CIMM Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le vendredi 15 avril 2005
¿ | 0900 |
Le président (L'hon. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.)) |
M. Herb Epp (maire, à titre personnel) |
¿ | 0905 |
Le président |
¿ | 0910 |
M. John Bryden (ancien député, à titre personnel) |
¿ | 0915 |
Le président |
Mme Lorna Van Mossel (juge du Bureau de la citoyenneté à la retraite, à titre personnel) |
¿ | 0920 |
M. Bob Sommerville (juge du Bureau de la citoyenneté à la retraite, à titre personnel) |
¿ | 0925 |
Mme Lorna Van Mossel |
Le président |
Mme Myrta Rivera (directrice générale, Centre Multiculturel de Kitchener-Waterloo) |
¿ | 0930 |
¿ | 0935 |
Le président |
Mme Nina Grewal (Fleetwood—Port Kells, PCC) |
M. Bob Sommerville |
Mme Myrta Rivera |
¿ | 0940 |
M. John Bryden |
Le président |
M. Roger Clavet (Louis-Hébert, BQ) |
Mme Lorna Van Mossel |
M. Bob Sommerville |
M. Roger Clavet |
¿ | 0945 |
Mme Myrta Rivera |
M. Roger Clavet |
M. John Bryden |
M. Roger Clavet |
M. John Bryden |
Le président |
M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas, NPD) |
¿ | 0950 |
M. John Bryden |
M. Bill Siksay |
M. John Bryden |
M. Bill Siksay |
Mme Myrta Rivera |
M. Bill Siksay |
M. Bob Sommerville |
M. Bill Siksay |
¿ | 0955 |
M. Bob Sommerville |
Le président |
M. Lui Temelkovski (Oak Ridges—Markham, Lib.) |
Mme Lorna Van Mossel |
M. Lui Temelkovski |
Mme Lorna Van Mossel |
M. Lui Temelkovski |
À | 1000 |
Mme Lorna Van Mossel |
M. Lui Temelkovski |
Mme Lorna Van Mossel |
M. Lui Temelkovski |
Mme Lorna Van Mossel |
M. Lui Temelkovski |
M. Bob Sommerville |
M. Lui Temelkovski |
Mme Lorna Van Mossel |
M. Bob Sommerville |
M. Lui Temelkovski |
Le président |
Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest, Lib.) |
Le président |
Mme Colleen Beaumier |
À | 1005 |
M. John Bryden |
Mme Colleen Beaumier |
Le président |
M. Bob Sommerville |
Le président |
M. Roger Clavet |
À | 1010 |
Mme Myrta Rivera |
Le président |
M. Bill Siksay |
M. John Bryden |
M. Bill Siksay |
Mme Myrta Rivera |
M. Bill Siksay |
M. Bob Sommerville |
À | 1015 |
M. Bill Siksay |
Le président |
M. Lui Temelkovski |
M. John Bryden |
M. Lui Temelkovski |
M. John Bryden |
À | 1020 |
Le président |
À | 1025 |
Mme Lorna Van Mossel |
M. Bob Sommerville |
Le président |
M. John Bryden |
Le président |
Le président |
M. Kuldip Singh Bachher (secrétaire, Golden Triangle Sikh Association) |
À | 1045 |
À | 1050 |
Le président |
M. Jurij Fedyk (Ukrainian Canadian Liberal Committee) |
À | 1055 |
Á | 1100 |
Le président |
M. Jurij Fedyk |
Le président |
M. Ulrich Frisse (Kitchener-Waterloo, Congrès germano-canadien, national) |
Á | 1105 |
Á | 1110 |
Le président |
M. Ulrich Frisse |
Á | 1115 |
Le président |
Mme Irene Rooney (à titre personnel) |
Á | 1120 |
Le président |
M. Elmer Menzie (à titre personnel) |
Á | 1125 |
Á | 1130 |
Le président |
Mme Nina Grewal |
Mme Irene Rooney |
M. Ulrich Frisse |
Á | 1135 |
M. Kuldip Singh Bachher |
M. Jurij Fedyk |
Le président |
M. Roger Clavet |
Á | 1140 |
M. Jurij Fedyk |
M. Kuldip Singh Bachher |
Á | 1145 |
Le président |
M. Bill Siksay |
M. Jurij Fedyk |
M. Bill Siksay |
M. Jurij Fedyk |
M. Bill Siksay |
M. Jurij Fedyk |
M. Bill Siksay |
M. Jurij Fedyk |
Á | 1150 |
Le président |
M. Lui Temelkovski |
Le président |
M. Lui Temelkovski |
Le président |
Á | 1155 |
Mme Colleen Beaumier |
M. Kuldip Singh Bachher |
Mme Colleen Beaumier |
 | 1200 |
M. Ulrich Frisse |
Le président |
M. Michael Chong (Wellington—Halton Hills, PCC) |
 | 1205 |
Le président |
M. Ulrich Frisse |
Le président |
CANADA
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le vendredi 15 avril 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¿ (0900)
[Traduction]
Le président (L'hon. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.)): Bonjour. La séance est ouverte.
Nous sommes à Waterloo pour entendre des témoignages au sujet de la citoyenneté, d'une nouvelle loi sur la citoyenneté. Le sujet dont nous allons parler est la reconnaissance des titres de compétences internationaux.
Comme vous le savez, la pénurie de médecins de famille nous pose un problème particulier dans la région. Le fait qu'il y a des médecins qui ont fait leurs études à l'étranger et qui ne peuvent pas exercer ici nous cause des problèmes, et la situation est la même dans de nombreuses autres professions.
Nous sommes également ici pour parler du regroupement familial. Il y a six millions de Canadiens qui sont nés à l'étranger et qui, bien entendu, ont une famille. Le regroupement familial vise à permettre aux familles de venir leur rendre visite, mais également à permettre aux parents et autres membres de la famille de venir s'établir au Canada.
Cette audience revêt une importance historique pour la région étant donné que c'est la première fois qu'un comité parlementaire, un comité permanent du Parlement, vient dans la région de Waterloo. Les comités siègent habituellement à Ottawa, Toronto ou dans les autres villes qui font partie du circuit habituel. Par conséquent, il était temps qu'un comité vienne ici. Ce sujet nous intéresse particulièrement parce que toute la question de la citoyenneté est au coeur des préoccupations des gens de la région.
Pour marquer l'occasion, je voudrais demander au maire Herb Epp, qui a également été professeur d'histoire dans l'une de ses nombreuses carrières, de bien vouloir prendre la parole.
Maire Epp, pourriez-vous dire quelques mots au comité?
M. Herb Epp (maire, à titre personnel): Merci beaucoup, monsieur Telegdi. C'est certainement un plaisir d'être ici et de vous accueillir dans notre belle ville.
Quand vous parlez de ma carrière comme professeur d'histoire, de ma carrière en politique et de ma carrière dans l'immobilier, vous donnez à entendre que j'ai du mal à conserver un emploi.
Je tiens à souhaiter la bienvenue au comité. C'est un honneur pour nous que de vous recevoir ici aujourd'hui.
Waterloo est devenue une ville en 1947 et nous célébrerons en 2007 le 150e anniversaire de la charte qui a fait de Waterloo une municipalité. Nous avons donc hâte de fêter notre 150e anniversaire en 2007.
Le comité qui est ici aujourd'hui va aborder un sujet très important : la citoyenneté et les questions qui s'y rattachent. Même si je suis né ici, mes parents sont venus d'Europe de l'Est dans les années 20 et je suis donc très conscient de l'importance de la citoyenneté et de pouvoir l'obtenir le plus tôt possible.
Waterloo, qui compte maintenant une population d'environ 110 000 habitants, a été un grand centre de l'assurance, comme Andrew vous l'a peut-être dit. À une certaine époque et peut-être encore, Waterloo a été baptisée le « Hartford du Canada » parce que nous avons les sièges sociaux de six compagnies d'assurances dont la Sun Life/Clarica, l'ancienne Mutual Life; Manuvie, qui était avant Dominion-Life; Economical Insurance Group; Equitable et dans Waterloo-Nord, nous avons Farmers' Mutual et Lutheran Life qui a récemment changé de nom.
Pour ce qui est de nos universités, le Waterloo College, qui a été fondé en 1911, est devenu la Waterloo Lutheran University en 1960-1961 puis l'Université Wilfrid-Laurier, quelques années plus tard, quand la province a compris toute l'importance des universités. Bien entendu, à la fin des années 50, en 1957 plus précisément, l'Université de Waterloo a vu le jour et elle célébrera son anniversaire, le 50e, en même temps que le nôtre, en 2007.
Une chose que tout le monde ne sait pas c'est qu'un grand nombre d'entreprises testent leurs produits à Waterloo en raison de sa diversité culturelle et ethnique. Si elles décident de tester de nombreux produits dans notre ville, c'est parce qu'elles se disent que s'ils y ont du succès, ils en auront également dans le reste du pays.
Voilà les choses que je voulais que vous sachiez. Il y a eu beaucoup de changements chez nous, mais c'est une communauté très dynamique. Je me réjouis particulièrement d'accueillir Andrew, car il était conseiller municipal à Waterloo à la fin des années 80 et au début des années 90. Je me réjouis aussi de revoir Lynn Myers. Et c'était un plaisir pour moi de rencontrer les autres membres du comité hier soir, pour la première fois, et de nouveau ce matin.
Mes meilleurs voeux vous accompagnent dans vos délibérations. Excusez-moi, mais je dois partir. Comme vous le savez, les élus n'ont pas toujours la vie facile, mais c'est toujours intéressant et je dois aller à d'autres réunions.
Merci encore d'être venus et bonne chance.
¿ (0905)
Le président: Merci beaucoup, maire Epp.
Et merci de nous avoir permis d'utiliser ces locaux. Notre présence dans cette salle me rappelle des souvenirs. Merci infiniment.
Je voudrais vous présenter les membres du comité permanent. Nous avons 12 membres en tout. Pour tenir des réunions, le quorum est de deux membres. Je vais commencer par Bill Siksay : il est le député de Burnaby—Douglas et représente le Nouveau parti démocratique. À côté de lui se trouve M. Roger Clavet, député du Bloc québécois qui, bien entendu, vient du Québec; il a veillé à ce que la ville de Québec fasse partie de notre itinéraire. Et nous avons Nina Grewal, du Parti conservateur. Elle vient de Surrey et a eu l'amabilité de nous accueillir chez elle samedi soir lorsque nous avons tenu des audiences à Vancouver. Il y a aussi M. Lui Temelkovski, qui est le premier député d'origine macédonienne et qui est un libéral. À côté de lui se trouve une personne que je n'ai pas besoin de vous présenter, Lynn Myers, qui est également un député de la région.
Je dois mentionner que lorsque nous voyageons..., vous voyez la cabine d'interprétation. Chaque fois qu'un comité permanent voyage, nous avons un service d'interprétation dans les deux langues officielles, le français et l'anglais afin que les membres du comité qui parlent français ou qui veulent parler français puissent obtenir l'interprétation. De la même façon, toute personne du public qui désire prendre la parole devant un comité permanent peut également le faire dans l'un ou l'autre des deux langues. Il y a donc dans la salle ces appareils qui permettent d'entendre l'interprétation. Comme M. Clavet est ici, ces appareils sont bien sûr disponibles. J'invite les gens à en prendre un pour qu'ils puissent suivre les excellentes questions et observations de M. Clavet.
Voici Bill Farrell, le greffier du comité et Ben Dolin, attaché de recherche. Il nous a accompagnés pendant toutes nos délibérations.
Nous allons maintenant commencer. Un ancien député, John Bryden, va parler de la citoyenneté. Il y a également deux anciens juges de la Cour de citoyenneté, maintenant à la retraite, Bob Sommerville et Lorna Van Mossel, ainsi que Myrta Rivera, la directrice générale du Centre multiculturel de Kitchener—Waterloo.
Nous allons commencer par M. Bryden.Chaque délégation dispose de cinq minutes pour faire son exposé. Quand tous les témoins auront fait leur déclaration, nous passerons aux questions afin de permettre un dialogue entre les témoins et les députés. Ce seront également des tours d'environ cinq minutes. C'est pour les questions et les réponses.
J'ai donc le plaisir d'accueillir mon ancien collègue et bon ami, John Bryden.
¿ (0910)
M. John Bryden (ancien député, à titre personnel): Merci, monsieur le président.
C'est un grand plaisir pour moi d'être ici. J'ai longtemps fait partie de ce comité. J'y siégeais en 1994 et 1995 lorsque nous avons entendu des témoignages pendant plus d'un an, je crois. Je m'intéressais particulièrement à l'époque au serment de citoyenneté. Nous avons entendu les témoignages de divers groupes de gens de différents groupes ethniques, de néo-Canadiens qui avaient obtenu la citoyenneté. Je leur ai posé beaucoup de questions, et une des constatations que j'ai pu faire c'est que ces néo-Canadiens ne considéraient pas le Canada comme une colonie britannique, ni comme un des pays les plus riches au monde, mais comme un pays qui respectait les libertés civiles, les droits humains et les libertés fondamentales. Ils voyaient le Canada comme un modèle à suivre pour le reste du monde et c'est ce qui les attirait plus que n'importe quoi d'autre.
En conséquence, je leur ai demandé ce qu'ils pensaient de la Charte des droits et libertés. Je me suis rendu compte que la Charte et les principes qui y étaient énoncés décrivaient en fait le Canada beaucoup mieux que le serment prévu dans la loi, un serment qui remonte au XVIIIe siècle et qui est un serment d'allégeance à la Couronne dont le but était de s'assurer que les nouveaux arrivants qui s'installaient dans les colonies britanniques du monde entier respecteraient les lois de la Grande-Bretagne. En réalité, ce serment ne reflète pas le Canada tel qu'il apparaît aux yeux du monde.
En conséquence, il y a une dizaine d'années, j'ai formulé un serment qui reprenait les cinq principes de la Charte et, au cours de ma carrière parlementaire, j'ai proposé à plusieurs reprises ce nouveau libellé, qui a évolué au cours des années, mais sans succès, pour une raison ou pour une autre. Comme la citoyenneté est une question très complexe qui occupe une place de premier plan dans notre pays, le Parlement n'a malheureusement jamais réussi à adopter une loi au cours des 10 années où j'y ai siégé comme député.
Je me présente maintenant devant vous non plus en tant que député, mais comme simple citoyen. En fait, je crois que c'est préférable pour vous parler du serment, car je veux que vous sachiez que si j'ai cherché à refléter l'esprit du Canada dans ce serment de citoyenneté, c'est par conviction personnelle. Cela n'a pas grand-chose à voir avec la politique, mais tout à voir avec non seulement ma propre vision du pays, mais également la façon dont les néo-Canadiens qui ont comparu devant le comité voient le Canada.
Après le 11 septembre, maintenant que le monde entier se rend compte qu'une société doit reposer sur des principes fondamentaux lui permettant de vivre en paix et dans le respect mutuel, je crois préférable de comparaître devant vous en tant que simple citoyen plutôt qu'en tant que politicien pour parler de ce concept.
Si vous le permettez, monsieur le président, je vais vous lire le serment que je propose, en anglais et en français, en espérant que le comité voudra bien l'examiner. Voici :
Je promets fidélité au Canada et je me range ainsi parmi les Canadiens, un peuple uni par la mission solennelle de faire respecter cinq grands principes : égalité des chances, liberté d'expression, démocratie, droits de la personne et primauté du droit. |
Je préfère d'ailleurs la version française, car le français a une musicalité qui manque parfois à l'anglais.
[Français]
Je promets fidélité au Canada et je me range ainsi parmi les Canadiens, un peuple uni par la mission solennelle de faire respecter cinq grands principes: égalité des chances, liberté d'expression, démocratie, droits de la personne et primauté du droit. |
[Traduction]
Dans les deux cas, la personne qui prêterait ce serment aurait le choix de prendre ou non Dieu à témoin. C'est facultatif, monsieur le président, mais c'est un choix très important pour certaines personnes. Par conséquent, la version anglaise serait : « So help me God ». Et la version française serait : « Ainsi Dieu me soit en aide ».
J'estime, monsieur le président, que ce libellé aurait plus de signification que les autres textes de serment que je vous ai soumis.
Monsieur le président, je me ferais un plaisir de répondre à vos questions concernant l'origine de ce libellé et toute autre question que les membres du comité voudront me poser.
Merci.
¿ (0915)
Le président: Merci beaucoup, monsieur Bryden.
Lorsque nous étions collègues, M. Bryden et moi-même avons parfois été seuls à nous battre au Comité de la citoyenneté et de l'immigration. En fait, lorsque nous avons perdu le vote sur le projet de loi C-16 au Parlement, M. Bryden et moi, ainsi que Leon Benoit, qui faisait alors partie de l'Alliance canadienne, nous sommes allés demander au Sénat de retenir le projet de loi, ce qu'il a fait, et nous avons donc réussi sur ce plan-là.
Merci beaucoup.
Nous allons maintenant entendre les anciens juges de la Cour de la citoyenneté, Lorna Van Mossel et Bob Sommerville.
Mme Lorna Van Mossel (juge du Bureau de la citoyenneté à la retraite, à titre personnel): Monsieur Telegdi, membres du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration, nous vous remercions infiniment de nous avoir invités à vous faire part de nos opinions concernant la Loi sur la citoyenneté.
Comme vous l'avez dit, je m'appelle Lorna Van Mossel. Mon collègue est M. Bob Sommerville. Nous sommes tous les deux d'anciens juges de la citoyenneté. À nous deux, nous comptons 15 années d'expérience. Pardonnez-moi si je vous dis que nous étions tous les deux très respectés dans les communautés où nous avons travaillé. Nous croyons qu'en tant que juges de la citoyenneté, nous avons contribué à faire du processus de citoyenneté une expérience significative et mémorable pour les dizaine de milliers de nouveaux citoyens que nous avons rencontrés.
Puisque vous étudiez une nouvelle loi sur la citoyenneté, nous vous exhortons à examiner attentivement les dispositions actuelles. Le processus actuel comprend des juges de la citoyenneté qui, pendant près de 50 ans, ont fait partie intégrante de la stratégie mise en place pour que la citoyenneté canadienne soit reconnue et appréciée. Il est peut-être plus important pour tous les Canadiens et ceux qui obtiennent notre citoyenneté que les juges de la citoyenneté veillent sur la crédibilité du processus et la dignité de cette expérience.
Le projet de loi C-18 éliminerait le juge de la citoyenneté. Les nouveaux Canadiens n'auraient plus ce contact avec cette personnalité canadienne symbolique. Nous croyons important de se pencher sur l'historique et la contribution des juges de la citoyenneté et le rôle qu'ils jouent dans le processus qui nous a si bien servis pendant si longtemps.
¿ (0920)
M. Bob Sommerville (juge du Bureau de la citoyenneté à la retraite, à titre personnel): Il est une maxime qui semble particulièrement s'appliquer dans les circonstances : le mieux est l'ennemi du bien.
Depuis 50 ans, les juges de la citoyenneté jouent un rôle efficace dans le processus d'obtention de la citoyenneté. Comme vous le savez, la première loi canadienne sur la citoyenneté est entrée en vigueur en 1947. Cette loi exigeait qu'en plus de leurs autres fonctions, les juges de la Couronne approuvent les demandes et octroient la citoyenneté. Dans bien des cas, c'était une simple formalité et, pour certains juges, une simple corvée. De nombreuses personnes qui ont reçu leur citoyenneté pendant cette période nous ont raconté que lorsqu'elles avaient comparu devant le juge, le dialogue avait été le suivant : Quel est votre nom? Avez-vous un emploi? Êtes-vous une bonne personne? Très bien, voici votre citoyenneté.
Avec l'afflux d'immigrants, à la fin des années 40 et dans les années 50, il est devenu évident que les tribunaux ne pouvaient pas faire face à la demande. C'est pourquoi en 1955, le gouvernement a nommé, à Toronto et à Montréal, des présidents du tribunal qui avaient pour fonctions d'approuver les demandes et de diriger les cérémonies. Pendant les années 60 et 70, le nombre de nominations a augmenté dans les grands centres urbains et ces juges ont pris le nom de juges de la citoyenneté.
Lorsque la Loi sur la citoyenneté de 1977, la loi actuellement en vigueur, a été rédigée, ses auteurs ont énoncé très clairement leurs intentions. Ils voulaient un processus qui exigerait des efforts et un engagement de la part du requérant. Les requérants devaient parler une de nos langues officielles, répondre aux exigences concernant la résidence, connaître notre histoire et notre géographie, connaître nos coutumes et nos valeurs, être capables d'énoncer les droits et responsabilités d'un citoyen canadien et savoir qu'un comportement criminel pourrait les priver de leur citoyenneté. Ces mêmes auteurs ont également clairement énoncé leurs intentions lorsqu'ils ont inscrit dans la loi les fonctions du juge de la citoyenneté. Le juge de la citoyenneté avait pour rôle de veiller à ce qu'un requérant réponde à ces exigences avant de lui accorder la citoyenneté. Et, conformément aux traditions canadiennes, ils ont demandé aux juges de continuer à tenir compte des circonstances personnelles qui pouvaient justifier qu'ils fassent preuve de compassion et exemptent les requérants de certaines exigences.
Il était également très clair dans les règlements que les juges de la citoyenneté feraient prêter le serment de citoyenneté avec dignité et solennité et qu'ils insisteraient sur l'importance de cette cérémonie qui représentait une étape cruciale dans la vie des nouveaux citoyens. Dans le cadre de leurs fonctions, les juges devaient également promouvoir les valeurs qui font un bon citoyen soit le respect de la loi, l'exercice du droit de vote, la participation aux affaires communautaires et la bonne entente entre les différents groupes de la société.
Oui, les auteurs de la loi de 1977, voulaient que le processus de citoyenneté présente des difficultés, mais qu'il soit raisonnable, équitable et sensible à certains besoins, significatif et digne, qu'il soit respecté, crédible et apprécié par tous les Canadiens. Pour jouer un rôle central dans ce processus, ils ont décidé de faire nommer comme juges de la citoyenneté des citoyens éminents, de tous les milieux et de toutes les régions du pays.
Le projet de loi C-18 propose de laisser les fonctionnaires décider si les exigences sont respectées ou non et s'il y a lieu de faire preuve de compassion. Malgré tout le respect que nous avons pour les fonctionnaires compétents avec qui nous avons travaillé, nous croyons que les requérants et le processus sont mieux servis par les juges actuels, qui sont des décideurs indépendants du ministère. Il est très important que le décideur soit indépendant pour la crédibilité de tout le processus et nous espérons que le comité examinera cet aspect attentivement. De plus, il faut se demander qui est le mieux placé pour décider d'accorder ou de refuser la citoyenneté, si c'est un employé du ministère ou un citoyen éminent.
¿ (0925)
En ce qui concerne les nouveaux commissaires que prévoit le projet de loi C-18, ils ont la responsabilité de présider les cérémonies et de communiquer avec les gens, mais étant donné qu'ils ne jouent aucun rôle dans le processus décisionnel, je ne vois vraiment pas comment ils seront considérés.
Le pouvoir d'approuver ou de rejeter une demande suscite l'attention et le respect de par sa nature même. D'autre part, nous ne pensons pas que le titre de commissaire signifiera grand-chose pour les Canadiens. Un commissaire ne retiendra pas autant l'attention qu'un juge, lorsque le greffier de la citoyenneté annonce dans le gymnase d'une école secondaire rempli de monde : « Le juge Van Mossel, de la Cour de la citoyenneté canadienne, à la présidence »; cela suscite toujours une attention immédiate, respectueuse et silencieuse de la part de l'assistance.
Le titre de « juge de la citoyenneté » est compris et respecté.
Mme Lorna Van Mossel: Dans un rapport de novembre 2004 intitulé Actualiser la Loi sur la citoyenneté du Canada, le ministre a demandé au comité de consulter les Canadiens sur le genre de stratégie d'engagement dont le Canada a besoin pour que la citoyenneté soit reconnue et célébrée.
Nous croyons, comme le gouvernement de 1977, que le juge de la citoyenneté joue un rôle crucial pour faire de l'obtention de la citoyenneté une expérience marquante et crédible.
Je vous remercie de votre attention. Nous espérons que vous tiendrez compte de nos opinions. Si vous avez des questions à nous poser, nous nous ferons un plaisir d'y répondre de notre mieux.
Le président: Merci beaucoup pour ces exposés.
Les services que vous avez rendus en tant que juge de la citoyenneté ont certainement apporté beaucoup de dignité et de considération à cette fonction et c'est une des raisons pour lesquelles je me suis opposé aussi énergiquement à l'idée de remplacer les juges par des commissaires.
Le témoin suivant est Myrta Rivera, du Centre multiculturel de Kitchener—Waterloo. Je connais Myrta depuis longtemps. Quand j'étais président du Centre multiculturel, la meilleure chose que j'ai faite a été de contribuer à sa nomination au poste de directrice générale.
Myrta.
Mme Myrta Rivera (directrice générale, Centre Multiculturel de Kitchener-Waterloo): Merci.
Bonjour et bienvenue à Kitchener—Waterloo. Nous avons dû nous battre, pendant longtemps, contre les stéréotypes qui présentent Kitchener—Waterloo comme une petite ville rurale où la majorité des gens parlent l'allemand. Je ne crois pas nécessaire de vous affirmer le contraire, car je suis certaine qu'Andrew l'a déjà fait. Vous êtes donc les bienvenus à Kitchener—Waterloo et c'est un honneur pour moi de prendre la parole devant vous ce matin.
Même si en tant qu'organisme oeuvrant pour l'établissement des immigrants nous nous intéressons à certaines des autres questions que vous allez soulever aujourd'hui, nous avons décidé de nous en tenir à ce sujet. Debbie Douglas, de l'Ontario Council of Agencies Serving Immigrants, avait certainement beaucoup de choses à vous dire hier. En tant que membres actifs de l'OCASI, nous partageons ses opinions. Je me fais donc l'écho de tout ce qui vous a été dit hier.
Tout d'abord, pour ce qui est du préambule, une des questions que vous avez posées, nous croyons qu'il serait utile de faire une description brève, significative et de préférence belle, de la citoyenneté. Cela servirait d'outil éducatif et je suis certaine qu'un grand nombre des enseignants présents dans cette salle aujourd'hui seraient d'accord.
Néanmoins, il faudrait qu'un préambule comme celui dont je vous parle soit rédigé par un poète et non pas par un bureaucrate ou un rédacteur politique. J'espère que vous prendrez cela à coeur. Ce doit être un déclaration destinée à être lue à haute voix, mémorisée, répétée, discutée, imprimée, encadrée et vécue.
En ce qui concerne les limites qui s'appliquent à la citoyenneté canadienne obtenue par naissance, nous voudrions affirmer que chaque personne née dans ce pays devrait avoir droit à la citoyenneté canadienne. Le défi est peut-être de trouver un moyen de documenter et de conserver ce droit de citoyenneté obtenu en naissant au Canada. Nous comptons sur les gens plus expérimentés que nous dans ce domaine pour trouver des moyens d'empêcher que ce droit de citoyenneté ne soit perdu.
Pour ce qui est des critères d'octroi de la citoyenneté aux nouveaux arrivants, la durée de la résidence au Canada est certainement un critère important, de même qu'une connaissance de base d'une des langues officielles. Troisièmement, il est essentiel de comprendre la culture canadienne et la vie communautaire et il faudrait également tenir compte du casier judiciaire. Je suis certaine que ce serait également nécessaire.
En ce qui concerne la durée de la résidence, nous croyons qu'elle devrait être d'au moins trois ans. On veut toujours aider les gens à devenir des citoyens le plus tôt possible. Néanmoins, cela fait des années que j'aide les gens à s'établir au Canada et j'ai remarqué qu'une personne a besoin d'un certain temps pour établir des liens et des racines dans une communauté. Il faudrait que cela se fasse avant qu'une personne ne s'engage à adopter la citoyenneté canadienne.
Pour ce qui est de connaître la culture canadienne et la vie communautaire, il nous paraît inutile de connaître énormément de détails sur l'histoire du Canada, les pratiques électorales, le fonctionnement du Parlement et le nom des élus—même si Andrew voudrait certainement qu'on se souvienne de lui. Il suffit de comprendre qu'au Canada nous apportons des changements en suivant un processus démocratique et pacifique et qu'on s'attend à ce que les élus politiques rendent des comptes. Une fois que nous arrivons à le faire comprendre aux néo-Canadiens, ils devraient pouvoir expliquer clairement et avec éloquence, dans leurs propres termes et parfois dans leur propre langue s'ils sont trop vieux pour apprendre l'anglais, pourquoi ils ont décidé de devenir des citoyens du Canada. C'est beaucoup plus important que de pouvoir citer les noms des chefs de parti ou des dix capitales provinciales.
Quant aux raisons de révoquer la citoyenneté et le processus à suivre en pareil cas, s'il trahit les promesses qu'il a faites dans son serment, le citoyen montre qu'il ne désire pas conserver sa citoyenneté canadienne.
¿ (0930)
Si la citoyenneté a été obtenue par des moyens frauduleux dans l'intention de tromper, elle devrait pouvoir être révoquée. Néanmoins, ce pouvoir ne devrait pas être laissé aux bureaucrates ou aux législateurs, sans vouloir vous offenser. Il devrait être confié à un juge dont le raisonnement logique et rationnel risque moins d'être influencé par l'opinion publique. Le droit d'appel serait essentiel.
En ce qui concerne un nouveau serment de citoyenneté, je crois que les nouveaux citoyens affirment leur allégeance au Canada. Ils ne devraient pas avoir à prêter un serment qui les oblige à affirmer également leur allégeance aux héritiers et successeurs du monarque. Je pense que tous les citoyens canadiens ne verront pas d'inconvénient à jurer allégeance à la Reine, au monarque, en tant que symbole de l'unité du peuple canadien. Néanmoins, si le serment doit contenir un autre engagement, que ce soit envers une nouvelle vie dans le respect de tous les citoyens du Canada, quelle que soit leur origine.
Enfin, pour ce qui est de la stratégie d'engagement à la citoyenneté, comme Lorna et Bob l'ont déjà si bien dit, nous croyons absolument nécessaire de maintenir le rôle du juge, quel que soit le titre que l'on donne à cette fonction. L'engagement à la citoyenneté est une tâche continue. Nos collectivités ont besoin d'un champion pour ce processus. Rien ne vous oblige à lui donner le nom de juge. Ce titre n'a peut-être jamais été compris ou approprié, même si vous l'avez défendu éloquemment. Nous avons besoin d'une personne qui sera indépendante de la bureaucratie du ministère. Ce champion de l'engagement à la citoyenneté canadienne travaillerait non seulement auprès des nouveaux Canadiens, mais avec toute la communauté pour promouvoir la citoyenneté.
La citoyenneté canadienne doit être élevée au rang d'acte symbolique. Si nous ne sommes pas assez vigilants, la citoyenneté pourrait devenir une simple convention, un acte purement bureaucratique au lieu de symboliser l'engagement envers notre pays.
L'octroi de la citoyenneté canadienne doit être plus que la dernière étape à franchir avant de pouvoir demander un passeport canadien. La citoyenneté est la reconnaissance d'un lien. C'est ce qui vous unit au Canada, pour le meilleur ou pour le pire. Les Canadiens, de fraîche date ou de longue date, doivent bien saisir toute la signification de la citoyenneté et je vous recommande donc respectueusement de faire en sorte que le rôle de ce champion de la citoyenneté soit maintenu.
La citoyenneté canadienne représente la dernière étape du processus officiel d'établissement d'un immigrant. Elle lui ouvre des possibilités formidables et j'espère qu'une nouvelle loi intégrera non seulement les lignes directrices du processus d'obtention de la citoyenneté, mais également des dispositions symboliques et essentielles permettant de promouvoir la citoyenneté.
Merci beaucoup.
¿ (0935)
Le président: Merci beaucoup, Myrta.
Nous allons maintenant commencer un dialogue avec des tours de cinq minutes incluant la question et la réponse. Nous commençons par Mme Grewal.
Mme Nina Grewal (Fleetwood—Port Kells, PCC): Merci, monsieur le président.
Merci, honorables juges, monsieur Bryden et madame Rivera, d'avoir pris la peine de venir et de nous avoir fait vos exposés.
J'ai deux questions bien simples. Premièrement, que pensez-vous de la double citoyenneté? Êtes-vous pour ou contre?
Deuxièmement, au Canada, le traitement d'une demande de citoyenneté peut prendre plus d'un an. Dans d'autres pays, comme l'Australie et les États-Unis, c'est seulement une question de mois. Pensez-vous que notre système prend trop de temps?
M. Bob Sommerville: En ce qui concerne le délai d'attente pour obtenir la citoyenneté, à l'heure actuelle, à Sydney en Nouvelle-Écosse, il y a environ 90 000 demandes à l'étude. Environ 80 000 demandes de plus n'ont même pas encore été ouvertes. Il n'y a pas eu vraiment de changement à ce niveau-là. C'est ainsi que fonctionne le système. Normalement, nous recevons chaque année entre 170 000 et 200 000 demandes de citoyenneté. Il y a eu des époques où nous avons pu réduire le délai à trois ou quatre mois environ dans des petites villes comme Waterloo et Hamilton, par exemple, mais à Toronto, Montréal et Vancouver, où la charge de travail est plus lourde, cela peut prendre parfois de huit à 12 mois. On est en train de mettre au point un nouveau système informatisé et il peut être nécessaire d'attendre de 12 à 18 mois, comme vous l'avez dit, pour obtenir sa citoyenneté.
Est-ce que c'est trop long? Du point de vue du requérant, plus c'est rapide mieux c'est. Je sais que le ministère se soucie énormément des délais et travaille avec beaucoup de diligence pour traiter les demandes le plus rapidement possible. Mais il y a certains impondérables qui surviennent régulièrement et notamment nos préoccupations actuelles au sujet de la sécurité. Si le traitement d'une demande dure plus que 12 mois, il faut revoir les questions de sécurité. Il faut faire de nouvelles vérifications auprès du SCRS, de la GRC et de l'Immigration.
Mme Myrta Rivera: Merci.
Pour ce qui est de la double citoyenneté, j'ai moi-même deux citoyennetés.
Il est important de voir cela comme un engagement afin que la citoyenneté canadienne ne soit pas simplement demandée pour obtenir un passeport canadien, mais pour vraiment épouser le Canada. Si je devais choisir, je choisirais le Canada sans hésiter et je pense que la plupart des citoyens en feraient autant.
¿ (0940)
M. John Bryden: Je dirais simplement que, dans le contexte actuel, nous devrions éliminer la double citoyenneté. Je n'aime pas l'idée que des gens puissent avoir des allégeances envers deux pays en même temps.
Une des raisons pour lesquelles je m'intéresse au serment est que le serment que je vous ai décrit cite les principes universels de la Charte des droits et libertés qui sont au-dessus des lois du pays; ils sont au-dessus des lois du pays parce que ces lois peuvent parfois changer et être opprimantes. Voilà pourquoi je vois des objections à la double citoyenneté : comment peut-on être loyal envers les cinq principes de la Charte et être loyal en même temps envers un pays qui peut être une dictature, par exemple?
J'espère donc que nous nous dirigerons très bientôt vers la citoyenneté unique.
Le président: Merci beaucoup.
C'est maintenant au tour de M. Roger Clavet, pour cinq minutes. Monsieur Clavet.
[Français]
M. Roger Clavet (Louis-Hébert, BQ): Je vous remercie, monsieur le président.
Je profite de l'occasion pour vous remercier de nous accueillir dans votre circonscription et pour dire aux gens de la région à quel point les membres du comité sont heureux de participer à cette série d'audiences dans leur ville, dans leur région. Soit dit en passant, vous êtes chanceux d'avoir un représentant comme M. Telegdi, parce qu'il préside de façon compétente le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration. C'est ma première expérience politique, et je pense que M. Telegdi dirige le comité selon les règles de l'art. Je pense que mes collègues de tous les partis s'entendent pour dire que M. Telegdi est à la hauteur de sa fonction. Je vous donne l'assurance qu'il fait bien son travail.
Monsieur Bryden, je trouve fort intéressante votre suggestion de modifier le serment d'allégeance. On en a beaucoup parlé. Vous trouverez en moi quelqu'un qui sera certainement sympathique à l'idée de supprimer un symbole qui ne représente plus grand-chose au Canada. Le serment d'allégeance devrait plutôt porter sur la fidélité à un pays et à un idéal. On peut toujours définir le pays, mais telle n'est pas mon intention aujourd'hui.
Les principes sous-jacents que vous avez mentionnés, soit l'égalité des chances, la liberté de choix, la démocratie, les droits de la personne et la primauté du droit, sont des valeurs reconnues dans toute société moderne démocratique. Je notais que dans le projet de loi C-18 de la deuxième session de la 37e législature, on parlait des grands principes d'une société libre et démocratique. Je me demandais si on pouvait s'inspirer de ces valeurs et les ajouter au serment d'allégeance.
Je m'adresse maintenant aux deux anciens juges de la citoyenneté. Mme Rivera disait que le préambule devrait être écrit par un poète. Je suis entièrement d'accord sur cette idée. Est-ce que des juges peuvent être poètes? Si je me souviens bien, l'hymne national Ô Canada a été composé par un juge. Est-ce que des juges peuvent être poètes et nous aider à écrire un préambule?
[Traduction]
Mme Lorna Van Mossel: Bob, voulez-vous répondre à cette question?
M. Bob Sommerville: Excusez-moi de ne pas vous répondre en français. Je suis fier de dire que mes enfants et mes petits-enfants pourraient le faire, et qu'ils ont honte de leur grand-père.
Des poètes? Je suppose que nous pourrions l'être. Nous aimerions penser que nous avons un message poétique à transmettre aux dizaines de milliers de nouveaux citoyens que nous rencontrons en tant que juges de la citoyenneté, mais peut-être faut-il mieux que cette poésie émane de tout notre être et qu'il vaut peut-être mieux prêcher par l'exemple que par les paroles. J'espère donc que nous nous comportons comme les poètes les plus éloquents qui soient.
[Français]
M. Roger Clavet: Puis-je maintenant entendre la réponse de Mme Rivera?
Est-il suffisant d'avoir une pensée philosophique ou poétique pour enchâsser des droits démocratiques dans un projet de loi? Quand vous disiez qu'il faudrait peut-être recourir à un poète, pensiez-vous qu'il serait possible d'écouter tous les témoignages que nous avons entendus de nouveaux citoyens, de nouveaux arrivants? Nous avons entendu, mes collègues et moi, des témoignages émouvants sur des gens pour qui ce pays représente quelque chose. Ne pourrait-on pas s'inspirer de tout ce qui a été dit par ces gens pour trouver le principe, la phrase qui permettra de s'identifier à un pays et qui fera qu'on aura toutes les raisons du monde d'y croire?
Serait-ce possible?
¿ (0945)
Mme Myrta Rivera: Mais oui.
[Traduction]
Je pense qu'en effet la poésie doit se trouver dans le coeur des gens. Je ne voulais évidemment pas dire que le texte devait être nécessairement écrit par un poète professionnel, mais que nous devions trouver les mots pour décrire ce que cela veut dire que d'être citoyen de ce pays.
M. Roger Clavet: Monsieur Bryden, voulez-vous ajouter quelque chose?
[Français]
M. John Bryden: La poésie existe dans la Charte canadienne des droits et libertés. C'est la poésie de l'esprit canadien. Il n'est pas nécessaire d'avoir quelqu'un qui soit habile avec les mots. C'est l'esprit du peuple du Canada. C'est pourquoi j'ai utilisé ces mots dans la version du serment que j'ai présentée à ce comité. De plus, vous avez raison à propos de l'allégeance à la Couronne, parce que le serment actuel est celui qui a été utilisé par la monarchie contre les Acadiens. C'est le serment exact auquel on a voulu soumettre les Acadiens au moment de leur expulsion. Ce même serment a été utilisé pendant la rébellion ici, en Ontario, du temps de William Lyon Mackenzie. Je pense fortement qu'il est très important d'avoir un serment qui propose l'allégeance ou la fidélité au Canada, et non pas à la Couronne. Je ne suis pas un Anglais. Je ne suis pas un homme de Grande-Bretagne. Je suis un Canadien et je cherche un serment qui le dise, un serment qu'on puisse présenter aux gens du monde qui sont à la recherche d'un pays libre comme le Canada, un serment par lequel on promette fidélité au Canada, et non à la Grande-Bretagne.
M. Roger Clavet: Merci beaucoup, monsieur Bryden.
Je peux dire qu'une grande manifestation de cette démocratie est le fait qu'on permette à un député souverainiste d'être ici aujourd'hui. Je remercie ce pays qui est aussi généreux quand il s'agit de l'expression de cette démocratie.
Merci beaucoup.
M. John Bryden: Merci.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Nous passons maintenant à M. Siksay.
M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas, NPD): Merci, monsieur le président.
C'est merveilleux d'être ici à Waterloo. C'est une réunion historique. C'est la première fois qu'un comité parlementaire vient dans cette ville. Il était grand-temps de le faire et vous étiez la personne la mieux placée pour cela, monsieur le président. Comme l'a souligné M. Clavet, nous respectons tous la façon dont vous dirigez ce comité et j'espère que la population de Waterloo l'apprécie.
Je tiens à dire également que vous nous avez réservé un excellent accueil hier soir. Nous avons été invités à dîner par des membres de la communauté germano-canadienne et de la communauté multiculturelle au Club Condordia et c'était une merveilleuse façon de faire la connaissance de cette communauté. On nous a également raconté quelques pages de l'histoire locale, si bien que tout a très bien commencé. Je voudrais donc vous remercier, vous et les autres personnes qui ont organisé cette soirée.
Les témoignages de ce matin ont été très intéressants et je vous remercie tous d'être venus témoigner.
J'ai une ou deux questions à poser à M. Bryden.
Monsieur Bryden, vous avez mentionné qu'à la fin du serment il serait possible d'ajouter la formule : « Que Dieu me soit en aide » ou ce genre de phrase. Je voudrais savoir si vous avez consulté les gens à propos de l'emploi du mot « Dieu ». Est-ce que ce mot signifie quelque chose pour les différentes confessions? Est-ce le terme approprié? Proposez-vous de permettre aux gens d'utiliser un autre terme que le mot « Dieu »?
Est-ce approprié ou ai-je même tort de poser la question?
¿ (0950)
M. John Bryden: Je pense que Dieu veut dire Dieu dans n'importe quelle langue. Certaines personnes sont convaincues qu'un serment n'est valide que si vous faites mention de Dieu. Peu importe que ce dieu soit celui des chrétiens, des hindoues ou d'une autre religion, ces personnes y tiennent beaucoup. Mais il y a aussi des gens qui ne veulent pas en entendre parler. Je crois donc très important que cette mention soit facultative et c'est ce que j'ai essayé de faire.
M. Bill Siksay: Je voulais seulement qu'il soit clair que le mot « Dieu » a une signification quelle que soit la religion. S'il est préférable de remplacer ce mot par un autre et si c'est possible dans les circonstances, cela pourrait tenir compte du fait que toutes sortes de croyance se retrouvent dans notre société.
Ma deuxième question est la suivante. Avez-vous tenu compte du fait que, lorsqu'on prend Dieu à témoin à la fin du serment, cela complète le serment et que parfois, les gens qui ne souhaitent pas faire mention de Dieu ont l'impression qu'ils doivent quand même le faire pour que le serment soit complet? Je ne demande donc s'il ne serait pas possible d'ajouter à la fin une phrase dépourvue de tout caractère religieux pour que les gens qui ne veulent pas prendre Dieu à témoin puissent prêter un serment plus complet.
M. John Bryden: Cela peut paraître un peu étrange, mais si vous ne prenez pas Dieu à témoin, le niveau juste en dessous, selon moi, c'est de prêter allégeance à son pays, à sa patrie, non pas à la Reine, mais au Canada. Voilà pourquoi il est essentiel que les principes de la Charte soient énoncés dans le serment. Si une personne ne veut pas ajouter la phrase supplémentaire pour prendre Dieu à témoin, cela devrait suffire. Je ne vois pas d'engagement plus haut que celui d'être loyal envers son pays, car lorsque vous êtes loyal envers votre pays, vous êtes loyal envers tous les citoyens de ce pays et tous les principes que nous partageons tous. À mon avis, si les gens ne veulent pas prendre Dieu à témoin, les paroles qui précèdent sont sans doute suffisantes.
M. Bill Siksay: Madame Rivera, vous semblez vouloir ajouter quelque chose.
Mme Myrta Rivera: J'ai un petit-fils de quatre ans qui dirait sans doute « Je le veux ». Je pense qu'on pourrait terminer par des mots comme « telle est ma déclaration solennelle » ou simplement, comme le dirait un enfant de quatre ans « Je le veux » ou des paroles du même genre.
M. Bill Siksay: Je ne sais pas si quelqu'un d'autre désire ajouter quelque chose, compte tenu surtout de votre expérience des tribunaux.
M. Bob Sommerville: Si vous le permettez, monsieur Siksay, je suis un monarchiste. Je suis très fier de notre monarchie constitutionnelle. Mais je dois avouer que lorsqu'on doit faire prêter le serment actuel à 100 ou 200 personnes sur le point de devenir de nouveaux Canadiens, qui n'ont jamais eu de véritables liens avec la monarchie... Ce serment contient 13 mots se rapportant à la monarchie. Le serment que propose le projet de loi C-18 ne contient que sept mentions de la monarchie. Je crois que Lorna et moi sommes d'accord pour dire que les sept mots du projet de loi sont préférables aux 13 mots que contient le serment actuel.
M. Bill Siksay: Je suis d'accord avec Mme Rivera pour dire qu'il serait bon d'avoir une affirmation poétique. J'y ai également réfléchi, avec M. Clavet, qui est je crois le seul membre du comité à avoir cité ou lu un poème à l'une de nos audiences. Je savais qu'il allait soulever la question suite à ce que vous avez dit ce matin. Mais je reconnais que ce serait une bonne chose. Le lauréat de poésie du Canada aurait peut-être des suggestions à faire au sujet du serment.
J'ai une question à poser aux juges. Je voudrais savoir exactement quelles sont actuellement les relations entre les juges et le ministère. Étant donné le grand nombre de demandes reçues, quel rôle les juges de la citoyenneté jouent-ils dans le traitement de ces demandes? Est-ce le ministère qui s'en charge? Voyez-vous seulement les dossiers qui soulèvent des questions ou pour lesquels il y a certains problèmes à résoudre? Quelles sont actuellement les relations entre les juges de la citoyenneté et le ministère?
¿ (0955)
M. Bob Sommerville: Je pourrais peut-être vous faire un bref historique.
En 1987, nous recevions chaque année environ 75 000 demandes. À l'époque, il y a avait 54 juges dont 38 à temps plein et 16 à temps partiel. En 1993, lorsque je suis devenu juge et que Lorna a pris sa retraite, nous traitions 200 000 demandes par année, mais il y avait toujours 54 juges.
Le problème était évident. Il fallait attendre 18 à 24 mois pour qu'une demande aboutisse, car à l'époque, les juges de la citoyenneté rencontraient chaque requérant adulte. Chaque personne subissait une entrevue de 10 à 15 minutes.
Le gouvernement a mis en place un processus d'examen qui a entièrement changé la situation. Comme vous l'avez dit, les juges de la citoyenneté ne rencontrent plus que les personnes qui ont échoué à l'examen, celles qui à première vue ne répondaient pas aux exigences linguistiques lorsqu'elles se sont présentées à l'examen, de même que celles qui ne répondaient pas aux exigences concernant la résidence. Ils rencontrent aussi des personnes qui ont un casier judiciaire et celles qui peuvent bénéficier de considérations humanitaires.
De plus, pour assurer la crédibilité du processus, la directive la plus récente émise par le juge principal de la citoyenneté, à Ottawa, exigeait que tous les juges de la citoyenneté et l'administration, au lieu de signer simplement un FEDC, qui est le Formulaire d'étude de la demande de citoyenneté—ce que nous faisions automatiquement pour accélérer les choses compte tenu des dizaines de milliers de dossiers en attente—examinent le dossier avant d'approuver la demande.
Le juge joue donc un rôle plus important qu'avant. Vous parlez peut-être d'une situation qui existait par le passé, mais c'est ainsi que l'on procède actuellement. Les juges sont indépendants et prennent eux-mêmes la décision. Le requérant de même que le ministre peuvent faire appel de cette décision devant la Cour fédérale.
Le président: Merci beaucoup.
Nous passons maintenant à M. Temelkovski.
M. Lui Temelkovski (Oak Ridges—Markham, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Il est agréable de vous voir aussi à l'aise dans votre coin de pays. C'est un joli coin et vous y semblez très à l'aise.
Je vous remercie pour votre hospitalité d'hier soir et pour la journée d'aujourd'hui.
J'ai une question à poser aux juges. J'ai peut-être comparu devant Lorna. Lorna, je ne sais pas si vous étiez juge à Hamilton.
Mme Lorna Van Mossel: Oui.
M. Lui Temelkovski: Votre visage me semble familier. Vous m'avez fait passer un mauvais quart d'heure, je crois, et il est temps que je vous rende la monnaie de votre pièce.
Pensez-vous que les connaissances exigées des nouveaux Canadiens soient appropriées? Je pourrais peut-être vous citer une question qu'on m'a posée : Quelle est la montagne la plus haute du Canada et quel est le cours d'eau le plus long?
Ce n'était pas vous, n'est-ce pas?
Mme Lorna Van Mossel: Non, je n'ai pas posé cette question.
M. Lui Temelkovski: Très bien.
C'est le genre de questions qu'on posait. Je ne suis pas certain qu'on les pose encore.
À (1000)
Mme Lorna Van Mossel: J'en doute. J'en doute énormément.
M. Lui Temelkovski: Très bien, car c'est la question qu'on m'a posée et comme je n'ai pas pu y répondre, on m'a dit : « Comment se fait-il que vous ne le sachiez pas? » J'étudiais alors à l'université et j'ai répondu que c'est parce que j'avais été occupé à étudier pour mes examens. Le juge a donc été très indulgent…si c'était vous.
C'était peut-être vous, le juge indulgent.
Mme Lorna Van Mossel: Je pense que j'avais cette réputation.
M. Lui Temelkovski: Nous entendons parler des retards dans le traitement des demandes et on nous dit aussi qu'il y a très peu de juges ou qu'on devrait engager plus de juges. Il n'y a aucun juge dans certaines régions du pays. Nous avons des juges itinérants; ils sont mobiles.
Pensez-vous que nous ayons besoin de plus de juges ou est-ce la partie administrative qui est lente?
Mme Lorna Van Mossel: Je suis convaincu que nous avons besoin de plus de juges.
Je crois également très important que le juge fasse partie de la communauté. J'ai de merveilleux souvenirs de visites dans les écoles, les usines, les églises et les synagogues, dans toutes sortes d'endroits, où je suis allée parler de ce qu'était la citoyenneté et où j'ai parfois présidé des cours de la citoyenneté.
J'aimerais pouvoir vous dire combien de fois, depuis 12 ans que j'ai pris ma retraite, j'ai rencontré au supermarché et dans la rue des gens qui m'ont littéralement sauté au cou en me disant : « Vous m'avez donné ma citoyenneté et c'était le plus beau jour de ma vie ». J'ai bien peur que cela n'arrive plus lorsque les juges sont mobiles, comme vous l'avez dit, et que la population locale ne les connaît pas. Cela me paraît très important.
M. Lui Temelkovski: Si c'est la bureaucratie qui s'en charge, ce sera un processus mécanique qui n'aura plus la dimension humaine qu'apportent les cérémonies au niveau local.
Je voudrais maintenant aborder un sujet plus sérieux. Vous accordez la citoyenneté.
M. Bob Sommerville: Nous approuvons la citoyenneté; ce sont les agents de citoyenneté qui l'accordent.
M. Lui Temelkovski: Très bien.
Devrait-on pouvoir enlever la citoyenneté à quelqu'un, et pour quels motifs?
Mme Lorna Van Mossel: C'est à vous de me le dire.
M. Bob Sommerville: Ce n'est pas vraiment une question sur laquelle les juges de la citoyenneté ont à se prononcer; nous approuvons ou nous rejetons les demandes de citoyenneté selon que les demandes répondent ou non aux exigences énoncées dans la loi. Nous savons que si des gens obtiennent la citoyenneté suite à de fausses déclarations, leur citoyenneté peut être révoquée.
Je voudrais ajouter à cela qu'à l'heure actuelle, il y a environ 21 juges à temps plein au Canada contre 46 en 1993, mais qu'ils voient toujours environ 200 000 personnes par année. Oui, il nous faut davantage de juges. Pour le moment, les juges peuvent seulement s'occuper des audiences, de la paperasserie et des cérémonies. Ils n'ont pas le temps de faire ce que nous faisions, Lorna et moi, en allant visiter le soir un nombre incalculable d'écoles et d'organismes. Les juges n'ont plus l'argent ou le temps nécessaire pour ce genre de choses et doivent simplement traiter un certain nombre de dossiers.
Il n'est pas possible de rejoindre les gens sans augmenter les ressources humaines.
M. Lui Temelkovski: Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Temelkovski.
C'est maintenant au tour de Colleen Beaumier, qui est venue ce matin en voiture, de Brampton.
Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest, Lib.): Et j'ai également visité les deux hôtels de ville.
Le président: Et qui s'est rendue à l'hôtel de ville de Kitchener et…
Mme Colleen Beaumier: Pour en revenir au serment de citoyenneté, je ne suis pas une monarchiste. Je vais vous parler un peu de mes origines : mon grand-père est originaire de Walpole Island, une réserve indienne de Lac St. Claire ou de la rivière St. Claire. Néanmoins, je crois qu'en éliminant la monarchie de notre serment de citoyenneté, nous éliminons une partie de notre histoire.
En fait, John, je m'adresse à vous. John et moi avons discuté très souvent quant à savoir s'il faudrait prêter allégeance à la Reine. Je me demande si nous ne pourrions pas intégrer dans un nouveau serment de citoyenneté tous les éléments de notre histoire, y compris ce qui se passe aujourd'hui. Je ne sais pas pourquoi, mais je suis absolument convaincue qu'une des raisons pour lesquelles notre pays semble un peu plus stable que les États-Unis, c'est parce que nous n'essayons pas constamment de nous créer une royauté. Nos liens avec le passé sont antérieurs à la Révolution américaine. Je me demande ce que vous en pensez.
À (1005)
M. John Bryden: Merci.
Tout d'abord, je ne propose pas d'éliminer la monarchie. Je ne vois aucun inconvénient à ce que la Reine soit le chef de notre institution parlementaire et de notre gouvernement et cela nous apporté énormément de stabilité. Toutefois, je ne suis pas Britannique et l'allégeance à la Reine découle de la loi sur la naturalisation que le Parlement britannique a adoptée en 1915. Il s'agissait d'établir par ces paroles que vous deveniez Britannique, quel que soit l'endroit au monde où vous vous trouviez.
Je crois que nous n'en sommes plus là. Personnellement, je pense avoir dépassé ce stade lorsque la Grande-Bretagne a envahi l'Iraq. À mon avis, c'était là un tournant décisif pour notre pays, car à ma connaissance, c'était la première fois que le Canada décidait de ne pas participer à une guerre avec la Grande-Bretagne. Jamais encore je ne m'étais senti aussi Canadien et aussi peu Britannique.
À mon avis, en supprimant du serment la mention de la Reine, nous ne supprimons pas la Couronne en tant qu'institution qui a apporté beaucoup de stabilité à la société canadienne, mais nous affirmons qu'être Canadien c'est bien être Canadien et que nous prendrons des décisions fondées sur notre Charte des droits. Les Britanniques n'ont pas de charte semblable.
J'estime donc que nous ne manquons pas de loyauté envers la Couronne en ne mentionnant pas la Reine dans ce serment. Cela revient peut-être à affirmer au monde entier que le Canada n'ira pas en guerre à moins que ce ne soit une guerre juste.
Mme Colleen Beaumier: Bravo.
C'est tout.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Sommerville.
M. Bob Sommerville: Pour répondre à cette dernière question, à l'occasion d'une visite récente en Nouvelle-Zélande, j'ai assisté à une cérémonie de citoyenneté. Elle s'est déroulée à peu près de la même façon que chez nous. En fait, les Néo-Zélandais ont copié la tradition canadienne si ce n'est qu'ils ne traitent qu'environ 20 000 demandes par année et qu'au lieu d'avoir des juges de la citoyenneté, ce sont les maires de quatre districts qui président aux cérémonies, selon les besoins. Ils m'ont dit qu'ils gardaient jalousement ce privilège.
Mais ce que j'ai appris—et c'est une question à laquelle je n'avais pas réfléchi même après sept années comme juge de la citoyenneté—c'est qu'un éminent représentant de la communauté maorie doit assister à chaque cérémonie en Nouvelle-Zélande. La meilleure chose que nous pourrions faire c'est d'inviter, dans la mesure du possible, des membres éminents de nos communautés des Premières nations à chaque cérémonie de citoyenneté afin que les nouveaux citoyens prennent conscience du fait que cela fait partie intégrante de notre histoire.
Le président: Merci beaucoup.
En fait, le sujet a été abordé dans l'île de Vancouver, à Victoria, lorsque nous avons discuté avec les Premières nations.
Monsieur Clavet.
[Français]
M. Roger Clavet: Je vous remercie, monsieur le président.
Je vais maintenant revenir sur le grand principe général qui guide un pays, quel qu'il soit. Ce n'est ni une reine ni une allusion à un pays qui empêchera que des débordements aient lieu.
L'application de la Loi sur les mesures de guerre en 1970 a été une bavure, et le traitement injuste de la communauté allemande à Kitchener en 1917 a été une injustice. Quel roi ou reine peut garantir que ces choses-là ne vont pas se reproduire? Quand on a demandé à Winston Churchill ce qu'il avait à offrir, il a répondu: « Blood, toil, tears and sweat ». Voilà un bien beau préambule. Ce n'est pas une définition qui fait en sorte qu'un pays fonctionne.
Quand vous arrivez tout juste dans un nouveau pays ou dans une nouvelle ville et qu'on vous tend la main pour la première fois, n'avez-vous pas alors le sentiment que ce pays est intéressant? Un pays où on parle de liberté et où on la vit également, c'est quelque chose à prendre à considération.
Est-ce qu'une définition est suffisante ou est-ce que ce n'est pas plutôt notre comportement les uns envers les autres qui fait qu'on a un beau pays? J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
À (1010)
[Traduction]
Mme Myrta Rivera: Je réfléchissais, mais comme vous nous avez seulement accordé cinq minutes, j'ai dû me limiter.
En ce qui concerne le serment, j'avais écrit au départ qu'il serait souhaitable d'avoir un texte reconnaissant que c'est le pays auquel nous prêtons allégeance, que nous ne renonçons pas à notre loyauté envers le roi Constantin II de Grèce, mais que nous renonçons à nos vieilles haines, à nos vieilles querelles, aux vieux conflits ethniques que nous apportons parfois ici dans nos bagages parce que nous n'avions plus notre place ailleurs.
Il faudrait inclure ce genre de déclaration—et le serment serait peut-être le meilleur endroit—affirmant que l'on s'engage à respecter tous les Canadiens. Voici le texte que j'ai rédigé, en quelques mots.
Le président: Merci.
Monsieur Siksay. Nous allons maintenant nous contenter de brèves questions.
M. Bill Siksay: M. Bryden voulait répondre à la dernière question et nous pourrions peut-être le laisser…
[Français]
M. John Bryden: Je veux simplement souligner que la Charte canadienne des droits et libertés est l'héritage du Canada: c'est celui des Autochtones, des francophones et des anglophones. C'est l'essence même de l'esprit canadien, et je pense qu'il est très important d'exprimer ce concept lorsqu'on prête serment.
[Traduction]
M. Bill Siksay: Madame Rivera, je tiens seulement à vous dire que Mme Douglas a très bien représenté l'OCASI sur les autres sujets que le comité a examinés hier, à Toronto.
Je voudrais revenir sur ce que vous avez dit au sujet de la révocation. Vous avez déclaré, je crois, que la citoyenneté pourrait être révoquée si les gens ne respectaient pas leur serment. Pourriez-vous nous en dire un peu plus? Beaucoup de gens se sont plaints que les nouveaux Canadiens sont, en quelque sorte, des citoyens de deuxième classe si leur citoyenneté peut leur être enlevée et n'est pas aussi permanente que pour ceux d'entre nous qui sommes nés au Canada.
Mme Myrta Rivera: Notre député de Kitchener—Waterloo a lui-même ardemment défendu ce point de vue. Pour ce qui est du fait que les gens sont des citoyens de deuxième classe s'ils risquent de perdre leur citoyenneté, je crois qu'il faut examiner plus en détail dans quelles conditions la citoyenneté pourrait être révoquée.
Pour quelle raison demander aux gens de prêter serment s'ils sont libres de le violer? Pourquoi prêterais-je serment si je peux trahir ce serment, si je peux être impunément déloyale envers le Canada?
Dans ce contexte, nous estimons que si la citoyenneté a été obtenue frauduleusement, dans l'intention de tromper ou si la loyauté et l'allégeance qui ont été promises… Et bien entendu, il faut que ce soit établi. Qu'entendons-nous exactement par là? Qui est un traître, etc.?
Il faudrait mettre en place le processus en vertu duquel une personne pourra être déchue de sa citoyenneté. Il n'est pas nécessaire de vous expulser. Vous resterez au Canada. C'est là que vous résidez, mais vous ne serez plus un citoyen comme avant. Je sais que cela peut susciter beaucoup de discussion.
M. Bill Siksay: Je voudrais demander au juge Sommerville de me parler un peu de la façon dont les juges de la citoyenneté abordent actuellement la question de la criminalité. Quel processus suivez-vous ou quels sont les problèmes auxquels vous êtes confrontés?
M. Bob Sommerville: Lorsqu'un juge de la citoyenneté reçoit une demande, il possède tous les renseignements dont il a besoin pour prendre sa décision. Dans chaque cas, le juge peut voir sur le formulaire d'examen de la demande de citoyenneté si la personne répond ou non aux exigences concernant la sécurité. Si elle n'y répond pas, il reçoit les renseignements nécessaires pour étudier la nature du problème. Il peut s'agir d'infractions punissables par procédure sommaire ou d'actes criminels et la loi précise bien ce que vous êtes censé faire dans chaque cas. En deux mots, si une personne est en probation ou a été en probation pendant une longue période au cours des quatre années précédant la date de la demande, elle ne peut pas obtenir la citoyenneté à ce moment-là.
De plus, si elle a été reconnue coupable d'un acte criminel au cours de la période de trois ans précédant sa demande, elle ne peut pas obtenir la citoyenneté.
Si le requérant est accusé d'un acte criminel, même s'il n'a pas encore été reconnu coupable, il n'a pas le droit d'obtenir la citoyenneté à ce moment-là.
Cela ne veut pas dire qu'il sera expulsé. Cela veut simplement dire que la Loi sur la citoyenneté considère qu'il est inacceptable qu'une personne ait eu certains comportements criminels pendant la période de quatre ans précédant la date de sa demande et qu'elle ne pourra pas rejoindre les rangs des citoyens canadiens tant qu'elle n'aura pas fait amende honorable.
C'est la meilleure explication que je puisse vous donner.
À (1015)
M. Bill Siksay: Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Temelkovski.
M. Lui Temelkovski: Merci beaucoup, monsieur le président.
C'est John, je crois, qui a parlé de la double citoyenneté. Un bon nombre d'entre nous ne sommes pas nés au Canada. Je crois qu'à moins de renoncer par écrit à la citoyenneté du pays où je suis né, je resterai un citoyen de ce pays jusqu'à ma mort.
Voulez-vous que nous y renoncions par écrit? Car c'est contraire, je crois, au principe du droit de naissance.
M. John Bryden: Vous n'échappez jamais à votre droit de naissance, et ce n'est pas ce que je demande. Le problème, quand vous arrivez d'un autre pays, c'est que vous pouvez avoir de la difficulté à adhérer aux valeurs qui sont celles du Canada si elles ne sont pas respectées dans votre pays d'origine.
Je crois que mon partenaire ici a présenté un excellent argument. Quand vous immigrez au Canada et que vous devenez un citoyen canadien, nous espérons que vous allez laisser derrière vous les conflits ethniques qui divisent brutalement certains pays, par exemple. Cela ne veut pas dire que vous ne souhaitez pas voir progresser votre pays d'origine et que vous devez rompre vos liens avec vos parents, vos amis et votre désir d'aider la population de votre pays d'origine. Mais il ne devrait y avoir aucun conflit, surtout si vous souscrivez à notre Charte des droits et libertés en prêtant un serment—qui n'existe pas encore. Si vous souscrivez aux principes de notre Charte, vous risquez d'être en conflit avec votre droit de naissance.
Par conséquent, dans un monde de plus en plus menaçant—et la situation va encore empirer—il est extrêmement important que les Canadiens de toute origine affirment leur désir de souscrire aux principes universels de l'égalité, de la démocratie et du respect de la règle de droit.
M. Lui Temelkovski: Je suis arrivé ici à l'âge de 13 ans. Il n'est pas réaliste de s'imaginer que mes liens avec le Canada ou mon allégeance ou mon admiration pour le Canada sont diminués du fait que je suis né à l'extérieur du pays.
Avant, je parlais seulement le macédonien, puis j'ai appris l'anglais. Cela ne veut pas dire que mon allégeance est amoindrie. Puis j'ai appris l'italien. Cela améliore une personne. Cela ne…
M. John Bryden: Non, je ne me suis peut-être pas bien fait comprendre.
Vous ne pouvez pas laisser vos racines derrière vous et ce n'est pas non plus ce que je vous demande, car le Canada est un pays dont les citoyens ont toutes sortes de racines différentes, et c'est ce qui nous rend aussi forts. Je soulignerais d'ailleurs que la contribution politique des Canadiens francophones est, comme chacun sait, extrêmement vivante et qu'elle a enrichi le pays.
Néanmoins, la réalité à ne pas oublier est qu'être Canadien, ce n'est pas la même chose qu'être Macédonien ou Polonais. Je crois que notre pays a mieux évolué que tout autre pays au monde en ce qui concerne le respect des libertés civiles et des droits de la personne. En prenant la citoyenneté canadienne, vous faites partie d'un peuple. Voilà pourquoi j'ai utilisé le mot « peuple » en français, car il a une signification plus particulière dans la langue française qu'en anglais.
Je veux seulement dire qu'en ce qui concerne la double citoyenneté que, même si vous ne tournez pas le dos à votre passé, vous devez reconnaître que le Canada est un pays qui a peut-être davantage évolué en ce qui concerne le respect des libertés humaines que le pays d'origine d'un grand nombre de gens qui viennent au Canada.
À (1020)
Le président: Merci beaucoup.
Je crois que c'est le bon moment d'intervenir. À mes yeux, le Canada est une collection de minorités. Il n'y a pas de majorité dans ce pays. Le Canada reflète le reste de la planète et j'oserais dire que la façon dont nous arrivons à nous entendre et à nous gouverner est la façon dont le monde va devoir se comporter. Je peux me situer du côté de la majorité de l'opinion publique aujourd'hui, mais me retrouver très rapidement du côté de la minorité de l'opinion publique le lendemain comme j'en ai déjà fait l'expérience.
À certains égard, c'est la raison pour laquelle nous avons la Charte des droits, car si vous réfléchissez à l'histoire du Canada, que ce soit la loi visant à restreindre l'immigration asiatique, l'impôt de capitation exigé des Chinois, l'internement des Ukrainiens et des Japonais, la politique d'exclusion des juifs, ce sont là des injustices contre lesquelles nous nous battons encore. Il y a deux projets de loi d'initiative parlementaire au Parlement, un qui concerne l'impôt de capitation auquel les Chinois étaient assujettis et l'autre l'internement des Ukrainiens. À mon avis, ce sont ces faits historiques qui ont conduit à la création de la Charte des droits et libertés le 17 avril 1982. On a reconnu que ces mesures étaient répréhensibles et que nous avions besoin d'un guide pour l'avenir. Nous avons enchâssé la Charte dans la Constitution et décidé que ce sont les juges qui interpréteraient la Constitution parce que les élus prennent des décisions politiques, mais que les questions de citoyenneté et de droits de la personne devaient être du ressort des tribunaux.
Le meilleur exemple que nous ayons est le débat sur le mariage entre conjoints du même sexe. À partir du moment où j'ai considéré cela comme une question de droits, il m'a été très facile d'appuyer cette mesure.
Dans cet esprit, en ce qui concerne la Charte, la difficulté est de trouver un préambule pour la Loi sur la citoyenneté ainsi qu'un serment de citoyenneté. Nous invitons le public à nous y aider. Je suis très content que M. Bryden soit venu nous faire son exposé, car il l'a fait avec beaucoup d'éloquence. Nous allons l'afficher dans notre site Web et inviter le public à nous soumettre d'autres textes.
Je mets au défi les gens de la région et les membres de votre groupe, Myrta, qui sont pleins de créativité, à trouver quelque chose, car cela nous serait très utile.
Quant à ce que vous avez dit, juge Van Mossel, à savoir que la citoyenneté et l'histoire de notre pays doivent être célébrées—vous êtes allée rejoindre les gens lorsque vous étiez juge—j'ai travaillé à quelque chose que j'appelle le temple de la Charte. J'envisage un temple virtuel de la Charte auquel pourraient participer nos juges de la citoyenneté, qui redeviendront, je l'espère, aussi nombreux qu'avant, et dans lequel ils pourront rejoindre les gens des différentes communautés, en leur parlant de notre histoire et en leur faisant comprendre pourquoi nous avons la Charte des droits et libertés. Je crois en effet que c'est ce qui nous unit, ces valeurs auxquelles nous souscrivons, qui font de nous une société très civilisée tournée vers l'avenir. J'envisage ce genre de rôle pour les juges. Même dans les petites villes, nous pourrions avoir un juge à temps partiel, une personnalité éminente à la retraite, dont le rôle serait de rejoindre les gens afin de leur expliquer pourquoi nous avons la Charte, pourquoi nous avons le genre de pays qui est le nôtre.
Je voudrais savoir ce que vous en pensez tous les deux, madame Van Mossel et monsieur Sommerville, ainsi que les deux autres témoins.
À (1025)
Mme Lorna Van Mossel: Je suis tout à fait d'accord avec vous, Andrew. C'est un rôle que les juges peuvent certainement jouer. La Charte et notre histoire, tout peut être intégré dans le travail que nous avons fait Bob et moi lorsque nous étions juges. Cela me paraît très, très important. Ce serait certainement beaucoup plus facile s'il y avait davantage de juges.
Voulez-vous ajouter quelque chose, Bob?
M. Bob Sommerville: Il est évident qu'il y a, dans toutes les villes, d'éminents citoyens qui sont connus, respectés et appréciés. Il faudrait que, dans toutes les régions du pays, ils puissent parler de la citoyenneté non seulement aux nouveaux citoyens canadiens, mais également aux étudiants, aux clubs philanthropiques, aux associations féminines, aux classes d'anglais pour les néo-Canadiens, etc.
J'hésite à le dire, mais nous n'avons que trois juges de la citoyenneté pour le moment, au Québec. Ils sont à Montréal et n'ont pas très souvent l'occasion d'aller dans le reste de la province. Il y a tellement de villes du Québec qui comptent d'éminents citoyens. S'ils pouvaient aller parler de la citoyenneté canadienne dans les écoles, ce serait une occasion formidable de renforcer le sentiment d'appartenance au Canada.
Le président: Merci.
John.
M. John Bryden: Je dirais seulement deux choses.
Premièrement, je crois que nous devons augmenter le nombre de juges de la citoyenneté, car leur présence apporte un caractère humain à l'assermentation. Pour que le serment signifie quelque chose, il faut qu'il soit administré par des gens qui ne sont pas nécessairement des avocats, mais qui se sont distingués dans la société canadienne en souscrivant aux principes mêmes de la Charte des droits et libertés.
J'ajouterais que l'inclusion des principes de la Charte dans le serment ne s'applique pas seulement aux nouveaux Canadiens, mais à nous tous. C'est un engagement et un engagement qui empêche le gouvernement de prendre des mesures excessives, par exemple dans le contexte de la lutte contre le terrorisme où des gens peuvent être détenus sans procès pendant un certain temps. Lorsque le serment mentionne le respect de la règle de droit et qu'il est entendu que ce sont les valeurs auxquelles souscrivent tous les Canadiens, un gouvernement peut très difficilement enfreindre la règle de droit.
Je dirais que c'est une des raisons pour lesquelles les gouvernements préfèrent dire, comme c'est le cas actuellement, que les citoyens doivent simplement observer les lois du pays. Il y a une loi qui passe avant la loi du pays, c'est la loi universelle qui prévoit un procès équitable, des débats et la possibilité pour tous d'exprimer leur opinion, tout ce qui fait une démocratie.
Monsieur le président, le gouvernement hésite parfois à reconnaître que certaines lois sont au-dessus des autres et s'appliquent à toute l'humanité.
Le président: Merci beaucoup et je remercie les témoins. Nous apprécions vivement votre participation. Nous allons produire un certain nombre de rapports. Nous espérons que notre rapport sur cette question sera reflété dans la loi et nous vous en enverrons à tous un exemplaire. Merci beaucoup d'être venus partager vos connaissances avec le comité.
Je vais suspendre l'audience pendant cinq minutes afin que les prochains témoins puissent prendre place.
À (1030)
À (1044)
Le président: Nous reprenons maintenant notre audience. Nous allons de nouveau nous pencher sur la question de la citoyenneté.
Nous allons entendre un certain nombre de témoins qui vont nous faire des exposés de cinq minutes, après quoi les membres du comité leur poseront des questions.
Je voudrais d'abord donner la parole à Kuldip Singh Bachher, secrétaire de la Golden Triangle Sikh Association.
M. Kuldip Singh Bachher (secrétaire, Golden Triangle Sikh Association): Monsieur le président et membres du comité, je m'appelle Kuldip Singh Bachher. Je suis professeur de sciences et j'enseigne au Conseil scolaire catholique de Waterloo. Je représente la communauté sikh par l'entremise de la Golden Triangle Sikh Association, de Kitchener—Waterloo.
Je me réjouis de constater que votre comité recueille les opinions des gens ordinaires qui sont touchés, dans leur vie de tous les jours, par la Loi sur la citoyenneté actuellement en vigueur, qui a été adoptée avant la Charte des droits.
Comme on peut clairement le constater, notre pays semble faire deux poids deux mesures—je ne suis pas certain que ce soit le terme exact—lorsqu'il s'agit de mettre en oeuvre plusieurs politiques. Il semble bien y avoir deux types différents de citoyenneté, une pour les gens qui sont nés ici et qui sont traités comme des citoyens de première classe et une autre pour ceux qui sont devenus citoyens par naturalisation et qui, à mon avis, sont traités comme des citoyens de deuxième classe.
La citoyenneté est non pas un privilège, mais un droit fondamental pour chaque citoyen. À cet égard, j'attirerais l'attention des membres du comité sur plusieurs articles de la Charte des droits et libertés. L'article 7 porte sur la vie, la liberté et la sécurité; l'article 11 traite de la procédure dans les affaires criminelles et pénales et l'article 12 protège contre les traitements ou les peines cruels.
Tous ces articles assurent une protection à tous les citoyens, que vous soyez ici de par votre naissance ou par naturalisation. La citoyenneté est un statut qui impose le respect et qui doit être célébré et reconnu comme tel. La loi actuelle confère au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration pleins pouvoirs pour dénaturaliser et expulser les gens. Cela s'applique-t-il à tous les citoyens du pays? Pas vraiment. Seulement aux citoyens de deuxième classe.
Avant de prendre la citoyenneté de ce pays, les gens ont déjà abandonné la citoyenneté de leur pays de naissance et le Canada ne peut pas faire d'eux des apatrides. Si on estime que la période de résidence qui est actuellement de trois ans n'est pas suffisante pour obtenir la citoyenneté, cette période pourrait être prolongée, mais une fois que la citoyenneté est accordée, elle ne doit pas être enlevée. Une fois accordée, la citoyenneté est irrévocable.
Honorables président et membres du comité, le Canada est un pays d'immigrants. Dans le Globe and Mail du 23 mars 2005, on peut lire que si les tendances actuelles de l'immigration et les taux de natalité des minorités visibles se maintiennent, un Canadien sur cinq sera non Blanc d'ici 12 ans, c'est-à-dire en 2017, lorsque le Canada célébrera le 150e anniversaire de la Confédération.
Cette tendance soulève des problèmes qu'il faudrait résoudre plus rapidement que ce n'est le cas actuellement. En plus de se contenter d'attribuer des fonds, il est temps que le gouvernement fédéral mette en place les mécanismes nécessaires pour que les professionnels hautement qualifiés comme les médecins, les ingénieurs, les enseignants, les pharmaciens et toutes sortes d'autres catégories professionnelles puissent obtenir la formation dont ils ont besoin. Ce sont les gens qui sont admis ici uniquement en raison de leurs mérites. Je tiens à le répéter. Ce sont les gens qui sont importés dans ce pays uniquement en raison de leurs mérites, au moyen de l'immigration, mais qui doivent travailler comme chauffeurs de taxi, comme ouvriers d'usine, comme gardiens de sécurité, etc.
Soyons juste. Si vous importez des médecins, donnez-leur la formation nécessaire pour obtenir des titres de compétences canadiens. Cet argument vaut également pour toutes les autres professions.
À (1045)
Ce groupe de professionnels importés représente une richesse acquise facilement et à bon marché pour le Canada. Le Canada n'a rien dépensé pour les former mais est parfaitement en mesure d'utiliser les connaissances qu'ils ont acquises ailleurs. Ne gaspillez pas les talents de ces professionnels expérimentés et bien formés. Cela finit pas causer du découragement. Le Canada devrait suivre l'exemple de son voisin, les États-Unis ou de pays européens comme la Suède. Des gens de toutes nationalités travaillent dans toutes sortes de professions en Suède. Mon propre enfant travaille là-bas comme médecin. La seule condition requise est qu'il faut apprendre la langue du pays, qui est le suédois. Pensez-vous que le système médical suédois soit inférieur au système médical canadien? Je peux certainement vous affirmer que non.
Sur une note plus sérieuse, il est temps que le Canada examine sa politique d'immigration dans l'intérêt des deux parties et pas seulement pour des raisons égoïstes. L'établissement d'un bon programme de reconnaissance des titres de compétences et l'ouverture du système de soins de santé qui est actuellement fermé seront très bénéfiques pour tout le monde. Notre pays dispose des fonds et de la main-d'oeuvre nécessaire pour accomplir cette simple tâche, à moins que ce ne soit pas possible pour des raisons politiques.
Une autre grande question qui préoccupe la communauté sikh est celle du regroupement familial. Cela préoccupe vivement les membres de notre communauté. Le nombre d'années qu'il faut aux familles pour remplir toutes les formalités, subir les entrevues, etc., les frustrations au bureau des visas et la lenteur du traitement des demandes sont insupportables. La plupart des membres de la famille qui vivent dans des villages n'ont pas accès à divers documents qui sont parfois exigés par le bureau des visas. Imaginez ce qui se passe lorsqu'un agent des visas dit aux parents d'un Canadien qui les parraine qu'ils doivent produire les résultats d'un test d'ADN pour pouvoir obtenir leur visa. On croit généralement que les tests d'ADN sont exigés, dans la plupart des cas, des gens qui ont un casier judiciaire, mais pas des citoyens ordinaires. Nous pensons que le gouvernement doit se pencher sur la question et qu'il devrait peut-être revoir les objectifs d'immigration.
Dans le numéro d'India Abroad du 15 avril, on pouvait lire que le ministre de l'Immigration a obtenu environ 400 millions de dollars dans ce nouveau budget. C'est bien. Nous espérons tous que cet argent servira aux fins auxquels il est destiné. Cela va-t-il aider à éliminer la paperasserie dans les bureaux des visas? La plupart des gens touchés sont des personnes âgées qui doivent voyager pendant de longues heures pour se rendre au bureau des visas et faire la queue pendant des heures et des heures rien que pour pouvoir parler à un agent. Les minorités n'ont même pas la chance de pouvoir le faire.
Ce sont les gens qui sont parrainés par leurs enfants qui vivent au Canada. En cas d'irrégularités, que l'on demande aux enfants de rendre des comptes, mais ne causez pas de souffrance aux personnes âgées. Il faut toujours accorder le « bénéfice du doute ». Dans certains cas, nos agents des visas disposent de pouvoirs énormes. Peut-être faudrait-il réduire ces pouvoirs et les réexaminer.
Nous espérons sincèrement que votre comité aura la sagesse d'adopter des lois et des règlements qui seront bénéfiques pour tous les citoyens, qu'ils soient citoyens de naissance ou par naturalisation.
Merci.
À (1050)
Le président: Merci.
Nous allons maintenant entendre Jurij Fedyk, de la communauté ukrainienne canadienne.
M. Jurij Fedyk (Ukrainian Canadian Liberal Committee): Merci beaucoup.
Bonjour, monsieur le président et membres du comité. Je m'appelle Jurij Fedyk. Je représente le Ukrainian Canadian Liberal Committee. Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd'hui.
Je voudrais parler de la nouvelle Loi sur la citoyenneté. Je vous ferai valoir que le droit à la citoyenneté doit s'appuyer sur la Charte des droits et libertés.
La question de la citoyenneté est la plus fondamentale de toutes les questions sociales et politiques. La citoyenneté définit vos relations avec votre pays. Elle définit dans une large mesure l'identité d'une personne. C'est une chose si fondamentale qu'on a souvent tendance à la tenir pour acquis, à l'oublier ou à la négliger dans la vie de tous les jours.
« I am Canadian » affirme l'annonce en faveur d'une marque de bière. La rondelle tombe, la foule hurle et l'annonceur clame « I am Canadian »—mais le suis-je vraiment?
Il a été établi devant votre comité qu'il y a deux catégories de citoyenneté canadienne, une pour les Canadiens nés au Canada, dont la citoyenneté ne peut pas être révoquée et qui ne peuvent pas être expulsés et l'autre pour les Canadiens naturalisés qui peuvent l'être, les Canadiens naturalisés comme moi-même.
D'autres témoins ont démontré que les règles et procédures actuellement en vigueur à l'égard de la citoyenneté canadienne enfreignent plusieurs articles de la Charte des droits et libertés. Je ne vais pas en parler ici. Pour justifier de tels manquements à la Charte, on évoque des principes comme le fait que nous ne pouvons pas tolérer de Nazis parmi nous ou, plus récemment, que nous ne pouvons pas tolérer de terroristes parmi nous. Aucune personne soucieuse de justice, d'humanitarisme ou du respect des libertés ne voudrait que le Canada devienne un refuge pour les Nazis ou les terroristes.
Le problème est qu'il faut trouver un moyen de répondre à ces préoccupations. Au lieu d'appliquer la procédure criminelle pour étudier ce qui constitue, de toute évidence, une affaire criminelle, nous contestons la citoyenneté de l'intéressé, peu importe le nombre d'années qu'il a passées au Canada et le fait que cette personne a la citoyenneté canadienne. Suis-je Canadien?
J'espérais pouvoir présenter au comité des faits nouveaux et peut-être une perspective nouvelle sur ce problème qui ne date pas d'hier : le Canada a eu des problèmes avec la question de la citoyenneté depuis pratiquement les débuts de son existence. Les motifs d'expulsion changent au gré des intérêts politiques. Voilà ce que nous faisons de ce principe. Il est donc absolument indispensable d'inscrire le droit de citoyenneté dans la Charte.
La Loi sur l'immigration de 1906 a été le premier texte de loi qui précisait dans quelles circonstances une personne pouvait être expulsée. Avant cela, l'expulsion ne reposait sur aucune base législative. Les expulsions étaient officieuses et extra-judiciaires. Elles ont été rares pendant cette période, mais elles ont surtout été faites pour des causes médicales.
Voyons ce qu'il en est de la justice. Un immigrant attire l'attention du ministère de l'Immigration parce qu'il est incapable de subvenir à ses besoins, généralement à la suite d'une incapacité physique, par exemple une maladie ou une blessure souvent imputable à un accident du travail et il finit par être expulsé.
La loi de 1906 prévoyait surtout un cadre officiel et juridique pour les activités antérieures du ministère. Elle stipulait que les personnes incapables de travailler ou qui risquaient d'être un fardeau pour l'État pouvaient être expulsées. D'autre part, les « mésadaptés sociaux » pouvaient également être expulsés. C'est la raison qui était invoquée pour expulser les femmes pour des impératifs moraux.
La Loi sur l'immigration de 1910 ajoutait des motifs moraux et politiques aux dispositions de la loi régissant l'expulsion. L'immigration de prostituées de même que de femmes et de jeunes filles à des fins immorales était interdite. Vous pouviez être expulsé si vous viviez de la prostitution. Vous pouviez être également expulsé si vous préconisiez de renverser par la violence les lois et le pouvoir de l'Empire britannique, pour incitation à l'émeute, pour fomenter des troubles ou si vous étiez « soupçonné » d'appartenir à des organisations secrètes menaçant le gagne-pain des citoyens canadiens.
Les lois sur l'immigration de 1906 et de 1910 ont eu pour effet de rationaliser et systématiser l'expulsion . Le ministère de l'Immigration a procédé aux expulsions de façon plus sélective. Les nouvelles catégories de personnes qui pouvaient être expulsées correspondaient à des groupes sociaux identifiables et indésirables : les malades mentaux, les prisonniers et les personnes qui étaient un fardeau pour l'État étaient des candidats à l'expulsion.
La procédure d'expulsion est devenue beaucoup plus fréquente au cours de cette période. En 1914, il y a eu 1 834 expulsions dont 61 p. 100 visant des immigrants qui étaient devenus un fardeau pour l'État.
À (1055)
Une commission d'enquête composée de fonctionnaires du ministère de l'Immigration déterminait si un immigrant avait contrevenu à la Loi sur l'immigration. La personne frappée d'expulsion avait le droit de faire appel au ministre de l'Immigration, mais pas aux tribunaux.
Il y a eu une diminution du nombre d'expulsions au début de la Première Guerre mondiale, de 1914 à 1917 environ. C'était à la suite de la création d'une catégorie d'immigrants baptisés « sujets d'un pays ennemi ». Il s'agissait des immigrants venant de pays qui étaient les adversaires de l'Empire britannique, y compris le Canada, dans la Grande Guerre. Ces immigrants ont été incarcérés dans des camps d'internement au lieu d'être expulsés afin qu'ils ne puissent pas se battre dans les rangs ennemis en Europe.
Curieusement, vers la fin de la Première Guerre mondiale, vers 1917, il y a eu un revirement dans les inquiétudes concernant les allégeances des sujets de pays ennemis. Alors qu'au départ, on craignait que les immigrants sympathisent avec le Kaiser, vers la fin de la guerre, on craignait qu'ils sympathisent avec les bolcheviques
En 1917, la criminalité est devenue la cause de renvoi la plus fréquente puisqu'elle a motivé environ la moitié de toutes les expulsions. La source de cette criminalité se situe dans un contexte purement canadien ; le mouvement syndical s'était radicalisé dans l'ouest du pays. L'ouverture de l'Ouest canadien, les politiques gouvernementales qui favorisaient les travailleurs nés au Canada, la conscription de ces travailleurs, sont autant de facteurs qui ont augmenté la demande de travailleurs immigrants et qui ont permis aux organisateurs syndicaux américains, ceux qui appartenaient aux « Wobblies » si vous en avez entendu parler, de trouver un auditoire prêt à les écouter.
La radicalisation des ouvriers et la paranoïa à l'égard des bolcheviques ont intensifié les contacts entre les travailleurs immigrants et les forces policières, ce qui a augmenté le nombre d'accusations au pénal et le nombre d'expulsions, surtout vers les États-Unis. Ces tensions ont persisté pendant la Première Guerre mondiale et ont débouché sur la grève générale de Winnipeg, qui a commencé le 15 mai 1919.
Le 5 juin 1919, une série d'amendements purement politiques à la Loi sur l'immigration de 1910 ont été adoptés précipitamment par les deux Chambres, en l'espace de 40 minutes. Ils sont entrés en vigueur le lendemain, le 6 juin 1919. Ces amendements permettaient pour la première fois d'expulser des Canadiens naturalisés en raison de leurs convictions politiques ou de leurs actes, peu importe depuis combien d'années ils vivaient au Canada. Ces amendements visaient les meneurs de la grève générale de Winnipeg qui étaient nés en Grande-Bretagne.
Arthur Meighen, qui était à l'époque le sous-ministre de la Justice, avait donné les instructions suivantes au ministère de l'Immigration le 21 juillet 1919 : « Le gouvernement a pour politique…d'expulser tous les sujets de pays ennemis internés qui sont jugés indésirables qu'ils soient autrement expulsables ou non ». Je vous cite un extrait d'une thèse de doctorat non publiée qui se trouve dans les archives nationales. Son auteur est Barbara Ann Roberts.
Examinez la logique. Le gouvernement avait pour politique d'expulser « tous les sujets de pays ennemis internés qui étaient jugés indésirables » qu'ils soient autrement expulsables ou non. Cela veut dire qu'on commençait par prendre la décision de les expulser et que c'est seulement ensuite que le ministère de l'Immigration trouvait des raisons le justifiant. Autrement dit, le ministère procédait à l'envers. Au lieu d'expulser les personnes susceptibles de l'être, il établissait une liste de personnes jugées indésirables pour des raisons politiques, après quoi on cherchait un prétexte pour les expulser.
Au cours des deux premières décennies du XXe siècle, l'expulsion a servi à résoudre des problèmes politiques, sociaux et économiques. On expulsait des immigrants parce qu'ils avaient été victimes d'un accident du travail, parce qu'ils avaient des problèmes de santé qui limitaient leur capacité de travail, parce qu'ils devenaient un fardeau pour l'État ou parce qu'ils avaient des qualités morales douteuses. Ils étaient expulsés en raison de la paranoïa des autorités canadiennes, pour protéger les emplois des travailleurs nés au Canada et pour faire de la place sur un marché du travail saturé. Ils étaient internés pour soutenir l'effort de guerre.
Les autorités canadiennes ont manipulé la législation gouvernementale, ont contourné les tribunaux et créé un système purement administratif pour examiner les questions de citoyenneté. C'est ce qu'elles continuent de faire. Voilà pourquoi le droit de citoyenneté doit être inscrit dans la Charte.
Je vous remercie de votre attention. J'espère que vous réussirez à inscrire la citoyenneté canadienne dans la Charte canadienne des droits et libertés. Si vous échouez, nous ne comprendrons toujours pas ce que c'est que d'être Canadien.
Suis-je Canadien oui ou non?
Á (1100)
Le président: Merci.
M. Jurij Fedyk: L'êtes-vous?
Le président: Merci.
J'espère que tous les exposés dureront cinq minutes au lieu de 10, mais je vous remercie.
Le témoin suivant est M. Ulrich Frisse, du Congrès germano-canadien.
M. Ulrich Frisse (Kitchener-Waterloo, Congrès germano-canadien, national): Cher monsieur le président et chers membres du comité, avant de vous faire part des préoccupations de la section ontarienne du Congrès germano-canadien, permettez-moi de dire que nous apprécions vivement que vous voyagiez d'un bout à l'autre du pays pour écouter ce que les Canadiens, et les organismes qui les représentent, ont à dire au sujet des questions cruciales que vous étudiez. Particulièrement à notre époque où les Canadiens ont de plus en plus de doute au sujet de nos institutions politiques, il est absolument essentiel de communiquer avec les citoyens.
Permettez-moi également de vous féliciter pour le travail impressionnant que le comité a accompli jusqu'ici, et le consensus qu'il semble avoir atteint malgré le jeu des alliances politiques.
Dans son rapport de 2004, le comité décrivait un grand nombre des défauts inacceptables de nos lois actuelles sur la citoyenneté. Nous sommes convaincus que les suggestions que vous faites dans ce rapport et les opinions que vous avez entendues serviront de base à une nouvelle Loi sur la citoyenneté solide comme le roc qui, contrairement à celle que nous avons actuellement, répondra aux principes définis par la Charte canadienne des droits et libertés et le droit international.
Vous nous avez soumis un certain nombre de questions concernant divers aspects de la citoyenneté. Je voudrais commencer par y répondre avant d'aborder la question qui nous préoccupe le plus, celle de la révocation de la citoyenneté.
Vous demandez si le nouveau texte de loi sur la citoyenneté devrait comprendre un préambule énonçant les droits et responsabilités du citoyen. Notre réponse est oui, mais la question n'est pas vraiment importante à nos yeux étant donné que les citoyens ne peuvent pas faire appliquer les préambules par les tribunaux, de toute façon.
Vous demandez également si on devrait imposer des restrictions à l'obtention de la citoyenneté par la naissance. Nous répondons à cela par un non catégorique. Je dois dire que je m'étonne que cette question ait même été posée. Les traditions du Canada et la réputation dont il jouit comme un des principaux pays d'immigration au monde reposent en grande partie sur le fait que les enfants des immigrants que notre société accueille ont les mêmes chances que les autres de grandir en tant que Canadiens. Il n'est absolument pas pensable de revenir sur ce principe à moins d'être prêt à sacrifier les valeurs fondamentales sur lesquelles notre pays a été fondé.
Vous nous avez également demandé quels critères on devrait utiliser pour accorder la citoyenneté aux nouveaux arrivants. Tout d'abord, nous croyons que la période de résidence permanente de trois ans est tout à fait appropriée pour devenir admissible à la citoyenneté canadienne et nous ne suggérons aucun changement à cette exigence.
Deuxièmement, nous sommes convaincus que les nouveaux Canadiens doivent, dans leur propre intérêt, avoir plus qu'une compréhension de base d'une des deux langues officielles du pays. Les nouveaux Canadiens doivent également démontrer qu'ils connaissent les valeurs culturelles, historiques et sociales qui définissent notre pays; autrement, ils ne peuvent pas s'établir avec succès dans notre société.
Toujours en réponse à cette question, nous voulons que la citoyenneté devienne irrévocable au plus tard cinq ans après que l'immigrant l'a obtenue. Si elle devient irrévocable comme nous le suggérons, le gouvernement devra faire plus d'efforts pour évincer le plus tôt possible les personnes qui ne sont pas admissibles à la citoyenneté canadienne. Cela veut dire qu'il faut réviser le processus de sélection. Le gouvernement a la responsabilité, envers les requérants de bonne foi et l'ensemble de la société, de ne pas laisser entrer au Canada des gens qu'il faudra expulser de force par la suite.
Monsieur le président, membres du comité, le Congrès germano-canadien s'inquiète énormément de la révocation de la citoyenneté que permet la loi actuelle. Nos inquiétudes ne se fondent pas seulement sur le fait qu'un membre de longue date de notre communauté, M. Helmut Oberlander, est l'une des victimes des actes inconstitutionnels du gouvernement et de sa violation de sa propre politique. Nos préoccupations sont beaucoup plus vastes. En réalité, la loi actuelle menace le statut juridique de tous les Canadiens naturalisés, de six millions de personnes, soit 20 p. 100 de la population. La loi actuelle sur la citoyenneté fait de six millions de Canadiens des citoyens de deuxième classe, ce qui est tout simplement inacceptable.
Le défaut impardonnable de la loi actuelle est qu'elle permet au gouvernement de révoquer la citoyenneté de tout Canadien naturalisé—et je dis bien de « tout » Canadien naturalisé—sans avoir à prouver qu'il s'est rendu coupable d'un acte criminel.
Le Congrès germano-canadien demande au gouvernement de porter des accusations au criminel contre les Canadiens qu'il continue à traiter publiquement de criminels de guerre et de présenter la preuve des actes criminels qu'ils ont commis conformément à la définition des crimes de guerre. S'il ne peut pas produire ces preuves, qu'il laisse ces personnes tranquilles.
Á (1105)
La Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre fournit le cadre juridique voulu pour régler le cas des criminels de guerre dans le cadre du droit pénal canadien. Le gouvernement n'a tout simplement pas besoin de moyens détournés. La stratégie de la dénaturalisation et de l'expulsion, qui présente de nombreux défaut, n'est pas digne d'un État constitutionnel moderne comme le Canada et va à l'encontre des valeurs fondamentales inscrites dans notre Charte, qui ont été souvent citées aujourd'hui, des valeurs fondamentales comme l'égalité, l'application régulière de la loi, l'équité, la transparence et la même justice pour tous les Canadiens. En évitant les tribunaux pénaux et les preuves qu'ils exigent, le gouvernement circonvient clairement à l'un des principaux les plus fondamentaux de la justice, à savoir que les allégations les plus graves, car les allégations de crimes de guerre sont graves, doivent être prouvées au-delà de tout doute raisonnable dans une cour de justice.
Aux termes de la loi actuelle, le gouvernement peut faire des apatrides de Canadiens de longue date sous prétexte qu'ils se sont peut-être présentés sous un faux jour lorsqu'ils ont demandé la citoyenneté canadienne il y a plus d'un demi-siècle. Il n'est pas nécessaire de prouver la principale accusation, à savoir que la personne en question a commis un crime de guerre. Il suffit au gouvernement de qualifier un Canadien naturalisé de criminel de guerre ou, ce qui touche de nombreux autres groupes ethniques, de terroriste potentiel pour que cette personne perde sa citoyenneté ou puisse être expulsée sans pouvoir prouver son innocence devant un tribunal.
Le Congrès germano-canadien trouve alarmant que le gouvernement s'attaque de toute évidence à la citoyenneté, un des principes les plus fondamentaux de tout pays. Ce faisant, le gouvernement non seulement viole la Charte des droits et libertés et le droit international, mais il ternit la réputation du Canada dans le monde.
Le cas de M. Oberlander est devenu pour le gouvernement un cas type pour mesurer jusqu'où il peut aller. Plusieurs juges ont conclu que le gouvernement avait agi envers M. Oberlander d'une façon qui lésait les droits constitutionnels que lui reconnaît la Charte des droits et libertés.
En janvier 2004, le juge Reilly, de la Cour supérieure de l'Ontario, a fait valoir qu'en révoquant la citoyenneté de M. Oberlander, le gouvernement avait enfreint l'article 7 de la Charte, qui stipule :
Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale. |
Le plus haut tribunal du pays, la Cour suprême du Canada, a ensuite estimé que le gouvernement avait essayé activement d'intervenir auprès du tribunal dans le cas de M. Oberlander. Le juge Reilly, de la Cour supérieure de l'Ontario, a contesté le secret qui a entouré les délibérations du Cabinet à la suite desquelles M. Oberlander a perdu sa citoyenneté. Le juge Reilly a également fait remarquer que M. Oberlander n'était pas représenté par un avocat à la réunion cruciale du Cabinet à laquelle le gouvernement a décidé de lui enlever sa citoyenneté, que le gouvernement n'avait pas examiné tous les documents qu'il avait soumis et n'en avait pas tenu compte et qu'il y avait un conflit d'intérêts du fait que le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration et le procureur général jouaient en même temps le rôle de la poursuite et du juge.
Lorsque la Cour d'appel fédérale a finalement rétabli la citoyenneté de M. Oberlander en mai 2004, elle a déclaré que le gouvernement avait enfreint sa propre politique. La Cour d'appel fédérale a rétabli la citoyenneté de M. Oberlander pour la raison que le gouvernement n'avait pas pu expliquer comment une politique qui s'applique uniquement aux individus soupçonnés d'être des criminels de guerre pouvait s'appliquer à M. Oberlander alors que plusieurs tribunaux canadiens l'avaient déjà exonéré de toute accusation de crimes de guerre.
C'est scandaleux. Les dispositions de la loi actuelle qui permettent la révocation de la citoyenneté sont contraires non seulement à la Charte et à la propre politique du gouvernement, mais également au droit international. La politique actuelle du gouvernement contrevient à l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme des Nations Unies qui stipule que : « Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité ». Le droit international interdit de priver un être humain de sa citoyenneté si cela le rend apatride et c'est bien normal car sans citoyenneté, vous n'avez aucune personnalité juridique.
Je n'ai pas à vous rappeler que lorsque des gens comme Helmut Oberlander sont devenus des citoyens canadiens il y a une cinquantaine d'années, le gouvernement allemand n'autorisait pas la double citoyenneté. La plupart des anciens membres de notre communauté ont dû renoncer à leur citoyenneté allemande lorsqu'ils sont devenus Canadiens.
L'Allemagne n'est pas le seul exemple de pays qui exige de ses ressortissants qu'ils renoncent à leur citoyenneté de naissance lorsqu'ils adoptent la citoyenneté d'un autre pays. On s'attendrait à ce que les avocats qui travaillent pour le gouvernement se penchent sur ces questions avant qu'une stratégie de dénaturalisation et d'expulsion ne soit adoptée et appliquée.
Á (1110)
C'est la forme de dilettantisme juridique la plus dangereuse qui soit et qui a le plus de conséquences pour les personnes touchées et leurs familles. Mme Irene Rooney, qui va également vous présenter un exposé, pourra vous parler des répercussions des dispositions de la loi actuelle concernant la révocation de la citoyenneté sur les familles qui sont directement touchées par cette politique scandaleuse.
En plus de toutes les questions juridiques dont j'ai parlé, le gouvernement doit également tenir compte de ce que l'expulsion d'une personne qui a vécu au Canada en tant que citoyen canadien pendant un demi-siècle signifie pour sa famille, ses enfants et ses petits-enfants qui sont nés au Canada.
Permettez-moi de conclure en citant le regretté juge Sopinka, de la Cour suprême, qui a dit : « Il est à mon avis cruel et inhumain de déraciner une personne de sa famille et de la vie qu'elle a bâtie pendant 35 ans ou plus comme citoyen productif parce qu'on soupçonne qu'elle a peut-être été un criminel de guerre ».
Pour ces raisons, le Congrès germano-canadien…
Le président: Ulrich, nous avons déjà largement dépassé le temps prévu, alors pouvez-vous…
M. Ulrich Frisse: Excusez-moi. Accordez-moi seulement 30 secondes pour conclure, s'il vous plaît.
La dernière question posée par le gouvernement portait sur le genre de stratégie d'engagement à la citoyenneté dont le Canada a besoin pour s'assurer que la citoyenneté soit reconnue et célébrée.
Pour moi, la réponse est simple : respectez la Charte et cessez d'utiliser la révocation de la citoyenneté pour contourner la justice pénale lorsque vous manquez de preuves. Faites des six millions de Canadiens de deuxième classe des citoyens à part entière afin qu'ils puissent de nouveau être fiers de détenir l'une des citoyennetés les plus respectées au monde.
Monsieur le président et membres du comité, je vous remercie de votre attention et de m'avoir accordé cette petite prolongation à la fin.
Á (1115)
Le président: Merci beaucoup.
Le témoin suivant est Mme Irene Rooney.
Mme Irene Rooney (à titre personnel): Bonjour, monsieur Telegdi et membres du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration. Je n'appelle Irene Rooney. Je voudrais vous remercier de m'avoir permis de prendre la parole devant vous aujourd'hui.
J'ai lu votre rapport de novembre 2004 intitulé « Actualiser la Loi sur la citoyenneté du Canada : Questions à traiter » et je voudrais vous féliciter pour votre rapport et le travail que vous poursuivez.
Je voudrais vous parler plus particulièrement de ce qui figure à la page 5, au paragraphe 4, sous le titre « Perte de la citoyenneté —Révocation ». Je m'intéresse au paragraphe concernant la révocation de la citoyenneté, car c'est la procédure de révocation actuelle qui a eu de graves répercussions sur ma famille.
Mon père, Helmut Oberlander, un citoyen canadien naturalisé, a été victime d'un abus de pouvoir de la part du gouvernement dans la cause sur sa révocation, qui remonte à 1995. Nous sommes bien placés pour connaître la stratégie du gouvernement à l'égard de la révocation de la citoyenneté et de l'expulsion étant donné que nous nous battons depuis 10 ans pour que mon père puisse rester au Canada. Nous avons comparu dans de nombreux tribunaux, y compris la Cour fédérale, la Cour d'appel fédérale, la Cour suprême du Canada, la Cour supérieure de l'Ontario et la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.
Permettez-moi de vous relater brièvement les faits. Helmut Oberlander était un étudiant d'origine allemande âgé de 17 ans qui vivait en Ukraine en 1942 lorsque l'armée allemande a envahi sa ville pendant la Seconde Guerre mondiale. Comme il pouvait parler l'allemand et le russe, il a été conscrit pour travailler comme interprète pour les Allemands. Il n'a jamais été payé pour ses services.
Neuf ans après la fin de la guerre, en 1954, mon père est venu au Canada avec la femme qu'il venait d'épouser dans le but de trouver une vie meilleure et de fonder une famille. Le jeune couple s'est établi à Kitchener--Waterloo. Tous les deux ont obtenu la citoyenneté canadienne en 1960. Ils ont vécu dans ce pays de façon continue pendant 51 ans et pendant tout ce temps, mon père a été un citoyen respectueux des lois qui a créé des emplois pour de nombreuses personnes et a apporté sa contribution à la société.
En février 1995, alors qu'il avait la citoyenneté canadienne depuis 35 ans, le gouvernement fédéral lui a envoyé un avis l'accusant d'avoir obtenu sa citoyenneté au moyen d'une fausse déclaration, d'une fraude ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels et pour avoir pris part à des crimes de guerre. Le gouvernement avait l'intention de le dépouiller de sa citoyenneté et de l'expulser. Comme vous pouvez l'imaginer, cet avis nous a bouleversés et nous ne pouvions pas croire qu'une mesure aussi draconienne pouvait être prise contre un citoyen de longue date dans un pays civilisé moderne.
Tous les citoyens canadiens naturalisés, qui sont au nombre de six millions, peuvent recevoir ce genre d'avis n'importe quand, même s'ils résident au Canada depuis plus de 50 ans. Cela crée deux catégories de citoyens dans notre pays. Les citoyens naturalisés ou citoyens par choix n'ont pas le même statut ou la même garantie de faire autant partie de notre pays que les citoyens qui sont nés ici. Le gouvernement peut décider de révoquer leur citoyenneté des années et même des décennies plus tard.
Lorsqu'on envoie à quelqu'un un avis comme celui que mon père a reçu, le fardeau de la preuve est inversé; cela l'oblige à prouver son innocence. Dans le cas de mon père, le gouvernement a détruit tous les dossiers d'immigration pertinents qui dataient des années 50 et aucune des personnes qui ont pu assisté à son entrevue d'immigration en Allemagne, en 1952, n'a été retrouvée. Pourtant, on s'attendait à ce qu'il se défende contre des allégations de fausses représentations et de crimes de guerre dont il se serait rendu coupable il y a un demi-siècle.
En l'an 2000, une audience a eu lieu à la Cour fédérale et le juge qui la présidait a envoyé un rapport à l'ancien ministre de la Citoyenneté, Elinor Caplan. Dans son rapport, le juge MacKay disait conclure que mon père n'avait pas participé directement ou indirectement à des crimes de guerre pendant son service. En fait, le gouvernement n'a pas présenté la moindre preuve à cet effet.
Une des conclusions du rapport était toutefois qu'il n'avait probablement pas dit la vérité au sujet de l'unité dans laquelle il avait servi pendant la guerre lors de son entrevue d'immigration, même si cette décision ne se fondait sur aucune preuve documentaire. Le fardeau de la preuve est limité à la « prépondérance des probabilités », la norme des tribunaux administratifs civils plutôt que la norme pénale habituelle « hors de tout doute raisonnable ».
Nous contestons énergiquement cette partie du rapport, mais il n'était pas possible d'en appeler de cette décision et il n'y a donc pas eu d'application régulière de la loi. Par conséquent, la révocation de la citoyenneté et l'expulsion d'une personne, qui constituent l'une des peines les plus sévères qu'on puisse infliger à un citoyen, surtout à un homme âgé, peuvent se fonder sur un rapport erroné qui n'a pas pu être contesté devant les tribunaux.
Á (1120)
Même si nous avons fait des instances répétées à la ministre, elle a recommandé la révocation au gouverneur en conseil qui, après une réunion d'un comité, a révoqué la citoyenneté de mon père par décret. Nous en avons été avisés le 12 juillet 2001. Comme il n'y a pas eu de procès, nous n'avons pas été défendus par un avocat. Nous n'avons pas pu comparaître devant le gouverneur en conseil. Tout renseignement nous a été refusé au sujet de cette réunion et aucune raison ne nous a été donnée pour la décision prise.
Le processus politique a totalement manqué de transparence. D'autre part, la ministre de la Citoyenneté et le procureur général qui ont recommandé la révocation ont peut-être fait partie du comité qui a pris cette décision. Dans un procès, comme l'a dit M. Frisse, c'est comme si vous étiez à la fois le poursuivant et un membre du jury. Il s'agit certainement d'un conflit d'intérêts.
Le processus politique, qui se déroule dans le secret le plus complet, sans même que le citoyen visé en soit informé, n'est pas celui qui convient pour décider de révoquer la citoyenneté de quelqu'un. Les principes élémentaires de la justice exigent une audience publique et ce processus va certainement à l'encontre de l'article 7 de la Charte.
Nous avons demandé un examen judiciaire du processus et la Cour d'appel fédérale a rendu son verdict le 31 mai 2004, nous donnant raison. Mon père a retrouvé sa citoyenneté l'année dernière et le gouvernement n'a pas fait appel de cette décision à la Cour suprême du Canada.
Cette longue et pénible épreuve a fait beaucoup souffrir ma famille et surtout mon père. Elle nous a épuisés moralement et ruinés financièrement. Cette façon de procéder détruit la vie et la réputation des gens. Mon père a été accusé d'être un criminel de guerre par le gouvernement, les médias et d'autres personnes. Après l'avoir dépouillé de sa citoyenneté, le gouvernement en a fait un apatride. Il n'avait plus de pays, plus d'identité et plus de droits. Cela a été très difficile à accepter pour un homme qui a toujours été extrêmement fier de sa citoyenneté canadienne. Nous avons complètement perdu confiance dans le gouvernement.
Récemment, le gouvernement nous a avisés qu'il pourrait peut-être relancer tout le processus. Étant donné la décision que la Cour d'appel fédérale a rendue l'année dernière, nous voyons là une tentative mesquine de prolonger un processus que le gouvernement ne peut certainement pas gagner et qui va à l'encontre des principes qui sont ceux des États modernes.
Notre première recommandation est qu'il faudrait fixer à cinq ans maximum la période après laquelle la citoyenneté ne peut plus être révoquée.
Deuxièmement, si une personne fait l'objet d'allégations de crimes de guerre, elle devrait subir un procès au criminel, devant les tribunaux canadiens. Cela lui permettrait de bénéficier des garanties normales. Cette personne resterait innocente jusqu'à ce qu'elle soit trouvé coupable; l'État devrait prouver sa culpabilité « hors de toute doute raisonnable »; l'accusé bénéficierait ainsi de l'application régulière de la loi, y compris du droit d'appel et de la protection de la Charte. D'autre part, cela enlèverait le pouvoir décisionnel aux politiciens de façon à éviter les risques d'ingérence politique et de conflits d'intérêts.
Nous n'avons aucune confiance dans le processus actuel. Un citoyen canadien doit avoir l'assurance qu'il sera traité équitablement par son gouvernement, dans le cadre d'un processus ouvert et transparent, et que ses droits seront respectés.
Le processus de révocation que prévoit la Loi sur la citoyenneté actuellement en vigueur, le projet de loi C-29, remonte à 1977 et a été adopté avant la Charte canadienne des droits et libertés. Il n'est donc pas conforme aux principes de l'équité et de la justice fondamentale.
Le gouvernement a l'obligation de faire en sorte que la Charte s'applique à toutes ses lois, y compris le processus de révocation qui sera prévu dans la nouvelle Loi sur la citoyenneté. En tant que membres du comité qui ont une influence directe, je vous exhorte à faire des recommandations au ministre pour que ces changements soient intégrés dans la nouvelle loi afin que personne d'autre n'ait à subir ce que nous avons subi au cours des 10 dernières années.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Nous passons maintenant à M. Elmer Menzie.
M. Elmer Menzie (à titre personnel): Merci, monsieur le président.
Je me réjouis de pouvoir parler pendant quelques minutes au comité de la cause des « Canadiens perdus ». Je m'appelle Elmer Menzie. Je viens de Guelph et j'ai été professeur à l'Université de Guelph, mais je suis depuis longtemps à la retraite.
J'ai beaucoup lu sur le sujet des Canadiens perdus, surtout les publications de votre comité ou du Comité de l'immigration. Je sais qu'il y a de nombreux autres cas beaucoup plus importants et plus complexes que le mien, mais comme on m'a demandé de parler de ma situation, je vais vous raconter mon histoire.
Je suis né au Canada en 1923 et comme un de mes parents venait des États-Unis, j'ai eu la double citoyenneté. J'ai servi dans l'Aviation royale du Canada pendant trois ans et demi, de 1942 à 1945. Je suis allé étudier à UBC où j'ai obtenu deux diplômes. Je me suis marié en 1953 avec Emily Bidin, une Canadienne, et nous avons eu un fils, Keith Lyle, qui est né en 1956 à Vancouver. Nous sommes allés en Californie, avec un visa d'étudiant, pour mes études de doctorat à Berkeley, en 1957. J'ai obtenu, en 1961, un Ph.D. de l'Université de Californie. J'ai été professeur au Montana pendant un an et je suis allé enseigner à l'Université de l'Arizona en 1961. En 1964, j'ai présenté ma candidature pour aller aider une université au Brésil dans le cadre d'un contrat de USAID.
D'après les papiers que j'avais reçus du Brésil, il fallait que j'obtienne la citoyenneté américaine pour pouvoir obtenir ce contrat. Ma femme et moi avons alors décidé de faire une demande et nous avons été naturalisés citoyens américains le 5 mai 1964. Nous avons demandé des passeports et on nous a dit que pour faciliter notre voyage, nous devrions inscrire notre fils né au Canada et notre fille née aux États-Unis sur nos passeports. On nous a dit que notre fils, qui n'avait alors que sept ans, resterait toujours Canadien car je dois dire que c'est une chose qui m'inquiétait.
En 1975, après avoir travaillé pendant trois ans et demi au Brésil et de nouveau à l'Université de l'Arizona, j'ai présenté ma candidature à un poste à l'Université de Guelph, comme directeur de la School of Agricultural Economics and Extension Education. Nous avons déménagé à Guelph en juin 1975 après avoir été informés que nous avions perdu notre citoyenneté canadienne et que nous devions entrer au pays comme immigrants reçus.
À ce moment-là, le consulat canadien m'a informé que tous les enfants de moins de 16 ans perdaient automatiquement leur citoyenneté lorsque leurs parents prenaient la citoyenneté d'un autre pays. Notre fils Keith est resté en Arizona après notre départ pour poursuivre ses études universitaires. Il a obtenu par la suite un Ph.D. à l'Université Purdue, de l'Indiana. Il est maintenant marié avec une citoyenne américaine qui détient également un Ph.D. en chimie. Ils ont de très bons emplois et sont bien établis en Virginie où ils vivent avec leurs deux enfants nés aux États-Unis.
En 1995, Emily et moi avons récupéré notre citoyenneté après avoir suivi tout le processus d'immigration. En 1976, la loi a été modifiée au Canada et aux États-Unis de façon à permettre la double citoyenneté. Par conséquent, si je comprends bien, depuis 1976, les personnes nées au Canada conservent leur citoyenneté si elles font ce que j'ai fait. De plus, notre fils aurait toujours la citoyenneté canadienne. Autrement dit, si j'étais parti après 1976, mon statut ou celui de mon fils n'aurait pas changé. Ce n'est pas ce qui s'est passé pour ceux d'entre nous qui sont partis avant cette date.
Á (1125)
Selon les renseignements que j'ai reçus, le Parti libéral et ses députés considèrent que les personnes qui ont perdu leur statut de Canadien constituent une menace pour la sécurité du Canada. Je trouve cela plutôt étrange. J'espère ne pas avoir été une menace pour la sécurité.
De plus, la députée Hedy Fry a déclaré que « la citoyenneté n'est pas un droit de naissance ». Je trouve cela plutôt curieux. Si c'est le cas, comment se fait-il que ce soit un droit de naissance pour les personnes nées après 1976? Également, pourquoi les personnes nées avant 1976 sont-elles considérées comme un risque pour la sécurité, mais pas celles qui sont nées après 1976?
Je trouve simplement insultant d'avoir été traité à peu près comme n'importe quel autre immigrant étranger. Si je n'étais pas revenu au Canada, je n'aurais jamais récupéré ma citoyenneté canadienne alors que ce n'est pas le cas des personnes qui ont quitté le pays depuis 1976.
Mon fils se trouve dans la même situation et ne trouve vraiment pas normal que toutes sortes d'individus, y compris des criminels, puissent adopter une autre citoyenneté, y compris aux États-Unis, sans être considérés comme des risques pour la sécurité.
Ce genre de situation ne me paraît pas acceptable. Dans mon cas, ce n'est pas une question de vie ou de mort. Mon fils a l'intention de rester là où il est actuellement. Il voudrait simplement récupérer sa citoyenneté canadienne. Il estime en avoir autant le droit que n'importe qui d'autre.
Merci.
Á (1130)
Le président: Merci beaucoup.
Vous savez certainement que le projet de loi S-2 a été adopté à la Chambre des communes à l'unanimité et que nous attendons qu'il nous revienne pour être adopté en troisième lecture. Le comité a déjà réglé cette question et il suffit donc d'adopter cette mesure en troisième lecture.
Je remercie infiniment tous nos témoins de leur contribution.
Bon maintenant, nous avons un problème. La présidence n'a pas été aussi sévère qu'elle aurait dû l'être sur la durée des exposés. Je vais certainement donner la parole aux membres du comité, mais nous allons devoir nous montrer raisonnables pour les questions et les réponses.
Madame Grewal.
Mme Nina Grewal: Merci, monsieur le président et merci, mesdames et messieurs, d'avoir pris le temps de venir nous faire vos exposés.
Ma question s'adresse à chacun d'entre vous. Pour la plupart, vous avez mentionné que notre système fait deux poids deux mesures et qu'il y a des citoyens de deuxième classe. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
Merci.
Mme Irene Rooney: En fait, les Canadiens veulent être assurés qu'une fois qu'ils obtiennent la citoyenneté canadienne, ils auront les mêmes droits et responsabilités que les autres Canadiens, que leur citoyenneté ne pourra pas être révoquée des décennies ou des années plus tard et qu'ils sont sur un pied d'égalité avec les Canadiens qui sont nés ici.
M. Ulrich Frisse: Selon nous, les gens qui viennent au Canada comme immigrants et qui obtiennent d'abord la résidence permanente et ensuite la citoyenneté canadienne se bâtissent une nouvelle vie au Canada. Bien souvent, ils laissent derrière eux leur ancienne nationalité et je sais que de nombreux pays exigent que leurs citoyens renoncent à leur nationalité de naissance s'ils obtiennent une nouvelle citoyenneté.
Cela veut dire qu'une fois que les gens arrivent au Canada, faisant confiance au gouvernement qui les a invités à venir, ils sont coincés ici. La révocation de leur citoyenneté ou le fait que le gouvernement pourrait, à tout moment, retirer sa citoyenneté à tout Canadien naturalisé nous inquiète énormément. C'est injuste et cela trahit la confiance des gens qui immigrent au Canada décidant de laisser derrière eux leur ancien pays et de se bâtir une nouvelle vie.
Les gens ont besoin de stabilité et je pense que la loi actuelle leur empêche d'avoir confiance, de pouvoir compter sur une vie stable et la conviction de pouvoir réussir leur vie dans notre pays. Comme je l'ai dit, cela touche près de six millions de Canadiens, c'est-à-dire 20 p. 100 de la population canadienne.
Ce matin, nous parlons d'allégeances. On a fait valoir que la double citoyenneté, par exemple, risquait de compromettre la véritable loyauté envers notre pays. Je crois qu'en réalité, ce qui risque de compromettre la loyauté des nouveaux Canadiens envers notre pays, c'est plutôt la Loi sur la citoyenneté actuellement en vigueur.
Á (1135)
M. Kuldip Singh Bachher: Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, on pourrait faire valoir que ce n'est pas inscrit sur une feuille de papier, mais que si vous examinez le système en place dans la société où nous vivons, vous y trouverez de la discrimination.
Je suis convaincu que la plupart des gens qui immigrent au Canada sont des gens très qualifiés qui ont reçu une excellente formation. Lorsqu'ils arrivent ici, on commence par leur dire : « Vous ne possédez pas d'expérience canadienne ». Vous ne pouvez pas acquérir une expérience canadienne si on ne vous permet pas de l'obtenir.
Voilà le genre de frustration qui amène à penser : « C'est parce que je ne suis pas Blanc. Je ne peux pas obtenir cet emploi parce que je ne suis pas Blanc ». Telle est l'impression que cela donne dans bien des cas et cela donne aux gens le sentiment d'être rejetés. Ils ne sont pas traités comme les citoyens qui sont nés ici. « On ne tient pas compte de mes études et de mes diplômes » même si j'en ai beaucoup plus que la plupart des autres gens. Cela cause beaucoup de découragement.
Sans citer d'exemples précis, pouvez-vous imaginer que le ministère de l'Éducation ne reconnaisse pas les diplômes d'un étudiant qui sort de l'Université d'Oxford? On peut se demander qui a donné aux Canadiens leur système d'éducation si les diplômes d'Oxford ne sont pas reconnus au Canada? Voilà ce qui amène les gens à se dire : « Comme je ne suis pas Blanc, je suis un citoyen de deuxième classe dans ce pays ».
Je suis certain que cette situation… Étant donné les bonnes choses que vous faites et vos bonnes intentions, je suis convaincu que cet état de choses n'existera plus dans quelques années, mais telle est la situation actuelle et cela donne aux gens l'impression d'être des citoyens de deuxième classe.
Merci.
M. Jurij Fedyk: Je voudrais répondre à votre question en insistant sur les raisons qui peuvent être invoquées pour révoquer la citoyenneté. C'est un terrain dangereux comme j'ai parfois essayé de le démontrer. Quand on parle des criminels de guerre ou des personnes accusées d'être des criminels de guerre, tout le monde est forcément d'accord. Le problème se situe au niveau du processus. Il n'est jamais démontré devant un tribunal pénal que l'intéressé est effectivement un criminel de guerre. Mais il y a aussi la menace, dans mon cas… Je suis né en Australie. Je suis arrivé au Canada à l'âge de cinq ans. Je ne parlais pas encore l'anglais, mais on pourrait quand même un jour révoquer ma citoyenneté. Je ne vois pas pour quelle raison, mais les circonstances pourraient changer. Par exemple, je pourrais me blesser au genou, ce qui pourrait de nouveau être suffisant pour me faire expulser du Canada.
C'est tout cet aspect qui est inquiétant. Je ne pense pas que les Canadiens soient conscients du fait que la citoyenneté est quelque chose de très fragile.
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons devoir passer au suivant. Monsieur Clavet.
[Français]
M. Roger Clavet: Merci, monsieur le président.
Tous les témoins ici présents ont l'impression d'être des citoyens de seconde zone. Qu'il s'agisse de M. Singh Bachher, de Mme Rooney, de M. Fedyk ou de M. Menzie, de Guelph, tous ces gens aux expériences différentes nous disent qu'ils se sentent, à un moment ou l'autre, des citoyens de seconde zone. Ces gens pourraient-ils me dire ce qu'est un citoyen de première zone, pour qu'on puisse comprendre les différences? Dans le cas de M. Singh Bachher, il est tout de même intéressant de noter que la communauté sikh a plus d'un représentant à la Chambre des communes. Ces personnes qui ont l'impression d'être des citoyens de seconde zone sont représentées.
Or, la population autochtone était ici avant la communauté sikh, avant les francophones et les anglophones, et n'a qu'un seul représentant à la Chambre des communes, et pour la première fois en plus. Je voudrais savoir ce que vous considérez comme des citoyens de seconde zone et des citoyens de première zone. S'il y a des gens qui pourraient avoir l'impression d'être des citoyens de deuxième zone, ce sont bien les gens des communautés autochtones. J'aimerais entendre les commentaires de tous ceux qui sont ici.
Á (1140)
[Traduction]
M. Jurij Fedyk: C'est sans doute une question de discrimination, comme vous cherchez à le souligner, je pense. Les Autochtones du Canada ont certainement été très mal traités; c'est un problème de discrimination, mais la question dont nous parlons est celle de la définition de la citoyenneté.
Les gens d'ascendance ukrainienne ont subi de nombreuses attaques, au Canada, au cours du dernier siècle. Ce sont les Ukrainiens qui ont été enfermés dans des camps d'internement. Ce sont les Ukrainiens qui étaient considérés comme des sujets d'un pays ennemi. Ce sont des Ukrainiens qui, du fait que l'Ukraine se situait à la frontière entre la Russie et l'Europe de l'Ouest, étaient considérés comme des sympathisants allemands et russes et se sont fait taper dessus d'un côté comme de l'autre.
Il y a aussi une affaire en cours. M. Odynsky a été avisé par le ministre de l'Immigration, le 24 décembre 2004—Joyeux Noël—qu'on allait de nouveau revoir sa citoyenneté. Elle a été réexaminée à plusieurs reprises.
Les Ukrainiens ont été des pionniers au Canada. Ils ont colonisé l'Ouest, mais on continue de les traiter de cette façon et à contester leur citoyenneté qu'on peut leur reprendre à cause de l'endroit où ils sont nés et de la façon dont elle leur a été accordée. J'avoue que cela m'inquiète beaucoup.
M. Kuldip Singh Bachher: Je voudrais vous expliquer pourquoi j'ai parlé des citoyens de deuxième classe. Il ne fait aucun doute dans mon esprit qu'en 1980, lorsque je suis arrivé au Canada comme immigrant reçu, j'ai été confronté à de nombreuses difficultés et je suis parti.
Ma première difficulté est que je ne pouvais pas me promener avec mon turban. Il fallait que je me coupe les cheveux. Bien entendu, je n'étais pas prêt à le faire, car c'est contraire à ma religion; je n'allais certainement pas le faire pas plus que je m'attends à ce que les gens des autres religions fassent une chose de ce genre, car c'est une question de foi. Vous vous engagez à respecter votre religion et à vivre conformément à ses préceptes.
Je suis retourné en Afrique où j'ai vécu très heureux. Huit ans plus tard, l'agent d'immigration m'a envoyé une lettre me demandant si j'allais retourner ou non au Canada. Avais-je ou non l'intention d'y retourner? Mon dossier était très épais et il fallait qu'il puisse le fermer. J'ai alors dit que j'allais revenir.
À l'époque, mes enfants avaient terminé leurs études secondaires et allaient à l'université. Je me suis dit qu'ils n'auraient aucun problème à aller à l'université et je les ai emmené à Waterloo. En fait, c'est l'agent d'immigration qui m'a donné lui-même l'adresse de l'Université de Waterloo et quand je lui ai demandé « Pourquoi Waterloo? », il m'a répondu « Parce que je viens de Waterloo, alors allez là-bas ».
Il m'a donc trouvé du travail, il s'est occupé des papiers et il a ajouté à la communauté de Kitchener--Waterloo une famille bien instruite. Je n'ai pas eu de problèmes. Mes enfants ont obtenu leurs doctorats et leurs Ph.D. et tous leurs diplômes. Mais de façon générale, vous avez mentionné les quatre ou cinq députés qui font partie d'une certaine minorité au Parlement. Oui, je suis d'accord et c'est ce que je vous ai déclaré très clairement tout à l'heure. D'ici 2017, il y aura un non-Blanc pour cinq Blancs. Ces communautés augmentent en nombre et comptent sur les droits que leur confère la Charte pour participer à toutes les activités canadiennes de bonne foi, en travaillant fort.
Les cinq députés que nous avons au Parlement ont travaillé très fort pour s'y faire une place. C'est uniquement pour cette raison qu'ils sont là. Ils n'ont pas pu être victimes de discrimination, parce qu'ils ont montré qu'ils pouvaient travailler, peu importe qui les a élus. Les choses finiront par changer, mais c'est à cause de la situation actuelle que je parle de citoyens de deuxième classe.
Á (1145)
Le président: Merci beaucoup. Nous allons nous arrêter là, car nous dépassons le temps imparti.
Monsieur Siksay.
M. Bill Siksay: Merci, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins de nous rencontrer ce matin. J'ai apprécié votre témoignage.
Je suis d'accord avec vous pour dire qu'il y a deux catégories de citoyens au Canada et qu'il faut y remédier sans plus tarder. Le genre de problèmes dont vous avez parlé, ceux de Mme Rooney et de votre famille sont inacceptables dans notre société. Nous devons nous attaquer à ces problèmes et cela rapidement afin que d'autres n'aient pas à en souffrir comme vous en avez souffert.
Monsieur Menzie, je reconnais également que les Canadiens qui sont à l'extérieur du pays pour une raison quelconque, à cause d'un défaut dans notre Loi sur l'immigration, ne menacent pas plus la sécurité nationale que moi-même qui suis resté ici, comme je l'ai fait valoir au comité, et ce genre d'argument me paraît très contestable. Je tiens donc à dire que ce sont des choses très importantes pour moi et que nous devons trouver une solution.
Je voudrais demander à M. Fedyk—selon l'ordre du jour, vous représentez l'Ukrainian Canadian Liberal Committee. Je voudrais seulement savoir exactement quel est ce groupe.
M. Jurij Fedyk: Nous avons organisé un groupe pour soulever des questions qui préoccupent la communauté ukrainienne.
M. Bill Siksay: Dans le cadre du Parti libéral du Canada?
M. Jurij Fedyk: Oui. À l'intérieur et à l'extérieur du parti, en effet.
M. Bill Siksay: Comme vous comparaissez en tant que représentant d'un parti politique et du Parti libéral, je vais en profiter pour vous poser quelques questions, car le comité manquerait à ses devoirs s'il ne les posait pas. Je crois que le problème a une dimension un peu plus vaste et que c'est une chose dont nous devons, bien entendu, assumer la responsabilité, mais dont l'ensemble de notre société est également responsable. Ce ne sont pas seulement les membres du comité. Je pense également au gouvernement et au gouvernement libéral. Je vais donc vous poser quelques questions.
Avez-vous une idée des raisons pour lesquelles le gouvernement libéral appuie le processus de révocation que prévoit la loi actuelle? Vous nous avez fait l'historique de toute la question de l'expulsion et de la révocation de la citoyenneté. Vous n'avez pas parlé des événements les plus récents et je voudrais donc savoir pourquoi, selon vous, un gouvernement libéral a décidé d'inclure ce genre de processus dans la loi de 1977. Peut-être pourriez-vous également nous dire pourquoi le gouvernement actuel semble avoir retardé la révision de la Loi sur la citoyenneté. L'ancien ministre nous avait promis des changements pour février dernier. Le ministre actuel s'engagera peut-être à les apporter d'ici juin, mais il n'a pas été très catégorique. Peut-être pourriez-vous répondre à ces questions.
M. Jurij Fedyk: Bien entendu, je ne peux pas savoir ce qui s'est dit dans les bureaux des ministres. En ce qui concerne les événements plus récents, je crois que l'événement le plus marquant a été la Commission Deschênes dans les années 70 et 80. Selon certaines allégations, il y avait environ 800 criminels de guerre nazis au Canada. La Commission Deschênes a donc été chargée d'examiner la question dans l'espoir qu'elle pourrait la résoudre.
En fait, la Commission Deschênes a recommandé de fermer immédiatement les trois quarts de ces dossiers parce que les allégations étaient sans aucun fondement. Dans les autres cas où l'affaire a été portée devant les tribunaux, aucune condamnation n'a été prononcée. Il semble donc qu'on cherche à relancer toute cette affaire et que, faute de succès devant les tribunaux, on veut pouvoir révoquer la citoyenneté des gens.
M. Bill Siksay: Votre comité cherche-t-il à convaincre les membres du gouvernement à modifier cette politique? Avez-vous exercé des pressions? Ou le Parti libéral a-t-il une politique à ce sujet?
M. Jurij Fedyk: En fait, je ne peux pas vraiment vous dire quelle est la politique du Parti libéral à ce sujet. Si j'avais accès à ce renseignement, je vous le communiquerais certainement, mais ce n'est pas le cas.
À mon avis, une des choses qui ont nui à la communauté ukrainienne, c'est que nous n'avons pas élu nos propres représentants. Si nous avions des représentants de la communauté ukrainienne au Parlement, cette question susciterait beaucoup plus d'intérêt.
Heureusement, nous avons élu un député de Toronto qui nous a permis d'attirer un peu l'attention sur le sujet. Mon comité, par exemple, essaie de profiter de la situation.
Á (1150)
Le président: Je peux répondre à la question pour vous avant que nous ne passions à la personne suivante.
La politique du gouvernement est mauvaise. C'est ce que j'ai dit quand j'ai démissionné de mon poste de secrétaire parlementaire. En fait, je dirais qu'elle est tout à fait mauvaise. Deuxièmement, le Parti libéral de Colombie-Britannique, l'aile fédérale, ainsi que l'Ontario, le Québec et l'Alberta ont adopté des résolutions demandant des changements.
Si c'est la réponse que vous recherchiez, vous l'avez.
Nous passons maintenant à M. Temelkovski.
M. Lui Temelkovski: Merci beaucoup, monsieur le président.
Nous avons entendu parler de nombreux problèmes ce matin et si nous voulons savoir si la situation est problématique, la réponse est oui, sans aucun doute. Nous avons un tas de problèmes à résoudre.
Pour ne citer qu'un exemple, le professeur Menzie, qui est né au Canada, a dû demander la citoyenneté canadienne, comme n'importe quelle personne née à l'étranger. Pourtant, j'ai une cousine qui est née en Macédoine et qui a débarqué pour la première fois au Canada il y a deux mois, en provenance de Macédoine, avec un passeport canadien et la citoyenneté canadienne. Elle est l'enfant de parents canadiens qui ont quitté le Canada il y a 25 ou 30 ans.
Il y a donc certainement des problèmes à résoudre. En même temps, nous avons rencontré l'autre jour à Toronto une douzaine de parlementaires norvégiens qui sont venus au Canada étudier nos politiques de citoyenneté et d'immigration. La question n'est pas si simple. Nous devons poursuivre nos efforts.
Je crois que le Parlement a changé, non pas à cause de mon arrivée, mais parce qu'un grand nombre d'entre nous sommes nés à l'extérieur du pays, ou au Canada, de parents nés à l'étranger, ou encore parce que nous avons des grands-parents qui sont nés dans un autre pays que le Canada. Mais je peux vous dire que nous ne sommes pas moins Canadiens que les autres simplement parce que nous sommes nés à l'étranger ou parce que nos grands-parents sont venus d'un autre pays ou d'une autre région du monde.
Oui, nous avons des problèmes, des problèmes énormes, mais nous voyageons depuis quatre semaines, nous nous penchons sur la question depuis le mois d'octobre et nous allons continuer notre travail. Vous avez lu certains de nos rapports et nous allons en produire d'autres. Nous espérons qu'ils donneront lieu à des politiques beaucoup plus équitables, bien meilleures et qui feront de nous des citoyens canadiens tout à fait égaux et bénéficiant des mêmes privilèges.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup.
M. Lui Temelkovski: J'apprécie le temps que vous m'avez accordé.
Le président: Merci.
Je signale simplement au public que notre gouvernement étant minoritaire, les comités se trouvent dans une bien meilleure position. Nous élisons le président. Ce n'est pas le premier ministre qui le nomme. Le consensus est remarquable sur un grand nombre de questions. Nous les abordons en tant que Canadiens et non pas en tant que Libéraux, Bloquistes ou Conservateurs, et nous produisons des rapports très énergiques comme celui qui porte sur les Canadiens qui ont perdu leur citoyenneté. Je tiens à le préciser car il est important que les gens le comprennent. J'apprécie beaucoup le rôle que peut jouer un Parlement minoritaire.
Colleen.
Á (1155)
Mme Colleen Beaumier: Lorsque nous avons commencé, j'avais une position bien arrêtée au sujet de la révocation de la citoyenneté, à savoir qu'elle ne devrait pouvoir être enlevée en aucune circonstance. Néanmoins, après avoir écouté Mme Rivera… Elle se demandait si le serment avait une véritable signification. Que signifie la citoyenneté si elle ne peut pas être révoquée malgré ce qui a pu se passer?
Ma première question, à laquelle vous pouvez tous répondre, est que nous avons établi que la citoyenneté ne devrait être révoquée que dans le cadre du processus de justice pénale, ce qui n'est pas le cas actuellement. D'autre part, des gens sont actuellement détenus au Canada en vertu de certificats de sécurité, ce qu'il faudrait également régler. Pourrions-nous établir une limite de temps ou simplement dire que la citoyenneté ne peut jamais être révoquée? Voilà pour ma première question.
Ma deuxième question concerne les Canadiens qui sont des citoyens de deuxième classe, non pas parce qu'on a révoqué leur citoyenneté, mais à cause de certaines attitudes dont il faut bien l'avouer, nous sommes parfois responsables. Il y a du racisme, mais cela va changer. Je me souviens qu'à l'époque où les Italiens sont arrivés au Canada, un homme que je connaissais m'a dit :« Ils travaillent très fort, mais ils ont une drôle d'odeur ». De nos jours, l'odeur vous confère un statut. Si vous avez une drôle d'odeur, cela veut dire que vous venez de faire un excellent repas au restaurant où vous avez mangé beaucoup d'ail.
Cela arrive. J'ai moi-même… Un jour, quelqu'un m'a dit : « Êtes-vous déjà allée au magasin sikh au coin de la rue? Ils pourront vous aider ». Quelqu'un m'a dit : « Je parlais à mon voisin, qui est Italien, et comme je suis Irlandais je lui ai dit : “Louie, si nous avons pu nous habituer à toi, nous pouvons nous habituer à eux aussi.” » Ce n'est donc pas une attitude très éclairée, mais c'est le genre d'attitude à laquelle tous ceux qui sont arrivés dans ce pays ont été confrontés, mais lorsque vos enfants…les choses finissent par évoluer.
Nous contribuons parfois nous-mêmes un peu à ce genre d'attitude et quand les gens citent des statistiques selon lesquelles une personne sur cinq ne sera pas de race blanche, je réponds : Et alors? Nous avons des problèmes que nous devons régler aujourd'hui-même afin que cela ne pose plus de difficultés à qui que ce soit.
Maintenant que j'ai fait mon petit sermon, peut-être que quelqu'un pourrait répondre à ma question.
M. Kuldip Singh Bachher: Les statistiques que je vous ai citées ne visaient pas à vous donner l'impression que ces problèmes continueraient. Je l'ai fait tout simplement pour vous montrer que telle serait la tendance.
N'est-il pas temps que nous commencions à corriger ce qui ne va pas et qui crée toutes sortes d'impressions dans l'esprit des citoyens? Commençons à améliorer les choses dans l'intérêt des gens qui viendront au cours des 10, 15 ou 20 prochaines années, afin que nous n'ayons pas constamment à faire face aux mêmes problèmes.
Telle était donc mon intention, car telle sera l'évolution de la population, afin que nous puissions prendre des mesures dans l'intérêt des gens qui viendront au cours de cette période.
Mme Colleen Beaumier: C'est certainement une chose que nous devons nous efforcer de faire.
Une autre question qui me préoccupe—et je vais la poser tout de suite car après il sera trop tard—c'est que si la citoyenneté canadienne devient absolument irrévocable, devrions-nous exiger que vous renonciez à votre ancienne citoyenneté afin que vous n'en ayez plus qu'une seule?
 (1200)
M. Ulrich Frisse: Je pourrais peut-être répondre à ces deux questions.
Pour ce qui est de votre première question, à savoir si la citoyenneté devrait pouvoir être révoquée à un moment donné, je crois que notre position est très claire. En fait, il s'agit d'éliminer au départ les personnes qui ne sont pas admissibles à la citoyenneté canadienne peu importe le temps nécessaire… Pour le moment, si vous prenez la façon dont les demandes sont traitées, vous demandez d'abord la résidence permanente, ce qui prend environ un an et permet au gouvernement de faire un tri. Il y a une période de résidence permanente de trois ans, si bien que cela donne quatre ans. Vous demandez ensuite la citoyenneté canadienne, et nous avons entendu dire ce matin que cela pouvait prendre également un an. Cela donne donc déjà cinq ans pendant lesquels les nouveaux Canadiens sont sous surveillance, sous la surveillance très stricte du gouvernement canadien.
Je crois que le gouvernement doit chercher davantage, pendant cette période, à examiner de plus près les antécédents des gens. Une fois que la citoyenneté est accordée, je pense qu'elle devrait être irrévocable. S'il n'est pas possible autrement de parvenir à un consensus politique, je pourrais accepter que le gouvernement ajoute à ce délai un an, deux ans ou trois ans de plus. Ce serait négociable. Mais pour le moment, c'est excessif. C'est absolument excessif, car les gens ne peuvent pas vraiment avoir confiance dans leur citoyenneté.
Une autre chose qu'il faudrait faire—et c'est vous qui devez le faire en tant que parlementaires—c'est ajouter une disposition au Code criminel. Nous avons besoin d'une disposition en vertu de laquelle l'obtention de la citoyenneté canadienne par la fraude serait un acte criminel comme n'importe quel autre genre de fraude. Si j'entre au Canada en faisant de fausses déclarations et si j'obtiens la citoyenneté, pourquoi ne pas dire clairement qu'il s'agit d'un acte criminel punissable en vertu des lois pénales du Canada? Pourquoi appliquer des normes différentes? Pourquoi devrait-il y avoir des règles différentes pour les Canadiens naturalisés?
Comme je l'ai déjà dit, notre pays n'a pas besoin de recourir à des moyens détournés. Nous avons des dispositions juridiques qui nous permettent de nous en prendre aux criminels de guerre qui se trouvent au Canada dans le cadre des règles de la preuve et de l'application régulière de la loi, y compris tout ce qui est inscrit dans la Charte. Mais pour le moment, les lois sont contournées.
En ajoutant une disposition au Code criminel pour faire de l'obtention de la citoyenneté canadienne par la fraude un acte criminel, le gouvernement pourrait exercer le contrôle qu'il souhaite exercer. Ce serait une façon constitutionnelle de le faire sans sacrifier les valeurs de notre Constitution.
Le président: Merci beaucoup.
La parole est maintenant à Michael Chong. Il est venu de Wellington--Halton Hills, la circonscription voisine.
M. Michael Chong (Wellington—Halton Hills, PCC): Merci, monsieur le président.
Comme l'a dit le président, je m'appelle Michael Chong. Je suis le député conservateur de la circonscription d'à côté, celle de Wellington--Halton Hills.
Avant de poser ma question aux témoins, je tiens d'abord à vous dire que je peux m'identifier à la plupart d'entre vous sinon tous.
Ma mère et mon père, qui sont maintenant décédés, étaient également des immigrants. Mon père est arrivé de Hong Kong en 1952 et ma mère d'Europe de l'Ouest, dans les années 60. Je suis le fruit de cette union. Je dois également ajouter, après vous avoir entendus, que le pays que nous avons aujourd'hui est le résultat de vagues d'immigration successives. C'est un grand pays. Mais je crois aussi que, si le Canada devient de plus en plus diversifié et multiculturel, nous avons tous l'obligation de ne pas insister sur les choses qui nous rendent différents, les choses que nous n'avons pas en commun, mais sur celles que les différents groupes qui composent le pays appelé Canada ont en commun.
Je pense que trop souvent, nous considérons les minorités visibles en fonction du groupe ethnique auquel elles appartiennent. Autrement dit, nous ne les voyons pas telles qu'elles sont, c'est-à-dire simplement comme des Canadiens, et nous avons trop souvent tendance à les classer à part. Ce faisant, nous les empêchons de profiter des mêmes possibilités que le reste d'entre nous.
Comme je l'ai dit, ma question s'adresse à tous les témoins et c'est à vous de choisir d'y répondre ou non.
La Loi sur la citoyenneté est un phénomène assez récent. Par exemple, le Canada n'a pas eu de Loi sur la citoyenneté avant 1947. Avant cette date, non seulement au Canada, mais dans de nombreux pays, la Loi sur la citoyenneté se fondait sur de très vieux principes tenant compte de l'endroit où vous étiez né. Nous avons maintenant un système mixte qui reprend ces vieux principes et reconnaît que, surtout dans les pays comme le Canada, nous avons accepté de nombreux immigrants et nous avons dû établir un régime pour accorder la citoyenneté à ceux qui n'étaient pas nés ici.
J'ai entendu dire au cours des témoignages, et je ne me prononcerai pas pour ou contre… Vous avez soulevé certaines questions intéressantes et vous avez proposé que la citoyenneté ne puisse pas être révoquée en s'appuyant sur « la prépondérance des probabilités », la norme en vigueur dans les affaires civiles et d'adopter la norme des affaires pénales qui exige des preuves « hors de tout doute raisonnable ».
Si nous appliquons une norme plus élevée pour la révocation, ne serait-il pas logique d'appliquer également une norme plus élevée pour l'octroi de la citoyenneté? Autrement dit, nous n'allons pas mettre tout le système en l'air, si je puis dire… S'il est plus difficile de révoquer la citoyenneté parce qu'elle a été obtenue sur la foi de fausses déclarations, ne devons-nous pas renforcer également les exigences pour l'octroi de la citoyenneté?
 (1205)
Le président: Je vais permettre une brève réponse. Quelqu'un veut-il répondre à cela?
Madame Rooney?
M. Ulrich Frisse: Je pourrais peut-être y répondre, alors.
À mon avis, ce sont là deux questions entièrement différentes et je ne pense pas qu'il y ait un lien entre la révocation de la citoyenneté et l'octroi de la citoyenneté en ce qui concerne les preuves à fournir. En fait, nous disons qu'il n'est pas nécessaire de prévoir une procédure de révocation de la citoyenneté dans les cas de fausses représentations. Il faudrait plutôt porter des accusations au criminel. Si le gouvernement pense que quelqu'un a commis des crimes de guerre, qu'il porte des accusations devant un tribunal pénal canadien. Il faudra déjà que la preuve soit établie hors de toute doute raisonnable. Et si ce n'est pas possible, arrêtez de persécuter ces gens-là.
Nous avons un système constitutionnel. Nous avons des tribunaux établis conformément à la Constitution, justement pour traiter ce genre de cas. Nous n'avons pas besoin de disposition de révocation. C'est abuser du système juridique à des fins politiques.
Le président: Votre temps est terminé. Merci beaucoup.
Pour conclure, j'ai lu beaucoup de statistiques indiquant que les jeunes Canadiens comptent sans doute parmi les plus tolérants au monde et nous avons toutes les raisons d'en être fiers. Mais en pensant aux enfants et au projet de loi C-63, qui proposait d'étendre le processus draconien et injuste actuellement en place à la prochaine génération, aux enfants qui accompagnent la personne en question, une mesure produite par la bureaucratie d'Ottawa, tout cela m'a paru très effrayant et a pris pour moi un caractère très personnel. Il est certain que nous ne pouvons pas enlever leurs droits aux citoyens et que nous ne pouvons pas abuser du processus.
Nous avons un très bon processus en place pour les affaires criminelles. Et même s'il n'est pas toujours parfait, il y a un droit d'appel et, la plupart du temps, les décisions des tribunaux sont justes. Mais même avec le système pénal, il y a parfois des gens qui sont condamnés à tort, et cela se produit trop souvent.
Une chose que nous avons entendu dire un peu partout au Canada est que si la citoyenneté peut être révoquée, il faut que ce soit à des conditions plus strictes. Si vous vous en prenez à quelqu'un injustement et que le public considère qu'il s'agit d'une injustice, tous ceux qui se trouvent dans le même genre de situation se demanderont ce qu'il leur arrivera s'ils n'ont pas dit toute la vérité.
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, vous n'aviez pas le droit d'entrer au Canada si vous veniez de l'Union soviétique et si vous déclariez : « Je viens de l'Union soviétique », parce qu'à l'époque les alliés avaient conclu un accord avec les Soviétiques pour renvoyer ces personnes dans leur pays.
Également en ce qui concerne les Mennonites qui sont au Canada ainsi que les Ukrainiens, et bien d'autres groupes… Cela crée beaucoup d'incertitude pour beaucoup de gens. Et j'ai vraiment compris lorsque ce professeur noir de l'Université Simon Fraser a dit que c'était une mauvaise politique. En effet, c'est une mauvaise politique d'avoir des lois injustes que les gens considèrent comme une menace.
Nous avons également parlé de la question de savoir s'il faudrait fixer un délai de prescription pour la révocation de la citoyenneté et je pense que c'est là-dessus que portera surtout le débat.
Je tiens à vous remercier tous d'être venus. Nous allons produire un rapport sur ce sujet. Ce sera un des premiers rapports que nous publierons. Nous allons veiller à ce que vous en receviez tous un exemplaire.
Je tiens à vous remercier tous de votre contribution.
Nous allons lever la séance jusqu'à 13 heures.