CIMM Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 4 avril 2005
¾ | 0830 |
Le président (l'hon. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.)) |
M. David Matas (avocat principal, B'nai Brith Canada) |
¾ | 0835 |
¾ | 0840 |
¾ | 0845 |
Le président |
M. John S. Petryshyn (président, Ukrainian Professional and Business Federation of Canada) |
Le président |
M. John S. Petryshyn |
Le président |
M. John S. Petryshyn |
Le président |
M. John S. Petryshyn |
¾ | 0850 |
¾ | 0855 |
Le président |
M. Inky Mark (Dauphin—Swan River—Marquette, PCC) |
M. David Matas |
M. Inky Mark |
¿ | 0900 |
M. David Matas |
M. Inky Mark |
M. John S. Petryshyn |
¿ | 0905 |
Le président |
M. Roger Clavet (Louis-Hébert, BQ) |
M. David Matas |
M. Roger Clavet |
Le président |
M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas, NPD) |
M. David Matas |
M. Bill Siksay |
M. David Matas |
¿ | 0910 |
M. Bill Siksay |
M. David Matas |
Le président |
L'hon. David Anderson (Victoria, Lib.) |
M. David Matas |
¿ | 0915 |
L'hon. David Anderson |
M. David Matas |
L'hon. David Anderson |
M. David Matas |
L'hon. David Anderson |
M. David Matas |
L'hon. David Anderson |
M. David Matas |
L'hon. David Anderson |
M. David Matas |
L'hon. David Anderson |
M. David Matas |
L'hon. David Anderson |
M. David Matas |
L'hon. David Anderson |
¿ | 0920 |
M. David Matas |
L'hon. David Anderson |
M. David Matas |
L'hon. David Anderson |
Le président |
Mme Nina Grewal (Fleetwood—Port Kells, PCC) |
M. John S. Petryshyn |
M. David Matas |
¿ | 0925 |
Le président |
M. Roger Clavet |
M. David Matas |
M. Roger Clavet |
M. David Matas |
M. Roger Clavet |
M. David Matas |
¿ | 0930 |
M. Roger Clavet |
M. David Matas |
M. Roger Clavet |
Le président |
¿ | 0935 |
M. David Matas |
¿ | 0940 |
Le président |
M. John S. Petryshyn |
Le président |
M. David Matas |
Le président |
L'hon. David Anderson |
Le président |
L'hon. David Anderson |
M. David Matas |
¿ | 0945 |
M. John S. Petryshyn |
Le président |
Le président |
M. Bob Silver (président, Grow Winnipeg Steering Committee, Jewish Federation of Winnipeg/Combined Jewish Appeal) |
À | 1010 |
Le président |
Mme Karen Dunlop (présidente, Ordre des infirmières et des infirmiers du Manitoba) |
À | 1015 |
Le président |
Mme Karen Dunlop |
Le président |
Mme Karen Dunlop |
À | 1020 |
Le président |
Mme Cathy Woodbeck (directrice de programme, Association multiculturelle de Thunder Bay) |
À | 1025 |
À | 1030 |
Le président |
Mme Mira Thow (membre, Conseil d'administration, Services canadiens d'assistance aux immigrants juifs) |
À | 1035 |
Le président |
M. Inky Mark |
Mme Faye Rosenberg-Cohen (directrice de la planification, Jewish Federation of Winnipeg/Combined Jewish Appeal) |
À | 1040 |
Le président |
Mme Karen Dunlop |
Le président |
M. Roger Clavet |
À | 1045 |
Mme Karen Dunlop |
M. Roger Clavet |
Mme Karen Dunlop |
M. Roger Clavet |
Mme Karen Dunlop |
M. Roger Clavet |
Mme Karen Dunlop |
M. Roger Clavet |
Mme Cathy Woodbeck |
À | 1050 |
M. Roger Clavet |
M. Bob Silver |
M. Roger Clavet |
M. Bob Silver |
M. Roger Clavet |
Le président |
M. Bill Siksay |
À | 1055 |
Mme Mira Thow |
M. Bob Silver |
Á | 1100 |
Le président |
L'hon. David Anderson |
Mme Cathy Woodbeck |
Á | 1105 |
Le président |
Mme Karen Dunlop |
Mme Faye Rosenberg-Cohen |
Le président |
Mme Mira Thow |
Á | 1110 |
Le président |
M. Bob Silver |
Le président |
Mme Cathy Woodbeck |
Á | 1115 |
Le président |
Mme Nina Grewal |
Mme Karen Dunlop |
Mme Faye Rosenberg-Cohen |
Á | 1120 |
Le vice-président (M. Inky Mark) |
Mme Mira Thow |
Le vice-président (M. Inky Mark) |
Mme Mira Thow |
Le vice-président (M. Inky Mark) |
Mme Mira Thow |
Le vice-président (M. Inky Mark) |
Mme Mira Thow |
Le vice-président (M. Inky Mark) |
Mme Mira Thow |
Le vice-président (M. Inky Mark) |
M. Roger Clavet |
M. Bob Silver |
Á | 1125 |
Mme Cathy Woodbeck |
Le président |
Mme Faye Rosenberg-Cohen |
Mme Karen Dunlop |
Le président |
Le président |
M. Vedanand (professeur, Gestion transculturelle, Université du Manitoba, à titre personnel) |
Á | 1140 |
Le président |
M. Vedanand |
Le président |
Mme Monika Feist (directrice, Success Skills Centre) |
Á | 1145 |
Á | 1150 |
Le président |
Mme Monika Feist |
Le président |
M. Inky Mark |
M. Tayeb Méridji (spécialiste du marché du travail, Success Skills Centre) |
Á | 1155 |
Le président |
M. Roger Clavet |
M. Tayeb Méridji |
 | 1200 |
M. Roger Clavet |
M. Tayeb Méridji |
M. Roger Clavet |
M. Tayeb Méridji |
M. Roger Clavet |
Le président |
M. Bill Siksay |
Mme Monika Feist |
 | 1205 |
Le président |
L'hon. David Anderson |
M. Vedanand |
 | 1210 |
Le président |
CANADA
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le lundi 4 avril 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¾ (0830)
[Traduction]
Le président (l'hon. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.)): La séance est ouverte.
Cette réunion est la première d'une série que nous allons avoir dans tout le Canada. Puis nous irons à Regina, Calgary, Edmonton et finalement Victoria vendredi prochain. Nous aurons des audiences samedi et lundi à Vancouver; nous serons de retour mardi à Ottawa pour voter. Mercredi et jeudi nous serons à Toronto et vendredi à Waterloo. Puis nous irons dans la côte Est dans la semaine qui suit.
Cela prouve bien que les choses démarrent à Winnipeg. Inky pourra dire quelques mots à ce sujet.
J'aimerais accueillir les témoins. Vous disposez de cinq minutes pour faire vos déclarations préliminaires, ensuite les membres du comité vous poseront des questions. Espérant qu'à la fin de cette journée, nous aurons une nouvelle Loi sur la citoyenneté qui facilitera la réunification des familles—David, je vois que vous allez en parler—et aborder toute la question des diplômes obtenus à l'étranger.
Monsieur Matas.
M. David Matas (avocat principal, B'nai Brith Canada): Tout d'abord, je vous remercie de vous être déplacé pour venir à Winnipeg. Je sais que c'est le premier jour de votre déplacement et que je suis votre premier témoin, j'en suis honoré.
Je m'étais d'abord inscrit à titre personnel, mais B'nai Brith Canada m'a demandé de faire un exposé en son nom, c'est donc ce que je vais faire en profitant du temps de parole que l'on m'a accordé. J'ai remarqué que vous avez indiqué qu'il y aura cinq témoins ce matin. D'après ce que je vois, les deux témoins à côté de moi ne vont présenter qu'un seul exposé, ce qui veut dire que nous ne sommes que deux pour le moment. Aussi, si vous me le permettez, j'aimerais parler un peu longtemps que cinq minutes. Si des témoins se présentent, je raccourcirai mes observations.
Je vais lire un texte que j'ai écrit et qui a été approuvé par B'nai Brith.
B'nai Brith Canada a plusieurs recommandations visant l'amélioration de l'actuel système de citoyenneté; nous les soumettrons par écrit. Cependant, nous nous sentons obligés, aujourd'hui, de vous parler d'un sujet beaucoup plus important—la nécessité de traduire en justice les personnes au Canada dont il est prouvé qu'elles ont directement participé à des crimes contre l'humanité ou qu'elles en ont été les complices.
Pendant des décennies, le Canada a eu un système d'impunité totale à l'égard des criminels de guerre et des responsables de crimes contre l'humanité. Ce système d'impunité a été finalement remis en question en 1985 quand le gouvernement a nommé une Commission d'enquête sur les criminels de guerre. La Commission a proposé un grand nombre de recommandations pour mettre fin à cette impunité; plusieurs de ces recommandations ont été mises en vigueur. En réalité, nous n'avons toujours pas aujourd'hui un système efficace pour traduire en justice les criminels de guerre et les responsables de crimes contre l'humanité.
Le recours à la poursuite judiciaire a totalement échoué dès que la Cour suprême du Canada a déclaré, dans le cadre de l'affaire Finta, que l'antisémitisme pourrait servir de défense en matière de complicité dans l'holocauste, car une personne ayant des sentiments antisémites peut ne pas avoir l'élément moral requis pour une culpabilité. L'extradition n'est possible qu'en cas de demandes d'extraction, mais elles sont loin d'être nombreuses.
Il ne nous reste que la citoyenneté et la déportation. Ce recours n'a pas été interdit par les tribunaux comme l'a été le recours à la poursuite judiciaire, mais il n'a pas été efficace. À ce jour, deux personnes de l'époque nazie ayant fait l'objet de procédures de révocation ont quitté volontairement le Canada. Une personne a été déportée après avoir épuisé certains recours juridiques, mais pas tous. Sept personnes sont mortes avant la conclusion des procès.
Cinq personnes ont perdu devant la Cour fédérale, mais elles sont tout de même restées au Canada sans raison apparente. Parmi ces cinq personnes, l'affaire de Jacob Fast a commencé en septembre 1999, il y a près de six ans. Les affaires Odynsky et Baumgartner ont toutes deux commencé en septembre 1997, il y a près de huit ans. L'affaire Katriuk a commencé au mois d'août 1996, il y a presque neuf ans.
L'affaire Oberlander illustre parfaitement les aléas de la législation. Oberlander était associé à l'Einsatzgruppen, une unité itinérante nazie qui avait pour mission de tuer des juifs et d'autres innocents. L'affaire Oberlander a commencé au mois de janvier 1995, il y a dix ans, c'est incroyable. En septembre 1997, la Cour suprême du Canada a déclaré que les retards dans l'affaire Oberlander étaient démesurés et tout à fait inexcusables et que la lenteur de cette affaire défiait toute explication. Mais plus de sept ans après cette déclaration, le procès dure encore.
Les retards démesurés dans la révocation de la citoyenneté ont mis en évidence la fragmentation du présent système. Nous recommandons que toutes les étapes soient consolidées en une seule.
Le gouvernement a perdu au moins deux procès qu'il n'aurait pas dû, les affaires Vitols et Dueck. Nous estimons que le gouvernement aurait pu gagner les deux procès s'il avait fait appel; mais le système actuel ne prévoit pas d'appel. Deuxièmement, nous recommandons le droit d'interjeter appel sur autorisation de la Cour d'appel fédérale. La demande d'une réforme de la Loi sur la citoyenneté et d'une codification de l'appel ont ravivé les partisans de l'impunité. La nécessité de réformer la loi pour la rendre plus efficace a permis aux partisans de l'impunité de demander d'arrêter complètement les procédures visant à traduire en justice les personnes au Canada dont il est prouvé qu'elles ont participé directement à des crimes de guerre nazis et des crimes contre l'humanité ou qu'elles en ont été complices.
¾ (0835)
Face à cette nouvelle demande d'impunité, nous rappelons au comité les 12 principes fondamentaux suivants :
(1) Les responsables de crimes contre l'humanité doivent être traduits en justice au Canada.
(2) Ni l'âge, ni l'expiration d'un terme ni la bonne conduite des auteurs ne doivent servir de prétexte pour ne pas rendre justice aux victimes.
(3) Tout recours visant traduire en justice des personnes ayant commis des crimes contre l'humanité est préférable à ne pas avoir de recours du tout.
(4) Étant donné le passage du temps et les mensonges proférés par des personnes de l'époque nazie pour entrer au Canada, aujourd'hui, la poursuite et la condamnation conformément aux normes habituelles de la preuve hors de tout doute raisonnable pour les crimes de guerre nazie ne sont plus possibles dans la plupart des cas. Le recours à la révocation de la citoyenneté et à la déportation fondé sur une preuve, selon la prépondérance des probabilités, qu'une personne a menti au moment de son admission au Canada peut-être le seul recours disponible.
(5) Nous appuyons et acceptons le programme du gouvernement visant à révoquer la citoyenneté des seules personnes dont il est prouvé qu'elles ont participé directement à des crimes contre l'humanité ou qu'elles en ont été complices. La loi permet de révoquer la citoyenneté de quiconque a menti au moment de son admission au Canada. Le gouvernement, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire envers les immigrants de l'époque nazie n'a pas cherché à révoquer la citoyenneté des personnes ayant menti au moment de leur admission au Canada si le gouvernement n'a pas de preuve de leur participation directe à des crimes contre l'humanité ou de leur complicité à ces mêmes crimes.
Cependant, cette mesure discrétionnaire adoptée par le gouvernement pour décider s'il doit ou non entamer des poursuite judiciaires contre certaines personnes ne devrait pas et ne peut pas devenir une norme juridique applicable auprès des tribunaux; et la loi ne prévoit pas que la mesure discrétionnaire, que le gouvernement adopte pour ne pas entamer des poursuites, soit prise en considération dans les décisions prises par le cabinet au sujet de la révocation.
Étant donné qu'un membre de votre comité—j'ai lu le témoignage précédent—a dit publiquement qu'un tribunal avait déclaré que Wasyl Odynsky n'avait pas commis de crime de guerre, nous portons à votre attention qu'aucun tribunal n'est arrivé à une telle conclusion. Il y a eu certaines protestations d'innocence en contradiction avec les conclusions du tribunal, pas seulement dans cette affaire, mais aussi dans d'autres. Ils font une distinction entre une participation directe dans les tueries et une complicité de crime de guerre.
Odynsky était un gardien dans une installation où des gens ont été tués plus tard; en les gardant, il les empêchait de s'évader. Il est possible qu'il n'ait pas participé directement à la tuerie, mais le fait qu'il empêchait des gens de s'échapper d'un endroit où ils ont plus tard été tués par d'autres personnes devrait être considéré comme un crime de guerre et un crime contre l'humanité.
(6) Le fait de devenir apatride ne devrait pas être un motif de la non révocation de la citoyenneté pour des raisons de fraude de fausses déclarations ou de dissimilation intentionnelle de faits essentiels. C'est en contradiction avec la Convention sur la réduction des cas d'apatridie que je cite; c'est en contradiction avec la Commission d'enquête sur les criminels de guerre, que je cite, pour accorder l'immunité à des gens simplement parce qu'ils deviendraient des apatrides.
D'ailleurs, nous sommes consternés par le fait que dans le rapport du comité sur les questions à aborder indique que tout processus en vertu des textes législatifs sur la citoyenneté au Canada ne devrait pas rendre une personne apatride. Nous demandons au comité de revenir sur cette recommandation, qui n'aurait pas dû être présentée avant les audiences et qui est en contradiction avec la législation internationale et le rapport de la Commission d'enquête sur les criminels de guerre.
(7) Les dispositions de transition d'une nouvelle loi sur la citoyenneté devraient préserver et maintenir les décisions déjà prises par le tribunal. Les révocations demandées par l'Unité des crimes de guerre du ministère de la Justice ont déjà duré trop longtemps. Il serait exorbitant de recommencer toutes ces affaires à cause d'une nouvelle loi.
(8) La révocation de la citoyenneté et la déportation ne sont pas des punitions. Les procédures de révocation sont des procédures civiles et non criminelles. Les gens ne devraient pas être déportés pour être exécutés ou torturés. Mais si ni l'exécution ni la torture ne sont un problème, la déportation pour mensonge au moment de l'admission est complètement dans les limites des normes juridiques canadiennes et internationales.
(9) Tout en restant en vigueur, le système actuel de révocation de la citoyenneté devrait être modifié pour être efficace. Le fait qu'il soit possible de l'améliorer ne devrait pas être une raison pour l'interrompre. Bien que nous nous posons des questions sur l'impartialité du système actuel de révocation de la citoyenneté aux victimes, le système a été plus que juste envers les personnes traduites en justice. Il respecte les normes d'application régulière de la loi; il est conforme à la justice fondamentale garantie dans la Charte canadienne des droits et libertés. Le comité ne devrait pas servir de la nécessité de réformer la loi comme prétexte pour décourager nos efforts présents visant à traduire en justice des personnes qui ont menti au moment de leur admission au Canada et dont la complicité de crimes contre l'humanité est prouvée.
La réforme de la Loi sur la citoyenneté devrait améliorer le système. Mais si cette réforme va servir de prétexte pour ne rien faire au sujet des procès en cours ou de les reprendre, il serait préférable de ne plus parler du tout de réforme. Le mieux ne doit pas devenir l'ennemi du bien.
(10) Le système actuel de révocation de la citoyenneté respecte le principe d'égalité garantie dans la Charte canadienne des droits et libertés. Ce principe d'égalité vise à améliorer la situation des minorités défavorisées. Les personnes soupçonnées d'avoir participé directement à des crimes contre l'humanité ou d'en avoir été complices ne sont pas une minorité défavorisée. Les personnes qui ont menti au moment de leur admission au Canada ne sont pas une minorité défavorisée. Affirmer le contraire serait scandaleux.
¾ (0840)
(11) N'oubliez pas la victime. Les personnes faisant l'objet de procédures de révocation ont des droits. Il en est de même pour les victimes de crimes contre l'humanité. Aujourd'hui, les personnes de l'époque nazie dont il est absolument prouvé qu'elles ont menti au moment de leur admission au Canada, sont restées au Canada en plaidant sans cesse jusqu'à leur mort naturelle. Le système a, jusqu'à présent, fait d'énormes concessions pour aider le droit d'action en justice de ceux qui ont menti au moment de leur admission au Canada, au point que les droits des victimes et l'intégrité du système ont été oubliés. Ces retards prouvent l'inefficacité du système actuel. En fait, le Canada continue à accorder l'immunité à des personnes dont il est prouvé indéniablement qu'elles ont commis des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité.
(12) Il est urgent que ces affaires soient conclues car les victimes et les auteurs des crimes atteignent un âge très avancé. Sept affaires n'ont pu être terminées à cause du décès des personnes impliquées. Aujourd'hui, cinq affaires, que j'ai mentionnées, sont sur le bureau du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration et attendent qu'il décide ou non de les présenter au cabinet. Même avant que la réforme de la Loi sur la citoyenneté soit considérée, la première et plus importante priorité de ce comité devrait être d'exhorter le ministre à s'en occuper et à présenter ces affaires au cabinet afin que celui-ci prenne une décision sur la révocation.
Je voudrais signaler que Alan Yusim m'accompagne, il est employé chez B'nai Brith. Il ne va pas parler. Il n'est présent que pour me soutenir.
Merci beaucoup.
¾ (0845)
Le président: Merci beaucoup.
Nous passons maintenant à M. Petryshyn. Nous vous accordons aussi un peu plus de temps.
M. John S. Petryshyn (président, Ukrainian Professional and Business Federation of Canada): Merci, monsieur le président.
C'est un plaisir d'être ici.
Nous vous remercions aussi d'avoir traversé le Canada. Cela fait vraiment une différence pour nous; pouvoir se réveiller ce matin, se présenter devant le comité pour examiner des questions au lieu de prendre l'avion pour Ottawa.
Je m'appelle John Petryshyn et je suis accompagné de Lesia Szwaluk. Cet exposé est présenté en commun par le Congrès ukrainien canadien, Manitoba Provincial Council et Ukrainian Professional and Business Federation of Canada dont je suis président. Mme Szwaluk est présidente du conseil provincial local. Nous devions nous partager l'exposé, mais Lesia a un mal de gorge et ne pourra malheureusement pas faire de déclaration, mais elle fera de son mieux pour répondre si vous lui posez des questions.
Monsieur le président, puisque nous parlons de la première Loi sur l'immigration et que nous n'avons rien devant nous, que ce soit un nouveau projet de loi ou quelque chose de ce genre, nous portons notre attention sur la législation en vigueur depuis 1974. Je m'y réfère et je lirai le document que nous avons distribué pendant le temps qui m'a été accordé. Comme je l'ai indiqué, il s'agit d'un exposé commun et qui porte sur l'élaboration d'une éventuelle nouvelle législation sur la citoyenneté.
Nous avons des préoccupations concernant la loi actuelle, particulièrement les articles 18 et 10.
L'article 18 stipule :
18. (1) Le ministre ne peut procéder à l'établissement du rapport mentionné à l'article 10 sans avoir auparavant avisé l'intéressé de son intention en ce sens et sans que l'une ou l'autre des conditions suivantes ne se soit réalisée : |
a) l'intéressé n'a pas, dans les 30 jours suivant la date d'expédition de l'avis, demandé le renvoi de l'affaire devant la Cour; |
b) la Cour, saisie de l'affaire, a décidé qu'il y avait eu fraude, fausse déclaration ou dissimulation intentionnelle de faits essentiels. |
Le président: Avez-vous des copies de votre exposé?
M. John S. Petryshyn: Je les ai données au greffier ce matin. Nous avons fait dix copies.
Le président: Je pense qu'il faudra que nous les fassions traduire.
M. John S. Petryshyn: On nous a demandé d'apporter 10 copies le jour de l'audience, c'est ce que nous avons fait.
Le président: Continuez.
M. John S. Petryshyn: Je prendrais un peu plus de temps seulement pour être sûr de ne rien oublier. Je pensais que tout le monde avait des copies.
Au paragraphe 18(2),
(2) L'avis prévu au paragraphe (1) doit spécifier la faculté qu'a l'intéressé, dans les 30 jours suivant sa date d'expédition, de demander au ministre le renvoi de l'affaire devant la Cour. La communication de l'avis peut se faire par courrier recommandé envoyé à la dernière adresse connue de l'intéressé. |
(3) La décision de la Cour visée au paragraphe (1) est définitive et par dérogation à toute autre loi fédérale, non susceptible d'appel. |
Nos préoccupations avec l'alinéa 18b) portent sur la façon dont les tribunaux abordent le processus de dénaturalisation, c'est dans l'article 18, qui en fait démarre le processus dans un tribunal. Lors de la récente affaire du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c. Odynsky, l'honorable juge MacKay de la Cour fédérale a déclaré :
Si la question à trancher semble relativement simple, sa solution est compliquée par l'absence de dossiers tenus par le ministre concernant l'admission au Canada de M. Odynsky et son acquisition, par la suite, de la citoyenneté. Sa solution est en outre compliquée par la qualité de la preuve concernant des événements survenus il y a plus de 50 ans et par la difficulté des témoins à se rappeler les événements et les formalités auxquels ils ont pu participer il y a plus de 50 ans. |
Cette affaire n'est la seule dans laquelle le gouvernement a entrepris une procédure de dénaturalisation contre un Canadien, pratiquement un demi-siècle après lui avoir octroyé la citoyenneté, même si les employés du gouvernement avaient déjà détruit les dossiers d'immigration pertinents conformément à la politique officielle prévoyant la destruction des dossiers devenus inutiles au bout d'un délai précis et les témoins concernés étaient décédés depuis longtemps.
Nous proposons que, monsieur le président, après un délai raisonnable, les Canadiens naturalisés doivent cesser de penser que leur citoyenneté est indéfiniment sujette à contestation par un ministre ou qu'ils doivent conserver indéfiniment les documents nécessaires pour être en mesure de prouver, indépendamment de leur âge, selon la prépondérance des probabilités, qu'ils ont acquis la citoyenneté canadienne en conformité avec les lois du pays.
Par conséquent, nous recommandons un délai de cinq ans à partir de la date d'acquisition de la citoyenneté toute procédure de révocation et d'annulation de la citoyenneté en vertu de la loi. Donc, si vous obtenez votre citoyenneté et que le gouvernement n'entame aucune action contre vous dans un délai de cinq ans, vous êtes devenu citoyen canadien. Cela ne veut pas dire que vous ne pouvez pas être poursuivi pour fraude ou tout autre statut pouvant s'appliquer; toutefois, c'est similaire à ce que l'Australie a : une période de dix ans. L'Allemagne a une période de cinq ans.
En outre, dans l'affaire du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c. Bogutin. L'honorable juge McKeown a déclaré dans la norme de preuve nécessaire lors de la procédure de révocation de la citoyenneté que « Il me semble qu'il doit y avoir un niveau élevé de probabilités dans une affaire telle que la présente. »
C'est une question très importante qui est en jeu ici : le droit de garder la citoyenneté canadienne, ainsi que les conséquences graves qui peuvent découler de la perte de cette citoyenneté. Pour certains, comme ceux qui pourraient devenir apatrides s'ils étaient privés de leur citoyenneté, elle peut être aussi précieuse que la liberté. Étant donné que la procédure de révocation et d'annulation de la citoyenneté n'est pas une procédure civile et qu'on pourrait la qualifier de procédure quasi criminelle, nous recommandons une norme de preuve plus concluante lors de telle procédure. Notamment des preuves « hors de tout doute raisonnable », au lieu de preuve selon « les prépondérance des probabilités ». Par conséquent, il est certain qu'il faudrait révoquer la citoyenneté de la personne dans cette norme de la preuve.
Le paragraphe 18(2) nous préoccupe aussi et il prévoit qu'au lieu qu'une personne reçoive un courrier recommandé à sa dernière adresse connue, elle devrait le recevoir en personne avec le rapport du ministre. Ce détail peut sembler mineur, mais qui sait quels dossiers le gouvernement a concernant le lieu de résidence de la personne. Même dans les actions en justice aujourd'hui, la signification personnelle à la personne est très importante, pas seulement le fait qu'elle ait pu recevoir une lettre par courrier.
Le paragraphe 18(3) nous préoccupe aussi, il interdit à la personne de faire appel. La cour d'appel devrait être en mesure de revoir les faits et la loi présentée au procès, de renverser la décision ou de renvoyer à la cour originale des instructions de réexamen de la question afin de déterminer voir s'il y a eu, durant le procès, des erreurs justifiant la réforme ou la reprise de l'affaire.
Nous demandons aussi que l'article 10 de la Loi sur la citoyenneté en vigueur ne devrait pas être le processus de révocation de la citoyenneté d'une personne, comme le qualifie le gouverneur en conseil dans un rapport au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration.
¾ (0850)
L'article 10 se lit comme suit :
10.(1) Sous réserve du seul article 18, le gouverneur en conseil peut, lorsqu'il est convaincu, sur rapport du ministre, que l'acquisition, la conservation ou la répudiation de la citoyenneté, ou la réintégration dans celle-ci, est intervenue sous le régime de la présente loi par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels, prendre un décret aux termes duquel l'intéressé, à compter de la date qui y est fixée : |
a) soit perd sa citoyenneté; |
b) soit est réputé ne pas avoir répudié sa citoyenneté. |
(2) Est réputée avoir acquis la citoyenneté par fraude, fausse déclaration ou dissimulation intentionnelle de faits essentiels la personne qui l'a acquise à raison d'une admission légale au Canada à titre de résident permanent obtenue par l'un de ces trois moyens. |
Voilà l'article 10. Je le lis parce que, malheureusement, vous n'avez pas mon rapport. Notre mémoire traite de cette question.
Essentiellement, le ministre qui poursuit la personne en vertu de l'article 18 présente un rapport à certains de ses collègues du cabinet et cette personne fait partie du processus de décision visant à révoquer le droit d'un citoyen, peu importe depuis combien de temps ce citoyen est au Canada et peu importe dans quelle mesure il a vécu une vie exemplaire ou non pendant qu'il vivait ici.
Nous prétendons que cet article devrait être supprimé entièrement et remplacé par un processus judiciaire devant un tribunal. Lorsqu'un ministre prend des mesures pour révoquer la citoyenneté de quelqu'un, cette personne a le droit d'être représentée par un conseiller juridique, d'être informée du dossier la concernant, de réfuter la preuve et de présenter une preuve forte en son propre nom devant un juge siégeant dans un tribunal approprié. C'est là l'application régulière de la loi à laquelle a droit tout citoyen en vertu de la Charte des droits et elle devrait être appliquée là où la citoyenneté de quelqu'un est contestée.
Ce sont là nos brèves observations, monsieur le président. Nous sommes à votre disposition pour discuter plus à fond des questions qui peuvent être soulevées par notre rapport.
Encore une fois, je vous demande de m'excuser de ne pas avoir eu le rapport plus tôt, mais nous pensions que c'était la façon de procéder.
Merci.
¾ (0855)
Le président: Une fois qu'il aura été traduit, tous les membres du comité l'auront alors en leur possession.
J'aimerais vous remercier beaucoup de vos exposés.
Nous allons maintenant passer au premier tour de questions. Monsieur Mark, vous avez sept minutes pour les questions et les réponses.
M. Inky Mark (Dauphin—Swan River—Marquette, PCC): Merci, monsieur le président.
Je veux remercier les témoins ici présents ce matin.
Évidemment, la question qui a été soulevée ce matin n'est pas facile à résoudre.
Ma première question s'agresse à M. Matas. À votre avis, qu'est-ce qui est brisé dans le système? Le système judiciaire ou le système politique?
M. David Matas: Eh bien, je pense que je fais trois recommandations lorsque je parle de ce qui fonctionne et ne fonctionne pas à l'heure actuelle. Je dirais qu'il ne s'agit ni du système politique ni du système judiciaire, mais du système de droit, la fragmentation... Le système de révocation est divisé en un certain nombre d'étapes différentes qui permettent essentiellement aux gens de rester ici pour toujours. Sept personnes sont mortes au cours du processus et nous avons une personne qui est en contestation depuis 10 ans et qui conteste toujours. Dans d'autres cas, évidemment, cela fait moins longtemps, mais elles contestent tout de même depuis de nombreuses années.
Il ne fait aucun doute que ce processus éprouve de sérieuses difficultés. Il n'arrive pas à faire partir personne, sauf—eh bien, deux personnes sont parties volontairement et une autre est partie avant d'avoir épuisé tous les recours. Mais il semble que si une personne décide d'épuiser tous les recours, elle peut rester ici jusqu'à ce qu'elle meure de cause naturelle; alors, ce n'est pas un système efficace.
Le problème, c'est que vous avez la constatation de la fraude qui est une étape, la révocation elle-même par le Cabinet qui est une deuxième étape et les processus de l'immigration qui constituent un certain nombre d'étapes. Ce que nous recommandons, c'est qu'un tribunal prenne une décision pour toutes ces diverses étapes, un tribunal qui ne s'arrêterait pas uniquement au fait de démontrer qu'il y a eu fraude, mais qui révoquerait la citoyenneté et qui ordonnerait le renvoi, de sorte que tout se fait en même temps dans une seule action à justice, assortie d'un droit d'interjeter appel sur autorisation.
Le second problème, comme je l'ai indiqué, c'est que je peux lire dans les témoignages et les plaintes des personnes en cause qu'elles estiment ne pas bénéficier d'un traitement équitable. Je ne crois pas qu'elles ne sont pas traitées de manière équitable lorsqu'elles peuvent rester au Canada indéfiniment, contestant à n'en plus finir et, en fait, en ne perdant jamais, mais je pense que ce sont plutôt les victimes qui ne sont pas traitées de manière équitable.
Dans la documentation écrite que j'ai fournie, je parle de quelques cas, comme ceux de Podins et Dueck. Le gouvernement a perdu cette cause en raison d'un point de droit qui n'a pas été utilisé par la suite dans d'autres causes, à savoir s'il y avait ou non une autorité juridique pour obtenir un contrôle de sécurité au moment où c'était pertinent. Le juge, Noël, a dit non dans le cas de Dueck, mais d'autres juges ont dit oui plus tard. Le gouvernement a perdu la cause Podins parce que le témoin avait témoigné dans un cas à propos des dossiers et qu'ensuite, il a eu un AVC et qu'il ne se souvenait plus de ce qu'il avait dit plus tôt; c'est pourquoi le gouvernement a perdu dans l'affaire Podins. À mon sens, s'il y avait eu une possibilité d'appel, la décision dans ces cas aurait été renversée; alors, il faut qu'il y ait une possibilité d'appel.
M. Petryshyn a parlé du problème des dossiers. Je ne vois pas cela comme un problème insoluble. Premièrement, nous avons des témoins de ce qui est survenu même si les dossiers ont été détruites. Deuxièmement, nous savons que certaines personnes doivent avoir menti pour avoir le droit d'entrer au Canada. Si la loi était appliquée et si ces gens avaient dit la vérité, ils n'auraient pas été admis au Canada, parce qu'il existait des groupes de gens dont l'entrée était interdite, comme les Einsatzgruppen. Si vous étiez membre des Einsatzgruppen, vous ne pouvez pas dire : « J'ai dit la vérité et je suis entré. » Cela n'est tout simplement pas crédible.
Mais il y a certains cas où vous ne pouvez pas établir que la personne a menti à son arrivée, mais vous pouvez établir que ces personnes étaient des criminels de guerre. Je dirais que nous avons besoin d'ajouter des motifs de révocation de sorte que les crimes de guerre ou les crimes contre l'humanité commis avant qu'une personne entre au Canada constituent un motif de révocation.
Ce sont les trois éléments que j'ai signalés comme posant une problème dans le système actuel.
M. Inky Mark: Un des points que vous avez soulevés était l'attente avant que le ministre soumette au Cabinet les noms des personnes qui, à votre avis, devraient être déportées. Est-ce qu'un ministre du cabinet devrait être forcé de traiter avec des questions de cette nature, étant donné le temps qu'il doit y consacrer? C'est l'un des problèmes à l'heure actuelle; nous attendons longtemps qu'un ministre de la Couronne...
¿ (0900)
M. David Matas: Devrait-il être forcé? Eh bien, cela soulève la question de savoir si le tribunal peut ou non ordonner au ministre de le faire, s'il y a une obligation légale de le faire et qui peut le forcer à le faire, et si les victimes peuvent le forcer ou non, parce qu'il y a évidemment des victimes au Canada, et les gens...
Par exemple, Obodzinsky est mort depuis, mais il était dans la file. Il y avait six cas dans la file et maintenant, il y en a cinq parce qu'Obodzinsky est décédé. J'étais en contact avec une personne qui, pendant qu'elle était cachée dans une grange, a vu son père et des membres de sa famille abattus par Obodzinsky. Cette personne désirait ardemment que cette cause soit entendue, mais voilà, Obodzinsky est décédé pendant que sa cause était dans la file.
Est-ce que cette personne aurait pu se présenter devant les tribunaux pour demander à la cour d'ordonner au ministre de porter cette affaire devant le Cabinet? Peut-être. Je ne le sais pas; cette possibilité n'a jamais été vérifiée devant les tribunaux. Si un ministre disait qu'il n'avait pas l'intention de faire quoi que ce soit dans ces cas pour toujours, alors, peut-être qu'une victime quelconque le ferait. J'espère que nous n'en arriverons pas là.
Dans le cas d'Oberlander, ce n'est pas simplement que l'affaire a traîné sur le bureau du ministre pendant 10 ans; il y avait de très nombreuses autres étapes. Dans tous ces cas, il y a eu de nombreuses autres étapes. L'affaire Katriuk traîne sur le bureau du ministre depuis de nombreuses années maintenant et nous espérons que nous n'en arriverons pas là.
Mon point de vue personnel, si vous me demandez mon opinion au sujet de la loi, c'est que si la question allait devant le tribunal à la demande de la victime, quelqu'un pourrait forcer le ministre à agir. Mais de toute évidence, comme vous êtes un groupe politique, je vous demanderais simplement de demander au ministre d'agir.
M. Inky Mark: J'ai une question pour M. Petryshyn. Combien de pays ont un délai de prescription après quoi toute la question de la révocation cesse d'exister? Quels sont les dangers de mettre en place un délai de prescription?
M. John S. Petryshyn: Eh bien, premièrement, comme je l'ai indiqué, l'Australie et l'Allemagne ont des délais de prescription de même que plusieurs autres pays. Je ne peux vous en donner la liste complète maintenant, monsieur Mark, mais je peux vous l'obtenir. Mais c'est là le processus entier pour ce qui est des pays qui acceptent des gens qui sont des citoyens étrangers et qui viennent s'établir chez eux. Parce qu'essentiellement, ce que vous faites en laissant la question ouverte, s'il n'y a pas, en fait, de moratoire, c'est que vous créez deux classes de citoyens. Vous pouvez être un citoyen naturalisé, comme moi, et ne pas avoir les mêmes droits et privilèges en vertu de la Charte qu'un citoyen né canadien.
À un moment donné, dans le droit criminel, dans les lois, dans le cas du meurtre ou des crimes les plus graves que nous connaissons, il y a un délai de prescription. En fait, avoir une épée qui pend au-dessus de leur tête... Comme M. Matas l'a indiqué, ces cas n'ont plus de fin. Pourquoi n'ont-ils plus de fin? En fait, s'il y avait un délai de prescription, si en fait le gouvernement devait agir contre une personne en particulier, où traceriez-vous la ligne? Peut-on vous poursuivre pour avoir fait un faux chèque dans 50 ans? Non. Ce n'est pas le cas. La question, c'est simplement que la citoyenneté... S'il n'y a pas de délai de prescription, vous créez, dans les faits, un apatride.
J'en suis un exemple. Si ma citoyenneté devait être révoquée... Je suis ici depuis que je suis un jeune homme, mais je suis né en Allemagne durant la guerre. Les Allemands ont ramené mes parents d'Ukraine pour travailler et je suis né là-bas, mais je n'ai pas la citoyenneté allemande et je ne pourrai jamais l'obtenir en vertu de la législation en vigueur là-bas. Si je quitte le Canada, je suis un apatride.
Et laissez-moi vous dire ceci. La raison pour laquelle beaucoup de gens ont des identités différentes, ce n'est pas à cause de ce qui est survenu pendant la guerre, mais de ce qui est survenu après la guerre. Lorsque les Russes sont arrivés en Europe, Staline a donné des ordres : quiconque était passé à l'Ouest, peu importe ce que cela voulait dire, était un ennemi de l'État. Mes parents ont dû se cacher. Mon oncle, mon grand-père et d'autres personnes ont dû mentir au sujet de leur identité parce que s'ils venaient d'une certaine partie de l'ancienne Union soviétique, ils devaient y retourner avec l'aide de M. Churchill et de M. Roosevelt. Cela découlait de l'accord de Yalta. Les gens mentaient au sujet de leur identité simplement pour sauver leur peau. C'est ce qui est arrivé après la guerre.
Pour ceux qui aujourd'hui disent que c'est le processus judiciaire au Canada—« Nous n'avons pas de dossiers, nous n'avons pas de témoins, mais vous pourriez très bien avoir été membre d'un certain groupe »—, là n'est pas la question, parce que cela devient très incendiaire.
C'est pourquoi notre exposé traite de la Loi sur l'immigration, du manque d'équité qui accompagne une décision politique, de l'absence d'un processus judiciaire pour révoquer la citoyenneté d'une personne et de l'absence de délai de prescription. Voilà, monsieur le président et monsieur Mark, quelles sont les questions qui, à notre avis, devraient être réglées par le comité.
¿ (0905)
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons donner la parole à M. Clavet.
[Français]
M. Roger Clavet (Louis-Hébert, BQ): Comme je n'ai pas reçu le document en français, j'en prends connaissance au fur et à mesure. Je vais donc passer mon tour. Je poserai peut-être quelques questions à M. Matas et à M. Petryshyn plus tard, mais pour l'instant, je prends connaissance du document qui n'a pas été présenté dans l'autre langue officielle.
Merci.
M. David Matas: Je m'en excuse. Si vous voulez, je peux répondre en français à vos questions.
M. Roger Clavet: Je vais passer mon tour, mais je reviendrai avec d'autres questions, monsieur Matas. Merci beaucoup.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Siksay.
M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas, NPD): Merci, monsieur le président.
Monsieur Matas, je voulais vous demander si vous ne pourriez pas m'en dire un peu plus sur l'observation du juge Deschênes concernant l'apatridie et la réduction de l'apatridie et pourquoi il ne voyait pas que c'est quelque chose qui irait à l'encontre des obligations internationales du Canada. Pourriez-vous expliciter davantage?
M. David Matas: Eh bien, en fait, c'est assez explicite. Il s'agit de la Convention sur la réduction des cas d'apatridie, dont le Canada est un signataire. Le Canada a ratifié la convention. Elle dit et je cite : « Les États contractants ne priveront de leur nationalité aucun individu si cette privation doit le rendre apatride », ce qui est le principe général. Mais on continue en disant que nonobstant cette disposition : « un individu peut être privé de la nationalité d'un État contractant s'il a obtenu cette nationalité au moyen d'une fausse déclaration ou de tout autre acte frauduleux ».
Alors, dans la Convention sur la réduction des cas d'apatridie, il y a une exception pour les actes frauduleux. Maintenant, la convention n'exige pas que vous le fassiez lorsqu'il y a un acte frauduleux; elle vous permet de le faire. Mais ce que le juge Deschênes a dit, c'est que lorsque quelqu'un a commis un crime de guerre ou un crime contre l'humanité et qu'il a menti pour entrer au Canada, nous devrions le faire. Et c'est ce que nous avons dans le programme actuel. Là où il y a des preuves de complicité dans la commission de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité et qu'il y a des preuves d'actes frauduleux, la question est soumise au tribunal. Sur la question des actes frauduleux, la question de la complicité dans la commission de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité est décidée par l'unité des crimes de guerre comme un déclencheur pour décider s'il y aura ou non recours devant les tribunaux, et c'est fondamentalement ce que le juge Deschênes a recommandé. Le juge Deschênes a recommandé toute une série de correctifs différents et c'était l'un d'entre eux.
Mais la réalité, c'est qu'étant donné que la Cour suprême du Canada a annulé la solution de la judiciarisation... Dans le cas de l'extradition, nous avons eu une demande pour Rauf et pour Seifert et Lu Chen, mais c'est à peu près tout. Dans les autres cas, tout ce qui nous reste, c'est cette autre solution.
M. Bill Siksay: Je ne prétends pas être un spécialiste de toute cette information. J'espère en arriver là un jour, mais aidez-moi avec la question de quelqu'un qui est venu au Canada, qui est devenu citoyen canadien et dont on prétend plus tard qu'il est un criminel de guerre.
Qu'est-ce qui nous empêche, au Canada, de traiter ces personnes comme des citoyens canadiens et de les accuser de ce crime particulier? Pourquoi est-ce que l'idée de la révocation de la citoyenneté est nécessaire, en plus peut-être de soumettre toute la question à un tribunal pénal quelconque?
M. David Matas: Le problème, c'est l'affaire Finta. L'affaire Finta est une cause jugée par un jury et Finta a été acquitté, alors la question est devenue l'exposé au jury, à savoir s'il était admissible ou non légalement. Doug Christie, qui était l'avocat de Finta, a dit que... Il n'y avait aucun doute au sujet du fait que Finta était un garde dans un camp de concentration à Szeged, en Hongrie, où des gens étaient déportés à Auschwitz. Alors, les faits n'étaient pas en cause ici. En fait, il n'a même pas offert de défense. Il n'a pas témoigné et il n'y avait pas de témoins de la défense. Il a fondamentalement accepté les faits et il a plaidé en droit.
Il a dit que le fait d'envoyer des juifs à Auschwitz était justifiable parce que les juifs étaient l'ennemi. Pourquoi les juifs étaient-ils l'ennemi? Il a lu un article dans un journal—un journal Nazi allemand ou un journal Nazi hongrois—indiquant que les juifs étaient l'ennemi. Alors, il faisait cela pour la défense de la patrie, à cause de cet article de journal ou d'un quelconque article de journal qui affirmait que les juifs étaient l'ennemi. Le juge a dit que la défense selon laquelle il croyait que les juifs étaient l'ennemi pouvait être soumise à la décision du jury s'il y avait apparence de vraisemblance à cette défense, et il y avait apparence de vraisemblance à cause des articles de journaux qu'il avait lus.
La question est devenue la suivante : la décision du juge de soumettre l'affaire au jury était-elle acceptable? La Cour d'appel de l'Ontario et la Cour suprême du Canada, dans une décision partagée à quatre contre trois—et c'était une cause dans laquelle je suis intervenu au nom de B'nai Brith—ont jugé qu'il s'agissait d'un exposé acceptable. Alors, si quelqu'un, comme je l'ai dit dans mon mémoire, pouvait être acquitté d'un assassinat collectif d'innocents parce qu'il croyait que ce groupe était un ennemi, alors, fondamentalement, le préjugé racial devient une défense que l'on peut invoquer pour tuer des gens en fonction de la race. Une fois que cela est admis comme défense, il devient impossible d'intenter des poursuites. Le gouvernement a commencé par la judiciarisation et non par la révocation, mais une fois que l'affaire Finta a été décidée, il a réalisé qu'il n'était tout simplement plus possible d'intenter des poursuites, alors, il est passé à la révocation.
Ce qui est arrivé plus récemment, c'est que le gouvernement a abrogé les anciennes dispositions relatives aux crimes de guerre dans le Code criminel et les a remplacées par la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre, qui annule spécifiquement cette décision particulière prise dans l'affaire Finta et qui précise que le préjugé racial ne peut servir de défense contre des accusations de crime de guerre et de crime contre l'humanité.
Cela est arrivé alors que toutes ces causes sur la révocation de la citoyenneté sont en cours depuis de nombreuses années et je dirais qu'il serait à la fois impossible et malavisé de simplement mettre fin à toutes ces causes, dont certaines durent depuis 10 ans, et de recommencer une nouvelle procédure. La réalité, c'est que toute nouvelle loi comporte des lacunes juridiques qui devront être corrigées par contestation. Aussi mauvais et inefficace que soit ce système pour ce qui est d'obtenir un résultat, mon point de vue personnel, c'est que nous devons faire en sorte qu'il fonctionne bien et poursuivre nos démarches, plutôt que d'abandonner le tout comme étant une cause perdue.
¿ (0910)
M. Bill Siksay: Avez-vous la même inquiétude que M. Petryshyn et d'autres du fait que cela crée deux classes de citoyens et que quelqu'un qui devient citoyen canadien, dans les faits, est assujetti à des conditions que ceux d'entre nous qui sommes nés au Canada n'avons pas à respecter et que n'importe quand au cours de leur vie, ils peuvent faire face à une révocation de leur citoyenneté?
M. David Matas: Ce dont nous parlons, c'est d'un acte frauduleux au moment de l'entrée au pays. De toute évidence, seules les personnes qui entrent au pays peuvent commettre une fraude à l'arrivée, et les personnes qui sont nées ici ne peuvent commettre une fraude à l'arrivée. Certes, les gens qui sont nés au Canada sont des citoyens et les gens qui ne sont pas nés au Canada ne sont pas des citoyens. C'est la différence, mais je ne vois pas d'infraction en vertu de la Charte. Je ne pense pas que nous devrions dire que les gens nés partout ailleurs sont des citoyens du Canada parce qu'autrement, vous traitez les gens nés à l'extérieur du Canada et à l'intérieur du Canada de manière différente. Cela n'a pas de sens.
Vous devez vous rappeler que la garantie d'égalité offerte par la Charte canadienne des droits et libertés n'est pas axée sur l'élimination de toutes les différences juridiques entre les personnes. Cela est impossible, mal avisé et difficilement applicable. Il s'agit de travailler pour améliorer la situation du désavantage. Alors, si vous regardez les groupes qui sont énumérés spécifiquement, bien qu'il ne s'agisse pas uniquement de ces groupes, ce sont les groupes d'âge, les sexes, les handicapés et ainsi de suite.
Alors, la question, c'est de savoir si le groupe qui fait l'objet d'une différenciation est l'un de ces groupes désavantagés, ou s'il est désavantagé d'une quelque autre façon. Vous ne pouvez pas dire que les gens qui ont menti pour avoir le droit d'être admis au Canada ou les gens qui ont commis des crimes de guerre forment un groupe désavantagé. De toute évidence, ce n'est pas le cas. Il y a une différence dans la façon dont ils sont traités, mais il ne s'agit pas d'une infraction par rapport à la garantie d'égalité offerte par la Charte canadienne des droits et libertés.
Le président: Merci beaucoup. Nous devons poursuivre, mais nous reviendrons sur ce point.
Monsieur Anderson.
L'hon. David Anderson (Victoria, Lib.): Merci, monsieur le président.
Pour poursuivre la discussion sur la citoyenneté et la différence entre les personnes nées au Canada et celles qui sont nées à l'étranger, je crois que les enfants nés à l'étranger de parents canadiens—même si ceux-ci étaient au service des Forces armées dans une base canadienne en Europe—sont traités de la même façon que les citoyens naturalisés, n'est-ce pas?
M. David Matas: Oui. Vous savez sûrement que la Loi sur la citoyenneté est complexe et qu'elle a changé au fil des ans. La loi applicable est celle qui était en vigueur au moment de la naissance ou de l'obtention de la citoyenneté. Pour déterminer l'application de toute loi, il ne faut pas nécessairement se fier uniquement à la loi actuelle. C'est la même chose quand vient le temps de déterminer le statut d'une personne.
Je ne sais pas si c'est encore le cas, mais à une certaine époque, si vous étiez né à l'extérieur du Canada, vous deviez revenir au pays pendant une certaine période ou avant un certain âge ou deviez signaler votre volonté de conserver la citoyenneté si vous ne reveniez pas, à défaut de quoi, vous perdiez votre citoyenneté.
En somme, ce que vous avez dit est correct.
¿ (0915)
L'hon. David Anderson: D'accord. Nous parlons ici de citoyens canadiens naturalisés qui ont obtenu leur citoyenneté en ayant commis une quelconque fraude lors de la demande initiale. Le seul exemple qui me vient à l'esprit, c'est si des gens ont indiqué dans leur demande de citoyenneté qu'ils sont nés au Canada alors que ce n'est pas vrai et qu'ils ont obtenu de faux documents attestant le contraire. Peut-on dire que ce cas s'apparente à celui d'une personne ayant menti dans sa demande d'immigration, mais qui a néanmoins obtenu par la suite le statut de citoyen canadien naturalisé?
M. David Matas: Oui, ces deux cas se ressemblent.
L'hon. David Anderson: Est-il possible qu'il y ait des gens au Canada qui disent être nés au Canada, mais dont la citoyenneté pourrait être retirée en raison de faux documents d'identité?
M. David Matas: Oui, si les documents sont faux et qu'ils ne sont pas nés ici.
L'hon. David Anderson: C'est ça. C'est exactement comme si un immigrant avait menti dans sa demande initiale de citoyenneté.
M. David Matas: Tout à fait.
L'hon. David Anderson: Il serait donc possible que des personnes supposément nées au Canada et qui ont la citoyenneté canadienne en raison de leur lieu de naissance perdent ce statut. Dans un tel cas, ces gens pourraient devenir des apatrides ou devoir demander la citoyenneté à un autre pays.
M. David Matas: Vous avez tout à fait raison.
L'hon. David Anderson: Je pense qu'il est important de comprendre que l'obtention de la citoyenneté n'est pas différente dans les deux cas. Il est possible qu'une personne ait obtenu la citoyenneté canadienne grâce à de faux documents. C'est improbable vu nos registres, mais c'est une possibilité. C'est dans de telles circonstances qu'on peut faire des rapprochements avec le cas dont nous avons parlé, c'est-à-dire celui d'un citoyen naturalisé ayant perdu sa citoyenneté.
M. David Matas: Oui. Vous avez d'ailleurs soulevé un élément que j'aurais dû fournir dans ma réponse. Merci.
L'hon. David Anderson: J'aimerais aborder une autre question pour profiter de vos connaissances juridiques. Si j'ai bien compris, il est peu probable qu'un citoyen canadien ait commis des atrocités au sein d'une armée étrangère étant donné que le Canada interdit à ses citoyens de prendre part à des activités militaires étrangères en vertu des restrictions sur l'enrôlement à l'étranger.
M. David Matas: C'est vrai, ces restrictions existent. Si une personne est véritablement née au Canada et n'a pas eu recours à de faux documents d'identité pour obtenir sa citoyenneté et qu'elle a commis un crime contre l'humanité à l'étranger, nous ne pouvons pas lui retirer sa citoyenneté. Nous pouvons l'extrader vers le pays où le crime a été commis ou le pays de la victime, mais les seules options possibles sont des poursuites au Canada, des poursuites à l'étranger ou des poursuites devant un tribunal international. Évidemment, il y a toujours la possibilité des recours civils.
L'hon. David Anderson: Oui, mais il n'en demeure pas moins que le Canada interdit l'enrôlement dans une armée étrangère.
M. David Matas: Tout à fait. Il est donc beaucoup moins probable que des Canadiens soient impliqués dans des crimes au sein d'armées étrangères que d'avoir des gens qui ne sont pas des citoyens canadiens, mais qui ont fait partie d'armées étrangères.
On parle ici du bassin d'immigrants qui est... J'imagine qu'il est possible sur le plan juridique que des immigrants aient commis de tels crimes alors que c'est moins probable pour des citoyens canadiens.
L'hon. David Anderson: J'aimerais poser une dernière question. Prenons, par exemple, l'ex-Yougoslavie. Des citoyens canadiens de naissance et d'autres citoyens naturalisés sont allés dans cette région pour se battre dans un camp ou un autre. Les citoyens canadiens de naissance étaient visés par les mêmes restrictions que les citoyens canadiens naturalisés s'ils retournaient combattre et commettaient une quelconque atrocité à cette époque. Ces gens auraient...
¿ (0920)
M. David Matas: C'est exact.
L'hon. David Anderson: Ces gens auraient donc été poursuivis au Canada en vertu des restrictions concernant l'enrôlement à l'étranger.
M. David Matas: Tout à fait. Une fois la citoyenneté canadienne obtenue, tout le monde est traité de la même façon s'il y a eu participation à un crime de guerre. Si des poursuites sont entamées, c'est sur les mêmes bases. Évidemment, on ne peut révoquer la citoyenneté d'une personne si celle-ci a participé à un crime de guerre après l'obtention de la citoyenneté, même dans le cas des citoyens naturalisés.
Ça ne figure pas dans la présente loi, mais si le comité et le Parlement acceptent la proposition selon laquelle la participation à des crimes de guerre tout comme la fraude sont des motifs de révocation de la citoyenneté, nous proposons que la révocation pour participation à un crime de guerre ne s'applique que si la personne a commis ce crime avant l'obtention de la citoyenneté canadienne et non après.
L'hon. David Anderson: Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Madame Grewal.
Mme Nina Grewal (Fleetwood—Port Kells, PCC): J'aimerais vous remercier de votre exposé et d'avoir pris le temps de venir ici aujourd'hui.
Ma question est fort simple. Que manque-t-il au système et que pouvons-nous faire pour assurer une meilleure reddition de comptes et rendre le système plus efficace et pratique pour nous tous?
M. John S. Petryshyn: Si vous me le permettez, j'aimerais revenir à notre bref exposé. Ce que nous demandons, c'est que tous soient protégés par la Charte. Je crois que la Cour suprême, dans sa décision Singh, il y a plusieurs années, a dit que toute personne au Canada jouissait de la protection de la Charte. Toute personne sur notre territoire, qu'il s'agisse d'un citoyen canadien, d'un immigrant reçu ou d'une personne qui séjourne au Canada, est protégée par la Charte.
En vertu des articles 7 et 15 en particulier, tout citoyen canadien a droit au cours normal de la loi. Cette notion n'est pas respectée lorsqu'un ministre du Cabinet décide si une personne doit être dénaturalisée ou non. Tout ce que nous disons, c'est que s'il y a eu crime de guerre—et je ne contredis pas l'opinion de mon ami ou de quiconque—, si la personne est un criminel de guerre, ça devrait être l'affaire des tribunaux. Si on est pour m'enlever ma citoyenneté, j'aimerais avoir l'occasion de me défendre devant la cour. Ça ne devrait pas revenir au ministre, dans les coulisses ou ailleurs, de décider de révoquer ma citoyenneté selon les preuves qu'il ou elle ou ses collègues ont devant eux. C'est tout ce que je dis.
Vous avez entendu parler des délais interminables après que le ministre a été saisi d'un cas, quand ça se produit évidemment. Pouvez-vous vous imaginer ce que ça représente d'avoir cette épée de Damoclès au-dessus de la tête pendant dix ans? Le ministre peut prendre des mesures ou non, mais si au moins je savais que j'aurai la chance de me défendre devant un tribunal et de déposer des preuves en vertu de la Charte et de la loi canadienne...
Ce qui manque, c'est la transparence et la capacité de régler des cas en cour. Voilà ce que nous disons. Il faut enlever l'article 10, celui qui autorise un ministre du Cabinet, qui vous poursuit peut-être depuis un certain nombre d'années, à décider, avec des collègues, de vous dénaturaliser ou non. Pour ce qui est des autres aspects, je peux comprendre, mais c'est en somme ce que je dis. On peut remédier très facilement à ce problème. Simplifions le processus et allons devant les tribunaux.
M. David Matas: Comme je l'ai dit, le problème c'est la fragmentation. De toute évidence, ça nuit à l'efficacité du système. Si nous avions toutes les étapes au lieu d'une seule, ce serait mieux.
Nous devrions avoir le droit d'interjeter appel sur autorisation, et nous pourrions ajouter un motif supplémentaire lié à la participation aux crimes de guerre.
Je dois avouer que la façon actuelle de procéder, c'est-à-dire que le Cabinet intervienne, ne me pose pas vraiment de problème. M. Petryshyn a mentionné la présence au Cabinet du ministre qui avait amorcé le processus de révocation. Je ne suis pas certain que ce soit un problème, mais même si ça l'était, le Cabinet pourrait tout de même exercer ses pouvoirs en l'absence de ce ministre. On peut tenir une réunion du Cabinet même si un ministre est absent; la réunion demeure valide.
Je vous ai aussi remis séparément un document sur ma position, selon laquelle tout ce que fait le Cabinet, c'est d'examiner de nouveau le motif de fraude. Du moins, c'est ce qu'il fait légalement, et il se peut qu'il se penche sur des informations plus récentes également. À l'heure actuelle, les possibilités d'interjeter appel sont asymétriques car si la personne perd sa cause devant un tribunal, elle peut tenter sa chance une deuxième fois auprès du Cabinet; toutefois, si la personne gagne sa cause, le gouvernement ne peut pas avoir recours au Cabinet pour essayer de faire renverser la décision. Le système donne donc un avantage à la personne impliquée, mais pas aux victimes. Voilà une des raisons pour lesquelles nous croyons qu'il devrait y avoir un processus d'appel équitable permettant à chaque côté d'avoir une deuxième chance de faire valoir ses arguments s'il a l'impression que la décision initiale est erronée.
Voilà les changements que je propose.
¿ (0925)
Le président: D'accord. Monsieur Clavet.
[Français]
M. Roger Clavet: Monsieur Matas, je vous remercie beaucoup pour cette présentation. Je tiens à dire également que j'ai travaillé au Manitoba durant les cinq dernières années et que je connais le travail que vous faites auprès des réfugiés de guerre et des immigrants en général. Alors, je vous félicite et je vous remercie pour ce travail, que vous faites avec beaucoup de brio.
En ce qui concerne les propositions pour améliorer l'ancien projet de loi C-18 sur la citoyenneté, il y a quand même des améliorations par rapport à ce qui existait. Je comprends, d'après ce que vous dites, qu'on ne va pas assez loin. Par exemple, les délais pour les procédures de révocation sont encore trop longs.
Puisque la Cour fédérale entend ces cas et qu'il y a même des procédures d'appel possibles, croyez-vous qu'on a quand même amélioré le projet de loi et qu'on est dans la bonne direction? Croyez-vous qu'il y a quand même au moins une démarche d'amélioration?
M. David Matas: Je dirais que oui. J'ai soumis des propositions pour tous les projets de loi, et je constate une amélioration. Je pense que l'ancien projet de loi C-18 était meilleur que les autres. Cependant, je souhaiterais qu'il y ait encore des changements. Même l'ancien projet de loi C-18 ne nous donnait pas tout à fait satisfaction. Nous avons soumis une proposition lorsque la Chambre des communes a fait l'étude de l'ancien projet de loi C-18. Nous ferons une autre proposition écrite plus détaillée afin d'expliquer pourquoi nous croyons qu'il y a une façon d'améliorer l'ancien projet de loi C-18.
Je pense que le projet de loi C-18 prévoyait une possibilité d'appel, mais il s'agissait d'un appel en droit, et non d'un appel avec [Note de la rédaction: inaudible]. Or, nous voulons un tel appel, parce que s'il y a un appel en droit, tous logeront un appel et cela aura pour effet d'allonger le processus.
Deuxièmement, il y a un type de consolidation, mais ce n'est pas complet. Si une personne est reconnue comme étant un criminel de guerre, il y a consolidation. Par contre, s'il est prouvé qu'une personne est entrée au pays frauduleusement, il n'y a pas de consolidation. Comme je l'ai dit, nous voulons une consolidation complète.
Nous vous ferons part de tout cela par écrit.
M. Roger Clavet: Monsieur Matas, est-ce que, selon vous, les délais de révocation sont encore trop longs?
M. David Matas: Oui. On ne sait même pas quand cela va finir, car il n'existe aucun cas ici où quelqu'un a fait toutes les démarches. Pourtant, il y en a qui font des démarches depuis 10 ans et cela continue encore, que je sache. Il faudrait en finir avec ces cas, mais cela ne s'est pas produit jusqu'ici.
M. Roger Clavet: Ma prochaine question porte sur le nombre de criminels de guerre nazis qui sont encore au Canada. Je connais un peu la réponse, mais je vous la pose quand même.
Après tant d'années et après les nombreuses recherches faites par le juge Deschênes qui ont coûté des milliers de dollars et qui ont révélé qu'il y avait quelques criminels de guerre ici, dont plusieurs sont décédés, y a-t-il encore suffisamment de personnes soupçonnées d'être des criminels de guerre pour qu'il vaille la peine encore aujourd'hui, en 2005, de faire toutes les démarches pour révoquer leur statut? Pour vous, est-il important, même s'il n'en reste qu'un seul, qu'on fasse toutes ces démarches?
M. David Matas: Je dirais que oui, comme vous le saviez déjà. Premièrement, il y en a plus qu'un, il y en a même beaucoup. Avec le temps qui passe, il devient difficile d'en faire la preuve, mais comme je l'ai dit, mon collègue qui a travaillé dans les bureaux du gouvernement a dit qu'il y en avait 2 000 au début. Maintenant, beaucoup sont morts et on ne peut pas faire la preuve de leur identité. Cependant, je pense que la question n'est pas là. Il y en a plus qu'un, mais même s'il n'y en avait qu'un, on accomplirait quelque chose si on faisait un procès contre cette personne, parce que c'est le meilleur moyen de dire qu'il n'y a pas d'impunité au Canada. C'est un moyen de faire fonctionner notre système judiciaire en mémoire des victimes et de l'histoire qui s'est déroulée sous nos yeux. C'est une façon de servir un avertissement pour le futur. Pour nous, c'est un moyen de dire que nous sommes convaincus qu'il y a une justice au Canada. Si nous disons non, même s'il n'y a qu'une personne, c'est une façon de dire que nous sommes contre la justice. Or, nous ne devons jamais faire cela.
¿ (0930)
M. Roger Clavet: En terminant,
[Traduction]
ne croyez-vous pas que l'allégation selon laquelle le Canada est un refuge pour les pires criminels de la planète est un peu poussée? Ça me semble assez fort comme affirmation.
M. David Matas: J'imagine que c'est un peu hypothétique, mais dans les faits, personne n'a été expatrié. Personne n'a été condamné. Il y a de nombreux cas solides, et pas seulement ceux de longue date. Ce que je veux dire, c'est que nous devons nous attaquer à ces vieux cas puisque ceux-ci ont jeté les assises à l'immunité dont semble jouir tout le monde. Ce n'est pas que nous avons seulement de vieux criminels de guerre de l'époque nazie; nous abritons aussi des criminels de guerre du Rwanda et de la Bosnie, mais nous ne pouvons rien faire.
À moins de corriger le système, nous allons continuer d'attirer ce type de personne d'un peu partout dans le monde, surtout que nous n'avons rien fait avec les vieux criminels de guerre, ce qui constitue pour tous les criminels de guerre contemporains une invitation de venir au Canada. C'est la dure réalité; nous n'avons pas pris de mesures concernant les anciens criminels de guerre.
[Français]
M. Roger Clavet: Merci beaucoup, monsieur Matas.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup. Nous avons dépassé un peu notre temps.
J'aimerais seulement poser quelques questions.
La loi ne me poserait pas de problèmes si elle abordait la question des criminels de guerre. Nous parlons de présumés criminels de guerre et de gens qui pourraient avoir menti pour entrer au pays. C'est ça qui me dérange.
Si nous avions affaire au même genre de cas que celui d'Air India... Après tout, une personne était soupçonnée—et j'oserais dire que la moitié de la population, sinon toute, la croyait coupable d'après les informations qu'on pouvait lire dans les journaux—, mais c'est le tribunal qui a tranché.
Dans votre document, vous parlez d'éléments de preuve permettant de croire qu'une personne a été complice, qu'elle a menti ou qu'elle a commis des crimes de guerre, mais ça ne veut pas dire qu'elle est coupable pour autant.
Nous avons parlé de l'application régulière de la loi en matière de citoyenneté. L'élément central est l'importance de la citoyenneté, comme l'a soulignée le juge Reilly dans sa décision concernant un tel cas en janvier 2004. Il a alors dit que la révocation de la citoyenneté faisait intervenir l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui est un article de nature juridique. Pour moi, cet article prévoit l'application régulière de la loi et le droit à un traitement équitable devant les tribunaux.
Pour être franc, s'il était possible d'avoir un traitement équitable devant les tribunaux, je crois que ces cas seraient déjà réglés. La Cour d'appel fédérale a rejeté, en juin dernier, une des causes en suspens depuis 10 ans et a renversé la décision du Cabinet. Il est très difficile de régler politiquement des questions qui devraient en réalité relever des tribunaux pour déterminer, sans intervention politique, la culpabilité ou l'innocence d'une personne.
Je suppose que ma plus grande inquiétude, c'est qu'il y a six millions de Canadiens qui ne sont pas nés dans ce pays. Je suis l'un d'eux. D'ailleurs, la moitié des membres de ce comité ne sont pas nés au Canada. Pour ma part, j'estime que la citoyenneté qu'on m'a accordée n'est pas un privilège, mais un droit. Si quelqu'un veut me l'enlever, il faudra que ce soit en vertu de l'article juridique de la Charte canadienne des droits et libertés. Un comité du Cabinet ne devrait rien avoir à faire là-dedans.
Si nous avions adopté cet amendement à la Loi sur la citoyenneté, en 2000, à l'étape du rapport, comme vous et moi en avions convenu, je pense que beaucoup de ces problèmes n'existeraient pas. À la place, nous avons laissé un processus politique qui ne tient pas la route devant les tribunaux. Nous avons perdu les deux dernières causes alors que nous aurions pu les renvoyer à la Cour suprême du Canada. Cela aurait été de loin préférable à ce processus interminable qui a coûté très cher et qui, à mon avis, a enlevé de la valeur à la citoyenneté canadienne. S'il y a des criminels de guerre ici, je crois que toute la population canadienne—à l'exception des criminels eux-mêmes—voudraient les voir partir, mais il faut des preuves.
Pourriez-vous me dire rapidement ce que vous pensez de tout ça?
¿ (0935)
M. David Matas: Oui.
Premièrement, il faut différencier les causes criminelles des causes civiles. Dans ma pratique privée, je m'occupe d'immigration et du droit des réfugiés; je prépare donc des demandes de statut de réfugié pour des gens qui ne jouissent pas de la protection des réfugiés car il y a de solides raisons de croire qu'ils ont participé à des crimes de guerre ou à des crimes contre l'humanité. On peut donc parler de deux poids deux mesures en ce qui a trait à la prépondérance des probabilités. C'est exactement le cas pour ce qui est de la révocation de la citoyenneté. Il ne s'agit pas de faire la preuve au-delà de tout doute raisonnable car il n'y a aucune condamnation possible. La révocation de la citoyenneté n'est pas une sanction pénale. Les gens dont la citoyenneté est révoquée ne vont pas en prison. Ce n'est pas parce qu'il y a deux poids deux mesures que ce n'est pas correct.
Deuxièmement, la loi prévoit actuellement la révocation de la citoyenneté pour des raisons de fraude. Mais qu'en est-il de la criminalité, vous demandez-vous? D'abord, le gouvernement dit qu'il n'ira pas devant les tribunaux pour des motifs de fraude à moins qu'il ne puisse prouver qu'un acte criminel a été posé. Aussi, vous verrez qu'il n'est pas question de déterminer la criminalité, même si on découvre beaucoup d'éléments qui indiquent qu'il y a eu crime. J'ai mentionné Odynsky, qui était un gardien dans des installations où des gens ont été tués. Je connais suffisamment le droit relatif aux crimes de guerre pour savoir qu'il s'agissait bel et bien d'un crime de guerre, même s'il n'a pas tué quelqu'un lui-même.
C'était la même chose pour Oberlander. Celui-ci était un interprète pour une unité mobile d'exécution. Il n'était pas présent lors des exécutions, mais il interprétait les paroles des officiers qui demandaient, « Où sont les juifs? ». Il était présent lors des interrogations pour savoir où étaient les juifs. Donc, tout ce que vous avez à faire, c'est d'examiner ces cas en gardant à l'esprit le droit concernant les crimes de guerre et vous découvrirez des indications de crimes de guerre dans la constatation des faits des juges même si ces derniers n'ont pas émis un jugement de crime de guerre puisque leur travail consistait à déterminer uniquement s'il y avait fraude.
Troisièmement, en ce qui a trait au jugement du juge Reilly de la Cour supérieure de l'Ontario dans l'affaire Oberlander et de la Cour d'appel fédérale dans cette même affaire, aucun des deux tribunaux n'ont déterminé que le système allait à l'encontre de la Charte canadienne des droits et libertés, que ce soit l'article 15 sur l'égalité ou l'article 7 sur les principes de justice fondamentale. Tout ce que le juge a dit, selon les faits du cas, c'est que quelque chose n'allait pas et devait être refait. Il a dit qu'il y avait une personne à la réunion du Cabinet qui n'aurait pas dû être là. Évidemment, on peut toujours tenir de nouveau une réunion du Cabinet sans la présence de cette personne.
Le juge de la Cour d'appel a dit qu'il manquait un élément dans le rapport du Cabinet, mais on peut toujours rajouter ce qu'exige la Cour d'appel sans avoir à changer le système. Aussi, la décision du juge Reilly a fait l'objet d'un appel, et le juge a dit qu'il y avait de bonnes raisons de douter de la validité du jugement étant donné qu'on remettait en question la compétence du tribunal dans cette affaire. Ce type de cause ne met pas en doute le système.
Tout ce que fait un comité du Cabinet, c'est de permettre à une personne de se soustraire à la loi. Même s'il est prouvé qu'une personne est entrée frauduleusement au pays, le Cabinet peut quand même décider de ne pas lui retirer sa citoyenneté. Toutefois, le fait que le Cabinet s'occupe de telles questions ne semble pas désavantager ces gens, au contraire, on pourrait même dire que ça les avantage puisque le gouvernement ne peut pas faire appel s'il perd sa cause.
Si ce type de question était uniquement jugée devant les tribunaux, comme c'est le cas pour des questions entourant la résidence... Si vous voulez savoir si vous avez le statut nécessaire pour établir un droit à la citoyenneté, vous allez devant le tribunal de la citoyenneté; il n'y a pas de droit d'appel ni d'intervention du Cabinet. Le système prévoit d'autres circonstances où on peut aller devant les tribunaux, sans droit d'appel ni recours au Cabinet. Donc, dans le cas qui nous intéresse, les gens ont droit à une autre chance par le biais du Cabinet. Ce n'est toutefois pas une raison de remettre en question tout le système.
¿ (0940)
Le président: Merci.
Monsieur Petryshyn, allez-y.
M. John S. Petryshyn: Oui, merci.
La question qui a été posée a trait aux poursuites pour crimes de guerre. Si on doit accuser quelqu'un, qu'on l'accuse de ces crimes. Que diriez-vous d'être accusé de meurtre parce qu'on veut vous pincer pour une infraction au code de la route? C'est une analogie qui peut permettre de comprendre.
Quand la commission Deschênes a produit son rapport, comme on en a parlé ici aujourd'hui, il y avait des poursuites engagées en vertu de la loi canadienne concernant des crimes de guerre. Dans la cause Finta qui s'est rendue jusqu'en Cour suprême, la cause Pawlowski et d'autres, on n'a pas pu établir le fondement permettant de condamner qui que ce soit. Pour une raison quelconque, la condamnation n'était pas possible. Le Parlement a alors décidé d'ajouter les crimes de guerre au Code criminel. Si ce sont vraiment des criminels de guerre, qu'on les accuse de ces crimes, pour qu'ils puissent se défendre en conséquence.
Le gouvernement, qui ne peut les condamner parce que c'est incompatible avec nos lois, propose d'employer un moyen détourné, de les accuser d'assertion déterminante, selon la prépondérance des probabilités. Nous n'avons ni documents, ni témoins, mais la personne a pu faire partie de telle division, se retrouver à tel endroit, avoir menti sur son identité, alors c'est peut-être suffisant pour engager des poursuites. Selon l'article 18, comme on l'a souligné, la décision rendue par le tribunal est sans appel.
Nous disons maintenant à un citoyen qu'étant donné que nos lois ne nous permettent pas de prouver qu'il est un criminel de guerre même si nous aurions pu le poursuivre, nous allons prendre d'autres moyens, selon la prépondérance des probabilités et en faisant des déductions pour lui retirer son droit.
Ensuite, la question est soumise au cabinet. Je ne vois vraiment pas pourquoi le cabinet ou un politicien voudrait en décider. Cela me rappelle quand la peine de mort était commuée à l'époque de MM. Diefenbaker et Pearson. On avait tort quoi qu'on fasse. Donc, pourquoi ne pas laisser le tribunal décider; c'est tellement important qu'avant de dénaturaliser quelqu'un, il faut qu'un tribunal prouve les faits au criminel hors de tout doute raisonnable. C'est tout ce que nous demandons à cet égard.
Il est tout naturel d'avoir une loi qui est transparente, qui assure à tout le monde la protection de la Charte, comme l'a fait valoir la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Singh. La cour a statué que même ceux qui ne sont pas citoyens ou immigrants reçus ont le droit d'être protégés par la Charte, que celui qui va être privé de sa citoyenneté a le droit d'interjeter appel de la décision devant les tribunaux.
Si on veut poursuivre quelqu'un pour crimes de guerre, qu'on l'accuse de ces crimes. N'employons pas un autre moyen, d'autres éléments de preuve qui devraient faire échec au système, pour ensuite prendre une décision derrière des portes closes. Que ce soit le ministre de la Citoyenneté ou un autre ministre qui décide pour une raison ou pour une autre de s'en prendre ou non à une personne, comme mon ami l'a souligné, sans n'avoir rien fait pendant 15 ans, quel est l'intérêt? Pouvez-vous imaginer être ainsi menacé? Vous avez 80 ans ou 20 ans, vous ne savez pas quel sort le cabinet vous réserve, et vous ne pouvez même pas intervenir. C'est ce qui nous inquiète.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Nous avons pris un peu trop de temps là-dessus. David, nous allons écourter votre temps de parole cet après-midi. Je plaisante.
M. David Matas: Je promets de ne pas prendre autant de temps.
Le président: Merci beaucoup.
L'hon. David Anderson: J'aurais une autre question à poser, qui fait suite à la vôtre.
Le président: D'accord, très rapidement.
L'hon. David Anderson: Si on exclut la prépondérance des probabilités et qu'une condamnation est nécessaire, est-il logique de dire que nous allons tenir compte de toutes les activités militaires menées par celui qui veut entrer au Canada et poser des questions là-dessus, à moins qu'il y ait eu une condamnation? Autrement dit, va-t-on nous empêcher de poser ces questions au départ compte tenu de nos mesures de révocation?
M. David Matas: Comme d'habitude, c'est une question très pertinente.
Je m'intéresse autant au début qu'à la fin du processus. Dans le cas des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, on ne sait pas nécessairement tout tout de suite, parce que les gens mentent, les preuves sont détruites, les gens sont réprimés et les structures démantelées. Il faut parfois du temps pour réunir les preuves. Plus c'est en évidence, pour ainsi dire—et le système l'est trop actuellement—plus les gens ont du mal à rentrer.
Actuellement, le système est sclérosé, en partie à cause du 11 septembre, mais aussi parce qu'il est difficile, au Canada, voire impossible de révoquer la citoyenneté des criminels de guerre. Il est extrêmement difficile maintenant d'entrer quand on soupçonne une association quelconque, si minime soit-elle, et je pense que c'est exagéré.
Actuellement, on refuse l'entrée à des gens dont l'association à des crimes de guerre est des plus indirecte et hypothétique, ce qui est malheureux. On parle de gens qui attendent dix ans avant de savoir si leur citoyenneté va être révoquée, mais il y a des gens qui attendent aussi longtemps pour obtenir leur citoyenneté ou leur résidence permanente, et même pour être admis, parce qu'on les soupçonne d'être associés à la criminalité.
Nous avons besoin d'un système qui nous permet de punir les coupables peu importe où en est leur dossier, pour assurer l'équité, et non du système actuellement en vigueur qui rend la preuve de plus en plus difficile à faire à mesure que le dossier progresse.
¿ (0945)
M. John S. Petryshyn: Rapidement, je ne pense pas que la préclusion soit un empêchement. Si on établit des critères de révocation de la citoyenneté en fonction de la loi, celui qui présente une demande de citoyenneté sait à quoi s'en tenir. Je ne sais pas pourquoi, si une personne a fait une fausse déclaration ou menti, selon la preuve utilisée... Il me semble que la loi sera explicite.
Je ne pense pas que la préclusion va s'appliquer. Si on pose des questions au demandeur sur ses antécédents et qu'il ment toujours, vous avez le droit d'examiner la question, par exemple, avant de lui accorder le statut d'immigrant reçu. S'il affirme ne pas avoir de femme dans tel pays et que, deux ans plus tard, après avoir obtenu le statut d'immigrant reçu, il décide de parrainer sa femme dans ce pays, vous pouvez toujours invoquer la preuve pour faire valoir qu'il a caché le fait important qu'il était marié quand il est arrivé au Canada.
Je ne pense pas que la citoyenneté et le droit d'examiner des faits quand une personne a obtenu le statut d'immigrant reçu à la suite de fausses déclarations devraient être un empêchement dans ce cas dans la loi dont nous parlons.
Le président: D'accord. Merci beaucoup.
Nous allons reprendre à 10 heures avec de nouveaux témoins.
¿ (0947)
À (1009)
Le président: Nous poursuivons nos travaux, cette fois-ci pour entendre des témoignages sur la reconnaissance de l'expérience et des compétences acquises à l'étranger par les immigrants, question que le comité examine depuis un certain temps. Nous sommes conscients que c'est un sujet très important pour notre pays et pour attirer les immigrants.
Bienvenue à nos témoins. Je pense que nous allons commencer par M. Silver, de la Jewish Federation of Winnipeg.
M. Bob Silver (président, Grow Winnipeg Steering Committee, Jewish Federation of Winnipeg/Combined Jewish Appeal): Bonjour.
Il y a cent ans, quand les immigrants se sont établis dans les Prairies, on leur donnait une terre, une pelle et un sac de semences. Il y a une ou deux générations, quand nos parents ou nos grands-parents sont arrivés ici, ils ont été ménagés par ceux qui étaient arrivés avant eux et qui comprenaient leur situation, parce qu'ils ne s'attendaient pas à ce qu'ils aient acquis une expérience au Canada et qu'ils voulaient leur offrir la possibilité de travailler et de s'établir. Nous sommes pour la plupart des Canadiens de la première ou de la deuxième génération. Il faut encore aujourd'hui donner une chance aux immigrants dans les entreprises et la société et rappeler aux gens et aux employeurs d'où nous venons.
Nous devons aussi leur fournir des outils. Il y a cent ans, c'était un sac de semences et une pelle. Aujourd'hui, ces outils sont une excellent maîtrise de l'anglais et la reconnaissance des études, des diplômes et de l'expérience. Des fonds et une volonté politique sont nécessaires pour apporter des solutions, autant au Manitoba que dans l'ensemble du pays.
Voici des solutions possibles :
Des cours avancés d'anglais langue seconde pour les entrepreneurs et les professionnels et la possibilité de s'adapter aux modes de fonctionnement canadiens sont essentiels pour intégrer le marché du travail rapidement et avec succès.
Pouvoir faire évaluer en temps utile et à peu de frais leurs diplômes et leurs études avant leur arrivée au Canada permettrait aux immigrants de dépendre moins longtemps de leurs économies pour faire vivre leur famille au Canada.
Des mécanismes d'évaluation et de reconnaissance des nombreuses années d'expérience sans rapport avec la formation scolaire comme les diplômes universitaires écourteraient les délais.
Des méthodes innovatrices pour observer les gens au travail et évaluer certaines compétences et connaissances réduiraient le travail d'évaluation des diplômes qui ne sont apparemment pas comparables.
Des stages d'emploi dans différents domaines faciliteraient l'évaluation de compétences observables et l'accréditation.
Travailler dans leur domaine de compétence durant le processus d'accréditation permettrait aux nouveaux arrivants de faire vivre leur famille et atténueraient les obstacles auprès des employeurs qui exigent que les candidats aient acquis une expérience au Canada.
Voilà ce que j'avais à vous présenter. J'aimerais maintenant vous parler brièvement de notre expérience à la Jewish Federation et au programme Grow Winnipeg.
Nous nous occupons d'encourager et d'accueillir des immigrants à Winnipeg et au Manitoba. Un de nos principaux écueils est la longue liste de titres et qualités que possèdent ces immigrants venus de l'Argentine, d'Israël ou de Russie et qu'ils ne peuvent faire valoir ici. Les délais, l'exaspération qui en découle et les contraintes financières que subit la famille pendant que les travailleurs s'initient aux règles de leur emploi au Canada sont horribles. Ces familles ont vraiment des difficultés et nous devons comprendre leur frustration. Six mois, un an, les pressions sont terribles sur les familles, et nous, dans la communauté juive, nous essayons de les épauler, mais le gouvernement canadien doit faire plus pour nous aider et aider ces immigrants. C'est que, en fait, la croissance du Canada dépend d'eux.
J'aimerais également vous parler de mon expérience comme employeur ici, à Winnipeg. Je suis président d'une société qui s'appelle Western Glove Works et qui fabrique des jeans et d'autres vêtements. Je reçois tous les jours des demandes d'emploi de candidats qui ont des compétences que je ne peux pas mettre à profit. Imaginez la déception d'un ingénieur ou d'un autre professionnel à qui j'offre un poste de préposé à l'entretien, d'opérateur de machine à coudre ou un autre emploi de manoeuvre. C'est très frustrant pour moi, et je peux vous assurer que ça l'est encore plus pour eux.
Je suis aussi le propriétaire du Winnipeg Free Press... Nous le voyons tous les jours. Offrir des emplois de livreur à des gens qui peuvent et veulent faire autre chose pour la société est incroyablement frustrant. Il faut faire quelque chose à ce sujet au Canada.
Merci.
À (1010)
Le président: Merci beaucoup.
C'est maintenant au tour de Karen Dunlop, la présidente de l'Ordre des infirmières et des infirmiers du Manitoba.
Mme Karen Dunlop (présidente, Ordre des infirmières et des infirmiers du Manitoba): Merci beaucoup.
L'Ordre des infirmières et des infirmiers du Manitoba est très heureux de s'adresser aux membres du comité. Je m'appelle Karen Dunlop et je suis infirmière autorisée et présidente de l'Ordre.
Notre ordre professionnel s'occupe de la réglementation, de l'élaboration de normes et de l'attribution de permis pour les 11 500 infirmières et infirmiers autorisés du Manitoba. Nous sommes régis par la Loi sur les infirmières du Manitoba et son règlement.
Dans mon exposé, je vais aborder quatre sujets, tous accompagnés de recommandations. Le premier est la nécessité d'administrer l'examen national d'autorisation des infirmières à l'échelle internationale; le deuxième, la nécessité d'avoir une évaluation des connaissances acquises uniformes à l'échelle régionale, ainsi qu'une stratégie et des mécanismes de reconnaissance; troisièmement, la nécessité de soutenir les candidats internationaux à l'autorisation en améliorant les ressources de formation; et, quatrièmement, la nécessité d'adopter une approche de guichet unique pour offrir des renseignements précis et fiables dont les immigrants potentiels pourraient avoir besoin.
Notre ordre professionnel est fier d'offrir des conditions et un processus d'autorisation dans le cadre d'un système ouvert et transparent accessible aux candidats éventuels du monde entier par l'entremise de son site Web. Nous croyons qu'il est important que les candidats puissent présenter une demande en étant certains de répondre aux conditions avant même d'émigrer de leur pays. Actuellement, nous devons cependant nous contenter de traiter les demandes d'admission jusqu'au point où les candidats reçoivent l'autorisation de passer l'examen d'accréditation infirmière au Canada. Tous ceux qui veulent obtenir le titre d'infirmière ou d'infirmier autorisé...
À (1015)
Le président: Pourriez-vous ralentir un peu? Les interprètes ont du mal à vous suivre.
Mme Karen Dunlop: Désolée, mais je n'ai que cinq minutes.
Le président: Avez-vous une copie de votre exposé?
Mme Karen Dunlop: Pour que ce soit consigné au compte tenu, je lis mes notes, si cela peut leur être utile.
Le président : D'accord, nous allons vous donner un peu plus de temps.
Mme Karen Dunlop : Merci.
Actuellement , même s'il est possible d'avoir accès à des informations et à des demandes sur notre site Web, nous pouvons seulement traiter les demandes d'admission jusqu'au point où les candidats reçoivent l'autorisation de passer l'examen d'autorisation infirmière au Canada.
C'est l'examen que tous ceux qui veulent obtenir le titre d'infirmière ou d'infirmier autorisé doivent passer avec succès. Les candidats doivent alors venir au Canada pour faire l'examen. C'est seulement une fois cet examen réussi que les candidats sont admissibles à recevoir le titre d'infirmière ou infirmier autorisé pour le Manitoba. Cela dit, il existe une disposition permettant d'enregistrer un candidat comme infirmière ou infirmier diplômé une fois que sa demande d'inscription à l'examen a été déposée, mais cet enregistrement est d'une durée limitée.
Les données dont nous disposons indiquent des écarts relativement substantiels dans les taux de réussite des candidats formés à l'étranger comparativement aux candidats formés au Canada. Les candidats formés au Canada affichent un taux de réussite de 98 p. 100 à l'examen initial, alors que les candidats formés à l'étranger n'obtiennent qu'un taux de 56 p. 100. On ne peut qu'imaginer le stress et la tension que ressentent les candidats étrangers face à la perspective d'échouer, et ils n'ont que trois chances.
Ils se trouvent loin de chez eux dans un pays étranger qui leur offre peu de soutien. Nous recommandons de permettre aux candidats de faire l'examen dans leur pays, avant d'immigrer au Canada. En réussissant l'examen, ils auront la certitude d'obtenir l'autorisation, ce qui améliorera considérablement leurs chances de trouver un emploi d'infirmière ou d'infirmier autorisé au Manitoba. Nous pensons qu'il est évident que la mise en place de centres d'administration de l'examen à l'étranger ne peut qu'être bénéfique. L'Association des infirmières et des infirmiers du Canada, qui s'occupe d'administrer l'examen, aurait besoin d'aide pour surmonter les obstacles qui empêchent la mise en place d'un tel système. Il est certain que des fonds fédéraux seront nécessaires pour établir ces centres d'examen.
Le deuxième point que nous aimerions aborder est la nécessité d'avoir une approche régionale uniforme en ce qui concerne l'évaluation et la reconnaissance des acquis, ou le processus d'ERA, pour aider les administrations individuelles dans l'évaluation des candidats étrangers. Une approche régionale, faisant appel à au moins deux partenaires provinciaux, permettrait des économies d'échelle.
Le mécanisme d'ERA permettrait d'évaluer la formation et l'expérience des candidats étrangers en tenant compte des compétences fondamentales du personnel infirmier autorisé afin de cerner les lacunes et les faiblesses avant l'administration de l'examen. Lorsque des lacunes seraient décelées, on encouragerait les candidats à suivre un cours répondant à leurs besoins ou à entreprendre un apprentissage autonome pour combler ces lacunes. Cette démarche améliorerait considérablement leurs chances de réussir à l'examen.
Le processus d'ERA pourrait aussi servir à détecter les lacunes que l'on peut qualifier de culturelles. C'est-à-dire les lacunes liées à une compréhension ou à des connaissances qui peuvent avoir un lien avec les différences du système de santé d'un autre pays par rapport au système canadien. Compte tenu du fait que le personnel infirmier autorisé bénéficie d'une mobilité interprovinciale plus élevée en raison des accords de réciprocité en vigueur, une approche régionale face à l'ERA est sensée. Idéalement, il serait utile d'avoir accès à des fonds fédéraux pour faciliter la mise en place de ce mécanisme. Les activités courantes pourraient être financées par les administrations qui auraient recours aux services et par les candidats à l'évaluation.
Le troisième point que j'aimerais présenter concerne la nécessité d'avoir des ressources additionnelles pour combler les lacunes sur le plan linguistique, celui de la connaissance du système de santé canadien et celui de la connaissance de la terminologie et de la langue spécialisée propre aux soins de santé. Il est évident que des communications claires et précises sont essentielles aux soins de santé. La compréhension a un lien direct avec la sécurité des patients et l'approche interdisciplinaire face aux soins de santé primaire.
Bien qu'un certain nombre de compétences linguistiques soient exigées pour que les candidats reçoivent leur autorisation, il doit y avoir des ressources adéquates pour venir en aide aux candidats qui ne répondent pas à ces critères. Les lacunes sur le plan linguistique peuvent mener à l'échec de l'examen et nuire à l'intégration des candidats reçus dans notre système de santé. La réalité est la même lorsque vient le temps d'aider les candidats à faire la transition vers le système de santé canadien en ce qui concerne les différences culturelles liées à la prestation de soins dans le monde.
Comme pour les questions linguistiques, il est essentiel de se pencher sur les différences touchant la façon de fournir des soins au Canada comparativement aux méthodes utilisées dans le pays d'origine des candidats. On peut donner comme exemple le fait d'attendre qu'un médecin fasse une procédure qui au Canada est habituellement effectuée par le personnel infirmier autorisé.
À (1020)
Les malentendus d'origine culturelle peuvent entacher la crédibilité du personnel infirmer et roder la confiance que placent les patients dans sa capacité de répondre à leurs besoins en matière de soins de santé. Ces malentendus peuvent aussi entraver la capacité du personnel infirmier à s'intégrer avec douceur dans le milieu de la santé du Canada. Nous avons besoin de ressources qui offriront aux candidats un aperçu du système canadien en abordant particulièrement les enjeux liés à la culture et à la prestation de soins de santé ailleurs dans le monde.
Ces ressources pourraient aussi voir à ce que les candidats connaissent la terminologie spécialisée propre aux soins de santé au Canada. Elles seraient idéalement offertes par l'entremise de l'Internet afin d'optimiser son accessibilité.
L'Internet m'amène à notre dernière suggestion. Il n'est pas facile de trouver dans un seul endroit des renseignements justes et précis sur des sujets comme l'immigration, l'établissement, l'obtention de permis et la vie au Canada. Nous proposons la mise sur pied d'un guichet unique grâce à la création, à la promotion et à la mise à jour d'un portail sur le Web à l'intention des immigrants. Cette ressource pourrait servir de lien entre les visiteurs internationaux et les sources d'information répondant à tous leurs besoins. Le gouvernement fédéral pourrait diriger le projet et travailler en collaboration avec des partenaires pour créer et tenir à jour les hyperliens vers les sites offrant les renseignements nécessaires. En offrant des listes et d'autres outils, le portail pourrait orienter les immigrants éventuels à travers les diverses procédures et ressources nécessaires pour accroître leurs chances d'immigrer au Canada.
Pour conclure, nous avons pour but de faciliter le processus d'autorisation et de réglementation concernant le personnel infirmier au Manitoba. Nous évaluons notre réussite à la lumière du nombre de candidats que nous recevons et non au nombre de candidats refusés.
Je vous demande avec insistance de prendre en considération nos suggestions et de joindre vos efforts aux nôtres en vue d'aider le personnel infirmier autorisé qui souhaite pratiquer au Canada à franchir avec succès les étapes du processus d'autorisation et d'inscription. Au nom des infirmières et des infirmiers autorisés du Manitoba, permettez-moi de vous remercier de m'avoir reçue aujourd'hui.
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons maintenant entendre Cathy Woodbeck, de l'Association multiculturelle de Thunder Bay.
Mme Cathy Woodbeck (directrice de programme, Association multiculturelle de Thunder Bay): Merci beaucoup.
Comme bon nombre des points que j'allais soulever l'ont déjà été, je vais m'en tenir à ceux qui n'ont pas été abordés.
L'Association multiculturelle de Thunder Bay est heureuse d'avoir été invitée à comparaître. C'est en tant que fournisseur de services de première ligne auprès des immigrants que je vais m'exprimer. Nous travaillons tous les jours avec des immigrants et des réfugiés. Nous tenons lieu de guichet unique et offrons aux immigrants et aux réfugiés des services d'établissement—de même que des programmes fédéraux et provinciaux dans les domaines suivants : évaluation linguistique; établissement; interprétation et traduction; bénévolat, mentorat et recherche d'emploi.
Notre organisme, bien que petit, fournit des services individualisés aux nouveaux arrivants, ce qui nous permet de les suivre tout au long du processus. En effet, nous savons comment les choses se passent dans la réalité pour les immigrants qui aspirent à une carrière professionnelle, qui cherchent du travail dans un domaine spécialisé ou qui font tout simplement leur entrée sur le marché du travail.
Par ailleurs, nous entretenons des contacts avec les employeurs qui souhaitent recruter de nouveaux arrivants au Canada, mais qui veulent être rassurés quant aux qualités, aux compétences et au niveau de scolarité que possèdent ces employés éventuels.
Nous savons qu'il y a des normes à respecter dans chacune des professions. Toutefois, certaines exigences en matière d'accréditation et de permis empêchent souvent les professionnels de travailler au Canada.
Les employeurs veulent avoir accès à un processus souple et fiable qui permet d'évaluer et de valider la formation, les compétences et l'expérience de travail des immigrants. Ils veulent un processus crédible qui leur inspire confiance. Ils nous ont même dit qu'ils aimeraient recevoir une attestation d'accréditation reconnue et normalisée qui confirmerait les titres de compétence du nouvel arrivant. Toutefois, nous savons qu'une telle mesure entraînerait des coûts énormes.
L'évaluation des titres de compétence et de l'expérience de travail doit reposer sur un processus qui suscite la confiance, qui est jugé fiable et par les entreprises et par l'industrie, et qui, en plus d'être normalisé, bénéficie de l'appui du gouvernement.
Deux facteurs, entre autres, permettent d'assurer, de manière efficace et productive, la reconnaissance des titres de compétence : la visibilité et la fiabilité. Les services chargés d'évaluer les titres de compétence doivent être plus visibles, plus standardisés et mieux connus du public. Ils doivent être reconnus par l'industrie et le gouvernement, et bien renseigner les personnes qui se trouvent toujours à l'étranger.
J'aimerais maintenant vous parler non pas de cas individuels, mais de situations qui ont été portées à notre attention. L'évaluation de la formation et de l'expérience de travail des professionnels formés à l'étranger montre que ces derniers ont des lacunes à combler. Il faudrait leur donner accès à des programmes de transition pour éviter qu'ils aient à reprendre leur études. Ces programmes leur permettraient de suivre les cours précis qui leur manquent.
C'est ce que l'on fait dans certaines professions comme l'architecture et la comptabilité, entre autres. Il faudrait normaliser encore davantage le processus. L'élaboration de programmes de transition efficaces passe par la collaboration entre les collèges, les universités et les organismes de réglementation. La négociation d'accords de réciprocité et d'ententes d'arrimage entre pays, institutions et organismes de réglementation serait également utile. La terminologie, les exigences, la description des programmes de cours, la durée de la formation, l'internat, le placement, la résidence sont toutes des questions sérieuses qui doivent faire l'objet de discussions.
On a beaucoup parlé de la nécessité d'offrir des renseignements justes et précis à ceux qui sont déjà au Canada. Or, il serait également intéressant de voir comment ces renseignements sont transmis à ceux qui se trouvent toujours à l'étranger. Il est vrai que l'Internet constitue une importante source d'information pour de nombreuses personnes. Toutefois, les renseignements qu'il contient doivent être uniformes, exacts et fiables.
Je sais que le sujet n'est pas toujours évident, mais nous sommes préoccupés par ce que les agents... les personnes qui en représentent d'autres au sein du processus d'immigration, ceux qui offrent des services à l'étranger, donnent comme information aux nouveaux arrivants avant qu'ils ne s'installent au Canada. S'ils exigent d'être payés pour leurs services, ils vont fournir des renseignements peu crédibles parce qu'ils vont essayer d'encourager quelqu'un à immigrer au Canada. Comment pouvons-nous réglementer ce genre d'activité? Je ne le sais pas.
À (1025)
Le processus d'accréditation et d'évaluation intéresse également les réfugiés. Je sais qu'il a surtout été question aujourd'hui des immigrants indépendants, des personnes qui envisagent de s'installer au Canada et qui possèdent les ressources nécessaires pour le faire. Or, nous nous occupons également de réfugiés qui n'ont pas le choix, qui n'ont pas en main tous les documents nécessaires quand ils arrivent. Ils sont ici à titre de réfugiés politiques. Ils n'ont pas accès aux pays dans lesquels ils ont peut-être travaillé, ou encore aux établissements d'enseignement où ils ont fait leurs études. Or, nous devons pouvoir procéder à une évaluation crédible de leurs compétences, par exemple au moyen d'un examen de reconnaissance des acquis et d'un stage, ou encore à une évaluation de leurs connaissances et de leur expérience de travail. Comment pouvons-nous effectivement évaluer leurs titres de compétences, leur formation, leur expérience, leurs qualités? De nombreux réfugiés se trouvent dans cette situation. Il ne faut pas partir du principe qu'ils sont sans scolarité. Ce n'est pas toujours le cas.
Ce que nous aimerions proposer, entre autres, c'est la mise en place d'un processus cohérent et normalisé d'évaluation des titres de compétences, un processus accessible à tous les réfugiés, peu importe leur situation économique. Il est surtout question ici de réfugiés qui arrivent avec peu d'argent dans les poches, qui n'ont comme seul bagage non pas leurs économies, mais les quelques effets qu'ils réussissent à mettre dans une valise avant d'entamer leur voyage jusqu'ici en toute sécurité.
Parmi les autres recommandations que nous formulons, mentionnons : l'adoption d'une approche coopérative appuyée ou entérinée par le gouvernement, l'industrie, les organismes de réglementation, les établissements d'enseignement et peut-être les employeurs; l'élaboration et la validation d'examens de reconnaissance des acquis et la mise sur pied d'un processus pour évaluer la formation et l'expérience de ceux qui arrivent sans documents; la diffusion de renseignements précis à l'étranger; et l'instauration de programmes de transition pour ceux qui doivent compléter leur formation en vue de répondre aux normes canadiennes.
Il y a une autre question qui mérite d'être abordée : la formation linguistique avancée—l'enseignement de l'anglais à des fins précises ou à des fins professionnelles. Nous savons que des cours d'anglais de niveau très avancé sont offerts. Toutefois, il serait utile de prévoir des cours de langue anglaise ou encore de financer l'enseignement de l'anglais à des fins précises dans bon nombre de professions. Je pense qu'elle a également proposé que des cours de langue de niveau très avancé soient offerts.
À (1030)
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons maintenant entendre Mira Thow.
Mme Mira Thow (membre, Conseil d'administration, Services canadiens d'assistance aux immigrants juifs): Merci beaucoup.
Je représente les Services canadiens d'assistance aux immigrants juifs, un organisme national qui, depuis 1922, aide les immigrants à s'établir au Canada. Nous oeuvrons dans ce domaine depuis longtemps. Nous avons été témoins des changements qui se sont produits au fil des décennies. Les problèmes d'établissement, dans les années 40 et 50, étaient peut-être attribuables à la discrimination, mais aujourd'hui, comme l'ont indiqué mes collègues, ils sont souvent liés à la la reconnaissance et à l'accréditation des compétences.
Vous devez, en tant que comité, servir l'intérêt public et faire en sorte que les exigences touchant les titres de compétence et les normes professionnelles sont respectées. Toutefois, vous devez reconnaître, en même temps, que ces obstacles sont souvent artificiels. Il est vrai que les organisations non gouvernementales et les immigrants eux-mêmes ont un rôle à jouer en matière de perfectionnement. Mais le gouvernement fédéral aussi, en raison de divers facteurs, comme la diversité, les compétences provinciales, ainsi de suite. Voilà pourquoi nous encourageons ce dernier à mettre sur pied un centre d'information ou un organisme national qui serait en mesure d'offrir des services d'évaluation et de reconnaissance des titres de compétence aux groupes d'employeurs, aux associations syndicales, aux organisations professionnelles et aux corps de métiers, certains exigeant des permis, d'autres non.
Le comité pourrait peut-être jeter un coup d'oeil du côté de l'Australie, qui a mis sur pied un organisme national appelé le National Office of Overseas Skills Recognition. On peut y accéder via le site Web. Avant d'arriver au Canada, les gens peuvent demander une évaluation de leur niveau de scolarité et de leurs compétences. Il ne s'agit là que d'un exemple parmi d'autres. Il existe, au sein de l'Union européenne, des centres qui fournissent des services de ce genre. Les États-Unis offrent aussi, dans une moindre mesure, de tels services par le biais d'un organisme national.
Donc, malgré les différences régionales, le fait d'avoir un organisme national a ceci d'avantageux : il peut proposer des normes, fournir des ressources et aider les employeurs et les établissements d'enseignement à mettre sur pied leurs propres systèmes d'évaluation.
En ce qui concerne le gouvernement fédéral, il peut intervenir en fournissant du financement et en aidant les immigrants à s'inscrire aux cours de formation qui leur permettront de combler leurs lacunes. Il peut également aider les employeurs à mettre sur pied des programmes de mentorat sur les lieux de travail. Grâce à des initiatives de ce genre, beaucoup de choses peuvent être accomplies.
J'aimerais maintenant vous expliquer comment nous sommes arrivés à la situation actuelle. Comme mon collègue Bob Silver l'a si bien indiqué, les professionnels arrivent au Canada comme ingénieurs et sont incapables de trouver un emploi dans leur domaine. Depuis 2002, la Loi sur l'immigration établit une norme et attribue des points en fonction d'un niveau de scolarité élevé. Elle encourage les professionnels titulaires de maîtrises et de doctorats, par opposition aux travailleurs spécialisés, à se qualifier. Nous avons donc des gens fort intelligents et doués qui viennent s'installer ici, sauf qu'ils ne sont pas en mesure de s'adapter aussi facilement que les travailleurs spécialisés.
Or, si nous avions un système qui offrait des bonis aux travailleurs spécialisés, nous serions en mesure d'attirer un plus grand nombre de personnes qui seraient capables de s'intégrer. Prenons l'exemple d'un technicien roumain qui se spécialise dans la réparation de photocopieuses. Compte tenu de la mondialisation du marché, cette compétence serait considérée comme étant fort utile et transférable au contexte canadien. Or, cette personne n'obtiendrait pas de points en vertu du système actuel parce qu'elle ne possède pas de baccalauréat, de maîtrise ou de doctorat. Notre système ne reconnaît pas les compétences de ce genre, la note de passage favorisant les personnes qui ont un niveau de scolarité élevé, d'où le problème auquel nous sommes confrontés aujourd'hui.
À (1035)
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer aux questions.
Monsieur Mark, pour un premier tour de sept minutes.
M. Inky Mark: Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier les témoins d'être venus nous rencontrer. Je sais que les Manitobains sont fiers du rôle qu'ont joué les immigrants dans leur province, car il bien question ici d'immigration. Toute notre histoire repose, en fait, sur l'immigration. La grande ville de Winnipeg tient, tous les ans, un festival multiculturel dont elle est très fière et qui est unique au Canada. Il y a des célébrations multiculturelles dans toutes les régions de la province.
Je sais que les Manitobains ont présent à l'esprit le rôle joué par les immigrants. Je tiens à dire que vous faites tous de l'excellent travail, vous qui les aidez à s'installer ici. M. Silver a raison. Ils sont peu nombreux les Manitobains qui ne sont pas des immigrants de la deuxième ou de la troisième génération. Je fais partie de ce groupe. Je suis arrivé au Canada il y a près de 50 ans. Malheureusement, à l'époque, il n'y avait pas de programmes d'aide. C'est grâce à la communauté que nous avons pu, ma jeune soeur et moi, nous intégrer si rapidement. Quand nous sommes arrivés, nous ne connaissions pas la langue. Nous ne savions pas comment dire bonjour. Nous sommes descendus du bateau... en fait, nous ne sommes pas arrivés par bateau, mais par train.
Voici la question que j'aimerais vous poser. Nous n'avons pas de système national d'évaluation. Ce genre de système présente toujours des avantages et des inconvénients, et à l'heure actuelle, nous n'en avons pas. J'ai toujours dit que c'était à cause du manque de volonté—si le mot « volonté » est juste—des organisations professionnelles nationales. Est-ce là une bonne chose?
Ma deuxième question est la suivante : l'évaluation devrait-elle se faire à l'interne ou à l'externe? Est-ce que les titres de compétence devraient être évalués à l'externe, c'est-à-dire à l'étranger, ou au Canada? Cela crée toutes sortes de problèmes.
Mme Faye Rosenberg-Cohen (directrice de la planification, Jewish Federation of Winnipeg/Combined Jewish Appeal): Nous ne sommes pas un organisme d'accréditation, mais vous en avez un, ici, qui s'est prononcé sur le sujet. Le Manitoba a organisé quelques tables rondes sur la reconnaissance des titres de compétence et la façon d'améliorer le processus. J'ai participé à l'une d'entre elles. J'étais assise à côté d'une personne qui représentait une association professionnelle dont elle était l'unique employée. Au lieu de produire le bulletin de nouvelles de l'association et de faire le travail qu'elle serait normalement tenue d'accomplir au cours de l'année, elle consacrait tout son temps à l'examen des cinq demandes d'évaluation des titres de compétences qu'elle avait reçues.
Donc, nous devons reconnaître, entre autres, que les associations professionnelles nationales ne sont pas toutes des organisations imposantes et très influentes. Elles manquent peut-être de compétences ou de connaissances, d'où la nécessité d'élaborer de nouvelles méthodes d'évaluation et de reconnaissance des acquis, un processus d'ERA, comme Karen l'a mentionné.
Nous devons adopter une approche nouvelle et non pas dire : « Nous reconnaîtrons vos titres quand vous obtiendrez un diplôme de l'un de nos établissements. » Pour y arriver, les organisations vont avoir besoin d'aide, d'informations, de ressources, de personnes qui savent comment procéder—qui non seulement connaissent la profession, mais savent comment effectuer ce genre d'évaluation. Dans bien des cas, ces organisations ne possèdent pas les compétences ou les ressources financières voulues pour développer cette expertise et mettre au point les méthodes qui vont leur permettre de le faire.
Vous voulez savoir si l'évaluation devrait être effectuée à l'étranger. Je ne crois pas qu'on puisse tout faire à l'étranger, mais il y a des projets pilotes, des modèles qui semblent donner de très bons résultats. J'ai entendu dire qu'il y a des personnes qui subissent des examens écrits à l'ambassade de Buenos Aires, ce qui leur permet d'entamer le processus plus tôt. Cela n'aide pas nécessairement les réfugiés—il faudrait que ce genre de service soit offert localement—, mais les personnes qui peuvent s'organiser, disons, un an à l'avance, peuvent y trouver leur compte puisqu'elles n'ont pas à quitter leur emploi et à s'installer ici avant d'enclencher le processus.
À (1040)
Le président: Madame Dunlop.
Mme Karen Dunlop: J'aimerais aborder certains volets de vos questions. Vous voulez savoir, entre autres, si nous devons créer un organisme national qui aurait pour mandat d'évaluer les titres de compétence.
Nous ne sommes pas en faveur de la création d'un tel organisme, parce que les professions, au Canada, sont réglementées à l'échelle provinciale. Bien qu'il existe des accords de reconnaissance mutuel, des différences subsistent aux niveaux provincial et régional. Nous respectons ces différences, mais nous imposons quand même des exigences de base similaires pour faciliter la mobilité des travailleurs.
Par ailleurs, comme les employeurs sont implantés dans les provinces, il serait logique que l'évaluation des titres de compétence se fasse à l'échelle provinciale. Toutefois, il serait également logique, et plus économique, de procéder à l'évaluation des titres de compétence dans la province où la personne compte s'installer et travailler. Voilà à quoi nous faisons allusion quand nous parlons de mettre sur pied un programme régional d'évaluation et de reconnaissance des acquis, un programme en vertu duquel la formation et l'expérience acquises à l'étranger peuvent être évaluées.
Nous sommes un organisme de petite taille. Il existe des organismes de réglementation plus grands, des organismes qui réglementent la profession infirmière, et des organismes de réglementation plus petits qui peuvent avoir accès à des ressources pour procéder à la reconnaissance de la formation ou à l'évaluation des titres de compétence. Je pense, par exemple, au International Qualifications Assessment Service, qui est situé en Alberta.
La formation représente une exigence réglementaire parmi d'autres. Or, il n'existe pas, à l'heure actuelle, de mécanismes qui permettent d'évaluer les connaissances et les compétences acquises grâce au travail. Ces mécanismes s'imposent. De nombreuses personnes acquièrent, dans le cadre de leur travail, des compétences qu'elles ne possédaient pas au moment de quitter l'établissement d'enseignement. Mais elles les possèdent aujourd'hui, et ces compétences doivent être reconnues.
À notre avis, les évaluations des titres de compétence peuvent toutes être effectuées à l'échelle locale parce qu'elles reposent sur des documents. La formation et l'expérience de travail peuvent être évaluées au moyen d'attestations. La loi nous permet de reconnaître le niveau de scolarité et d'expérience sur présentation de diverses attestations, et non seulement sur présentation de documents officiels, comme des diplômes, qui peuvent ou non être obtenus, selon que l'établissement existe encore ou non. Nous sommes en mesure d'effectuer ces évaluations, mais en même temps, nous devons faire en sorte que la personne qui présente une demande possède les compétences voulues et est en mesure de le démontrer.
Il y aura toujours des personnes qui n'auront rien, aucun document, et qui devront s'installer ici. Ce sont habituellement des réfugiés. Ils ne souhaitent pas être assujettis au processus en vigueur dans leur pays d'origine, ou ne sont pas en mesure de l'être. Ils doivent venir ici. Il existe des mécanismes, à l'échelle locale, qui permettent d'évaluer les compétences des personnes qui participent, par exemple, à des programmes hospitaliers.
Pour ce qui est de créer un organisme nationale qui serait chargé d'évaluer les titres de compétence, nous ne pensons pas qu'un tel organisme est nécessaire. Toutefois, nous jugeons utile de faire subir des examens écrits à l'étranger. Nous avons besoin de ressources pour aider les personnes qui peuvent subir cet examen dans leur pays d'origine en toute sécurité, et aussi pour évaluer leurs connaissances, leurs compétences et leur expérience, chose difficile à faire pour l'instant.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Clavet.
[Français]
M. Roger Clavet: Merci, monsieur le président.
J'aimerais poser une question à Mme Dunlop, de l'Ordre des infirmières et des infirmiers du Manitoba. D'abord, je la félicite et la remercie pour la qualité de sa présentation.
Au Bloc québécois, nous sommes aussi d'accord qu'un secrétariat national ne serait pas la solution, d'autant plus que ce serait de compétence provinciale.
Je remarque qu'elle insiste beaucoup, dans sa présentation, sur les compétences linguistiques. J'aimerais poser une question sur la compétence linguistique en français au Manitoba; il y a un besoin à l'hôpital Saint-Boniface et dans d'autres endroits.
Est-ce que l'Ordre des infirmières et des infirmiers du Manitoba, en plus de reconnaître et de demander des compétences linguistiques en anglais, s'intéresse aussi à la problématique francophone au Manitoba en ce qui concerne la reconnaissance des compétences linguistiques des infirmières et des infirmiers étrangers?
À (1045)
[Traduction]
Mme Karen Dunlop: Le College of Registered Nurses of Manitoba reconnaît les compétences qu'une personne possède dans l'une ou l'autre des langues nationales ou les deux. Toutefois, si une personne identifie l'anglais comme principale langue de communication et si elle choisit de subir son examen et de travailler dans cette langue, nous allons mettre l'accent sur ses compétences en anglais. Nous reconnaissons également les compétences en français. Toutefois, sauf pour ce qui est de l'hôpital Saint-Boniface et de deux ou trois autres petits établissements, la plupart des personnes choisissent de subir l'examen en anglais.
M. Roger Clavet: J'aimerais poser une question supplémentaire.
[Français]
Elle porte sur le nombre d'infirmières et d'infirmiers certifiés, soit 11 500.
De ce nombre, quelle est la proportion d'infirmières et d'infirmiers immigrants ou d'origine étrangère?
[Traduction]
Mme Karen Dunlop: Je dois vérifier les statistiques.
M. Roger Clavet: Vous pouvez me donner un chiffre approximatif.
Mme Karen Dunlop: C'est très... Puis-je vous répondre plus tard?
M. Roger Clavet: Oui, vous le pouvez, sans problème. Nous souhaitons simplement savoir...
Mme Karen Dunlop: La grande majorité ont fait leurs études au Canada, mais le nombre de ceux qui les ont faites à l'étranger va croissant, d'où la raison de ma présence ici aujourd'hui. Le problème prend de plus en plus d'ampleur, et nous jouons un rôle plus actif parce que les nombres augmentent. Nous estimons qu'il est de notre responsabilité d'assumer un rôle plus actif lorsque le nombre s'accroît. Bien qu'il demeure relativement faible, il s'accroît chaque année, de sorte que notre responsabilité croît proportionnellement.
[Français]
M. Roger Clavet: J'aurais une autre question, cette fois pour Mme Woodbeck, de l'Association multiculturelle de Thunder Bay. Elle porte sur l'approche coopérative que vous avez mentionnée et qui serait une avenue de solution en ce qui concerne les immigrants et les réfugiés à Thunder Bay. D'ailleurs, je vous remercie d'avoir parcouru la distance entre Thunder Bay et Winnipeg. Je sais que ce n'est pas à côté, et nous apprécions votre présence ici.
Est-ce que l'approche coopérative à l'Association multiculturelle de Thunder Bay pourrait prévoir des coopérations avec l'Université Lakehead, avec les industries de Thunder Bay? L'approche coopérative est-elle, en général, celle que vous favorisez, même avec des institutions universitaires comme l'Université Lakehead, ce qui pourrait être aussi une avenue de solution pour les immigrants et les réfugiés?
[Traduction]
Mme Cathy Woodbeck: Le problème qui nous occupe, la réalité que nous constatons, c'est que les nouveaux venus finissent par être obligés de transiger eux-mêmes avec les universités, les organismes de réglementation, le gouvernement et les organismes d'établissement. Nous avons tenté de le faire pour eux, à une échelle réduite, à Thunder Bay. Au sein du comté consultatif et des comités d'étude dont nous faisons partie, sont aussi présents l'université et le collège Confederation. Nous avons obtenu la participation des associations professionnelles qui se trouvent dans la ville. Nous travaillons avec les ingénieurs, les comptables et, à ce stade-ci, les architectes, parce que nous avons des nouveaux venus qui sont membres de ces professions.
Notre université utilise un processus de reconnaissance des titres de compétence qui a de multiples facettes, qui comporte de nombreuses étapes. C'est un processus long et très coûteux. Nous estimons qu'un regroupement de toutes ces associations, des universités, du gouvernement—en somme, de la coopération—serait efficace. À l'échelle interprovinciale, je n'en sais rien, mais dans notre ville même, la formule semble bien fonctionner. C'est un petit centre, de sorte qu'il est possible d'établir des liens de coopération.
Nous semblons être l'association qui établit les ponts. Nous sommes l'organe qui laisse savoir aux nouveaux venus ce qui s'est produit dans le dossier. Nous laissons savoir à l'université ce que sera sa contribution à cette étape. Nous informons l'organe de réglementation des mesures qu'il doit prendre.
Nous prévoyons qu'une action concertée serait possible si chacun de ces organes savait comment faire; il y aurait une certaine dimension coopérative. J'espère que cela pourrait se concrétiser au niveau national, mais peut-être que ce ne sera pas le cas parce que, si j'ai bien compris, les provinces ont chacune leurs règlements et leurs restrictions. Je crois que la clé serait que, dans chaque province, les institutions coopèrent avec les organes de réglementation, les organismes d'établissement et le gouvernement provincial.
À (1050)
[Français]
M. Roger Clavet: Ma prochaine question sera la dernière. Elle s'adresse à M. Silver. Je sais qu'il éprouve beaucoup de frustration quand il parle des ingénieurs qualifiés, compétents qui sont employés comme porteurs de journaux
[Traduction]
pour le Free Press. Cela aurait pu être pire. Il aurait pu s'agir d'un autre journal.
J'aimerais simplement savoir si vous vous sentez aussi frustré que nous tous de voir des personnes aussi qualifiées si mal utilisées. Que faudrait-il faire, en tant que parlementaires, à ce stade-ci?
M. Bob Silver: La frustration est énorme. J'ai eu l'occasion, dans mon entreprise du secteur du vêtement, d'engager un dentiste pour travailler dans l'entrepôt. Ce n'est pas moi qui est frustré, parce que j'obtiens un excellent travailleur. Lui, par contre, se sent lésé.
En vue d'atténuer certaines de ces préoccupations, nous avons offert des cours d'anglais langue seconde pendant quatre, cinq, six ou sept années. Nous avons fait ce que nous pouvions.
Je ne suis pas seul dans ma bulle de frustration. Un des grands obstacles à la croissance économique identifiés par un autre groupe avec lequel je travaille, Destination Winnipeg, et par le conseil consultatif du premier ministre en matière économique est le manque de main-d'oeuvre qualifiée ici, au Manitoba. D'une part, vous avez des employeurs qui se plaignent du manque de main-d'oeuvre qualifiée, ce qui nuit à leur croissance, et d'autre part, vous avez cette main-d'oeuvre qualifiée qui essaie d'entrer sur le marché du travail et qui est très frustrée. La plupart du temps, elle n'a pas les moyens financiers d'attendre un, deux ou trois ans pour entrer au pays, obtenir des fonds pour financer sa formation et y consacrer tout le temps voulu.
Pendant que le dentiste exécutait les commandes dans mon entrepôt, il suivait des cours du soir en anglais et en dentisterie pour obtenir l'agrément professionnel. Ces gens ne sont pas pour moi une source de frustration. Au contraire, j'aimerais bien que mon fils leur ressemble.
Il y a beaucoup de frustration, effectivement.
[Français]
M. Roger Clavet: Mais comme entrepreneur, est-ce que vous embauchez des immigrants?
[Traduction]
Engagez-vous des immigrants?
M. Bob Silver: Bien sûr.
Je déteste les idées préconçues, mais si j'avais à choisir comme main-d'oeuvre entre des immigrants et des non-immigrants, les premiers l'emporteraient.
[Français]
M. Roger Clavet: Merci, monsieur Silver
[Traduction]
Le président: Je vous remercie.
Monsieur Siksay.
M. Bill Siksay: Je vous remercie, monsieur le président.
J'aimerais remercier tous les témoins de leurs exposés de ce matin. Ils sont très utiles.
J'aimerais revenir à toute cette question du sentiment de frustration qu'éprouvent ces personnes, et croyez-moi, le comité en a entendu parlé d'autres organismes d'établissement. Une chose en particulier m'a frappé, soit le genre de colère qu'ont à leur endroit certains de leurs clients en raison des diverses mesures de sécurité prises dans les salles d'entrevue, des boutons d'appel au secours et ainsi de suite. En effet, les gens ont dépassé le stade de la frustration. Ils sont maintenant très en colère.
Je commence à m'interroger au sujet de la façon dont nous avons structuré notre programme de l'immigration et à me demander si nous ne cherchons pas à attirer les mauvaises personnes, comme l'ont dit Mme Thow et d'autres témoins au cours des dernières semaines. Dans le même contexte, nous avons entendu dire que les personnes qui immigrent au Canada dans la catégorie du regroupement familial ont tendance à être plus heureuses, même si elles ont des emplois moins rémunérateurs, parce qu'elles ont le soutien de la famille et parce que leurs attentes étaient différentes à leur arrivée au Canada.
Je me demandais simplement si les témoins pouvaient me dire s'ils croient que notre programme de l'immigration est un échec total, en ce sens que nous encourageons des personnes très instruites à venir s'installer ici, mais que nous semblons incapables de leur trouver une place dans notre société. Nous ne semblons pas pouvoir répondre à leurs attentes, une fois qu'ils sont ici, et pourtant nous maintenons le rapport de 60 contre 40, c'est-à-dire de 60 p.100 d'immigrants provenant de la catégorie des immigrants économiques et de la main-d'oeuvre qualifiée et de 40 p. 100 de réfugiés et de la catégorie du regroupement familial. Ce ratio correspond-il encore à la manière dont il faudrait intégrer et établir ces gens dans notre société ou devrions-nous le changer? J'aimerais avoir l'opinion de chacun d'entre vous.
À (1055)
Mme Mira Thow: Cela faisait partie d'une nouvelle politique qu'a adoptée le ministère de l'Immigration pour attirer ce qu'il appelle les meilleurs et les plus intelligents. Nous avons certainement besoin de travailleurs très intelligents dans le secteur de la technologie. Cependant, comme vous l'avez dit vous-même, nous excluons les travailleurs qualifiés parce que, dans le cadre du programme fédéral, ils ne peuvent satisfaire aux exigences en matière d'instruction. Il faut donc essayer d'en arriver à un équilibre.
Parallèlement, nous tenons à encourager les gens brillants à venir ici. Quand je parlais d'un groupe national, je ne parlais pas d'un groupe qui ferait lui-même l'évaluation des titres de compétence. Je crois que Faye Rosenberg-Cohen l'a très bien exprimé. Il existe de nombreuses associations professionnelles et syndicales, qu'elles exigent ou non un permis de pratique, qui n'ont pas les ressources ou les moyens de mettre sur pied des systèmes de reconnaissance des compétences. Un organe national peut leur fournir ce soutien et faire appel à l'externe. Il existe de nombreux organismes. Nous avons des organismes privés d'évaluation des titres de compétence qui sont essentiellement des rejetons des États-Unis et d'entreprises établies au Canada. Nous pouvons les utiliser. Cependant, même dans le cadre de notre régime fédéral-provincial, un organe national aurait un rôle à jouer.
Pour en revenir à l'équilibre du ratio, cette règle du 60-40, de toute évidence, on a décidé à un moment donné de choisir nos immigrants. Dans la catégorie du regroupement familial, on estime que c'est la famille qui se choisit plutôt que le Canada qui essaie de choisir les meilleurs et les plus instruits. Donc, si nous souhaitons maintenir cette politique, il faut avoir en place des organismes qui évaluent les titres de compétence à l'avance, des systèmes de reconnaissance des compétences qui intègrent ces gens pour qu'ils n'aient pas à faire face à toutes ces frustrations. De nombreuses études ont été menées sur les difficultés et les frustrations auxquelles chacun fait face. Il faut mettre en place ces ressources et ne pas le faire uniquement pour les besoins du moment.
C'est ce que font les États-Unis et l'Australie. En fait, les États-Unis absorbent une grande partie de nos travailleurs très qualifiés—surtout en informatique—parce qu'ils ont mis sur pied des systèmes de reconnaissance des titres de compétence acquis à l'étranger auxquels nous n'y comprenons absolument rien. Des gens arrivent de l'Inde bardés de diplômes, et nous ignorons tout de leur signification. Les employeurs n'ont aucune idée de la valeur de ces diplômes. Les États-Unis ont mis sur pied un système en vue d'informer les employeurs. Ainsi, ils sont capables de leur dire ce que représente le diplôme de telle université par rapport à un diplôme de Harvard, de Yale. Les employeurs sont donc plus enclins à engager quelqu'un parce qu'ils savent que ses compétences sont transférables. C'est là un aspect important si nous souhaitons attirer la crème de la crème.
M. Bob Silver: Tant le Québec que le Manitoba ont conclu des ententes avec le gouvernement du Canada qui correspondent assez bien à la réalité par rapport aux autres provinces. Les programmes de candidats sont une façon très réussie de faire correspondre les compétences requises avec les emplois disponibles dans la province. Je félicite vraiment les deux gouvernements provinciaux et le Canada de l'avoir fait.
Ce sont là des méthodes qui peuvent être élargies et qui représentent d'excellentes façons de travailler. Toutefois, il est question d'aujourd'hui. La province déterminera le pourcentage, se débattra avec cette formule du 60-40 dont vous avez parlé. Au Manitoba, la frustration, même dans le cadre de ce programme éclairé, représente une perte de temps, et le temps, c'est de l'argent.
J'aimerais faire une autre observation parce qu'une des questions que nous avions prévues était de savoir quels étaient les coûts et les défis de la mise en place de processus, d'une augmentation des services, tant ici qu'à l'étranger. On ne peut le faire à un endroit sans le faire ailleurs. Il faut absolument le faire au Canada et ailleurs. J'aimerais vraiment vous faire comprendre qu'il ne s'agit pas là de coûts, mais bien d'un investissement dans notre avenir. Si le pays voit de pareilles mesures comme un coût, la partie est perdue d'avance.
Le Canada ne va pas connaître une croissance, il ne deviendra pas ce qu'il devrait être, à moins que nous ne les voyions comme un investissement. Si vous voulez les voir comme un coût, pesez-le bien en fonction de ce qu'il nous en coûtera si nous n'adoptons pas de pareilles mesures.
Je vais vous raconter une petite anecdote. J'ai un associé qui achète beaucoup de produits de la Chine, ces temps-ci—ainsi va la vie. Je lui faisais visiter Winnipeg en automobile par un beau samedi ensoleillé et j'étais en train de lui montrer où habitent les gens, où ils mangent et ainsi de suite. À un moment donné, il s'est tourné vers moi et m'a demandé : « Où est tout le monde? ».
Il faut absolument que le Canada ouvre ses portes à plein de bonnes gens.
Á (1100)
Le président: Je vous remercie beaucoup.
Monsieur Anderson.
L'hon. David Anderson: J'aimerais simplement faire une mise en garde. Je suis allé à Beijing il n'y a pas longtemps. Je ne crois pas que nous aimerions avoir sur nos routes, à Winnipeg, autant de véhicules qu'en compte Beijing. C'était là simplement un aparté.
Tous les témoins ont fort bien décrit le besoin d'améliorer sensiblement la reconnaissance des titres de compétence et la formation au Canada. Cependant, j'aimerais qu'on recule un peu et qu'on revienne à un point dont ont parlé brièvement Karen et d'autres au sujet du rôle à l'étranger. Que donne-t-on comme information aux personnes à l'étranger—ces personnes qui ont les compétences recherchées, la crème de la crème? Que leur dit-on au sujet du Canada?
Il est possible de diffuser une certaine partie de l'information par l'intermédiaire du gouvernement, mais la plupart des personnes qualifiées dans certains pays que je connais un peu ont tendance à recourir à des consultants en immigration pour accélérer le processus. Elles vivent au sein de sociétés où l'accès direct au gouvernement n'est pas aussi facile que de passer par un intermédiaire, par quelqu'un qui graisse la patte et en quelque sorte accélère tout le processus. Il existe donc là-bas une tendance culturelle à utiliser des consultants en immigration.
Si l'on veut généraliser à outrance, bon nombre de ces consultants ne disent pas toute la vérité et rien que la vérité au sujet des possibilités qu'offre le Canada. Le point a son importance parce que certaines de ces personnes dont il est question, cette crème de la crème, sont incapables de se trouver un emploi réel et satisfaisant au Canada, quelle que soit la formation que nous offrons et peu importe la manière dont nous reconnaissons les titres de compétence. Ce n'est pas ce qui fait obstacle. C'est plutôt le fait qu'on les induit en erreur au sujet des possibilités ici. Ils arrivent au Canada, ne réussissent pas à s'établir et passent donc aux États-Unis, dans le Silicon Valley ou ailleurs.
J'aimerais que ceux qui ont de l'expérience dans le domaine, comme Cathy et Karen—en fait, tous les témoins d'aujourd'hui—, me disent si, selon eux, la source du malentendu est liée aux consultants? Est-ce une méconnaissance générale du Canada qui leur vient des médias? Sont-ce des informations erronées au sujet du Canada qui leur viennent d'anciens immigrants? Est-ce peut-être un problème que nous pourrions corriger en améliorant l'information diffusée par le gouvernement du Canada?
Mme Cathy Woodbeck: J'aimerais répondre à cette question et répondre aussi à votre question au sujet de notre frustration quand des clients nous arrivent, des nouveaux venus, et nous disent qu'on les a trompés. Ils ne disposent d'aucun recours. Ils n'ont aucun recours contre les consultants en immigration auxquels ils ont fait appel dans leur pays d'origine.
Pour les consultants en immigration, c'est une industrie qui rapporte. Ils ne vont certainement pas conseiller à leur client de ne pas émigrer dans tel pays, de ne pas s'en donner la peine, parce qu'à ce moment-là, ils ne feront pas d'argent. Ils induisent certes les nouveaux venus en erreur en leur disant qu'il y a des emplois ici. Ils utilisent des données statistiques concernant le nombre de nouveaux venus qui immigrent ici et se trouvent un emploi dans leur domaine. Ils ne leur parlent pas de ceux qui n'en n'ont pas trouvé. Ces clients aboutissent dans nos bureaux très frustrés, très en colère. Ils rencontrent alors des travailleurs des organismes d'aide à l'établissement qui n'ont pas vraiment beaucoup à leur offrir. Le problème est grave.
Je ne crois pas que d'anciens immigrants leur fournissent de mauvaises informations, parce que ceux qui arrivent au Canada et qui ont habité ici connaissent la véritable situation. L'information qu'ils renvoient chez eux est un reflet de la réalité. Ils sont honnêtes, et ils disent bien que tout n'est pas aussi rose, prospère et favorable qu'on leur a dit.
Je ne crois pas non plus que les médias sont à blâmer. Il faut transmettre l'information aux éventuels immigrants pendant qu'ils sont encore dans leur pays d'origine grâce à un portail ou à un site Web. Je sais qu'en Ontario, le site Web « settlement.org » est fabuleux et fournit de la véritable information. On peut voir que les utilisateurs viennent de partout dans le monde. Les nouveaux venus consultent ce site avant d'arriver ici.
Tout cela n'empêche pas les consultants en immigration d'être une préoccupation, cependant.
Á (1105)
Le président: Madame Dunlop.
Mme Karen Dunlop: Plutôt que de se concentrer sur ce que les consultants d'immigration font ou ne font pas, il faudrait trouver un moyen fiable de communiquer l'information aux éventuels immigrants pendant qu'ils se trouvent encore dans leur pays d'origine. L'information qui circule actuellement au sujet du Canada est d'ordre plutôt général. Si nous avions un point centralisé ou ce que nous appelons un point d'accès central où se trouverait toute l'information non seulement au sujet des permis ou des compétences, mais également des possibilités d'emploi, d'éventuels employeurs ou de questions d'établissement, ces éventuels immigrants seraient bien plus en mesure de faire un choix éclairé.
Il arrive parfois qu'il n'y ait pas de correspondance entre les compétences que l'on a et la découverte d'un emploi. Ce n'est peut-être pas tant que les compétences ne sont pas reconnues que le fait que le marché de l'emploi est saturé pour un certain niveau de compétence, de sorte qu'ils doivent soit retourner à l'université ou se recycler. C'est très frustrant quand l'information dont on disposait était exacte, qu'on arrive ici avec des compétences et des titres de compétence reconnus et qu'on n'a rien à faire. Les possibilités sont tellement fonction de la province.
Je crois donc que si nous leur offrions un meilleur accès à l'information, le recours à des consultants en immigration, qui échapperont toujours à la réglementation canadienne, diminuerait peut-être.
Mme Faye Rosenberg-Cohen: Je ne crois pas qu'il faudrait tout blâmer sur les consultants en immigration. Nous sommes un organisme de soutien communautaire auprès du programme de candidats provinciaux du Manitoba. Comme tel, nous accueillions des visiteurs qui viennent au sein de la collectivité pour se faire une idée de l'endroit avant que nous n'appuyions leur demande et avant qu'ils ne choisissent de s'établir à Winnipeg et de faire partie de notre collectivité.
Nous rencontrons toutes sortes de personnes, dont certaines qui se sont carrément fait avoir par les consultants. Ceux-ci prennent leur argent, puis leur disent de camper à notre porte et que tout s'arrangera. Nous voyons aussi des personnes qui entendent ce qu'elles veulent bien entendre parce qu'elles ont vraiment besoin de quitter l'endroit où elles se trouvent.
Je ne crois donc pas qu'il faudrait faire porter tout le blâme aux consultants. Je suis d'accord qu'une bonne information a beaucoup de pertinence, mais il faut tenir compte de l'autre côté de l'équation. Prenez l'ingénieur qui vient ici, qui fait reconnaître ses titres de compétence, puis découvre qu'il peut réintégrer le niveau qu'il avait atteint chez lui s'il est disposé à faire des études de sept ans et de travailler entre temps à autre chose tout en soutenant sa famille et en envoyant ses propres enfants à l'université. Il peut retrouver son niveau de vie en dix ans environ. Nous voyons des personnes qui le font, qui vivent actuellement une pareille situation. Si elles avaient pu bénéficier d'une évaluation concrète de leur cas avant de venir au Canada, on écarterait ainsi beaucoup de faux renseignements. Parfois, ce n'était pas de la fausse information. Il s'agissait plutôt d'un manque complet d'information ou d'une fausse impression.
L'autre point concerne le système de points. Si vous examinez le système de points utilisé par le fédéral ou le système tel qu'il était avant mai de l'an dernier au Manitoba, vous auriez l'impression que les immigrants que nous recherchons le plus au Canada ont un doctorat et sont des professionnels qui devront obtenir un permis d'exercice au Canada. C'est l'impression qu'on en a. C'est ainsi qu'étaient accordés les points.
Donc, si vous franchissez toutes les étapes du processus sans faire appel à un consultant, sans personne qui vous fournit des informations erronées et que vous lisez uniquement ce que nous, en tant que pays, vous fournissons, ce que vous téléchargez de notre site Web, vous aurez la fausse impression que les travailleurs dont nous avons le plus besoin ici sont des docteurs, des maîtres dans divers domaines, sauf peut-être dans certaines professions décernant des permis de pratique. Dans ces cas-là, le Manitoba dit : « Une minute. Ne faites pas de demande. Vous ne pouvez pas présenter de demande à moins d'avoir l'assurance d'un emploi à votre arrivée ». Ainsi, ils ont une entente avec des associations d'infirmières.
Donc, la fausse impression, la colère, la frustration viennent de l'idée que nous accordons des points seulement pour les niveaux les plus élevés d'instruction. Je ne saurais même vous dire comment vous prendre, mais il n'y a rien qui permet d'évaluer la motivation de quelqu'un de se rétablir, ce qui est probablement un meilleur indice de succès que le niveau d'instruction.
Le président: Merci.
Mme Mira Thow: Je suis d'accord avec Faye. Je fais partie du conseil d'administration du JIAS, mais je suis également avocate spécialisée en droit de l'immigration et je pratique à Winnipeg depuis 1988. Alors, je n'insisterais pas trop pour dire que les gens viennent ici parce que des consultants leur promettent certains emplois. Soyons réalistes. Les immigrants ne viennent pas nécessairement au Canada d'abord à cause d'une promesse d'emploi. Il y a un facteur d'incitation. Nous accueillons des gens qui doivent quitter leur pays, soit à cause de l'effondrement de l'économie ou de la guerre. Ce sont les principaux facteurs qui incitent les gens à venir au Canada.
Il est possible que certains consultants ne soient pas honnêtes, et nos agents des visas informent les immigrants qu'ils n'auront pas d'emploi et qu'ils pourraient ne pas obtenir de permis d'exercice. Toutefois, ces personnes n'ont pas d'autre choix et elles veulent venir ici. Nous voulons les accueillir en raison de leurs compétences, alors nous devons faire fi des consultants. Nous devons mettre en place une institution qui les aidera à faire reconnaître leurs compétences et à s'intégrer ici.
Comme Faye l'a dit également, notre système n'attire pas l'ouvrier qualifié. Il attire le professionnel, qui aura toutes les difficultés à s'intégrer s'il n'y a pas cette évaluation de compétences et cette aide.
Á (1110)
Le président: Il convient tout à fait de faire une distinction entre les réfugiés et les personnes qui ne sont pas des réfugiés mais qui veulent quitter leur pays. Dans mon bureau, j'ai vu des ingénieurs qui avaient quitté de bons emplois dans d'autres pays pour venir ici et qui avaient vraiment l'impression d'avoir été induits en erreur.
Je crois que ce que dit M. Siksay, c'est que nous avons entendu à Ottawa le témoignage d'une organisation qui vient en aide aux immigrants et qui a travaillé auprès de plusieurs personnes qui sont venues ici, après avoir fait un choix conscient, pour pouvoir exercer leur profession et qui se sont retrouvées dans une situation très frustrante.
En même temps, en changeant le système de points d'appréciation, il devient difficile d'avoir des ouvriers qualifiés qui ont des emplois dès leur arrivée. Il y a des besoins criants dans certains métiers spécialisés. Nous devons donc composer avec cette contradiction.
Nous essayons d'attirer les meilleurs et les plus brillants. Nous sommes en concurrence avec l'Australie, dont le système est bien meilleur que le nôtre. À un moment donné, le comité devra s'y rendre, parce qu'il semble que c'est aux Australiens qu'on nous compare et il semble qu'ils font un bien meilleur boulot que nous—dans ce domaine, du moins. Toutefois, nous devrons nous incliner devant eux, lorsqu'on dira partout que les choses ne sont pas ce qu'elles semblent être au Canada.
Remarquez que dans le dernier budget, nous avons annoncé la mise sur pied d'un portail au coût de 20 millions de dollars, qui nous permettra, espérons-le, de diffuser l'information. Toutefois, la concurrence est féroce et nous devons décider de ce que nous voulons. Nous ne pouvons pas envoyer des messages ambigus.
M. Bob Silver: En tant qu'entrepreneur, j'ai eu des expériences absolument horribles avec des consultants en immigration et ce sont d'excellents avocats spécialisés en droit de l'immigration qui m'ont tiré d'affaire.
Je ne crois pas que nous pouvons faire fi du problème aussi facilement. Selon mes expériences, je dirais que ces personnes, puisqu'elles sont en Chine, sont des passeurs. Je crois qu'il faut être prudent. Selon moi, vous ne pouvez pas ignorer la chose, parce que si c'est la première fenêtre que les gens voient du Canada, ce n'est pas la bonne. Je crois que ce serait beaucoup plus facile de devenir un consultant en immigration qu'une infirmière au Canada, quand on vient d'un autre pays. Je crois que la prudence s'impose.
Le président: Je crois qu'un certain système de permis a été mis en place, mais ce n'est pas nécessairement utile en Chine.
Nous allons poursuivre avec Mme Woodbeck.
Mme Cathy Woodbeck: J'aimerais simplement répondre au commentaire sur le portail. À la lumière des discussions que j'ai eues avec l'administration centrale de Citoyenneté et Immigration Canada à ce sujet, je crois qu'on est dans la bonne voie, d'autant plus que des fonds ont été prévus à cet effet dans le dernier budget. À mon avis, le portail national doit aussi comporter des liens vers les sites des provinces pour qu'on puisse obtenir des renseignements pertinents à chacune d'entre elles, ou du moins à quelques-unes, que ce soit l'Ontario ou le Manitoba, parce que le portail ne pourra pas présenter la réglementation ou les statistiques sur l'emploi de chaque province.
Á (1115)
Le président: Nous écoutons Mme Grewal.
Mme Nina Grewal: Merci, monsieur le président, et merci à tous pour votre temps et vos exposés; nous avons beaucoup appris.
Lorsque des personnes immigrent ici, leurs diplômes sont reconnus par le système de points d'appréciation; toutefois, à leur arrivée, ils ne sont pas reconnus et ces immigrants doivent occuper toutes sortes de petits emplois. Leurs compétences sont sous-utilisées. À votre avis, quels sont les obstacles à la reconnaissances des titres de compétences étrangers? Comment pouvons-nous les surmonter? Comment faire pour que notre système soit plus efficace et plus viable pour nos nouveaux immigrants?
Mme Karen Dunlop: Je vais répondre à cette question.
Je crois qu'il faut reconnaître... cerner les exigences pour l'obtention d'un permis avant même qu'ils arrivent ici. Il faut pouvoir reconnaître leurs compétences dans un sens large, pour tenir compte non seulement du diplôme universitaire, mais aussi de l'expérience de la personne. C'est de cette évaluation et de cette reconnaissance des acquis dont j'ai parlé.
Lorsqu'une personne a les capacités voulues pour obtenir un permis d'exercice—et, dans notre cas, cela ne veut pas seulement dire devenir admissible à l'examen, mais plutôt réussir l'examen avant même d'arriver ici—ce permis facilitera grandement son insertion dans le système, parce qu'elle aura déjà démontré qu'elle a les compétences et les connaissances voulues, qu'elle comprend le système et qu'elle peut obtenir un permis pour pratiquer dans notre pays. Il est probable qu'elle aura aussi un emploi, compte tenu du système d'immigration que nous avons actuellement.
Je crois que ce serait fort utile. Lorsqu'ils arrivent ici et qu'ils essaient de comprendre le système et de se frayer un chemin... ils obtiennent des emplois comme fournisseurs de soins—ou comme aides ménagères, dans le cas des infirmières—et ils essaient tout simplement de trouver leur voie. On les perçoit— et ils le font eux-mêmes—comme des gens beaucoup moins qualifiés au lieu de les accueillir comme des professionnels.
À mon avis, la reconnaissance des titres de compétences et la délivrance des permis d'exercice avant leur arrivée ici contribueront grandement à résoudre ce problème.
Mme Faye Rosenberg-Cohen: Ce n'est pas seulement les titres de compétences du demandeur principal qui doivent être reconnus. Quand il s'agit d'un couple, il est possible qu'un des deux conjoints soit capable d'obtenir un emploi, tandis que l'autre doit recommencer à neuf, faire évaluer tous ses titres de compétences, voire même devoir d'abord apprendre l'anglais, parce que c'est l'autre conjoint qui avait une meilleure connaissance de l'anglais lorsqu'ils ont fait leur demande.
Dans certains cas, c'est un problème d'égalité entre les sexes, parce que l'homme est en mesure de travailler et la femme, qui était autrefois médecin ou analyste financière dans une entreprise, se retrouve à la maison avec les enfants, parce qu'elle n'a pas d'autre choix. C'est parfois l'inverse, mais l'un des deux voit son statut diminuer à son arrivée ici, parce que cette personne doit prendre le temps de se requalifier.
Nous devons aussi éduquer la population pour qu'elle comprenne qu'une personne qui a été absente du marché du travail pendant quatre ans pour pouvoir se recycler est encore une ressource potentiellement utile. Bob sait ce qu'il obtient du dentiste dans l'entrepôt, mais ce n'est pas le cas de tous les employeurs. L'une des choses que nous ne voyons pas... lorsque nous appelons les gens, nous obtenons toujours une réponse positive. Nous leur demandons s'ils acceptent de rencontrer quelqu'un, et ils disent oui. C'est très rare que quelqu'un nous dise de ne pas l'appeler dans ce but.
Toutefois, de façon générale—dans le monde des affaires, au Canada—, je crois qu'il y a encore une certaine éducation, un certain travail à faire pour montrer clairement qu'il y a des gens très motivés, des gens qui ont fait un choix et qui disent « je sais que j'ai abandonné ma profession lorsque j'ai quitté mon pays, mais je veux travailler encore. Ne me dites pas que je ne peux pas travailler parce que je suis trop qualifié. Ne me dites pas que je ne peux pas du tout travailler parce que j'ai un doctorat et que je ne suis bon qu'à conduire un taxi. »
Il y a des gens qui doivent pouvoir se retrouver à mi-chemin et voir leurs compétences appréciées. Après avoir fait l'effort d'apprendre l'anglais, de retourner sur le marché du travail et de poursuivre certaines études, ils ont encore besoin de cette possibilité. C'était plus facile il y a 80 ans, lorsque tout le monde se rappelait d'avoir été dans le même bateau.
Á (1120)
Le vice-président (M. Inky Mark): Puisque j'occupe le fauteuil, je vais poser une question à Mira : qu'est-ce que les Américains et les Australiens font mieux que nous?
Mme Mira Thow: Ils ont le centre d'échanges dont j'ai parlé. En Australie, il s'agit du National Office of Overseas Skills Recognition, qui fournit un service aux employeurs, aux professions qui en ont besoin. Certaines professions ont déjà mis sur pied d'excellents programmes et sont en mesure de faire cela, mais de nombreuses autres n'ont pas les ressources nécessaires.
Ce centre fournit une évaluation des compétences universitaires. Il aide les universités à définir des normes pour l'évaluation. Il a des partenaires dans le secteur privé, des organisations qui évaluent les titres de compétences et vers lesquelles les demandeurs sont dirigés. Il fournit un service. N'importe quel employeur peut communiquer avec lui et dire « je veux établir un barème d'évaluation de compétences. Comment dois-je m'y prendre? Quelles sont les normes pour cette profession? » Un programme personnalisé sera alors élaboré pour cet employeur.
Voilà une avenue qu'il faudrait explorer.
Le vice-président (M. Inky Mark): Quelle est sa relation avec le gouvernement?
Mme Mira Thow: C'est un conseil gouvernemental. Je sais qu'il fait appel à des organisations privées. Je ne sais pas exactement quelle est sa structure juridique, mais il a un site Web. C'est certainement quelque chose à examiner.
De même, l'Union européenne—bien que je m'y connaisse moins—a mis sur pied des centres nationaux de reconnaissance des compétences, auxquels les gens peuvent envoyer des demandes en ligne. Nous avons donc le volet éducation dont les membres du comité ont parlé. C'est important parce que la demande peut être faite en ligne avant l'arrivée du demandeur.
Le vice-président (M. Inky Mark): Savez-vous si cette organisation est financée par le gouvernement?
Mme Mira Thow: On voit le sceau du gouvernement australien sur son site Web, alors je suis certaine que le gouvernement donne un certain financement, mais je ne sais pas à quel niveau.
Le vice-président (M. Inky Mark): Savez-vous si tous les demandeurs doivent s'adresser à cette organisation pour faire évaluer leurs titres de compétences?
Mme Mira Thow: Ce n'est pas obligatoire. Et dans notre système, ce serait volontaire également, compte tenu des compétences provinciales. Je crois toutefois que la plupart des organisations, des employeurs et des associations professionnelles aimeraient bien que ce genre de ressources et de financement soit disponible.
Le vice-président (M. Inky Mark): Je crois qu'il s'agit d'un concept intéressant. Nous avons déjà parlé d'examiner le modèle australien.
Mme Mira Thow: Le professeur Jeffrey Reitz, de l'Université de Toronto, a rédigé un rapport à ce sujet . Est-ce que le comité l'a déjà consulté? Ce serait une autre source d'information.
Le vice-président (M. Inky Mark): Merci.
Les membres du comité ont-ils d'autres questions? Monsieur Clavet.
M. Roger Clavet: Oui, j'ai une autre question.
[Français]
J'ai cru comprendre qu'une partie du problème — et cela a été mentionné à la fois par M. Silver et par Mme Dunlop — est attribuable au fait qu'il y a à la source des consultants en immigration qui donnent de l'information inexacte, erronée, fausse.
Est-ce que ce sont des cas isolés, ou semble-t-il qu'il soit assez fréquent, dans vos domaines d'expertise respectifs, que l'information donnée au départ par des consultants en immigration, qu'il s'agisse d'avocats ou de sociétés privées, soit la source du problème? Est-ce que je me trompe? Est-ce seulement une impression?
[Traduction]
M. Bob Silver: Je ne crois pas que vous pouvez tous les mettre dans le même panier. Comme je l'ai dit, j'ai eu deux ou trois expériences où des renseignements erronés avaient été donnés, ce qui a entraîné d'énormes difficultés. Je ne crois pas que l'accréditation des consultants en immigration soit aussi difficile à obtenir que certaines autres reconnaissances dont nous avons parlé aujourd'hui.
Toutes les expériences que j'ai vécues auraient été différentes si les gens avaient fait appel à un avocat spécialisé en droit de l'immigration plutôt qu'à un consultant en immigration. Je peux le dire avec certitude; ces problèmes ne se seraient pas produits.
Á (1125)
Mme Cathy Woodbeck: Il faut savoir que nous traitons généralement avec les personnes qui ont des problèmes. Nous n'avons pas nécessairement des clients qui viennent nous parler de leurs belles expériences et des personnes qui leur ont donné la bonne information. Nous entendons parler de ceux-là pour qui les choses ne se sont pas aussi bien déroulées; ce sont eux, en général, qui frappent à notre porte.
Il arrive aussi—et quelqu'un l'a mentionné—, que des consultants en immigration donnent notre nom à un client qui part pour Thunder Bay, parce que nous sommes une agence de règlement et nous recevons un financement des gouvernements fédéral et provincial pour fournir ces programmes. Alors ils se disent « c'est un service gratuit; quelqu'un va pouvoir aider ces personnes, alors dirigeons-les à cet endroit ». Nous voyons donc également ce côté de la médaille.
Le président: Madame Rosenberg-Cohen.
Mme Faye Rosenberg-Cohen: Quiconque se trouve à l'extérieur du Canada peut offrir ses services à titre de consultant en immigration. Nul besoin d'être agréé pour vendre ces services. Il est possible que nous l'apprenions seulement lorsque la personne qui a acheté ces services est ici, devant nous. C'est alors que nous découvrons que 10 000 $ ont été versés pour un paquet de mensonges.
En même temps, des gens achètent des services, probablement de bonne foi, en prenant peut-être leur désir pour des réalités. Vous ne pouvez pas dire que ce problème est répandu partout. Il y a certainement des pays où cette situation prévaut davantage, mais nous en avons vu beaucoup.
Notre système au Manitoba n'encourage pas le recours aux intermédiaires. Lorsque des gens nous arrivent, nous sommes chargés de les interroger, de leur parler, de communiquer avec eux par courriel plusieurs mois avant leur visite. Pourtant, il nous arrive maintenant, à l'occasion, d'avoir un visiteur à qui nous demandons s'il a obtenu une aide quelconque pour obtenir des renseignements. Nous avons découvert, dans un cas, que la personne avait obtenu de l'aide, mais qu'on lui avait dit de ne pas nommer celui qui l'avait aidé.
Assis devant nous, ils ont réalisé que c'était de la foutaise et ils nous en ont parlé. Toutefois, il y a des gens qui se font avoir. On leur prend leur argent et on leur donne des renseignements erronés. Ça ne vient pas d'un avocat spécialisé en droit de l'immigration qui est ici, ni nécessairement d'un consultant inscrit dans le cadre de notre nouveau processus. Ce peut être un voisin qui a offert son aide pour remplir le formulaire parce qu'il connaît mieux l'anglais—alors qu'il n'en n'est rien.
Dans certains cas, ce n'est même pas un mensonge intentionnel. Ils disent avoir entendu ceci de quelqu'un, et ce n'est qu'une rumeur. Mais nous avons tout vu entre ces deux extrêmes, que ce soit des personnes qui se sont fait carrément avoir ou qui se sont fait avoir et à qui on a imposé le silence—quelqu'un qui s'est fait avoir et est arrivé en pleurant parce qu'il avait donné tout son argent ce soi-disant consultant, ou encore une personne qui a reçu de l'information d'un voisin pour découvrir que ce n'était pas de bons renseignements.
Mme Karen Dunlop: Notre organisation a eu moins d'expériences que d'autres avec des consultants, mais je dirais simplement que certaines de ces expériences ont été positives. Nous hésiterions à les mettre tous dans le même panier. Certains ont grandement facilité les choses et les infirmières qui sont arrivées ont réussi l'examen et se sont très bien intégrées à la collectivité. Nous voyons aussi des succès ainsi que certains problèmes.
Le président: Merci beaucoup.
Notre séance est terminée. J'aimerais vous remercier tous d'être venus.
J'étais ici il y a quelques années, comme plusieurs d'entre vous. Nous verrons à ce que le comité puisse profiter des transcriptions des séances antérieures.
Merci beaucoup de votre présence. J'espère que les choses vont bouger le plus tôt possible. La prochaine fois que nous serons ici, vous pourrez nous dire comment fonctionne le nouveau processus. Merci.
Les prochains témoins seront le professeur Vedanand et Monika Feist.
Á (1129)
Á (1135)
Le président: Nous allons reprendre notre séance. Nous allons d'abord entendre le professeur Vedanand pendant cinq minutes, puis Monika Feist pendant cinq minutes, et nous passerons ensuite aux questions.
Pouvez-vous commencer?
M. Vedanand (professeur, Gestion transculturelle, Université du Manitoba, à titre personnel): Bonjour.
J'ai mal à la gorge, donc j'espère que vous serez indulgents à mon endroit. Je remercie les membres du comité permanent de me permettre de présenter mes opinions, surtout sur la reconnaissance de l'expérience internationale et des titres de compétences des immigrants.
Certains enjeux importants liés à l'expérience internationale et aux titres de compétences ont déjà été mentionnés, mais l'objectif consistait à insister sur le problème auquel sont confrontés les immigrants sur le plan économique lorsqu'ils n'ont pas le droit de travailler dans leur domaine de compétences officiel. Il est très important de faire la distinction entre les occupations hautement spécialisées et celles qui le sont moins, les métiers et les professions. La plupart des programmes d'immigration pour l'éducation ou d'autres choses visent essentiellement les personnes très instruites, comme les ingénieurs, les médecins et les spécialistes des TI, donc une bonne partie de la politique qui a été élaborée est axée principalement sur les difficultés que connaissent les professionnels dans certains secteurs économiques : les TI, la médecine, etc.
Il est intéressant de souligner que les professionnels étrangers qui ont été formés ailleurs et qui postulent un emploi ou demandent un visa doivent attendre longtemps, et il y a beaucoup d'autres problèmes. Laissez-moi vous donner l'exemple des instituts de technologie indiens. CBS a fait une émission spéciale sur la question lorsqu'elle a appris des journalistes du Business Week et d'autres journaux financiers comment découvrir le talent.
Par exemple, la Wharton School a envoyé son doyen à la recherche de professionnels, et ce cas a été souligné lorsque la CBS a fait un reportage en Inde. La personne interrogée a dit que son fils n'était pas admissible à l'institut indien des technologies de l'information de Mumbai. Il a été assez futé, comme il n'arrivait pas à entrer dans les instituts de technologie indiens en Inde, il s'est trouvé un bon travail et a été admis en arts à l'Université Cornell. C'est une situation très bizarre pour les gens qui veulent un visa d'étudiant pour aller à l'université, et c'est très difficile jusqu'à maintenant... De même, aux États-Unis, par exemple, il y a toujours eu un quota de visas H-1B, mais des gens ayant des titres de compétences assez bas en TI réussissent à obtenir des emplois.
Il existe aussi un diplôme en Asie du Sud, et en Inde aussi, qu'on appelle le MCA, Master of Computer Applications. La plupart des diplômés réussissent à se trouver un emploi en Allemagne, en Angleterre et même aux États-Unis. Au Manitoba, nous n'accepterons personne qui a ce type de diplôme. Si l'on jette un coup d'oeil à certaines équivalences pour certains diplômes ou certains niveaux d'éducation, il y a de véritables problèmes. Si l'on cherche des professionnels doués, hautement qualifiés, il vaut la peine de les voir comme un investissement, un investissement en capital humain ou en capital social.
Á (1140)
Ce qu'ils font et ce qu'ils ont fait est intéressant. Certaines études ont été réalisées au Canada. L'une a été faite par l'Institut C.D. Howe. Il analyse le nombre de professionnels qui n'ont pas réussi à se trouver un emploi. Quel que soit le problème, ils ne sont pas employés comme il se doit ou ils sont sous-employés, et ils livrent maintenant de la pizza. Cela signifie aussi qu'une immense somme de capital humain et social a été gaspillée au fil des années, ce qui représente des milliards de dollars.
Du côté politique, les décideurs doivent se pencher sur ces questions et se demander comment on peut utiliser au mieux les talents de chacun, s'ils sont là, comment nous pouvons les rendre productifs et comment nous pouvons changer la situation afin de ne pas les laisser perdre leurs talents.
Il y a un bon modèle en Israël. Comme je l'ai mentionné, il y a là-bas un ministère de l'Immigration et de l'Établissement. C'est très important. Moscou lui vient en aide afin que tous ces talents soient mis à profit immédiatement.
Combien de temps me reste-t-il? Ai-je une minute?
Le président: D'accord, dépêchez-vous. Voulez-vous passer aux questions?
M. Vedanand: Oh! d'accord. Je suis désolé.
Je vais me concentrer sur ce que je voulais faire. Ce qui me préoccupe, c'est l'expérience internationale des professionnels qui n'ont pas les compétences les plus élevés. Si une personne a des compétences dans ce qu'on appelle la médecine complémentaire ou alternative, où va-t-elle? Aux États-Unis, pendant la présidence de Bill Clinton, on a établi un grand courant d'études dans les centres nationaux, les NIH, donc ces personnes pouvaient aller immédiatement vers là. Je pense que les États-Unis ont engagé 200 millions de dollars.
Il y a beaucoup de compétences dans les nouveaux mouvements sociaux et les nouveaux systèmes de médecine complémentaire, comme les méthodes chinoises et indiennes, le yoga, la méditation, etc. Tous ces domaines deviennent une force majeure. Ces personnes n'entrent pas vraiment dans notre domaine d'évaluation. La plupart d'entre elles essaient des choses. C'est un secteur où il y a de très grandes difficultés, et je voulais le souligner.
Le président: D'accord, merci beaucoup.
Nous recevons ensuite Mme Feist.
Mme Monika Feist (directrice, Success Skills Centre): Merci, mesdames et messieurs. J'ai déjà bien hâte d'entendre vos délibérations.
Le Success Skills Centre est une agence d'emploi pour les immigrants qui existe depuis vingt ans. Nous travaillons surtout pour les immigrants ayant des titres de compétences et des diplômes professionnels.
Vous auriez beau être le médecin le plus célèbre au monde. Si vous veniez des États-Unis, vous pourriez faire votre chemin au Canada. Si vous veniez de tout autre pays du monde, vous devriez recommencer à zéro. Vous devriez recommencer vos études de base en chimie et repasser vos examens, même si vous veniez à peine de sortir d'une école de médecine, même si vous aviez déjà 20 ans d'expérience à l'échelle internationale. C'est la qualité de médecins que nous obtenons dans ce pays : des médecins très spécialisés.
Il y a aussi les dentistes, mais lorsqu'ils viennent ici, il n'y a pas toutes ces études, même si je crois que Bob Silver s'est mépris un peu plus tôt lorsqu'il a dit qu'ils pouvaient étudier la nuit pour obtenir leurs titres de compétences. Les dentistes doivent retourner à l'école à temps plein pendant deux ans, et un nombre très limité de dentistes est admis. En fait, seuls six dentistes ont été admis à l'école de dentistes du Manitoba l'année dernière, et aucun d'entre eux n'était fraîchement arrivé au Manitoba.
Laissez-moi vous parler brièvement de ce que dit le Conference Board du Canada dans sa publication intitulée Performance and Potential 2004-05: How Can Canada Prosper in Tomorrow's World? Il y est question de la non-reconnaissance de l'expérience internationale et des titres de compétences des immigrants hautement qualifiés; c'est une lacune nationale. L'organisme mentionne qu'en moyenne, depuis 1980, chaque immigrant apporte 30 000 $ de capitaux au Canada. Comme 3,4 millions d'immigrants sont arrivés au Canada depuis, les capitaux qu'ils ont investis représentent une somme de plus de 100 milliards de dollars—et je parle bien de milliards et non de millions, en dollars d'aujourd'hui.
L'organisme réclame de nouvelles règles pour les immigrants. Il dit que nous devrions améliorer nos processus de sélection pour que les candidats les plus qualifiés soient sélectionnés le plus rapidement possible, en toute équité et dans le respect complet de la sécurité nationale, afin que leurs titres de compétences soient reconnus et qu'on tire profit des compétences qui sont gaspillées actuellement. L'organisme précise aussi qu'il faudrait offrir une aide plus appropriée pour l'établissement et l'intégration.
En ce moment, les compétences des immigrants qui arrivent ici, leur expérience de travail, leurs qualifications professionnelles et leurs diplômes d'étude ne sont reconnus et utilisés qu'en partie. Les gouvernements, les institutions postsecondaires, les associations professionnelles, les associations de métier et les organismes de réglementation sont d'ailleurs tous à blâmer pour les obstacles honteux et déraisonnables qu'ils érigent pour garder loin les gens formés à l'étranger. Ces chasse gardées artificielles occasionnent des coûts et des risques personnels et familiaux phénoménaux; ils imposent des cours de perfectionnement et des formations inutiles aux immigrants qualifiés qui cherchent à être reconnus. Ces immigrants qualifiés se trouvent souvent à refaire au Canada une formation qu'ils ont déjà suivie, ce qui nous fait dépenser de l'argent précieux que nous pourrions utiliser pour former des Canadiens aussi.
Malgré la multitude de recommandations tirées d'études—il y en a des tonnes—et les consultations constantes avec les groupes d'immigrants et les fournisseurs de services, les ministres et les comités des gouvernements fédéral et provinciaux continuent d'hésiter à prendre des mesures décisives et rapides pour résoudre le problème. Dans une lettre ouverte qui date du printemps dernier, les 27 organisations canadiennes au service des immigrants qui composent le Newcomer Labour Market Partnership ont écrit au premier ministre pour l'exhorter à prendre le leadership public sur les mesures du gouvernement afin de résoudre la contradiction qui suit :
Le Canada perd plus de quatre milliards de dollars par année en sous-employant ou en n'employant pas des travailleurs étrangers qualifiés qui immigrent au Canada. Les employeurs canadiens estiment que plus de 300 000 emplois restent vacants en raison d'un manque de travailleurs qualifiés. Le pouvoir du Canada de rivaliser efficacement avec ses concurrents sur le marché mondial s'érode parce que nous n'employons pas pleinement les travailleurs immigrants qualifiés alors que nos concurrents le font. |
Le Canada ne peut pas se permettre de perdre ces ressources nationales s'il veut demeurer concurrentiel à l'échelle internationale, progresser vers l'établissement d'une économie axée sur les connaissances et remplacer les travailleurs qualifiés au fur et à mesure qu'ils partent à la retraite. |
Á (1145)
La première recommandation du partenariat consiste à définir un mandat pour le gouvernement et ses ministères pertinents afin qu'ils créent un programme d'investissement dans les ressources humaines assorti d'un financement stable et à long terme adéquat pour les nouveaux arrivants, comme il en existe déjà pour les jeunes, les personnes handicapées et les travailleurs âgés. Il faut rendre le perfectionnement et le renouvellement des compétences plus universels pour les nouveaux travailleurs. Il faut élargir nos autres programmes d'aide aux travailleurs pour en faire profiter les travailleurs sous-employés, faciliter le retour sur le marché du travail et régler les problèmes d'accès que vivent les immigrants.
La deuxième recommandation consiste à accélérer les discussions sur le marché du travail avec les provinces en vue de l'établissement d'un processus d'évaluation et d'accréditation simplifié, efficace et transparent pour les métiers et les professions réglementés, qui reconnaît les compétences des nouveaux arrivants légitimes. Il faut intégrer l'établissement, la langue et la préparation à l'emploi dans les mesures systémiques prévues pour combler les lacunes du marché du travail et le manque de travailleurs qualifiés. Il faut aussi établir des programmes d'emploi des immigrants pour atténuer l'aversion du risque ressentie par les employeurs à l'endroit des travailleurs n'ayant pas d'expérience en sol canadien. Il faut également favoriser l'emploi de nouveaux arrivants grâce à des stratégies de marketing pancanadiennes et à des programmes de subventions à l'intention des employeurs.
La troisième recommandation consiste à reconnaître les connaissances des organismes qui travaillent déjà avec les travailleurs nouvellement arrivés au Canada grâce à l'évaluation de la capacité de service intégrée qui s'est développée dans le secteur communautaire et à la mise à contribution directe des groupes visés dans l'élaboration de politiques et de programmes et leur mise en oeuvre. Il faut faire participer les nouveaux arrivants eux-mêmes aux efforts déployés avec les provinces pour réformer les organismes de réglementation des professions. Il faut fournir des contrats de service adéquats, sûrs et équitables aux organismes communautaires qui mettent l'accent sur les normes de qualité et les résultats, plutôt que des ententes de contribution axées en grande partie sur les coûts.
Pour compléter ce que je viens de dire, le Success Skills Centre, une agence de service d'emploi des immigrants, recommande au gouvernement fédéral de réorienter et d'élargir les cours de langue pour les immigrants au Canada, les CLIC, et d'offrir des cours de langue avancés aux immigrants qualifiés qui obtiennent des emplois où ils doivent maîtriser un vocabulaire technique avancé et savoir communiquer aisément.
Il faut mettre des prêts à la disposition des immigrants pour les encourager à combler les besoins des corps professionnels et des organismes de réglementation.
Nous recommandons aussi le financement de programmes de stages officiels de six mois rémunérés directement chez les employeurs pour les immigrants qualifiés afin de leur permettre d'acquérir une expérience pratique du milieu du travail canadien et de se faire connaître.
Assouplissez aussi les critères d'admissibilité à l'assurance-emploi pour y englober la formation initiale des nouveaux immigrants.
Á (1150)
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer aux questions.
Mme Monika Feist: Pouvons-nous seulement donner un...
Le président: Je vous ai laissé filer pendant huit minutes, et nous devons interrompre nos travaux à midi, donc nous n'aurons pas de temps du tout pour les questions. Dans les communications que nous avons envoyées à tout le monde, nous avons précisé très clairement que vous auriez cinq minutes.
Monsieur Mark.
M. Inky Mark: Merci, monsieur le président.
Je vous souhaite la bienvenue au comité. Les renseignements que vous venez de nous donner ce matin sont source de frustration pour nous, même dans ma propre circonscription. La plupart de nos médecins viennent maintenant de l'Afrique du Sud. Ils ont toutes sortes de titres de compétences, mais le collège ici n'arrête pas de changer ses exigences; c'est là le problème. Ils viennent ici pour exercer leur profession, et le collège des médecins change ses exigences pour les obliger à prendre plus de cours. Cela les frustre, et ils veulent partir de la province. C'est d'ailleurs ce qu'ils font : ils partent de la province.
Mon fils a fait ses études de dentiste il y a six ans. J'ai rencontré quelques dentistes étrangers qui devaient faire la même chose : retourner à l'école pendant deux ans.
Où est donc le problème? Y a-t-il une chasse gardée des ordres professionnels? J'ai parlé au président de l'Association médicale canadienne. Il m'a répondu qu'on offrait plus de places en formation. Mais si l'on examine ce qui se passe au pays, on voit que chaque profession fixe ses propres règles. Que doit donc faire le gouvernement fédéral : sortir son gros bâton? Si toutes les professions protègent leurs chasses gardées et refusent qu'un plus grand nombre de professionnels formés à l'étranger participent à leur secteur d'activité, comment pouvons-nous les en empêcher?
[Français]
M. Tayeb Méridji (spécialiste du marché du travail, Success Skills Centre): Ce qu'il faut faire pour éliminer cette barrière, en premier lieu, c'est permettre à tous ces immigrants professionnels de passer ces examens dans leur propre langue de formation avant de venir au Canada.
J'ai en tête l'exemple d'enseignants qui se sont préparés avant de venir. Ils m'ont appelé lorsqu'ils sont arrivés ici. Ils ont eu leur certification pour enseigner avant d'arriver au Canada, parce qu'ils avaient obtenu directement les informations nécessaires à leur préparation. Si le gouvernement fédéral sélectionne des immigrants selon leur éducation... En effet, si vous n'êtes pas titulaire d'un doctorat, d'une maîtrise ou d'un baccalauréat, vous ne pouvez pas venir au Canada. Le Canada ne prend pas des gens pauvres, il prend des gens riches qui viennent ici avec leur fortune, et qui la perdent après trois ou quatre ans.
Je travaille avec eux chaque jour, je partage quotidiennement leur situation et je les aide à partir étape par étape, à s'intégrer sur le plan professionnel. La première nécessité consiste à leur permettre de passer leurs examens, de voir à la reconnaissance de leur acquis éducationnels universitaires dans leur propre langue de formation. Si c'est en français, l'examen doit être en français. Si c'est en arabe, l'examen doit être en arabe. Si c'est en hébreu, l'examen doit être en hébreu, etc.
Deuxièmement — et c'est très, très important — , lorsqu'ils arrivent ici, ils ont besoin de formation, de cours d'anglais et de français pour leur permettre d'atteindre le niveau sophistiqué du canadien moyen. On ne veut pas des cours d'anglais dans lesquels on apprendrait des choses telles que:
Á (1155)
[Traduction]
Faut-il dire good morning, tomorrow ou morning? Il faut des cours de langue axés sur l'emploi, en anglais ou en français.
[Français]
Troisièmement, je suis un labour market specialist. Je travaille avec les employeurs et les immigrants. Je vais vous dire une chose: je place directement environ 30 personnes par an. Grâce à quoi? Grâce à l'internship program. Il s'agit d'un travail de bénévole, non payé.
Je vous ai soumis un cas qui vient de se passer. Il a travaillé quatre mois sans être payé à produire des virus dans un laboratoire. Il n'a pas reçu un sou, mais il a acquis les connaissances pour obtenir un emploi. Il commence son travail ce mois-ci.
Il nous faut de l'argent. Le gouvernement fédéral doit nous donner un portefeuille, un chèque de 7 500 $ par immigrant pour tout employeur qui veut embaucher un immigrant. Je vous garantis que ces immigrants sont des professionnels. Lorsqu'ils obtiennent un emploi, ils y vont pour travailler. Il est indispensable d'intéresser les employeurs avec un chèque, pas avec une parole.
[Traduction]
Le président: Monsieur Clavet, il ne vous reste que quelques minutes.
M. Roger Clavet: C'est bon.
[Français]
Merci, monsieur Méridji. Merci, madame.
D'abord, je félicite le Success Skills Centre. Je sais qu'il fait un travail extraordinaire depuis quelques années ici, à Winnipeg. J'ai été témoin du travail qu'il fait. Il faut continuer. Cependant, je partage la frustration de M. Méridji lorsqu'il parle de cette possibilité que nous avons au Canada de tourner le dos à des gens très qualifiés, malgré nos belles paroles.
Je voulais savoir quelle est la dimension francophone de l'immigration au Manitoba. Monsieur Méridji, vous êtes vous-même un immigrant depuis 25 ans, de souche algérienne. Je ne vois ici ce matin aucun représentant d'un organisme francophone. Croyez-vous que le problème n'existe pas sur le plan culturel francophone, ou si le problème que vous soulevez est uniquement à dimension anglophone?
M. Tayeb Méridji: C'est le cas de tous les immigrants. Qu'ils soient francophones ou non, le français, au Manitoba, n'est pas reconnu comme une langue de travail. C'est un avantage, pas plus. Si vous êtes bien éduqué en français, vous pouvez changer de profession. Je vous donne un exemple.
J'ai envoyé des ingénieurs en chimie au Collège universitaire et je leur ai suggéré de devenir des enseignants en mathématiques, en chimie, en physique. Ils sont retournés pendant deux années pour apprendre l'enseignement et ils sont devenus des enseignants. C'est une adaptation professionnelle, une réorientation. Le français, sur le plan professionnel, n'existe pas dans le secteur général économique. Le français n'est pas considéré comme une langue de travail.
 (1200)
M. Roger Clavet: Le programme de stagiaires est vraiment basé sur le bénévolat. N'y a-t-il que des bénévoles qui travaillent dans le cadre du programme de stagiaires?
M. Tayeb Méridji: Absolument, parce que s'il n'y a pas de bénévolat pour obtenir ce qu'on appelle la référence, alors il n'y a pas de chance d'ouvrir une porte pour un emploi, et la plupart des immigrants doivent consacrer environ entre quatre et six mois au bénévolat, sans paye, pour obtenir un emploi.
M. Roger Clavet: Vous voulez donc un chèque du fédéral.
M. Tayeb Méridji: Je voudrais un chèque de 7 500 $. Cela existait auparavant. C'est un programme qui existait à Ressources humaines. Ce chèque était offert aux employeurs, et les immigrants pouvaient obtenir des emplois facilement. Cela a existé jusqu'en 1997. Depuis 1997, si les immigrants ne se portent pas volontaires, ils ne peuvent pas obtenir un emploi relié à leur profession.
En fait, quel est l'objectif du Success Skills Centre? Quel est l'objectif du gouvernement? C'est de faire venir des immigrants et de les faire travailler pour qu'ils paient des taxes, la TPS, la TVP, et pour qu'ils fassent des enfants. Si on ne leur offre pas cette chance d'obtenir un emploi décent, ils ne pourront pas accéder à un emploi décent.
M. Roger Clavet: Merci.
[Traduction]
Le président: D'accord. Merci beaucoup.
Votre temps est presque écoulé. Est-ce que quelqu'un a une brève question?
M. Bill Siksay: Merci, monsieur le président.
Je ne sais pas si ma question sera brève, parce qu'elle touche une question très complexe. Je comprends la frustration que tous les témoins ont exprimée sur la situation ce matin.
Madame Feist, vous avez parlé de chasses gardées. Monsieur Méridji, vous avez parlé de passer ses examens dans sa langue maternelle. Peut-être était-ce là l'un des obstacles dont vous parliez. Nous avons entendu le point de vue des associations professionnelles. Elles ont souligné la nécessité des compétences linguistiques et celle de maintenir les normes canadiennes et les normes de service. Comment ces deux éléments peuvent-ils se conjuguer d'après vous? Le fait qu'un immigrant ne puisse pas passer ses examens dans sa langue maternelle constitue-t-il un obstacle ou une exigence légitime?
Mme Monika Feist: Eh bien, je pense qu'il serait utile qu'on puisse passer les examens dans sa langue maternelle au départ, pour montrer au Canada qu'on a les connaissances qu'il veut. C'est la première chose, pour que le Canada ait la certitude que la personne a effectivement les connaissances voulues, sans devinette ou que les candidats aient à passer des examens dans une langue dont ils ne maîtrisent pas tout le vocabulaire.
J'ai participé à l'évaluation linguistique des infirmières, et elle doivent atteindre un niveau qu'on appelle de huit et plus. Vous savez, beaucoup de Canadiens n'atteignent pas un niveau de huit et plus, mais on demande à une personne qui arrive au pays d'être capable de parler si bien. Oui, ces personnes peuvent... Même si elles ont appris l'anglais dans leur propre pays et qu'elles parlent la langue dans leur pays d'origine, elles n'auront pas un niveau huit dès le début, simplement parce que nous parlons un peu différemment du reste du monde.
La langue est donc un grand obstacle, en effet.
Il y a aussi un problème d'attitude. Je pense qu'il y a de l'arrogance. Nous tenons pour acquis que les institutions d'où sortent ces personnes ne sont pas à la hauteur. Comme je l'ai dit en commençant, la personne la plus reconnue à l'échelle internationale a beau venir au Canada, elle ne sera pas capable d'exercer sa profession dans le secteur privé, à moins qu'une université ne l'embauche. Il y a aussi une disposition spéciale dans la loi médicale qui permet aux universités d'embaucher ces personnes et qui les autorise à exercer leur métier sous leur supervision. Sinon, ces personnes ne peuvent pas exercer. Elles doivent recommencer leurs études au complet. Cela n'a aucun sens.
Pour ce qui est des chasses gardées, lorsque le président d'un collège des médecins... C'était il y a environ 10 ou 12 ans, disons 13 ans. J'espère que les choses ont changé—ou peut-être le collège a-t-il changé en raison de son attitude—mais le fait de dire à un groupe de médecins formés à l'étranger qu'il faut vérifier s'ils savent seulement à quoi servent certains appareils, de leur dire ceci est un stéthoscope ou autre chose... Un instant!
Vous savez, partout au pays, on devrait axer nos évaluations sur les compétences. L'évaluation et la reconnaissance des acquis, qu'on appelle l'ÉRA, n'est qu'un processus partiel. Encore une fois, il s'agit d'une évaluation sur papier. Je préfère les tests de compétences qui montrent la capacité de la personne de faire son travail. Un médecin ou n'importe quel autre spécialiste, peu importe la profession ou le métier, ne va pas se rappeler des principes de base de mathématiques et de tout ce qu'il a appris il y a 15 ou 20 ans, et vous ne seriez pas capables non plus, si vous deviez le faire. Nous voulons plutôt mettre l'accent sur l'expérience progressive qu'ils apportent avec eux, et c'est sur cela qu'on devrait les évaluer. Parce que si nous faisions passer des examens à nos propres professionnels canadiens, ils ne les réussiraient pas non plus.
Donc oui, je pense qu'il y a des chasses gardées. Je pense qu'il y a de l'arrogance. Je vois aussi une certaine volonté. Je pense que l'association des infirmières, par exemple, est probablement l'une des organisations les plus ouvertes.
J'aimerais par ailleurs qu'il y ait une normalisation de la façon dont on évalue les gens, parce qu'en ce moment, il y a un examen national pour un groupe et pour un autre, c'est un examen provincial suivi d'un examen national. Pour d'autres groupes, il y a des examens nationaux, provinciaux, puis nationaux encore. La confusion est incroyable pour les immigrants.
De plus, notre pays est petit, il y a 31 millions d'habitants au Canada. Il nous faut un organisme de réglementation unique pour tout le pays. Que de gaspillage pour nous et que de gaspillage pour nos ressources humaines.
Encore une fois, je pense qu'il faut que les organismes repensent la façon dont ils évaluent les titres de compétences, et il faut une méthode s'appliquant partout au Canada.
Merci.
 (1205)
Le président: Je cède la parole à M. Anderson.
L'hon. David Anderson: Professeur Vedanand, vous avez évoqué les différents problèmes propres aux diverses professions, mais si je vous ai bien compris, ces problèmes existent également en informatique et dans ce que nous appelons les professions traditionnelles que sont notamment la médecine et le droit. Cela m'étonne, parce que nous entendons également des histoires—dans les domaines autres que l'immigration naturellement—au sujet d'Américains qui ont lancé des entreprises informatiques dans leur garage et sont devenus milliardaires. Bien sûr, on compte également des milliardaires parmi les diplômés de Cal Tech ou de Harvard. Mais je crois comprendre aussi que, dans la région extrêmement riche de Silicon Valley, au moins 10 p. 100 des habitants sont originaires de Bangalore en Inde. Imaginez, ils viennent d'une seule province, d'un seul état en Inde.
Je constate qu'il s'agit de professions et de secteurs d'activité tout à fait nouveaux, au sein desquels les qualifications n'ont aucune valeur, l'inventivité faisant vraiment foi de tout. Pourtant, on nous donne assez curieusement l'impression que ce secteur d'activité ne reconnaît pas les qualifications. Je ne m'explique pas comment il peut y avoir un tel système souple dans la situation actuelle—des entreprises dynamiques qui se créent et prennent beaucoup d'expansion pour ensuite dépérir un, deux ou trois ans plus tard, alors que d'autres poursuivent leur essor. Ce type de secteur d'activité ne semble pas être celui qui pourrait composer avec des règles aussi rigoureuses et aussi archaïques régissant les titres de compétences.
Je me demande ce que vous en pensez.
M. Vedanand: Merci, vous avez soulevé un point pertinent.
J'ai siégé plusieurs années au Sénat de l'Université du Manitoba, et on s'est toujours penché sur les points que vous avez soulevés. Ce sont des questions fort complexes, car il est difficile de trouver un équilibre économique au Canada, d'établir une distinction entre les universités et, qui plus est, de composer, comme vous venez de le signaler, avec l'esprit d'entreprise novateur de ces gens qui viennent de l'Inde, de la Chine et des autres pays. Ils ont vraiment créé un nouveau secteur de croissance dans l'économie. Aux États-Unis, particulièrement dans l'ouest, la Silicon Valley est devenue le centre d'incubation qui a permis à ces personnes de démarrer leur entreprise dans leur garage pour ensuite devenir milliardaires.
La plupart d'entre elles ont vraiment été aiguillonnées par de telles possibilités. Premièrement, pourquoi ces gens sont-ils plus novateurs et sont-ils animés d'un plus grand esprit d'initiative? Deuxièmement, possédions-nous le même esprit d'initiative au moment où nous les avons accueillis et où ils ont créé ces entreprises? Ces questions se posent encore.
De plus, les universités ont peut-être, à cause du manque de souplesse de leurs programmes, suivi une évolution différente. Les entrepreneurs chinois et indiens ont été les vrais pionniers. Dans un seul état, la croissance économique a été de beaucoup supérieure à celle observée au Canada. Peut-être y est-on plus ouvert, y stimule-t-on davantage les personnes possédant un tel esprit d'initiative et leur laisse-t-on les coudés franches. Au Canada, il faut composer avec le manque de rigueur des programmes universitaires et ultérieurement avec le fait que les décisionnaires ne recherchent peut-être pas ce genre de personnes. Ces derniers ont indiqué qu'ils créeraient une petite Silicon Valley dans la région d'Ottawa, à l'Université Carleton, puis n'ont pris aucune autre mesure importante.
Peu de petites entreprises ont vu le jour dans la région. Celles-ci et les entrepreneurs des pays côtiers du Pacifique me disent qu'ils veulent s'établir au sud de la frontière. Cela pose également un défi aux autres entrepreneurs aux États-Unis. Pourquoi notre pays est-il boudé? C'est peut-être la raison pour laquelle cette question a vivement intéressé les personnes qui effectuent de la recherche sur l'entrepreneuriat. J'en ai fait passablement au Japon, etc.
Voici un aspect intéressant. La plupart des Japonais qui sont censés être de grands chefs de file... Lorsque les immigrants japonais s'établissent au Canada, aucun d'entre eux ne fait sa marque à titre d'entrepreneur. Ceux qui sont sortis des sentiers battus, comme les dirigeants de Mitsubishi et d'Hitachi ainsi que tous ces milliardaires, n'auraient pas pu autant réussir ailleurs. Ces immigrants japonais n'ont pas laissé leur marque dans l'économie canadienne ni dans celle d'autres pays à titre d'entrepreneurs. C'est une question qui reste encore sans réponse.
J'ai posé la question suivante au dirigeant de Honda : « Comment vous y prenez-vous à l'extérieur du Japon? » Il m'a répondu : « Écoutez, je ne réponds habituellement pas à cette question, mais je ferai une exception pour vous. » Il a ajouté : « Nous essayons toujours de trouver l'environnement vraiment propice pour nous. » Où s'établissent-ils? En Belgique. Pourquoi pas aux États-Unis? C'est le plus grand marché. Ils n'auraient pas vraiment pu réussir en Belgique où l'industrie automobile est inexistante pour l'instant.
 (1210)
Le président: Merci infiniment. Nous devons conclure.
Nous reprendrons nos travaux à 13 heures. Nous vous remercions de votre exposé. Nous avons hâte de vous faire parvenir des exemplaires de notre rapport.
Merci.