake le mentionnait tout à l'heure, il se peut également qu'il n'y ait pas suffisamment d'emplois disponibles. Quant aux médecins, avant qu'ils aient obtenu toutes les accréditations et qu'ils aient passé tous les examens, certains peuvent se décourager et décider d'aller ailleurs.
Selon ce que je peux comprendre de ce que j'ai lu, je ne peux pas être en désaccord nécessairement sur ce que vous dites. J'ai également été bénévole auprès d'organismes oeuvrant en orientation professionnelle. Je suis d'accord avec vous, beaucoup de travail devrait être fait en aval, donc au tout début, avant même que la personne décide de venir ici.
Je n'ai pas vraiment de questions à vous poser sur ce que vous dites, sauf celle-ci. J'ai lu dans un des documents que vous mettiez l'accent sur l'anglais. Je pense qu'il y a un défi dont il faut tenir compte selon le territoire. Dans certaines régions, le français est prédominant.
Comment voyez-vous la gestion de cette réalité dans un organisme national? Exigeriez-vous des immigrants qu'ils possèdent une maîtrise égale des deux langues?
¾ (0855)
[Traduction]
M. Nick Summers: Dans le doute, on s'en remet à l'organisme national.
Pour ce qui est de votre dernière remarque sur la langue, vous avez tout à fait raison. Quand nous parlons de l'apprentissage de l'anglais, nous devrions dire des langues officielles, et j'en prends note.
Je n'ai pas grand-chose à ajouter. Je suis d'accord avec à peu près tout ce que vous dites.
J'aurais une remarque à faire. Vous parlez beaucoup du travail de première ligne. Or, nous devons éviter le piège dans lequel nous sommes tombés en choisissant les gens en fonction des besoins au Canada. Nous nous sommes rendu compte que cela ne fonctionnait pas en partie parce que notre processus est tellement lent que, quand les gens arrivaient au Canada, les compétences pour lesquelles ils avaient été sélectionnés n'étaient plus en demande parce qu'on avait trouvé d'autres moyens de répondre aux besoins—en formant plus de gens dans nos collèges professionnels, par exemple. Et ces personnes n'arrivaient pas plus que les autres à trouver du travail.
[Français]
Mme Meili Faille: Il doit donc y avoir un équilibre.
[Traduction]
Il faut un équilibre. Même si on travaille à la base, le système n'est souvent pas assez rapide et il faut des mesures très souples, n'est-ce pas?
M. Nick Summers: Oui.
Le président: Merci.
Monsieur Siksay.
M. Bill Siksay: Merci, monsieur le président, et merci à vous tous des exposés que vous avez faits ce matin. Ils sont très utiles pour notre travail.
J'ai tellement de questions à poser en seulement cinq minutes, mais je vais commencer par celle-ci. Quelqu'un a parlé de l'accréditation et qu'il serait utile de l'obtenir quand l'immigrant est encore dans son pays d'origine. D'autres groupes, ailleurs au pays, ont proposé la même chose.
On nous a aussi dit que ceux qui songent à immigrer au Canada ont tendance à être très optimistes, et ils sont tellement convaincus que le Canada est l'endroit où ils vont pouvoir refaire leur vie qu'ils ne croient pas ceux qui leur disent qu'ils pourraient éprouver des difficultés ici.
Je me demande donc si l'accréditation à l'extérieur du Canada règle le problème ou si cela ne pourrait pas plutôt l'aggraver dans le sens où le document de reconnaissance de leur formation ou de leurs études au Canada ne va pas alimenter encore davantage leur optimisme sans leur donner une idée plus réaliste de la situation.
À propos de la langue et de l'expérience canadienne, je pense que la question de l'expérience est beaucoup plus liée au racisme qu'à la compétence de la personne—voilà les vrais problèmes. Est-ce que l'accréditation à l'extérieur du pays va vraiment régler les problèmes dont nous parlons?
Est-ce que l'un d'entre vous veut répondre?
Mme Kaberi Sarma-Debnath: Je pense que cela peut aider, mais pas beaucoup. Si c'est possible, les gens vont venir. Tous ceux qui veulent venir vont venir. Ce qu'il faut, c'est qu'ils puissent obtenir des informations. Sans accréditation ni évaluation, ils ne peuvent pas avoir accès aux domaines de travail. Ces informations seraient utiles, comme je l'ai dit dans mon exposé. Les informations manquent.
Je constate également que les gens qui viennent de pays en guerre ne réussissent pas à obtenir les documents dont ils ont besoin. Pour faire reconnaître vos titres et compétences, il faut que l'établissement d'enseignement envoie tous les documents. C'est difficile pour les réfugiés et les victimes de guerre. Si les organismes interprovinciaux ont besoin de tous ces documents, s'il pouvait y avoir une solution de rechange pour les réfugiés qui ne peuvent pas...
L'évaluation faite ici est valable, parce que les gens vont venir de toute façon, mais il faut préciser le processus et le réviser à l'occasion, non pas à tous les cinq ans. On pourrait peut-être prévoir plus d'informations cette fois-ci.
C'est mon opinion.
Mme Eileen Kelly Freake: J'estime qu'il serait très utile de fournir plus d'informations exactes sur les régions du Canada et plus d'informations générales sur l'endroit où ils vont s'installer.
De plus, s'ils peuvent savoir ce qui est demandé, ils auront réuni tous les documents nécessaires, ce qui sera beaucoup plus facile pour nous et beaucoup plus rapide. Comme je l'ai dit, si des renseignements plus justes et réalistes étaient communiqués aux bureaux des visas et qu'on leur donnait une idée des délais pour constituer le dossier, ils ne penseraient pas pouvoir travailler dès le lendemain... C'est tellement frustrant pour moi, quand j'essaie d'expliquer tout le processus, parce que c'est différent pour chaque profession et chaque métier.
¿ (0900)
M. Bill Siksay: Le gouvernement nous dit qu'il est en train de constituer un nouveau portail qui donnera accès à toutes ces informations.
Je me demande si c'est le meilleur moyen de transmettre l'information aux gens. Au Canada, nous avons l'habitude de consulter Internet maintenant, mais je me demande si vos clients ou les gens que vous connaissez qui viennent au Canada ont accès à Internet.
Il y a encore ce problème d'optimisme. Vous pouvez lire l'information qui s'y trouve, mais comment l'interpréter? Y a-t-il autre chose à faire à part mettre toutes ces informations sur Internet? Je pense que c'est essentiellement une bonne chose, mais est-ce que cela règle le problème?
Mme Lloydetta Quaicoe: Je pense qu'il est important de former le personnel des bureaux des visas parce que c'est lui qui établit le contact avec les futurs immigrants. S'ils ont accès à ces informations, particulièrement sur les compétences nécessaires dans les différentes régions et s'ils savent quoi faire pour les acquérir...parce qu'il faut compter trois ou quatre ans à partir du moment où la demande est faite; il faut passer un examen médical, obtenir une vérification policière et le reste, ce qui laisse beaucoup de temps aux gens pour apprendre et obtenir ce qu'ils doivent apporter. Le problème, c'est qu'ils se rendent compte de tout ce dont ils avaient besoin une fois arrivés ici.
Ce n'est pas facile de faire un appel téléphonique dans certaines régions du monde et de faire faxer des documents; quelqu'un doit se rendre à un bureau et faire la file pour vous. Pour ce qui est d'obtenir de l'information en ligne, ce ne sont pas toutes les régions qui ont accès à Internet, ce qui veut dire que les gens doivent payer davantage ou que le service n'existe pas ou encore s'il existe, l'information doit être mise à jour constamment.
Je pense que les agents des visas ont un rôle très précieux à jouer pour conseiller les gens et leur indiquer que dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador, on cherche des médecins pour travailler dans les villages isolés, là où on payait les étudiants en médecine pour aller travailler pendant trois ans.
Il y a des façons pour les régions de savoir de quelles compétences elles ont besoin et si elles prévoient une pénurie de 400 personnes, et si des gens répondent à ces besoins, ils peuvent venir et recevoir le peu de formation qui leur manque. Mais je pense que cela doit aller dans les deux sens.
Le président: Merci beaucoup.
C'est maintenant à M. Temelkovski.
M. Lui Temelkovski: Merci beaucoup, monsieur le président, et merci beaucoup de votre présence à tous et de vos exposés.
Je vais m'adresser à Eileen. Eileen, à la recommandation 7 de votre exposé, il est question d'une banque de données communes sur les programmes universitaires et collégiaux afin de déterminer les équivalences entre les diplômes. Avez-vous pensé à ce que Lloydetta a dit à propos des gens qui ont du mal à obtenir leurs relevés de notes?
Mme Eileen Kelly Freake: Je pensais au fait que le processus d'évaluation est tellement difficile quand nous voulons obtenir de l'information d'une université canadienne pour un client qui veut changer d'université, par exemple. À quoi s'attend-on? Si on avait une banque de données communes, nous saurions exactement avec précision quels sont les critères d'entrée et quels sont les cours et les crédits acceptables. Ce serait vraiment utile pour évaluer les titres et compétences. Actuellement, il y a tellement de centres et, si tout se trouvait au même endroit, ce serait accessible à tout le monde.
M. Lui Temelkovski: Vous préconisez donc un guichet unique pour les titres et compétences?
Mme Eileen Kelly Freake: Oui.
M. Lui Temelkovski: D'accord.
Mme Eileen Kelly Freake: Cela va être difficile; c'est un projet très ambitieux.
M. Lui Temelkovski: Oui. Ce sera très difficile.
¿ (0905)
Mme Eileen Kelly Freake: Très, très difficile, et il y a tellement de gens et d'intérêts là-dedans, mais il faut envisager la situation globalement pour changer les choses.
M. Lui Temelkovski: Lloydetta, à la recommandation numéro 5, vous... Je ne suis pas certain de bien comprendre. Voulez-vous dire qu'il y a des obstacles ou que les employés des agences ne sont pas qualifiés pour s'occuper des immigrants ou des gens d'autres cultures?
Mme Lloydetta Quaicoe: Bien, ce qui est difficile, c'est que la plupart des gens qui travaillent dans les centres de recherche d'emplois ou de counselling professionnel sont des gens natifs de Terre-Neuve. Je parle dans le contexte de Terre-Neuve-et-Labrador.
Nous accueillons des gens qui viennent de pays qui ont connu la guerre, par exemple. Leur dire qu'ils doivent retourner dans leur pays... Les conseillers en emploi doivent savoir si les gens qui viennent d'un tel pays y ont fait leurs études en anglais. Par exemple, je viens d'une colonie britannique et l'anglais était la langue officielle. Donc, me faire dire, quand je me présente dans un centre de recherche d'emplois, que je dois retourner subir un test d'anglais langue étrangère alors que j'ai fait mes études en anglais montre l'ignorance des gens à l'égard de mon pays d'origine.
Voilà certains des problèmes auxquels nous sommes confrontés. Quand on dit à quelqu'un qui a le statut de résident permanent qu'il doit retourner à l'université et payer les droits internationaux, il faut être sensible au fait que cet homme a une famille, une femme et deux enfants et un revenu limité. Pour retourner à l'université, il devra se procurer un prêt étudiant. Il doit trouver les moyens d'aller à l'université pour obtenir un diplôme qu'il avait déjà dans son pays d'origine.
Ce sont des problèmes que certains de nos membres ont connus. Il faut que les premiers intervenants des centres de recherche d'emplois aient une meilleure connaissance des autres cultures. Ces centres, j'imagine, s'occupent surtout de la population locale, mais nous pensons que les besoins changent étant donné que la population se diversifie de plus en plus sur les plans culturel et ethnique.
M. Lui Temelkovski: Très bien.
Donna, je pense que vous avez indiqué qu'une banque d'emplois devrait être établie dans un bureau des visas. Cela n'existe-t-il pas actuellement?
Mme Donna Jeffrey: Pas à ma connaissance. Ils recueillent tous les points possibles et ils se retrouvent ici au Canada, mais il n'y a pas de banques d'emplois. Comme je l'ai dit, je me préoccupe particulièrement de ceux qui arrivent avec les points demandés par le Canada. Je me suis occupée de familles issues de cultures où c'est l'homme qui est le pourvoyeur, comme c'était le cas à mon époque, comme je suis une aînée. Dans leur culture, c'est l'homme qui travaille. Ces hommes avaient un très bon emploi dans leur pays, et il n'y a rien de pire pour eux que d'arriver ici et de ne pas trouver de travail.
J'ai vu des familles se briser, des gens avoir des problèmes de santé physique et mentale. Au bout de deux ans, la magnifique famille qui devrait faire sa part doit demander de l'aide sociale. C'est un problème. On devrait faire quelque chose, même dire aux gens qu'ils pourraient ne pas trouver d'emploi dans leur domaine, dans telle province.
M. Lui Temelkovski: Une dernière brève question, monsieur le président.
Le président: Très brève. Vous avez pris une minute de plus. Vous prenez de mauvaises habitudes.
M. Lui Temelkovski: Un représentant de RHDCC pourrait-il fournir des conseils au bureau des visas, par exemple?
Mme Donna Jeffrey: Je pense que oui, une mesure du genre serait possible.
M. Lui Temelkovski: Merci.
Le président: Merci, monsieur Temelkovski. Vous étiez si respectueux des règles avant. Je vous admirais.
M. Lui Temelkovski: J'étais plus jeune aussi.
Le président: Je parle d'il y a seulement deux ou trois semaines.
Monsieur Jaffer.
M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, PCC): Merci, monsieur le président.
Merci à tous les témoins de ce matin. Il y en a que je connais, bien sûr. J'ai aimé vos exposés.
Madame Jeffrey, j'aimerais revenir à ce que vous avez dit à propos des réticences que vous observez ou avez observées de la part de la profession médicale ou d'autres à propos de l'accréditation. C'est un problème qui nous préoccupe tous évidemment étant donné qu'on a besoin de médecins dans notre pays.
Au cours de nos déplacements, nous avons entendu dire que certaines provinces essayaient de garder, dans des facultés de médecine, des places pour des médecins formés à l'étranger qui peuvent ainsi faire leur résidence plus rapidement. C'est souvent un des problèmes qu'ils éprouvent à leur arrivée ici, même s'ils passent des examens, parce qu'il n'y a souvent pas de places de résident pour eux. Nous avons du mal à en trouver pour nos propres médecins.
Cela semble une idée intéressante que le gouvernement fédéral ou les provinces investissent pour qu'il y ait des places pour les médecins formés à l'étranger. Je me demande si vous estimez que ce serait une mesure favorable, ou si vous savez si c'est un des problèmes auquel sont confrontés les médecins dans cette région du pays.
¿ (0910)
Mme Donna Jeffrey: Non, vous avez raison de dire qu'il s'agit d'un pas en avant. Même les médecins de Terre-Neuve doivent se rendre à Toronto ou à Halifax pour écrire l'examen. Il n'est pas logique qu'ils ne puissent le faire ici, parce que cela représente pour eux des dépenses supplémentaires, des dépenses qui s'accumulent. Il y a beaucoup d'obstacles, beaucoup de frustration, alors que nous avons grandement besoin de médecins. Il va y avoir une pénurie de médecins au Canada., et nous sommes en train de gaspiller ce potentiel.
D'après ce que me disent certains de mes enfants qui sont devenus médecins, si ces personnes pouvaient accompagner d'autres médecins, suivre une sorte de stage d'apprentissage où ces derniers agiraient comme mentors, bénéficier d'un encadrement basé sur l'observation, ainsi de suite, ils pourraient entrer dans le système et nous pourrions nous prévaloir de leurs services au lieu de....
Comme je l'ai mentionné, je suis passée par là. J'ai été témoin de l'angoisse, du découragement que ressentent ces familles et qui peuvent pousser quelqu'un à tout simplement changer de profession.
M. Rahim Jaffer: L'idée des stages d'apprentissage est également intéressante.
Ma question s'adresse à quiconque veut y répondre. Elle porte sur la rétention des immigrants ou des réfugiés qui s'installent dans la région. Ce qui encourage avant tout les personnes à rester dans certaines régions, c'est la viabilité économique. Si elles peuvent trouver du travail et, à tout le moins, commencer à faire leur chemin, elles vont rester.
Toutefois, il y a un autre facteur qui préoccupe les groupes communautaires qui tentent d'aider de nombreux immigrants à s'intégrer à la collectivité dans les diverses régions : le niveau de soutien offert. Le problème, c'est que de nombreux immigrants choisissent de s'installer à Vancouver, Toronto ou Montréal, et non dans d'autres régions du pays où, souvent, le soutien communautaire fait défaut ou l'intégration se fait plus difficilement. C'est un problème auquel de nombreuses régions sont confrontées.
Je voudrais en savoir plus sur la rétention des immigrants. Est-ce qu'ils restent dans la région, ou est-ce qu'ils quittent celle-ci au bout de un an ou deux pour aller s'installer à Toronto, Montréal et Vancouver? Que pouvons-nous faire pour changer la situation?
Mme Lloydetta Quaicoe: Il en est question dans ma deuxième recommandation. Elle fait suite à celle que vous a présentée M. Temelkosvki. Je parle de la nécessité de financer des groupes communautaires ethniques réputés et bien informés des besoins de réinstallation dans leurs communautés, pour leur permettre d'aider les familles immigrantes, particulièrement celles qui ne reçoivent pas d'aide du gouvernement.
Il faut mettre en place des mécanismes. Par exemple, je fais partie de la Multicultural Women's Organization, et Donna, si je ne m'abuse, fait partie du Refugee Immigrants Advisory Council. Les gens, quand ils arrivent, vont rester et s'intégrer à la communauté ethnoculturelle s'ils parviennent à trouver un emploi dans la province. Autrement, si leurs titres de compétence et leur expérience ne sont pas reconnus, ils vont partir parce qu'ils doivent travailler.
Comme je l'ai mentionné, dans de nombreuses cultures, les gens ne sont pas habitués à obtenir de l'aide, à rester sans travail. Ils veulent travailler. Ils ont les qualités et les compétences voulues pour le faire et ils veulent décrocher un emploi. Cela ressemble à un cercle vicieux, parce qu'il est important pour eux de travailler. S'ils arrivent à trouver du travail, ils vont s'installer et bâtir une communauté. Les exemples abondent—ils vont ériger une mosquée, un temple sikh, un temple hindou, une synagogue.
Nous avons déjà beaucoup de ressources, sauf que les gens, et c'est là notre principal problème, ne peuvent trouver du travail. Ils savent qu'ils doivent subvenir aux besoins de leurs familles. Ils sont venus ici parce qu'ils aspiraient à une vie meilleure, parce qu'ils voulaient donner à leurs enfants une vie meilleure pour que la génération suivante puisse en profiter. Ensuite, ils partent—voilà ce qui se produit. Mais s'ils arrivent à trouver du travail, même s'ils font partie d'une petite communauté... Au cours du week-end, j'ai passé du temps avec un petit groupe d'Africains. Nous avons discuté, nous nous sommes entraidés. Mais ces personnes avaient du travail.
Environ 60 ou 70 % des Africains partent parce qu'ils ne peuvent trouver du travail. Ils partent pour chercher du travail ailleurs. Ils savent que les immigrants sont en surnombre à Montréal, Toronto et Vancouver. S'ils partent, c'est surtout pour des raisons de travail, parce qu'ils savent qu'ils peuvent toujours s'intégrer à une communauté, même si elle est petite. Nous avons de la diversité à Terre-Neuve et au Labrador; nous ne comptons tout simplement pas un grand nombre de personnes au sein de chaque groupe ethnoculturel.
Donc, si nous arrivons à régler le problème d'emploi, nous allons devenir un autre Montréal. Beaucoup plus de gens vont rester, parce qu'ils aiment la province. Les gens sont accueillants, et c'est un endroit où il fait bon vivre. Toutefois, nous devons absolument trouver un moyen de reconnaître l'expérience acquise à l'étranger.
Merci.
¿ (0915)
Le président: Merci beaucoup.
Madame Beaumier.
Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest, Lib.): Merci. Tous les membres du comité de l'immigration ici présents jugent ces questions importantes. Je travaille avec les réfugiés depuis l'âge de 17 ans. Je vais aujourd'hui aborder le sujet sous un angle différent, compte tenu de ce que nous avons entendu au cours des dernières semaines.
On dit que c'est à cause de l'attitude raciste des gens que plusieurs immigrants ne trouvent pas d'emploi. Or, le racisme a toujours existé et les propos racistes ne viennent pas toujours de la bouche de personnes à la peau blanche. Nous parlons de culture. Rahim, qui est arrivé ici comme réfugié, avec ses parents immigrants, alors qu'il était encore tout jeune, Meili, les enfants de Lui et mes enfants sont tous différents sur le plan culturel. Il est plus difficile, non pas pour moi, mais pour mes parents, de comprendre ce qu'ils vivent. Peu importe le nombre d'immigrants qui s'installent ici, tous finissent par s'assimiler, et je fais allusion à la prochaine génération, à la culture canadienne. Malgré tous les efforts que nous déployons pour garder la mainmise sur nos enfants, ils finissent par devenir les Canadiens d'aujourd'hui.
Il y a plusieurs facteurs à considérer. Dans le domaine des sciences, par exemple, nous pouvons fixer des normes qui peuvent être appliquées sans difficulté. Toutefois, dans le domaine des sciences humaines, et j'entends ici les contacts avec les personnes âgées, les familles qui éprouvent des problèmes, la situation se complique. Que pouvons-nous faire?
Je vais vous donner un exemple. Ma mère a 84 ans. Elle est un produit de sa génération. Toutefois, elle est probablement plus ouverte que bon nombre des personnes qui font partie de la même génération. Il y a un an, elle est tombée gravement malade. Elle a été admise à l'hôpital de Toronto. Les infirmières étaient merveilleuses. Je n'avais aucune difficulté à les comprendre. Toutefois, c'était terrifiant pour elle parce qu'elle n'arrivait pas à saisir ce qu'elles disaient, même si elles n'avaient qu'un léger accent. Que pouvons-nous faire pour simplifier...?
Nous avons une responsabilité à l'égard des médecins qui s'installent ici. Nous avons également une responsabilité à l'égard des enfants des immigrants qui sont arrivés ici il y a une génération de cela. Nous devons prévoir des places en médecine pour ces enfants. Le problème est énorme. Et que dire des titres de compétences qui sont perdus dans les pays ravagés par la guerre? On ne peut laisser une personne qui arrive ici d'un pays ravagé par la guerre travailler comme chirurgien en la croyant tout simplement sur parole—et je sais que ce n'est pas ce que vous proposez.
Comment pouvons-nous aider les personnes qui sont déjà installées ici, dont bon nombre sont des enfants d'immigrants, et, en même temps, faire une place aux nouveaux arrivants? Voilà le dilemme qui se pose à nous. Comment concilier les deux?
M. Nick Summers: Je vais parler en termes très généraux. Je comprends très bien le problème qui se pose dans le cas des infirmières. Le fait est que nous n'arriverons jamais à le régler.
Vous avez répondu vous-même à la question que vous avez posée quand vous avez parlé de la prochaine génération. Comme vous l'avez mentionné, la prochaine génération se sera assimilée de toute façon. Mes enfants le sont, et les vôtres aussi, j'en suis certain. Les jeunes acceptent beaucoup plus facilement de vivre dans une société multiculturelle que ne le font ceux qui ont grandi dans une société très homogène.
Quand nous parlons de racisme, ainsi de suite, nous parlons non pas du phénomène en tant que tel, mais du problème qui en découle: si un employeur doit choisir entre une personne de couleur qui connaît plus ou moins bien l'anglais, et une personne à la peau blanche qui a grandi ici et qui maîtrise parfaitement bien l'anglais, il va choisir cette dernière, sans nécessairement jeter un coup d'oeil aux compétences qu'elle possède. Il se peut que la personne de couleur soit la mieux qualifiée pour le poste, mais elle ne franchira pas le pas de la porte en raison de sa couleur et parce qu'elle n'est pas en mesure de s'exprimer aussi bien que l'autre candidat.
Vous avez également parlé des personnes âgées. Nous devons nous pencher sur cette problématique, compte tenu du fait, notamment, que le ministre va annoncer, plus tard aujourd'hui, que le programme s'appliquant aux parents et aux grands-parents qui immigrent au Canada va être élargi... Nous allons accueillir un plus grand nombre de personnes âgées au Canada. Comment allons-nous leur venir en aide? Comment vont-elles s'intégrer? Elles vont faire face aux mêmes problèmes.
¿ (0920)
Mme Lloydetta Quaicoe: J'ajouterais, par ailleurs, que le visage du Canada est en train de changer. Si je ne m'abuse, environ 52 % des personnes nées à l'étranger vivent en Ontario.
Quand nous songeons à ceux dont le travail consiste à fournir des services aux Canadiens, eh bien, ces personnes proviennent de plus en plus de cultures diverses. Vous allez avoir des infirmières ou des médecins qui vont travailler avec des personnes qui ont les mêmes antécédents culturels ou qui proviennent de pays différents. C'est une bonne chose qu'ils soient là. Souvent, il y a 30 ou 40 ans, les gens arrivés avant nous, quand ils allaient consulter des médecins, avaient de la difficulté à comprendre ce que ceux-ci disaient parce qu'ils parlaient avec un accent britannique, écossais, gallois—mais ils ont survécu.
La situation est encore un peu difficile, mais je pense que le problème va se résorber au fur et à mesure que la population devient plus diversifiée. Nous avons besoin de personnes qui vont pouvoir fournir des services à une population diversifiée. Voilà ce que je pense.
Concernant le fait qu'on ne peut laisser travailler les chirurgiens qui viennent d'un autre pays—je ne sais pas. Je pense que Donna a parlé de mentorat, de jumelage, d'apprentissage avec d'autres médecins. Nous ne proposons pas de laisser les médecins qui arrivent aujourd'hui opérer dès demain. Mais devraient-ils attendre sept, dix, douze ans avant de pouvoir le faire, ou changer de profession? C'est ce que certains conseillers leur disent : « Vous ne pratiquerez jamais la médecine au Canada. Pourquoi n'apprenez-vous pas à utiliser un ordinateur, par exemple? »
Le président: Merci beaucoup. Le temps file quand on s'amuse.
Je voudrais faire quelques commentaires et poser une ou deux questions. Je ne m'attends pas à ce que vous y répondiez aujourd'hui. Vous pouvez y réfléchir et nous fournir votre réponse plus tard.
Je pense que la non-reconnaissance des compétences acquises par les médecins à l'étranger est un problème qui relève davantage des gouvernement provinciaux qui veulent maîtriser leurs coûts, parce que lorsqu'ils ont besoin de médecins, ils trouvent le moyen de reconnaître leurs compétences rapidement. Je sais que la moitié des médecins dans ma collectivité ont été formés à l'étranger. Le problème vient du fait que nous envoyons des messages contradictoires.
Je fais partie de ce comité depuis plusieurs années. C'est la deuxième fois, en deux ans, que nous nous penchons là-dessus. Nous parlons souvent de l'Australie, de son système qui est meilleur que le nôtre. Or, si nous nous trouvons dans une impasse, c'est parce que nos échanges se font surtout avec les États-Unis d'Amérique. Les Australiens, eux, entretiennent des relations commerciales avec beaucoup plus de pays. Au fur et à mesure que nous élargissons nos marchés, nous constatons que la Chine et l'Inde, surtout, sont en train de se transformer en tigres. Ils vont déclasser les États-Unis au cours des 40 prochaines années, et vont devenir les grandes puissances économiques au monde.
Nous devons considérer la situation actuelle comme une excellente occasion d'affaires et valoriser l'expérience internationale, car lorsque vous possédez une telle expérience, vous pouvez faire affaire avec tous ces autres pays. Le gouvernement devrait sans doute faire plus pour convaincre le milieu d'affaires—l'amener à évoluer. Vous avez tout à fait raison de dire que les enfants sont beaucoup plus ouverts que leurs parents. C'est sans doute au Canada que nous trouvons les enfants les plus ouverts au monde.
La question que je me pose est la suivante: à l'heure actuelle, il existe un rapport de 60-40 entre la catégorie de l'immigration économique et celle du regroupement familial. Devrait-on changer ce rapport? J'aimerais savoir ce que vous en pensez—pas tout de suite, mais vous pouvez en discuter entre vous. Est-ce que le rapport devrait être de 50-50, de 40-60? D'après certaines études, les gens qui arrivent au Canada accompagnés de leurs familles sont plus beaucoup satisfaits de leur travail que ne le sont les personnes que nous attirons ici et qui sont justement des professionnels.
Ma deuxième question est la suivante: est-ce que les immigrants de la composante économique devraient comprendre les travailleurs spécialisés? Nous manquons de travailleurs spécialisés. Je parlais à mon voisin, ce week-end. Il y a, en tout cas en Ontario, une grave pénurie de mécaniciens d'ascenseur. J'insiste sur le mot grave. Et nous avons tous ces ascenseurs.
Ma dernière question est la suivante. Comme vous le savez, nous examinons la Loi sur l'immigration. Il va y avoir d'autres séances où nous allons pouvoir en discuter, mais nous devons revoir, entre autres, le préambule de la Loi sur la citoyenneté afin d'en proposer un qui reflète la nouvelle réalité du Canada, et le serment de citoyenneté. Je vous invite à jeter un coup d'oeil au serment actuel, à la loi, et à nous soumettre des propositions. Nous aimerions vraiment y ajouter un élément de poésie.
Je tiens à remercier tous les témoins qui ont comparu devant nous. Je vais en revoir certains plus tard. Merci beaucoup.
Nous allons suspendre la séance pendant quelques minutes, le temps que le prochain groupe de témoins puisse s'installer. Merci.
Le président: Nous poursuivons notre étude de la réunification des familles. Comme vous le savez, certaines annonces, que nous pouvons qualifier de raisonnables, vont être faites. Une fois que nous aurons reçu la version officielle, Colleen en fera la lecture pour le compte rendu.
Nous allons d'abord entendre Mme Mackey. Vous avez droit à sept minutes— je vous ferai signe lorsque votre temps sera presque écoulé. Mme Mackey, qui est travailleuse sociale en services d'établissement, représente l'organisme Association for New Canadians.
Voulez-vous commencer?
Mme Janet Mackey (travailleuse social en règlementation, Gestionnaire du service aux demandeurs d'asile, Association for New Canadians): Je m'appelle Janet Mackey et je travaille dans le domaine de l'établissement et de l'intégration des réfugiés et immigrants au Canada depuis plus de neuf ans.
Dans mon travail auprès des nouveaux arrivants, la réunification des familles constitue l'une de mes principales tâches parce qu'elle est un des facteurs qui détermineront si les nouveaux arrivants s'intégreront à leurs nouvelles collectivités.
Les nouveaux arrivants sont en bute à de nombreux problèmes. Premièrement, ils doivent satisfaire à leurs besoins fondamentaux: se nourrir, se loger, s'habiller et recevoir des soins de santé. Par la suite, ils se heurtent au choc culturel : s'adapter à une langue, à des lois, à des us et coutumes, à une alimentation et à des conditions météorologiques. Nombreux sont ceux qui ont été traumatisés par les expériences qu'ils ont vécues comme réfugiés: torture, persécutions et migration forcée, etc. On me consulte pour obtenir des renseignements, des conseils et de l'aide afin de vaincre l'anxiété qui en découle. Cependant, le fait de ne pas pouvoir obtenir la venue au Canada des membres de leur famille constitue la plus grande souffrance des nouveaux arrivants.
Mes clients arrivent au Canada comme réfugiés et me supplient de les aider à les réunir aux membres de leur famille qui sont demeurés à l'étranger. Comme Canadiens, notre famille se compose de notre conjoint et de nos enfants. Le reste de notre parenté constitue notre famille élargie: mères, pères, frères, soeurs, grands-parents, tantes, oncles et cousins.
Toutefois, la famille des nouveaux arrivants est plus grande. La famille est très élargie. Le désespoir les tenaille à la pensée qu'un des leurs se trouve encore à l'étranger et est en danger sans que ses besoins essentiels ne soient pas satisfaits. Ils rêvent d'aider les leurs et de les faire venir au Canada afin qu'ils y vivent en sécurité comme eux. Lorsqu'ils constatent leur impuissance à les aider immédiatement, ils éprouvent un sentiment de culpabilité énorme et écrasant qui les empêche de se concentrer sur ce qui pourrait leur être profitable. C'est la culpabilité du survivant, et le seul remède que j'ai trouvé à ce syndrome est la réunification de la famille ou l'établissement à l'étranger de ceux dont la vie est en danger et qui ne peuvent satisfaire leurs besoins essentiels.
Citoyenneté et Immigration Canada reconnaît déjà l'existence de ces difficultés. La section B des Procédures opérationnelles relatives au traitement des membres de la famille qui n'accompagnent pas le demandeur du statut de réfugié au sens de la Convention ou la personne protégée à titre humanitaire outre-frontières précise le délai prescrit d'un an. Je vous en cite un extrait:
La présente politique a été adoptée afin d'améliorer le traitement des familles de réfugiés grâce à la mise en oeuvre de mesures qui contribueront à réduire les périodes de séparation. Les facteurs ci-après montrent les obstacles auxquels font face les réfugiés qui se sont réétablis et la nécessité de telles mesures. |
Au tout début de leur arrivée, les réfugiés disposent d'un revenu restreint et ne possèdent souvent pas les ressources nécessaires pour parrainer des parents et satisfaire aux exigences en matière de revenu. De nombreux réfugiés réétablis doivent également assumer un fardeau financier supplémentaire puisqu'ils doivent rembourser les emprunts importants qu'ils ont contractés pour leur transport. Lorsqu'ils ne peuvent parrainer un parent, bien des réfugiés ont recours au secteur privé pour parrainer un membre de leur famille, ce qui augmente le nombre de demandes d'aide dont est saisi le secteur privé en matière de parrainage. |
Le délai prescrit d'un an constitue vraiment l'une des meilleures mesures qui a été élaborée au cours des dernières années, puisqu'elle répond à la nécessité des réfugiés d'être réunis avec les leurs dès que possible pour atténuer l'anxiété et la culpabilité du survivant, ainsi que pour favoriser l'installation et l'intégration du nouvel arrivant au Canada.
Cependant, je pense que ce délai prescrit d'un an devrait être modifié pour s'appliquer à une définition extensive de la famille. Le programme sert actuellement à faciliter la réunification avec le conjoint et les enfants à charge uniquement, et seuls ceux qui ont inscrit le nom de ces derniers sur la demande initiale d'immigration peuvent y être admissibles.
Lorsque mes clients présentent une demande de rétablissement, on leur répond souvent que, si leur conjoint et leurs enfants ne sont pas ici avec eux, les renseignements les concernant ne devraient pas figurer sur leur demande et qu'ils devront soumettre une demande pour les faire venir au Canada lorsqu'ils seront ici. C'est mal les informer car, s'ils n'ont pas consigné ces renseignements sur la demande initiale, ils n'auront pas droit de faire venir le reste de leur famille ici en vertu de ce programme, ce qui fait l'objet de nombreuses plaintes dont je suis saisie régulièrement.
Le exigences relatives à l'admissibilité du conjoint posent également problème, parce que le conjoint devait l'être au moment de la présentation de la demande initiale. Les demandes de rétablissement d'un réfugié nécessitent souvent des années. Par conséquent, si un de mes clients s'est marié après avoir présenté sa demande initiale, il est possible qu'il ne puisse pas faire venir sa conjointe au Canada. Leur sort est fonction de la qualité des renseignements que lui a fourni l'agent à l'étranger et du moment où ceux-ci ont été transmis.
¿ (0940)
Lorsqu'un nouvel arrivant veut être réuni à un membre de sa famille autre que son conjoint ou une personne à sa charge, il doit recourir au parrainage d'un membre de la famille, mais il doit travailler et toucher un revenu suffisant pour pouvoir subvenir à ses besoins et à ceux des siens qu'il souhaite parrainer.
Par conséquent, si le nouvel arrivant ne sait ni lire ni écrire dans sa langue maternelle et ne parle ni l'anglais ni le français, ses chances qu'il soit admissible sont très minces. Il ne lui reste plus qu'à abandonner les programmes de formation linguistique et d'établissement, à quitter la petite localité plus propice à son intégration en raison du niveau du soutien communautaire qu'il y recevrait et à accepter un emploi difficile, notamment dans un abattoir à Brooks, en Alberta, où il travaillera 14 heures par jour, parce qu'il pourra ainsi obtenir un meilleur salaire.
Le nouvel arrivant ne pourra pas satisfaire aux exigences financières pour le parrainage d'un membre de la famille s'il vit à Terre-Neuve-et-Labrador, compte tenu que le revenu annuel s'y établit à 12 480 $ au salaire minimum. Le parrain doit toucher un revenu annuel de 24 745 $ en vertu du guide régissant le parrainage d'un membre de la famille de Citoyenneté et Immigration Canada.
Si le nouvel arrivant peut assumer deux emplois à temps plein, il peut alors demeurer dans la ville initiale où il s'est réétabli. Le cas échéant, il doit acquitter les frais nécessaires au traitement de sa demande. Pour vous donner une idée, parrainer un adulte coûte 1 525 $ en frais de traitement, en plus de ce qu'il faut débourser pour les examens médicaux, les visas, les passeports ou le transport à destination du Canada.
Le processus est loin d'être facile. Il est trop long. Mes clients sont africains ou colombiens. Le processus peut nécessiter de 16 à 46 mois.
Voici les recommandations que je formule au comité.
Il faudrait étendre la définition de « membre de la famille » par rapport au délai prescrit d'un an, afin d'y ajouter un parent, un frère ou une soeur à charge ou les personnes à charge de facto. Lorsque le frère ou la soeur est plus vieux et pourrait jouer le rôle du père ou de la mère, il faudrait particulièrement en tenir compte et autoriser une telle réunification puisqu'elle serait dans l'intérêt du plus jeune.
En ce qui concerne le délai prescrit d'un an, il faudrait traiter les demandes encore plus rapidement pour permettre une réunification avant l'expiration de ce délai. Il faudrait établir une nouvelle catégorie : la réunion des familles d'un réfugié. L'objectif consisterait à autoriser les réfugiés qui se sont établis au Canada à y faire venir les leurs familles plus tôt. Il s'agirait d'un processus accéléré visant à réunir le nouvel arrivant avec un sien si le lien familial est avéré. Cela ne devrait pas nécessiter deux ans. Cette nouvelle catégorie serait conforme à l'engagement pris par le Canada afin de traiter les réfugiés d'une façon humanitaire et avec compassion. En matière de parrainage d'un membre de la famille, les catégories actuelles ne sont satisfaisantes que pour les personnes qui ne viennent pas d'un pays source de réfugiés et qui ne sont pas préoccupées par la sécurité des leurs et par la possibilité que les besoins essentiels de ces derniers ne soient pas satisfaits. Ce n'est pas une façon pertinente de traiter les demandes de réunification des familles de réfugiés.
Il faudrait réduire ou, idéalement, éliminer les frais de traitement afin que les réfugiés puissent être en mesure de présenter leurs demandes plus tôt. Il faudrait veiller à l'assurance de la qualité pour vérifier si les agents à l'étranger donnent aux réfugiés qui se réétabliront au Canada des renseignements complets et concrets sur le processus de réunification des familles. Il faudrait créer à l'étranger un groupe de travail spécial pour ne pas que, à proximité et à l'intérieur des camps de réfugiés et des bureaux de traitement des cas des réfugiés, des groupes non officiels donnent des renseignements interfèrent avec les sources officielles.
Enfin, si le jeune réfugié doit se réétablir seul au Canada, il faudrait élaborer un programme pour lui procurer un milieu de soutien dans lequel il pourra compter sur un parent de substitution pour le conseiller, l'aider, l'encourager et lui inculquer les connaissances élémentaires qui lui permettront de survivre au Canada jusqu'à ce qu'il soit réuni avec les autres membres de sa famille.
Je vous remercie de votre attention.
¿ (0945)
Le président: Très bien. Merci.
Je cède la parole à M. Summers.
M. Nick Summers: Merci.
Nous avons rédigé un bref rapport, que j'ai remis au greffier et qui porte sur un aspect de la réunification des familles, c'est-à-dire les membres exclus de la famille, et j'y reviendrai dans un instant. Auparavant, le CCR, le Conseil canadien pour les réfugiés, souhaite certes formuler des recommandations sur plusieurs autres questions relatives à la réunification des familles.
Tout d'abord, nous reconnaissons qu'il existe des motifs impérieux d'améliorer la façon dont nous traitons la réunification des familles, étant donné les avantages socio-économiques manifestes qui en découlent et étant donné que le Canada est tenu légalement de le faire en vertu des diverses conventions que nous avons signées.
C'est une affaire de chiffres qui est à l'origine de l'un des principaux obstacles à la réunification des familles. Il y a quelques jours, j'ai participé à une réunion à Banff, où le ministre a pris la parole et a comparé l'immigration au Canada à un énorme avion qui peut accueillir 250 000 personnes mais qui n'en transportera pas une de plus.
Monsieur le président, vous avez fait allusion, la dernière fois, à une répartition 60-40, ce qui pose un énorme problème en matière de réunification des familles. Le nombre de places autorisé est restreint et la catégorie de personnes admises pour des raisons humanitaires ne constitue que 40 % du total. Si vous éliminez tous les différents aspects, il ne reste plus beaucoup de marge de manoeuvre.
Nous attendons, non sans intérêt, l'annonce que fera le ministre aujourd'hui. Il proposera apparemment des moyens d'accélérer la venue de parents et de grands-parents au Canada. Il sera intéressant de voir s'il augmentera le nombre total—autrement dit, s'il haussera le nombre de places à bord de l'avion dont il a parlé—ou s'il modifiera la répartition 60-40. Nous craignons que le nombre total ne sera pas augmenté, car si vous modifiez cette répartition—particulièrement, si les places supplémentaires réservées aux parents et aux grands-parents proviennent de ces 40 %—, cela signifiera que d'autres seront exclus. Nous croyons donc qu'il faut envisager attentivement cette question.
Lors d'une comparution précédente devant votre comité, nous vous avons fait part de nos préoccupations à l'égard de la réunification des familles. Je ne m'éterniserai pas sur la réunification lorsqu'il s'agit d'un réfugié qui a été accepté au Canada. Nous vous avons présenté un mémoire qui s'intitulait Plus qu'un cauchemar : Retards dans la réunification des familles de réfugiés et qui portait sur ce problème, mais je vous propose qu'il serait pertinent que vous examiniez de nouveau ce document.
Essentiellement, il faut entre trois et cinq ans pour faire venir des gens au pays. Tel est le problème. Aux termes de la loi, les membres de la famille d'un réfugié accepté au Canada peuvent faire l'objet d'une réunification de la famille ici, mais il faut un temps fou pour le faire. Nous avons recommandé et nous recommandons encore de faire venir ces gens au Canada pour traiter leur cas ici plutôt que de les laisser dans un camp de réfugiés, car, dans la vaste majorité des cas, une telle réunification ne pose aucun problème.
Lorsque j'ai comparu devant vous à Ottawa en décembre 2004, si je me souviens bien, j'ai également abordé—ce dont il était question également dans le mémoire—l'étude des répercussions sur les enfants de la Loi canadienne sur les réfugiés. Aux termes de celle-ci, l'enfant qui est considéré comme un réfugié n'a pas le droit à la réunification familiale. Dans la même situation, le père ou la mère peut parrainer son enfant, mais ce dernier qui arrive au pays seul ne peut pas y faire venir ses parents. C'est, me semble-t-il, causer une grande injustice et un grave préjudice aux enfants. Si je comprends bien le motif justifiant cette position, c'est que le gouvernement ne veut pas que les gens envoient leurs enfants au Canada dans l'espoir qu'ils y seront acceptés. Il s'agit là d'une crainte qui n'est pas, selon nous, légitime, et les conséquences sont trop lourdes pour justifier une telle position. Il ne faudrait pas séparer les enfants de leur famille.
J'aimerais revenir sur le programme de parrainage privé qui, à vrai dire, n'est pas un programme de réunification des familles mais qui a tendance à le devenir parce qu'il constitue vraiment la seule solution qui s'offre beaucoup.
¿ (0950)
Si quelqu'un est établi au Canada mais ne peut pas y faire venir les membres de sa famille parce qu'ils ne sont pas reconnus comme étant des réfugiés ou parce qu'ils sont arrivés ici d'une autre façon, l'une des seules solutions qui s'offrent alors consiste à demander l'aide d'un groupe local, religieux ou communautaire dans le cadre d'une initiative de parrainage privé. Dans une étude que nous avons intitulée Y a-t-il un moyen plus rapide?, nous avons examiné les problèmes relatifs au traitement des demandes de parrainage privé, traitement qui nécessite de nombreuses années et cause beaucoup de préjudices. Je vous recommande également de réexaminer cette étude.
La réunification des familles pose un autre problème : le gouvernement exige de plus en plus l'analyse génétique pour prouver la parenté des gens qu'on veut faire venir au Canada. En principe, cela ne semble poser aucun problème, car personne ne refusera une analyse génétique s'il existe vraiment une consanguinité. Le problème, c'est que cette analyse génétique coûte très cher et ne peut souvent pas être exécutée dans les pays où se trouvent ces personnes. On m'a signalé un cas où l'on a informé quelqu'un qu'il devait traverser une zone de guerre pour se rendre à l'endroit où s'effectuait l'analyse génétique.
C'est insensé. Le Canada ne reconnaît qu'un certain nombre d'endroits qui sont autorisés à effectuer l'analyse génétique. À cause de la nature de l'analyse génétique, les prélèvements doivent être faits sur place et ne peuvent tout simplement pas être expédiés.
Je voudrais aborder la question des membres de la famille exclus. Lorsque quelqu'un n'indique pas un membre de sa famille sur sa demande, il ne peut pas le faire ultérieurement. Vous pourriez penser qu'on agit ainsi afin d'obtenir des garanties. Le hic, c'est cependant que les gens ne savent pas toujours qu'ils ont encore certains membres de leur famille qu'ils pourraient faire venir au Canada, peut-être parce qu'ils pensent qu'ils sont décédés. Un homme n'a appris qu'il avait un enfant qu'à son arrivée au Canada. C'est imposer à ces gens une interdiction permanente. Ils ne peuvent ajouter des noms supplémentaires, ce qui leur cause un grave préjudice.
Je vous demande de lire notre mémoire.
Le président: Merci.
Je cède maintenant la parole à M. Tong Kom.
M. Liai Tong Kom (co-commanditaire, Paroisse de la Basilique de Saint-Jean-le-baptiste, Roman Catholic Episcopal Corporation of St. John's): Oui.
Mme Laurel Doucette (paroissienne, Paroisse de la Basilique de Saint-Jean-le-baptiste, Roman Catholic Episcopal Corporation of St. John's): Serait-il possible que je prenne la parole avant Liai? Mon intervention pourra ainsi servir d'introduction à la sienne.
Le président: Certainement.
Mme Laurel Doucette: Je m'appelle Laurel Doucette et je fais partie de la paroisse de la Basilique. Le mémoire dont vous êtes saisis a été rédigé par Frank Fowler, qui n'a pu assister à la présente séance. Il est le président du comité de la paroisse de la Basilique qui a parrainé la famille de Lai, de concert avec la Roman Catholic Episcopal Corporation of St. John's.
Nous sommes particulièrement inquiets du temps qui s'est écoulé depuis que notre demande de parrainage a été acceptée par Citoyenneté et Immigration Canada, le 9 juillet 2003. Le service d'immigration du Haut-Commissariat du Canada à Nairobi nous a avisés, le 22 octobre 2003, qu'un examen préliminaire du dossier avait été effectué et qu'une entrevue aurait lieu à Kampala. La date de cette entrevue n'a toujours pas été fixée.
La famille que nous parrainons est formée d'une veuve de 36 ans et de ses cinq enfants âgés de 1 à 14 ans. Agoth Adut Ajiek est la belle-soeur de Liai Tong Kom, qui est arrivé au Canada comme réfugié du Soudan, il y a trois ans, et qui demeure toujours à St. John's. Il contribue également à la vie paroissiale de la paroisse de la Basilique et a pris sur lui d'aider sa famille élargie qui attend à Kampala, en Ouganda, dans l'espoir de la faire venir bientôt au Canada.
Afin d'offrir suffisamment de garanties à Citoyenneté et Immigration Canada concernant les obligations entourant le parrainage, la Roman Catholic Episcopal Corporation a accepté d'être répondant communautaire de cette famille, avec la paroisse de la Basilique et Liai Tong Kom, comme partenaires de parrainage. Nous croyons disposer de toutes les ressources nécessaires pour aider cette famille à s'installer au Canada. Il est désolant et inutile que les enfants d'âge scolaire de cette famille aient déjà perdu deux ans dans des conditions difficiles de réfugiés dans un pays étranger, alors qu'ils auraient déjà pu être au Canada depuis un an.
Je cède maintenant la parole à Liai.
¿ (0955)
M. Liai Tong Kom: Merci beaucoup de me donner l'occasion de parler devant vous.
Je ne pense pas qu'il y ait autre chose à ajouter en plus de ce que vient de dire Laurel. J'aimerais simplement vous donner un aperçu de la situation de ces enfants dans l'endroit où ils se trouvent actuellement.
Ces enfants sont vraiment impuissants, personne ne peut les aider là où ils se trouvent aujourd'hui. Leur mère n'a pas d'éducation, elle ne connaît pas de langue lui permettant de communiquer avec les autres. Dans la région où ils se trouvent, les gens considèrent que ceux qui vivent dans le monde occidental ont beaucoup d'argent. Par conséquent, toute personne qui se trouve dans le monde occidental et qui veut faire faire quoi que ce soit doit payer beaucoup d'argent. C'est la réalité. Si un enfant est malade et que je dois trouver quelqu'un pour l'amener à l'hôpital et pour servir d'interprète, cette personne me demandera de la payer. Pour tout ce qu'il faut faire, je dois trouver quelqu'un et payer cette personne qui peut ainsi les accompagner et servir d'interprète. C'est véritablement ce que je dois faire.
Je ne sais pas ce que je peux ajouter. Je sais qu'en vertu des lois sur l'immigration, il faut d'abord connaître les gens que l'on veut amener au pays. Je crois que toutes les lois sur l'immigration ne pourraient pas s'appliquer; elles ne peuvent pas s'appliquer aux enfants de mon frère, car ils ont tous moins de huit ans; lorsqu'ils arriveront ici, ils s'adapteront facilement à la culture canadienne et ne ressentiront aucun effet néfaste.
J'ai été confronté à une situation particulière—je vous en ai déjà parlé—lorsqu'un enfant a eu la malaria ou la diphtérie. C'était le milieu de la nuit. La mère ne savait pas que faire. Elle m'a donc appelé et m'a dit ce que je devais faire. Je devais appeler un taxi dont j'avais le numéro; je devais appeler ce taxi pour qu'il puisse la conduire à l'hôpital et je devais servir d'interprète au téléphone. C'est ce que je devais faire et c'est ce qui explique tous ces coûts que j'ai dû défrayer. Elle a dû enfermer les autres enfants à la maison et retourner à l'hôpital pendant que je traduisais au téléphone les renseignements pour les médecins et pour le chauffeur de taxi.
À l'arrivée, les choses allaient vraiment très mal. L'enfant a été admis à l'hôpital et la mère a dû y passer la nuit tandis que ses autres enfants étaient enfermés chez-elle. J'ai donc dû passer toute la nuit au téléphone pour vérifier que tout allait bien pour elle et je n'avais aucun moyen de vérifier que les enfants étaient à la maison. Le lendemain matin, j'ai dû appeler quelqu'un pour aller à l'hôpital chercher la clé et ouvrir la porte aux enfants.
Face à tout ceci, je ne sais que faire. Je suis véritablement impuissant et démuni. J'ai écrit au ministre l'Immigration pour lui demander s'il pouvait m'aider.
Cette famille n'a aucun problème. Si elle pouvait venir, les gens de la basilique en assumeraient toute la responsabilité, vu qu'ils sont prêts à aider peu importe le moment de son arrivée.
Je ne sais pas ce que je dois faire et c'est la situation dans laquelle je me retrouve, sans compter que ma soeur est émotivement très affectée. Elle ne croit pas maintenant avoir besoin d'aide, elle me dit toujours que lorsqu'elle ne me parle pas au téléphone, elle souhaite mourir avec tous ses enfants. Elle a déjà perdu deux enfants qui sont morts de faim. Après notre conversation téléphonique, elle se retrouve toujours dans une situation aussi mauvaise qu'avant. Je ne sais plus alors que faire.
Telle est donc ma situation. Tous les jours, je sers d'interprète. La fille est malade et je dois constamment la rassurer pour qu'elle ne s'inquiète pas trop. Elle va recevoir de l'aide pour arriver ici. Je ne sais pas encore combien de temps je vais devoir continuer.
Merci.
À (1000)
Le président: Merci beaucoup.
Pourrions-nous entendre Mme Jeffrey?
Mme Donna Jeffrey: J'aimerais pouvoir dire quelque chose à propos de Liai avant que vous ne minutiez mon temps de parole. Le permettez-vous?
Le président: Vous êtes inscrite pour l'étude de la réunification des familles.
Mme Donna Jeffrey: Oui, la réunification des familles.
Le président: C'est exact.
Mme Donna Jeffrey: D'accord. Comme dans le cas du dernier exposé, la réunification de la famille a été accordée il y a deux ans. Malheureusement, les choses ont empiré en ce qui concerne la réunification des familles.
Il faut compter beaucoup trop de temps à partir du moment où les répondants entament le processus de parrainage des membres de la famille. Comme on l'a dit plus tôt, c'est en général prévu pour des membres de la famille. Il y a quelques années, il fallait compter deux ans au maximum; aujourd'hui, il me semble que cela prend trois ans. C'est impardonnable compte tenu des traumatismes émotifs que subissent les gens qui attendent et qui se trouvent dans des situations extrêmement difficiles.
Il y a deux semaines, j'ai appris qu'une famille parrainée il y a plus de cinq ans devait arriver mercredi. C'est un cas de réunification de la famille, réglé trop tard, puisque le membre de la famille qu'elle devait venir voir à l'origine est maintenant décédé. Le bureau des visas m'a donné très peu de nouvelles. Nous sommes censés avoir de telles nouvelles à trois reprises, alors que le bureau des visas ne m'a contactée qu'une seule fois.
Je m'occupe de plusieurs camps de réfugiés et je reçois des rapports au sujet des conditions dans ces camps. Les réfugiés fuient dans ces pays pour des questions de sécurité et pourtant c'est dans ces camps qu'ils souffrent davantage, souvent à cause de la corruption. Les conditions dans ces camps sont déplorables. Des soldats rebelles s'y introduisent pour commettre des viols et des meurtres. Malheureusement, même si certains essaient de faire leur travail dans les camps, il y en a toujours qui le bousillent.
Dans bien des camps de réfugiés éparpillés dans toute l'Afrique, l'embauche du personnel se fait presque toujours sur place. Certains de ces employés usent souvent de leur pouvoir pour donner des ordres et de faux renseignements. Par exemple, lorsqu'une famille se fait dire qu'elle ne peut amener qu'un petit nombre de ses membres, pas une famille de neuf personnes—en d'autres termes lorsqu'il y a sept enfants—elle croit l'agent officiel. Trop de réfugiés que j'ai appris à bien connaître sont véritablement terrifiés par les agences gouvernementales et leurs représentants. Est-ce surprenant? Qu'ont-ils vécu?
Voulant à tout prix éviter la traite des enfants, les Nations Unies ont déclaré que si le nom d'un enfant ne figure pas sur la liste, il n'est pas autorisé à venir. Les enfants ne sont pas acceptés. Les parents sont ici avec trois enfants, car seule une famille peut venir; la famille a donc décidé de laisser quatre de ses enfants au camp.
Le Canada, pays qui agit en général en fonction de ce que disent les Nations Unies, les Américains ou n'importe quel autre organisme international d'importance, n'a jamais vérifié la mise en oeuvre des décrets. Bien sûr, il faut faire attention à la traite des enfants. Malheureusement, tout en essayant de l'éradiquer, on finit par jeter le bébé avec l'eau du bain. Cela finit pas faire plus de mal que de bien alors qu'il faudrait protéger les innocents et ne pas leur causer du tort.
Nous sommes saisis d'un cas bien précis. Quatre enfants se trouvent maintenant depuis un an dans le camp de réfugiés sans leurs parents, qui sont ici. Les Nations Unies et le Canada refusent de faire venir ces enfants qui, soit dit en passant, sont âgés de neuf à quinze ans. Pourquoi ne peuvent-ils pas venir? La réponse est immuable: leur nom ne figure pas sur la liste et ils doivent par conséquent rester dans le camp de réfugiés.
À (1005)
Qui en souffre le plus? Bien sûr, les parents souffrent, mais ce sont les enfants qui en souffrent le plus. Les parents sont ici avec trois enfants, tandis que les autres sont toujours là-bas.
Les Nations Unies et le Canada ont déclaré que les droits de l'enfant sont prioritaires. Peut-être convient-il que je souligne, en termes simples, certaines des déclarations pertinentes.
Les enfants ont le droit de vivre avec leurs parents. Les enfants ont le droit de vivre dans une famille qui prend soin d'eux. En vertu de l'article 18 de la Convention relative aux droits de l'enfant, les enfants ont le droit d'être élevés par leurs parents. En vertu de l'article 24, les enfants ont le droit d'avoir accès aux meilleurs soins de santé possible, de boire de l'eau potable, de manger sainement, de vivre dans un milieu propre et sûr et d'avoir accès à l'information leur permettant de rester en bonne santé.
Comme je l'ai dit plus tôt, que se passe-t-il dans les camps? Dans le cas d'une fille de 13 ans, je savais ce qui allait arriver. Elle a été violée. Nous essayons maintenant de la faire venir, la famille, au Canada. J'ai commencé le processus par un parrainage, mais ce n'est plus ce qui va se faire, les choses ont récemment changé.
J'ai également dû prévoir un test ADN... Les généticiens locaux ont dit qu'ils pouvaient le faire sans que nous-mêmes, ou la famille, aient à le payer. À mon sens, 1 000 $ est un peu trop. Ils le font gratuitement.
Comme la famille est toujours là-bas, le parrainage devait fonctionner, mais pas plus tard que vendredi dernier dans l'après-midi, tout a été changé et ils vont pouvoir venir d'une autre façon. Je ne sais pas quand toutefois, mais cela risque de ne pas se faire suffisamment tôt.
Si la famille arrive de cette autre façon, il nous faudra trouver de l'argent. Si je ne me trompe, il s'agit de 600 $—et je sais que quelqu'un ici présent peut me corriger si nécessaire. Il s'agit de 600 $ de frais, ou davantage. D'où va provenir cet argent? Il ne faudrait pas les empêcher de venir pour cette seule et unique raison.
C'est ainsi que je peux résumer la question de la traite des enfants, la crainte relative à la traite des enfants.
À (1010)
Le président: Merci beaucoup.
Mme Quaicoe est la dernière personne de ce groupe à prendre la parole.
Mme Lloydetta Quaicoe: Bonjour de nouveau et merci, au nom de la Multicultural Women's Organization of Newfoundland and Labrador, de nous donner l'occasion de participer à cette séance publique.
À titre de préambule, j'aimerais présenter brièvement notre organisation et me concentrer sur la question de la réunification des familles et sur les problèmes inhérents associés aux politiques CIC relatives à l'immigration—catégorie du regroupement familial. Après des conversations officielles avec nos membres et des consultations avec des familles immigrantes et néo-canadiennes, nous aimerions nous concentrer sur trois domaines qui, selon nous, doivent faire l'objet d'un examen, au chapitre notamment de la définition, de la discrétion et des délais. Conformément au guide pour la préparation d'un mémoire à la Chambre des communes, je terminerai mon exposé en formulant des recommandations.
La Multicultural Women's Organization of Newfoundland and Labrador, organisation bénévole et sans but lucratif, a été fondée en 1982 et elle est dirigée par un conseil bénévole élu. Elle est membre de l'Organisation nationale des femmes immigrantes et des femmes appartenant à une minorité visible du Canada. Elle s'efforce de cerner les besoins culturels, sociaux, économiques et éducatifs de femmes issues d'horizons culturels et religieux variés et de leurs familles, et d'élaborer des stratégies visant à répondre à ces besoins.
Voici quels sont les objectifs de notre organisation : sensibiliser davantage la population à la situation des femmes immigrantes, réfugiées, appartenant à un groupe ethnique ou à une minorité visible, ainsi qu'à celle de leurs familles, et favoriser des relations positives et saines entre les collectivités ethnoculturelles et locales. Nous offrons un soutien et des réseaux sociaux aux femmes et aux jeunes immigrants appartenant à une minorité visible afin de les aider à s'adapter à la société canadienne. Nous y parvenons en réalisant des projets de développement, en partenariat avec les gouvernements et les organisations de la collectivité. Nous sommes en train de mettre en oeuvre un programme communautaire multiculturel de sensibilisation à l'intention des immigrants et des réfugiés portant sur la prévention du crime au moyen du développement social.
Pour ce qui est de la question de la réunification des familles, nous voulons attirer votre attention sur les documents de politique CIC ainsi que sur le rapport annuel de 2004 sur l'immigration déposé au Parlement. D'après le communiqué de l'ancienne ministre de l'Immigration, et je cite : « Notre plan en matière d'immigration pour 2005 contribuera à la croissance économique du Canada, tout en favorisant la réunification des familles et la protection des réfugiés. » Ce communiqué date du 28 octobre 2004.
Nous comprenons que si CIC souhaite favoriser la réunification des familles, certains aspects des politiques et des exigences actuelles en matière d'admissibilité n'appuient pas le processus. Par exemple, dans les cas de parrainage liés à des mariages ou des adoptions, les agents doivent être convaincus que les relations et les liens sont authentiques et ne sont pas créés uniquement pour obtenir un statut ou des privilèges au Canada. Ces décisions sont laissées à la discrétion des agents d'immigration ou de visas qui ne sont pas toujours compétents culturellement parlant, ni sensibles aux normes ou valeurs culturelles des demandeurs. Il faut instaurer un changement dans l'attitude globale envers les requérants de la catégorie des familles, car même s'ils sont étiquetés comme appartenant à la classe non-économique, ces immigrants—conjoints, parents, grands-parents—contribuent à l'économie canadienne; l'argent qui serait envoyé à l'étranger pour venir en aide aux membres de la famille pourrait maintenant être dépensé ici pour les nécessités courantes de la vie. Nous sommes au courant du coût des cartes téléphoniques qui servent à appeler les membres de la famille à l'étranger.
En outre, ces membres de la famille fournissent un capital culturel et social répondant aux besoins des familles qui travaillent, en prenant soin des enfants pour permettre aux adultes de travailler, de payer des impôts et de contribuer à l'économie du pays. Les membres de la famille jouent un rôle important dans la transmission des valeurs et du patrimoine culturel ainsi que dans le contexte du bien-être global de la famille. Il ne fait aucun doute que cet apport donne lieu à des avantages économiques.
Pour ce qui est de la définition de la famille dans la catégorie---regroupement familial, nous pensons que le système favorise le concept de la famille qui prévaut en Europe occidentale, faisant ainsi preuve de discrimination à l'égard de Canadiens provenant de contextes culturels différents. Si mon jeune frère meurt, sa femme et ses enfants deviennent mes personnes à charge, car en épousant sa femme, elle est devenue membre de notre famille; par conséquent, ses enfants sont les miens et j'en suis responsable.
En vertu du système actuel, ces enfants ne seraient pas admissibles à venir au Canada dans la catégorie regroupement familial, à moins que leur mère ne meure et qu'ils ne deviennent orphelins. Même si ces enfants dépendaient de moi pour leur éducation ainsi que pour les autres nécessités de la vie, il faudrait qu'ils perdent leur mère pour être admissibles à venir au Canada sous mon parrainage.
Nous aimerions demander que CIC revoit cette politique relative à la définition de la famille, car dans les cultures que représentent de nombreux immigrants qui sont originaires d'Asie, d'Afrique et des Antilles, la famille ne cadre pas avec le modèle de la famille nucléaire retenu à l'heure actuelle comme le critère dans le contexte de la catégorie---regroupement familial du CIC. La famille élargie fait partie de la culture des immigrants qui viennent au Canada. Comme les pays d'origine des immigrants changent, certaines des politiques qui régissent ces néo-Canadiens... Le Canada est une société multiculturelle qui est stimulée par la diversité culturelle. Selon la politique CIC sur l'adoption, l'agent des visas « approuve la demande de résidence permanente s'il est estime qu'il existe un véritable lien de filiation entre l'adopté et le parent adoptif ».
À (1015)
Depuis des années, les Canadiens de descendance européenne sont autorisés à se rendre à l'étranger pour adopter et ramener des enfants du Cambodge, de la Chine, de la Roumanie et du Vietnam avec lesquels ils n'ont aucun lien de parenté. Les immigrants d'Afrique qui souhaitent ramener des enfants de leur famille élargie voient leur demande rejetée parce qu'ils ne répondent pas aux critères correspondant à la catégorie de la famille, ou bien ils doivent payer des tests d'ADN coûteux. Le coût élevé de ces tests et les délais de cette procédure constituent un obstacle pour les familles qui souhaitent une réunification. Comment peut-on comparer l'authenticité des démarches prises envers un enfant qui a des liens de parenté avec le répondant par rapport à celles prises envers un enfant qui n'a pas ces liens de parenté?
Sur la question de l'authenticité, les répondants qui font des démarches en vue de réunifier une famille doivent fournir des documents de naissance et des contrats de mariage pour pouvoir présenter une demande. Or, dans certaines cultures et dans certaines petites localités, la naissance d'un enfant n'est pas enregistrée comme au Canada. De même, les mariages ne sont pas tous célébrés à la cour ou à l'église. On exige que les répondants produisent des documents qui satisfont aux normes canadiennes; ce n'est pas facile pour ceux qui sont mariés selon le droit et les coutumes traditionnels de produire un document légal confirmant leur relation. La non-disponibilité de ces documents fait douter des répondants, car les agents d'immigration présument qu'ils ne sont pas authentiques, ce qui empêche la réunification des familles. Les agents doivent être sensibles aux différences culturelles parce que le réseau familial élargi joue un rôle très important dans le développement des valeurs familiales fondamentales et l'intégration dans un nouveau pays.
De plus, les mariages arrangés font partie des moeurs depuis des centaines d'années. Le mariage d'amour est un concept occidental qui n'existe pas dans certaines cultures. Alors comment un conjoint peut-il prouver à un agent d'immigration ou un agent des visas qu'il entretient une véritable relation amoureuse? Le répondant doit essayer de prouver une relation antérieure en recueillant des photographies et des lettres auprès des témoins de moralité, dans une culture où il est irrespectueux et interdit à deux personnes d'être vues ensemble en public avant d'être mariées.
Troisièmement, comme nous l'avons déjà entendu, les délais imposés par le programme de parrainage pour la réunification des familles sont très longs, à cause de la paperasse et des détails exigés. Les répondants dont la première langue n'est pas l'anglais ou qui ne connaissent pas bien le système doivent surmonter ces autres obstacles linguistiques et culturels. Les procédures, les formulaires de demande et l'évaluation du parrainage-parents sont extrêmement compliqués et envahissants. On manque d'information et de directives pour remplir les formulaires à la satisfaction des agents de CIC. Les délais et l'argent qu'il faut y investir sont tels que les démarches deviennent coûteuses pour les nouveaux immigrants.
La réunification des familles de réfugiés réétablis comporte également des difficultés. Bien qu'il s'agisse de résidents permanents, ils sont désavantagés s'ils n'ont pas l'argent nécessaire. Les bénéficiaires de l'aide sociale ne peuvent parrainer un membre de leur famille, même si cette personne sera probablement en mesure de travailler et de partager les responsabilités du ménage par la suite. Par ailleurs, le délai d'un an est trop court, parce que lorsque les réfugiés réétablis arrivent dans un nouveau pays, ils doivent apprendre une nouvelle langue et se familiariser avec les systèmes sociaux et politiques, chercher un emploi, etc., si bien que ce n'est que quatre ou six mois après leur arrivée qu'ils apprennent qu'ils peuvent parrainer leur famille. Ils doivent recevoir cette information et de l'aide dès leur arrivée, même à l'aéroport, pour pouvoir présenter une demande et entreprendre des démarches pour faire venir les membres de leur famille qu'ils ont laissés derrière eux, parfois dans des conditions extrêmement difficiles, dans des camps de réfugiés, comme nous l'avons entendu.
On dit habituellement aux réfugiés réétablis de recourir au programme du groupe de cinq personnes pour parrainer l'immigration des membres de leur famille. La principale difficulté de cette démarche, c'est qu'il faut un certain temps pour gagner l'amitié et la confiance de gens qui accepteront d'assumer une telle responsabilité. Ce matin même, lorsque j'étais en route, la radio d'État a parlé d'une personne qui a attendu pendant sept ans l'arrivée de sa mère et de sa soeur au Canada.
Je vais terminer brièvement en présentant les recommandations suivantes à Citoyenneté et Immigration Canada : faire en sorte que les critères correspondant à la catégorie de la famille soient culturellement mieux adaptés aux besoins des immigrants; revoir sa politique concernant la définition de la famille pour que le processus soit plus inclusif; revoir les formulaires de demande pour qu'ils soient plus faciles à lire et à remplir; fournir du personnel d'immigration dans les localités qui aideront à remplir les formulaires; enfin, examiner les avantages que comportent les tests d'ADN par rapport aux coûts qu'ils représentent pour les familles à faible revenu.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Avant de commencer la période de questions, j'aimerais signaler au groupe de témoins que la moitié des membres du comité sont des immigrants et qu'il y a deux réfugiés à la Chambre des communes, c'est-à-dire moi-même, qui ai fui la révolution hongroise, et Rahim Jaffer, qui est originaire de l'Ouganda. Les autres membres du comité ici sont des Canadiens de première génération ou ont beaucoup d'empathie pour les immigrants de ce pays. Colleen défend cette cause depuis qu'elle a 17 ans, ce qui remonte à peu d'années.
À (1020)
Mme Colleen Beaumier: C'était il y a quelques années à peine, alors je n'ai pas beaucoup d'expérience.
Le président: D'accord.
Nous commencerons avec M. Jaffer.
M. Rahim Jaffer: Merci, monsieur le président.
Et merci également à vous tous pour vos présentations. Certains témoignages sont très touchants.
J'aimerais d'abord poser des questions à M. Summers.
Vous dites qu'en vertu de la loi actuelle, les enfants de réfugiés sont souvent séparés de leurs parents, ce qui est très peu su, je crois. Je me demande pourquoi pareille chose se produit et ce qui arrive aux enfants lorsqu'ils viennent ici. Ce n'est sûrement pas facile d'essayer de les intégrer et de leur trouver des foyers convenables, etc.
Vous pourriez peut-être parler davantage de cette situation.
M. Nick Summers: Eh bien, il existe un certain nombre de raisons pour lesquelles les enfants peuvent se retrouver seuls dans le système. Nous parlons ici de personnes de moins de 18 ans, alors certains de ces enfants peuvent arriver d'eux-mêmes au Canada. Chaque année, environ 200 mineurs non accompagnés se retrouvent dans le système de réfugiés, et des représentants leur sont assignés. Ce sont parfois des membres des organismes sociaux de la ville où ils se trouvent, ou encore un parent éloigné qui s'engage à les aider.
Il y a également des orphelins. Ils se trouvent dans des camps de réfugiés. Nous parlons de zones de guerre, de zones de famine. Les gens meurent et les enfants se retrouvent seuls.
Concernant l'injustice dont j'ai parlé tout à l'heure, nous reconnaissons le besoin de réunir les familles, mais quand il s'agit d'un enfant, on ne lui offre pas la même chose. Bon nombre d'enfants n'ont pas de famille et c'est pourquoi ils arrivent seuls.
Il y a également des situations, qui ne sont pas rares, où les membres d'une même famille sont séparés et disséminés, et ça prend des années pour retrouver le mari, la femme, les enfants. Si un enfant se trouve au Canada et a reçu le statut de réfugié, nous lui disons « Nous sommes désolés, mais nous n'allons pas te permettre d'amener tes parents ici, ni tes frères, ni tes soeurs », alors que si la situation était inversée, la famille pourrait être réunie. Nous considérons qu'il s'agit d'une injustice terrible.
Nous nous justifions en disant que nous ne voulons pas que les gens envoient leurs enfants vers l'inconnu dans l'espoir d'être acceptés à un endroit où ils pourront ensuite les traîner derrière eux, mais il n'y a aucune preuve qu'une telle situation s'est déjà produite, et il me paraît cruel d'agir ainsi.
M. Rahim Jaffer: Je vous remercie de cette précision.
Ma prochaine question s'adresse à Liai.
Vous avez dit que vous aviez écrit au bureau du ministre et que vous aviez demandé des précisions sur la façon de faire venir ces enfants ici—je crois qu'il s'agit de la famille de votre soeur? Il y avait également des gens à la basilique qui étaient prêts à les parrainer.
Quelle réponse avez-vous reçue du bureau du ministre? Avez-vous une idée de ce qui se passe? Y a-t-il une démarche de parrainage en cours? Où en êtes-vous?
M. Liai Tong Kom: En fait, je lui ai écrit plus d'une fois, et les gens de la paroisse de la basilique ont communiqué avec lui plusieurs fois, et nous n'avons reçu aucune information de lui, si ce n'est qu'il a écrit au prêtre de la paroisse, qu'il a reçu la lettre et que son personnel examinait maintenant le dossier.
Il s'agit du ministre de l'Immigration qui a quitté son poste récemment. C'est tout ce qu'il a dit, et il n'y a eu aucune autre information par la suite.
M. Rahim Jaffer: Il me semble que ces procédures pourraient être accélérées, si des gens sont prêts à parrainer et qu'il y a l'appui de la basilique également. Je pense que les choses pourraient être accélérées, mais il y a assurément certains blocages dans le système.
J'aimerais savoir où en est le dossier et ce que le bureau du ministre... Je sais qu'il y a eu certains changements, mais nous pourrions peut-être voir ce qu'il en est, de même que les membres du comité.
Je voulais simplement savoir où en était le dossier, et je vous remercie de votre réponse.
Vouliez-vous ajouter quelque chose?
À (1025)
M. Liai Tong Kom: Oui, j'aimerais ajouter quelque chose. Vous allez comprendre mes inquiétudes. C'est exactement comme je l'ai expliqué tout à l'heure. Je me fais constamment du souci. Or, je croyais qu'une fois arrivé au Canada, je vivrais en paix. Malheureusement, je ne vis pas en paix. Je vis dans un monde de dilemmes. Je ne crois pas que je suis avec les gens.
Les gens de la basilique essaient toujours de me réconforter, mais je ne réussis pas à me ressaisir.
Lorsque je parle à ces enfants au téléphone, ils se mettent à pleurer en me disant qu'ils ne devraient pas perdre leur vie encore lorsqu'ils entendent ma voix. Je n'ai rien à leur dire. Je ne sais pas comment leur expliquer la situation.
Les gens de la basilique ont pris cette responsabilité. Ils fournissent même de la nourriture maintenant et ils louent la maison pour eux. Je ne sais pas ce que je peux dire. C'est la situation dans laquelle mes amis et moi nous retrouvons.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons maintenant entendre Mme Faille.
Mme Meili Faille: Oui. J'accepterais bien un peu d'aide cette fois-ci. Je vous joue des tours maintenant. Si je me mets à parler en chinois, personne ici ne va comprendre. Je vais vous épargner; alors, vous devrez aussi m'épargner lorsque vous viendrez à Montréal.
Je n'ai toujours pas compris cette question. Je travaille comme bénévole dans la communauté également, depuis que je suis députée. J'ai mis le bureau sur pied avec un agent qui travaille sur les dossiers d'immigration. J'ai maintenant deux personnes et demie. J'ai ajouté une demi-personne, à temps partiel, qui travaille sur les dossiers de l'immigration. Ce que j'ai entendu aujourd'hui, c'est essentiellement ce que nous, les députés, devons affronter tous les jours. Il y a 308 députés et il y a 308 personnes qui travaillent sur les dossiers d'immigration et de réunification des familles—cette définition—et les problèmes administratifs que nous rencontrons sont effarants.
Nous gagnons parfois des batailles. Ça prend beaucoup de temps, et je peux imaginer qu'une personne qui ne fait pas partie du système peut s'y perdre très rapidement. Jeudi dernier, je ne pouvais pas faire cette annonce au comité parce que la personne en question n'était pas encore arrivée, mais jeudi soir, l'avion a été retardé, et les gens sont arrivés.
C'est la dixième fois que j'ai une réfugiée qui attend l'arrivée de ses enfants depuis au moins trois ans. Nous avons aidé cette famille, notamment à cacher les enfants, à faire en sorte qu'ils soient en sécurité, tout en poursuivant les démarches et en leur faisant subir des examens médicaux et des vérifications de sécurité. Alors je comprends très bien ce que vivent ces gens.
En même temps, dans ma circonscription—où l'immigration est faible, mais tout de même existante—, nous connaissons des familles qui sont séparées depuis neuf ans à cause de cette relation véritable qu'elles doivent prouver. Il y a des gens qui veulent faire venir leurs propres enfants, adopter leurs enfants, et des enfants qui ne sont pas nés légalement dans la famille d'origine. Nous avons également dû faire face aux tests d'ADN. Même les Canadiens qui veulent adopter des enfants qui ne font pas partie de leur famille d'origine ont des difficultés à acquitter les droits exigés par le système d'immigration.
Alors si nous regardons les échéances, nous demandons à quelqu'un de venir au Canada et d'attendre huit à dix ans pendant le traitement de son dossier, avant de pouvoir venir ici et commencer à s'intégrer. À mon avis, le concept de famille que nous avons est très problématique.
Si quelqu'un d'autre veut ajouter quelque chose... Je n'avais pas de question précise, parce que je dois faire face à cette situation tous les jours, mais j'écoute ce que vous dites et je vous comprends parfaitement.
À (1030)
M. Nick Summers: Puis-je faire une intervention? Lors d'une récente conférence à laquelle j'ai participé, David Manicom, directeur des opérations du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, a parlé du problème de traitement des demandes à l'étranger et il a fait un commentaire très intéressant. Il a dit que même si ses agents étaient 200 fois plus efficaces ou s'ils étaient deux fois plus nombreux, il n'y aurait pas plus de gens qui arriveraient ici parce que c'est une question de nombre.
Selon moi, le problème n'est pas... Il y a certainement des problèmes de traitement, mais d'ici à ce que le Canada accepte de ne pas limiter le nombre de personnes pouvant entrer au pays à un moment donné, pour des raisons humanitaires, ces problèmes vont perdurer. Si nous sommes convaincus qu'il s'agit d'un problème humanitaire—que les familles doivent être réunies, que les gens doivent être ensemble—, alors il faut cesser de dire que nous pouvons embrasser la cause humanitaire dans la mesure où le quota n'est pas atteint. Nous devons avoir un système ouvert.
Le président: Merci.
C'est maintenant au tour de M. Bill Siksay.
M. Bill Siksay: Merci, monsieur le président, et merci à vous tous pour vos exposés. Je vous remercie tout particulièrement, monsieur Tong Kom, de nous avoir fait part de cette situation difficile que vous et votre famille vivez. Je sais que ces confidences sont souvent difficiles à faire, alors je vous remercie d'être venu ce matin.
Où devons-nous commencer? Nous connaissons bien tous ces problèmes. Nous les rencontrons tous les jours dans nos bureaux de circonscription, et nous connaissons les enjeux. Lorsque Mme Mackey décrit la situation des nouveaux arrivants au Canada—les besoins de base, le choc culturel, le syndrome post-traumatique—et qu'elle ajoute que la réunification des familles est la pire des situations, elle nous met devant une dure réalité. Comme si les autres problèmes ne suffisaient pas; cette situation est encore pire. Nous en avons tous été témoins dans nos propres circonscriptions. Mme Jeffrey nous a parlé d'une famille qui a attendu pendant cinq ans et aujourd'hui, la personne qui se trouvait au Canada est décédée. C'est incroyable. C'est une histoire horrible, et nous en avons entendu d'autres exactement pareilles.
Je crois que M. Summers a raison. C'est une question de quota. Je crois que les Canadiens sont pleins de bonne volonté devant les causes humanitaires. Nous sommes fiers du travail fait par les groupes privés de parrainage, comme les organisations religieuses et d'autres groupements de personnes. C'est pour cette raison que nous avons reçu la Médaille Nansen. Nous disons à quel point nous sommes fiers de cette réalisation, et pourtant il semble y avoir encore de la réticence à reconnaître ce besoin important.
Tous ceux parmi nous qui oeuvrent dans le domaine de l'immigration et auprès des réfugiés, avec les organisations religieuses ou d'autres groupes communautaires qui parrainent des gens sont-ils non représentatifs de l'ensemble de la société? Est-ce là votre impression? Y a-t-il un message que nous ne réussissons pas à transmettre? Comment se fait-il que nous ne réussissons pas à faire valoir davantage notre point de vue sur la situation des réfugiés et à protéger les programmes qui sont maintenant en place? Sommes-nous différents des autres Canadiens?
Mme Donna Jeffrey: Nous venons tout juste de célébrer 25 années de parrainage. Souvent, nous assumons les coûts pour la famille la première année. Nous choisissons très minutieusement les familles que nous parrainons. Nous connaissons la situation et la réalité que vivent ces familles. Il s'agit souvent de la réunification d'une famille, mais parfois il s'agit d'une personne dont nous ont parlé des gens qui vivent dans les environs du camp de réfugiés où se trouve cette personne.
Les personnes parrainées par le gouvernement peuvent arriver au Canada très rapidement. Mais lorsque ce sont des citoyens qui consacrent leur temps et leur argent pour s'occuper de ces personnes, leur arrivée au Canada prend du temps. Quel est le problème?
M. Nick Summers: Ce n'est pas que nous sommes différents, c'est que nous sommes mieux informés. Lorsqu'on parle aux gens qui ont travaillé avec les réfugiés, aux gens qui ont examiné la situation, on constate qu'il est rare que les gens estiment que nous faisons tout ce que nous pouvons. Malheureusement, nous habitons dans un pays où la majeure partie de la population est mal renseignée au sujet des questions touchant l'immigration et les réfugiés. Dans le Globe and Mail de vendredi dernier, il y avait un article épouvantable truffé de mauvais renseignements et de faussetés. C'est cette information qu'on transmet aux gens. Malheureusement, une partie du problème réside dans l'attitude de la population. Il y a une crainte de l'inconnu et des étrangers, et nous devons faire en sorte de changer cela.
À (1035)
M. Bill Siksay: Pouvez-vous nous dire si nous pourrions élaborer une définition de la famille qui serait acceptable du point de vue législatif et qui correspondrait à la réalité que nous vivons. J'ai essayé de le faire par l'entremise d'un projet de loi d'initiative parlementaire dans lequel je proposais une définition élargie de la famille qui pourrait être appliquée une fois dans la vie. Malheureusement, mon projet de loi a été rejeté à la Chambre tout récemment. Cette tentative n'a donc pas fonctionné. Je me demande si vous pouvez nous donner des conseils à propos d'une telle définition.
Mme Lloydetta Quaicoe: D'abord, il faut comprendre qu'il y a la famille immédiate et la famille élargie. La famille, comme je l'ai mentionné je crois, a été définie de façon restreinte comme étant uniquement le conjoint et les enfants à charge. Dans le cas de sa soeur, ces enfants sont réellement ses enfants. Il faut veiller à ce que la définition de la famille ne soit pas aussi restreinte; elle ne doit pas se limiter au conjoint et aux enfants biologiques de la personne.
Il existe un précédent à cet égard, car des gens adoptent des enfants qui ne sont pas leurs enfants biologiques, et ils sont acceptés. Alors pourquoi ne pas étendre la définition de la famille pour inclure la famille élargie? Comme je l'ai dit, si mon frère venait à mourir, ses enfants deviendraient ma responsabilité. Je devrai voir à leur éducation, à leur alimentation et à leurs besoins là-bas jusqu'à ce que je puisse les parrainer.
Je suis d'avis que nous pouvons étendre la définition pour inclure ces membres de la famille.
Le président: Je vous remercie beaucoup.
Je tiens à souligner aux témoins que j'ai voté en faveur du projet de loi de M. Siksay. Je crois que d'élargir la définition contribuerait à rendre notre système un peu plus adapté à notre situation culturelle. Je crois que cette mesure législative reviendra.
Madame Beaumier, la parole est à vous.
Mme Colleen Beaumier: Merci.
C'est peut-être parce que je suis plus âgée et que je m'occupe de cette question depuis longtemps que je comprends ce que vous dites. Je sais que le système doit être modifié, et nous sommes ici pour faire en sorte que cela se produise.
De toute évidence, si le nombre s'élève à 250 000, nous n'atteignons pas 1 %, alors accroître le nombre semble constituer une partie de la solution.
Je veux toutefois vous donner certains conseils. Premièrement, je ne sais pas si vous avez rencontré votre député, mais c'est ce que vous devriez faire—et non pas seulement envoyer des lettres. Écrire une lettre au premier ministre, c'est comme écrire au Père Noël. Je reçois plus de 350 messages électroniques par jour. Pouvez-vous imaginer combien de lettres reçoit le bureau du premier ministre? Bien que votre cas soit très convaincant—en passant, je veux discuter avec vous plus tard—il n'est pas unique. Vous devez comprendre qu'écrire au premier ministre à propos d'un cas individuel... Ce ne serait pas pire de mettre votre lettre dans une bouteille et la lancer à la mer. Ce n'est pas une critique à l'endroit du premier ministre ni de son bureau; c'est simplement une constatation de la réalité.
Alors, si vous ne vous êtes pas adressé à votre député... c'est lui qui peut se battre pour vous. Il peut talonner le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration jusqu'à ce qu'il cède. J'ai ce genre de réputation—comme vous l'avez remarqué, je n'assiste pas ce matin à l'annonce du ministre, et ce n'est pas nécessairement involontaire.
Surtout si vos enfants vivent au Darfour ou en Somalie, je veux dire...
M. Liai Tong Kom: Non, du sud du Soudan.
Ms. Colleen Beaumier: D'accord. Mais partout dans les médias on parle du Soudan. Si nous utilisons le pouvoir que nous possédons en tant que politiciens, nous pouvons y arriver.
Nous parlons d'accroître le nombre. Au lieu d'élaborer une nouvelle définition de la famille, ne devrions-nous pas faire preuve de souplesse...? À l'heure actuelle, il y a des cas d'enfants de moins de 21 ans ou d'enfants d'âge scolaire qui sont des personnes à charge. Comment pouvons-nous inclure des enfants comme ceux de M. Tong Kom? Il faut que le système soit ouvert, mais pas trop. De quelle façon pourrait-on redéfinir la catégorie de la famille.
À (1040)
Mme Lloydetta Quaicoe: On m'a demandé d'assister à une rencontre il y a deux mois, après le tsunami, avec je crois des représentants du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, au cours de laquelle des personnes ont déclaré qu'il fallait accélérer le processus parce que les personnes touchées se trouvaient dans une région sinistrée. La catégorie de la famille a donc été élargie. On a établi que les frères, les soeurs, les membres de la famille et quiconque était touché pouvaient venir au Canada. C'était fait.
Il a fallu une crise pour que cela se fasse. Ce sont surtout les pays déchirés par la guerre qui vivent une situation de crise. Ce genre de situation de crise n'est pas pris en considération. Mais à la suite du tsunami, la question est devenue importante tout à coup, et on a fait tout ce qu'il fallait pour faire venir les gens plus rapidement et élargir la catégorie de la famille.
Je crois que la catégorie de la famille devrait être élargie de façon définitive, car ces régions sont en situation de crise de façon continue.
M. Nick Summers: Je pense que le problème, c'est qu'on ne peut pas établir une définition précise. J'ai aimé que vous utilisiez le mot « souplesse », car ce dont nous avons besoin, c'est un principe directeur fondé sur la réalité et non pas sur le point de vue d'une culture à propos de ce que devrait être une famille.
Il y a les membres de la famille les plus évidents—les enfants, les conjoints, les parents—mais il faudrait établir que, s'il existe un véritable lien de dépendance, il s'agit là d'un membre de la famille. Ce lien de dépendance sera différent selon les cultures, les régions du monde et les circonstances, mais tant que nous ne disposerons pas d'un système qui donne l'occasion à une personne de démontrer l'existence de ce lien de dépendance, nous serons confrontés à des problèmes.
Mme Colleen Beaumier: Il ne faut pas penser seulement aux parents par le sang, mais aussi aux parents par alliance, qui, parfois, sont plus proches de nous que les parents par le sang...
M. Nick Summers: Tout à fait. J'ai déjà vu un voisin ou un autre membre de la collectivité prendre en charge un enfant parce que ses parents étaient décédés. Cette personne élève cet enfant, mais d'après la définition que nous avons, cet enfant n'est pas un membre de la famille.
Le président: Je vous remercie beaucoup.
Nous allons maintenant passer à Mme Guergis.
Mme Helena Guergis: Merci, monsieur le président.
Je vous remercie beaucoup d'être ici. Je vous en suis reconnaissante. Colleen a mentionné l'excellente expérience qu'elle a vécue au fil des ans en travaillant à ce dossier...
Comme je l'ai signalé ce matin, je suis nouvelle au sein du comité. En peu de temps, j'ai constaté—et je vais le répéter ad nauseam—que le comité travaille à ce dossier depuis de nombreuses années et qu'il a entendu un grand nombre de recommandations, et cela me rend frustrée en tant que nouveau membre. Pourquoi ne mettons-nous pas en application certaines des excellentes recommandations que nous avons reçues?
Est-ce que quelqu'un a obtenu des renseignements au sujet de l'annonce du ministre dont il pourrait nous faire part? Peut-être s'agit-il de bonnes nouvelles.
J'ai une question à poser. Deux d'entre vous avez fait mention de l'article paru dans le Globe and Mail. Nous avons parlé des idées fausses qui sont véhiculées, et je suis entièrement d'accord avec vous. J'en entends tous les jours, même dans ma collectivité. J'en entends même à propos de ceux qui parrainent des immigrants et de ceux qui vivent de l'aide sociale et qui souhaitent parrainer des membres de leur famille. Les gens se demandent si on ne fait pas qu'amener ici des gens qui vivront aussi de l'aide sociale.
Pouvez-vous me donner des informations qui permettront d'éliminer ces idées fausses et qui nous aideront lorsque nous tenterons de les dissiper dans nos circonscriptions?
M. Nick Summers: Je ne sais pas ce que nous pouvons vous dire à part ce que nous vous avons déjà mentionné. Comme je l'ai dit à M. Siksay, nos gens ont fait l'effort d'apprendre la vérité. C'est tout.
Lorsqu'on se rend compte de la situation réelle et de ce que nous faisons subir aux gens, on ne peut qu'éprouver de la sympathie, mais malheureusement, les médias recherchent le sensationnalisme et ne vérifient pas les faits. À titre d'exemple, dans l'article du Globe and Mail, on répète constamment que le cas de M. Singh est un cas appartenant au système de détermination du statut de réfugié. M. Singh n'est pas un réfugié. Son cas doit être traité par le système d'immigration et par le système judiciaire. Le système de détermination du statut de réfugié a réglé son cas en 1993, mais on persiste à le considérer comme un réfugié, ce qui fait croire aux gens que tous les réfugiés sont des escrocs et des arnaqueurs. Ce n'est-là qu'un seul exemple.
Le Conseil canadien pour les réfugiés demande sans cesse au gouvernement et à chaque nouveau ministre de l'aider à améliorer l'image des réfugiés et des immigrants. Ils promettent de le faire, mais cela ne se produit jamais. Ni l'argent ni la volonté ne sont là. Rien ne les pousse sur le plan politique à le faire. Ce dont nous avons besoin, c'est une campagne menée par le gouvernement, les ONG et les organismes oeuvrant auprès des réfugiés et des immigrants visant à accroître les connaissances de la population.
À (1045)
Mme Janet Mackey: Les réfugiés qui viennent au Canada utilisent souvent le travail pour oublier leur situation. En travaillant de longues heures, ils n'ont pas à penser à la situation qu'ils ont quittée. Ils n'ont pas à penser à leur avenir, à la torture qu'ils ont subie, aux membres de la famille et au pays qu'ils ont laissés ni à tout ce qu'ils ont perdu.
Ils veulent travailler. Ils sont reconnaissants envers notre pays pour tout ce qu'ils ont reçu et ils veulent contribuer à l'économie. Ils n'aiment pas rester chez eux à ne rien faire; ils veulent travailler. Le Conseil canadien pour les réfugiés a assez souvent publié des documents qui visent à détruire les mythes et les idées fausses qui existent à propos des réfugiés.
Mme Helena Guergis: Serait-il possible pour vous de faire parvenir ces documents au bureau des députés de sorte qu'ils disposent de cette information?
M. Nick Summers: Tout à fait, ou je pourrais vous donner l'adresse de notre site Web; tout y est. Dans les rubriques « Quoi de neuf? » ou « Documents » de notre site, vous trouverez une liste des documents que nous avons publiés au cours des deux dernières années. Il y a entre autres un dépliant intitulé Au-delà des apparences : Mythes et préjugés sur les réfugiés et les immigrants au Québec et au Canada, qui constitue un bon résumé. Il date d'environ un an, alors les nouveaux mythes qui auraient pu apparaître depuis n'y figurent pas, mais...
Mme Helena Guergis: Merci.
Le président: Je vous remercie beaucoup.
Monsieur Temelkovski, vous avez la parole.
M. Lui Temelkovski: Je vous remercie beaucoup, monsieur le président, et je remercie tous les témoins d'être venus.
Helena a souligné la mauvaise compréhension des difficultés que vivent les réfugiés et le fait que les Canadiens ont une image inexacte des réfugiés. Pouvez-vous nous parler des avantages accordés aux réfugiés ou du soutien qui leur est offert lorsqu'ils arrivent au Canada, y compris les services fournis par le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, et nous dire pendant combien de temps ils en bénéficient?
Mme Janet Mackey: Essentiellement, les réfugiés qui bénéficient de l'aide gouvernementale ou les réfugiés parrainés sont accueillis à l'aéroport lorsqu'ils arrivent au Canada. On les aide à trouver un domicile permanent, et en attendant on les loge temporairement.
S'ils ne parlent aucune des langues officielles, ils reçoivent une formation linguistique dans l'une ou l'autre de ces langues. Ils assistent également à des séances d'information sur les lois canadiennes et leur collectivité.
On les aide à établir un lien avec les services dont ils pourraient avoir besoin, notamment les services de soins de santé, y compris les services de soins en santé mentale. On les met aussi en contact avec des membres de la collectivité en vertu du programme d'accueil dans le cadre duquel des bénévoles sont mis en contact avec des nouveaux arrivants pour qu'ils puissent se faire des amis et en apprendre davantage au sujet de la culture canadienne.
On aide également les réfugiés à trouver un emploi, à se préparer pour le marché du travail, à rédiger un curriculum vitae et à se préparer à des entrevues.
Il existe des programmes pour les enfants et les jeunes qui visent à les aider dans leurs travaux scolaires.
Il existe aussi des programmes sociaux. L'association pour laquelle je travaille a mis sur pied des programmes à l'intention des hommes et des femmes en vue de les aider à sortir de chez-eux et à oublier pendant un peu de temps les traumatismes qu'ils ont vécus.
Si ma mémoire est bonne, on les aide pendant un an. Tous les renseignements dont ils ont besoin pour s'établir leur sont fournis au cours des six premières semaines suivant leur arrivée.
Au-delà de cette période, les réfugiés qui bénéficient de l'aide gouvernementale ont droit à un soutien pendant un an. Quant aux réfugiés parrainés, de l'aide peut leur être fournie pendant toute la durée de leur vie; les groupes qui parrainent des réfugiés s'investissent véritablement et offrent beaucoup de soutien. À vrai dire, les organismes qui aident les réfugiés et les immigrants à s'installer offrent des services au-delà de l'année prescrite, simplement parce qu'ils deviennent leur famille; ils deviennent leur point de contact dans notre pays, car les réfugiés n'ont aucune famille ici. Les Canadiens peuvent compter sur les membres de leur famille lorsqu'ils éprouvent des difficultés; aux yeux des réfugiés, ce sont les organismes qui leur viennent en aide qui deviennent leur famille.
À (1050)
M. Lui Temelkovski: Éprouvent-ils parfois des difficultés, comme des difficultés financières? Je présume qu'ils sont immédiatement...
Mme Janet Mackey: Les nouveaux arrivants assument un fardeau financier énorme. Ils doivent rembourser les prêts qu'on leur a consentis en tant qu'immigrants ainsi que leur prêt de transport, les frais médicaux, etc.
Ils sont aussi préoccupés par les membres de leur famille dans leur pays d'origine; ils doivent souvent essayer de subvenir à leurs besoins. Ils doivent utiliser l'aide sociale que leur offre la province pour répondre à leurs propres besoins tout en essayant de faire en sorte qu'il leur en reste suffisamment pour aider leur famille. Parfois, ils se privent eux-mêmes pour pouvoir envoyer un peu d'argent à leur famille.
M. Lui Temelkovski: Quel niveau de connaissances en anglais ont-ils acquis au bout d'un an?
Mme Janet Mackey: Tout dépend de la personne et de ses connaissances au départ. S'il s'agit d'une personne analphabète, elle mettra du temps à apprendre l'anglais ou le français. Par contre, s'il s'agit d'une personne qui possède un diplôme universitaire, qui n'est donc pas illettrée, et qui est déterminée à apprendre une nouvelle langue, cette personne apprendra très rapidement. Si une personne possède des connaissances de base, elle peut parvenir à apprendre l'anglais en l'espace d'un an.
M. Lui Temelkovski: Si elle ne fait que ça.
Mme Janet Mackey: Oui, mais certaines personnes sont très déterminées. Par exemple, les professionnels qui veulent retrouver un emploi dans leur domaine—des médecins et des ingénieurs—se concentreront sur l'apprentissage de la langue. Ils étudieront chez-eux et s'exerceront. Ils s'exerceront avec des gens de la collectivité.
M. Lui Temelkovski: Le financement du programme de réinstallation des réfugiés ou de la famille est-il suffisant?
Mme Janet Mackey: Voulez-vous dire la réinstallation des réfugiés ou la formation linguistique?
À (1055)
M. Lui Temelkovski: Les deux.
Mme Janet Mackey: Je crois que le programme pourrait faire l'objet de quelques changements. Certaines personnes ont besoin d'une plus longue période d'adaptation. Une personne assez équilibrée et habituée à déménager s'adaptera probablement beaucoup plus rapidement qu'une autre à une culture et à une nouvelle collectivité. Par contre, une personne qui n'est jamais sortie de son village mettra du temps à assimiler les renseignements qu'on lui donne.
En principe, on donne les renseignements qu'une seule fois. Une personne qui est en état de choc ou qui est au stade de la lune de miel, c'est-à-dire une personne qui est tout à fait ravie d'être en sécurité et de ne pas avoir à être constamment aux aguets, n'assimilera pas nécessairement tous les renseignements qui lui sont donnés au cours des six premières semaines. Il est donc nécessaire de répéter l'information, et les nouveaux arrivants doivent pouvoir observer des gestes qu'ils devront poser eux-mêmes—comme faire les courses, épargner et dresser un budget—de sorte qu'ils puissent bien comprendre. S'habituer à la monnaie et faire l'épicerie ici peut s'avérer parfois très difficile. La plupart des gens sont habitués de faire leurs courses quotidiennement au lieu de les faire pour une semaine entière et congeler les aliments pour les faire durer plus longtemps, et ils n'ont pas l'habitude non plus de gérer un budget en conséquence. Il s'agit donc d'une grande adaptation.
M. Lui Temelkovski: Je crois que les Canadiens pensent que les réfugiés sont un fardeau pour la société et qu'on les aide financièrement dans une plus large mesure que les Canadiens qui sont nés ici. Serait-ce...?
Mme Janet Mackey: Cela traduit le manque d'information dont Nick a parlé. Un nouvel arrivant ne reçoit pas davantage que les Canadiens qui bénéficient de l'aide sociale. Les Canadiens de souche qui bénéficient de l'aide sociale ont en fait accès à un plus grand nombre de ressources qu'un nouvel arrivant, car ils peuvent compter sur leur famille si les services sociaux ne peuvent pas les aider suffisamment. Ils reçoivent probablement des vêtements usagers de la part des membres de leur famille. Ils ont quelqu'un pour les amener à l'école et ils connaissent les services qui existent dans la collectivité.
Parfois, un nouvel arrivant ne possède que les vêtements qu'il porte. Lorsqu'il arrive au Canada, on lui donne un minimum de vêtements. Il reçoit 375 $ pour se vêtir et il doit essayer d'économiser une petite somme de son paiement d'aide sociale pour acheter des sous-vêtements, des chaussettes et des chandails chauds pour l'hiver canadien, auquel il doit s'habituer. C'est très difficile. Il ne dispose pas de beaucoup de ressources.
Le président: Merci beaucoup.
Le temps est écoulé, alors je tiens à remercier tous les membres du groupe pour leur contribution. Je veux signaler que vous jouez un rôle très important sur le plan de la défense des droits des nouveaux arrivants. Lorsque les journaux rapportent des faits inexacts, dénoncez-les collectivement. Lorsqu'ils publient un bon article, vous pourriez envisager de créer un prix pour les récompenser.
Merci. Nous allons suspendre la séance pendant deux minutes.
À (1055)
Á (1100)
Le président: Veuillez prendre place, nous allons reprendre nos travaux.
Lorsque sept minutes se seront presque écoulées, je vous l'indiquerai pour que vous puissiez conclure. Si vous avez un mémoire, vous n'avez pas à le lire en entier, car nous en avons une copie. Vous pouvez résumer et exposer les faits saillants. J'ai remarqué que, lorsque je fais un exposé en Chambre, je le fais toujours plus rapidement avant dans mon bureau. Ce qui est véritablement important aujourd'hui, ce sont les échanges qui auront lieu lorsque nous passerons aux questions.
Madame Wong, la parole est à vous.
Á (1105)
Mme HuaLin Wong (présidente, HuaLin Wong Immigration Consultant Limited, à titre personnel): Merci.
Je m'appelle HuaLin Wong. Pour vous donner un bref aperçu de mes antécédents, je peux vous dire que je fais du bénévolat auprès des réfugiés et des immigrants depuis environ deux ans et que je suis membre de la Société canadienne de consultants en immigration. Mais ce sont mes simples préoccupations de citoyenne qui m'amènent ici aujourd'hui. Comme je travaille dans ce domaine depuis un certain temps, j'ai pu relever certains problèmes à régler et certaines améliorations à apporter.
Vous pouvez voir à la première page de notre mémoire, sous le titre « Introduction », une photo du Monument des droits de la personne à Ottawa. J'y étais en février dernier pour participer à une conférence de l'Association canadienne pour les Nations Unies et j'ai pris quelques photos de ce monument au hasard d'une promenade. Le monument est dédié aux concepts fondamentaux de liberté individuelle et de respect de la dignité de chacun. Il invite tous les Canadiens à embrasser et à promouvoir ces valeurs humaines et ces idéaux bien ancrés et il symbolise l'engagement pris par les Canadiens de vivre en harmonie au sein d'une société basée sur les droits fondamentaux. C'est peut-être d'ailleurs pour ces droits fondamentaux que nous sommes tous réunis ici aujourd'hui dans le but de promouvoir encore davantage ces valeurs et de rendre notre société encore plus inclusive.
Je vais vous présenter cet exposé aujourd'hui en compagnie de mon collègue et bon ami, Remzi Cej. Comme je ne crois pas que sept minutes seront suffisantes pour vous entretenir de tous les sujets que Remzi et moi souhaiterions aborder, nous en avons sélectionné un certain nombre dont nous allons vous glisser un mot.
J'aimerais tout d'abord vous parler de la nouvelle loi sur la citoyenneté. Au dos de la carte de citoyenneté de mes parents qui date du début des années 80, il y avait une lettre de citoyenneté canadienne qui disait notamment :
À compter de maintenant, vous êtes citoyen canadien et vous profitez de tous les droits et tous les privilèges dont jouissent tous les autres Canadiens. Par ailleurs, vous devez assumer la responsabilité spéciale de protéger et de préserver les principes de démocratie et de liberté humaine qui sont les pierres angulaires de notre nation. |
Le serment de citoyenneté, en combinaison avec les changements proposés dans le cadre du projet de loi C-18, contient essentiellement les droits et les responsabilités qui viennent avec la citoyenneté canadienne : la loyauté envers le pays; l'allégeance au Canada; le respect des lois, des droits et des libertés du pays; et la défense de nos valeurs démocratiques.
Il sera encore plus important d'ajouter la petite phrase qui apparaissait au dos de la carte de citoyenneté de mes parents : « préserver les principes de démocratie et de liberté humaine qui sont les pierres angulaires de notre nation ». Si nous perdons les pierres angulaires, nous perdons le sens même de la citoyenneté canadienne.
Remzi.
M. Remzi Cej (étudiant, à titre personnel): Parmi les principes fondamentaux de la citoyenneté, tel que recommandés dans le rapport du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration, on retrouve le traitement égal pour les citoyens nés au Canada et ceux qui ont été naturalisés; et l'absence de période de probation pour le statut de citoyenneté, qui ferait en sorte qu'un citoyen devrait attendre un certain temps avant d'obtenir son statut de citoyen permanent, sans pouvoir profiter des droits qui y sont associés...la citoyenneté procure certains droits, mais elle s'accompagne également de responsabilités dont les citoyens devraient être au courant.
Relativement à ce dernier énoncé, il faut mentionner que si les citoyens ont des droits et des responsabilités envers leur gouvernement, celui-ci a également la responsabilité de prendre soin de ses citoyens ce qui nous amène à parler d'une question très controversée qui a beaucoup fait les manchettes et ce, malheureusement, pas toujours de façon très positive.
Notre nation semble avoir été très affectée par les attaques terroristes du 11 septembre 2001 et a depuis adopté certaines lois qui vont à l'encontre des droits garantis par la Charte. Je pense bien que la plupart des personnes ici présentes ont entendu parler de l'affaire Arar, un citoyen canadien qui a été expulsé illégalement vers la Syrie où il a été torturé. Plus récemment, nous avons eu vent de l'affaire Muayyed Nureddin, un géologue torontois qui a été arrêté en Syrie en provenance de l'Irak.
Á (1110)
Il est très inquiétant de constater que ces citoyens, auxquels le gouvernement a garanti la liberté et la protection, ne sont pas protégés. En guise de préambule aux droits et aux responsabilités des citoyens canadiens, il devrait être indiqué que le gouvernement doit protéger ses citoyens et veiller à ce que ces individus ne deviennent pas simplement citoyens canadiens et contribuent à la société sans que celle-ci ne fasse rien pour eux en retour. Ainsi, le gouvernement qui leur a conféré ce privilège et cette responsabilité devrait pouvoir leur prêter main-forte.
Dans le même ordre d'idées, il faut penser aux dispositions de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés qui traitent du certificat de sécurité. Comme nous le savons tous, c'est le 20e anniversaire de l'article 15 de la Charte des droits et libertés. L'article 15 garantit un traitement égal pour tous au Canada, ce qui inclut les revendicateurs du statut de réfugié, les réfugiés, les immigrants, les citoyens canadiens—soit toutes les personnes qui vivent ici. Il s'applique donc également aux citoyens nés au Canada et aux Canadiens naturalisés.
Depuis les attaques du 11 septembre, les restrictions aux fins de la sécurité nationale ont érodé ce principe d'égalité qui est mis en lumière dans l'article 15 de la Charte. Le paragraphe 15(1) qui garantit la protection contre la discrimination se lit comme suit :
La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques. |
Il nous semble que ces dispositions ont été enfreintes au cours des dernières années, surtout depuis les attaques du 11 septembre.
Pour continuer avec les infractions à la Charte, le paragraphe 10a) de la Charte prévoit qu'en cas d'arrêt ou de détention, chacun a le droit d'être informé dans les plus brefs délais des motifs de son arrestation ou de sa détention. Les quatre hommes qui ont été détenus—en fait, ils étaient cinq, le « groupe des cinq », mais un d'eux a été libéré sous caution il y a quelques mois—l'ont été sans qu'aucune accusation ne soit portée contre eux. En invoquant simplement des motifs de sécurité nationale, on ne leur a pas dit quelles étaient les accusations, quels crimes ils avaient commis, ou pourquoi ils étaient détenus.
En notre qualité de Canadiens, nous ne devons pas perdre de vue les concepts de liberté et d'égalité. Si le texte de loi le plus précieux de l'histoire canadienne garantit l'égalité pour toutes les personnes vivant au Canada, pourquoi alors avoir adopté des lois et des procédures discriminatoires à l'encontre de certains groupes, y compris les hommes arabes et musulmans, qui sont ciblés et détenus?
Les députés Alexa McDonough et Joe Comartin ont présenté une motion au Parlement qui exhorte le Canada à se conformer à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants des Nations Unies. Dans cette motion, ils demandent également au gouvernement de :
fournir un leadership, en partenariat avec d'autres ordres de gouvernement et la société civile, pour faire cesser le profilage racial, les violations des libertés civiles, et les attaques contre les Arabes et les Musulmans ainsi que leurs collectivités et autres minorités religieuses et ethniques du Canada, par un plan d'action et l'affectation de ressources appropriées. |
La citoyenneté canadienne ne devrait être enlevée à une personne que dans les circonstances prévues dans la Loi sur la citoyenneté, c'est-à-dire lorsqu'elle a été obtenue de façon frauduleuse. Je crois que c'est comme ça que les choses devraient se passer et j'estime que la nouvelle Loi sur la citoyenneté devrait conserver les dispositions à cet effet. C'est également l'opinion de ma collègue.
HuaLin.
Á (1115)
Mme HuaLin Wong: Je vais maintenant vous parler de la Section d'appel des réfugiés, ou SAR. Nous savons que le comité permanent a déjà recommandé la création de la SAR, mais nous jugeons cette question beaucoup trop importante pour la passer sous silence aujourd'hui.
Le principal problème du système de reconnaissance du statut de réfugié réside dans la totale incapacité de corriger les erreurs et les mauvaises décisions. La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés entrée en vigueur en 2003 prévoyait la création d'une section d'appel et réduisait de deux à un seul le nombre de membres de la CISR devant rendre une décision dans chaque dossier. C'est maintenant un seul membre de la CISR qui rend la décision à l'égard d'une revendication du statut de réfugié, et il n'y a toujours pas de section d'appel. Le problème vient du fait qu'aucun correctif ne peut être apporté une fois qu'une erreur a été commise. Il arrive seulement parfois qu'une révision judiciaire soit accordée lorsqu'il y a eu erreur de droit ou de procédure.
Il y a une seule façon de régler ce problème. Le gouvernement doit intervenir et mettre sur pied la Section d'appel des réfugiés qui est prévue dans la loi. La SAR est une instance d'examen permettant de reconnaître et de corriger les décisions fautives pouvant être rendues par un membre unique de la CISR dans les cas de revendication du statut de réfugié. On nous promet la SAR depuis 2001 et voilà que près de quatre ans plus tard, cette promesse ne s'est toujours pas concrétisée.
Un gouvernement se fondant sur les principes de la démocratie ne peut pas simplement choisir quelle portion de la loi il va mettre en pratique. La Section d'appel des réfugiés est prévue dans la LIPR et elle doit être mise sur pied. Sinon, on prive les revendicateurs du statut de réfugié d'un droit fondamental, celui d'être entendu. Rendre une décision mettant en jeu la vie d'une personne sans offrir de mécanisme pour corriger les erreurs, c'est comme prétendre que les audiences de la CISR sont sans faille. Sans possibilité d'appel à une seconde opinion, comment quelqu'un peut-il être convaincu qu'un revendicateur qui s'est vu refusé le statut de réfugié n'a pas en fait besoin de la protection du Canada?
La communauté internationale s'est montrée critique à l'endroit du Canada parce qu'il n'a pas mis sur pied la SAR. Le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés et la Commission interaméricaine des droits de l'homme ont exprimé leur désappointement quant au fait que le Canada n'offre pas aux revendicateurs du statut de réfugié la chance de porter en appel des décisions pouvant être erronées.
Lorsque la situation personnelle d'un individu est en cause, tout cadre procédural efficace devrait permettre la révision de la décision prise. Étant donné que même les meilleurs juges peuvent rendre des mauvaises décisions, et compte tenu des risques possibles pour la vie qui peuvent en résulter, une possibilité d'appel quand au fond relativement à une décision défavorable constitue un élément essentiel en matière de protection internationale.
Pour reprendre les paroles d'une personne que j'admire beaucoup et qui travaille depuis très longtemps dans le domaine des droits de la personne, de l'immigration et de la protection des réfugiés : « Nous pouvons interjeter appel à l'égard d'une contravention de stationnement de 15 $ ici à St. John's, mais il est impossible d'en appeler lorsque la vie d'un revendicateur du statut de réfugié est en jeu ». Cette image simple mais puissante montre bien quelles sont les priorités du gouvernement en matière de questions humanitaires. Il est tout à fait moralement répréhensible qu'une contravention de stationnement de 15 $ puisse faire l'objet d'un appel alors que ce n'est pas le cas pour une décision pouvant mettre en péril la vie d'une personne. Il ne peut pas et il ne devrait jamais y avoir de raccourci lorsque des vies humaines sont en jeu, surtout lorsqu'une solution comme la Section d'appel des réfugiés est déjà prévue dans la loi.
Le président: Il vous reste seulement deux minutes, alors si vous voulez résumer...
Mme HuaLin Wong: D'accord. Je vais peut-être donc vous parler brièvement des expulsions.
Le 15 avril 2005, Human Rights Watch a rendu public un rapport condamnant le Canada pour avoir eu recours à des certificats de sécurité permettant au gouvernement canadien de détenir et d'expulser des individus n'étant pas citoyens en se fondant sur des preuves secrètes présentées derrière des portes closes sans que le détenu ne soit mis au fait des accusations portées contre lui. Lorsqu'on considère que ces détenus, tous des hommes arabes ou musulmans, constituent un danger immédiat pour la sécurité du Canada, ils sont expulsés vers des pays où ils risquent de faire l'objet de torture ou de mauvais traitements. Les cinq non-citoyens actuellement détenus en vertu de certificats de sécurité viennent de pays où la torture est une réalité bien concrète. Ils sont originaires de la Syrie, de l'Algérie, du Maroc et de l'Égypte, pour deux d'entre eux. Il est reconnu que la torture est pratiquée dans tous ces pays.
La Cour suprême du Canada a déjà déterminé qu'il fallait des circonstances vraiment exceptionnelles pour qu'un immigrant puisse être expulsé vers un pays reconnu pour pratiquer la torture. Cette décision est tout à fait incroyable. Elle ne tient absolument pas compte de la vie humaine, de la Charte ou du droit international.
Le Canada doit assumer certaines responsabilités en vertu du Pacte international relatif aux droits civiques et politiques, des conventions contre la torture ainsi que des libertés et des droits fondamentaux prévus aux articles 7 à 15 de la Charte qui interdisent une détention ou un emprisonnement arbitraire. Nous sommes censés offrir des garanties procédurales reconnues internationalement au moment de l'arrestation et de la détention, assurer la protection contre la torture et les mauvais traitements, y compris contre les expulsions entraînant de tels risques, et interdire la discrimination. Nous n'avons pas été à la hauteur de ces responsabilités.
Le gouvernement fait montre d'une grande naïveté et se fit sur les garanties diplomatiques indiquant que la personne expulsée ne sera pas torturée. Nous avons été délibérément négligents pour permettre qu'une telle chose se produise à l'encontre des lois en vigueur. Les pays qui se livrent à la torture mentent. Leurs garanties n'ont aucune valeur. Des fonctionnaires fédéraux ont même demandé à certains pays des assurances écrites à l'effet qu'ils ne tortureront pas les personnes expulsées, alors même que l'évaluation des risques avant le renvoi avait été défavorable. Peu importe quelle est la situation d'une personne ou ce qu'elle a fait, l'interdiction de la torture doit être absolue. Il existe toujours d'autres options.
Dois-je m'interrompre ici?
Le président: Merci beaucoup.
Vous nous avez présenté un excellent mémoire et il est dommage qu'il n'ait pu être traduit à temps, mais les membres du comité en obtiendront une copie. C'est du très bon travail.
Notre prochaine intervenante est Mme Haire.
Á (1120)
Mme Lynn Haire (Newfoundland and Labrador Families Adopting Multiculturally): Bonjour, je m'appelle Lynn Haire et je représente 60 familles de cette province qui ont adopté un enfant à l'étranger ou qui sont en train de le faire.
Notre association s'appelle Newfoundland and Labrador Families Adopting Multiculturally, ou NLFAM. Nos membres sont des familles de la province qui ont adopté des enfants en Chine, en Roumanie, en Russie, au Kazakhstan, au Guatemala, en Thaïlande, au Nunavut et aux États-Unis. Nous nous sommes réunis pour former un groupe de soutien et un groupe de pression afin que des pratiques exemplaires s'appliquent à tous les aspects de l'adoption internationale.
C'est à titre de membre de ce groupe de pression que je prends la parole aujourd'hui pour exprimer les points de vue du groupe sur le processus d'acquisition de la citoyenneté canadienne. Vous noterez que notre mémoire écrit comporte une section sur le processus d'adoption internationale à Terre-Neuve-et-Labrador. En raison des contraintes de temps, je vous invite seulement à lire cette section et je vais passer directement aux raisons pour lesquelles NLFAM estime que la citoyenneté canadienne devrait être accordée aux enfants adoptés lorsque leur adoption est réglée dans leur pays d'origine.
Ces enfants devraient être dispensés de l'étape du statut d'immigrant reçu et pouvoir demander immédiatement la citoyenneté canadienne. Voici différents points qui expliquent les raisons pour lesquelles nous estimons ce changement nécessaire.
Il y a tout d'abord la durée du processus. Les formalités d'immigration de l'enfant adopté sont très longues pour les familles et mettent un temps inacceptable avant d'être réglées. La période d'attente actuelle de 12 à 18 mois avant qu'une demande de citoyenneté canadienne soit traitée alourdit le fardeau imposé aux familles qui ont déjà subi les lenteurs du processus d'adoption.
Il faut aussi penser aux difficultés associées aux voyages à l'étranger pour les familles adoptives. Pour les familles qui voyagent sans que la citoyenneté de leur enfant soit confirmée, il peut falloir des visas spéciaux, qui sont parfois coûteux. Voyager avec un enfant qui n'a pas la même citoyenneté que ses parents peut inciter les autorités des pays étrangers à poser de nombreuses questions aux parents adoptifs.
La sensibilisation au trafic des enfants est très grande actuellement, et à juste titre. Mais les parents adoptifs font souvent l'objet de suspicion et de questions excessives de la part des autorités étrangères; et tous ces désagréments seraient probablement évités si l'enfant obtenait la citoyenneté canadienne dès son adoption.
L'efficacité par rapport au coût est également importante. Accorder la citoyenneté canadienne aux enfants qui viennent d'être adoptés réduirait sans aucun doute le coût pour les contribuables canadiens et la charge de travail des employés de Citoyenneté et Immigration. L'obtention de la citoyenneté est évidemment une démarche qui demande beaucoup de travail, comme en témoigne le délai actuel de 12 à 18 mois. Ou bien il y a un arriéré des dossiers de ce genre, ou bien, ce qui est difficile à imaginer, les enquêtes sur ces enfants prennent plus d'un an par dossier.
Il y a aussi le phénomène de la discrimination perçue à l'égard des enfants adoptés. Lorsqu'une famille canadienne résidant à l'étranger donne naissance à un enfant, l'enfant n'a pas à passer par l'étape du statut d'immigrant reçu. La famille peut simplement demander la citoyenneté pour l'enfant. Nous pensons que les processus différents d'obtention de la citoyenneté pour les enfants biologiques et les enfants adoptés sont discriminatoires à l'endroit des enfants adoptés et de leur famille adoptive.
Par ailleurs, les enfants remplissent déjà les exigences pour obtenir la citoyenneté canadienne. Lorsqu'un immigrant reçu adulte demande à devenir canadien, il doit remplir de nombreuses exigences afin que sa demande soit acceptée. Par exemple, il ne peut pas être emprisonné, en liberté provisoire, membre du crime organisé, etc. et obtenir la citoyenneté. Toutes ces exigences, sans exception, sont remplies par les jeunes enfants ne dépassant pas un certain âge. Au Canada, la plupart des enfants adoptés à l'étranger ont moins de cinq ans.
De plus, lorsque les parents adoptifs demandent à parrainer un membre de la famille dans le cadre d'un regroupement familial, ils doivent jurer que l'enfant ne sera pas un fardeau pour le système de sécurité sociale du Canada pendant au moins 10 ans. Il n'y a donc pas de problème de dépendance financière à l'égard de l'État et ce n'est pas un facteur pour déterminer si les enfants adoptés peuvent acquérir la citoyenneté canadienne.
Les immigrants reçus adultes doivent attendre trois ans avant de pouvoir demander la citoyenneté. Il est permis aux enfants de la demander dès qu'ils deviennent immigrants reçus. Étant donné qu'il est impossible que les enfants remplissent l'un ou l'autre des critères qui pourraient entraîner un refus de la demande de citoyenneté, dans la mesure où l'adoption est légale, il n'y a pas de raison pour que l'étape de l'immigrant reçu ne soit pas être éliminée complètement dans le cas des enfants adoptés à l'étranger.
Á (1125)
Nous pensons que parce que les enfants adoptés n'ont aucune autre condition à remplir entre l'étape de l'immigrant reçu et celle de la citoyenneté, le processus actuel est inutile. Le nombre de dossiers d'enfants adoptés traités actuellement tous les ans peut être réduit considérablement, ce qui donnerait aux employés de Citoyenneté et Immigration du temps pour s'occuper des demandes de citoyenneté plus pressantes et plus compliquées.
Dernière observation, il incombe actuellement à la famille adoptive de demander la citoyenneté pour leur enfant adopté après que l'adoption a été réglée et qu'il rentre au Canada. Si la famille ne demande pas la citoyenneté, alors l'enfant pourrait ne pas avoir de citoyenneté.
Un documentaire diffusé récemment à l'émission The Passionate Eye à CBC racontait l'histoire d'une enfant roumaine, Alexandra Austin, qui a été renvoyée en Roumanie par ses parents adoptifs canadiens. À l'époque, elle n'avait que neuf ans et elle a été renvoyée sans que les autorités provinciales ou fédérales en soient informées. Elle a vécu en Roumanie sans citoyenneté. Ces cas sont rares et tout à fait inacceptables, mais il est possible d'éviter ces situations si les enfants adoptés obtiennent la citoyenneté dès leur adoption par une famille canadienne.
Les États-Unis et l'Australie sont deux pays qui accordent automatiquement la citoyenneté aux enfants adoptés à l'étranger au moment de l'adoption. Ces processus sont en place depuis plusieurs années maintenant et ils fonctionnent bien.
Nous sommes heureux de constater que le gouvernement fédéral semble être devenu plus ouvert à l'égard de l'adoption, comme en témoigne l'annonce dans le dernier budget du crédit d'impôt pouvant atteindre 10 000 $ pour les dépenses d'adoption. Par conséquent, nous avons bon espoir que les préoccupations exprimées ici aujourd'hui seront prises en considération, comme elles l'ont été pour les parents adoptifs dans d'autres pays.
En terminant, Newfoudland and Labrador Families Adopting Multiculurally suggère respectueusement que, dans la nouvelle loi sur la citoyenneté, le privilège de la citoyenneté canadienne devrait être accordé aux enfants adoptés à l'étranger dès que leur adoption est réglée. Puis, lorsqu'il entrera au Canada, l'enfant sera un citoyen et donc accueilli à bras ouverts, non seulement par sa famille adoptive, mais aussi par son pays d'adoption.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Nous passons maintenant à M. Summers.
M. Nick Summers: Merci.
Lorsque j'ai préparé la présentation du Conseil canadien pour les réfugiés, je dois admettre que j'ai eu de la difficulté à décider ce que j'allais dire. Ce comité, et particulièrement son président, est déjà expert du domaine de la citoyenneté. C'est un peu comme de porter de l'eau à la rivière. Je sais que vous partagez bon nombre de nos inquiétudes.
Je ne vais pas faire de longue présentation. Nous n'avons pas préparé de mémoire écrit pour vous. Nous allons attendre le texte d'un nouveau projet de loi pour le faire, mais nous avons un certain nombre de préoccupations que je tiens à souligner. La plupart d'entre elles se trouvent dans les observations écrites que nous avons formulées sur le dernier projet de loi, le C-18, lorsque nous avons comparu devant vous en novembre 2002. Elles sont là si vous souhaitez les consulter.
J'aimerais vous parler de l'une des préoccupations mentionnées par Remzi Cej et HuaLin Wong : l'égalité de tous les citoyens. Il est extrêmement important que la Loi sur la citoyenneté ne fasse pas de distinction entre les citoyens qui sont nés ici et ceux qui ont choisi de devenir citoyens canadiens, particulièrement du point de vue des droits de la personne et des certificats de sécurité, peu importe comment ils seront appelés dans la nouvelle loi. Aucun citoyen, de quelle sorte qu'il soit, ne devrait pouvoir se faire retirer sa citoyenneté selon qu'il est né ici ou non.
Je suis d'accord avec la position de M. Remzi sur M. Arar. Il n'y a qu'une chose avec laquelle je ne suis pas d'accord. Il a dit que M. Arar avait été envoyé en Syrie illégalement. La tragédie dans tout cela, c'est qu'il y a été envoyé légalement. Les fonctionnaires canadiens qui y ont participé semblaient savoir ce qu'ils faisaient et ils avaient le pouvoir de le faire.
C'est une question d'application régulière de la loi. Nous voulons nous assurer que la nouvelle loi dicte clairement que l'application régulière de la loi est primordiale. La citoyenneté est un droit important, et avant qu'on puisse le retirer à quelqu'un, il doit y avoir application régulière de la loi. Il ne devrait pas y avoir de disposition dans la loi qui donne au gouvernement le pouvoir de retirer sa citoyenneté à quelqu'un ou de la lui refuser si la loi n'a pas été appliquée de façon régulière. En vertu du projet de loi C-18, le ministre peut refuser la citoyenneté à des gens simplement parce qu'il est convaincu qu'ils ne seront pas de bons Canadiens. Les critères sont très vagues, et il n'existe aucun recours d'appel.
Nous nous inquiétons aussi de l'apatridie. Le Canada n'est pas signataire de la convention contre l'apatridie. C'est honteux en soi. Nous le reconnaissons. L'apatridie est un problème international. Le haut commissaire des Nations Unies pour les réfugiés considère cet enjeu comme très important. Pourtant, le Canada refuse toujours de signer une convention qui nous permettrait de faire quelque chose contre l'apatridie.
Il ne devrait pas y avoir de disposition qui crée de l'apatridie dans une loi sur la citoyenneté. Dans des versions précédentes du projet de loi, nous avons vu des formulations qui mèneraient à la révocation de la citoyenneté de certaines personnes et les laisseraient sans pays. En vertu de l'ancienne loi, un enfant né à l'étranger d'un Canadien né à l'étranger perd automatiquement sa citoyenneté à l'âge de 28 ans. Nous semblons complètement oublier le fait que ces personnes n'ont peut-être pas d'autre citoyenneté.
Ce sont nos plus grandes préoccupations. Nous ne voulions pas faire de longue présentation officielle aujourd'hui, parce qu'il nous semblait plus important que le comité ait la chance de poser des questions sur nos inquiétudes. Je vais donc m'arrêter ici.
Á (1130)
Le président: Merci beaucoup.
La parole va maintenant à Mary Ennis.
Mme Mary Ennis (vice-présidente, Conseil des Canadiens avec déficiences): Bonjour. Je m'appelle Mary Ennis et je suis vice-présidente du Conseil des Canadiens avec déficiences, le CCD, comme nous l'appelons. Le CCD est une organisation nationale qui regroupe des personnes ayant des déficiences de toutes sortes et qui a pour mandat de s'attaquer aux barrières systémiques aux droits des personnes ayant des déficiences au Canada.
Le CCD lutte pour mettre un terme à la discrimination fondée sur les déficiences dans le système d'immigration depuis la création, en 1981, de l'Organisation mondiale des personnes handicapées. À cette époque, le vice-président canadien de l'Organisation mondiale des personnes handicapées a eu l'occasion de visiter des camps de réfugiés en Asie après la guerre du Vietnam. Il a rencontré dans ces camps des réfugiés handicapés qui étaient bloqués là parce qu'aucun pays ne voulait les accepter à cause de leurs handicaps.
Les personnes handicapées sont souvent victimes de préjugés. Il y a des idées paternalistes et stéréotypées sur la qualité de leur existence et leur capacité de contribuer socialement et économiquement à la société. Un mythe répandu est qu'elles représentent un coût excessif pour le système de services sociaux et de santé. L'alinéa 38(1)c) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés se fonde sur ce stéréotype et sur l'attitude négative selon laquelle les personnes handicapées ne peuvent pas apporter grand-chose à la société et ne font qu'imposer un fardeau excessif sur le système de santé.
Ma collègue, Leslie McLeod, va vous en donner quelques exemples.
Mme Leslie MacLeod (membre, Comité sur les droits humanitaires, Conseil des canadiens avec déficiences): Bonjour.
Je fais partie du Comité sur les droits humanitaires du CCD et je participe activement à divers événements sur la justice sociale au pays. C'est l'un de nos principaux enjeux, sans l'ombre d'un doute.
Le titre de notre mémoire aurait pu être « Stephen Hawking n'a pas pu déménager au Canada ». Il est clair que la loi sur l'immigration continue d'être discriminatoire contre les personnes ayant des handicaps, tant de façon directe que de façon systémique. Cette discrimination a de grandes incidences sur les personnes handicapées qui font partie de la famille de personnes immigrant dans notre pays. Je suis certaine que ce n'est pas la première fois que vous en entendez parler.
Nous croyons que les législateurs ne sont pas allés aussi loin qu'il le fallait pour éliminer la discrimination fondée sur le handicap dans notre loi. Lorsque la loi a été modifiée, l'article qui disait que les personnes souffrant d'une maladie, d'une invalidité ou d'un autre problème de santé comparable ne seraient pas admissibles au pays a été supprimé. Cependant, la disposition qui dit qu'on peut examiner le dossier des personnes dont on peut raisonnablement s'attendre à ce qu'elles constituent un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé produit le même effet que l'article précédent, qui était absolument discriminatoire. Il revient donc à des personnes de déterminer si une personne va coûter trop cher à nos services sociaux et de santé. Nous jugeons que c'est tout simplement discriminatoire.
Même si la loi permet que les enfants et les conjoints souffrant d'un handicap accompagnent un membre de leur famille qui a été admis, les parents et les frères et soeurs sont toujours exclus. De même, une personne souffrant d'un handicap qui demande un statut d'immigrant risque d'être refusée.
Nous avons quelques exemples tirés d'un article, qui remontent aux années 1990, mais qui pourraient facilement avoir lieu aujourd'hui. Il y a M. D., qui est devenu paraplégique à la suite d'un accident d'automobile. Il a demandé l'asile politique pour lui et sa famille au Canada en 1988. En 1991, sa demande a été considérée justifiée, et il a demandé sa résidence permanente. Entre-temps, il a réussi à apprendre l'anglais et à faire reconnaître ses diplômes d'études ainsi que son expérience de travail professionnelle. En 1992, il a été embauché par le ministère de la Consommation et du Commerce au poste de commis aux recettes. En 1993, un agent d'immigration a remarqué qu'il souffrait d'un handicap et lui a dit qu'il n'était plus admissible à la résidence parce qu'il avait une invalidité, qu'il était malade et qu'il se déplaçait en fauteuil roulant. La première évaluation médicale est disparue des dossiers. Il y a ensuite eu une longue série d'étapes et de périodes d'attente avant que M. D. reçoive finalement un permis du ministre et que les membres de sa famille soient acceptés comme résidents permanents. Ce monsieur a donc effectué tout le processus pour que finalement, l'autorisation lui file entre les doigts parce qu'une personne s'est rendue compte que « Oh mon Dieu! Il est en fauteuil roulant. Nous devons nous en débarrasser ».
Il y a un autre exemple, qui n'est peut-être pas encore réglé, et c'est celui d'une scientifique qui a été recrutée par l'Université de Montréal en 1992. Elle est d'origine française, mais habitait et travaillait aux États-Unis. Elle souffre d'un handicap. Elle a été la première chercheuse à isoler un gène réactif de la sérotonine, une découverte ayant le potentiel d'être utilisée pour traiter la sclérose en plaques, une maladie dont sont atteints plus de 50 000 Canadiens. Elle a reçu un visa de visiteur temporaire qu'elle doit renouveler chaque année depuis son arrivée, parce que le ministère de l'Immigration rejette sa demande de résidence permanente, sous prétexte que son admission représenterait ou pourrait représenter un fardeau excessif pour les services sociaux et de santé de notre pays.
Il ne fait aucun doute dans nos esprits qu'il y a toujours de la discrimination directe et systémique.
Je vais céder la parole à ma collègue, qui va continuer.
Á (1135)
Mme Mary Ennis: Le CCD pense que les fonctionnaires de l'immigration continuent d'être influencés par des stéréotypes des personnes handicapées selon lesquels ces personnes ne peuvent pas apporter grand-chose à la société. Les attitudes négatives créent un grand obstacle à l'intégration sociale des personnes handicapées. De plus, penser qu'une personne handicapée constitue un fardeau pour le système de santé met en cause la notion de dignité humaine. Cette attitude dévalorise et déshumanise les personnes handicapées. On ne tient pas compte du tout des besoins individuels, des capacités ou de la valeur des personnes handicapées ni des contributions positives des personnes handicapées dans notre société. Il est important de souligner que les personnes handicapées ont le droit humain fondamental de ne pas faire l'objet de discrimination en raison de leur handicap. Il ne faut pas l'oublier.
Le CCD demande aux législateurs canadiens de mettre fin à toute discrimination directe et systémique dans le système d'immigration du Canada.
Merci.
Á (1140)
Le président: Merci beaucoup. Nous allons passer à nos questions. Chacune durera cinq minutes, et nous aimerions procéder en alternance. Si nous pouvions faire deux tours, ce serait très bien.
La parole va à M. Jaffer.
M. Rahim Jaffer: Merci, monsieur le président, et merci encore à tous nos témoins de ce matin.
J'ai une toute petite question. J'ai apprécié votre exposé, madame Haire. Je pense que vous avez fait de l'excellent travail pour le mettre en forme. Vous avez très bien réussi à faire valoir que les enfants adoptés devraient recevoir leur citoyenneté immédiatement.
Vous citez l'exemple des États-Unis et de l'Australie, où il y a déjà une telle disposition en place, et vous dites qu'elle fonctionne très bien. Avez-vous relevé des problèmes dont nous devrions être informés, de sorte que nous puissions tirer des leçons de leur expérience si nous adoptons la même chose?
Mme Lynn Haire: Non. Je suppose que vous entendez généralement parler des problèmes, et c'est ce qui se dégage lorsque je lis des articles sur Internet. C'est sur les problèmes qu'on met l'accent, et vous le lisez aussi, mais je n'ai rien lu sur des problèmes en ce sens et je me fais un devoir de lire tout ce qui me tombe sous la main.
Il y a des enfants en ce moment qui grandissent sans citoyenneté et qui un jour ont des problèmes avec la loi—rien de pire que le jeune moyen lorsqu'il devient adolescent, je suppose—et qui est déporté vers un pays étranger, dont il ne connaît rien. Les problèmes potentiels, de nature administrative, sont tout petits en comparaison avec ces problème, plus graves.
Jusqu'ici, je n'ai entendu parler d'aucun problème ni d'aucune plainte des familles.
M. Rahim Jaffer: Je vous remercie. C'est ce qui m'inquiétait, le fait qu'ils grandissent ici depuis leur prime enfance puis que soudainement, ils n'aient plus de statut et qu'ils soient déportés vers ces pays. Cela représente un problème énorme pour eux, donc je vous remercie.
Monsieur Summers, vous avez parlé du problème de l'apatridie et du fait que le Canada refuse toujours de signer les conventions de l'ONU sur la question. Je serais curieux de savoir pourquoi. D'après votre expérience, pourquoi résistons-nous toujours?
M. Nick Summers: Eh bien, je peux certainement vous dire que j'ai posé la question souvent. J'ai reçu différentes réponses, selon le fonctionnaire à qui je parlais. L'argument que j'entends le plus souvent est plutôt circulaire. Ils disent que si nous signons la convention contre l'apatridie, nous nous engageons du même coup à accepter quiconque est apatride au Canada et qu'alors, nous ouvrirons toutes grandes nos portes. D'abord, il n'y a pas tant de personnes apatrides dans le monde qui pourraient venir ici, mais qu'on les laisse venir s'il le faut.
On entend aussi que nous limitons déjà l'apatridie par nos mesures prises dans le cadre de la convention sur les réfugiés. Les personnes apatrides sont généralement maltraitées dans le pays où elles vivent. Elles n'ont pas droit à la citoyenneté ni à la résidence. Ce sont des citoyens de seconde classe, pour ainsi dire, et ils sont pris par notre système de réfugiés.
On peut répondre à ces fonctionnaires que le premier argument est contraire au deuxième, parce que d'une part, ils disent que nous allons ouvrir toutes grandes nos portes, mais que d'autre part, ils disent que nous nous en occupons de toute façon. Si nous nous en occupons déjà, pourquoi alors les apatrides n'affluent-ils pas dans notre pays? C'est illogique.
Le problème n'en est pas un de nombre. D'autres pays ont signé la convention. Ils ne sont pas inondés d'immenses foules de personnes qui revendiquent un statut dans leur pays. C'est un droit fondamental de la personne. L'ONU reconnaît que les gens apatrides constituent un groupe spécial de personnes qui ont besoin d'aide humanitaire internationale. Le Canada ne veut tout simplement pas les aider. Il ne veut pas assumer une obligation de plus.
M. Rahim Jaffer: Je vous remercie de cette précision. J'en suis surpris moi-même.
Ma dernière question—et il y a peut-être plusieurs témoins qui voudront y répondre—porte sur la question du certificat de sécurité, du pouvoir de détenir des gens et des vastes pouvoirs dont jouissent les services de police depuis le 11 septembre. Nous nous approchons non seulement du cycle de révision de la loi sur la citoyenneté, mais aussi de la révision de la loi antiterroriste dans un avenir assez rapproché. Nous nous attendons à ce qu'un quelconque projet de loi soit proposé sur la citoyenneté, du moins est-ce à espérer, mais de toute évidence, une autre composante s'est ajoutée, soit tous les pouvoirs supplémentaires qui ont été octroyés aux agents de police pour la détention.
Je suis curieux. Comment devrions-nous aborder la question de la sécurité et du droit de la personne à la liberté et à l'égalité que beaucoup d'entre vous avez mentionnée? De toute évidence, c'est un grand défi pour les législateurs, parce que nous voulons prendre la sécurité au sérieux, mais nous voulons en même temps faire de notre mieux pour protéger les Canadiens et particulièrement leurs libertés civiles. Que nous recommanderiez-vous dans notre démarche? Il semble presque que nous sommes allés trop loin. Je suis d'accord avec votre évaluation de la situation, mais comment devrions-nous procéder à l'avenir pour régir ces questions, tant dans la loi sur la citoyenneté que dans celle antiterroriste?
Á (1145)
M. Nick Summers: Je vais vous répondre brièvement, mais je pense que mes amis ici voudront probablement glisser leur mot aussi.
Brièvement, je doute fort que nous nous rendions service en réagissant bêtement au terrorisme en disant : « Nous devons sévir; les droits ne sont pas aussi importants que la sécurité, donc nous allons les laisser tomber ou les diminuer pour résoudre notre problème de sécurité. » Le fait est que nous allons nuire à notre propre société si nous nous abaissons de la sorte. Si nos acquis valent la peine que nous nous battions, alors nous devons respecter nos propres droits et nous battre pour les garder.
Le terrorisme est un problème; la criminalité est un problème. À long terme, nous n'allons pas résoudre ces problèmes en violant les droits fondamentaux de la personne, et chose certaine, nous devons respecter notre devoir d'application régulière de la loi dans la Loi antiterroriste et la loi sur la citoyenneté. Nous devons respecter nos propres valeurs, faute de quoi nous allons nous faire du mal.
M. Remzi Cej: J'ajouterais que pendant notre rédaction de ce mémoire, Lynn et moi avons bien examiné la Charte, qui semble être l'un des documents les plus sacrés produits par les politiques canadiens dans l'histoire canadienne. Il est sidérant de constater que toutes nos libertés et tous nos droits sont enchâssés dans ce document, mais il est aussi très triste de voir que depuis quelques années, ce document est négligé, qu'il n'est plus respecté. Dans ce contexte, je pense qu'il n'est que logique d'expliquer que tous les Canadiens, tous les résidents du Canada doivent être traités de la même façon, en toute égalité, sans discrimination ni marginalisation systématiques. En ce sens, il faut leur rendre justice, tout comme Nick l'a mentionné, et nous devons respecter ces droits fondamentaux enchâssés dans notre Charte.
Le président: Je pense que ce sera tout. Nous avons largement dépassé le temps.
Madame Faille.
[Français]
Mme Meili Faille: Je voudrais tout simplement indiquer que vos commentaires me touchent beaucoup. Dans notre société, au Québec, nous avons également une charte des droits. En fait, elle existe depuis un peu plus longtemps: on fête maintenant sa 30e année, si ce n'est davantage. Donc, toute la question de l'égalité des droits de la personne fait partie des valeurs des Québécois. Vous avez touché à la préservation des droits démocratiques. Vous comprendrez que c'est un aspect très important à nos yeux.
Nous disons un non catégorique à la révocation de la citoyenneté. Nous croyons que les gens, s'ils sont citoyens, doivent être jugés comme les citoyens réguliers qui ont obtenu leur citoyenneté de droit. Pour nous, le fait de créer deux classes de citoyens est totalement absurde. Je pense que je vais reprendre la phrase que Nick a prononcée: What we have is worth fighting for. Je pense que nous travaillons très fort à cet égard.
Nous sommes très sensibles à la question des certificats de sécurité, compte tenu que la communauté arabe est majoritairement francophone. D'ailleurs, il y a une grande communauté arabe au Québec, et tous ces gens, nécessairement, partagent nos valeurs. Lorsqu'un des nôtres est touché, ça touche tout le monde. Nous voyons que la société civile s'est braquée derrière M. Charkaoui et nous l'appuyons.
Pour ce qui est du droit d'appel, je pense que vous pouvez regarder la série de questions que nous avons posées au ministre. J'ai moi-même proposé la motion sur l'urgence de mettre en place la section d'appel. Je trouve désolant que le Canada attende qu'il y ait des rapports accablants et qu'on le pointe du doigt pour réagir. Je pense qu'on est plus proactifs ou plus progressistes; je ne sais pas comment nous définir. Cela fait des années que nous nous battons pour régler les problèmes dont nous entendons parler maintenant.
Je vais vous donner un exemple concernant les personnes handicapées. J'ai défendu plusieurs dossiers à ce chapitre. La disposition où on parle de la question du fardeau excessif est toujours invoquée. Ce qui nous désole le plus, c'est que ces familles ont été sélectionnées par le Québec. Donc, on nous met des bâtons dans les roues pour certaines questions qui touchent des gens que notre société accueillerait à bras ouverts. Je pense que c'est une différence qu'il faut mentionner.
Le Québec a une entente particulière en vertu de l'Accord Canada-Québec relatif à l'immigration. Un des avantages de cette entente est que nous sélectionnons les gens selon nos propres valeurs. Par ailleurs, le désavantage est qu'on empêche la venue au Canada de certaines personnes que nous accueillerions à bras ouverts.
Á (1150)
[Traduction]
Le président: Votre commentaire était très bon, madame.
Y a-t-il des remarques à ce sujet?
Mme Meili Faille: Nick en a peut-être.
M. Nick Summers: Très rapidement, en ce qui concerne la question que vous avez soulevée en mentionnant les défavorisés ou le fardeau excessif. Sur une note positive, le gouvernement a changé quelque peu son attitude envers les réfugiés qu'il prend en charge, étant donné les efforts entrepris au cours des deux dernières années pour amener des gens au Canada qui ne sont pas toujours les meilleurs et les plus intelligents ou ceux que nous avions l'habitude de cherche. Nous appelons cela la sélection choisie.
Sur une note négative, j'ajouterais que le gouvernement a utilisé cela comme prétexte pour réduire le nombre de réfugiés qu'il prend en charge à cause, dit-il, des coûts plus élevés pour établir les réfugiés. Il n'a pas autant d'argent pour en amener d'autres.
C'était la seule chose que je voulais ajouter à vos commentaires, avec lesquels je suis par ailleurs en accord.
Mme Meili Faille: Puis-je dire quelque chose au sujet des candidats du gouvernement? Le nombre de ces candidats pour le Québec a diminué. Mais nous avions 2 000 dossiers prêts à être ouverts. Ces personnes venaient avec leurs familles. Ces personnes venaient avec de l'argent et étaient prêtes à investir.
Les retards constants qui existent découragent les gens à venir au Québec. Aujourd'hui, bien sûr, nous constatons qu'en ce qui concerne les candidats des provinces d'une catégorie supérieure, les autres provinces sont encouragées à faire comme nous. De plus, les gens qui veulent venir ici sont encouragés à aller ailleurs. Ce n'est pas juste.
Pour ce qui est d'encourager les réfugiés parrainés par le gouvernement, nous avons fait de gros efforts pour maintenir ces nombres élevés, mais d'autres initiatives entrent en jeu et exercent beaucoup de pression sur le système que nous voulons avoir. C'est quelque chose pour laquelle il vaut la peine de se battre.
Á (1155)
Le président: Merci.
Nous passons maintenant à M. Siksay.
M. Bill Siksay: Merci, monsieur le président.
Je vous remercie tous pour les présentations que vous avez faites ce matin. Elles ont été très utiles.
Je voudrais revenir à la question soulevée par M. Summers au sujet du changement de politique envers les réfugiés handicapés ou atteints d'autres maladies et qui pendant si longtemps n'étaient pas admissibles à immigrer au Canada. Je remarque que le Conseil des Canadiens avec déficiences a mentionné qu'il y travaillait depuis 1984. Il a fallu du temps pour obtenir ce changement dans la politique, car, je crois comprendre que cela ne s'est produit qu'au cours des dernières années.
Pourriez-vous nous parler un peu de votre expérience, de ce que vous savez sur les résultats et les problèmes liés à ce programme?
Lors de ma récente rencontre avec des représentants de Immigrant Services Society of British Columbia, on m'a fait part de la frustration qu'ils éprouvaient souvent en raison du manque de bons renseignements sur les besoins des gens qui arrivent. L'arrivée de ces gens est la cause de beaucoup de confusion et de problèmes alors que cet organisme aurait pu très bien se préparer si on lui avait fourni de meilleurs renseignements. C'est l'un des problèmes qu'ils constatent. Le manque de renseignement entraîne aussi plus de dépenses et de désarroi inutiles. Ils auraient été mieux préparés si le gouvernement les avaient mieux renseigner.
Connaissez-vous ce programme? Pouvez-vous nous parler des besoins des gens qui viennent s'établir?
M. Nick Summers: Non, je ne le connais pas, mais je suis au courant des problèmes sur le manque d'information, etc., comme vous. Il ne s'agit pas seulement d'handicap physique. Nous recevons aussi des gens traumatisés qu'il faut aider psychologiquement. Je sais que les municipalités où se sont établis ces gens ont eu beaucoup de mal à fournir les services.
C'est lié à quelque chose dont nous avons parlé à la dernière réunion. Le regroupement familial consiste à établir des gens quelque part et les laissez y vivre. Souvent les services à l'infrastructure ne se trouvent pas dans un endroit et les gens ne sont pas toujours installés dans des endroits où se trouve ce dont ils ont besoin.
Malgré tout, c'est une bonne chose de voir que le gouvernement commence finalement à sélectionner des personnes et à ne pas les exclure seulement à cause de leur handicap.
Mme Leslie MacLeod: Je pense qu'avec le temps, les systèmes au service des individus devront être plus efficaces afin d'avoir les renseignements et les communiquer. Si quelqu'un arrive aujourd'hui, à titre d'employée dans un centre de ressources pour personnes handicapées, je peux offrir toute une gammes de services. Il suffit d'apprendre à utiliser les systèmes et de pouvoir obtenir ces renseignements, au lieu de s'en servir comme excuse pour ne pas aider des personnes parce qu'elles sont atteintes d'un handicap quelconque.
Des services sont offerts dans la plupart des régions du pays. Il y a une lacune au niveau des renseignements et cela peut être résolu.
M. Bill Siksay: Je crois que c'est probablement un peu plus grave qu'une lacune au niveau des renseignements. Je crois que le logement est l'un des besoins des personnes qui arrivent au Canada en tant que réfugiés. Pour une personne handicapée, le genre de logement qui est traditionnellement mis à la disposition des nouveaux arrivants est probablement aussi le genre de logement le moins approprié à des personnes atteintes d'handicaps physiques. Je crois que certains de ces problèmes doivent aussi être réglés.
Mme Leslie MacLeod: Il s'agit d'un problème permanent dans toutes les collectivités. J'ai été en contact avec des gens ici, donc j'espère pouvoir me préparer pour avoir un logement approprié pour quelqu'un qui arriverait.
C'est une autre question pour laquelle notre organisation lutte : logement accessible à tous et société accessible à tous. Notre travail n'est pas considérable. Plus nos collectivités sont ouvertes à tous, plus nous serons ouverts et accueillerons tout le monde. Il y a donc beaucoup de niveaux d'organisations et beaucoup de combats.
M. Bill Siksay: Et nous avons échoué lamentablement pour subvenir au besoin de logements abordables dans tout le pays pour tous nos citoyens.
Je me demande si quelqu'un voulait dire quelque chose au sujet de la double citoyenneté et si elle suscitait des préoccupations particulière. Vous avez dit que les difficultés auxquelles se heurtaient les Canadiens à l'étranger étaient parfois dues ou pourraient être dues à leur double citoyenneté. Je me demande si quelqu'un a quelque chose à dire à ce sujet.
M. Nick Summers: Je n'ai rien de particulier à dire à ce sujet. Vous avez tout à fait raison. Les situations spécifiques que l'on a vues sont souvent dues en partie à la double citoyenneté, mais il semble que ce soit plus une excuse utilisée par les autorités pour justifier leurs actions. Le Conseil canadien pour les réfugiés n'a certainement pas d'avis favorable ou défavorable en ce qui concerne la double citoyenneté. Je pourrais vous donner mon avis personnel, mais ce n'est pas pour cela que je suis venu ici aujourd'hui.
 (1200)
M. Remzi Cej: Je pense que la question de la double citoyenneté apparaît dans des situations telles que celle Maher Arar, quand le gouvernement canadien n'arrive pas à coopérer avec l'autre pays et qu'il participe à la discrimination à l'égard d'un citoyen, même si celui-ci n'a aucune intention de retourner dans cet autre pays ni l'intention de divulguer des renseignements personnels aux autorités de cet autre pays.
Je suis arrivé au Canada en tant que réfugié apatride. Je suis venu du Kosovo en 2000 et je suis devenu Canadien. Si j'obtenais ma citoyenneté en Yougoslavie aujourd'hui ou en Serbie et Monténégro, c'est le nom aujourd'hui, j'aurais une double citoyenneté. Mais je sais tout à fait de quel pays je suis citoyen. Je suis citoyen du Canada et c'est là que j'habite.
Je pense que c'est de cette façon que les Canadiens devraient considérer leurs citoyens. Ils devraient les considérer comme appartenant au pays et leur offrir la protection où qu'ils soient. Après tout, même s'ils ont une double citoyenneté, ils sont encore citoyens de ce pays et ils devraient bénéficier de toutes les responsabilités que leur offre le gouvernement canadien.
Mme HuaLin Wong: Je voudrais ajouter quelque chose très rapidement. Quand une personne a la double citoyenneté, elle est soumise aux lois en vigueur dans l'autre pays, dont elle est citoyenne, quand elle y est. Cela peut poser des problèmes, surtout dans le cas de Zahra Kazemi. Si nous n'avions pas de double citoyenneté et que n'ayons que la citoyenneté canadienne, il serait plus facile de traiter tout le monde de la même façon, que l'on soit né au Canada ou naturalisé et si vous quittez le pays et allez dans votre pays d'origine, vous serez considéré comme citoyen canadien et pas, par exemple, comme citoyen iranien.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Siksay.
C'est à Mme Beaumier.
Mme Colleen Beaumier: Merci, tout cela est très intéressant. Je vais d'abord poser mes questions.
Pour Leslie et Mary, au sujet des Vietnamiens provenant des camps de réfugiés, c'est la Suisse et le Danemark qui ont accueilli la majorité des personnes handicapées. Je me demande si des études ont été faites—je suis sûre qu'elles ont été positives—sur la contribution de ces handicapés à la Suisse.
Nick, vous avez tort. CE n'est pas parce que la GRC a été impliquée que c'est nécessairement légal—pas plus que l'invasion de l'Irak était légale du fait que vous avez une armée et un grand pays.
J'ai appris seulement aujourd'hui que nous n'avions pas signé la Convention sur la réduction des cas d'apatridie de l'ONU. Peut-être est-ce pour cela que nous avons déporté des Palestiniens apatrides vers des camps de réfugiés au Liban et à Alger. je suis contente que vous ayez porté cela à notre attention.
En ce qui concerne les mystérieux cinq, ils ne sont pas citoyens canadiens. Les certificats ont été délivrés en vertu d'une disposition en 1993. Je suis en contact avec l'un d'entre eux et j'ai offert de verser un cautionnement pour lui.
Le pire dans cette situation, c'est qu'ils ont été maltraités en prison au Canada. Il y a cinq ans que la personne que je connais est emprisonnée. Ses enfants ne l'ont vu qu'à travers une vitre, et n'ont pu lui parler qu'au téléphone. Il n'a touché aucun de ses enfants qui étaient très jeunes quand il est entré en prison il y a cinq ans. Son courrier et celui de ses enfants étaient interceptés.
D'autre part, les Américains ne cessent de répéter partout que le Canada est un refuge pour les terroristes, que notre politique d'immigration est une menace pour leur sécurité. Nous savons que ce n'est pas vrai, mais comment leur répondre?
Le point de transbordement du Canada se trouve dans ma circonscription et un bon nombre de mes électeurs dépendent du libre accès à la frontière. C'est leur moyen de subsistance; c'est de cette façon qu'ils nourrissent leurs familles. De plus en plus, ils sont arrêtés, et les retards sont de plus en plus longs sous prétexte que le Canada est un refuge pour les terroristes. Comment régler ce problème?
 (1205)
M. Remzi Cej: Je pense qu'il faut de la transparence. Ce que les gouvernements canadiens ont besoin aujourd'hui, c'est de transparence envers tous les citoyens canadiens. Aujourd'hui, personne au Canada, à l'exception des rares privilégiés qui travaillent dans les tribunaux qui traitent ces affaires, ne sait pourquoi ces hommes sont accusés.
Mme Colleen Beaumier: Les juges ont déclaré qu'il n'y avait pas suffisamment de preuves pour les détenir, mais ils ne peuvent rien faire.
M. Remzi Cej: Donc, nous nous servons de ces gens comme boucs émissaires—en réponse à la pression exercée par les États-Unis. Je ne pense pas que les droits de la personne devraient dépendre des relations avec un autre pays. Nous sommes un pays indépendant et nous pouvons nous occuper de nos propres affaires. Si cela veut dire qu'il faut assurer la liberté de tous nos citoyens, qu'il en soit ainsi. Je ne crois pas que nous devons sacrifier nos droits de la personne, notre liberté et nos libertés pour des raisons commerciales.
Mme Colleen Beaumier: Je partage votre avis. Mon moyen de subsistance, l'éducation de mes enfants et l'achat de nourriture ne devraient dépendre d'un libre accès à la frontière.
M. Remzi Cej: Donc, cela veut-il dire que nous acceptons que ces hommes restent...
Mme Colleen Beaumier: Non, je ne l'accepte pas. J'ai offert de fournir un cautionnement pour l'un d'entre eux. Mais qu'en est-il des milliers et des milliers de personnes qui se soucient de nourrir leurs familles? Comment allons-nous les nourrir?
M. Remzi Cej: Le problème, c'est que les États-Unis doivent accepter la notion de droits de la personne dans l'exercice de leur politique étrangère. Ils doivent accepter que la liberté est fondamentale et qu'ils ne peuvent pas mettre en danger un pays ami parce qu'ils sont menacés par le terrorisme.
Mme Colleen Beaumier: Toutefois, ils se sont dégagés de toute responsabilité. Tout est de notre faute, vous savez, le 11 septembre.
Le président: Merci beaucoup, madame Beaumier.
Vous pourriez maintenant lire le communiqué de presse que nous avons reçu puis vous l'annoncerez à la fin de la réunion, car c'est à ce moment que le ministre fera aussi l'annonce. C'est la raison pour laquelle il vous a envoyée ici au lieu de Brampton. Il voulait s'assurer que vous mentionnerez l'annonce.
Je sais que c'est une surprise.
Bon, passons à Mme Guergis.
Mme Helena Guergis: Merci beaucoup.
Je n'ai que deux ou trois commentaires et ils concernent plus l'association des handicapés, le Conseil des Canadiens avec déficiences.
Étant donné qu'au Canada, nous nous attendons vraiment à ce que le train de vie de nos handicapés soit misérable, quelques fois au seuil de la pauvreté—dans ma circonscription, beaucoup d'handicapés vivent au jour le jour, ils n'ont pas beaucoup de choses nécessaires dans la vie quotidienne—il n'y a aucun doute que la situation de certains immigrants et même de certains réfugiés qui arrivent au Canada pourrait être meilleure.
J'espérais que vous pourriez me dire leur situation quand ils arrivent au pays? Sont-ils aidés au niveau de la province ou du fédéral? Comment cela se passe-t-il?
Mme Leslie MacLeod: Il y a toute une gamme de programmes disponibles, certains fédéraux et d'autres provinciaux. L'aide pour les personnes handicapées dépend du lieu de résidence au pays. Le lieu de résidence détermine le revenu versé, les avantages additionnels pouvant être accordés ou non.
Mais, cela est vrai pour tous les handicapés vivant au Canada. Il est vrai aussi que même si certains handicapés vivent au même niveau de pauvreté que des bénéficiaires de l'aide sociale ou des femmes âgées sans pension, etc., d'autres handicapés ont un très bon mode de vie et de très bons revenus. Il n'y a pas de stéréotype de personne handicapée; il n'y a pas d'handicapé type.
Les aides pour personnes handicapées au Canada posent un problème, mais c'est une autre question que nous abordons à un autre niveau, au niveau des dispositions. Mais, nous sommes essentiellement tous des individus et je sais que vous êtes d'accord. Il faut simplement accepter le fait que nous avons tous le droit de vivre et de vivre où nous voulons vivre et de la façon dont nous voulons vivre.
J'aimerais seulement revenir à... Mme Beaumier qui a parlé de la situation des gens qui allaient dans d'autres pays. Je vous répondrai simplement que ce serait comme pour les autres gens. Les handicapés ne sont pas différents. Ils auraient fait leur vie et auraient continué à vivre en tirant profit de leurs expériences.
Donc, oui, il y a des problèmes, et ils ne sont pas faciles, mais c'est la même chose pour tout le monde dans ce pays.
 (1210)
Mme Helena Guergis: Oui. Merci beaucoup.
J'ai fait partie du personnel politique d'une circonscription provinciale, j'ai entendu beaucoup des préoccupations exprimées par les handicapés et j'ai souvent remarqué que nous les traitons, dans les programmes que nous avons ici, comme s'ils étaient des assistants sociaux et pas... Je me demandais seulement de quelle façon vous contribuez à... je suis sûre que vous le faîtes; que vous exercez des pressions régulièrement.
Il s'agit surtout d'un commentaire afin que vous compreniez où je me situe dans ce domaine.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Nous passons maintenant à M. Temelkovski.
M. Lui Temelkovski: Merci beaucoup, monsieur le président.
J'ai seulement deux ou trois questions. J'aimerais demander à Lynn, s'il devrait y avoir, dans le cas des adoptions, une limite d'âge lorsque nous accordons la citoyenneté?
Mme Lynn Haire: Je ne peux pas prétendre être spécialiste en immigration d'une famille normale immigrant au Canada, mais il se pourrait que nous envisagions le même genre de limite d'âge.
Je sais qu'à partir d'un certain âge, un enfant doit suivre un apprentissage concernant le Canada, il doit passer un examen, etc. Nous pourrions envisager quelque chose de similaire.
Mais, quand une personne adopte un autre membre de la famille—et cela arrive à l'occasion—les enfants sont généralement très jeunes. Certaines provinces fixent une limite d'âge de l'enfant. Elles interdisent l'adoption d'un enfant qui a plus de trois ans. Cette loi est provinciale. Je crois que c'est le règlement en Ontario aujourd'hui. Donc le nombre d'enfants qui viendraient serait insignifiant... cinq serait le maximum.
Donc nous pourrions envisager quelque chose de ce genre, quelque chose qui équivaut à une famille qui immigre et ce à quoi on s'attendrait d'un enfant un peu plus âgé.
M. Lui Temelkovski: HuaLin, vous avez mentionné qu'il serait plus facile d'avoir une seule citoyenneté au lieu de la double citoyenneté.
Mme HuaLin Wong: Oui, je pense qu'au plan de la sécurité de nos citoyens à l'étranger, ce serait plus facile. Et peut-être pas une citoyenneté à la fois; peut-être que sur nos passeports, à la place du lieu de naissance, qui pourrait être omis... je ne sais pas si cela serait possible au plan diplomatique. Peut-être qu'il faudrait n'avoir qu'un passeport canadien quand vous voyagez à l'étranger. Si vous êtes citoyen de cet autre pays, vous êtes soumis à ses lois. Mais, si vous n'avez que le passeport canadien et seulement la citoyenneté canadienne, peut-être que ce gouvernement et ce pays seraient plus enclins à respecter vos droits tels qu'ils seraient exercés ici au Canada.
M. Lui Temelkovski: Seriez-vous favorable à ce qu'une personne renonce à la citoyenneté de son pays d'origine? Car, cela est possible. Autrement, vous avez des droits de naissance attachés à ce pays.
 (1215)
Mme HuaLin Wong: Pour dire la vérité, je ne suis pas vraiment sûre. C'est une question très difficile, car beaucoup de gens voudraient garder la double citoyenneté. Je pense que le fait d'y renoncer ou non serait au choix de l'individu.
M. Lui Temelkovski: Je ne suis pas certain que vous perdez la citoyenneté simplement parce que vous n'êtes pas dans le pays où vous êtes né, même si vous l'avez quitté il y a 80 ans à l'âge de trois mois.
Mme HuaLin Wong: Dans certains pays, cela peut arriver. Je sais qu'au Kazakhstan, si vous êtes en dehors du pays pendant cinq ans sans vous inscrire auprès du consulat, vous perdez votre citoyenneté.
Alors, les lois régissant la citoyenneté dans le monde sont très différentes, je pense, et dépendent de chaque pays. Je ne peux pas vraiment donner de réponse définitive à cette question.
M. Lui Temelkovski: Quelqu'un d'autre?
Merci.
Le président: Monsieur Temelkovski, vous avez bien fait cette fois-ci. Vous n'avez pas dépassé votre temps. Merci.
Monsieur Cej, j'espère que vous allez présenter à votre école l'exposé que vous avez fait devant le comité.
M. Remzi Cej: Oui.
Le président: Bien. Est-ce que c'est pour votre diplôme de maîtrise?
M. Remzi Cej: Non, pour mon diplôme de baccalauréat.
Le président: C'est très bien. Ajoutez-y de la chaire et vous pourriez finir avec un diplôme de doctorat.
Je vais parler d'une partie de votre exposé que vous devriez creuser davantage, à mon avis. Il s'agit de la révocation de la citoyenneté. Plus loin dans votre exposé, vous faites valoir un point lié à une autre question, à savoir que vous pouvez faire appel dans le cas d'une contravention de 15 $. Eh bien, dans le cas de la révocation de la citoyenneté, de la façon dont les choses fonctionnent à l'heure actuelle, vous ne pouvez pas le faire. En fait, si vous faites un peu de recherches de fond sur cette question—et je pense que cela vous permettra d'atteindre le niveau du doctorat—et que vous retournez au projet de loi C-63 qui était une des premières tentatives récentes de modifier la loi et qui remonte à 1997-1998, il y avait une disposition concernant la révocation. Les gens n'étaient pas satisfaits de la façon plutôt brutale actuelle de retirer la citoyenneté aux gens. On voulait rédiger des phrases du genre « donner sciemment de l'information fausse », mais je dirais que si vous donnez simplement de l'information fausse, cela serait suffisant.
Une autre question qui m'a vraiment touché lorsque j'étais secrétaire parlementaire et que j'avais la responsabilité d'essayer de piloter cette législation à la Chambre, c'est qu'on disait que si on trouvait quelque chose contre des gens qui étaient des parents et que l'on révoquait leur citoyenneté, alors, à la discrétion du Cabinet, essentiellement, on pouvait révoquer aussi celle des enfants. J'ai dit devant la Chambre que cela signifie que si on trouvait quelque chose contre mes parents, dans le pays d'où ils venaient, même si je suis arrivé ici alors que j'étais un enfant, 50 ans plus tard, on pourrait vouloir m'enlever ma citoyenneté. Alors, toute la question de la révocation est un processus très dangereux.
Nous avons eu beaucoup de discussions dans l'ensemble du pays. En fait, le témoignage le plus dramatique est probablement venu d'une professeure de l'Université Simon Fraser qui faisait un exposé sur les titres de compétence. Tout à coup, elle a dit: « Quand deviendrai-je Canadienne si ma citoyenneté peut être révoquée? » Elle a dit qu'il s'agissait d'une mauvaise politique publique.
Je vous propose de creuser cette question davantage, parce que cela s'inscrit très bien dans le reste des questions que vous avez soulevées. C'était un excellent travail.
Madame Haire, j'ai vu le même documentaire que vous à l'émission The Passionate Eye , et j'espère que nous pourrons convoquer cette jeune femme pour qu'elle vienne témoigner devant le comité. Mais ce qui m'a vraiment troublé concernait les adoptions. Voilà une jeune femme qui avait une famille—je pense qu'elle avait sept frères et soeurs—et parce que la famille était pauvre, la mère a accepté qu'un riche médecin canadien l'adopte. Un fils plus jeune a été adopté par quelqu'un à Montréal et ces deux enfants ont été séparés.
J'ai été troublé par la déclaration de la jeune femme disant que les Canadiens ne devraient pas aller dans d'autres pays pour adopter ces enfants, parce qu'ils ont déjà une famille. Le seul problème de ces enfants, c'était qu'ils étaient pauvres. J'ai commencé à m'interroger sur toute la question morale entourant les adoptions internationales. Je sais qu'après le tsunami, il y a eu un fort mouvement pour aller là-bas et adopter des enfants. Dans une des émissions que j'ai vues sur cette question, un médecin a adopté un jeune voisin qui est devenu orphelin.
Je me demande s'il n'est pas préférable, lorsqu'il s'agit d'aider les familles—vous savez, comme nous le faisons par le biais des programmes de parrainage où nous aidons toute la famille—et je me demande quel genre d'obligations nous avons, de sorte que nous n'allions pas dans un pays pour nous emparer de l'une de ses plus grandes richesses. C'est simplement une question qui m'a un peu troublé. Je n'en suis pas arrivé à une conclusion, mais cela me trouble.
 (1220)
Mme Lynn Haire: Je pense que moi aussi j'aurais été troublée par cela, parce que, comme vous l'avez mentionné, dans le cas des victimes du tsunami, il est heureux que quelqu'un se soit réveillé et aie pris conscience que la Convention de la Haye interdit de déplacer les enfants dans des périodes de désastre, comme une guerre ou ce genre de situation, puisque la famille peut revenir chercher cet enfant? Alors, cette mesure est en place, Dieu merci, pour empêcher que ces enfants soient tout simplement pelletés ailleurs.
Il y a des situations légitimes où des enfants sont des orphelins, comme en Chine, où le système social fait en sorte que des enfants sont abandonnés dans les stations d'autobus et que des milliers de petites filles sont disponibles pour l'adoption. Ensuite, il y a la situation de la Roumanie où des enfants sont placés dans des orphelinats, dans certains cas, uniquement parce que leur famille ne peut les nourrir. Le Guatemala est interdit au Canada à l'heure actuelle à cause des problèmes graves liés au fait que des enfants sont volés à leurs parents ou achetés. La difficulté que nous avons, c'est de séparer les orphelins légitimes des orphelins qui ne sont pas aussi légitimes, et cela n'est pas une mince tâche.
Je suis d'accord pour dire que le fait de donner de l'argent pour aider les services de parrainage est une excellente solution lorsqu'elle existe. Malheureusement, il y a suffisamment d'orphelins dans ce monde sans que nous ayons besoin de voler des enfants à leurs parents ou de les acheter de gens qui n'ont pas d'argent et qui considèrent cela comme une possibilité à envisager.
Le président: Merci beaucoup.
Avant de céder la parole à Mme Beaumier, je veux juste vous dire que notre comité est assez non partisan et si vous examinez nos rapports, cela deviendra assez évident.
Je sais également que le ministre écoute nos délibérations, si vous voulez, et Grant est ici pour lui communiquer, au ministère, ce que nous avons entendu au pays. En fait, cette opinion est renforcée par l'examen des communiqués de presse que nous avons reçus.
Je vais demander à Mme Beaumier, dont la circonscription a été choisie pour rendre public un des communiqués de presse, de communiquer à la délégation et à d'autres—nous n'avons pas de copie du communiqué de presse—, la teneur de ce communiqué.
Mme Colleen Beaumier: Je lis ce document avec enthousiasme et avec la certitude complète qu'il n'y aura pas de pépins une fois que la mesure sera mise en application.
L'honorable Joe Volpe, ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, a annoncé des mesures aujourd'hui visant à accélérer le traitement des demandes de parrainage pour des parents et des grands-parents qui veulent immigrer au Canada dans la catégorie du regroupement familial. Compte tenu de ces nouvelles mesures, le nombre de parents et de grands-parents immigrant au Canada en 2005 et en 2006 augmentera de 12 000 chaque année, triplant ainsi le nombre prévu de 6 000 nouveaux parents et grands-parents pour 2005. |
Le ministre Volpe a annoncé également que Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) sera plus souple dans la délivrance de visas de visiteur pour séjours multiples aux parents et aux grands-parents. Cela leur permettra de rendre visite à leurs familles au Canada durant le traitement de leur demande de parrainage, dans la mesure où ils peuvent prouver qu'il s'agit d'une visite temporaire. Les contrôles réguliers de sécurité et de santé continueront d'être mis en oeuvre, et certains parents et grands-parents pourraient devoir obtenir une couverture en matière de santé pour être admissibles au Canada. |
« L'annonce d'aujourd'hui aidera CIC à soulager à court terme les pressions liées au nombre de cas à traiter, pendant qu'il traitera avec les provinces, les territoires et les collectivités pour trouver des solutions à long terme », a déclaré le ministre Volpe. « J'aimerais remercier les intervenants et les membres du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de soutenir nos efforts pour réduire les délais de traitement en vue de réunifier les familles. » |
CIC a accueilli plus d'un million de résidents permanents depuis 2000 et atteint régulièrement ses objectifs annuels d'immigration depuis. Cependant, le nombre de demandes de parrainage de la part de parents et de grands-parents augmente et, chaque jour, CIC reçoit plus de demandes qu'il n'est capable de traiter. Pour régler le problème, le gouvernement du Canada a investi 36 millions de dollars par année pendant deux ans pour augmenter le nombre de demandes traitées de la part de parents et de grands-parents et pour assumer les coûts d'intégration après leur arrivée au Canada. |
« Nous prenons des mesures maintenant pour régler l'un des problèmes les plus urgents de CIC et pour rendre notre système de traitement le plus efficace possible. La réunification des familles est un engagement du gouvernement du Canada ainsi qu'un priorité clé du programme canadien d'immigration », a ajouté le ministre. |
Des mesures supplémentaires seront appliquées immédiatement. Dans les prochaines semaines, CIC affectera temporairement des agents et des employés de soutien aux bureaux des visas ayant reçu le plus grand nombre de demandes. |
Voilà en bref. Et il y a un communiqué plus long ici...
 (1225)
Le président: Très bien. Vous avez précédé le ministre de cinq minutes.
Je me demande si quelqu'un de la délégation peut commenter certains des chiffres—si ces 12 000 devraient s'ajouter aux chiffres des immigrants que nous avons déjà acceptés.
M. Nick Summers: C'est ce que je voulais demander.
Le président: Un chiffre global.
M. Nick Summers: Le communiqué de presse n'indique pas clairement si ces 12 000 s'ajoutent aux 250 000 ou non. Je pense qu'il est important de noter que si le chiffre de 6 000 représente le nombre de parents et de grands-parents qui sont arrivés cette année, ce chiffre était beaucoup plus élevé auparavant. Il était de 12 000 ou 13 000 par année. Ce chiffre a diminué à cause de la pression pour trouver de la place pour tous les autres dans ce chiffre de 250 000.
À moins que les chiffres aient augmenté, le fait de dire que nous allons faire venir 12 000 parents et grands-parents de plus signifie qu'il y aura 12 000 personnes dans certaines autres catégories qui ne viendront pas.
Alors, je pense qu'il faut clarifier cette question.
Le président: Alors, ce que vous dites, c'est que vous aimeriez que les 12 000 s'ajoutent.
M. Nick Summers: Oui.
Le président: Est-ce que tout le monde est d'accord?
Je pense qu'il est tout simplement approprié de laisser M. Jaffer, Mme Faille et M. Siksay faire des observations et nous disent s'ils veulent que le chiffre de 12 000 provienne des chiffres actuels ou qu'il s'additionne à ces derniers.
M. Rahim Jaffer: Je suis d'accord pour que cela s'ajoute aux chiffres actuels.
Le président: Madame Faille.
Mme Meili Faille: C'est tout? C'était court?
Je travaille sur l'interprétation, alors donnez la parole à Bill.
M. Bill Siksay: Vous travaillez toujours sur l'interprétation, madame Faille; je ne comprends pas pourquoi votre réponse tarde.
Mme Meili Faille: J'ai été plus rapide cette fois—plus courte.
M. Bill Siksay: Alors, vous devriez être plus rapide et plus courte, peut-être.
Je suis heureux que le ministre ait pris cette situation au sérieux, mais je partage la préoccupation que cela se fait peut-être aux dépens d'une quelconque autre catégorie d'immigrants. Nous avons atteint la cible d'immigration de 1 p. 100 que les libéraux ont dans leur politique depuis de si nombreuses années, alors, je pense que c'est une question très importante.
Je suis toujours préoccupé par les annonces qui concernent l'argent. Souvent le gouvernement aime annoncer plusieurs fois la même dépense. Alors, je suis curieux de savoir s'il s'agit d'argent neuf qui est proposé ou s'il s'agit simplement d'argent recyclé qui a déjà été annoncé d'une quelconque autre façon auparavant. Je ne veux pas sembler trop cynique à l'égard du procédé, parce qu'il s'agit d'une question sérieuse dont nous avons beaucoup entendu parler lorsque nous avons sillonné le pays. Les gens se sont dit très frustrés du fait que leurs parents et grands-parents ne sont pas en mesure de venir les rejoindre. Je sais qu'ils attendaient impatiemment ce type d'annonce.
Je veux qu'un certain mérite rejaillisse sur ce comité pour avoir fait des pressions sur le ministre. Les parlements minoritaires sont merveilleux. Les comités permanents semblent avoir beaucoup plus d'influence dans un parlement minoritaire et je veux que nous nous félicitions d'avoir donné à cette question une certaine visibilité dans nos audiences à travers le pays.
Je veux également rendre hommage au travail de groupes comme Sponsor Your Parents qui ont fait beaucoup de lobbying partout au pays pour faire en sorte que tous prennent conscience de la situation des parents et des grands-parents. Ce groupe a découvert, par exemple, qu'aucune nouvelle demande n'avait été traitée à Mississauga au cours des deux dernières années et que certains parents et grands-parents auraient pu devoir attendre 18 ans avant de rejoindre leur famille. Lorsque vous parlez de la catégorie des parents et des grands-parents, un grand nombre d'entre eux n'ont pas 18 ans à attendre. Alors, je pense que c'était une question cruciale qu'il fallait résoudre. Bien que je sois heureux de l'annonce, je voudrais qu'il y ait des réponses à ces questions.
Je veux simplement dire que le ministre a également annoncé un élargissement de la capacité des étudiants étrangers à travailler à l'extérieur du campus...
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Le président: Cette annonce viendra dans deux heures, alors, nous ne voulons pas la divulguer avant le temps.
M. Bill Siksay: Monsieur le président, cela n'apparaît pas sur le document que l'on m'a remis.
Je veux simplement dire que je suis également un peu préoccupé par le fait que cela ne s'appliquera pas aux étudiants dans les grands centres comme Vancouver, d'où je viens. Les étudiants de l'Université Simon Fraser font également face à des pressions importantes au sujet de leur capacité de travailler à l'extérieur du campus et de travailler au Canada après qu'ils ont reçu leur diplôme. Je sais que les étudiants étrangers à l'Université Simon Fraser seront déçus de cette annonce également. Mais c'est bien que nous élargissions la capacité des étudiants de travailler à l'extérieur du campus et que nous ayons fait cela d'une manière uniforme dans tout le pays, alors qu'il y avait une grande différence entre les grands centres et les centres de plus petite taille dans la politique antérieure.
J'espère que la capacité de travailler après l'obtention du diplôme sera une politique uniforme dans l'ensemble du pays et que nous n'aurons pas des étudiants qui ont des occasions différentes selon l'endroit où ils vivent au Canada à l'heure actuelle.
Le président: Maintenant, M. Jaffer demande plus de temps.
Madame Faille.
Mme Meili Faille: Maintenant je suis prête—déjà traduit.
Je suis toujours prudente devant des annonces comme celles-là. Je le croirai quand cela fonctionnera. Par exemple, lorsque nous avons eu les conjoints dans la dernière annonce visant la réunification des familles, nous avons appliqué le processus une fois et cela a bien fonctionné. Ce fut laborieux et complexe, mais nous avons tout de même réussi à faire admettre un de mes électeurs. Mais à la deuxième occasion, dans un autre dossier semblable, tout a été très compliqué. Il semble qu'il n'y a pas de processus simple, bien que les dossiers aient exactement les mêmes caractéristiques. La seule différence, c'est que nous sommes passés par une autre personne.
Alors, je suis toujours prudente lorsqu'on fait des annonces et qu'on dit que l'on investira de l'argent. Je viens juste de lire la version traduite il y a quelques minutes et je pense que c'est très encourageant. Mais nous allons l'analyser, consulter et ensuite, le processus prendra un long...
Vendredi dernier, il s'agissait d'un non catégorique pour un de mes électeurs. Alors, je trouve très troublant de voir cette annonce, mais en même temps, c'est encourageant. Alors, je vais prendre le dossier qui était un non catégorique, le mettre dans la catégorie oui, et le faire traiter.
Je regarde toujours ces questions dans une perspective humaine et il y a des gens que nous refusons. Il s'agit d'un fardeau pour le système. Si le ministre annonce cela aujourd'hui, je le croirai lorsque cela fonctionnera. Alors, je vais prendre mon dossier qui est un non catégorique, le mettre dans le dossier du oui, le faire traiter et voir les résultats. Peut-être que dans deux ou trois mois, je serai en mesure de vous dire que cela fonctionne. Je ne veux pas être trop enthousiaste jusqu'à ce que j'aie mis le système à l'épreuve.
Le président: Merci beaucoup.
Encore une fois, je veux souligner le fait que nous avons été capables de travailler en comité d'une manière aussi non partisane que possible. Nous avons établi un consensus et nous avons envoyé des messages très fermes. Le ministre nous a prêté une oreille attentive à cause de cela, et c'est un des résultats que nous avons eus. Nous semblons avoir un consensus que nous voulons que ce chiffre s'ajoute aux chiffres que nous avons maintenant.
Nous voulons également nous assurer qu'il s'agit d'argent neuf. Je pense que c'est de l'argent neuf. Cela semble être de l'argent neuf, mais nous serions très déçus et très bouleversés si ce n'était pas le cas. Cela semble être le consensus du comité. Grant, vous pouvez transmettre ce message.
Je tiens à vous remercier tous pour votre participation et j'aimerais juste mentionner que nous sommes à la recherche d'un serment de citoyenneté; alors, écrivez-le et envoyez-le nous. Nous cherchons le préambule.
M. Cej, je suis tout à fait d'accord avec vous que la Charte des droits et libertés est notre livre saint séculier. Lorsque vous avez des gens de toutes les nationalités, de toutes les dénominations religieuses et de toutes les races vivant dans un pays, vous avez absolument besoin de cela. Nous souscrivons collectivement à quelque chose pour nous assurer de préserver un pays qui est vraiment un modèle dans le monde.
Merci beaucoup de votre participation.
La séance est levée.