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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 26 avril 2005




¿ 0905
V         Le président (L'hon. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.))
V         Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD)
V         Le président
V         M. Martin Stuart (à titre personnel)
V         Le président
V         M. Martin Stuart

¿ 0910
V         Le président
V         Mme Marjorie Stone (co directrice, Centre Métropolis Atlantique)

¿ 0915

¿ 0920
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough
V         Le président
V         M. Ather Akbari (directeur de recherche de domaine, Les conséquenses économiques de l'immigration, Centre Métropolis Atlantique)

¿ 0925
V         Dr Swarna Weerasinghe (directeur de recherche de domaine, Santé et bien-être des immigrants, Centre Métropolis Atlantique)
V         Le président
V         M. Ather Akbari
V         Le président
V         Dr Swarna Weerasinghe

¿ 0930
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough

¿ 0935
V         M. Ather Akbari

¿ 0940
V         Dr Swarna Weerasinghe
V         Mme Alexa McDonough
V         Mme Marjorie Stone

¿ 0945
V         Mme Alexa McDonough
V         M. Ather Akbari
V         Le président

¿ 0950
V         Mme Marjorie Stone
V         Le président

¿ 0955
V         M. Martin Stuart
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough

À 1000
V         M. Martin Stuart
V         Mme Alexa McDonough
V         Le président
V         Le président
V         M. Kevin Deveaux (membre, New Democratic Party Caucus, Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse)

À 1010

À 1015
V         Le président
V         Mme Jan Sheppard Kutcher (gestionnaire des services d'emploi, Metropolitan Immigrant Settlement Association)

À 1020
V         Le président
V         Mme Carmen Radulescu (à titre personnel)

À 1025

À 1030
V         Le président
V         Mme Megan Edwards (Nova Scotia Office of Immigration)

À 1035
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough

À 1040
V         M. Kevin Deveaux
V         Mme Alexa McDonough
V         M. Kevin Deveaux
V         Mme Megan Edwards

À 1045
V         Le président
V         M. Kevin Deveaux
V         Le président
V         M. Kevin Deveaux

À 1050
V         Le président
V         M. Kevin Deveaux
V         Le président
V         M. Kevin Deveaux
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough

À 1055
V         Mme Carmen Radulescu
V         Mme Alexa McDonough
V         Mme Carmen Radulescu
V         Mme Alexa McDonough
V         Mme Carmen Radulescu
V         Mme Alexa McDonough
V         Mme Carmen Radulescu
V         Mme Alexa McDonough
V         Mme Jan Sheppard Kutcher

Á 1100

Á 1105
V         Le président

Á 1110
V         Mme Megan Edwards
V         Le président
V         Mme Jan Sheppard Kutcher

Á 1115
V         Le président
V         Mme Jan Sheppard Kutcher
V         Mme Alexa McDonough
V         Mme Megan Edwards

Á 1120
V         Mme Jan Sheppard Kutcher

Á 1125
V         Le président
V         Le président
V         Mme Megan Edwards

Á 1140
V         Le président
V         Mme Anjana KC (à titre personnel)

Á 1145
V         Le président
V         Mme Marianela Fuertes (à titre personnel)
V         Mme Carmen Celina Moncayo (à titre personnel)

Á 1150
V         Le président

Á 1155
V         Mme Alexa McDonough

 1200
V         Mme Anjana KC
V         Mme Carmen Celina Moncayo

 1205
V         Mme Marianela Fuertes
V         Mme Alexa McDonough
V         Mme Marianela Fuertes
V         Mme Alexa McDonough
V         Mme Marianela Fuertes

 1210
V         Le président
V         Mme Marianela Fuertes
V         Mme Carmen Celina Moncayo
V         Le président
V         Mme Marianela Fuertes

 1215
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough
V         Le président
V         Mme Anjana KC
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough

 1220
V         Le président










CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 055 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 26 avril 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¿  +(0905)  

[Traduction]

+

    Le président (L'hon. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.)): La séance est ouverte. Je tiens à vous signaler que le Comité de la citoyenneté et de l'immigration arrive presque au terme de ses consultations pancanadiennes. Nous nous penchons notamment sur les questions relatives à la citoyenneté, sur la reconnaissance des titres de compétences acquis à l'étranger et sur la réunification des familles. La séance d'aujourd'hui portera sur la citoyenneté.

    J'invite Alexa McDonough à nous dire quelques mots pour nous souhaiter la bienvenue dans son coin de pays, qui est magnifique. J'ai trouvé extraordinaire le panorama de la baie et ses bateau que j'ai pu voir de ma chambre ce matin en me levant.

    Alexa.

+-

    Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Merci, monsieur le président. Je suis vraiment ravie d'avoir l'occasion de participer aux audiences du comité ce matin. Je ne suis pas la représentante officielle de mon parti à ce comité. C'est mon collègue Bill Siksay, un député de la côte Ouest qui travaille très fort, qui nous y représente, mais je suis très heureuse aujourd'hui de pouvoir le remplacer.

    J'ai l'honneur de souhaiter la bienvenue dans notre belle ville et notre belle province non pas seulement au président du comité mais aussi aux membres du personnel du comité qui travaillent très fort et qui jouent un rôle très important pour ce qui est d'assurer la continuité des travaux du comité. Je suis vraiment ravie d'être là pour entendre les témoins qui ont beaucoup de choses importantes à nous dire sur les questions que nous étudions. Je vous écouterai avec intérêt, tout comme les autres membres du comité.

+-

    Le président: Merci beaucoup. Nous étions en fait dans la région mardi dernier, mais nous ne pensions pas pouvoir nous rendre ici, car nous devions retourner pour voter à la Chambre des communes, comme vous le savez. La semaine dernière, nous étions six membres du comité, mais avec toutes les conjectures quant au déclenchement possible des élections, les députés peuvent difficilement quitter leurs circonscriptions. Nous sommes très heureux d'être là aujourd'hui.

    Nous allons vous demander de prendre cinq minutes pour nous présenter votre exposé, après quoi nous aurons une période de questions. Vous pouvez même prendre jusqu'à sept minutes; quand votre temps de parole sera presque écoulé, je vous le ferai savoir, car la période de questions qui suit permet généralement d'apporter des précisions intéressantes. Je vais commencer par M. Martin.

+-

    M. Martin Stuart (à titre personnel): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Merci à vous tous d'être là ce matin.

    Je vais simplement lire le texte de mon exposé, après quoi je serai à votre disposition.

    Mes premiers souvenirs d'enfance sont d'Armstrong Court, sur la rue Ferry, à Sydney. C'est là où vivait ma grand-mère et c'est là où ma mère et moi avons été accueillis quand nous sommes arrivés d'Angleterre en 1946.

+-

    Le président: Pourriez-vous vous approcher un petit peu du micro?

+-

    M. Martin Stuart: J'avais cinq mois. Ma mère et moi sommes venus sur le Queen Mary, accompagnés, comme elle aimait dire, par la plupart des soldats canadiens qui rentraient au Canada. J'ai toujours son document de voyage original et sur lequel figure mon nom et qui a été estampillé au moment de notre arrivée au quai 21, à Halifax.

    J'ai commencé l'école à Sydney, à l'école Sacred Heart. Malheureusement, l'école n'est plus là; elle a été démolie il y a environ deux ans. J'étais content de l'avoir revue, mais cela m'a attristé qu'elle ait été ensuite démolie. Mon père, Granger Martin, s'est enrôlé dans l'armée le jour où la Seconde Guerre mondiale a éclatée. On l'a affecté à la Royal Canadian Horse Artillery et posté à Sydney. Après un certain temps, on l'a envoyé en Angleterre, où on l'a transféré à la Deuxième unité d'observation avancée de l'Artillerie royale, qui était une Division de la sixième division aéroportée. Son unité a été postée à Winterbourne Dauntsey, où il a rencontré ma mère. Mon père a épousé ma mère avant de rentrer au Canada après la guerre. Elle aurait été enceinte de moi à l'époque, et elle aurait attendu de donner naissance avant de s'embarquer.

    Mon père a eu du mal à trouver sa place après la guerre. Nous avons vécu brièvement à Westmount, puis nous sommes déménagés à Point Edwards, où il faisait partie du service d'incendie de la marine, et nous avons fini par revenir à Armstrong Court, sur la rue Ferry, après que mon père ait obtenu un emploi à l'aciérie de Sydney. La vie près des étangs bitumineux était loin d'être idéale au regard des normes modernes, mais je garde de bons souvenirs de mon enfance là-bas.

    Mon père a réintégré l'armée au début des années 50, et il a été envoyé de Sydney à Hammond Plaines, ici à Halifax. Notre famille ne cessait de grandir, et nous étions sept enfants en 1955, plus ma mère et mon père, vivant dans un très petit logement militaire à Hammond Plaines où nous étions alors loin de tout. Mon père a ensuite été posté de nouveau à Sydney et, pour une raison que j'ignore, il a décidé d'installer la famille à Glace Bay. Nous vivions au 407, 3eRue, à New Aberdeen, qui était alors une localité minière. J'ai fréquenté l'école St. Joseph. En 1958, mon frère Granger, qui avait alors six ans, a été heurté et tué par un camion alors qu'il rentrait de l'école. Il est enterré dans un des cimetières locaux de Glace Bay.

    En 1959, mon père a été posté dans les Territoires du Nord-Ouest, et c'est alors que la famille a décidé de retourner en Angleterre. Mon père a quitté l'armée et, la même année, ma mère, qui était enceinte de mon jeune frère, est partie en avion pour l'Angleterre avec quatre de mes frères et soeurs, tandis mon père et moi ainsi que trois de mes frères et soeurs sommes partis pour l'Angleterre à bord du RMS Saxonia.

    J'avais douze ans à l'époque, et l'Angleterre m'a donné tout un choc au système. Tout y était différent. Le pays était toujours en train de se remettre des effets de la guerre. Même si nous avions quitté une région très défavorisée au Canada, notre situation était bien pire là-bas.

    Mon père n'arrivait pas à se trouver du travail, et nous ne trouvions nulle part où nous loger. La famille a donc dû se séparer, et nous sommes allés vivre qui chez des oncles et tantes qui chez des amis de la famille vivant dans le village. Je me suis retrouvé chez un oncle à Eastleigh, petite ville en banlieue de Southampton, qui se trouvait à deux heures de route en autocar. L'école en Angleterre était un cauchemar pour moi et j'ai fini par laisser l'école à 14 ans, ayant très peu appris par rapport à ce que je savais déjà en huitième année quand j'ai quitté le Canada. Comme je n'arrivais pas à trouver de travail, si ce n'est que comme travailleur agricole, à quinze ans et demi, je me suis enrôlé dans l'armée comme enfant soldat.

    Ma situation était un peu étrange étant donné que j'étais un soldat canadien dans l'armée britannique. Tout cela a changé cependant quand on m'a demandé si j'avais un passeport et que j'ai répondu que non, mais que, étant Canadien, j'aurais peut-être du mal à en obtenir un. Bien entendu, quand on a vérifié mon certificat de naissance, on m'a dit que j'étais Britannique. Je ne me sentais certainement pas Britannique, et je ne voulais pas non plus être Britannique. J'étais Canadien.

    Dire que je me retrouvais donc enfermé dans un dilemme, et c'est tout un euphémisme quand je pense à ce qu'a été ma vie par la suite et aux efforts que j'ai fait pour rétablir mon identité en tant que Canadien. J'ai passé les 25 années qui ont suivi dans l'armée britannique. Je m'étais engagé à 15 ans à servir pendant neuf ans dans l'armée régulière et trois ans dans la réserve. Je n'étais qu'un enfant, et quand j'ai compris ce que j'avais fait, il était trop tard. Quand j'ai eu terminé mes neuf ans, je me suis dit que je pourrais quand même servir encore pendant trois ans, puis après avoir servi pendant douze ans, il m'a semblé ridicule de partir sans une pension, alors je suis resté.

    J'ai été en service actif au Yemen Sud, j'ai participé à quatre opérations en Irlande du Nord dans les années 70 et j'ai aussi participé à la guerre des Malouines. J'ai quitté l'armée en 1986 et je suis allé travailler comme technicien en communications phoniques à l'hôpital local, où j'avais l'impression d'avoir un peu perdu mon chemin. J'avais toujours voulu rentrer chez-moi au Canada, alors j'ai écrit au ministère de l'Immigration en 1993 pour m'informer de mon statut, et c'est alors qu'on m'a dit que j'avais perdu la citoyenneté. Il n'y avait aucun appel possible, aucune zone grise; la loi avait changé, un point c'est tout.

    On m'a toutefois dit que je pouvais venir vivre au Canada—vous n'avez qu'à voir la lettre que j'ai annexée à mon mémoire—pendant un an, après quoi je pourrais demander la citoyenneté en suivant le processus habituel.

¿  +-(0910)  

    Le détail important qui m'a échappé, c'est qu'il fallait que j'obtienne le droit de m'établir. Quand on n'est pas expert en matière d'immigration ou de citoyenneté, il n'est pas facile de comprendre toute la signification de ces petits mots. Je suis donc venu ici en vacance, pour voir un peu ce qui avait changé par rapport à ce que j'avais connu, et j'ai retrouvé une amie d'enfance qui venait de vivre un divorce. Pendant ces vacances, nous avons décidé que je devrais revenir vivre ici.

    Muni de cette lettre, je suis allé à l'ambassade du Canada à Londres, où j'étais déjà allé à plusieurs reprises auparavant avec ma mère. Après avoir fait la queue pendant quatre heures sous la pluie uniquement pour entrer dans l'immeuble, j'ai fini par arriver à un guichet. J'ai expliqué au type derrière la vitre que je voulais aller au Canada pour travailler, que je voulais obtenir un permis de travail—j'avais déjà une promesse d'emploi avec le corps des commissionnaires—et que je voulais me qualifier pour ravoir ma citoyenneté. Il a souri et m'a souhaité bonne chance.

    J'ai donc vendu ma maison et ma voiture, j'ai loué une partie d'un conteneur pour y entreposer mes effets personnels, et je me suis envolé vers Halifax. À mon arrivée, on m'a délivré un visa de visiteur. Je suis tout de suite allé demander un permis de travail, et j'ai donc rempli les formulaires que j'ai ensuite envoyés à Buffalo pour qu'ils y soient traités. Buffalo les a renvoyés en disant qu'il faudrait que je fasse valider la promesse d'emploi par le corps des commissionnaires. Je ne le savais pas à l'époque, mais DRHC ne s'occupe pas des cas de validation d'emploi. C'est à l'employeur de faire cela.

    Je n'ai pas tardé à me rendre comte que les commissionnaires avaient déjà eu des difficultés avec DRHC, et que je n'obtiendrais pas de sitôt la validation d'emploi nécessaire. Les règles sont très claires : si le poste peut être occupé par un Canadien, DRHC refusera de valider l'offre d'emploi.

    Bien entendu, je n'étais pas au courant de cela, et comme je ne pouvais pas travailler, je me retrouvais dans l'embarras. Je suis allé voir Joan Faulkner, qui est l'adjointe du député Geoff Regan à Bedford. Elle s'y connaît en matière d'immigration, et elle m'a conseillé de demander le droit d'établissement en vertu de la catégorie de la common law; ce serait la façon la plus rapide de procéder, m'a-t-elle dit. Comme je n'avais pas d'autre choix, j'ai attendu les 12 mois nécessaires pour devenir admissible comme demandeur en vertu de la common law, puis j'ai demandé une carte de résident permanent. Il a fallu encore 12 mois pour que tout soit fait.

    Il m'en a coûté deux ans de ma vie et quelque 100 000 $, compte tenu des deux années de salaire que j'ai perdues et de mes frais de subsistance pendant ces deux ans, pour enfin pouvoir rentrer chez moi—tout cela parce que ma citoyenneté m'a été retirée sans que je sois au courant. Mon père n'a jamais pris la citoyenneté britannique, et puisque j'étais nommé sur son passeport quand nous sommes partis, j'étais certainement Canadien quand nous sommes arrivés en Angleterre. Les autres membres de ma famille sont tous Canadiens, et ils n'auraient sans doute pas les mêmes problèmes que j'ai eus moi s'ils voulaient rentrer chez eux. Si au moins j'avais pu obtenir un permis de travail temporaire, cela aurait atténué certaines de mes difficultés. J'aurais à tout le moins pu subvenir à mes besoins pendant les deux ans où j'ai attendu. Il me semble honteux que mon père se soit battu pour son pays afin de protéger des libertés qui ont été retirées à son fils aîné d'un simple trait de plume.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Nous allons maintenant entendre Marjorie Stone.

+-

    Mme Marjorie Stone (co directrice, Centre Métropolis Atlantique): Merci, monsieur le président. Je voudrais également remercier le comité qui a ouvert un créneau pour entendre les représentants du Centre Métropolis Atlantique.

    Je m'appelle Marjorie Stone et je suis l'un des trois codirecteurs du Centre Métropolis Atlantique. Je suis accompagnée aujourd'hui par Ather Akbari, professeur d'économie à l'Université St. Mary's, et Swarna Weerasinghe, professeur en santé communautaire et épidémiologie à l'Université Dalhousie.

    Le Centre Métropolis Atlantique... Vous connaissez peut-être déjà nos centres car vous avez probablement entendu nos représentants dans d'autres villes du Canada. Nous représentons un consortium de chercheurs universitaires, de représentants des pouvoirs publics et d'organismes non gouvernementaux qui a pour mandat de conduire des recherches d'intérêt public concernant l'immigration, les migrations et la diversité culturelle. Nous avons apporté pour la gouverne du comité une brochure qui explique le fonctionnement et la structure du centre ainsi qu'un petit texte de deux pages qui résume nos activités pendant l'année qui a suivi notre création.

    Il existe au Canada quatre autres centres Métropolis qui ont été créés il y a huit ans. Le nôtre est le dernier en date. Nos chercheurs sont issus de dix universités de l'Atlantique ainsi que des gouvernements et ONG qui sont nos partenaires dans quatre provinces de l'Atlantique. Nous nous intéressons en particulier à des thèmes de recherche qui intéressent cette région du Canada.

    Les points de vue que nous vous soumettons aujourd'hui ne sont pas les points de vue officiels du centre, mais plutôt ceux de ce groupe qui le représente. Nous axerons notre propos sur les différentes catégories énumérées dans la documentation qui annonçait les déplacements du comité au Canada. Je vais vous parler pour commencer de la nouvelle loi sur la citoyenneté, après quoi les professeurs Akbari et Weerasinghe vous parleront de la reconnaissance des diplômes et de la réunification des familles.

    Comme d'autres représentants que vous avez entendus dans l'Atlantique vous l'ont probablement déjà dit, notre région multiplie actuellement les efforts pour attirer davantage d'immigrants. La chose est désormais communément admise, l'immigration est cruciale pour l'avenir de notre région, pour son bien-être économique et social, en raison du déclin de sa population. Depuis quelques années, les quatre provinces de l'Atlantique ont chacune déposé des stratégies concernant leur démographie ou l'immigration afin de pallier les problèmes dus au fait qu'environ 76 p. 100 des immigrants qui arrivent actuellement au Canada viennent s'établir à Montréal, à Toronto et à Vancouver. Vous avez probablement entendu parler de ce phénomène qu'on appelle le phénomène MTV. C'est en l'occurrence l'obstacle que nous rencontrons ici dans l'Atlantique.

    Nous voulons qu'un plus grand nombre d'immigrants viennent s'établir dans notre région, et nous voulons également conserver un plus grand nombre d'immigrants qui, à l'origine, s'établissaient chez-nous, en créant à leur intention des communautés accueillantes qui apprécient le multiculturalisme, qui défendent la tolérance et qui s'emploient à abattre les obstacles créés par le racisme systémique. Nous pensons que les discussions qui entourent l'adoption d'une nouvelle loi sur la citoyenneté représentent une occasion idéale pour prendre l'initiative afin de trouver une solution aux disparités régionales qui entravent l'établissement de nouveaux immigrants et favoriser la création de communautés accueillantes. Je mets l'accent sur cette expression parce qu'elle ne se retrouve pas dans la documentation associée à la nouvelle loi sur la citoyenneté.

    Pour commencer, nous voudrions souligner, et vous l'avez probablement déjà entendu un peu partout au Canada, que la nouvelle loi doit éliminer les obstacles, les embûches et les inégalités qui, à l'heure actuelle, entravent le processus d'immigration—ces structures quasi byzantines. Nous venons tout juste d'entendre une relation très éloquente des difficultés que ces structures ont causées à l'un de ceux dont le père avait servi le Canada et qui lui-même avait servi ce pays à divers titres en combattant pour la Grande-Bretagne.

    Il est tout particulièrement important de bien comprendre que nous ne pouvons plus nous permettre de prendre à la légère la nécessité d'attirer chez-nous de nouveaux immigrants. Les travaux de recherche révèlent que, dans certains des pays qui nous ont toujours envoyé beaucoup d'immigrants—la Chine par exemple—, on prend actuellement des mesures pour arrêter l'exode des cerveaux, car c'est ainsi que ces pays le voient, l'exode des ingénieurs et autres professionnels qui quittent leur pays pour venir s'établir au Canada. Ces pays sont donc en train de changer leurs règlements en matière de citoyenneté. Par ailleurs, les pays en développement s'inquiètent de plus en plus du fait que le Canada y effectue, car c'est vraiment le cas, un véritable pillage des cerveaux à son avantage.

    Il faut, en pensant à une nouvelle loi sur la citoyenneté, être parfaitement conscients de ces problèmes. Pour insister encore sur l'argument, je suis persuadée que, pendant vos audiences un peu partout au pays, vous avez pu parler à des chauffeurs de taxi, et moi-même j'en ai rencontré beaucoup ces dernières années. Ce sont souvent des professionnels ou des ingénieurs. Je vous parlerai de la discussion que j'ai eue encore tout récemment à Edmonton avec un ingénieur turc qui conduisait un taxi et qui ne cachait pas son amertume pour la façon dont le Canada lui avait été mal expliqué, pour le fait qu'on l'avait fait venir ici comme immigrant qualifié alors qu'à son arrivée, il a constaté qu'il y avait une myriades d'obstacles qui allaient l'empêcher de travailler dans son domaine de spécialité, une spécialité en demande, pensait-il, au Canada. Il a lui même réagi activement à cet état de chose en disant aux gens en Turquie, aux professionnels, de ne pas songer à faire une demande d'immigration au Canada, et à se méfier de la façon dont on présentait le Canada en Turquie. Cela, il faut s'en souvenir.

¿  +-(0915)  

    Nous avons fait remettre un mémoire au comité, de sorte que je me contenterai d'en souligner quelques-uns des autres éléments clés à la première rubrique, la citoyenneté, après quoi je céderai la parole à mes collègues. Il faut accorder davantage d'importance à l'élargissement de la catégorie des parents aux fins de l'immigration. Le professeur Akbari vous en parlera de façon plus détaillée.

    La nouvelle loi devrait également tenir davantage compte de la contribution qu'une large palette de nouveaux immigrants pourrait apporter à la société canadienne, et j'entends par là pas seulement les gens qui peuvent apporter beaucoup d'argent, c'est un exemple, au profit des entrepreneurs canadiens. L'histoire nous a montré que la plupart de nos citoyens les plus productifs sont arrivés ici pratiquement sans argent, parfois en tant que réfugiés. Cela, il ne faudrait pas l'oublier.

    Nous espérons que les discussions qui entourent l'adoption d'une nouvelle loi permettront de réfuter certains mythes qui existent encore au sujet des immigrants et de ce prétendu fardeau qu'ils représentent pour notre société. Ces mythes sont résumés très succinctement à la première page du document Nova Scotia's Immigration Strategy, dont nous vous donnons la référence dans notre mémoire. Nous aimerions également souligner que la loi doit souscrire aux valeurs d'équité, de démocratie et de justice qui sont intrinsèquement canadiennes. De plus en plus, on semble maintenant pencher vers ce que certains juristes associés à notre centre qualifient de hiérarchie des droits, une hiérarchie qui fait que certains membres de notre société canadienne qui n'ont pas encore accédé à la pleine citoyenneté ne bénéficient pas tout à fait des mêmes droits que les autres. Comme nous avons pu le constater dans l'affaire Maher Arar, il arrive que des citoyens canadiens soient dépouillés de leurs droits.

    Il y a à Halifax une importante communauté arabe et moyen-orientale et l'affaire en question donne beaucoup à craindre qu'elle finisse par provoquer un certain profilage racial. Lorsque l'épouse de Maher Arar est venue prendre la parole ici en mars dans le cadre d'une tournée de conférence organisée à l'Université de Dalhousie, 250 membres de la communauté sont venus l'écouter et lui ont fait une véritable ovation à la fin de son discours.

    Enfin, permettez-moi de souligner qu'à mon avis, il faut faire tout particulièrement attention à bien définir le terme « responsabilité » dans la nouvelle loi, parce que ce terme revient très souvent. La responsabilité est une notion très floue. Il faut donc la définir avec précision et bien veiller à préciser non seulement les responsabilités des citoyens canadiens, mais également celles du gouvernement. Il s'agirait en l'occurence, dans ce dernier cas, de la responsabilité de promouvoir le multiculturalisme, l'égalité entre les sexes et la dualité linguistique.

    Je vais dire un mot de la dualité linguistique. Nos collègues de notre bureau de Moncton n'ont pas pu venir aujourd'hui, mais ils travaillent sur plusieurs projets qui concernent précisément le genre de difficultés qui se posent aux communautés francophones en situations minoritaires hors Québec qui souhaitent faire venir des immigrants pour compenser la diminution de leurs populations.

¿  +-(0920)  

+-

    Le président: Je vous remercie. Étant donné que les deux autres invités vont parler de sujets pour lesquels nous avons constitué des groupes de travail, nous allons plutôt les laisser intervenir devant les groupes de travail en question, de sorte que nous ne mélangerons pas les choses.

    Je tiens à vous remercier énormément pour votre exposé, et vous remercier également, monsieur Martin.

    Nous allons maintenant commencé à alterner en demandant à Mme McDonough de vous poser ses question et en vous laissant ensuite y répondre.

+-

    Mme Alexa McDonough: Monsieur le président, je voudrais commencer par demander un éclaircissement.

    Je me demande si nos invités voient un inconvénient à ce que vous leur demandiez de rester pour intervenir ultérieurement, et je pose la question par simple égard.

    Il me semble en effet que nous sommes mieux placés pour être plus souples à ce sujet que ne le sont probablement les témoins, étant donné que nous sommes en si petit nombre ce matin. Je ne voudrais bloquer le processus, loin de là, mais je me demande simplement s'il ne s'agit pas là de quelque chose dont nous devrions tenir compte.

+-

    Le président: Le problème est que nous n'avons prévu qu'une heure pour ce groupe-ci. Par contre, nous avons prévu une heure et demie pour les groupes de travail. Si nous voulons pouvoir vider les questions de citoyenneté pour lesquelles nous sommes censés produire des recommandations au gouvernement uniquement au sujet de la nouvelle Loi sur la citoyenneté, il serait préférable de ne pas amputer cette partie du débat.

+-

    Mme Alexa McDonough: Si cela doit créer un cauchemar logistique, je le déplorerais, mais ne serait-il pas possible de faire commencer plus tôt la séance suivante en demandant à ces témoins-ci de prendre la parole en premier, cela n'aurait-il pas le même effet?

+-

    Le président: Pourriez-vous rester pour les autres séances?

+-

    M. Ather Akbari (directeur de recherche de domaine, Les conséquenses économiques de l'immigration, Centre Métropolis Atlantique): J'ai d'autres engagements ce matin. Si nous prenions chacun deux minutes pour vous faire un exposé...

¿  +-(0925)  

+-

    Dr Swarna Weerasinghe (directeur de recherche de domaine, Santé et bien-être des immigrants, Centre Métropolis Atlantique): Oui, deux minutes ou trois au maximum chacun...

+-

    Le président: Très bien, allez-y monsieur, je vous en prie.

+-

    M. Ather Akbari: Merci beaucoup.

    Je vais donc vous faire un survol de mon exposé qui porte sur la reconnaissance de l'expérience et des titres de compétences des immigrants.

    Il est communément admis que le problème des titres de compétences est un obstacle important à l'intégration économique et sociale des nouveaux immigrants dans la région de l'Atlantique. Je pense personnellement que le problème de la reconnaissance de ces titres de compétences n'est pas bien compris. Ce qui se passe actuellement, c'est que lorsqu'un candidat fait une demande d'immigration, ses documents sont envoyés à une association professionnelle pour être accrédités, et une fois que cette accréditation est accordée, les attentes du candidat augmentent évidemment, il pense que, comme il est reconnu au Canada, il lui sera facile de trouver du travail. Or, la réalité est toute différente et il faut que nous comprenions bien que le marché du travail n'est pas ainsi fait.

    Les travaux de recherche montrent qu'il y a souvent un fossé entre la reconnaissance officielle d'un titre de compétences accordé par une organisation professionnelle, les associations d'ingénieurs par exemple, et par les employeurs. S'il faut mettre au point des structures et des programmes pour accommoder le côté demandeur du marché du travail, il faut que les employeurs aient le sentiment de pouvoir en toute confiance engager des travailleurs immigrants. Les employeurs préfèrent d'ailleurs l'expérience locale et les titres de compétences canadiens.

    Une solution à ce problème pourrait être des programmes de transition et de mentorat qui mettraient en rapport des immigrants qualifiés avec des compagnies demanderesses. Il existe d'ailleurs dans certaines provinces des modèles qui ont produit d'excellents résultats. Bien entendu, on pourrait chiffrer ce que cela coûterait et voir ensuite à qui cette dépense incomberait.

    S'agissant de la citoyenneté, les travaux de recherche font valoir que l'un des principaux facteurs qui motivent les immigrants à s'installer dans telle ou telle région et d'y rester, c'est l'expérience des membres de la famille et les réseaux communautaires. Les travaux de recherche portent également à penser que l'élargissement de la catégorie des parents serait peut-être l'une des meilleures façons d'attirer des immigrants et de les faire rester ailleurs que dans les grandes villes. Certains éléments portent à penser que cela pourrait avoir un effet beaucoup plus important même que les perspectives d'emploi. Il est donc particulièrement important, pour la réussite des stratégies d'immigration dans l'Atlantique, de rendre plus souple et plus large la catégorie des parents aux fins de l'immigration.

    Merci beaucoup pour m'avoir donné le temps de faire cette exposé.

+-

    Le président: Je vous remercie.

+-

    Dr Swarna Weerasinghe: Je vais m'adresser à vous en tant que chercheuse et éducatrice, en tant qu'immigrante, en tant que membre d'une minorité visible et également en tant que mère de deux citoyens canadiens et d'épouse d'un mari qui est également citoyen canadien après avoir été immigrant reçu.

    Je vais vous parler surtout de la santé car c'est dans ce domaine que je conduis mes travaux de recherche. Marjorie vous a parlé de l'exode des cerveaux, mais moi je vais vous parler du gaspillage de cerveaux et des effets néfastes au niveau de la société et de la santé.

    Pour les professionnels de la santé et les professions médicales, l'équivalence des diplômes et des titres de compétences est un problème important. Très souvent, je reçois des médecins bardés de diplômes qui viennent me dire : « Professeur, est-ce que je peux faire quelque chose pour vous? » Et je leur demande : « Que faites-vous? » Et ils me répondent : « Je livre des pizzas » ou « Je conduis un taxi ». Cela me brise le coeur. Si vous avez lu le rapport Romanow, là où il parlait du gaspillage de cerveaux, vous savez qu'il a recommandé d'aller chercher là où il y avait un excédent et d'essayer de faire venir ces gens ici au lieu de créer des vides dans ces pays-là qui ont investi beaucoup pour instruire ces gens.

    Ceux qui ont des diplômes et des titres de compétences étrangers pourraient aider à sensibiliser davantage le système de santé aux différentes cultures. Pour l'instant, le système canadien n'est ni adapté, ni ouvert aux autres cultures. Les immigrants pourraient nous faire profiter d'un nouveau savoir au sujet des maladies tropicales. Dans le cadre de mes travaux de recherche, j'ai découvert des incidents tout à fait affligeants, par exemple des absences de personnel qualifié pour soigner le paludisme ou encore le fait que les médecins n'avaient jamais vu une irritation de la peau chez un Noir. Ils cherchaient un signe de rougeur de la peau, mais ils peuvent bien chercher jusqu'à la fin des temps, jusqu'à ce que l'inflammation commence à suppurer et à s'infecter.

    Il pourrait y avoir des programmes de formation intensifs dispensés par des experts qualifiés qui formeraient les diplômés en médecine et en science de la santé pour leur apprendre comment fonctionne le système de santé au Canada et ce qui s'y fait en matière de prévention, de diagnostic et de traitement. Ce serait un investissement, mais ce serait beaucoup plus rentable que le fait de former de nouveaux diplômés.

    Il faut également tenir compte des effets néfastes pour la santé qui sont le produit de la discrimination dont sont victimes les membres, hommes et femmes, des minorités visibles qui immigrent au Canada. J'ai analysé les données du sondage sur la santé des collectivités, le dernier cycle, et qu'ai-je pu y constater? J'y ai constaté que les immigrantes appartenant à une minorité visible étaient les plus instruites—c'est elles qui présentent le taux de scolarité postsecondaire le plus élevé—, mais par contre lorsque j'ai regardé leur niveau de revenu et leur catégorie d'emploi par rapport à leur niveau de scolarité, j'ai constaté qu'elles se situaient dans la catégorie la plus basse.

    Ensuite, j'ai approfondi un peu cette inégalité en me demandant quel effet cela avait sur leur santé mentale et physique et qu'ai-je constaté? Les immigrantes appartenant à une minorité visible ont 13 p. 100 de probabilité de moins d'obtenir le même poste qu'une femme canadienne, et 30 p. 100 de probabilité de moins de toucher le même niveau de revenu. À mesure que l'inégalité s'accroît, la santé se dégrade, en moyenne de 9 p. 100 sur une échelle allant de zéro à 74. La santé physique, mentale et émotionnelle des immigrants se dégrade de façon directement proportionnelle à la durée de leur séjour, et surtout de la période d'attente. Il faudrait appliquer des politiques d'action positive pour éliminer ces inégalités.

    Lorsqu'on lit la Loi sur le multiculturalisme, la Loi canadienne sur la santé, et la Loi sur la citoyenneté, on constate que toutes ces lois parlent d'équité. Mais est-ce bien la réalité? Je n'en sais rien. Il faudrait réfléchir un peu à la façon dont le sexe auquel on appartient a une incidence sur la question des diplômes et des titres de compétences. La situation est-elle la même pour les hommes et les femmes? Il faudrait songer à concevoir et à mettre en place des programmes spéciaux de subventions aux études pour aider les immigrants des catégories professionnelles à surmonter les obstacles de la reconnaissance des diplômes étrangers.

    Les universités et les collèges ont un rôle important à jouer. Il faut également reconnaître qu'ils jouent un rôle déterminant puisqu'ils sont un lien entre les associations et ordres professionnels qui revoient les programmes d'enseignement qui les intéressent.

    Je vais maintenant poursuivre en parlant de la réunification des familles. Pour la plupart des gens, et surtout ceux qui sont originaires des pays d'Asie et d'Afrique, la « famille » n'est pas la famille nucléaire que nous connaissons. Pour eux, la famille c'est la famille au sens large. Il s'agit ici d'un réseau complexe de système de responsabilités et de soutien. Pour de nombreux immigrants d'origine asiatique et africaine, par exemple, le cercle de la famille s'entend non seulement des parents, frères et soeurs, mais également des nièces et des neveux, et souvent, les Asiatiques et les Africains ressentent un sentiment de responsabilité extrêmement fort à l'endroit des autres membres de leur famille.

¿  +-(0930)  

    Quand mon père est mort, j'ai fait une demande pour faire venir ma mère ici pour à peine six mois. Je suis originaire du Sri Lanka. Sa demande de visa de visiteur a été rejetée. Aucun motif n'a été fourni pour le refus, et quand j'ai demandé pourquoi, on m'a crié après devant tout le monde. J'ignore toujours pourquoi on le lui a refusé.

    S'occuper de parents vieillissants est considéré comme un devoir, ce qui peut avoir des effets positifs dans les collectivités immigrantes du Canada en ceci que cela peut réduire les coûts de prise en charge des personnes âgées. La santé et le bien-être émotif des immigrants sont gravement compromis en l'absence de relations sociales, notamment les immigrants qui habitent dans des petites localités du Canada atlantique où il y a très peu d'immigrants. Je lutte pour vivre ici sans aucune aide pour les frais de garderie, et personne pour s'occuper de mes enfants quand je dois participer à des conférences internationales et nationales.

    La réunification devrait prendre en considération ces liens culturels qui existent entre les familles élargies et la catégorie de la famille devrait inclure les membres de la famille immédiate et élargie comme les frères et soeurs et leurs enfants.

    Je vous remercie infiniment de m'avoir donné cette occasion.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Je pourrais peut-être signaler aux témoins, bien que tous les membres du comité ne soient pas ici, que la moitié des membres du comité est née à l'étranger. En effet, nous comptons deux réfugiés—moi-même, je suis réfugié hongrois et j'ai vécu bien des situations que vous avez décrites, et nous avons un autre membre du comité qui est arrivé au Canada comme réfugié de l'Ouganda; c'est pour vous dire que ce genre de questions nous interpellent particulièrement.

    Monsieur Martin, votre perte de citoyenneté, et Alexa vous dira de même, toute la question de la citoyenneté, me préoccupent grandement. Barbara Roberts a écrit un excellent livre intitulé Whence they Came: Deportation from Canada, et dans ce livre, elle montre comment nous avons été désinvoltes au Canada en ce qui concerne les droits des immigrants et fait état d'expulsions de masse.

    Sur ce, je vais donner la parole à Mme McDonough.

+-

    Mme Alexa McDonough: Merci, monsieur le président.

    Il est regrettable que les autres membres du comité ne soient pas ici. Une des raisons importantes pour lesquelles nous parcourons le pays est de commencer à brosser un tableau des enjeux. Cela permet au comité d'être réactif aux recommandations faites au gouvernement. C'est pourquoi votre volonté de partager vos expériences personnelles et de nous faire part de recommandations stratégiques est très appréciée.

    Même sans être membre du comité, je peux vous dire que nombre de problèmes que vous avez recensés sont évidents pour les députés. Nous y sommes confrontés au niveau des comtés. Ayant été chef de mon parti pendant huit ans, j'ai eu l'occasion de parcourir le pays d'un bout à l'autre. S'il est une chose que les Canadiens devraient trouver embarrassante et humiliante, c'est que nous avons probablement les chauffeurs de taxi les plus instruits du monde. J'ai trouvé intéressant d'entendre les divers éclairages sur cette situation. Bien des fois, j'ai entendu des gens me dire qu'ils ont fini par avoir l'impression qu'on les a attirés vers le Canada par des moyens frauduleux, en ce sens qu'on leur a fait croire que leurs titres et diplômes faisaient partie de leurs conditions d'établissement. Ces gens supposaient, avec raison, qu'on leur donnerait l'occasion d'exercer leurs vocations, leurs métiers ou professions respectifs.

    En tant que parlementaires et que législateurs, nous devons mettre le doigt sur la source du problème et recenser les solutions qui s'offrent à nous au fur et à mesure. Les expériences personnelles peuvent nous éclairer dans cette voie. Monsieur Akbari et madame Weerasinghe, c'est à vous que je pense en particulier. À certains égards, l'expérience de M. Martin est assez différente de celle que vous avez décrite. Loin d'être des moyens de prise en charge personnelle, les titres et diplômes peuvent ériger des obstacles qui empêchent les gens de réaliser leurs rêves et de se prendre en main d'une manière qui leur permette de satisfaire leurs aspirations.

    Je me demande si vous pouvez nous recommander des changements qui pourraient aider les gens à prendre des décisions éclairées avant de venir au Canada. Qu'est-ce que le Canada devrait faire différemment, à l'étape de la demande d'immigration, pour que l'expérience et l'éducation soient pleinement prises en compte? Pouvez-vous nous donner une idée où se situent les potentialités et les frustrations? Pourriez-vous nous suggérer un processus plus proactif qui concilierait les compétences et l'éducation avec les besoins du Canada?

    Je me demande s'il y a d'autres propositions qui, selon vous, devraient être prises en compte déjà au point d'entrée avant qu'on ait parlé de ce qui se passe une fois que vous êtes déjà au pays.

¿  +-(0935)  

+-

    M. Ather Akbari: Il faut dire qu'à l'extérieur du Canada, on présente un tableau plutôt idyllique au candidat. Les agences d'immigration qui facilitent le processus d'immigration le font tout particulièrement.

    On ne devrait pas faire croire aux candidat que le simple fait qu'une association professionnelle ait attesté les documents de l'immigrant potentiel va lui faciliter l'obtention d'un emploi au Canada. On devrait signaler au candidat que cette attestation ne signifie pas que des employeurs privés vont la reconnaître.

    Une fois qu'une association professionnelle atteste un document, le candidat à l'immigration est rempli d'espoir. Il y a donc de l'information à fournir dans ce cas-là.

    Je ne sais pas si quelqu'un a quelque chose à ajouter.

¿  +-(0940)  

+-

    Dr Swarna Weerasinghe: Je voudrais ajouter quelques compléments d'information qui ont trait à ma propre expérience.

    Heureusement, j'ai fait mes études au Canada de sorte qu'il m'a été facile d'intégrer le système. Il y a une tendance ici, quand on regarde un curriculum vitae, de chercher où le diplôme a été obtenu... c'est une tendance. Il faut tout d'abord faire quelque chose pour changer cette attitude, pour considérer de façon plus générale le lieu d'obtention des diplômes et ce qu'ils attestent comme connaissances. En fait, ceux qui viennent ici font... Je suis à la faculté de médecine de l'Université Dalhousie et le programme médical y est assez semblable aux études que j'ai poursuivies. En fait, là on va un peu plus loin, car certains pays offrent le baccalauréat international. On va plus loin.

    Il est important de ne pas se borner au diplôme ou à cette ligne du curriculum vitae qui indique où il a été obtenu, mais il faut fouiller davantage le contenu des cours suivis. C'est une chose.

    J'ai eu affaire à des diplômés de médecine étrangers qui sont internes et je sais quelle formation nous donnons. Le régime de soins de santé canadien est différent. Je vais vous donner un exemple. Ici, on commence par faire un diagnostic et ensuite on donne un traitement mais dans d'autres pays—des pays du tiers monde—on ne fait pas diagnostic parce qu'on n'a pas les installations nécessaires pour le faire. Les médecins sont formés au traitement des patients en émettant des hypothèses. Ils constatent des symptômes et ils conjecturent sur la maladie. Ensuite ils administrent le traitement. Ces choses doivent changer.

    La solution que je propose passe par une formation à très court terme gratuite.

    Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question.

+-

    Mme Alexa McDonough: Je demande à la Dre Stone de nous parler du travail accompli par le Centre Métropolis de l'Atlantique—je pense que c'est comme ça qu'on l'appelle—sur le dossier de la reconnaissance des diplômes. Les gouvernements ne cessent de dire qu'effectivement il y a là un vaste problème et on en parle beaucoup, mais je ne vois pas clairement ce qu'il faudrait que le gouvernement fasse pour répondre à la situation, pour agir concrètement.

    Pouvez-vous nous dire ce que l'on fait actuellement pour résoudre ce problème de reconnaissance d'équivalence des diplômes, de l'expérience ou de la formation que les nouveaux arrivants apportent? Quelles seraient les méthodes à suivre pour que la formation nécessaire soit dispensée sans qu'elle devienne une barrière insurmontable mais plutôt une façon de faciliter l'utilisation des compétences nécessaires pour que les gens puissent poursuivre leurs objectifs?

    Pouvez-vous nous dire ce qui est fait au Centre Métropolis de l'Atlantique à cet égard?

+-

    Mme Marjorie Stone: Il faut que vous sachiez que notre centre est tout nouveau. Nous n'existons que depuis un an et nous essayons de fonctionner avec un budget de 300 000 $ pour les quatre provinces de l'Atlantique; nous employons beaucoup de chercheurs. Nous sommes arrivés au point où nous pouvons être reliés à d'autres centres, où on a fait davantage de recherches sur la question de la reconnaissance des diplômes dans d'autres régions du Canada. Leur travail va profiter à la région de l'Atlantique.

    Nous en sommes encore à l'étape où nous cernons les problèmes et nous réunissons les intervenants autour d'une même table. Dans notre mémoire, nous rappelons le rôle des universités et des établissements postsecondaires—car on n'en a pas parlé dans la brève description de l'enjeu qui nous occupe—et nous précisons que c'est un problème complexe.

    Un des rôles que jouera le centre consistera à encourager la recherche et les études en vue de créer des structures qui permettront aux universités d'engager un dialogue et de travailler avec les diverses associations professionnelles qui accréditent les programmes aux niveaux provincial et fédéral. L'immigration est désormais à l'ordre du jour des présidents d'université dans l'Atlantique. À une réunion de l'APECA, récemment, par exemple, on a fait un exposé conséquent sur l'immigration. Pour ma part, de loin en loin, je soulève la question au Sénat de l'Université Dalhousie.

    Dalhousie étant la plus grosse université de l'Atlantique, je la prends comme exemple pour indiquer qu'il y a encore beaucoup de travail à faire pour créer les structures de coordination au sein de l'université en vue de régler les problèmes d'accréditation, par exemple en médecine, problèmes qui peut-être se retrouvent dans le domaine du génie ou des sciences, de sorte que l'on puisse trouver les solutions qui conviendraient à plus d'un de ces secteurs.

    C'est une question très frustrante et complexe. Certaines initiatives ont été entreprises avec la collaboration des ONG. Il y a notamment une initiative au Nouveau-Brunswick, assez avancée, afin de résoudre la question des accréditations.

¿  +-(0945)  

+-

    Mme Alexa McDonough: Je ne sais pas si ma suggestion est trop bouleversante mais étant donné la détresse des gens—sur le plan émotif comme sur le plan économique—qui arrivent et découvrent que les nombreuses années de formation et d'instruction qu'ils pensaient leur avoir valu d'entrer au Canada ne leur permettent pas d'atteindre leurs objectifs, à cause des barrières, etc., ne serait-ce pas là un problème assez grave pour que le gouvernement ne s'y intéresse avant l'arrivée de ces gens au Canada?

    Autrement dit, une fois la demande faite, il y aurait une démarche qui se déroulerait dans le pays d'origine par laquelle on vérifierait les diplômes et on les confirmerait, et il y aurait donc ensuite un processus de reconnaissance des équivalences en ce qui a trait à un métier ou à une profession en particulier. Le problème est-il assez grave pour que l'on songe à entreprendre ce début de solution pour éviter que les gens vivent dans l'incertitude aux prises avec de graves problèmes économiques?

    Deuxièmement—et c'est une question très difficile que je vous pose—si vous aviez su à quel point les barrières étaient infranchissables, pensez-vous que vous personnellement, ou même certains de vos collègues ou amis nouveaux Canadiens qui affrontent des problèmes semblables, auriez, connaissant les difficultés à surmonter, choisi de venir dans ces conditions?

+-

    M. Ather Akbari: Comme je l'ai déjà dit, il est important de veiller à ce qu'on donne suffisamment d'information au candidat, afin qu'il sache que l'accréditation ne garantit pas un emploi. C'est une chose importante.

    Il y en a une autre : pour régler ce problème, il est plus important encore de travailler sur la demande, du côté des employeurs. Que veulent les employeurs? L'accréditation par le gouvernement ne signifie pas qu'un employeur va embaucher un immigrant. Lorsqu'il regarde le curriculum vitae d'un immigrant et qu'il constate que cette personne n'a pas d'expérience au Canada, l'employeur se demande si cette personne sera un bon employé pour lui.

    Comme l'a proposé Swarna, on pourrait aussi leur offrir une courte formation. Si un immigrant qualifié arrive au Canada sans avoir déjà un emploi en poche, il pourrait participer à un court programme de formation qui figurerait sur son curriculum vitae. Ensuite, quand l'employeur lira le curriculum vitae, parce que certains d'entre eux veulent une orientation canadienne...

    Il faut bien entendu aussi se demander qui assumera les coûts de cette formation. Il faut en discuter. Ce coût pourrait s'ajouter aux droits relatifs au traitement de la demande de l'immigrant.

    Mais je pense qu'il faut travailler du côté de la demande.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Alexa, je vais prendre quelques minutes pour poser des questions.

    Au sujet de la question du gaspillage des cerveaux, je dois dire que c'est un terme que j'emploie depuis longtemps. Je peux vous faire part de mon expérience personnelle, de notre arrivée au Canada avec mon père, de notre installation à Vancouver. Il était architecte et urbaniste mais ne pouvait trouver du travail que comme dessinateur. Nous avons donc déménagé à Toronto, où il a trouvé un poste d'urbaniste. On nous demande souvent pourquoi quelqu'un aurait bien pu vouloir quitter Vancouver : c'est l'une des raisons. Le gaspillage des cerveaux est un problème bien plus grand que l'exode des cerveaux.

    Dans le dernier budget, nous avons prévu des portails sur Internet qui, l'espère-t-on, permettront aux gens de mieux connaître les exigences et la réalité de la recherche d'emploi au Canada. Nous avons aussi prévu l'embauche de consultants en reconnaissance professionnelle.

    Hier, le ministre a fait une annonce au sujet des titres de compétences acquis à l'étranger.

    Mais il faut faire beaucoup mieux.

    Au sujet de Mme Stone, j'ai été très impressionné par l'aspect responsabilité, et par la responsabilité gouvernementale. Hier, au réseau CBC, on parlait d'un homme de 52 ans qui avait vécu au Canada 51 ans et qui venait d'être expulsé. Il a été expulsé en raison de ses démêlés avec la justice. C'est une question sur laquelle le comité a l'intention de se pencher, espère-t-on.

    Mais le vrai problème, c'est aussi la situation contraire, celle où quelqu'un originaire de Russie, qui ne parle ni l'anglais ni le français, se retrouve au Canada... nous avons commencé à parler de la citoyenneté de facto. L'histoire des expulsions du pays est bien triste, au Canada. Il me semble que si une jeune personne arrive de l'étranger, sans passé criminel, mais qu'elle a des démêlés avec la justice une fois ici, qu'elle est devenue criminelle au Canada, nous devrions en prendre la responsabilité.

    Quand on parle de questions comme la réadaptation, il est très clair qu'il faut des structures de soutien. Nous nous efforçons de trouver les meilleurs, les plus brillants éléments, puis la famille les rejoint et contribue à notre société. Mais si une personne devient un problème, nous l'expulsons si possible, et ce n'est pas bien.

    J'espère que vous parlerez de cette question soit dans vos réponses ici soit en envoyant davantage d'information au comité, par écrit. Est-ce possible?

¿  +-(0950)  

+-

    Mme Marjorie Stone: Que j'en parle maintenant? J'en ai parlé hier soir à la Dre Constance MacIntosh, de la Faculté de droit de Dalhousie, qui travaille sur les questions d'immigration et elle a précisément soulevé la question de la responsabilité. Je crois que le Canada devrait s'interroger non seulement sur sa responsabilité vis-à-vis des membres de la société canadienne dans les situations que vous évoquez, mais également réfléchir à ses responsabilités sur la scène internationale.

    Même dans le cas de quelqu'un qui arrive au Canada par des moyens frauduleux et se livre ultérieurement à des activités criminelles, si l'on se contente de l'expulser systématiquement, on le renvoie dans un pays dépourvu des structures juridiques et policières nécessaires pour l'empêcher de nuire et en fait, on expédie le problème dans un pays qui n'est pas équipé pour y faire face. Du point de vue des relations internationales, ce n'est donc pas une façon très responsable de se comporter.

    Les cas comme ceux que vous évoquez, où un jeune se retrouve en difficulté alors que sa famille a contribué à la société canadienne, sont extrêmement sérieux. La famille—et c'est un autre problème signalé par Mme MacIntosh—se retrouve soudain privé des droits dont jouissent les autres familles canadiennes, alors même qu'elle pense disposer de ces droits. C'est pourquoi nous insistons dans notre mémoire sur les valeurs canadiennes de justice, d'équité et de respect de la procédure en démocratie.

+-

    Le président: Je vous invite également à vous prononcer sur la procédure de révocation de la citoyenneté énoncée dans le projet de loi C-29.

    En 1998, je suis devenu secrétaire parlementaire auprès du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration; nous avons étudié cette question dans le but de produire une nouvelle loi sur la citoyenneté. Nous sommes passés par un certain nombre de projets de loi, notamment C-63, C-16 et C-18.

    Ce qui m'a semblé véritablement problématique dans ces projets de loi, c'est non seulement qu'ils n'étaient pas de nature à remédier à l'injustice actuelle, car lorsque quelqu'un est accusé de fraude, il peut généralement se défendre contre cette accusation, alors que dans la procédure actuelle, c'est un juge de la Cour fédérale qui rend une décision unique. Il se fonde sur la prépondérance des probabilités, qui n'est pas censée s'appliquer en cas de fraude, et sa décision n'est pas susceptible d'appel. Ensuite le ministre et le cabinet peuvent révoquer la citoyenneté de l'accusé.

    Le projet de loi C-63 prévoyait une procédure encore plus draconienne. En vérité, j'ai même pensé qu'il n'était pas conforme à la Charte et je m'y suis opposé.

    C'est pourquoi votre proposition sur la responsabilité est très importante. Pourriez-vous considérer la question et faire part de votre opinion au comité?

    Monsieur Martin, vous êtes dans une situation... Le Canada a vu arriver 45 000 épouses de guerre de Grande-Bretagne, avec 21 000 de leurs enfants. Je suis tout à fait scandalisé par la procédure qui a été appliquée. Je vois cette lettre que vous a adressée un fonctionnaire en 1993.

    C'est une question nouvelle pour le comité. Nous ne nous y attendions pas, comme vous pouvez l'imaginer, mais nous avons entendu des gens comme M. Martin et des épouses de guerre un peu partout au pays. La plupart du temps, ces gens ne savaient pas qu'ils devaient présenter une demande pour immigrer, et qu'ils n'avaient donc pas la citoyenneté. Et la situation est encore plus horrible lorsque quelqu'un qui croit avoir la citoyenneté a un enfant à l'étranger, et que cet enfant est apatride.

    Malheureusement, voilà le résultat de la mentalité bureaucratique qui s'est installée au ministère de l'Immigration, et c'est notamment pour cela que les membres du comité ont commencé à parler de séparer la citoyenneté de l'immigration. Une fois la citoyenneté obtenue, la situation est toute différente.

    Je ne vois pas vraiment, monsieur Martin, comment nous pourrions véritablement vous indemniser des inconvénients subis par les gens comme vous. Je sais seulement que le comité est très préoccupé et qu'il va produire très prochainement deux rapports. Le premier sera consacré à la révocation de la citoyenneté et le deuxième aux épouses de guerre. Nous allons célébrer le 60eanniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, et de penser simplement que cette question ait pu échapper à l'attention du gouvernement...

    Je peux vous dire que cette question est relativement nouvelle pour les parlementaires, mais il faut absolument la résoudre.

    Est-ce que vous savez combien d'habitants de la région d'Halifax sont dans la même situation que vous?

¿  +-(0955)  

+-

    M. Martin Stuart: Pour la région d'Halifax, je ne sais pas. Je sais que Don Chapman s'est occupé de la question à Vancouver. Je connais personnellement un couple.

    Mais vous avez tout à fait raison à bien des égards. J'ai vu des demandes, j'ai dénoncé « le mur implacable de la bureaucratie », et c'est bien de cela qu'il s'agit.

    J'ai eu la chance de travailler pour le corps des commissionnaires. Avant d'avoir cet emploi, j'avais des sentiments mitigés à l'égard du bureau d'Halifax. Ensuite, je me suis retrouvé de l'autre côté de la barrière. J'ai trouvé ça bizarre pendant quelques jours, lorsque je devais m'occuper des personnes qui venaient au bureau d'Halifax. On ne peut pas les aider. On n'a pas pu m'aider moi non plus. Tout ce qu'on m'a dit, c'était qu'il fallait que je téléphone à Vegreville; que je prenne le téléphone et que j'appelle ce centre.

    Avez-vous déjà utilisé cette ligne téléphonique? Je défie quiconque de rejoindre qui que ce soit par cette ligne. C'est comme si on jetait de l'information dans un puits sans fond. Peu importe la quantité de renseignements fournis, on ne reçoit rien en retour.

    Effectivement, il y a un problème. Je suis sûr que les fonctionnaires de CIC travaillent très fort, mais les choses sont organisées de telle façon qu'il est très difficile de faire aboutir sa demande ou de se renseigner sur quoi que ce soit.

+-

    Le président: Oui, madame McDonough.

+-

    Mme Alexa McDonough: Je voudrais poser une courte question, monsieur le président.

    Tout le monde sait, je suppose, que le quai 21, avec sa longue histoire, est devenu pratiquement un musée de l'immigration au Canada. Il reflète à mon sens l'image que les Canadiens veulent avoir d'eux-mêmes. L'immigration au Canada a occasionné de nombreuses histoires heureuses, mais les réalités que vous décrivez existent aussi. Le quai 21 propose un programme très perfectionné qui invite tous ceux qui sont passés par le quai 21 à raconter leur histoire afin qu'on puisse en dégager des points communs, etc.

    J'aimerais savoir si, par l'intermédiaire du quai 21, vous avez eu l'occasion d'entrer en contact avec des gens qui ont connu le même problème que vous. Si tel n'est pas le cas, je crois que ce serait pour vous une expérience utile que vous aimerez sans doute faire pour que tout le monde puisse comprendre l'ampleur du problème, auquel tant d'autres se heurtent encore aujourd'hui. Votre histoire dramatique a connu une fin heureuse, mais j'aimerais savoir combien de personnes connaissent encore les difficultés que vous avez connues.

À  +-(1000)  

+-

    M. Martin Stuart: Oui, je suis d'accord. Je suis allé au quai 21 avec les documents originaux que ma mère a présentés en arrivant. Elle avait 18 ans à l'époque et elle allait bientôt accoucher de moi. Le service d'immigration d'Halifax a tamponné le document le 31 août 1946 au quai 21. Je suis allé au comptoir et j'ai dit : « Pourrais-je faire tamponner ce document, s'il vous plaît? » Les employés ont été ravis de le voir. On m'a envoyé à l'étage supérieur, où tous les documents que j'avais ont été photocopiés.

    Je ne sais pas s'ils conservent des documents, mais je pense qu'ils le font, parce qu'ils ont pris ce...

+-

    Mme Alexa McDonough: Ils essaient d'augmenter constamment leur base de données et cherchent des formules novatrices pour recueillir les récits personnels. Je vous invite à poursuivre votre démarche par l'intermédiaire du quai 21 et d'essayer d'entrer en contact avec ceux qui ont eu une expérience semblable, en particulier s'ils essaient encore de s'affirmer en tant que citoyens à part entière.

+-

    Le président: Merci beaucoup. La séance se termine.

    J'aimerais que l'on prenne une photo de nous tous, avec moi, Alexa, le greffier et notre attaché de recherche. Nous allons mettre des photos sur le site internet du comité.

    La séance est suspendue pour quelques minutes.

À  +-(1002)  


À  +-(1008)  

+-

    Le président: Nous reprenons.

    Nous allons ouvrir cette séance consacrée à la question des diplômes étrangers. Vous avez chacun un maximum de sept minutes pour faire votre exposé, après quoi nous passerons aux questions et réponses.

    Nous allons commencer par M. Deveaux.

+-

    M. Kevin Deveaux (membre, New Democratic Party Caucus, Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse): Merci, monsieur le président.

    Je m'appelle Kevin Deveaux et je suis le député de la circonscription de Cole Harbour—Eastern Passage, située juste à côté de Dartmouth. Je suis également le leader parlementaire de l'opposition officielle ainsi que le porte-parole de notre parti en ce qui concerne le Bureau de l'immigration que notre province n'a créé il y a quelques mois à peine.

    Je voudrais vous entretenir pendant quelques instants. Je n'ai pas de mémoire écrit, car je voulais m'adresser à vous oralement. J'aimerais vous parler de quelques questions qui concernent les diplômes étrangers, et qui intéressent surtout la Nouvelle-Écosse, et aussi de l'impact que cela doit avoir dans ma province parce qu'à mon avis, il y a deux solitudes qui coexistent au Canada. Il y a des villes comme Vancouver, Montréal et Toronto, et probablement aussi Calgary ou Edmonton dans une mesure moindre,qui bénéficient d'une masse critique d'immigrants et qui disposent déjà des services nécessaires. Ce n'est pas le cas de la Nouvelle-Écosse. Même si beaucoup de gens sont passés par notre province pour immigrer, ils sont repartis par le quai 21 et, depuis une centaine d'années, il n'y a guère eu d'immigrants qui se soient établis ici, et à mon avis, la prospérité de notre province commence à s'en ressentir.

    J'estime, comme mon parti d'ailleurs, que la Nouvelle-Écosse tire sa prospérité de la main-d'oeuvre qualifiée qui vient s'établir dans la province pour y ouvrir commerces ou y trouver du travail. Mais cela n'est pas un phénomène automatique parce que, comme nous le savons tous, les immigrants ont plutôt tendance à s'installer là où il y a déjà une masse critique de gens ayant une culture et une ethnicité similaires et où ils peuvent obtenir les services nécessaires.

    En ce qui concerne donc la Nouvelle-Écosse, permettez-moi de faire quelques observations. En premier lieu, il faut que le gouvernement fédéral reconnaisse que cette province, à l'instar des autres qui lui ressemblent, n'a pas actuellement l'infrastructure nécessaire pour offrir ces services, des choses aussi simples que des agents qui peuvent accueillir les immigrants à leur arrivée à l'aéroport ou le faire à bref préavis. Supposons qu'un immigrant arrive à Halifax en provenance de la Turquie ou de l'Ouzbékistan et qu'il ait choisi Halifax. Il faut qu'on puisse se mettre en rapport avec lui parce que, selon toute vraisemblance, la communauté ouzbek ou turque n'est pas très grande ici. Pour pouvoir l'accueillir donc, il nous faut pouvoir très rapidement prendre contact avec lui parce que si, au bout de quelques jours ou de quelques semaines ou de quelques mois cet immigrant qualifié n'a pas une bonne impression, s'il a le sentiment de ne pas pouvoir trouver de travail ici, il aura manifestement tendance à aller ailleurs. Et comme nous le savons, le pourcentage d'immigrants qui demeurent dans notre province est relativement faible.

    Je pourrais également vous dire que l'une des choses que le gouvernement fédéral a tenté de faire, c'est, dans le cadre des programmes des candidats à l'immigration, d'offrir aux provinces qui ne reçoivent pas beaucoup d'immigrants la possibilité d'intervenir davantage dans le recrutement, et donc dans notre cas de faire venir dans la province davantage de main-d'oeuvre qualifiée. Le gouvernement fédéral avait, en 2002, signé avec la Nouvelle-Écosse un protocole d'entente concernant un programme provincial des candidats à l'immigration, mais le comité aurait selon moi intérêt à envisager de proposer un changement à ce programme, un changement que je pense être très simple. Malheureusement, en Nouvelle-Écosse, ce programme a été confié à une compagnie commerciale privée. Ce n'est pas cela en soi qui pose problème, si ce n'est qu'à mon sens, si nous signons des protocoles d'entente concernant ce genre de programme, c'est pour qu'il y ait des ententes intergouvernementales permettant précisément au gouvernement provincial d'intervenir davantage dans le recrutement de la main-d'oeuvre qualifiée immigrante.

    Malheureusement, ce programme a été confié, comme je vous le disais, à une compagnie privée qui profite de ce programme pour faire des bénéfices. Cela a des avantages, je ne le contesterai pas, mais dans l'ensemble, un programme qui permet à quelqu'un de tirer profit de l'immigration m'interpelle un peu. Si, dans les futurs protocoles d'entente, le gouvernement fédéral trouvait le moyen d'éviter ce genre de sous-traitance à des compagnies privées, ce serait à mon avis quelque chose d'utile.

    Enfin, je voudrais vous dire qu'ayant personnellement déjà travaillé à l'étranger, j'ai eu l'occasion de rencontrer beaucoup de gens qui souhaitaient pouvoir venir s'installer au Canada, et ces gens, à mon avis, seraient tout aussi intéressés à s'établir à Halifax qu'à Toronto, à Vancouver ou à Whitehorse.

À  +-(1010)  

    Mais avant de faire venir ces gens ici, et je suis sûr que vous avez déjà entendu cela, de sorte que je ne m'étendrai pas trop longtemps là-dessus, il faut absolument faire en sorte qu'ils puissent parfaire leurs études ici ou, à tout le moins, y faire homologuer leurs diplômes. On a surtout tendance à se laisser obnubiler par la note de 67 points qui permet d'être accepté, mais une fois arrivés ici, ces immigrants découvrent très vite à leur grande frustration que même si le gouvernement fédéral leur a dit qu'ils répondaient à certains critères de scolarité ou d'aptitudes linguistiques, la réalité est en fait tout autre.

    Pour être franc avec vous, je me suis entretenu avec des gens qui m'ont dit vouloir venir au Canada si en l'occurrence nous leur avions dit—sans aucun danger pour eux—d'attendre encore six mois dans leur pays avec leur famille, ce qui leur aurait permis de savoir si leurs diplômes seraient reconnus à leur arrivée, et à mon avis ce ne serait pas une mauvaise façon de s'y prendre pour que ces immigrants, lorsqu'ils arrivent ici, aient immédiatement la possibilité de travailler. Je pense que ce genre de frustration ne peut que provoquer des problèmes plus tard.

    Voilà essentiellement ce que je voulais vous dire et je vous remercie.

À  +-(1015)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Madame Kutcher.

+-

    Mme Jan Sheppard Kutcher (gestionnaire des services d'emploi, Metropolitan Immigrant Settlement Association): Bonjour et merci beaucoup de me donner cette occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.

    Je m'appelle Jan Sheppard Kutcher et je dirige les services d'emploi de la Metropolitan Immigrant Settlement Association, la MISA.

    Cela fait huit ans que je travaille pour cet organisme qui est probablement le plus polyvalent de toute la province. J'ai travaillé directement auprès des immigrants fraîchement débarqués qui doivent se battre pour faire reconnaître leurs qualifications et intégrer la population active. Je ne suis pas débutante dans ce domaine, de sorte que c'est en tant que professionnelle des questions d'installation que je m'adresse à vous aujourd'hui. Tout ce que je vais vous dire et tout ce que je vais vous recommander découlera de cette perspective. Je sais que vous avez probablement déjà entendu plusieurs exposés, de sorte que je vais m'efforcer de rester concise et précise.

    Pour commencer, j'estime qu'il est important de noter que la reconnaissance des qualifications concerne non seulement les documents, les diplômes, les titres de créance, mais également les compétences, le savoir, les habiletés et l'expérience. Même si la reconnaissance des diplômes n'est en général que la première étape du processus, il vaut la peine de rappeler qu'il n'existe encore nulle part dans la région de l'Atlantique un service d'évaluation des diplômes et titres de compétences acquis à l'étranger. Cela étant, je ne recommanderais pas la création d'un service national de grande envergure parce que j'estime que quiconque arrive en Nouvelle-Écosse serait presque certainement laissé pour compte avec un tel système.

    Il faut qu'un immigrant qui a choisi la Nouvelle-Écosse pour y fonder un foyer puisse apporter l'original de ses documents, qui sont précieux, à un bureau local d'évaluation afin d'obtenir par écrit une évaluation précise de son degré d'équivalence au Canada. Comme chaque province à l'extérieur de la région de l'Atlantique a déjà un service de ce genre, je recommanderais au gouvernement fédéral d'exiger la même chose de la région de l'Atlantique.

    En second lieu, en ce qui concerne les professions autoréglementées, une initiative nationale est souvent le précurseur d'un changement au niveau provincial. On a pu le constater par exemple dans le cas des ingénieurs, des infirmières et infirmiers et des médecins, toutes professions pour lesquelles une initiative nationale a été à l'origine d'un changement d'attitude de la part des provinces et a incité les organismes provinciaux de réglementation à s'employer à adopter des méthodes d'évaluation et de reconnaissance des qualifications étrangères plus simples et plus justes aussi. Ces initiatives nationales ont contribué à créer un environnement dans lequel nos efforts plus cibler au niveau local ont pu porter davantage fruit.

    Par exemple, depuis quelques années, nous avons formé un partenariat avec le secteur des sciences infirmières, ce qui a conduit à la production d'une trousse d'information intitulée « Welcome to Nova Scotia », et nous avons également travaillé en partenariat avec ce secteur professionnel pour établir un guide concernant le système de santé canadien et l'exercice de la profession en Nouvelle-Écosse, un guide qui en est actuellement au stade du projet pilote et qui est mis à la disposition de tous les professionnels de la santé qui viennent s'installer dans notre province.

    Il faut par ailleurs que le gouvernement fédéral continue, à tout le moins c'est ce que je recommanderais, à encourager et à favoriser des initiatives nationales, mais même si celles-ci sont nécessaires, elles ne sont à mon avis pas suffisantes. Des progrès encore plus notables pourraient être accomplis, et il y en a d'ailleurs déjà eus, si les éléments de base sont mis en place pour que des organismes comme le nôtre puissent faire leur travail de défense au niveau local.

    Les documents préliminaires ont signalé que tout ce dossier est extrêmement complexe. Pour pouvoir conduire des activités de défense sur le plan local, il faut du temps. Il faut du temps pour former les partenariats et nouer les relations nécessaires, pour présenter des arguments et de l'information, pour créer des tables rondes réunissant tous les intervenants, insister pour qu'elles soient mises en place et y participer, mais également pour aider les associations animées par les clients.

    Dans le secteur de l'établissement, nous connaissons les protagonistes dans la province et nous comprenons dans une certaine mesure la dynamique provinciale, mais nous avons également besoin de l'appui du gouvernement fédéral pour faire ce genre de travail de défense et de promotion.

À  +-(1020)  

    En troisième lieu, dans bon nombre de professions réglementées, le processus d'accréditation est coûteux. Il faut payer des droits pour passer l'examen de compétence, et il en coûte parfois jusqu'à 5 000 $ pour faire évaluer ses titres de créance.

    Pour un immigrant, cela représente un gros obstacle financier, un obstacle rendu encore plus important du fait que les nouveaux venus ont de la difficulté, la chose est bien connue, à obtenir un crédit. Dans certains cas, il est parfois presque impossible d'obtenir une carte de crédit.

    Je recommanderais vivement de faire en sorte que les nouveaux arrivants, professionnels et gens de métier, puissent bénéficier du programme fédéral d'aide aux étudiants, ce qui les aiderait à payer les droits d'examen et les frais d'évaluation de leurs titres de créance. Ces prêts seraient remboursables dès que le bénéficiaire obtiendrait son permis et commencerait à travailler dans ce domaine. Pour le gouvernement fédéral, le risque ne serait pas très grand, mais ce genre d'initiative ferait une grosse différence et rendrait les choses plus claires pour les nouveaux arrivants qui ont à franchir tous ces obstacles avant d'obtenir leur accréditation.

    Enfin, pour que les qualifications soient reconnues à leur juste titre et que l'intégration dans la population active se fasse rapidement et efficacement, les immigrants dans tous les corps de métier et toutes les professions, surtout dans une petite province comme la Nouvelle-Écosse, auraient besoin d'un service professionnel d'aide à l'établissement dès que possible à leur arrivée. Il faut en effet qu'ils sachent clairement comment s'y prendre pour obtenir leur licence ou leur permis d'exercer. Il faut également qu'ils puissent se fixer des objectifs de carrière clairs et former des plans d'action réalistes.

    Notre association a mis au point un modèle intensif, sur mesure, pour faciliter l'intégration des immigrants dans la population active en Nouvelle-Écosse. Pour ce faire, nous avons formé des partenariats avec des employeurs locaux, nous proposons un menu d'options et nous offrons un encadrement permanent. Pour que l'immigration soit productive, l'accès à ce genre d'aide stratégique n'est pas uniquement un service qui bénéficie aux nouveaux venus, c'est un investissement essentiel pour nous tous.

    Je vous remercie.

+-

    Le président: Merci.

    Madame Radulescu.

+-

    Mme Carmen Radulescu (à titre personnel): Je vous remercie.

    Bonjour, honorables invités.

    Je m'appelle Carmen Radulescu et je m'adresse à vous à titre personnel. Je suis ingénieure avec un diplôme étranger et j'ai travaillé en Roumanie. En 1996, j'ai été acceptée par le Canada dans le cadre du système des points.

    Ce système a pris en compte mon expérience, ma connaissance de l'anglais et du français et, avant tout, ma profession. Grâce à cela, on m'a fait croire que je serais un atout pour le Canada. On ne m'a jamais parlé de l'existence de l'APENS et de la difficulté que j'aurais à faire reconnaître mon expérience et mes diplômes ici en Nouvelle-Écosse. Lors de mon entrevue devant le consul du Canada, si on m'avait vraiment dit ce qu'il en était, je ne serais jamais venue au Canada. J'avais un excellent travail en Roumanie où je pouvais travailler dans mon domaine comme chargée de recherche maintes fois publiée, et j'avais ma propre maison. Ici au Canada, mes chances d'en acquérir une sont quasiment inexistantes. J'avais un régime de pensions en Roumanie mais ici, comme je n'appartiens à aucune association professionnelle, je ne pourrai compter que sur ma pension du Régime de pensions du Canada, ce qui ne me suffira probablement pas pour pouvoir subsister au moment de la retraite.

    Je n'ai pas plaidé ma cause pour pouvoir immigrer au Canada. Je ne venais pas ici en tant que réfugiée, mais de façon indépendante parce que je croyais que le Canada avait besoin des compétences et de l'expérience des immigrants. Je crois qu'il y avait là un besoin mutuel. Je savais que ce ne serait pas facile, mais j'avais bien l'intention de poursuivre ma vie et non pas de devoir la recommencer à zéro.

    Après mon arrivée, j'ai appris tout ce que je devais savoir pour chercher du travail, préparer un curriculum vitae, préparer une entrevue, apprendre à se présenter. Je me suis présentée à plusieurs cabinets d'ingénieurs de la province où on m'a dit que je pouvais certes travailler comme ingénieure, mais sous la signature de quelqu'un d'autre tant que je ne serais pas membre de l'APENS. Sachant cela, j'ai commencé à faire des demandes d'emploi, mais malgré tous mes efforts, je n'ai pas réussi. Le plus souvent, l'employeur que je sollicitais m'envoyait une lettre polie me souhaitant bonne chance.

    L'une des choses que j'ai constatées, c'est la façon dont les gens réagissaient à mon accent. Tout le reste, mon apparence, ma mimique et mes gestes, tout était parfait; mais dès que j'ouvrais la bouche, je remarquais immédiatement un changement dans l'attitude de mon interlocuteur. Devant mon accent étranger, mon expérience, ma compétence et mes habiletés n'existaient plus à cause de leur ignorance. J'estime n'avoir guère de chances de trouver un travail d'ingénieur sans accréditation professionnelle.

    J'étais donc face à un paradoxe. Pour pouvoir être accréditée, il fallait que je travaille deux ans au Canada. Depuis lors, ce critère a changé et il ne faut plus qu'un an d'expérience. Par contre, comme il m'était impossible de trouver du travail et d'acquérir cette expérience, je n'ai pas pu accumuler suffisamment d'expérience pour pouvoir me qualifier. On m'a dit que la Roumanie n'avait pas d'accord de réciprocité avec le Conseil canadien des ingénieurs et que nos universités n'étaient pas bien considérées par le Bureau canadien d'accréditation des programmes d'ingénierie. D'autres pays ont signé des accords de réciprocité et les ingénieurs de ces pays ne doivent subir qu'un seul examen, le même que celui que doivent passer les étudiants canadiens. Mais dans mon cas, j'ai dû passer cinq examens en tout. Et j'ai également dû le faire dans un délai très court, ce qui, à mon avis, était déraisonnable. Cet échéancier ne tient pas compte des difficultés de la vie quotidienne pour un immigrant qui doit assurer sa subsistance, se loger, se chauffer et se nourrir.

    J'ignore pourquoi la Roumanie n'est pas sur la liste des « bons » pays. Mais ce que je sais pertinemment, c'est que j'ai comparé tous les cours que j'ai suivis à l'université, l'ancien Institut polytechnique de Bucarest, à ceux que Dalhousie offre à ses étudiants en génie chimique. J'aurais dû reprendre un seul cours, l'économie de l'ingénierie, le seul cours qui ne soit pas offert en Roumanie, en raison de notre système politique différent. J'ai également comparé le nombre d'heures de cours que je totalisais, et la différence est notable. Par exemple, le cours de transfert thermique offert à Dalhousie est un cours de 60 heures qui comprend des cours magistraux et du travail de laboratoire, alors que le cours que j'ai suivi en Roumanie était un cours de 159 heures.

    Le Canada utilise également deux poids deux mesures lorsqu'il s'agit du travail à l'étranger dans nos pays, les pays dans lesquels nous, les immigrants, avons fait nos études. Les associations professionnelles relevant du CCI hésitent à accueillir en leur sein des ingénieurs étrangers parce qu'elles ne veulent pas baisser les normes ou compromettre la sécurité publique. Mais en revanche, les mêmes normes ne valent pas pour les ingénieurs roumains qui travaillent en coopération avec Énergie atomique du Canada limitée, au réacteur nucléaire de Cernavoda, en Roumanie.

À  +-(1025)  

    Mon cousin a trouvé un emploi à cette centrale à Cernavoda en 1988, après avoir obtenu son diplôme d'ingénieur, et il travaille encore à cet endroit. Il n'a jamais eu besoin de passer le moindre nouvel examen professionnel pour le gouvernement canadien et les Canadiens ne lui ont pas imposé de recyclage. Personne n'a remis en question sa compétence professionnelle. C'est donc de l'hypocrisie pour eux que d'appliquer des normes différentes aux ingénieurs roumains qui viennent ici au Canada.

    J'ai été traitée avec appréhension et suspicion par la directrice des inscriptions de l'APENS il y a neuf ans. Elle m'a téléphoné et m'a demandé d'apporter le diplôme qui m'a été décerné par mon université prouvant que je suis vraiment ingénieure. Elle a dit, et je cite : « Nous savons à quoi devrait ressembler votre diplôme ». Je me rappelle très bien de ses paroles. J'ai trouvé qu'elle avait un ton accusatoire et j'ai eu le sentiment qu'on me dénigrait et qu'on me manquait de respect. Je me rends compte que cette méfiance découlait de l'ignorance des organismes de réglementation qui sont chargés d'évaluer et de critiquer nos diplômes, mais cela ne me réconforte pas. Le système manque d'humanité, de considération et de respect.

    Quels que soient les problèmes que vous puissiez avoir relativement à nos diplômes, vous devez les résoudre avant de nous accepter dans votre pays, surtout que notre acceptation est fondée sur le système de points d'appréciation.

    L'ignorance ne se limite pas à notre système d'éducation. Il y a beaucoup de connaissances générales sur notre culture et notre société. Par exemple, dans une société communiste, la tricherie ou l'utilisation de faux documents est considérée comme l'un des pires crimes que l'on puisse commettre et est punissable de prison. Les documents de mon pays sont notariés et comportent au moins quatre signatures officielles, y compris celle du ministre de la Justice, et sont traduits officiellement par un avocat accrédité.

    Je vais formuler des recommandations. Je crois que le système de reconnaissance des titres et diplômes est entièrement discriminatoire, étant donné qu'il nous place dans une situation inégale par rapport aux Canadiens, qu'il rabaisse notre estime de soi et ruine notre crédibilité à titre de professionnels. Il faudrait l'éliminer, parce que c'est seulement une barrière destinée à exclure du marché les diplômés en génie de facultés étrangères.

    Le système de points d'appréciation est trompeur. Il devrait refléter les besoins du pays dans des professions spécifiques, ou alors il faudrait dire aux immigrants que c'est seulement un outil utilisé pour le processus de sélection.

    Les entreprises doivent être encouragées à embaucher des immigrants par des subventions gouvernementales, des allégements fiscaux ou des programmes semblables au programme Embauchez des étudiants, dans le cadre duquel des employeurs sont subventionnés par le gouvernement. Ces postes ne doivent pas être des occasions d'emploi à faible revenu, mais des occasions d'emploi qui mettent en valeur les titres et qualités de chaque immigrant tels qu'ils sont reconnus dans leur pays d'origine.

    Il faut créer un secteur spécial du programme d'assurance-emploi pour aider les immigrants à acquérir de la formation en cours d'emploi et de l'expérience dans leur domaine de compétence. Le Parlement doit permettre aux immigrants de participer à ces programmes s'ils travaillent dans des emplois mal payés qui sont sans rapport avec leurs compétences. Il faut aussi parrainer des programmes et cours universitaires qui aideraient les immigrants à trouver du travail dans leur domaine.

    Les universités doivent travailler avec des organismes de réglementation pour créer de courts programme d'un an qui seraient reconnus par les organisations et sociétés professionnelles. Ces programmes comprendraient tous les cours dont un diplômé en génie d'une faculté étrangère a besoin pour obtenir la reconnaissance professionnelle, comme dans le cas de l'APENS. Par exemple, un ingénieur possédant un diplôme international doit être en mesure de s'inscrire et de compléter toutes les évaluations et tous les examens par l'entremise de DalTech, comme le font les autres étudiants en génie canadiens, et pouvoir suivre cette voie vers l'accréditation. De cette manière, le diplômé international serait en mesure de suivre des cours universitaires, d'acquérir la terminologie technique et de passer les examens lui permettant de devenir ingénieur professionnel. Cela garantirait l'uniformité et l'égalité de tous les candidats.

    Si la Nouvelle-Écosse veut conserver des immigrants qui sont des membres actifs contribuant à l'économie et à la société, il faut absolument que le gouvernement provincial s'attaque à ces questions, en partenariat avec les organismes de réglementation et les entreprises.

    Merci.

À  +-(1030)  

+-

    Le président: Merci.

    Madame Edwards.

+-

    Mme Megan Edwards (Nova Scotia Office of Immigration): Merci.

    Monsieur le président, madame McDonough, je m'appelle Megan Edwards et je suis analyste des politiques au Bureau de l'immigration de la Nouvelle-Écosse.

    Ces dernières années, la Nouvelle-Écosse a connu une baisse marquée du nombre d'immigrants, qui est passé de 3 500 au milieu des années 1990 à environ 1 700 au cours de la dernière année. En comparaison, on prévoit que le taux d'accroissement naturel, qui est en baisse depuis la fin des années 1990, deviendra négatif en 2006. Notre croissance démographique dépendra donc de l'immigration internationale et interprovinciale.

    La province de la Nouvelle-Écosse craint que notre niveau actuel d'immigration ne permettra pas de combler la baisse démographique prévue et que nous subirons une perte de possibilités économiques, des désavantages concurrentiels, le déclin de nos collectivités et de possibles pénuries de main-d'oeuvre. Nous sommes conscients que nous devons remédier à cette situation, mais pour ce faire, nous savons que nous devons répondre à certaines conditions pour encourager les immigrants à venir s'établir en Nouvelle-Écosse.

    Le 26 janvier, la stratégie d'immigration de la Nouvelle-Écosse a été annoncée, le Bureau de l'immigration a été créé et l'honorable Rodney MacDonald a été assermenté à titre de ministre de l'Immigration de la province. Depuis lors, nous avons élaboré un plan d'action pour faire la promotion de notre province auprès des immigrants potentiels et pour répondre aux besoins des immigrants. Aujourd'hui, le premier budget pour financer nos activités sera présenté à l'Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse.

    Nous savons que certaines conditions essentielles doivent être réunies si nous voulons réussir à accroître nos niveaux d'immigration. Les immigrants doivent être appuyés par une collectivité accueillante, avoir accès en temps voulu aux services d'établissement nécessaires et réussir à se trouver des emplois bien rémunérés dans des domaines correspondant à leur carrière de choix. Un facteur essentiel de notre stratégie d'immigration doit être de trouver de meilleures manières d'aider les immigrants à avoir accès au marché du travail en trouvant des emplois qui correspondent à leurs compétences et à leurs aspirations. Nous devons en faire plus pour reconnaître les titres et qualités des immigrants pour optimiser les avantages du programme d'immigration de la Nouvelle-Écosse.

    Durant les consultations sur notre stratégie d'immigration, nous avons entendu des témoignages d'immigrants qui nous ont dit que l'un des problèmes les plus épineux auxquels ils sont confrontés à leur arrivée au Canada est d'avoir accès au marché du travail. Bien qu'ils aient fait des études et acquis de l'expérience de travail dans leur pays d'origine, les employeurs et les organismes de réglementation sont parfois hésitants à leur accorder un permis ou à les embaucher dans leur profession. Les immigrants ne comprennent pas pourquoi ils ont été choisis pour venir au Canada en fonction de leurs études et de leur expérience de travail, parce qu'à leur arrivée, cela ne semble plus avoir la moindre importance.

    Beaucoup de commentaires formulés par des immigrants pendant les consultations sur la stratégie avaient trait aux difficultés qu'ils éprouvent à avoir accès aux professions réglementées et à obtenir un permis d'exercice de leurs organisations professionnelles dans des domaines comme les professions de la santé, le génie, l'architecture et les métiers d'apprentissage. Il y a un fossé entre le fait de savoir que les immigrants ont une incidence positive sur l'économie et l'acceptation de leurs titres et qualités par les employeurs et les organisations professionnelles.

    Oui, nous devons veiller à ce que tous respectent les normes de la Nouvelle-Écosse, mais nous devons aussi travailler avec les employeurs et les associations professionnelles pour faire en sorte que les nouveaux arrivants puissent faire évaluer leurs titres et qualités sans délai. Dans bien des cas, après que les titres d'un immigrant aient été évalués, on lui conseille de suivre des cours de perfectionnement ou de recommencer à neuf toutes ses études et sa formation. C'est particulièrement le cas dans la profession juridique en Nouvelle-Écosse. C'est un processus qui est difficile à comprendre pour les immigrants parce qu'ils ont été choisis pour venir ici sur la base de leurs compétences et de leur expérience qu'ils pouvaient apporter dans leurs bagages en venant au Canada.

    À l'heure actuelle, beaucoup de ministères des gouvernements fédéral et provinciaux s'efforcent de trouver des manières de faciliter ce processus et de le rendre plus transparent. Cependant, le gouvernement doit mettre à contribution les employeurs et les entreprises, ainsi que les organismes d'aide à l'établissement, qui ont été à l'avant-garde dans ce domaine en Nouvelle-Écosse, de même que les conseils sectoriels et les organismes de réglementation, tous devant participer au processus d'évaluation et de reconnaissance des titres et qualités.

    Une autre question importante qui a été soulevée durant nos consultations, c'était l'inégalité entre les sexes dont ont été victimes les professionnelles immigrantes. Beaucoup de femmes finissent par renoncer à leur carrière et restent à la maison pour soutenir leur mari dans le processus d'accréditation dans la profession de ce dernier. Le processus de reconnaissance des titres et qualités doit prendre en compte qu'il existe des différences à cet égard.

    L'annonce faite hier d'une initiative visant à aider les travailleurs formés à l'étranger est un pas dans la bonne direction. Cela tombe à pic également pour la Nouvelle-Écosse, car nous nous préparons justement à lancer un projet en collaboration avec nos associations professionnelles et nos conseils sectoriels sur cette question précise. Un élément de cette initiative est le portail Web qui, nous l'espérons, sera utilisé pour encourager les immigrants à commencer le travail dans le dossier de la reconnaissance des diplômes et de la formation linguistique avant même leur arrivée au Canada. Et il est important que ce portail Web reflète toutes les régions du Canada, pas seulement Toronto, Montréal et Vancouver.

À  +-(1035)  

    Le Bureau de l'immigration aimerait travailler en étroite collaboration et en partenariat avec le gouvernement fédéral afin de s'assurer que cette question soit réglée rapidement, équitablement et uniformément dans l'ensemble du pays. Il serait peut-être avantageux de remettre sur pied l'ancien groupe de travail d'accès aux professions et aux métiers comprenant des représentants des ministères fédéraux et provinciaux chargés de l'immigration et du marché du travail, en vue de prendre des initiatives bien ciblées qui pourraient être mises en oeuvre rapidement dans toutes les provinces et territoires.

    Nous faisons des progrès. Le Collège des médecins et chirurgiens de la Nouvelle-Écosse, le ministère de la Santé de la Nouvelle-Écosse et le Bureau de l'immigration travaillent ensemble pour répondre aux besoins en matière d'évaluation des professionnels de la santé qui ont fait leurs études à l'étranger. Si nous pouvons appliquer ce modèle de partenariat à d'autres professions, notre taux de succès ne pourra qu'en bénéficier.

    Merci.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    M. Deveaux doit partir à 10 h 50 et je vous demanderais donc, Alexa, de l'interroger en premier, après quoi nous passerons aux autres témoins.

+-

    Mme Alexa McDonough: En tant que parlementaires, nous comprenons bien sûr qu'un député à l'Assemblée législative doit être présent à la Chambre le jour de la présentation du budget. Sur votre invitation, je vais donc passer rapidement en revue certaines questions soulevées par M. Deveaux.

    Je tiens à dire que j'ai été absolument scandalisée quand vous avez fait état publiquement des préoccupations quant à la manière dont on a essentiellement privatisé le programme visant à attirer des immigrants en Nouvelle-Écosse; ce programme a en effet été confié par contrat à une compagnie privée. J'essaie encore de comprendre la logique de cette décision. Je sais que vous avez dit que cela semble contraire à tout notre engagement dans ce domaine d'affaires publiques que d'avoir en quelque sorte une marge bénéficiaire.

    Plus j'examine cela... Et je vous remercie d'avoir attiré mon attention là-dessus au cours de notre discussion. Je suis allée consulter le site Web pour essayer de comprendre ce dont il s'agissait.

    Ce qui m'inquiète dans tout cela, c'est qu'on semble intégrer non seulement des marges bénéficiaires pour ceux qui font ce travail, mais en fait on ne peut que supposer que tous ceux qui s'occupent de ce dossier sont motivés par l'appât du gain.

    Par conséquent, on fait venir des gens dans la province en fonction de l'attrait que cela peut présenter pour ceux qui s'intéressent à ce dossier en termes d'investissement direct dans leurs compagnies. Je me demande si vous pourriez nous en dire un peu plus là-dessus : comment cela fonctionne, quelle est l'expérience à ce jour. Peut-être qu'un analyste des politiques du ministère provincial pourrait également nous donner des explications.

    Je pense que ce programme a en fait été créé il y a trois ans. Quels sont les chiffres? Est-ce du domaine public? Avons-nous des renseignements sur le nombre de personnes que l'on a fait venir dans le cadre de ce programme et avons-nous de la documentation sur l'expérience réelle à ce jour?

    Il semble qu'il y ait un fossé tellement énorme entre ce programme et les intentions prétendument humanitaires et de service public pour ce qui est de l'immigration en Nouvelle-Écosse.

À  +-(1040)  

+-

    M. Kevin Deveaux: Merci. J'essaierai de vous répondre brièvement mais de façon assez complète.

    Quelques mois après la création du programme des candidats des provinces, en 2002, la province a signé un contrat avec la firme Cornwallis Financial, qui était et est encore une société d'investissement en capital de risque. Cette société a des agents partout dans le monde qui cherchent des candidats, c'est-à-dire des travailleurs qualifiés, des personnes de la catégorie des entrepreneurs. Il y a deux candidats pour chaque agence de développement régional en Nouvelle-Écosse. Ceux-là sont distincts; ils n'ont pas besoin de payer de droits alors je n'en parlerai pas. Les candidats d'autres pays doivent se rendre chez l'agent local et donner 1 700 $ à l'appui de leur demande d'immigration. D'après les chiffres qu'on m'a donnés il y a un ou deux mois, il y aurait environ 450 de ces candidats, mais le chiffre a peut-être grossi depuis. Ce sont des candidats en bonne et due forme, des gens qui ont déposé des demandes pour être candidats.

    Si vous appartenez à la classe des immigrants entrepreneurs, c'est-à-dire si vous voulez lancer une entreprise au Canada, vous êtes jumelé à une entreprise locale. Cette association doit être approuvée par le gouvernement local. Nous ne savons pas combien d'immigrants sont dans ce cas; certains ont dit 15, d'autres 25, et d'autres encore 30, mais on ne nous a pas encore donné de chiffre précis. La province approuve la liste des entreprises. L'immigrant accepté par le programme des candidats peut alors faire son choix parmi un assortiment d'entreprises. Ensuite, il investit une somme de 130 000 $ au départ. Sur ce montant, 30 000 $—ou plutôt 27 000 $ ou 28 000 $—vont à la firme Cornwallis et à ses agents, à titre de frais d'administration. Les 100 000 $ qui restent vont à l'entreprise néo-écossaise choisie par l'immigrant.

    Ce ne sont pas des actifs qu'on investit dans la compagnie. C'est de l'argent comptant versé à l'entreprise. Sur ce montant, 80 000 $ restent entre les mains de l'entreprise. En contrepartie, le nouvel immigrant peut travailler pendant six mois pour cette entreprise, et toucher une rémunération de 20 000 $. Pour être juste, il faut dire qu'on part du principe qu'au lieu de seulement... Dans la plupart des autres provinces, l'immigrant investit simplement 150 000 $ dans une entreprise et il devient un propriétaire d'une partie de cette entreprise, mais il n'y a aucune garantie quant au succès de cette entreprise. L'idée derrière ce système, c'est qu'en demandant à ces immigrants de verser 80 000 $ à l'entreprise et en les faisant travailler pendant six mois pour 20 000 $ pour cette entreprise, on favorise la création d'une relation.

    Quelles sont les répercussions de ce système sur nous? Que nous sachions, seulement de 15 à 30 immigrants ont été admis en vertu d'un tel programme. Au début, en 2003, la Nouvelle-Écosse a reçu 200 candidats en vertu du PCP. On peut donc penser qu'on en a reçu 600 jusqu'à cette année, mais nous avons de 15 à 30 immigrants en réalité dans notre province.

    J'espère avoir répondu à votre question. Cela vous donne une meilleure idée du fonctionnement de ce programme ici. Si nous avons vraiment aussi peu d'immigrants, c'est préoccupant. Je sais que les chiffres peuvent augmenter de façon exponentielle avec le temps, mais beaucoup d'entre nous avaient espéré recevoir un plus grand nombre d'immigrants que cela dans notre province et plus tôt.

+-

    Mme Alexa McDonough: Puis-je demander des précisions à M. Deveaux, et ensuite je demanderai à Mme Edwards de nous en dire plus long à ce sujet?

    Vous dites qu'il pourrait y avoir 600 immigrants admis en vertu de ce programme, mais qu'en ce moment il semble y en avoir 15 en Nouvelle-Écosse. Parlez-vous d'immigrants admis en vertu du programme des candidats qui sont des gens d'affaires? Autrement dit, s'agit-il d'un programme d'investissement en vertu duquel ils doivent payer 130 000 $? Cela ne tient pas compte des immigrants admis en vertu du programme des travailleurs qualifiés?

+-

    M. Kevin Deveaux: Je pense qu'il s'agit en tout de 15 immigrants, qui sont des travailleurs qualifiés et des immigrants entrepreneurs. Chaque année, 200 immigrants sont visés par le programme des candidats pour l'ensemble de la province; cela inclut également ceux qui sont désignés par les agences de développement régional de la province. Mme Edwards sera peut-être à même de vous donner plus de précisions, mais c'est ce que je crois comprendre.

+-

    Mme Megan Edwards: D'après les chiffres que la société Cornwallis nous a transmis, plus de 200 candidats ont été approuvés par les provinces, à l'issue d'entrevues; 31 ont reçu le certificat de résident permanent du bureau d'octroi de visas, 75 familles vivent maintenant en Nouvelle-Écosse, 31 sont des résidents permanents; les autres ont un permis de travail temporaire. Ils sont donc ici et leurs enfants fréquentent l'école.

    La plupart des gens acceptés appartenaient à la catégorie des gens d'affaires. C'est dans cette catégorie que l'on trouve la plupart des immigrants. La catégorie des travailleurs qualifiés dépend des employeurs, si bien que beaucoup de personnes admises au Canada de cette façon travaillent en Nouvelle-Écosse en tant que travailleurs temporaires ou ont été admis parce qu'on avait besoin de spécialistes dans certains domaines comme la fabrication de kilts ou de cornemuses. La plupart travaillent dans la province et sont en voie d'être transférés du programme des détenteurs de permis de travail temporaire au programme des candidats des provinces.

    À l'heure actuelle, nous avons dans la province une seule personne pour réaliser les entrevues. Or, chaque candidat doit se présenter à une entrevue et venir en Nouvelle-Écosse pour une visite exploratoire de cinq jours. Dans certains cas, c'est difficile parce que les bureaux des visas à l'étranger ne délivrent pas de visa de visiteur. Ils ne respectent pas le double objectif de la loi.

    Nous voulons que les immigrants viennent voir la Nouvelle-Écosse parce que nous voulons avoir l'assurance que la province leur convient. Nous voulons qu'ils puissent s'attacher à la Nouvelle-Écosse de manière à vouloir y demeurer. Si l'on a créé la catégorie des entrepreneurs, c'était pour permettre aux nouveaux arrivants d'avoir de l'expérience de travail. Ils travaillent pour une entreprise existante en Nouvelle-Écosse. Beaucoup d'entre eux ont dit publiquement qu'ils considèrent cette expérience comme un investissement dans leur nouveau pays.

À  +-(1045)  

+-

    Le président: Monsieur Deveaux, quel pourcentage de la population de la Nouvelle-Écosse n'est pas née ici?

+-

    M. Kevin Deveaux: Environ 5 p. 100 ou 6 p. 100 des Néo-Écossais sont nés à l'étranger.

+-

    Le président: La proportion est plus élevée qu'à Terre-Neuve.

    Je vous ai posé la question parce que plus le pourcentage est faible, plus les défis sont importants. Dans ma circonscription, plus de 20 p. 100 des gens sont nés à l'étranger et dans une grande partie du sud-ouest de l'Ontario et dans la région de Toronto, la proportion peut atteindre 50 p. 100. Il faut avoir une masse critique. Dans ma circonscription, nous avons un programme pour les nouveaux Canadiens qui les aident à faire des demandes d'emploi ou à se placer chez un employeur. Le placement est pris en charge par le gouvernement. J'ai récemment assisté à une cérémonie de collation des grades et j'ai constaté que les immigrants sont souvent embauchés par d'autres immigrants.

    Les mentalités changent lorsqu'il y a beaucoup d'immigrants. Quand j'étais à l'Île-du-Prince-Édouard, je suis sorti manger à l'heure du midi avec l'un des membres du comité, Lui Temelkovski. Lui est originaire de la Macédoine et il a immigré au Canada il y a environ 40 ans. Nous sommes allés dans un restaurant et il a donné une épinglette du Canada à la serveuse. Elle a répondu : « J'en ai beaucoup comme celle-là. Donnez-m'en plutôt une de votre pays.  » Il a répondu : « Le Canada est mon pays ». Si je mentionne cette anecdote, ce n'est pas pour critiquer la serveuse, mais voilà l'attitude qui a cours. Il faut accepter les accents. Cela fait partie de l'identité canadienne. Voilà pourquoi je dis que vous avez peut-être besoin de cette masse critique.

    Nous avons entendu des témoins qui ont souligné l'importance de la famille élargie. Ils nous ont demandé de prendre en considération la famille élargie et non pas la famille nucléaire. Les gens nés à l'étranger sont plus à l'aise s'ils sont appuyés. Si vous êtes la seule personne originaire d'un pays quel qu'il soit, il est difficile de vous établir.

+-

    M. Kevin Deveaux: J'ai beaucoup travaillé dans le domaine de la création de capacités au Kosovo et cela est intéressant, parce que bon nombre d'entre eux sont venus en tant que réfugiés, de sorte que pour cette communauté, la masse critique s'est formée presque instantanément et on a bien pu voir à quel point elle était soudée ici comme ailleurs. Mais ce n'est pas toujours le cas.

    Je voudrais axer mon propos sur un point en particulier. Il est d'ailleurs excellent. La question s'est posée lorsque la province a lancé sa stratégie en janvier. L'un des principaux obstacles à l'immigration dans la région de l'Atlantique, c'est l'attitude des gens. Votre anecdote est tout à fait juste, parce qu'elle parle du fait que, dans une collectivité, les gens jugent que vous êtes nouveau ou pas en fonction non pas du nombre d'années, mais du nombre de dizaines d'années, voire de générations. Les gens pensent toujours de cette façon. Mon épouse est originaire de l'Ontario et j'ai moi-même des amis ontariens qui sont toujours considérés comme des « étrangers ». C'est un peu comme ça qu'on les appelle ici, des « étrangers », et c'est un terme qu'on applique aussi bien aux immigrants canadiens originaires d'autres provinces.

    J'ai essayé de parler de cela. Je ne suis pas le seul d'ailleurs. D'autres l'ont fait aussi. Les provinces veulent encourager les immigrants à venir s'installer ici en leur disant à quel point il fait bon y vivre. Tout à fait, cela fait partie du tableau, mais en contrepartie, l'envers de la médaille est que nous devons apprendre à nos propres concitoyens pourquoi l'immigration est tellement importante pour eux.

    J'ai dit que 5 p. 100 des gens étaient nés à l'étranger. Mais selon moi, ce chiffre est biaisé. À Halifax, il y est probablement plus élevé que cela. Si vous sortez de la municipalité régionale de Halifax, ce chiffre est probablement beaucoup plus faible.

    S'agissant donc de l'attitude des gens de la Nouvelle-Écosse, de l'idée que l'immigration n'est pas une mauvaise chose mais une bonne chose, ce qu'il faut, c'est faire en sorte que la population de l'Atlantique change totalement d'attitude, et c'est là quelque chose que les politiciens sont très rares à vouloir aborder. Pour être bien franc avec vous, il nous sera impossible de prospérer si nous n'avons pas plus d'immigrants, et il faut par conséquent admettre ainsi qu'il faut faire en sorte que les Canadiens de l'Atlantique changent d'attitude à l'endroit de l'immigration.

À  +-(1050)  

+-

    Le président: Combien de Kosovars sont venus d'établir ici?

+-

    M. Kevin Deveaux: Il y avait une base ici. L'un des deux centres d'accueil des réfugiés se trouvait en Nouvelle-Écosse. À l'heure actuelle, je crois qu'il en est resté entre 250 et 300. Au moins il en reste encore quelques-uns, et ils vivent tous à peu près dans le même quartier de la région métropolitaine, de sorte qu'il y a un noyau.

+-

    Le président: J'imagine qu'il y avait pas mal de volontaires dans la communauté.

+-

    M. Kevin Deveaux: En effet, cela également faisait partie du tableau. On avait pu voir également ce genre de choses avec les réfugiés vietnamiens. Il y a eu des églises qui avaient fait du parrainage. Il y avait donc eu ce grand sentiment de générosité qui n'existe pas lorsqu'il ne s'agit que d'un ou deux réfugiés comparativement à une masse de réfugiés comme cela avait été le cas dans les années 80 avec les boat people ou dans les années 90 avec les Kosovars.

+-

    Le président: Avez-vous une autre question avant que nous excusions le témoin?

+-

    Mme Alexa McDonough: Le rapport entre les propos de M. Deveaux et ceux de Mme Radulescu est intéressant. C'est un peu comme si nous avions pu constater ce matin et ici encore que dans l'ensemble, tout le monde parle de l'importance cruciale de l'immigration pour notre collectivité, pour son enrichissement, pour sa diversité, pour la création d'une nouvelle richesse et ainsi de suite, mais lorsqu'on entend des cas vécus, c'est souvent tout à fait désolant. Je pense que M. Telegdi lui-même a donné un exemple qui illustrait bien ce que Mme Radulescu voulait nous expliquer, en ce sens que même avec un diplôme, il peut arriver que tout d'un coup, le seul fait d'avoir un accent crée une résistance, érige un obstacle.

    Sans vous mettre sur la sellette, je voudrais néanmoins vous dire que je vous admire beaucoup pour être venue nous parler de votre expérience, parce que ce qui est extrêmement difficile, c'est de se retrouver ici sans pouvoir concrétiser ses espoirs, ses rêves et ses aspirations, au risque aussi parfois d'avoir l'impression d'être un peu un ingrat si on se plaint de son sort—vous ne trouvez pas que vous avez de la chance d'être ici? Évidemment, cela passe à côté de la question en ce sens que si ça ne marche pas pour vous qui êtes pourtant une citoyenne, si vos talents ne sont pas utilisés à 100 p. 100, cela ne marche pas non plus pour la collectivité, et qu'est-ce que cela nous donne?

    Étant donné que vous avez connu toutes ces frustrations, je voudrais peut-être vous demander maintenant ce qui vous permet de continuer à vouloir que cela marche, contrairement à ce qui se passe pour beaucoup de gens aujourd'hui—ce qui est tragique pour eux comme pour les collectivités—qui disent au diable la Nouvelle-Écosse à cause de cette question de masse critique, et qui fait que ces gens vont plutôt à Montréal, à Toronto ou à Vancouver, le syndrome dont vous nous avez parlé. Les gens ont tendance à aller se réinstaller dans les villes plus importantes. Qu'est-ce qui a fait que vous soyez restée ici, que vous ayez continué à tenter de sensibiliser le système et d'avoir gain de cause?

    Ensuite, je voudrais demander à Mme Kutcher de la MISA de nous relater un peu ce genre de situation totalement affligeante, de nous parler de ces gens qui disent qu'ils vont retourner dans leur pays parce que ce n'est pas du tout ce qu'ils voulaient, ce qu'on leur a offert, et qu'au moins chez eux, on les traite comme des citoyens qui contribuent à part entière à la société.

À  +-(1055)  

+-

    Mme Carmen Radulescu: Je me suis demandé ce qui faisait que je suis restée. J'aime la Nouvelle-Écosse. C'est un endroit très agréable. Je pense que la principale raison pour laquelle j'ai décidé de rester et de ne pas repartir, lorsque j'ai compris à quel point c'était difficile ici pour moi, c'est que ma fille se sentait bien à l'école. Elle était heureuse et moi aussi. Lorsqu'on arrive ici et qu'on a perdu sa famille et ses amis, c'est extrêmement difficile de commencer une nouvelle vie. Les enfants doivent recommencer à zéro. Je lui en ai parlé et elle semblait être heureuse.

    Il y a aussi de bonnes universités. C'est une autre raison pour laquelle je suis restée. J'ai dit que si je devais suivre des cours à l'université, je pourrais aller à Dalhousie. J'ai également eu le même raisonnement pour ma fille. Elle peut rester ici, elle ne devra pas aller étudier ailleurs. Une autre raison encore est que je vais finir par améliorer mes compétences, je vais moi-même m'améliorer et je vais finir par m'en sortir. Je ne me décourage pas facilement. Une autre raison encore est que, dans une grande ville, la concurrence est plus forte, de sorte qu'on n'y gagne pas nécessairement. Le système n'est pas bon parce qu'il ne nous permet pas de trouver facilement du travail. Il faut que cela change. J'ai commencé à me plaindre à la MISA et partout où je pouvais m'adresser. Les choses commencent à se mettre en branle, semble-t-il. D'ici 20 ans, je pourrai peut-être travailler comme ingénieure. Il y a toujours de l'espoir.

+-

    Mme Alexa McDonough: Neuf ans après votre arrivée, vous ne pouvez toujours pas travailler comme ingénieure?

+-

    Mme Carmen Radulescu: Non.

+-

    Mme Alexa McDonough: Qu'allez-vous devoir faire à cette étape-ci pour atteindre cet objectif?

+-

    Mme Carmen Radulescu: Je pense qu'il me faudrait avoir la chance de trouver un emploi. Ce dont j'ai besoin maintenant, c'est quelqu'un qui croit que je ne suis pas stupide, que je suis intelligente, que je peux faire le travail et qu'on me donne une chance.

    Quand on arrive au Canada en tant qu'immigrants qualifiés, nous possédons déjà des compétences. Nous avons déjà suivi une formation, et nous pouvons nous adapter très rapidement, de même que nous pouvons apprendre très vite. Nous pouvons apprendre la langue, comment nous comporter et comment parler avec nos collègues. Par ma part, j'ai eu de bon échos du travail que j'ai fait, tout le travail que j'ai fait ici au Canada. Je sais que je peux apporter une contribution. La seule chose qui manque, c'est quelqu'un pour dire, d'accord, peut-être vais-je la laisser essayer. Je m'en tirerai bien.

+-

    Mme Alexa McDonough: Quel genre de travail faites-vous maintenant?

+-

    Mme Carmen Radulescu: Je travaille pour le YMCA en tant qu'auxiliaire.

+-

    Mme Alexa McDonough: Merci.

+-

    Mme Jan Sheppard Kutcher: Il est difficile de savoir par où commencer parfois, parce que ce sujet est tellement vaste. Pour ce qui est de votre commentaire au sujet des professionnels qualifiés qui décident de rentrer chez eux, c'est malheureusement quelque chose qui arrive. En fait, il y a peu de temps, j'ai reçu un courriel d'une périodontiste originaire du Brésil qui était venue ici avec son mari, lui aussi périodontiste. Son mari travaillait auparavant dans le milieu universitaire. Bien que hautement qualifiés et chevronnés, et bien que nous ayons besoin de périodontistes ici en Nouvelle-Écosse, pendant les trois années qu'ils ont passées ici, elle n'a jamais réussi à exercer son métier, sauf pour collaborer à de la recherche. Pire encore, ils avaient fait une demande de citoyenneté, et leur demande s'est enlisée. Pendant des années et des années, leur demande n'aboutissait pas. Comme vous le savez probablement, il est impossible d'obtenir des informations claires sur le statut d'une demande d'immigration.

    Si quelqu'un se trouve au Canada à titre de travailleur étranger temporaire et qu'il demande le statut d'immigrant reçu alors qu'il se trouve déjà au pays, il y a un site Web, qui n'est pas très utile, et un numéro d'appel sans frais 1-888-, que j'ai appelé récemment. J'ai appuyé sur des boutons n'importe comment, dans l'espoir de tomber sur une personne. Je parle anglais sans problème, et pourtant c'était impossible. J'ai donc cherché à obtenir cette information pour leur compte, et j'ai appris que la demande était en instance.

    Quoi qu'il en soit, le courriel que j'ai reçu d'elle récemment avait été envoyé après une visite à son pays natal. Elle était rentrée avec ses deux filles et a décidé de rester. Elle m'a dit : « Je me sens bien accueillie. J'ai réintégré ma profession et je peux exercer mon métier. Viens me rendre visite ici! J'ai l'impression de me réveiller d'un cauchemar ». J'ai trouvé la situation très dramatique et très triste.

    C'est probablement juste une extrême. La même semaine, j'ai reçu un autre courriel d'une autre personne qui me parlait, elle, d'un miracle. Elle avait réussi à obtenir un poste de résident en médecine. Nous en voyons de toutes les couleurs. Des immigrants qui réussissent à s'établir et à exercer leur métier à ceux, à l'autre extrême, qui décident de rentrer chez eux. Dans notre métier, nous avons parfois l'impression d'assister à un match de tennis émotionnel.

    Puis-je ajouter juste une chose? Il y a tant à dire. Une chose qui est très importante, à mon avis, c'est de faire en sorte que les professionnels qualifiés et les gens de métier puissent travailler dans un milieu ayant trait à leurs métier et profession le plus tôt possible, de sorte qu'ils ne se retrouvent pas dans ce qu'on appelle communément des emplois de survie—chauffeur de taxi, homme ou femme de ménage, préposé aux chambres—alors que cela n'a rien à voir avec leurs compétences et leur expérience, car réintégrer leur métier après cela devient une tâche très difficile. Parfois, cela signifie que la réintégration ne se fera pas au même niveau de compétence qu'auparavant—un ingénieur peut occuper un poste plus technique—, mais le plus important est d'occuper un poste en rapport avec sa profession.

    Dans certains domaines, cela est possible. En effet, nous utilisons des programmes comme le programme de placement New Beginnings pour trouver des débouchés. Les résultats peuvent être très positifs. Si, par la suite, la personne est recrutée, elle pourra travailler dans son domaine, se faire des contacts, mettre un pied dans son domaine, et, somme toute, être en mesure de satisfaire aux exigences professionnelles tout en travaillant dans son domaine plutôt que de se perdre dans un détour.

    D'autre part, pour ce qui est de travailler dans un milieu qui a trait à son métier, bien que ce soit bénéfique pour le nouveau venu pour ce qui est du revenu, des références, des contacts et de la compréhension de la manière dont le métier est exercé ici, ce qui pourrait être plus important encore, c'est de faire une évaluation de ces qualifications internationales en milieu de travail.

Á  +-(1100)  

    Cela a trait à l'hésitation qu'on voit ici en Nouvelle-Écosse, mais très franchement, lorsqu'il s'agit des employeurs, c'est un problème qui se pose partout au Canada. D'après toutes les discussions que j'ai eues avec les travailleurs spécialisés en établissement et avec des nouveaux venus de partout au pays, tous les employeurs ont cette hésitation, ils sont sceptiques lorsque vous parlez l'anglais avec un accent. Ce que ça veut dire, c'est que la personne parle une autre langue aussi. Mais s'il lui donne accès au milieu de travail, l'employeur peut voir de lui-même les qualifications de la personne, l'expérience dont elle dispose, et il peut l'évaluer directement, que ce soit dans le cadre d'une profession ou d'un métier. Je crois que c'est probablement même plus important dans les métiers qui sont d'un niveau très pratique.

    Si une personne travaille pour moi pendant trois semaines, je peux dire si elle a les compétences voulues pour devenir un bon conseiller en emploi auprès des nouveaux venus. Je ne vois pas pourquoi un périodontiste ne pourrait pas travailler avec quelqu'un pendant quelques mois pour qu'on puisse ainsi déterminer si ses compétences répondent aux normes canadiennes. Je ne vois pas pourquoi une personne de cette profession devrait être obligée de reprendre tout à zéro ou, dans le cas de l'art dentaire, se lancer dans un programme de qualification extrêmement coûteux.

Á  +-(1105)  

+-

    Le président: Merci.

    Madame Edwards, vous avez dit avoir de la difficulté à obtenir la coopération du bureau des visas lorsque quelqu'un veut venir voir ce qui se passe en Nouvelle-Écosse. C'est à ce niveau qu'il faut changer la mentalité des bureaux des visas. Je vais vous citer un cas analogue où le ministère s'était lourdement trompé. Il s'agissait de la politique permettant aux grands-parents ou aux parents de venir au Canada pour rejoindre leur famille, et dès qu'ils avaient fait la demande, on leur refusait le visa. Ils ne pouvaient plus demander de visas. Et parfois, Dieu sait s'ils auraient fini par entrer ici étant donné l'arriéré qui existe. Le gouvernement s'est finalement réveillé, et vous avez entendu cette annonce où on disait que nous allons augmenter le nombre de parents et de grands-parents qui pourront venir au pays, et nous allons leur délivrer des visas pour séjours multiples.

    Imaginez à quel point ce doit être épouvantable pour un parent qui veut aller visiter sa famille au Canada, mais dès qu'il demande le statut d'immigrant reçu au Canada, on lui interdit d'aller au Canada pendant que sa demande est traitée, ce qui peut vouloir dire jamais. C'est un dilemme terrible. Je suis heureux de voir que cet état d'esprit a changé au ministère.

    J'aimerais savoir si vous pourriez envoyer au comité des données sur le nombre de visas qu'on a refusés parce que le comité convoque parfois des fonctionnaires du ministère. Parfois, ils ne sont peut-être pas aussi heureux d'être ici que d'autres, mais nous les convoquons quand même. Et nous leur posons ces questions à eux, parce qu'il nous faut vraiment en finir avec cette mentalité où l'on soupçonne tous ceux qui veulent venir dans notre pays. C'est seulement une mentalité qui doit vraiment changer. Je suis heureux de voir qu'elle a changé pour les parents et les grands-parents.

    J'ai lu tout récemment un article dans le Toronto Star sur les immigrants qui rentrent chez eux. Il y était question de toutes ces personnes qui rentrent en Chine parce que les possibilités y sont supérieures. Nous allons donc cesser d'être ce pays où coulent le lait et le miel comme c'était par le passé, à l'époque où la Chine était un pays opprimé. Beaucoup de gens viennent ici, et se rendent compte qu'ils sont sous-employés, et ils rentrent chez eux. Nous devons donc être beaucoup plus prudents à cet égard.

    J'ai longuement réfléchi à cela. Dans le cas de l'immigration, même si l'avenir du pays en dépend, nous n'avons été accueillants que lorsque l'intérêt national était en jeu. Nous avions besoin de chemins de fer; nous avons fait venir les Chinois. On a bâti les chemins de fer; on a exclu les Asiatiques. Il fallait coloniser les Prairies; nous avons fait venir les Ukrainiens. Il fallait ouvrir le pays, et ainsi de suite. Nous avions besoin de travailleurs qualifiés... Nous avons énormément de monde au Canada, particulièrement en Ontario, dans le secteur des métiers, qui nous viennent d'ailleurs parce que nous n'avons pas produit ces travailleurs nous-mêmes. Je crois que nous ne sommes pas très bons lorsqu'il s'agit des professionnels étant donné que, il y a quelques années de cela, nous avons changé le système de pointage, et au lieu de faire venir des gens de métier dont nous avions besoin ici, nous nous sommes dit, faisons venir des gens qui peuvent avoir ces points.

    Le partage est de 60-40 : 60 économique, basé sur le système de pointage, et 40 pour le regroupement des familles et des réfugiés. Je pense qu'on devrait inverser ces proportions parce qu'on se rend compte qu'une personne qui vient ici dans le cadre du regroupement des familles et qui gagne 20 000 $ par année—et notre comité a entendu ce genre de témoignage—est beaucoup plus heureuse qu'un immigrant de la composante économique qui gagne 30 000 $ par année. Il me semble vraiment injuste de vouer ces personnes à l'échec.

    Donc la question que j'ai pour vous, c'est devrions-nous changer la proportion 60-40 à 50-50, ou à 40-60 dans le sens inverse? Et de même, devrions-nous vraiment encourager de nouveau l'immigration des gens de métier? Nous devrions gérer beaucoup mieux les points d'entrée, dans l'espoir de trouver des débouchés pour ces personnes avant leur arrivée ici, parce qu'il doit être affreux de venir ici avec un diplôme et de voir toute cette matière grise qui se gaspille.

Á  +-(1110)  

+-

    Mme Megan Edwards: En Nouvelle-Écosse et ailleurs au Canada, nous devons déployer plus de créativité dans la manière dont nous attirons les immigrants. Dans notre stratégie à nous, nous préconisons un équilibre entre les immigrants des catégories économique, famille et réfugié. Nous ne voulons pas attirer seulement les immigrants de la composante économique. Nous devons cibler les communautés qui sont déjà établies ici. Nous avons chez nous une forte communauté libanaise, et celle-ci veut collaborer avec nous pour augmenter le nombre d'immigrants. Dans de nombreux cas, il s'agira d'immigrants de la catégorie du regroupement familial. Notre programme de candidats de la province songe à ouvrir un courant qui permettrait à des entreprises familiales de proposer un membre de la famille qui viendrait ici et travaillerait pour elles.

    L'époque où des immigrants venaient ici et ouvraient une entreprise que leur famille reprenait plus tard s'achève. Les familles choisissent des professions différentes. Il leur est loisible de faire cela lorsqu'elles arrivent ici. Reste à voir s'il faut changer ces proportions à 50-50 ou à 60-40. Tout dépend de la façon dont nous allons cibler nos méthodes d'attraction. Nous sommes favorables à l'augmentation du nombre de parrainages privés des réfugiés. Les réfugiés comptent parmi les immigrants qui ont le moins réussi en Nouvelle-Écosse. Nous voulons changer la mentalité de ces personnes qui croient que les réfugiés étaient simplement des malchanceux qui se trouvaient au mauvais endroit au mauvais moment. Ils apportent au Canada et à la Nouvelle-Écosse des compétences et des spécialisations. Dans notre nouveau bureau, nous allons travailler avec les communautés—nous voulons que notre programme pour attirer des immigrants soit axé sur elles.

+-

    Le président: Assurez-vous que votre nouveau bureau reste en contact avec les communautés. Si vous avez des difficultés, vous pourrez en parler au comité.

    Madame Sheppard Kutcher.

+-

    Mme Jan Sheppard Kutcher: J'aimerais dire quelques mots sur les compétences. Dans le système actuel, les nouveaux arrivants ont souvent une maîtrise et un doctorat parce que cela garantit des points. J'ai parlé récemment dans mon bureau à deux hommes qui gèrent quelques restaurants chinois. Ils n'arrivent à trouver personne en ville qui s'y connaît en cuisine chinoise. Ils connaissent des gens en Chine qui ont ces compétences et qui voudraient venir chez nous. Ils seraient même prêts à investir mais ils n'arrivent pas à sortir de là. Il y a un arriéré. Il y a une grave pénurie de camionneurs. Conduire un camion est une compétence. Les opérateurs de machinerie lourde sont rares dans la province et partout au pays.

    Nous devons élargir l'idée que nous nous faisons des compétences et insister moins sur la scolarité. On voit arriver des tas de nouveaux venus qui ont une maîtrise et un doctorat, et c'est très bien. Mais j'aimerais qu'on élargisse notre interprétation des compétences. Nous devons encourager la catégorie du regroupement familial parce que c'est comme ça qu'on bâtit des communautés. Le soutien social et culturel qu'on trouve grâce aux liens familiaux et communautaires est très important.

    Ici, en Nouvelle-Écosse, je ne crois pas que les communautés ethniques peuvent donner aux nouveaux venus l'assistance stratégique dont ils ont besoin pour prendre pied sur le marché du travail. À Toronto, un ingénieur de l'Iran trouvera du travail dès son arrivée ici, mais ce sera dans une concession Subway possédée par un Canadien d'origine iranienne. Ce n'est pas le genre d'aide dont ils ont besoin. Ils ont besoin d'une aide que les communautés ethniques ne sont pas en mesure de leur offrir : les aider à comprendre le marché du travail, les relations avec les organismes de réglementation et une aide spéciale comme des programmes traitant de la langue propre à un secteur en particulier ou une formation à court terme.

Á  +-(1115)  

+-

    Le président: À ce sujet, il y a des entreprises dans ma circonscription dont le fondateur est de l'Asie du Sud-Est. Environ 90 p. 100 de ses employés—et il en a quelques centaines—occupent de très bons postes, et c'est une très bonne entreprise. Ce sont des outilleurs-ajusteurs, des ingénieurs, et tout ce que vous voudrez, et tous sont originaires de l'Asie du Sud-Est. Donc le fait d'avoir une masse critique est utile à cet égard.

+-

    Mme Jan Sheppard Kutcher: Je ne crois pas que nous en soyons là, ici en Nouvelle-Écosse. Je ne crois pas que ce soit la réalité de notre contexte à l'heure actuelle. Cela dit, je pense que des effectifs plus intégrés peuvent être plus solides. Même si je comprends ce que vous dites, je crois que l'organisation la plus forte, c'est l'organisation diversifiée. Je ne crois pas que ce soit l'organisation dont tous les membres ont vécu en Nouvelle-Écosse, sont de race blanche, ont les mêmes antécédents, et ainsi de suite. L'organisation forte, ce n'est pas non plus nécessairement celle qui est composée entièrement de Canadiens de l'Asie du Sud-Est.

    Je crois que la force réside dans la diversité. Je crois que cela encourage davantage l'innovation. Je crois, de manière générale, qu'on aurait une société en meilleure santé et des milieux de travail plus sains si l'on y trouvait davantage de diversité.

+-

    Mme Alexa McDonough: J'ai une foule de questions que j'aimerais poser. Je sais que nous manquons de temps.

    Il est également évident que les trois catégories que nous étudions sont, d'une certaine manière, artificielles, parce que les chevauchements sont nombreux et évidents. Un des témoins du groupe précédent, au moment où elle parlait de cet aspect de la citoyenneté, disait également qu'il lui avait été impossible de faire venir sa mère veuve après la mort de son père, et elle avait totalement renoncé à pouvoir la faire venir ici. Au même moment, elle ne pouvait pas avoir accès au genre de service de garde d'enfants dont elle avait besoin. Le fait qu'on ne reconnaisse pas ce problème et qu'on ne cherche pas à le résoudre est totalement absurde.

    J'aimerais dire deux choses, rapidement. Premièrement, c'est que j'ai été vivement impressionnée, d'après ce que j'ai compris, par ce que fait le Manitoba, une province semblable à la Nouvelle-Écosse à maints égards—on peut exagérer les choses—du moins, sur le plan de la démographie, de la richesse, etc. Je sais que la MISA, tout comme le ministère provincial équivalent, s'est penché sur l'expérience du Manitoba. J'aimerais que vous me parliez un peu de ce qu'on a réussi aussi brillamment là-bas et de l'application de cette formule ici. Dans quelle mesure le modèle manitobain est-il imité dans le cadre du nouveau programme d'immigration?

    Deuxièmement, il y a toute la question de savoir comment l'on détermine les vraies compétences. Comme tout le monde l'a dit, ce n'est pas seulement ce qui est écrit sur un bout de papier, il s'agit de déterminer les connaissances, les compétences réelles et le reste.

    Je suis de plus en plus impressionnée par le travail qu'accomplit ici le Prior Learning Assessment Centre. D'ailleurs, à l'heure où nous nous parlons ce matin, presque tout le personnel du Prior Learning Assessment Centre accueille une grande conférence qui a lieu tout juste de l'autre côté du port et qui traite de l'apprentissage des adultes.

    Je me demande si une partie de la réponse en ce qui concerne la reconnaissance des titres et des compétences et l'évaluation de la contribution réelle des gens—ce bout de papier ne vous dira pas grand-chose d'une manière ou d'une autre... Existe-t-il un processus qu'emploie la MISA, ou le programme provincial d'immigration, pour déterminer les équivalences des compétences et pour supprimer les obstacles et créer à la place des modalités qui faciliteront l'accès au travail au lieu de faire le contraire?

+-

    Mme Megan Edwards: Nous avons eu de nombreuses discussions avec le Manitoba. C'est vraiment cette province qui a ouvert la voie aux provinces plus petites dans ce domaine, et je crois qu'elle a réussi parce que le processus a été lancé par les entreprises. Ce sont les entreprises qui se sont adressées au gouvernement et qui ont dit qu'elles avaient besoin de travailleurs et qu'il fallait faire venir des gens pour remédier à ces pénuries, et la province et la Ville de Winnipeg ont eu l'audace d'investir de l'argent dans un programme d'immigration pour toute la province.

    À l'heure actuelle, la Nouvelle-Écosse est davantage comparable à la Saskatchewan dont le bureau d'immigration existe depuis environ trois ans maintenant. Cette province reçoit à peu près autant d'immigrants que la nôtre, elle a une forte population rurale et une économie de ressources. Nous allons donc collaborer avec la Saskatchewan et étudier les moyens qu'elle a pris à ses débuts pour attirer des immigrants, parce que sa situation ressemble en ce moment beaucoup plus à la nôtre.

    Le Manitoba, bien sûr, a d'excellentes pratiques exemplaires dans son programme de candidats. Il a ouvert de nombreux volets, il offre un traitement prioritaire et a pu augmenter le nombre d'immigrants sans le doubler cependant, ce qu'il espérait faire. La Nouvelle-Écosse espère plus que doubler le nombre de nouveaux immigrants au cours des quatre prochaines années; nous allons donc devoir nous inspirer de l'exemple de ces deux provinces.

    En ce qui concerne l'évaluation des acquis et le service d'évaluation, nous savons que la mise en place de ce service, c'est la partie facile; c'est la reconnaissance des acquis qui est difficile. Si les gens peuvent obtenir un document qui dit que leurs titres et compétences sont comparables à des titres et compétences canadiens... Mais la question est de savoir comment faire comprendre cela aux gens d'affaires? Comment allons-nous changer la mentalité ou l'attitude qu'on a envers les « étrangers », comme M. Deveaux l'a dit? Je suis moi-même une réfugiée du sud de l'Ontario en Nouvelle-Écosse, et je vois cette attitude tous les jours, pas seulement en ce qui me concerne, mais également en ce qui concerne les nouveaux venus qui viennent à nos bureaux et sont déçus.

    Je crois donc que c'est l'aspect reconnaissance qui va absorber le gros de notre énergie.

    Je ne sais pas si Jan veut...

Á  +-(1120)  

+-

    Mme Jan Sheppard Kutcher: Je suis en contact avec le PLA Centre ici depuis une dizaine d'années, et le processus d'évaluation des acquis fait partie de la reconnaissance des qualifications pour certaines professions. Le seul exemple qui me vient à l'esprit pour l'instant, c'est celui des techniques de laboratoire médicales, et cette évaluation se fait au niveau national. Au plan local, je ne l'ai pas vue utiliser ou promouvoir comme instrument d'évaluation ou de reconnaissance des qualifications, et cela me déçoit. On pourrait l'utiliser de cette façon, mais ce n'est pas le cas actuellement.

    Le PLA Centre ici fait très bien son travail, qui consiste à réaliser des portfolios. Mais très franchement—et je vais sembler un peu critique ici—c'est un peu la formule taille unique. Il y a un excellent programme d'élaboration de portfolios qui demande environ trois mois—pour ceux qui ont une formation linguistique intensive. J'ai parlé plusieurs fois aux responsables d'adapter ce programme aux besoins les plus urgents des nouveaux arrivants. Franchement, c'est un outil difficile à utiliser. Je pense qu'il présente un potentiel considérable, parce que le principe est bon. Qu'avez-vous fait dans le passé? Qu'avez-vous appris? Comment pouvez-vous exprimer et étayer cela? Comme le disait Megan, c'est la reconnaissance qui est un problème.

    Depuis le temps que je travaille dans ce domaine, surtout depuis les cinq dernières années, j'essaie de voir au Manitoba et dans tout le Canada quelles sont les meilleures pratiques, quels sont les modèles d'aide pour l'intégration à la population active. Nous somme allés à Edmonton. En novembre dernier, je suis même allée à Toronto me renseigner sur un programme de soins pour des infirmières et le programme d'internat qui a été mis en place par Skills for Change.

    Nous essayons de tirer profit de ce qui se fait dans les autres provinces. Le Manitoba est le chef de file surtout parce que les gens ont une mentalité différente, une attitude différente face aux immigrants. Le Manitoba a presque toujours été plus progressiste. On considère que c'est quelque chose d'admirable d'être un immigrant, que cela n'a rien de problématique, alors qu'en Nouvelle-Écosse les gens sont plutôt tournés vers la porte de sortie. Je suis une de ces « étrangères » et quand je suis arrivée, on me demandait : « Mais pourquoi êtes-vous venue ici ?» Les choses commencent à évoluer, mais quand je suis arrivée et que j'ai commencé parler d'immigration, ne serait-ce que pour combler les pénuries de travailleurs qualifiés, on m'a répondu dans les milieux politiques que ce n'était pas politiquement porteur. « On ne peut pas dire ce genre de choses. Nous avons du chômage en Nouvelle-Écosse. » Les choses commencent à évoluer.

    Le monde des affaires est en train de faire changer la situation, mais au départ, politiquement, il n'en était pas question. On ne pouvait pas en parler. La situation commence à évoluer, mais c'est la grande différence ici. Le gouvernement local prend maintenant l'initiative d'encourager la venue et le maintien de nouveaux arrivants en Nouvelle-Écosse. Les mentalités ont complètement changé dans cette province. Nos services d'établissement essaient de profiter de cette évolution en s'efforçant au maximum de faire adopter des changements.

    Nous sommes en période de transition. Nous devons nous efforcer de faire mettre en place des processus équitables. Ensuite, nous pourrons prendre du recul une fois que ces processus seront intégrés au système. Malheureusement, je pense qu'il ne faut pas se faire d'illusions... Nous pourrions avoir plus d'accords de reconnaissance mutuelle, ce serait un pas en avant. Il y a parfois tout simplement un manque de bon sens dans des situations où l'on se dit : « Quoi? C'est complètement absurde pour tout le monde. » Mais il y aura toujours un processus pour les professions réglementées, les professions autoréglementées.

Á  +-(1125)  

    Il faut les encourager à avoir des processus aussi équitables et rationnels que possible. Nous devons voir quel genre d'aide nous pouvons apporter à ces personnes pour qu'elles puissent franchir ces étapes le plus rapidement possible et trouver un travail correspondant à leurs cordes.

+-

    Le président: Merci beaucoup. C'est le bon moment pour mettre fin à cette séance.

    Merci d'avoir comparu devant notre comité. Nous vous adresserons des exemplaires de notre rapport.

    Comme vous l'avez déjà vu précédemment, nous allons prendre une photo pour le compte rendu. Les gens pourront s'y reporter pour savoir qui étaient les intervenants. Merci.

    Nous allons suspendre la séance quelques minutes en attendant que le groupe suivant s'installe.

Á  +-(1128)  


Á  +-(1136)  

+-

    Le président: Bienvenue à cette séance. Nous faisons une tournée de consultations dans le pays. Nous étions ici il y a exactement une semaine et nous aurions pu tenir cette séance. Nous avions six députés, mais nous risquions d'être rappelés à Ottawa pour un vote. C'est notre avant-dernière étape avant de conclure ces consultations. Demain nous partirons au Québec et nous aurons fait le tour de toutes les provinces.

    Nous allons commencer par des exposés de cinq minutes et nous passerons ensuite aux questions et réponses.

    Nous commençons par vous, madame Edwards.

+-

    Mme Megan Edwards: Monsieur le président, madame McDonough, merci encore une fois de nous donner la parole aujourd'hui sur ces très importantes questions.

    Comme je l'ai dit précédemment, le Nova Scotia Office of Immigration a été créé en janvier cette année. Depuis que ce bureau provincial de l'immigration a ouvert ses portes, une grande partie des demandes qui lui ont été adressées concernaient le traitement de demandes d'immigration fédérales. Les gens qui demandent à venir en Nouvelle-Écosse par le biais de Citoyenneté et Immigration Canada sont de plus en plus frustrés par le modèle de service du site Web du centre d'appels auquel ils doivent s'adresser pour obtenir des informations sur leur demande ou pour renouveler des permis de travail ou d'études.

    C'est une critique que nous avons aussi entendue lors des consultations sur la mise au point de notre stratégie d'immigration. Très souvent, la conversation déraillait des questions provinciales pour devenir un véritable débat sur le traitement des demandes par le gouvernement fédéral et sur le traitement infligé aux immigrants par le personnel des bureaux des visas à l'étranger.

    Au bureau provincial de l'immigration, nous ne pouvons fournir aucune information sur le statut des demandes d'immigration. Mais quand nous adressons les demandeurs au site Web de CIC ou au centre d'appels, ils sont très frustrés car ils n'y trouvent à peu près aucune forme d'aide.

    Une grande partie des personnes qui s'adressent à nous sont des gens qui ont présenté une demande dans le cadre de la catégorie de la famille et qui essaient de faire venir auprès d'eux leur conjoint, leurs enfants ou d'autres membres de leurs familles. Les immigrants nous ont dit combien la présence de leur famille les aidait à se sentir heureux et en sécurité dans leur nouveau milieu.

    La stratégie d'immigration de la Nouvelle-Écosse insiste sur l'importance d'équilibrer l'immigration en tenant compte des considérations humanitaires et de compassion, de la réunification des familles et du parrainage de familles de réfugiés. Sur la question de la réunification des familles, le gouvernement fédéral a récemment annoncé qu'il allait accélérer le traitement au Canada des demandes de réunion de conjoints et accroître le nombre de parents et de grands-parents qui auront la résidence permanente en 2005-2006.

    Même si ces immigrants peuvent être assez âgés, ils peuvent encore avoir un apport productif à notre économie en travaillant avec leurs enfants dans une entreprise qu'ils ont montée au Canada ou en s'occupant des petits-enfants pour permettre aux femmes d'exercer un emploi comme elles le souhaitent. Il est important de se souvenir, et j'en ai parlé dans mon exposé sur les titres de compétences, que les femmes immigrantes se trouvent souvent obligées de renoncer à leur profession pour s'occuper de la maison et des enfants. C'est une injustice qui touche les femmes et qui doit être rectifiée.

    Pour aider les familles, la stratégie d'immigration de la Nouvelle-Écosse propose la mise en place d'une nouvelle catégorie dans le cadre du programme des candidats de la province, intitulé Volet de l'entreprise familiale. C'est une catégorie qui nous a été suggérée lors de nos consultations et qui aurait pour but de maintenir la continuité des entreprises car les familles d'immigrants constatent que leurs enfants ont tendance à être attirés par d'autres carrières et à ne pas reprendre l'entreprise familiale. Nous mettons au point un plan de mise en oeuvre de ce nouveau volet pour nous assurer d'appliquer les bonnes normes de travail et de garantir la viabilité de cette entreprise à long terme.

    Enfin, les immigrants choisis dans le cadre de la catégorie de la famille respectent dans certains cas la plus grande partie des principes directeurs énoncés dans notre document de stratégie, et nous serions favorables à un traitement rapide des demandes de ces immigrants. Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse sait très bien qu'il serait irresponsable d'encourager des immigrants à venir ici s'ils n'ont guère de chance de réussir, et il est clair que la présence de membres de la famille contribue beaucoup à faciliter l'intégration.

    Ces principes reposent-ils sur la communauté? Les membres de la famille rejoindront une communauté déjà établie en Nouvelle-Écosse.

    Notre principe final est d'être équitables et inclusifs : nous voulons que tous les gens qui vivent en Nouvelle-Écosse aient la possibilité de réussir. En développant la diversité de notre culture, nous construirons des communautés accueillantes.

    Si nous pouvons créer les bonnes conditions et les bonnes ouvertures pour les immigrants, ils viendront, ils resteront et nous serons tous gagnants. Si nous n'améliorons pas ces domaines critiques—l'évaluation et la reconnaissance des titres de compétences, les services aux immigrants, notamment dans la catégorie de la famille—il sera difficile d'avancer vraiment.

    Merci.

Á  +-(1140)  

+-

    Le président: Merci.

    Madame Anjana KC.

+-

    Mme Anjana KC (à titre personnel): Je m'appelle Anjana KC, je suis résidente permanente et je viens du Népal. Je voudrais vous parler de mon frère et de son épouse qui ne réussissent pas à obtenir un visa d'immigrant permanent.

    Nous avons demandé un visa d'immigrant permanent en 2000 et nous l'avons reçu en février 2003. Nous sommes arrivés en Ontario le 13 avril 2003. En janvier 2003, mon frère s'est marié, mais quand nous sommes arrivés, il a oublié de préciser qu'il était marié. Comme il ne l'était pas quand nous avions présenté notre demande, personne ne lui a posé la question. Nous n'avons pas lu correctement les documents, donc nous sommes fautifs en partie. Depuis, il essaie en vain de la parrainer. Nous avons envoyé les certificats de mariage au centre de traitement des demandes. Le dossier a été soumis au Haut-Commissariat du Canada à Delhi qui a rejeté la demande en décembre 2003. Nous avons fait appel en mars 2004 avec l'aide d'un avocat, mais cela a été de nouveau en vain.

    Nous avons soumis diverses preuves, notamment des photos du mariage, des cartes d'invitation et des certificats de mariage. De nombreuses personnes ont écrit au ministère de la Citoyenneté, au ministère des Affaires étrangères, à la Division d'appel de l'immigration à Toronto et à diverses autres personnes que mon père connaît en Ontario et qui étaient au mariage ou qui y avaient été invitées. Ma famille et moi-même reconnaissons que nous avons fait une erreur de bonne foi, en ne lisant pas correctement les documents. Mais nous avons fait cette erreur en toute bonne foi parce que nous arrivions tous de régions différentes du monde quand nous sommes arrivés ici. Avec tous les bouleversements que cela entraînait, nous n'avons pas vraiment...

    Je sais que le gouvernement a parfaitement le droit de ne pas laisser entrer l'épouse de mon frère au Canada, mais je crois que nous avons fait à peu près tout ce que nous pouvions faire. Nous avons soumis toutes les preuves que nous pouvions présenter, et pourtant l'épouse de mon frère ne peut toujours pas venir ici. Ils avaient toujours envisagé de venir étudier ici. Ils sont médecins. Ils veulent poursuivre leurs études et travailler ici. Comme l'épouse de mon frère ne peut pas obtenir son visa, ils sont tous les deux séparés. Tout de suite après leur mariage, mon frère est venu ici et elle est restée là-bas. Ils ne se sont donc pas vus depuis deux ans. Nous sommes une famille très unie et c'est déchirant pour moi de voir que mon frère et son épouse ne se sont pas vus pendant plus d'un an après leur mariage. J'espère qu'en m'adressant à vous aujourd'hui je vous aurai montré à quel point nous désirons que ma belle-soeur puisse obtenir les visas d'immigration pour elle et pour mon frère, pour qu'ils puissent tous les deux accomplir leurs rêves, comme ils le souhaitent depuis longtemps.

    Merci.

Á  +-(1145)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Madame Moncayo.

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    Mme Marianela Fuertes (à titre personnel): Merci.

    Bonjour. Merci de nous donner la parole. Nous sommes Marianela Fuertes et Carmen Moncayo, deux néo-Canadiennes nées en Colombie.

    Nous souhaitons nous plaindre auprès de vous d'une procédure courante et généralisée à l'ambassade canadienne en Colombie à l'égard des réfugiés colombiens qui vivent au Canada et de leur famille qui réside en Colombie.

    C'est peut-être le cas aussi pour de nombreux autres réfugiés en provenance d'autres régions du monde; toutefois, une description directe de l'expérience des Colombiens vous permettra de saisir l'horreur de cette pratique qui coupe totalement les réfugiés de leur famille et aggrave ainsi leur fardeau et leur douleur.

    En prenant deux exemples personnels, nous souhaitons vous montrer comment sont traités les réfugiés en vertu des lignes directrices du Canada à l'égard des immigrants.

    Avant d'aller plus loin, je voudrais dire que pour mon mari, Cesar Rincon, notre jeune enfant et moi-même, l'occasion de venir vivre dans ce merveilleux pays a été une véritable renaissance. Nous sommes reconnaissants au gouvernement canadien de nous avoir donné cette possibilité. Il a sauvé notre vie et nous a permis d'élever notre fils en paix et dans un environnement sans danger. Nous sommes un couple de jeunes professionnels, tous deux avocats. Mon mari était procureur et j'étais moi-même juge adjointe dans les rangs de la magistrature constitutionnelle de Colombie. Nous étions tous deux professeurs à l'université, mais nous avons dû fuir le pays pour des raisons de sécurité.

    Nous avons dû prendre la décision de quitter la Colombie en deux semaines seulement. Je vous parle des conditions de ce départ car je voudrais que vous essayiez d'imaginer le bouleversement de notre famille et le contexte dans lequel nous avons dû partir. Nous avons perdu notre carrière, nos biens matériels et nos familles.

    Je sais que le Canada offre de grandes possibilités et que tous les immigrants subissent des pertes. Toutefois, quand quelqu'un décide de son propre gré d'immigrer pour refaire sa vie dans un autre pays, il est maître de son destin. Personne ne l'oblige à le faire, et c'est une distinction importante.

    Pendant deux ans et demi, nous nous sommes efforcés de nous intégrer à cette société et de surmonter les bouleversements que nous connaissions depuis que nous avions quitté notre pays. La présence de notre mère nous aurait beaucoup aidés, et c'est pourquoi elle a essayé de venir ici trois fois. L'ambassade du Canada en Colombie lui a refusé cette autorisation, bien qu'elle ait montré qu'elle avait des économies et fourni toutes les informations qu'on lui a demandées. Rien n'était suffisant. Si ma mère veut venir au Canada, c'est uniquement pour s'assurer que notre décision était la bonne et pour voir son petit-fils, Gabriel, qui a sept ans.

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    Mme Carmen Celina Moncayo (à titre personnel): En juillet 2003, j'ai invité mon amie, Patricia Molina, à me rendre visite à Halifax. On lui a refusé son visa à trois reprises et pour des raisons différentes. Après que ma députée, Mme  Wendy Lill, a demandé qu'on lui explique pourquoi il y avait eu un tel refus, l'ambassade du Canada en Colombie lui a répondu ce qui suit :

[...] de façon précise, le frère de Mme Molina, M. Sergio Molina, qui vit présentement à London, en Ontario, est un ancien revendicateur du statut de réfugié. En raison de cela, l'agent préposé au dossier n'estimait pas que Mme Molina viendrait ici strictement en tant que visiteur, et sa demande a donc été rejetée.

    J'ai besoin de savoir pourquoi on n'a pas avisé mon amie que le fait que son frère avait déjà revendiqué le statut de réfugié, ce qui est donc une circonstance indépendante de sa situation à elle, était un obstacle à sa venue au Canada. Un Colombien doit débourser 150 $ à chaque demande de visa. Le gouvernement n'a mis ni Marianela, ni sa famille, ni tout autre réfugié qui vient ici grâce au parrainage gouvernemental au courant de cela.

    Il ne s'agit pas de cas isolés, car il y en a beaucoup d'autres, où des Canadiens d'origine colombienne ont invité leurs familles et leurs amis à leur rendre visite pour apprendre que l'ambassade du Canada en Colombie leur avait opposé son refus. J'ai su, par exemple, qu'une femme dont la grossesse était très difficile, avait demandé de recevoir la visite de sa mère et qu'on la lui avait refusée pour des raisons peu solides. Encore une fois, il s'agissait d'une famille entrée ici en vertu du programme de parrainage gouvernemental des réfugiés.

    Sur le plan international, le Canada passe pour un pays à l'avant-garde de l'intervention humanitaire, en raison de sa façon de répondre aux besoins des réfugiés en cas de crise aiguë. Toutefois, son engagement de partager les responsabilités du rétablissement des réfugiés avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ne s'arrête pas à leur trouver un lieu sûr. Le gouvernement du Canada s'est fermement engagé à les soutenir après coup afin qu'ils surmontent les conséquences néfastes de leur situation en tant que victimes de la guerre, de la persécution, de déplacements forcés de population et de bon nombre d'autres atteintes aux droits de la personne. Vous n'ignorez certainement pas que toutes ces conditions entraînent un des chagrins les plus lourds à porter, l'éclatement de la famille et, par conséquent, la perte de son soutien, de sa protection et de sa proximité. En refusant le droit de visite aux proches des réfugiés, le gouvernement du Canada fait perdurer ces conséquences perverses.

    L'un des objectifs primordiaux du processus de rétablissement est l'intégration du réfugié au sein de la société canadienne. Il s'agit de favoriser à la fois la naissance de son sentiment d'appartenance et du respect que les autres lui porteront dans sa société d'accueil, où il aura les mêmes droits et les mêmes responsabilités que les Canadiens de souche.

    Comment un réfugié peut-il se sentir accepté comme membre de plein droit de la société lorsque, pour des raisons absurdes et incroyables, on refuse l'entrée de sa famille en se fondant sur un critère subjectif? Comment un tel critère peut-il fonctionner lorsqu'il sous-entend que toute personne apparentée à un réfugié veut s'établir au Canada? Sommes-nous en face d'un système qui crée des citoyens de première classe et d'autres de seconde classe?

    Nous demandons à savoir si Citoyenneté et Immigration Canada a mis en place des protocoles, lignes directrices, procédures ou critères qui empêchent les réfugiés de recevoir la visite de leurs proches. Nous tenons à connaître la teneur de ces lignes directrices et demandons qu'elles soient rendues publiques.

    Les agents de Citoyenneté et Immigration Canada doivent aviser tous les réfugiés et revendicateurs du statut de réfugié que le fait d'accepter la protection du gouvernement du Canada les oblige à renoncer pour toujours à des visites au Canada de la part des membres de leur famille. Les réfugiés doivent aussi savoir qu'ils devront prendre toutes les dispositions nécessaires pour rencontrer ces proches dans un pays tiers, au cas où ils ne pourraient jamais retourner les visiter dans leur pays d'origine.

    Nous demandons également que cette question soit étudiée à la lumière de la Charte canadienne des droits et libertés, plus précisément de sa disposition portant sur l'égalité de tous devant la loi.

    Je vous remercie.

Á  +-(1150)  

+-

    Le président: Je vous remercie beaucoup.

    Le processus entourant les visas est sans doute l'une des plus grandes causes de mécontentement chez les députés, surtout s'ils comptent de grande populations d'immigrants dans leur circonscription, parce qu'il est plutôt subjectif, ce que vous nous avez d'ailleurs bien expliqué. Il est difficile toutefois de savoir ce qu'on peut faire pour modifier le système actuel.

    À titre de renseignements, en 1997-1998, nous avons rejeté 70 000 demandes de visas, ce qui représente environ 10 p. 100 du total et en 2004, nous en avons refusé 151 000, soit plus de 18 p. 100 des demandes.

    Frustré, le comité a tâché d'étudier diverses méthodes. Nous sommes en train de nous pencher sur l'une d'entre elles... Vous savez, une fois qu'une demande est refusée, il est très difficile d'entrer, même si on peut toujours présenter une nouvelle demande. Par conséquent, l'une des choses que nous envisageons, pour les gens dont la première requête a été rejetée, serait une espèce de système de cautionnement. Cela signifie que la personne installée au Canada et parrainant un visiteur déposerait une garantie ou une caution, de manière assez semblable à ce qui se passe dans les tribunaux lorsqu'on décide d'accorder ou non à un prévenu le droit de sortir en échange d'une caution. Ce système semble fonctionner assez bien. La nouvelle mesure concernerait uniquement ceux et celles dont la demande a été refusée. Elle nous permettrait d'effectuer une espèce de contrôle de la qualité, car si un agent des visas rejette constamment la demande de certains, on ne peut savoir si ces derniers retourneraient chez eux. Il n'y a aucune vérification de la qualité, tandis que si les demandeurs de visa venaient ici grâce à ce nouveau processus puis retournaient chez eux, nous saurions alors que le système actuel ne fonctionne pas.

    C'est un terrible dilemme sur le plan personnel, mais aussi du point de vue économique, car lorsque les étrangers viennent au Canada, en tant que touristes, ils dépensent de l'argent, et ils font aussi de nous des touristes, car nous leur servons de guide pour leur montrer les lieux.

    Bon, mon préambule étant terminé, je vais donner la parole à Alexa.

Á  +-(1155)  

+-

    Mme Alexa McDonough: Bienvenue au comité parlementaire.

    Je ne suis pas membre habituel de ce comité pour le Nouveau Parti Démocratique. C'est mon collègue Bill Siksay, de la côte Ouest, qui n'a pu être ici et que j'ai le plaisir de remplacer aujourd'hui.

    Mon collègue Bill Siksay, je dois le dire, dans des discussions officielles ou informelles, nous fait toujours part des problèmes que vous avez soulevés, comme d'autres, et je suis de plus en plus bouleversée par deux problèmes qui semblent être récurrents. Premièrement, il y a un message équivoque, pire encore, un message hypocrite selon lequel nous voulons vraiment de nouveaux Canadiens qui arriveraient ici comme réfugiés ou comme demandeurs du statut de résident permanent. Nous voulons vraiment qu'ils viennent. Nous voulons qu'ils connaissent la réussite. Nous voulons qu'ils s'épanouissent, mais nous refusons de créer les conditions qui leur permettent de bien vivre. Ensuite, il y a la frustration découlant des inégalités relatives aux droits des Canadiens tels qu'ils s'appliquent aux nouveaux Canadiens et, en particulier, aux réfugiés dans de nombreux cas.

    Chaque membre du comité, peu importe son parti politique, finit par ressentir une grande frustration, une humiliation ainsi que le besoin de s'excuser au nom du Canada, quand nous pouvons le faire d'une manière qui ne soit pas superficielle.

    On peut vraiment dire que le comité essaie de trouver ce qui doit changer, tant dans les attitudes que dans les pratiques utilisées pour le traitement des demandeurs à l'ambassade canadienne, là où les demandes sont présentées, de même qu'ici, pour les réponses à ceux qui demandent des renseignements, des mises à jour, des explications sur les décisions qui sont prises, au fur et à mesure qu'elles le sont.

    Je voudrais savoir ce que vous pensez des refus donnés à des demandes tout à fait raisonnables relativement à la visite d'un membre de la famille ou d'une réunification familiale. D'où cela vient-il? D'après vous, d'après votre expérience et celle d'autres qui nous ont raconté leurs histoires, s'agit-il de l'effet de soupçon qui s'applique à vous ou aux membres de votre famille? Finissez-vous par avoir l'impression que pour les fonctionnaires, on ne peut faire confiance à personne, que les visites familiales n'ont pour seul but que d'entrer au pays pour y rester illégalement? Dans le cas de Mme KC, avez-vous l'impression que peu importent les façons dont vous reconnaîtrez l'erreur commise par votre famille, peu importent les preuves qui montrent clairement qu'il s'agit de votre belle-soeur, de la femme de votre frère qui veut retrouver sa famille, vous aurez l'impression qu'on pense que vous avez délibérément mal présenté les faits et que vous ne pourrez jamais corriger cette erreur et obtenir cette réunification?

    Est-ce là le problème, d'après votre expérience, d'après ce que vous pouvez en penser? Ou s'agit-il en fait d'une sorte d'abus de pouvoir brutal de la part de personnes qui occupent des emplois qui ne leur conviennent pas, et qui sont censées mettre en application les politiques humanitaires et de compassion du Canada?

  +-(1200)  

    Je pense que nous essayons de comprendre ce qui se passe, quelles sont les raisons de tout cela, de savoir l'impression que cela vous donne et aussi ce que nous pouvons faire comme parlementaires pour essayer d'y remédier. J'aimerais que vous nous expliquiez un peu cela.

    Je comprends que vous êtes ici sur la sellette. Comme les autres parlementaires, je pense, j'apprécie que vous soyez prêtes à le faire. Ce n'est pas facile, quand on se sent vulnérable et frustré.

+-

    Mme Anjana KC: Je pense qu'il y a des gens qui mentent pour obtenir quelque chose, mais il y a aussi des gens comme nous qui ne le font pas. Nous n'obtenons rien du tout. Nous voulons simplement que mon frère et ma belle-soeur soient réunis, et nous avons presque tout tenté. Ils nous ont demandé presque tout, et depuis deux ans, nous essayons, réessayons et n'obtenons que des refus.

    Je veux simplement dire qu'il ne nous sert vraiment à rien de mentir au sujet de leur mariage, mais vraiment à rien. Au lieu de douter de tout, ils devraient vraiment songer aux gens qui sont là parce qu'ils veulent être ensemble et non parce qu'ils veulent obtenir quelque avantage que ce soit.

+-

    Mme Carmen Celina Moncayo: Je pense qu'il y a divers facteurs en jeu. Il y a tout d'abord une attitude discriminatoire envers les réfugiés. On croit que les réfugiés apportent des problèmes en ce pays, qu'ils sont associés à certains problèmes et qu'il faut les empêcher d'entrer ici. Il y a une discrimination quant au pays de provenance dont nous accepterons les réfugiés. Or, tous les réfugiés viennent de pays où il y a des problèmes, et ce qu'on craint, c'est que toute leur famille voudra rester et vivre au Canada et c'est pourquoi nous ne voulons pas que leurs membres viennent ici en visite. Ils veulent fuir leur pays d'une manière irrégulière, nous ne pouvons pas leur faire confiance, il faut qu'ils suivent les procédures normales.

    Il y a une réaction généralisée de rejet contre les demandeurs d'asile et je me demande pourquoi, si nous offrons le statut de demandeur d'asile, nous les punissons ainsi. C'est le dernier recours pour ceux qui ne peuvent suivre la longue procédure de réinstallation de l'ONU ou celle de la sélection par l'ambassade canadienne. Il faut garder le statut de réfugié comme moyen très important d'entrer au pays, afin de sauver des gens; au contraire, on pénalise ceux qui essaient d'entrer ainsi au Canada.

    Les besoins sont nombreux. Ainsi, les Colombiens arrivent ici, s'y établissent et cherchent à obtenir le statut de réfugié. La plupart passent par les États-Unis et obtiennent un visa américain avant d'obtenir un visa canadien. Il y a aussi des besoins spéciaux dans notre cas, des stéréotypes au sujet des Colombiens...

    Je pense qu'il y a un terrible malentendu sur ce qu'est un conflit. Ainsi, par exemple, comment ma mère peut-elle vivre en Colombie et jouir de la vie là-bas, ne pas vouloir venir ici malgré la situation difficile en Colombie? Les gens ne comprennent pas la réalité du pays et mettent tout le monde dans le même sac. C'est aussi une question d'ignorance de la façon dont les gens sont touchés et de la façon dont les gens vivent des situations diverses, dans leur pays d'origine.

    Ce sont mes impressions.

    Je ne sais pas si Marianela veut aussi parler.

  +-(1205)  

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    Mme Marianela Fuertes: La question est la suivante : pourquoi pouvons-nous visiter notre famille sans que notre famille puisse nous visiter? Nous avons dû quitter la Colombie mais nous pouvons maintenant y retourner. Pourquoi ne pouvons-nous recevoir la visite de notre famille? Parce que nous sommes des réfugiés au Canada. C'est une double punition. Nous pouvons revenir dans notre pays, mais notre famille ne peut nous visiter. Nous avons une lettre dans laquelle l'ambassadeur en Colombie dit que c'est là la raison : cette personne a revendiqué le statut de réfugié, s'est servi d'un visa de touriste et a ensuite revendiqué...

    Moi, je dis que quiconque vient au Canada comme réfugié peut recevoir la visite de sa famille. C'est un principe général... C'est terrible.

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    Mme Alexa McDonough: Je ne veux pas que vous disiez quoi que ce soit qui pourrait représenter un risque pour votre famille en Colombie. Je veux simplement comprendre la situation dans laquelle vous vous trouvez et voir comment vous pouvez faire pour en arriver au point où vous pourrez véritablement exercer vos droits comme néo-Canadienne. Un des droits des néo-Canadiens, c'est de recevoir la visite de leur famille, n'est-ce pas?

    Êtes-vous arrivée au Canada via les États-Unis ou êtes-vous arrivée directement au Canada?

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    Mme Marianela Fuertes: Je suis arrivée directement au Canada de Bogota, en Colombie. Nous avons obtenu nos papiers de résident permanent à l'ambassade en Colombie, et non pas à notre arrivée ici. Nous n'avons pas attendu d'être arrivés ici pour faire notre demande. C'est depuis Bogota, en Colombie, que nous avons demandé le statut de réfugié qui nous a été accordé en Colombie. Nous sommes arrivés ici dûment autorisés par nos papiers.

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    Mme Alexa McDonough: Vous présumez donc, ce qui est raisonnable, que les membres de votre famille devraient pouvoir vous rendre visite s'ils le souhaitent, comme ce serait le cas pour n'importe quel autre Canadien et que si vous souhaitiez être réunie avec les membres de votre famille, vous devriez être en mesure de les faire venir au Canada aussi.

    Avez-vous eu la chance de poser ces questions-là en Colombie? Étiez-vous en mesure de le faire? Ou étiez-vous plutôt en train de fuir votre pays pour assurer votre propre sécurité, ce qui implique que vous n'avez pas eu l'occasion de discuter de votre avenir?

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    Mme Marianela Fuertes: La situation était très difficile puisque, comme je l'ai expliqué dans ma lettre, tout s'est décidé en deux semaines à peine. Mon mari a été le seul à rencontrer quelqu'un à l'ambassade, et on lui a posé des questions bien précises sur notre situation à nous. Toutefois, on ne nous a rien demandé au sujet de notre famille. D'ailleurs, nous n'avons présenté une demande que pour ceux qui se trouvaient en danger, c'est-à-dire mon mari, mon petit garçon et moi-même. Nous n'avons pas fait de demande pour d'autres membres de notre famille, car le problème ne se posait pas pour eux. Ma mère a suivi de très près notre démarche, mais elle n'était pas en danger. Elle a bien tenté de venir nous rendre visite, puisqu'il s'agit de ma mère après tout, et que mon fils est son seul petit-fils. Voilà pourquoi, mais elle ne souhaite pas demeurer au Canada, y vivre. Elle habite à Bogota, elle a sa propre maison et elle reçoit une pension de son ancien employeur. Elle n'a pas besoin de quitter la Colombie, et elle veut y demeurer.

  +-(1210)  

+-

    Le président: Merci.

    Revenons à la question que nous avons abordée en comité, à savoir la possibilité que si votre mère se faisait refuser son visa de visiteur, vous pourriez vous porter garante de son départ du Canada en versant une caution. Autrement dit, si elle venait vous rendre visite au Canada et voulait y demeurer en déposant une demande de statut de réfugié, cela aurait pour conséquence que vous perdriez l'argent déposé en caution.

    Cela représenterait-il une solution pour vous? Qu'en pensez-vous?

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    Mme Marianela Fuertes: Cela ne me pose aucun problème dans mon cas particulier. Nous serions prêts à tenter la chose, puisque mon plus cher désir est qu'elle vienne nous rendre visite. Mais de façon générale, je ne crois pas que ce soit une bonne idée. Pourquoi les gens demandant le statut de réfugié devraient-ils avoir à payer pour que leurs droits soient respectés? On parle bien ici d'un droit : la réunification de notre famille et la visite des membres de notre famille, ce sont des droits. C'est comme si vous me demandiez si j'accepterais de payer pour voyager partout au Canada. Si tous les Canadiens ont le droit de parcourir le Canada, pourquoi les réfugiés devraient-ils avoir à payer pour exercer ce droit?

    C'est la seule réflexion qui me vienne pour répondre à votre question.

    Mais dans le cas qui m'occupe, j'accepterais, pour mon propre intérêt à moi : c'est parce que je tiens à ce que ma mère puisse venir nous rendre visite. Toutefois, je répète qu'il s'agit à mon avis d'une politique dangereuse, puisque vous demandez aux réfugiés de payer pour avoir le droit de recevoir la visite de leur famille.

+-

    Mme Carmen Celina Moncayo: Mais il y a aussi autre chose : voulons-nous vraiment nous retrouver avec deux classes de citoyen, alors que c'est véritablement une question de droits?

+-

    Le président: En fait, sur ce point, peu importe si vous êtes né au Canada ou pas. Si vous voulez que quelqu'un vous rende visite d'un pays duquel le Canada reçoit beaucoup de demandes de réfugiés et duquel les gens arrivent au Canada et demandent le statut de réfugié, la même chose s'appliquerait, que vous soyez né ici ou pas.

    Si je dis cela, c'est que la situation actuelle est tellement insatisfaisante : si on vous refuse un visa à l'étranger, c'est fini. Vous pouvez refaire une demande ici, ou vous pouvez saisir la Cour fédérale, ou encore obtenir un permis du ministre, ce qui n'est pas très facile, et on n'a qu'à voir les statistiques. La discrimination ne serait pas fondée sur le fait qu'on soit réfugié, né au Canada ou quelque chose du genre. La discrimination serait fondée sur le pays d'origine de la personne qui souhaite se rendre au Canada à titre de visiteur. C'est sur ce point que cela pourrait s'avérer utile. C'est pourquoi je vous demande votre avis. Le comité en discute, parce que nous sommes tellement frustrés par le statu quo.

    Dans votre cas, votre mère est venue et elle est repartie, et, par conséquent, la caution, ou peu importe, est retirée, mais cela faciliterait néanmoins sa visite ici.

+-

    Mme Marianela Fuertes: Oui. Je vivais à Winnipeg auparavant, et j'avais écrit une lettre à mon député en lui posant la question, en lui demandant si cela était possible. Par exemple, dans notre cas, mon père paierait un droit à Bogota, et si ma mère ne retournait pas, l'ambassade pourrait alors garder cette caution. Mais je n'avais pas obtenu de réponse.

  +-(1215)  

+-

    Le président: J'ai entre les mains cette lettre que votre frère avait reçue, et je suis troublé par la formulation de la lettre.

    Je vais vous faire parvenir une copie de cette lettre, Alexa. C'est assez surprenant. On peut y lire que la loi dispose qu'on doit cautionner toutes les personnes à sa charge ainsi que tous ses parents, et ainsi de suite, et que si on ne... Puis, on peut lire plus loin que le fait que cette personne n'ait pas été déclarée a donné lieu à la décision prise par le bureau de Mississauga, à savoir de ne pas déporter votre frère pour fausse déclaration.

+-

    Mme Alexa McDonough: La présomption de culpabilité est vraiment renversante.

+-

    Le président: Tout à fait. C'est exactement ce que vous dites. La présomption de culpabilité par opposition à la présomption d'innocence. Je suppose que telle est la mentalité.

    Il me semble que l'immigration, c'est l'oxygène de notre pays. C'était vrai dans le passé, et ce sera vrai à l'avenir. D'une manière ou d'une autre, nous devons changer la mentalité sous-tendant l'interprétation de la réglementation pour, peut-être, accorder parfois le bénéfice du doute et essayer d'agir de bonne foi. Si c'était une entreprise, le ministère n'aurait absolument pas de clients loyaux, pas avec ce genre d'attitude.

    Votre frère a-t-il invoqué les motifs d'ordre humanitaire?

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    Mme Anjana KC: Non, mais il a fait une demande au centre de traitement des demandes de Mississauga.

+-

    Le président: En tout cas, merci à toutes pour vos exposés. Ce n'est pas particulièrement facile, mais laissez-moi vous dire que vous avez beaucoup plus de compagnie au pays que nous le souhaiterions. Nous allons tenter de faire des recommandations afin d'améliorer la situation.

    Alexa a parlé de M. Bill Siksay, qui était avec nous pour la plupart des audiences. C'est un excellent membre du comité, il est connaissant, assidu, il travaille fort et il a beaucoup de compassion. Dans une de ses allocutions à la Chambre, il a dit que dans son bureau de député il avait des boîtes de papier-mouchoir parce que ces histoires étaient tellement émouvantes.

    C'est le cas de tous les membres de notre comité. Nous nous sommes occupés de ces problèmes dans nos circonscriptions. Nous avons un intérêt particulier pour les questions de citoyenneté et d'immigration, et nous sommes déterminés à trouver une solution à ces problèmes, car il y a trop d'aspects négatifs pour maintenir le statu quo. J'espère que nous pourrons mettre en place un règlement qui permettra encore une fois aux agents de faire ce que je pense bon nombre d'entre eux souhaiteraient pouvoir faire et mieux faire, en leur donnant un pouvoir discrétionnaire pour rendre les choses plus positives.

    Je n'ai pas d'autres questions.

    Alexa.

+-

    Mme Alexa McDonough: Je suis en train de lire cette lettre, et je ne peux même pas m'imaginer jusqu'à quel point cela doit être dévastateur, d'une part, d'avoir une lettre qui dit plus ou moins à votre frère, vous avez de la chance qu'on ne vous expulse pas du pays pour avoir dissimulé des faits, mais nous ne ferons pas cela. En d'autres termes, vous êtes constamment dans une situation d'endettement et d'insécurité—mais nous n'allons certainement pas laisser votre femme entrer au pays.

    Cela ne vous rassurera sans doute pas davantage, mais les Canadiens doivent comprendre que c'est ce qui se passe, car ils ne devraient pas être prêts à permettre au gouvernement d'approuver ou de parrainer ces pratiques.

    Mon collègue Bill Siksay, le représentant habituel au comité du Nouveau Parti Démocratique, a dit ce matin que si au moins un exemple était donné, M. Telegdi pourrait dire s'il y a d'autres cas où un membre de la famille ne figure pas sur la liste parce qu'on présume qu'il est mort. La famille a renoncé à trouver cette personne et est venue au Canada, mais lorsque la personne a été trouvée en vie, elle ne pouvait toujours pas entrer au Canada. Il y a donc quelque chose de tout à fait abusif dans l'exercice de ce pouvoir du fait qu'on ne reconnaisse pas la perversité et le manque d'humanité d'une telle pratique.

    Je ne pense pas que ce soit ce que les Canadiens veulent. Je ne pense pas que c'est ainsi que les Canadiens se voient dans le monde, mais il n'est pas exagéré de dire qu'au cours des dernières années, au Comité des affaires étrangères, nous avons entendu de nombreux témoignages qui révèlent que nous ne sommes pas qui nous pensons être face au monde. La réputation du Canada comme nation humanitaire est en train de se détériorer gravement, de s'effondrer, de baisser, de décliner, ou de s'étioler, comme on nous l'a dit à maintes reprises.

    Nous aimerions tous vous remercier beaucoup d'être venues ici aujourd'hui pour tenter d'envoyer le message clair que cela n'est pas acceptable pour vous. Nous devons aider à transmettre le message, c'est-à-dire que ce n'est pas acceptable pour les Canadiens. À titre de parlementaires, nous estimons que ce n'est pas acceptable pour les Canadiens, et le fait que vous soyez venues nous raconter votre expérience et que vous ayez pris le risque en ce faisant nous aide à atteindre ce que, je pense, constitue votre objectif que nous partageons.

    Merci donc beaucoup d'être venues nous rencontrer. Bonne chance à toutes. En fait, c'est plus que de la chance, mais c'est un changement réel qu'il faut pour qu'on puisse ouvrir les portes et le coeur du Canada.

    Merci.

  -(1220)  

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    Le président: Merci.

    La séance est levée.