CIMM Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 21 avril 2005
¾ | 0830 |
Le président (L'hon. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.)) |
Mme Melynda Jarratt (Canadian War Brides) |
¾ | 0835 |
¾ | 0840 |
¾ | 0845 |
Le président |
¾ | 0850 |
Mme Helena Guergis (Simcoe—Grey, PCC) |
Mme Melynda Jarratt |
Mme Helena Guergis |
Mme Melynda Jarratt |
Mme Helena Guergis |
Mme Melynda Jarratt |
Mme Helena Guergis |
Mme Melynda Jarratt |
¾ | 0855 |
Le président |
M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas, NPD) |
Mme Melynda Jarratt |
M. Bill Siksay |
Mme Melynda Jarratt |
M. Bill Siksay |
Le président |
M. Lui Temelkovski (Oak Ridges—Markham, Lib.) |
Mme Melynda Jarratt |
M. Lui Temelkovski |
Mme Melynda Jarratt |
¿ | 0900 |
M. Lui Temelkovski |
Mme Melynda Jarratt |
M. Lui Temelkovski |
Mme Melynda Jarratt |
M. Lui Temelkovski |
Mme Melynda Jarratt |
M. Lui Temelkovski |
Mme Melynda Jarratt |
M. Lui Temelkovski |
Mme Melynda Jarratt |
M. Lui Temelkovski |
Mme Melynda Jarratt |
M. Lui Temelkovski |
Mme Melynda Jarratt |
M. Lui Temelkovski |
Mme Melynda Jarratt |
M. Lui Temelkovski |
¿ | 0905 |
Mme Melynda Jarratt |
M. Lui Temelkovski |
Mme Melynda Jarratt |
Le président |
Mme Melynda Jarratt |
Le président |
Le président |
M. Bill Siksay |
M. George Maicher (vice-président, Conseil multiculturel du Nouveau-Brunswick) |
¿ | 0920 |
¿ | 0925 |
Le président |
M. George Maicher |
Le président |
Mme Asma Regragui (première vice-pérsidente, Nouvea-Brunswick, Conseil multiculturel du Nouveau-Brunswick) |
¿ | 0930 |
Le président |
¿ | 0935 |
M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, PCC) |
M. George Maicher |
M. Rahim Jaffer |
Mme Asma Regragui |
Le président |
M. Bill Siksay |
¿ | 0940 |
M. George Maicher |
M. Bill Siksay |
Mme Asma Regragui |
¿ | 0945 |
Le président |
M. Lui Temelkovski |
M. George Maicher |
M. Lui Temelkovski |
M. George Maicher |
M. Lui Temelkovski |
M. George Maicher |
M. Lui Temelkovski |
M. George Maicher |
M. Lui Temelkovski |
M. George Maicher |
M. Lui Temelkovski |
¿ | 0950 |
M. George Maicher |
Le président |
M. George Maicher |
Le président |
M. Lui Temelkovski |
Le président |
Le président |
M. Kumud Deka (étudiant de l'Asie du Sud, Sciences physiques, Université du Nouveau-Brunswick) |
À | 1005 |
Le président |
M. Bill Siksay |
À | 1010 |
M. Kumud Deka |
M. Bill Siksay |
M. Kumud Deka |
M. Bill Siksay |
M. Kumud Deka |
À | 1015 |
M. Bill Siksay |
M. Kumud Deka |
M. Bill Siksay |
Le président |
M. Lui Temelkovski |
M. Kumud Deka |
M. Lui Temelkovski |
M. Kumud Deka |
M. Lui Temelkovski |
M. Kumud Deka |
M. Lui Temelkovski |
M. Kumud Deka |
M. Lui Temelkovski |
M. Kumud Deka |
M. Lui Temelkovski |
M. Kumud Deka |
M. Lui Temelkovski |
À | 1030 |
Le président |
Le président |
M. Hollis Cole (président, Association des ingénieurs et des géoscientifiques du Nouveau-Brunswick) |
À | 1035 |
À | 1040 |
À | 1045 |
Le président |
M. Rahim Jaffer |
M. Hollis Cole |
M. Rahim Jaffer |
À | 1050 |
M. Hollis Cole |
M. Rahim Jaffer |
Le président |
M. Rahim Jaffer |
M. Hollis Cole |
Le président |
M. Bill Siksay |
À | 1055 |
M. Hollis Cole |
M. Bill Siksay |
M. Hollis Cole |
M. Bill Siksay |
M. Hollis Cole |
M. Bill Siksay |
M. Hollis Cole |
Á | 1100 |
Le président suppléant (M. Rahim Jaffer) |
M. Lui Temelkovski |
M. Hollis Cole |
M. Lui Temelkovski |
M. Hollis Cole |
M. Lui Temelkovski |
M. Hollis Cole |
M. Lui Temelkovski |
M. Hollis Cole |
M. Lui Temelkovski |
M. Hollis Cole |
M. Lui Temelkovski |
Le président suppléant (M. Rahim Jaffer) |
Mme Helena Guergis |
M. Hollis Cole |
Á | 1105 |
Mme Helena Guergis |
M. Hollis Cole |
Mme Helena Guergis |
M. Hollis Cole |
Le président suppléant (M. Rahim Jaffer) |
Le président |
M. Cyprien (Syp) Okana (membre, Conseil d'administration, Association multicuturelle du Grand Moncton, Conseil multiculturel du Nouveau-Brunswick) |
Á | 1115 |
Á | 1120 |
Le président |
Mme Helena Guergis |
M. Cyprien (Syp) Okana |
Á | 1125 |
Mme Helena Guergis |
M. Cyprien (Syp) Okana |
Mme Helena Guergis |
M. Cyprien (Syp) Okana |
Mme Helena Guergis |
M. Cyprien (Syp) Okana |
Le président |
M. Bill Siksay |
M. Cyprien (Syp) Okana |
Á | 1130 |
Le président |
M. Lui Temelkovski |
Á | 1135 |
M. Cyprien (Syp) Okana |
M. Lui Temelkovski |
Le président |
M. Rahim Jaffer |
M. Cyprien (Syp) Okana |
Á | 1140 |
Le président |
Á | 1145 |
M. Cyprien (Syp) Okana |
Le président |
CANADA
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le jeudi 21 avril 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¾ (0830)
[Traduction]
Le président (L'hon. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.)): La séance est ouverte. Bonjour à tous.
Nous commencerons par le témoignage de l'organisme Canadian War Brides.
Nous accueillons Mme Jarratt. Je vous cède la parole. Vous disposez de cinq minutes pour lire votre déclaration, puis nous vous poserons des questions si nous avons besoin de précisions.
Mme Melynda Jarratt (Canadian War Brides): Je m'appelle Melynda Jarratt.
Je lirai ma déclaration en anglais.
Je ne suis pas une épouse de guerre même si, souvent, on le croit étant donné que j'administre le site Web de Canadian War Brides. Le site est une source d'information faisant autorité en la matière. Je me suis intéressée à cette question dans le cadre de mes études de maîtrise en histoire à l'Université du Nouveau-Brunswick. Je devais choisir un sujet, et l'histoire sociale canadienne de la Deuxième Guerre mondiale m'attirait. C'est arrivé fortuitement.
J'ai donc approfondi le sujet dans le cadre de mes études universitaires. Cependant, depuis près de 20 ans, je poursuis mes recherches et j'écris sur les épouses de guerre canadiennes sous l'angle de la petite histoire. Mes compétences en informatique m'ont amenée à élaborer le site Web, qui est devenu en quelque sorte un carrefour d'échange sur les épouses de guerre.
Je vous donne simplement une brève leçon d'histoire. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, près de 48 000 soldats canadiens affectés à l'étranger sont tombés amoureux de Britanniques ou d'Européennes et les ont épousées. Ces 43 454 femmes et leurs 20 917 enfants sont venus s'établir au Canada entre 1942 et 1948 lors d'une vague d'immigration massive parrainée et financée par le gouvernement canadien. Ce dernier aspect est plutôt important : c'est le gouvernement canadien qui a payé.
On les appelait les personnes à charge de militaires. Ce fut une vague d'immigration sans précédent dans notre histoire, et je doute certes qu'elle ne se répète un jour. Ces 43 454 femmes, pour la plupart des Britanniques de la même génération et de la même origine ethnique et parlant principalement l'anglais, étaient accompagnées de leurs 21 000 enfants. Cette vague d'immigration massive s'est surtout déferlée entre janvier 1946 et février 1947.
Je poursuis toujours mes recherches sur ce sujet. Dans les échanges que j'ai avec les épouses de guerre et leurs enfants sur l'Internet par l'intermédiaire de la liste de diffusion que j'administre, un problème est souligné sans cesse : « J'ai présenté une demande de passeport et, je vous le donne en mille, on m'a répondu que je n'avais pas la citoyenneté canadienne. »
Les enfants des épouses de guerre ont immigré au Canada, et je vous prie de me croire qu'ils sont nombreux, près de 21 000, je le répète.
Hier, j'ai reçu un courriel d'une jeune femme—en fait, elle a 62 ans, mais l'âge est fonction de l'idée qu'on s'en fait. Elle souhaite se marier. Je suppose qu'il s'agit de son premier mariage. Elle et son futur conjoint ont demandé leur certificat de mariage, et, je vous le donne en mille, on ne peut établir sa citoyenneté canadienne et ils ne peuvent donc pas se marier. Ces trois dernières années, j'ai été saisie d'un si grand nombre de cas de ce genre que je ne peux qu'en conclure qu'il y a un problème.
Je sais que vous avez rencontré Eswyn Lyster, qui a comparu à Victoria et qui est une de mes collègues qui a beaucoup écrit sur les épouses de guerre canadiennes.
Je souhaiterais ouvrir une parenthèse pour vous signaler que j'ai appris uniquement hier soir que je devais comparaître, parce qu'un journaliste de la Presse canadienne m'a téléphonée pour m'en parler. J'ignorais que je devais comparaître aujourd'hui. C'est pourquoi je ne suis malheureusement pas aussi prête que j'aurais pu l'être si j'avais été informée de ma comparution. Je n'ai reçu aucune confirmation. On ne m'a rien dit. De toute façon, je ne veux pas me plaindre parce que je suis heureuse d'être parmi vous. Mes connaissances sur le sujet sont suffisantes pour que je vous en parle de but en blanc, comme vous pouvez le constater. Toutefois, j'aurais aimé vous remettre un document beaucoup plus détaillé avec une analyse, des statistiques et des renvois pour vous faire valoir mon point de vue, soit qu'une erreur historique a été commise, en fait une erreur administrative qui remonte à 60 ans et qu'il est temps de corriger. Cette erreur est imputable aux lois d'avant 1947.
¾ (0835)
Je sais que, tout comme moi, vous vous êtes penchés sur le cas des Canadiens exclus. Nous faisons tous partie du même mouvement, du Pacifique à l'Atlantique jusqu'en Angleterre. Je sais qu'un autre témoin de l'Angleterre a rédigé un mémoire. C'est l'un de ces Canadiens exclus qui ont perdu leurs droits et leur citoyenneté. C'est en fait le fils d'une épouse de guerre. Je sais que de nombreuses autres personnes se font le porte-parole des Canadiens exclus. Je pense notamment à Don Chapman. Nous partageons les mêmes intérêts, mais comme Eswyn me l'a indiqué dans un courriel ce matin, les lois d'avant 1947 constituent le point qui retient notre attention. Je l'ai déjà affirmé. Joe Taylor, qui a comparu devant vous, qui est un Canadien exclu et qui est le fils d'une épouse de guerre canadienne l'a répété. Je le réitère.
J'ai apporté quelques documents. Je n'ai pas pu vous transmettre le fruit de mes recherches car il m'aurait fallu deux énormes classeurs remplis de tout ce que j'ai réussi à photocopier des microfilms ces 20 dernières années. Voici le rouleau de microfilms qui m'occupe actuellement. J'essaie de trouver l'origine du problème. Quand le changement s'est-il produit? À quel moment ces femmes ont-elles soudainement cessé d'être d'honorables citoyennes canadiennes aux yeux de tous, y compris le premier ministre Mackenzie King qui, à bord du Queen Mary le 28 août 1946, s'est adressé à ces épouses de guerre lorsqu'il est venu ici? Elles étaient rassemblées autour de lui, et il leur avait alors dit : « Je vous souhaite la bienvenue. Vous êtes les meilleurs citoyens que nous pourrions souhaiter.» Il était très heureux de souhaiter, à ces femmes et à leurs enfants, la bienvenue au Canada comme citoyennes et citoyens canadiens et non pas comme immigrants. Il a parlé de citoyens et non pas d'immigrants admis. Il a parlé de citoyens. C'est écrit ici quelque part.
Cependant, il y a probablement 10 000 feuilles de papier. Comme je travaille à temps plein, je me consacre à cette tâche dans mes temps libres, car, bien franchement, personne ne s'intéresse à l'histoire des Canadiennes et je devais me trouver un travail supplémentaire pour payer mes factures. Je m'y consacre donc lorsque mon horaire me le permet. J'ai payé des gens pour qu'ils effectuent de la recherche pour moi. Personne ne veut m'aider à cet égard. Je dois compter uniquement sur moi.
J'espère que la réponse est dans ce rouleau. Cependant, je n'ai encore rien trouvé. À un moment donné, les épouses de guerre étaient considérées comme des citoyennes. Puis, elles sont devenues soudainement des immigrantes admises. Et nous ne parvenons pas à faire le lien.
Je sais que le prénommé Steve, qui vient de l'Angleterre et qui a présenté un mémoire, a poursuivi, lui aussi en vain, des recherches approfondies. Et Eswyn ne parvient pas, elle aussi, à faire le lien. Je vous prie de me croire que ce n'est pas faute d'avoir essayé. Quand le changement s'est-il produit?
Je me suis entretenu avec Eswyn hier soir. Elle m'a demandé de ne pas oublier de vous poser la question suivante, que je vous répète une fois de plus : Pourquoi Citoyenneté et Immigration ne confirme-il pas la citoyenneté canadienne de ces épouses de guerre? Je dois donc essayer de déterminer le statut de ces femmes. Nous poursuivons les recherches, et vous pouvez vous imaginer ce que c'est que d'essayer de déchiffrer, dans les entrailles d'Archives nationales, ces vieilles photocopies dans un état tout à fait lamentable. Ce sont des documents de 1946 photocopiés avec des machines Gestetner. C'est vraiment difficile à déchiffrer, mais nous nous y employons.
Elle a présenté les demandes nécessaires, et on lui a répondu le tout est secret en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Franchement! N'ayons pas peur du ridicule. Qu'est-ce qui justifie cette cote secret lorsqu'il s'agit de la citoyenneté des épouses de guerre canadiennes? Cependant, ce qui est encore davantage effarant, c'est que les 21 000 enfants qu'on a fait venir ici font face au même problème. Les épouses de guerre canadiennes ont peut-être réussi à s'en tirer à leur façon au fil des ans si elles devaient demander un passeport en 1952 ou 1949 pour retourner faire une visite, ou encore en 1951, en 1964... autrement dit, avant 1977. Et même après 1977, elles connaissaient le processus. Il fallait avoir accès à l'information et être au courant. Si vous n'étiez pas au courant et si l'on ne vous avait pas dit de présenter une demande en bonne et due forme pour obtenir un passeport canadien, vous ne l'aviez pas fait.
Nous parlons d'un fossé numérique entre les riches et les pauvres. Nous avons certes là un fossé de catégories, je crois, entre les femmes qui ont voyagé il y a de nombreuses années et qui avaient les moyens de visiter la parenté à l'étranger avant 1977... il y a à peine trois mois même, j'ai reçu une demande de renseignements de la part d'une épouse de guerre canadienne de 83 ans. Elle essayait d'obtenir un passeport, et on lui a dit : « Nous regrettons, mais vous n'êtes pas une citoyenne canadienne. »
¾ (0840)
Le plus paradoxal dans toute cette histoire, c'est qu'en mai, dans trois semaines, Postes Canada soulignera la contribution de ses honorables citoyennes canadiennes en lançant une enveloppe commémorative. La cérémonie se tiendra à Ottawa, et j'y assisterai parce que j'ai participé au projet à titre d'experte sur les épouses de guerre canadiennes. J'ai collaboré avec Postes Canada et avec de nombreuses organisations dans le cadre d'autres projets, notamment avec la BBC et Cunard.
Postes Canada honore l'apport de ces épouses de guerre canadiennes par une enveloppe commémorative. J'ignore combien d'autres groupes d'immigrants ont eu droit à un tel traitement pour souligner le 60e anniversaire de leur arrivée au pays. Pourtant, hier, j'essayais d'expliquer à cette femme de 62 ans qui voulait se marier pourquoi on lui a dit qu'elle n'était pas une citoyenne canadienne.
Il y a deux semaines, j'ai rencontré une épouse de guerre : Doris Lloyd. Elle m'a autorisée hier soir à la citer. Elle ajouté qu'elle aimerait me donner son numéro de téléphone pour que je vous le transmette afin que vous puissiez lui téléphoner. Elle aussi, sa fille n'est pas une citoyenne canadienne. Voici fidèlement ce qu'elle a dit : « C'est ridicule. Ma fille est arrivée au Canada à l'âge de huit mois. » Elle a voyagé à bord de l'Île de France, le 28 novembre 1944, avec un groupe d'environ 20 épouses de guerre. Le navire avait fait partie d'un convoi secret qui a zigzagué dans l'Atlantique pour éviter les sous-marins ennemis.
Vous pouvez imaginer la situation que ces femmes ont vécue. C'est le gouvernement canadien qui les a fait venir ici dans de telles conditions, et voilà que la fille de cette dame a appris qu'elle n'était pas une citoyenne canadienne lorsqu'elle a présenté une demande de passeport.
Voici un autre paradoxe : la fille a bel et bien obtenu un passeport à la fin des années 60 et dans les années 70. Cependant, il me semble que, depuis les événements du 11 septembre, les critères pour établir la preuve de citoyenneté ont été durcis. Cette preuve de citoyenneté se trouve dans les fiches d'établissement, que contient ce rouleau de microfilms que voici. J'en ai parcouru des fiches d'établissement, mais il y a 44 000 femmes et 20 000 enfants. C'est une tâche colossale.
Comme Doris l'a dit, son mari était assez bon pour défendre le pays. Il a été affecté en Italie et dans le Nord-Ouest de l'Europe. Elle est arrivée au Canada comme épouse de guerre avec sa fille qui était alors un bébé. Cette fille a maintenant 62 ans et, apparemment, elle ne serait pas une citoyenne canadienne.
De nombreuses personnes sont aux prises avec le même problème. Jan Walker, fille d'un militaire canadien et d'une épouse de guerre, est arrivée au Canada à bord de l'Empire Brent, le 13 décembre 1946. On l'a fait venir ici. Sa mère était décédée en donnant naissance à son petit frère. On a donc fait venir ici Jan et sa petite soeur. Elles étaient âgées de 5 et 3 ans. Elles ont franchi l'Atlantique, puis ont été envoyées à Regina en Saskatchewan, et—soyez attentifs car il s'agit d'une histoire intéressante—le père était introuvable. Les enfants ont été placés sous la tutelle de l'État, puis ont été adoptés.
Plusieurs années se sont écoulées, et le mari de Jan est décédé en 1995 alors qu'elle avait environ 50 ans. Elle a présenté une demande pour avoir droit à la succession de son mari afin que tout soit en règle. Dans ses démarches, elle s'est rendu compte qu'elle n'était pas citoyenne canadienne. C'est ce qu'on lui a dit en ajoutant : « Vous n'avez pas droit à la succession de votre mari. Bien sûr, vous acquittez vos impôts,.vous avez un numéro d'assurance sociale, vous avez travaillé ici et y avez vécu toute votre vie, mais vous n'avez pas la citoyenneté canadienne. » Elle a dû débourser 1 500 $ pour l'obtenir.
C'est fort loin d'être une situation exceptionnelle. Ces personnes ne cessent de sortir de l'ombre. Je reçois constamment des coups de fil parce que mon numéro de téléphone figure sur le site Web de Canadian War Brides. Ces personnes sont désespérées. Elles me disent : « Que puis-je faire? » Je leur réponds : « Écoutez, c'est un aspect de la recherche historique dans lequel je ne suis pas spécialisée. » Mes centres d'intérêt sont les bombes volantes V-I s'abattant sur Londres, les femmes se terrant dans le métro, l'aspect romantique, etc. Votre histoire n'a rien de romantique, vous savez. C'est un cauchemar bureaucratique et administratif.
Très bien. Je vous ai donc fait part de mes préoccupations et de mes craintes à propos du statut de ces épouses de guerre d'avant 1947. Qui est responsable du changement survenu? Qui a décidé qu'elles n'étaient plus des citoyennes et devenaient tout à coup des immigrantes admises? Comment se fait-il qu'on ne leur a jamais expliqué leurs droits?
¾ (0845)
Elles ont besoin de savoir. Elles ont besoin que les choses soient tirées au clair. Pour le 60e anniversaire de leur arrivée, je pense que le gouvernement canadien pourrait avoir un magnifique geste de reconnaissance en accordant l'amnistie à tous ces gens. C'est facile de déterminer s'ils sont arrivés ici. Il existe des listes de passagers, que j'ai pu consulter. Je sais où elles se trouvent. Elles ne sont pas faciles à obtenir, mais je pourrais y parvenir.
La semaine dernière, j'ai reçu un coup de fil de Richard Cooper de Plaster Rock, au Nouveau-Brunswick. Il est arrivé au pays en 1944 avec sa mère, qui est depuis décédée. Il a maintenant 62 ans et songe à demander sa pension de vieillesse. Il a entrepris des démarches à cet égard et, je vous le donne en mille, on lui a répondu qu'il n'est pas citoyen canadien et n'a donc pas droit à la pension de vieillesse. Tel est le sort qui attend ces enfants, et ils sont 21 000 dans la même situation.
Je voudrais aborder une autre question : les enfants de guerre canadiens. Ce sont les enfants de militaires canadiens. Ils sont nés à l'étranger pendant la guerre et, dans la majorité des cas, les mères n'étaient pas mariées à ces soldats. Ces enfants n'ont pas le droit d'obtenir la citoyenneté de leur père parce qu'ils sont considérés comme des enfants illégitimes, terme qui est maintenant désuet. Ils étaient donc considérés comme des enfants illégitimes. On les appelait les bâtards canadiens. Leur vie a été insupportable.
Ils essaient maintenant de prendre la place qui leur revient dans la société canadienne. Ils ne peuvent pas consulter les dossiers militaires sur leur père à Archives nationales du Canada. C'est une question de citoyenneté. Leurs parents n'étaient pas mariés. Même si le nom du père figure fréquemment sur le certificat de naissance, leurs parents n'étaient pas mariés. Ces enfants ne peuvent donc pas consulter les dossiers militaires de leur père pour prouver qu'ils sont en fait les enfants de ces militaires. Ils sont à la recherche de leur identité qui est inextricablement liée à leur généalogie. C'est une énorme boîte à surprise.
Je collabore également auprès d'une organisation appelée Project Roots. C'est une organisation bénévole de réputation internationale qui est établie aux Pays-Bas. Son site Web est project-roots.com. C'est également un carrefour d'échange traitant des problèmes avec lesquels sont aux prises ces enfants à la recherche de leur père. On leur refuse l'accès à l'information parce que leur citoyenneté n'a jamais été confirmée.
J'ai écrit un libre à ce sujet. Le titre est Voices of the Left Behind. Il est paru chez Dundurn Press en septembre. On reprend le flambeau. Le livre a également été traduit en néerlandais et a été édité aux Pays-Bas il y a deux semaines. C'est une question d'actualité dans ce pays.
Il y a 30 000 enfants de guerre canadiens. Le plus réputé est Eric Clapton, que tous connaissent, j'en suis sûr. Son père était un militaire originaire de Montréal. Eric Clapton a multiplié les recherches, mais la Loi sur la protection des renseignements personnels l'a empêché de retrouver son père. Il connaît son nom, mais il n'a pu obtenir les renseignements sur les endroits où celui-ci aurait pu habiter. Quand il a finalement pu les obtenir, son père était décédé.
Il y a deux enjeux. Il y a d'abord les épouses de guerre et leurs enfants, qu'on a fait venir au Canada à bord de navires. Nous ne pouvons pas établir leur citoyenneté. Ces personnes sont donc aujourd'hui aux prises avec un problème lorsqu'elles présentent une demande pour obtenir un passeport, la pension de vieillesse ou le RPC. Il y a aussi les enfants de guerre canadiens, ceux qui sont nés hors des liens du mariage et qui essaient maintenant d'établir qu'ils sont canadiens. On ne donne pas suite à leurs demandes de renseignements parce qu'ils ne peuvent prouver leur citoyenneté canadienne.
Voilà qui conclut mon exposé.
Le président: Je vous remercie beaucoup.
J'espère que vous nous ferez parvenir un mémoire. Je sais que vous n'en avez pas aujourd'hui, et ce n'est pas grave. Vous pourrez nous en faire parvenir un. Nous allons tenir des séances un peu partout au pays pendant un certain temps encore, et ce n'est pas un problème qui se réglera rapidement, alors nous vous sommes très reconnaissants des renseignements que vous nous donnez.
Je suis ravi que vous ayez écrit un livre. Je crois que notre curiosité a été suffisamment piquée pour que nous voulions en lire davantage. Nous savons qu'une dame qui habite à Victoria, une épouse de guerre, écrira elle aussi un livre.
Nous allons maintenant passer aux questions. Je vous demande de faire court, ce qui permettra peut-être de susciter d'autres questions lors de la deuxième ronde.
Helena, allez-y.
¾ (0850)
Mme Helena Guergis (Simcoe—Grey, PCC): Bonjour.
Merci, monsieur le président.
Melynda, je vous remercie d'être venue ici malgré le court préavis. Vous avez fait un très bon exposé qui nous a donné beaucoup de renseignements.
Je suis désolée de ce qui s'est passé. Je ne sais pas exactement ce qui est arrivé, mais je peux vous dire que nous sommes désolés.
J'ai principalement des commentaires à émettre et quelques questions à poser. Avez-vous dit que certaines de ces personnes avaient réussi à obtenir un passeport? Comment ont-elles obtenu les documents nécessaires?
Mme Melynda Jarratt: Avant 1977, et certainement avant le 11 septembre, les règles n'étaient pas aussi strictes. Je ne sais vraiment pas. C'est un mystère. Comment ont-elles pu obtenir un passeport avant? Maintenant, on leur dit qu'elles doivent prouver qu'elles sont la citoyenneté.
Elles ne savent pas comment faire pour le prouver. Elles s'adressent donc à moi parce que j'ai accès aux listes des passagers. C'est une bonne question. Comment une personne qui n'est pas considérée comme un citoyen aujourd'hui a-t-elle pu obtenir un passeport dans les années passées?
La fille de Doris Lloyd, Anne, détenait un passeport. Elle a fini par nous envoyer promener et nous dire qu'elle allait demander plutôt un passeport britannique. Elle possédait les deux nationalités. Elle a obtenu un passeport britannique et elle était ensuite en mesure de voyager. Cela a donc réglé son problème, mais elle ne se considère pas Britannique pour autant; elle est Canadienne. Elle est ici depuis l'âge de huit mois. Elle a grandi à Plaster Rock et habite maintenant à Saint John.
Le cas de M. Cooper est identique. En 1981, il détenait un passeport canadien et il s'est rendu en Angleterre pour rendre visite à des membres de sa famille. C'est en présentant sa demande de pension de vieillesse qu'il a appris qu'il n'est pas un citoyen canadien. C'est très étrange.
J'aimerais bien effectuer des recherches, mais je ne peux pas.
Mme Helena Guergis: Est-ce que les passeports que détenaient ces personnes étaient encore valides?
Mme Melynda Jarratt: Non.
Mme Helena Guergis: Elles détenaient donc encore leur ancien passeport?
Mme Melynda Jarratt: Oui, et les dossiers faisaient état de ces passeports. Alors pourquoi y a-t-il eu un changement depuis le 11 septembre? Je pense que la crainte et la paranoïa accrues suscitées par les événements du 11 septembre sont à l'origine de cette folle décision de considérer tous les enfants des épouses de guerre comme des terroristes potentiels. Je crois que c'est de la folie, et c'est très frustrant. Il s'agit de ces enfants tout mignons qu'on décrivait dans la presse comme étant de nouveaux membres merveilleux de la société canadienne. Et maintenant on leur dit qu'ils ne sont pas des citoyens, même s'ils habitent ici depuis 60 ans. On sait qu'ils sont des enfants d'épouses de guerre, mais cela n'a pas d'importance maintenant. Ces personnes-là sont arrivées ici alors qu'elles n'avaient qu'un an ou deux ans.
Mme Helena Guergis: Vous avez trouvé les listes et vous savez qu'il serait facile pour nous de déterminer qui étaient ces personnes.
Mme Melynda Jarratt: Oui, on a trouvé les listes des passagers et l'information s'y trouve. Je suis en train de suivre la trace écrite dans les dossiers de l'Immigration. J'ai photocopié tous les dossiers du ministère de l'Immigration pour la période allant de 1939 à 1943.
Le ministère de l'Immigration était chargé de faire venir les épouses de guerre jusqu'en août 1944. À ce moment-là, le gouvernement canadien s'est rendu compte que 56 000 épouses de guerre devaient venir au Canada au cours de la prochaine année, et que ce ne serait pas simple.
Jusqu'en 1944, il était très difficile pour ces femmes de venir au Canada parce qu'il n'y avait aucune place à bord des navires. Chaque place disponible à bord d'un navire était très précieuse et elle était donnée habituellement à une personne importante ou à un soldat qui avait été blessé. Alors, lorsqu'il y avait une dizaine de places libres, elles étaient réservées à des épouses de guerre. Entre 1942 et 1944, seulement 1 000 épouses de guerre sont venues au pays. Mais en août 1944, le Bureau des épouses canadiennes, qui a été créé par le ministère de la Défense nationale, s'est inquiété du fait qu'il restait encore 40 000 épouses de guerre à faire venir au Canada. Il devait les faire venir au cours des deux années suivantes.
Les choses ont alors changé. J'ai observé un changement dans la correspondance. Elles n'étaient plus considérées comme des citoyennes; elles étaient devenues des résidentes permanentes. La raison invoquée dans la documentation était la préoccupation à propos de maladies comme la tuberculose. Si on les considérait comme des résidentes permanentes, elles devaient toutes subir un examen médical, alors qu'en tant que citoyennes, on ne pouvait pas leur faire subir un examen médical.
¾ (0855)
Le président: Monsieur Siksay, la parole est à vous.
M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas, NPD): Merci, madame Jarratt, pour votre exposé. On ressent très nettement la passion que vous avez pour cette question. C'est utile pour nous de savoir qu'il s'agit d'une question importante.
Vous avez parlé du Bureau des épouses canadiennes. Est-ce que le nom de cet organisme ne traduit pas le statut qu'on considérait qu'elles avaient?
Mme Melynda Jarratt: C'est en fait ce qu'on pourrait croire. Mais pourtant la définition de personne à la charge d'un militaire a été modifiée. Le décret 858 est l'un des nombreux décrets qui définissent ce qu'est une personne à charge. Elle a été constamment modifiée. La liste n'a cessé de s'allonger.
Au début, il s'agissait uniquement des épouses de militaires canadiens. Ensuite, il y a eu les épouses des pompiers, car des pompiers canadiens ont été envoyés à Londres pour combattre les feux qui faisaient rage. La liste ne cessait donc de s'allonger. Il s'agissait principalement des épouses de membres des forces terrestres, navales et aériennes, mais 80 p. 100 d'entre elles étaient des épouses de membres des forces terrestres.
On penserait que le terme « personne à la charge d'un militaire » implique que les épouses recevaient automatiquement la citoyenneté de leur mari, mais c'est là que se trouve le problème. Quand cela a-t-il changé tout d'un coup? À partir de quand ont-elles cessé d'obtenir automatiquement la citoyenneté de leur mari? C'était entre 1944 et 1945; mais il me faudra un temps fou pour trouver la réponse.
M. Bill Siksay: Vous avez déclaré que ces personnes se rendent compte de ce problème lorsqu'elles présentent une demande de passeport, et c'est bien ce que nous avons entendu auparavant. Mais vous avez aussi dit qu'il existait une préoccupation à propos des pensions. Y a-t-il eu de nombreux cas liés à l'admissibilité aux pensions?
Mme Melynda Jarratt: Le seul que je connaisse est le cas de M. Cooper, de Plaster Rock. C'est lui qui a révélé cette situation.
Le problème, c'est que ces gens ne savent pas à qui s'adresser. Ils se perdent dans le dédale du ministère de l'Immigration. Avez-vous déjà téléphoné à l'Immigration? J'ai finalement pu m'entretenir avec—j'ai pris son nom en note—Penelope, l'agente 4807, et j'ai conservé son courrier électronique, car je voulais bien m'assurer qu'il y avait un être humain là-bas. Je lui ai même parlé et je dois dire que Penelope était très sympathique. Cependant, elle ne peut pas tout faire pour moi. La prochaine fois que j'appellerai, est-ce que Hortense ou Judith saura de quoi j'ai discuté avec Penelope? Je ne veux pas tout reprendre depuis le début.
Penelope semblait connaître la question des épouses de guerre. Elle était au courant. C'est ce qu'elle m'a dit et elle m'a aussi dit à qui m'adresser. Elle m'a expliqué exactement quoi faire. Selon elle, je dois demander une recherche sur la citoyenneté canadienne, qui s'effectue apparemment à Sydney, en Nouvelle-Écosse. Il y a là-bas un mystérieux groupe de recherchistes et d'avocats spécialisés en droit de l'immigration. Tout ce qu'il fait, c'est répondre à des questions concernant la citoyenneté d'une personne. Après avoir obtenu la preuve, il faut présenter une demande pour obtenir la carte de citoyenneté.
Mais qu'arrive-t-il si on découvre que l'on n'est pas un citoyen? Tout est lié aux listes des passagers.
M. Bill Siksay: Merci.
Le président: Monsieur Temelkovski, vous avez la parole.
M. Lui Temelkovski (Oak Ridges—Markham, Lib.): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
C'est une question très intrigante. Vous avez parlé d'un certain nombre de choses, sur lesquelles j'aimerais revenir.
La personne qui a déboursé 1 500 $ pour obtenir sa citoyenneté...
Mme Melynda Jarratt: Pour prouver qu'elle était une citoyenne.
M. Lui Temelkovski: Quand cela s'est-il passé, et qui a-t-elle payé?
Mme Melynda Jarratt: J'ai tous les documents là-dessus. Elle était très en colère.
En 1995, son mari est décédé. Il lui a laissé un héritage considérable. Pour régler toutes les affaires, elle devait fournir notamment le numéro d'assurance sociale. C'est là que le cas a commencé. On lui a demandé où était la preuve de sa citoyenneté. On savait qu'elle était née en Angleterre et que sa mère était une épouse de guerre—c'était l'évidence même—mais elle n'avait aucune preuve de sa citoyenneté canadienne. Elle avait cinq ans lorsqu'elle est arrivée au pays. Elle ne possédait rien.
Au terme d'une recherche dans les dossiers, on n'a pas pu trouver les documents en question. Il a donc fallu obtenir en Saskatchewan un document attestant que les papiers en question avaient été perdus, mais qu'ils avaient bel et bien existé.
J'ai également effectué beaucoup de recherches pour elle. Son histoire est relatée dans notre livre. Son nom est Jan Walker, et elle habite à Wasaga Beach, en Ontario. Son histoire n'est pas unique; il y en a eu bien d'autres comme la sienne. Heureusement, elle disposait de l'argent nécessaire pour payer la carte de citoyenneté. Combien de personnes pauvres n'ont pas l'argent nécessaire ou ne savent absolument pas ce qu'il faut faire?
Il est vrai qu'elle a déboursé 1 500 $. Elle m'a écrit une lettre. Hier soir, j'ai parlé avec elle et elle m'a dit de vous dire que cela lui a coûté 1 500 $.
Le téléphone a sonné souvent chez moi hier soir parce que...
¿ (0900)
M. Lui Temelkovski: C'était pour obtenir la preuve de sa citoyenneté?
Mme Melynda Jarratt: Oui, elle a dû payer les services d'une agence d'enquête parce qu'elle n'arrivait pas à régler la paperasse assez rapidement pour mettre en ordre les affaires de son mari.
M. Lui Temelkovski: D'accord. Il y a deux erreurs que je tiens à corriger. La pension de la Sécurité de la vieillesse ne dépend pas de la citoyenneté. Si vous habitez au Canada depuis 10 ans, vous allez l'obtenir, que vous soyez un extraterrestre ou qui que ce soit d'autre, pourvu que votre numéro d'assurance sociale ne commence pas par un neuf.
Mme Melynda Jarratt: D'accord.
Et je sais que cet homme a reçu un passeport en 1981. Richard Cooper détenait un passeport en 1981. Maintenant, il ne peut plus en obtenir un. C'est une autre question.
M. Lui Temelkovski: Non, mais...
Mme Melynda Jarratt: Il ne peut pas obtenir de passeport. Il ne peut pas non plus... Les renseignements à son dossier sur sa pension de vieillesse remonteront uniquement à 1981, même s'il habite au Canada depuis qu'il a environ un an. Autrement dit, on ne peut prouver qu'il était un citoyen par le seul fait qu'il ait obtenu un passeport en 1981. Pour ce qui est des 40 années précédentes, on dit qu'il n'existe aucune preuve qu'il était un citoyen canadien et qu'il a travaillé.
C'est là le problème.
M. Lui Temelkovski: Vous savez, chaque année, le gouvernement envoie un avis d'évaluation. Il remonte au premier jour que vous avez commencé à travailler au Canada, que vous soyez un extraterrestre, un résident permanent ou un citoyen. Il fait état entre autres de l'ampleur de votre contribution.
Je ne crois pas que la pension soit liée à la citoyenneté.
Mme Melynda Jarratt: Peut-être pas. Ce n'est pas mon domaine.
M. Lui Temelkovski: En outre, s'il s'agit d'une pension provenant d'un régime privé, tant que vous figurez comme bénéficiaire dans le régime de pension de votre mari, vous allez recevoir la pension. Cela ne dépend pas de la citoyenneté ni du statut de résident permanent. Vous pouvez même habiter à Timbuktu, et vous recevrez la pension, pourvu que vous en fassiez la demande, et pour ce faire, vous devez prouver votre identité et non pas votre citoyenneté.
Mme Melynda Jarratt: J'aimerais bien que Jan soit ici en ce moment parce qu'elle vous dirait le contraire. Je ne cherche pas à vous contredire, mais je vais le faire parce que je détiens tous les documents à son sujet. C'est exactement ce qui lui est arrivé en 1995. Et M. Cooper, qui n'est pas, comme vous le savez, un intellectuel, qui est un homme ordinaire, vient tout juste d'apprendre qu'il doit prouver où il se trouvait avant 1981 et à quel moment il est arrivé au pays. Voulez-vous bien me dire comment il pourra faire cela?
M. Lui Temelkovski: Était-ce seulement les épouses de guerre qui étaient qualifiées ainsi lorsqu'elles arrivaient au Canada, ou était-ce toutes les femmes qui sont arrivées d'Angleterre entre 1942 et 1948 qui étaient...
Mme Melynda Jarratt: Une épouse de guerre est une personne en particulier. Elle était mariée à un militaire canadien qui se trouvait outre-mer durant la Seconde Guerre mondiale jusqu'à environ 1947—il y avait une petite fenêtre; certaines d'entre elles étaient fiancées et elles ne se sont pas mariées parce que leur fiancé était malade, avait été blessé à la guerre, etc. Le 31 mars 1948 était la dernière journée où l'on pouvait être admissible pour venir au Canada en tant qu'épouse de guerre.
C'est ce groupe-là dont il s'agit. Elles devaient être mariées à un militaire canadien qui servait outre-mer. Certaines se sont mariées ici au Canada; elles sont arrivées ici en tant que fiancées. Elles avaient trois mois pour se marier ici au Canada.
M. Lui Temelkovski: Un autre fait très intrigant que vous avez révélé est que le Canada est allé chercher là-bas certains enfants parce qu'ils étaient les enfants de militaires canadiens. C'est le Canada qui a assumé les frais.
Mme Melynda Jarratt: Oui, les épouses de guerre et leurs enfants, près de 65 000, ont été amenés au Canada entre 1942 et 1948 aux frais du gouvernement canadien sous l'égide du Bureau des épouses canadiennes, qui relevait du ministère de la Défense nationale.
M. Lui Temelkovski: Elles étaient donc identifiées par l'entremise de leur conjoint, n'est-ce pas?
Mme Melynda Jarratt: C'est exact.
M. Lui Temelkovski: Le conjoint déclarait que cette femme-là et ses trois enfants qui habitent à Londres...
Lorsque ces deux enfants sont arrivés au Canada, vous avez dit que leur père était décédé ou qu'on ne pouvait pas le trouver, est-ce bien cela?
¿ (0905)
Mme Melynda Jarratt: Oui, il s'agissait d'un cas assez particulier.
M. Lui Temelkovski: Comment se fait-il que tout d'un coup le père ne voulait pas... il avait changé d'idée peut-être?
Mme Melynda Jarratt: Nous ne le savons pas. Il s'agit d'un cas très complexe; il est relaté dans le livre. Il s'agit d'un cas très triste et tragique. Heureusement, tous les cas ne sont pas comme celui-là. La plupart des pères étaient très heureux d'accueillir leur famille au Canada.
Mais dans ce cas en particulier, la citoyenneté de l'enfant n'a jamais été déterminée, mais elle a dû l'être—dans la cinquantaine, après qu'elle eût travaillé toute sa vie—lorsque son mari est décédé. C'est là que cette situation est survenue; à la suite du décès de son mari.
Le président: Merci, monsieur Temelkovski. Vous avez été bref, dois-je souligner.
Je trouve cela incroyablement troublant. Je trouve troublant que le ministère—et je dois préciser que je siège à ce comité depuis longtemps—n'ait jamais rien dit. Je suis en train de découvrir toutes sortes de choses. Je n'ai jamais pensé aux enfants illégitimes, soi-disant, de militaires, et qu'on s'en était totalement lavé les mains.
Je sais que le ministère a dépensé des dizaines de millions de dollars pour essayer d'enlever la citoyenneté à des personnes de façon frauduleuse, et en plus, il n'a même pas jugé bon de dépenser de l'argent pour au moins nous informer de la situation et essayer de la corriger.
J'écoute votre témoignage et je me dis que nous sommes en train de mettre en place un véritable noeud gordien. Qu'arrivera-t-il maintenant si une personne découvre—une personne qui est ici depuis l'âge de huit mois—qu'elle n'est pas citoyenne canadienne? Il est très probable qu'elle ait eu des enfants lorsqu'elle était à l'extérieur du pays. Alors qu'en est-il de ces enfants? C'est un effet boule de neige.
Un des problèmes que tente de régler le comité, c'est celui des enfants qui arrivent au Canada et qui ne demandent pas la citoyenneté. Il se peut que, 20 ans plus tard, ils soient déportés parce qu'ils ont commis une infraction, même s'ils vivent au Canada depuis qu'ils sont bébés. Il semble qu'une personne qui a passé autant de temps dans un pays devrait obtenir de facto la citoyenneté. C'est ce qui va de soi à mon avis, car il est insensé de consacrer toutes ces ressources pour essayer de mettre en place tous les morceaux du casse-tête pour quelque chose d'aussi ridicule que...
Je sais qu'en tant que comité nous pouvons commander une recherche; tout ce qu'il faut c'est obtenir l'approbation du comité de liaison. Je crois que nous devrions vraiment étudier la question, car il est véritablement incroyable que des gens n'aient aucune identité.
Je dois vous dire que j'ai commencé à m'intéresser à la question de la citoyenneté non pas parce que je n'ai pas la citoyenneté canadienne, mais parce que je trouve véritablement injuste le processus de révocation de la citoyenneté pour les personnes qui ne sont pas nées au Canada. Je dois dire que je suis encore davantage horrifié par les combines utilisées pour refuser la citoyenneté à tous ces Canadiens.
Je tiens à vous remercier beaucoup pour votre exposé. Veuillez nous faire parvenir un mémoire. Je vous assure que nous allons examiner ce que nous pouvons faire, et je veux m'adresser au ministère pour savoir s'il existe d'autres situations dont nous devrions être mis au courant. Le ministère devrait accorder la priorité à ce dossier.
Je vous remercie encore. Je ne sais pas si d'autres membres du comité ont quelque chose à ajouter, mais je dois dire que cette situation est terrible. Je vous remercie d'avoir partagé vos connaissances et je vous remercie pour l'intérêt que vous manifestez. Je crois que votre thèse sera excellente.
Mme Melynda Jarratt: Elle est déjà terminée; je l'ai terminée il y a cinq ans. Vous pouvez la lire sur mon site Web, dont l'adresse est canadianwarbrides.com.
Le président: D'accord. Merci beaucoup.
Nous allons faire une pause de quelques minutes.
¿ (0909)
¿ (0916)
Le président: Nous allons reprendre.
Nous recevons des représentants du Conseil multiculturel du Nouveau-Brunswick.
Nous vous souhaitons la bienvenue. Veuillez limiter votre exposé à sept minutes. Vous allez remarquer que nous ne sommes pas très stricts quant au respect du temps, mais nous aimons bien disposer de suffisamment de temps pour les questions.
M. Bill Siksay: Monsieur le président, les deux ont un exposé à faire ce matin, alors...
M. George Maicher (vice-président, Conseil multiculturel du Nouveau-Brunswick): Monsieur le président, nous représentons des organisations différentes, quoique similaires. Je suis ici au nom de la Multicultural Association of Fredericton et Asma représente le Conseil multiculturel du Nouveau-Brunswick, qui est notre organisation cadre.
Je vais vous parler de la mise à jour des lois canadiennes sur la citoyenneté et des problèmes à régler à ce chapitre; vous avez d'ailleurs sans doute reçu copie de mon mémoire. Mais j'aimerais tout d'abord vous en dire davantage au sujet de notre organisation. Nous nous intéressons aux droits de la personne ainsi qu'aux questions liées à l'immigration, et nous avons obtenu de très bons résultats dans l'intégration de nouveaux arrivants au sein de la société canadienne. Pour ce faire, notre organisation compte sur 22 employés qui sont appuyés par plus d'une centaine de bénévoles.
Nous sommes conscients de la nécessité de mettre tout en oeuvre pour assurer la sécurité des Canadiens et nous appuyons la plupart des témoignages que vous avez entendus en ce sens, mais certaines des dispositions du projet de loi proposé nous posent problème.
Nous sommes notamment préoccupés par les dispositions permettant la révocation de la citoyenneté et créant une situation d'apatridie. Ces dispositions s'appliquent lorsque des Canadiens déménagent à l'étranger et y donnent naissance à des enfants qui ont la citoyenneté canadienne, parce qu'ils sont les enfants de citoyens canadiens. Si ces enfants demeurent à l'étranger et ont eux-mêmes des enfants, ils peuvent devenir apatrides. Ils doivent faire un choix lorsqu'ils atteignent l'âge de 28 ans. S'ils ne sont pas au Canada à ce moment-là, à 28 ans, ils deviennent apatrides. Nous estimons que le Canada ne devrait pas avoir comme objectif de transformer des citoyens canadiens en apatrides.
Nous devrions accorder le bénéfice de la citoyenneté canadienne aux personnes qui ont leurs racines au Canada, qui y ont leurs parents, ou leurs grands-parents, ou leurs arrière-grands-parents, qui sont devenus citoyens canadiens. C'est le genre de chose qui peut arriver, par exemple, aux personnes participant à des oeuvres missionnaires à l'étranger. Ces gens passent toute leur vie à l'étranger. Leurs enfants y naissent... et peuvent se retrouver apatrides. Nous ne voulons pas d'un accroissement du nombre d'apatrides dans le monde avec tous les problèmes qui s'ensuivent. En outre, cela porte atteinte aux droits de certains Canadiens de transmettre leur citoyenneté à leurs enfants.
Parmi les dispositions proposées qui nous posent également un sérieux problème—et nous en parlons dans notre mémoire—il y a celle qui permet au solliciteur général du Canada de soumettre à la Cour fédérale le cas de toute personne qu'il soupçonne d'avoir obtenu la citoyenneté grâce à des représentations frauduleuses ou trompeuses, ou de toute personne faisant l'objet d'une ordonnance d'interdiction. Nous nous inquiétons beaucoup de l'impossibilité de porter en appel la décision rendue par le tribunal ou de la soumettre à un examen judiciaire. Qui plus est, il semble qu'un juge de la Cour fédérale, ou même le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, peut révoquer la citoyenneté d'un Canadien naturalisé sans même que l'intéressé ne puisse prendre connaissance des preuves déposées contre lui. Je pense que des mesures de ce genre ne sont pas dignes d'un pays comme le Canada. Lorsque des personnes quittent leur pays d'origine pour aller vivre dans une société où le processus judiciaire est transparent et public, j'estime qu'il est extrêmement important qu'il en soit effectivement ainsi et qu'elles ne voient pas leur sort être déterminé derrière des portes closes.
Voilà plus de 3 000 ans—on peut remonter jusqu'aux cités-états de la Grèce antique—que nous travaillons pour séparer la prise de décisions judiciaires de la prise de décisions politiques. Et voilà que tout à coup, nous, Canadiens, allons renier tous ces efforts et politiser le processus judiciaire en accordant à nos ministres un pouvoir sur la vie des gens. Je ne crois pas que nous devrions pouvoir en arriver là. Je ne pense pas que nous devrions permettre une telle situation.
¿ (0920)
C'est plutôt le genre de mesure qu'on aurait prise dans l'Allemagne nazie, la Chine maoïste, la Russie stalinienne, ou le roman Le zéro et l'infini d'Arthur Koestler. Des accusations sont déposées contre vous, mais vous ne savez pas de quoi il s'agit. Vous vous retrouvez au coeur d'un procès kafkaïen; vous ne savez pas contre quelles accusations vous vous défendez et des gens viennent vous dire que vous n'avez plus droit à la citoyenneté.
Si des actes répréhensibles ont été commis, les tribunaux canadiens sont là pour s'en occuper. Faites comparaître les inculpés devant un tribunal public qui étudiera la situation. Si l'individu est effectivement coupable, mettez-le en prison ou imposez-lui une amende, mais ne réglez surtout pas son sort derrière des portes closes.
J'aimerais également qu'on ne permette pas l'existence d'une citoyenneté canadienne à deux paliers. Les gars qui sont nés à Harvey ou à Woodstock—les MacDonald ou les Turner, qui sont ici depuis 250 ans—peuvent faire tout ce qui leur chante. Personne ne va leur dire que la citoyenneté va leur être retirée et qu'ils vont être renvoyés au pays d'où sont originaires leurs arrière-arrière-grands-parents.
Non. On leur dit qu'ils ont commis un acte répréhensible et que leur cause sera soumise aux tribunaux.
Mais voilà que si une personne est originaire de la Jamaïque, étant née au Canada alors que ses parents étaient toujours Jamaïcains, on la menace de l'expulser en Jamaïque lorsqu'elle présente des problèmes de comportement à l'âge de 18 ans. Je ne crois pas que ce soit acceptable. Si une personne cause des problèmes, il faut référer son cas aux tribunaux. Nous ne devrions pas permettre la mise en place d'un système où des gens peuvent se retrouver sans recours légal, où il leur est impossible de défendre leur cause.
Dans sa formulation actuelle, la loi proposée permet au Cabinet de révoquer la citoyenneté de tout individu qu'il soupçonne de ne pas avoir respecté les principes et les valeurs de la démocratie. En principe, nous ne nous opposons pas aux lois qui empêchent l'octroi de la citoyenneté canadienne aux individus qui sèment la haine et qui violent les droits de la personne. Cependant, le Cabinet semble s'employer uniquement, lorsqu'il évalue le cas d'un individu, à déterminer s'il a fait fi des principes et des valeurs fondamentales d'une société libre et démocratique.
Il est particulièrement inquiétant de constater que la loi ne propose aucune définition des principes et des valeurs en question. Cette lacune est suffisante pour considérer ce projet de loi comme indigne d'une société libre, car cela pourrait réprimer l'expression de préoccupations légitimes par les nouveaux immigrants. Et je sais pertinemment qu'il y a de l'autocensure chez les immigrants actuellement; ils ne veulent pas exprimer leurs points de vue, car ils craignent que cela entrave leurs possibilités de déplacement s'il viennent à se présenter à la frontière.
Je crois que l'un des avantages les plus nobles que puisse offre notre société est la possibilité de s'exprimer librement. Je suis profondément offensé par l'attitude rétrograde adoptée par le Canada pour ce qui de la liberté d'exprimer son opinion. Il est possible que des gens vous disent des choses très désagréables, des choses que vous n'aimerez pas du tout, mais c'est là l'essence même de la liberté d'expression.
Quand on pense à la liberté d'expression en des temps plus reculés, à l'époque des Hardenberg, des Richelieu et de tous ces autres politiciens européens—et j'ai presque terminé mon exposé—si on ne permettait pas aux gens d'exprimer librement leurs opinions, c'est bien évidemment parce que celles-ci allaient à l'encontre des dirigeants.
Quoi qu'il en soit, je représente une association multiculturelle et les gens auprès desquels nous intervenons ne sont pas venus au Canada pour que leur sort soit réglé derrière des portes closes. Ils voudraient que les choses se passent sur une tribune ouverte et publique.
Merci beaucoup.
¿ (0925)
Le président: Merci beaucoup.
Si nous n'avons pas les mémoires, c'est parce que l'un d'eux était en anglais et l'autre en français; il nous les faut dans les deux langues officielles avant de pouvoir les distribuer. Ce sera fait dès qu'ils auront été traduits.
M. George Maicher: Il me semble pourtant que le mien vous a été fourni depuis assez longtemps déjà.
Le président: Très bien, mais peu importe. C'était simplement une remarque à l'intention des membres du comité.
Madame Regragui.
[Français]
Mme Asma Regragui (première vice-pérsidente, Nouvea-Brunswick, Conseil multiculturel du Nouveau-Brunswick): Merci, honorables membres du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration.
Si je viens parler aujourd'hui, c'est à titre de représentante du Conseil multiculturel du Nouveau-Brunswick, mais aussi à titre de citoyenne. Je n'ai pas besoin de vous faire un résumé de l'histoire de la citoyenneté depuis le Code Hammourabi jusqu'à la philia grecque ou jusqu'à l'édit de Caracalla de 212, ni jusqu'à la Révolution française, ni jusqu'au Bill of Rights en Angleterre, ni encore jusqu'aux questions soulevées par les marxistes ou jusqu'à l'avènement de ce qu'on a aujourd'hui comme État social.
Vous savez tous que la citoyenneté comporte d'abord une notion légale, une légitimité politique et un lien social. Je parlerai surtout de l'engagement que devrait prendre le gouvernement par rapport à la citoyenneté.
Il me semble qu'il n'y a pas assez d'éducation populaire. On parle souvent de citoyenneté et d'éducation à la citoyenneté pour les nouveaux arrivants, mais on n'en parle jamais lorsqu'il s'agit des gens nés ici. Le jus sanguinis est très important. La citoyenneté n'est pas un privilège, c'est un droit qui comporte énormément de responsabilités. Il serait peut-être temps que le gouvernement fasse en sorte d'être à l'avant-garde de l'éducation à la citoyenneté.
Étant donné que je ne suis pas une spécialiste de la question de la citoyenneté ni philosophe ni sociologue, je m'intéresse surtout à l'éducation au niveau primaire, parce que la citoyenneté est quelque chose qui doit commencer dès le plus jeune âge. Il me semble qu'il serait très important que le gouvernement encourage les provinces à avoir un curriculum multidisciplinaire. Ce pourrait être l'introduction à la philosophie, parce que la philosophie nous aide à penser et il faut justement les former à penser et à débattre dans le respect des droits.
La citoyenneté, comme le disait M. Maicher, est la démocratie. Quand il s'agit de liberté d'expression, il ne s'agit pas seulement de dire ce que l'on pense, mais il y a des procédures, ce qu'on appelle un code procédural qui doit avoir lieu avant que les gens puissent discuter. Il me semble qu'au Canada, dernièrement, il y a un individualisme persistant et grandissant. Ce n'est pas seulement le problème du Canada, c'est le problème de tous les pays d'immigration. Si aujourd'hui nous parlons d'une nouvelle Loi sur la citoyenneté, c'est que nos sociétés sont de plus en plus diversifiées.
Est-ce que cela nous fait peur? Telle est la question, car le débat est là.
Dans les pays d'Europe, qui ne sont quand même pas de grands pays d'immigration mais qui ont quand même un gros lot d'immigrants, en Nouvelle-Zélande, aux États-Unis, au Canada, quel est le problème? Quelle sorte de pays voulons-nous? Si nous sommes un pays d'immigration, il nous faudra rester ouverts, il nous faudra aider les nouveaux arrivants à intégrer le pays et à embrasser la Charte des droits et libertés. Pour moi, c'est essentiel.
Le jour où je suis devenue canadienne, j'ai embrassé le Canada pour diverses raisons: la liberté d'expression, les valeurs démocratiques, les droits de l'Homme et l'État de droit. Sans cela, il n'est pas possible de devenir canadien. Alors je m'excuse, mais si quelque part je n'adhère pas à la Charte, je ne peux pas m'appeler Canadienne, je ne peux pas m'exprimer en tant que Canadienne. Cela est très important.
L'autre chose, beaucoup plus importante, est que nous compartimentons les gens. Nous avons des petits ghettos intellectuels, des ghettos culturels, des ghettos confessionnaux. Il va falloir les briser, parce que devenir Canadien, c'est être sous ce chapeau. Toutefois, il va falloir aussi éduquer à la citoyenneté les Canadiens qui sont nés ici. Être citoyen du Canada, comme je le disais, est une responsabilité.
Nous avons affaire, au Canada, à deux notions de la société. D'un côté, il y a ce qu'on appelle la notion démocratique libérale où, parce que nos droits sont protégés, nous ne nous impliquons pas tellement dans le processus politique. D'un autre côté, nous avons cette conception républicaine où, à chaque fois, nous voulons délibérer. Or, il me semble que les Canadiens, dernièrement, ne délibèrent que lorsque leurs droits et libertés sont en jeu, lorsqu'il y a des conflits internationaux ou lorsqu'il y a des questions d'ordre moral, notamment le mariage de personnes du même sexe.
¿ (0930)
Premièrement, il va falloir savoir vers quoi nous nous dirigeons.
Deuxièmement, il faut aussi être conscients du fait que, dans deux ou trois décennies, la majorité des Canadiens seront de différentes origines ethniques et de minorités visibles. C'est maintenant qu'il faut penser à tout cela.
Il y a une autre idée que j'aimerais introduire. La citoyenneté est aussi économique. Il va falloir se débarrasser du glass ceiling ou du cement ceiling, car déjà de jeunes Canadiens diplômés d'universités canadiennes ne sont pas capables d'obtenir une entrevue quand leur nom n'est pas canadien.
Finalement, je voulais parler des restrictions imposées à la citoyenneté pour les enfants nés au Canada. Combien existe-t-il d'enfants nés au Canada de parents non résidents? D'après le Globe and Mail, ils étaient 12 400 la semaine dernière. Je me demande quel crime a commis un enfant lorsqu'il naît au Canada et que ses parents ne sont pas résidents du Canada. Il me semble que si une femme prend l'avion pour arriver jusqu'ici, ce sont les compagnies aériennes qui devraient voir qu'elle est enceinte. Normalement, les compagnies aériennes n'autorisent aucune femme enceinte à voyager après six mois de grossesse.
D'un autre côté, il y a toutes les personnes qui attendent le statut de réfugié. Que faisons-nous de ces personnes? Si nous commençons à restreindre la notion de jus soli, nous ouvrons la porte aux discriminations, et cela serait indigne de notre pays.
Le fait de retirer la citoyenneté à quelqu'un, comme disait M. Maicher, devrait être du ressort des tribunaux. Il n'est pas question que ce soit du ressort d'un ministère, mais il va falloir que les tribunaux s'engagent à faire respecter l'État de droit. Sinon, comme disait M. Maicher, nous aurons deux poids, deux mesures.
Ma dernière intervention portera sur le libellé du serment d'allégeance. Il me semble que nous avons beaucoup de poètes et d'écrivains partout au Canada qui pourraient être engagés pour écrire un très beau libellé dans les deux langues officielles. Un l'écrirait en anglais, et l'autre en français, pour qu'il n'y ait pas de traduction. Ce serait tout de même respectueux de l'authenticité.
Je vous remercie.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup. Peut-être trouverons-nous la poésie voulue chez les témoins que nous entendrons dans notre tournée du pays. Si vous avez des idées, n'hésitez pas à nous les communiquer; nous serons très heureux de les entendre.
Nous allons débuter une série de questions et je vais voir à ce que nous respections le temps imparti de sorte que tout le monde puisse intervenir.
Monsieur Jaffer.
¿ (0935)
M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, PCC): Merci, monsieur le président.
Merci à vous deux pour vos exposés de ce matin.
J'ai d'abord une question rapide pour vous, George. Vous nous avez fait part de vos préoccupations concernant le problème de l'apatridie. Depuis que nous avons entrepris ces audiences, des témoins nous ont dit s'inquiéter du fait que le Canada n'a pas ratifié la Convention sur la réduction des cas d'apatridie des Nations Unies.
Je ne sais pas si vous êtes au courant ou si vous avez des questions à soulever à cet égard.
M. George Maicher: Non, je n'en ai pas.
M. Rahim Jaffer: D'accord.
L'apatridie est pour moi une source de préoccupation et je suis heureux que vous ayez soulevé ce problème. Il ne fait aucun doute que nous devons nous attaquer à ce problème et déterminer quelles mesures proactives nous pourrions prendre pour veiller à ce que les personnes qui sont laissées pour compte, si je puis m'exprimer ainsi, et qui se retrouvent apatrides, ne soient pas abandonnées à leur triste sort. Il nous faut examiner toutes les solutions possibles parce que la situation est nettement problématique.
C'est une préoccupation qui nous a été soumise à maintes reprises par rapport aux cas où la citoyenneté est remise en question. Il me semble que nous devrions mettre en place un tel processus d'appel qui n'existe pas actuellement, bien que la loi le permette. Je vous remercie donc pour ce commentaire.
[Français]
Asma, je suis d'accord avec vous. Ma famille et moi sommes arrivés ici comme réfugiés. Quand je grandissais, mon père me disait toujours qu'il fallait prendre très au sérieux notre liberté et notre participation à la démocratie. Ce sont des choses très importantes. Il faut participer à la démocratie ici, au Canada. C'est quelque chose qui manque dans notre système d'éducation. Je pense qu'il faudrait, pour les nouveaux Canadiens, changer cela dans notre système d'éducation. C'est très important que notre citoyenneté ne soit pas un privilège, mais un droit. Je suis d'accord sur cela.
Peut-être avez-vous des idées sur la manière de travailler avec les ministères de l'Éducation provinciaux afin de mettre en place un système d'éducation où la citoyenneté aurait sa place.
Mme Asma Regragui: Au Québec, sur la rive sud de Montréal, un projet-pilote a été mis sur pied dans une école primaire où il y avait énormément de violence. Or, on a mis la philosophie au programme. Lorsque vous et moi parlons de philosophie, nous pensons à Platon, Socrate ou Kant, mais pour des enfants, la philosophie consiste en fin de compte à débattre d'idées dans le respect de l'autre. Depuis la mise en oeuvre de ce projet-pilote, la violence a diminué considérablement parce que les enfants se sont mis à penser. À mon avis, dès lors que des enfants de quatre ans sont capables de penser, c'est le moment de commencer leur éducation.
Il y a aussi l'apport de l'histoire. J'ai eu la chance d'enseigner pendant un an au Nouveau-Brunswick où, sauf en 7e année et en 8e année, on n'enseigne pas l'histoire à nos enfants. Il me semble que l'enseignement de l'histoire est très important.
Il y a aussi la littérature. On ne compte peut-être pas dans nos rangs autant d'auteurs qu'en Europe ou chez nos voisins du sud, mais certains de nos auteurs sont très talentueux. Ils traitent précisément de la question de l'appartenance et de l'identité.
En outre, on occulte toujours le problème des premières nations et celui du fait français. Or, si l'on discute et que l'on explique pourquoi le fait français est différent du fait anglais, les enfants seront aptes à comprendre la situation. Après mon arrivée au Nouveau-Brunswick, j'ai entendu dire pendant très longtemps que les Acadiens n'avaient pas été persécutés, puisqu'ils avaient été libres de partir. C'est faux. Imaginez: cela s'est dit pendant des générations.
Il devrait donc y avoir un curriculum multidisciplinaire qui inclurait l'éducation civique. Cela ne consiste pas à ramasser un bout de papier dans la rue. La citoyenneté, ce n'est pas ça: c'est participer et être responsable de ses actes. Maintenant, lorsqu'on parle à des jeunes, on se rend compte que pour eux, la citoyenneté est un droit. Il faut comprendre qu'un droit vient avec des responsabilités. C'est de cette façon qu'il va falloir aborder la question.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Siksay, c'est à vous.
M. Bill Siksay: Merci, monsieur le président et merci à vous deux pour vos exposés.
Monsieur Maicher, je veux seulement vous dire que je suis entièrement d'accord avec vous pour ce qui est de la révocation de la citoyenneté et de la terrible situation actuelle qui fait en sorte qu'il existe deux classes de citoyens canadiens. Je crois que nous devons vraiment régler ces questions dès maintenant dans la Loi sur la citoyenneté. Il est également inacceptable que la norme de preuve applicable pour le processus de révocation soit la prépondérance des probabilités, plutôt que hors de tout doute raisonnable.
Je crois donc qu'il nous faut simplement mettre fin à cette iniquité et reconnaître qu'il n'existe qu'une seule classe de citoyens canadiens et nous en tenir à cela, et le plus tôt sera le mieux.
Vous avez parlé de l'autocensure auquel les immigrants se livrent en raison de cette situation. Je me demandais si vous voudriez nous en dire davantage sur la façon dont cela se concrétise.
¿ (0940)
M. George Maicher: Je peux certainement vous en parler. Cela se manifeste de façon très tangible. Auparavant, si je me trouvais dans un aéroport et je voyais quelqu'un dont j'étais certain qu'il était originaire du Moyen-Orient, j'allais toujours lui parler. Maintenant je ne le ferais plus parce que quelqu'un pourrait voir que je parle à cet individu qui a déjà parlé à untel ou unetelle qui a déjà parlé à cet autre, qui a déjà parlé à une autre personne se retrouvant dans le carnet de quelqu'un. Et voilà qu'on peut suivre la chaîne pour remonter jusqu'à moi... Il faut faire enquête sur ce gars-là parce qu'on ne sait jamais. Est-ce qu'il va...? Et les gens s'autocensurent ainsi en ne parlant plus aux autres.
Les gens décident de ne plus aller à la mosquée parce qu'on pourrait les y voir en train de parler à quelqu'un qui se retrouve dans un de ces carnets, alors qu'on est à la recherche de quelqu'un. Et je ne donne plus d'argent à une organisation, même si je sais qu'elle n'a rien à se reprocher, si cette organisation s'occupe de dossiers liés au Moyen-Orient, car il peut arriver qu'une partie des fonds soit détournée à des fins que je ne connais pas, mais comme c'est moi qui ai donné l'argent, j'aurai des comptes à rendre.
Et les gens ne veulent plus parler de ces questions. Ils ne veulent plus exprimer leur opinion et font montre d'une grande prudence. Ils estiment préférable de ne pas en dire trop. Il ne faut pas offusquer les gens et il faut éviter d'attirer l'attention sur soi.
Et vous connaissez la réputation du Canada? Bien des gens sont venus s'installer au Canada, parce qu'ils parlaient trop dans leur pays d'origine et avaient l'impression qu'il serait préférable pour eux de vivre ici. Et notre pays les a toujours accueillis à bras ouverts. Mais voilà que nous allons chercher des éléments de preuve dans le pays d'origine pour savoir si la personne ou sa famille y fait l'objet d'accusations. Peut-être que son père a déjà fait quelque chose de répréhensible.
Je le répète, l'autocensure est une réalité. Et je ne pense pas que ce soit une bonne chose. Lorsqu'il y a autocensure, les gens ne peuvent pas dire ce qu'ils ressentent vraiment et ils en viennent éventuellement à l'exprimer d'une autre manière, ce qui ne m'apparaît pas souhaitable.
M. Bill Siksay: Merci.
Madame Regragui, vous avez parlé du serment de citoyenneté et du fait qu'il n'était pas nécessaire, si je vous ai bien comprise, qu'il soit traduit ou reproduit de façon exacte dans les deux langues officielles. Je me demandais si vous pourriez nous en dire plus long à ce sujet. Il me semble un peu problématique de demander aux gens de prononcer un serment dont le sens est peut-être un peu différent d'une langue officielle à l'autre.
Cette question a été abordée par un de nos témoins qui avait une suggestion précise à cet égard. Il nous a signalé—et c'est peut-être un exemple sans grande importance—que les termes peuple et people désignaient des choses différentes selon la langue. Alors, le serment n'est pas nécessairement compris de la même façon, surtout au Québec, par exemple.
Je me demandais donc comment vous envisagiez la situation, si les gens prononcent effectivement un serment qui ne signifie pas nécessairement la même chose dans les deux langues officielles.
[Français]
Mme Asma Regragui: Pour en revenir à la notion de peuple...
[Traduction]
Je vais vous parler en anglais maintenant.
Le Québec est une nation, que nous le voulions ou non. C'est une nation, mais il n'existe pas de citoyenneté québécoise; le Québec fait partie du Canada. Tant qu'il en sera ainsi, je ne vois pas pourquoi il y aurait une citoyenneté québécoise; ce sera toujours la citoyenneté canadienne.
Si je parle d'écrivains et de poètes, c'est que toutes les fois qu'un texte est traduit, il y a certaines différences. Je vais être un peu sexiste, mais je vais vous citer cet auteur qui disait toujours
[Français]
qu'une traduction était comme une femme: lorsqu'elle est belle, elle n'est pas fidèle, et lorsqu'elle est fidèle, elle n'est pas belle.
[Traduction]
C'est très sexiste, mais c'est la vérité.
Si vous confiez ce mandat à des auteurs, ou à un groupe d'auteurs et de poètes, ils vont travailler ensemble et, comme vous le savez, rien n'est pas approuvé au gouvernement sans avoir été relu un million de fois, pour les virgules et tous ces détails. Alors rien n'est impossible; notre pays est jeune et il regorge de talents.
J'estime que c'est une initiative valable.
¿ (0945)
Le président: Monsieur Temelkovski.
M. Lui Temelkovski: Merci beaucoup, monsieur le président.
George, vous avez indiqué que l'on devrait faire appel aux tribunaux plutôt que de prendre des décisions derrière des portes clauses. Je crois que nous sommes tous d'accord avec cela, lorsqu'il s'agit de vérifier les antécédents d'une personne, pour savoir si elle a dit la vérité, toute la vérité ou la moitié de la vérité, ou pour déterminer quelle version des faits elle a présentée lorsqu'elle est arrivée au pays.
Devrait-il y avoir une limite de temps quant aux enquêtes rétrospectives ou alors, pas du tout, pour autant que ce soit les tribunaux qui s'en chargent?
M. George Maicher: S'il y a eu fraude, les tribunaux peuvent s'en occuper. S'il y a eu crime, cela relève également des tribunaux. Je ne crois pas qu'il doive y avoir nécessairement une limite de temps.
J'estime par contre que le Canada devrait respecter les décisions qu'il prend. À partir du moment où une personne est admise au Canada, nous devrions avoir une responsabilité de diligence raisonnable. Lorsqu'on dit à une personne qu'elle est admise au Canada, elle est affectivement admise, avec tous ses défauts. Si on constate par la suite qu'elle a menti, on la traite comme tout autre citoyen canadien qui aurait menti sous serment ou comme tout citoyen canadien qui aurait commis un crime : son cas est examiné de façon transparente et publique. Mais il ne faut pas en faire un processus politique; lorsqu'un acte criminel a été commis, cela relève des instances pénales.
Selon moi, il faut s'en tenir aux décisions rendues; une fois qu'une personne est admise au Canada, cette décision ne peut plus être changée. Maintenant, si un immigrant admet avoir commis une erreur... mais ce n'est jamais une erreur pour le Canada d'accueillir des immigrants... il risque l'expulsion. S'il s'agit d'un citoyen canadien et qu'on lui révoque la citoyenneté, c'est le Canada qui commet une erreur. On devrait plutôt dire qu'il n'y a pas eu d'erreur au départ, qu'on voulait accueillir la personne en question et que l'on va maintenant examiner son cas comme on le ferait pour tout autre citoyen canadien.
M. Lui Temelkovski: Ce que vous me dites, c'est qu'une fois la citoyenneté obtenue... tout le travail doit être fait avant qu'on accorde cette citoyenneté.
M. George Maicher: Exactement.
M. Lui Temelkovski: Il ne devrait y avoir aucune question par la suite?
M. George Maicher: Il peut évidemment y avoir des questions, mais ces questions devraient être posées devant un tribunal. Si un crime a été commis, traitons l'affaire devant les tribunaux.
M. Lui Temelkovski: Nous sommes d'accord pour dire que si une personne a commis un crime il y a une cinquantaine d'années et que nous le découvrons maintenant, nous devrions traiter l'affaire devant les tribunaux.
M. George Maicher: Exactement. S'il n'y a aucune loi de prescription, traitez l'affaire au Canada. Il faut entamer la procédure de preuve, de contre-preuve, de défense, etc. Vous pouvez penser que cette personne ne devrait pas être ici, mais elle y est parce que le Canada a jugé qu'il s'agissait d'un bon candidat à la citoyenneté canadienne. Alors tenez-vous en à cette décision.
M. Lui Temelkovski: Et cette personne a agi en bon citoyen pendant 50 ans.
M. George Maicher: Même dans le cas contraire, l'affaire doit être portée devant les tribunaux, comme on le fait lorsqu'un Canadien commet un crime.
M. Lui Temelkovski: Nous comprenons donc qu'accorder la citoyenneté est une chose, et que si la personne concernée a commis un crime ailleurs et que nous l'apprenons maintenant, nous devrions traiter l'affaire devant les tribunaux.
On parle aussi des conséquences pour les enfants. Certains croient que si je suis admis au Canada sous de faux prétextes, alors mes enfants ne devraient pas pouvoir être au Canada.
¿ (0950)
M. George Maicher: Oui, mais ces enfants sont nés au Canada. Si les enfants ont des comportements qui répondent à nos attentes, ils peuvent vivre heureux ici jusqu'à la fin de leurs jours. Ils peuvent s'engager politiquement, dire ce qu'ils pensent. S'ils commettent un crime, nous les amenons devant les tribunaux, et non derrière des portes closes où ils ne nous diront même pas ce qui cloche.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Temelkovski. Nous allons essayer de vous faire accélérer.
Il parlait d'une proposition faite dans le cadre du projet de loi C-63, qui voulait que le processus de révocation s'applique aux enfants. On estimait que n'eut été de la fraude commise par l'un des deux parents, les enfants ne seraient jamais venus ici au départ.
M. George Maicher: Toutefois, jusqu'où allez-vous? Jusqu'aux petits-enfants et aux arrière-petits-enfants?
Le président: C'est ce qui m'a ébranlé lorsque j'en ai fait la lecture.
Lorsque j'allais à l'école en Colombie-Britannique, on nous donnait une note de bon citoyen. Cette pratique a disparu dans les années 60. Je me rappelle d'avoir obtenu une note insatisfaisante et j'ai été très troublé lorsque j'ai appris pourquoi. C'est parce que je mangeais des graines de tournesol en classe. Je gardais des graines de tournesol dans ma trousse de compas, ce qui m'a valu une note insatisfaisante en citoyenneté. On mettait beaucoup d'accent sur la citoyenneté dans toutes les classes. Cette pratique a disparu et je ne sais pas pourquoi.
Lui, avez-vous vécu cette expérience?
M. Lui Temelkovski: J'ai dû apprendre ce qu'était la citoyenneté, mais je n'ai jamais obtenu de note insatisfaisante.
Le président: Merci beaucoup. Nous vous enverrons notre rapport lorsqu'il sera prêt.
Merci d'être de bons citoyens et de nous faire part de vos points de vue.
Nous allons suspendre nos travaux pour quelques minutes.
¿ (0952)
À (1002)
Le président: La séance va reprendre.
Monsieur Deka, voulez-vous présenter votre exposé?
M. Kumud Deka (étudiant de l'Asie du Sud, Sciences physiques, Université du Nouveau-Brunswick): Merci Beaucoup.
Je représente les étudiants d'Asie du Sud de l'Université du Nouveau-Brunswick. L'université compte un nombre important d'étudiants, alors j'ai cru que ce serait une bonne occasion pour moi de vous présenter certaines de nos préoccupations en matière d'immigration et de citoyenneté.
Ce sont les règles applicables aux demandeurs admissibles qui nous préoccupent. À l'heure actuelle, il faut avoir résidé au Canada pendant au moins un an pour pouvoir présenter une demande d'immigration. Cette politique cause des problèmes à certains étudiants, notamment ceux de la maîtrise, qui terminent leurs études en moins de deux ans. S'ils restent au Canada pendant un an et qu'ils demandent à immigrer, ils n'ont pas suffisamment de temps par la suite pour demeurer au Canada et obtenir leur statut d'immigrant... parce que les délais de traitement sont d'environ sept mois à un an. Après avoir terminé leurs études, ils ne peuvent rester que trois mois. S'ils n'ont pas d'emploi, ils doivent quitter le Canada.
La même politique empêche les boursiers de recherches post-doctorales d'être admis au programme des candidats de la province, parce qu'ils n'ont pas d'emploi permanent. Ils travaillent à temps plein comme chercheurs universitaires; ils ont de bonnes chances d'obtenir un emploi au Canada. Nous croyons donc qu'ils devraient être admissibles au programme des candidats de la province.
Par ailleurs, la politique actuelle empêche les conjoints des boursiers de recherches post-doctorales de demander un permis de travail; les conjoints des étudiants diplômés peuvent demander un permis de travail, mais pas eux. Nous croyons qu'ils devraient également pouvoir demander un permis de travail.
Le délai des procédures d'immigration constitue un autre problème. Les demandeurs devraient obtenir une réponse de CIC dans les semaines suivant leur demande. Ils ne devraient pas attendre pendant des semaines avant de savoir si leur dossier est complet ou s'ils doivent fournir d'autres documents.
À notre avis, le délai des procédures d'immigration est attribuable aux enquêtes sur les antécédents, entre autres choses. Nous recommandons de mettre fin au dédoublement des procédures, puisque ces vérifications ont déjà été faites lorsque nous sommes au Canada.
Certains étudiants d'Asie du Sud vivent dans l'isolement en raison d'un manque d'appui communautaire. C'est d'autant plus vrai pour un étudiant étranger qui est confronté à des changements radicaux dans les valeurs culturelles et traditionnelles de la société, surtout dans les régions éloignées du Canada. Nous recommandons que tous les organismes établis d'Asie du Sud soient financés et reçoivent des ressources pour pouvoir implanter des centres d'accueil qui aideront les étudiants à s'adapter à la culture et aux traditions canadiennes.
Les étudiants doivent aussi prouver qu'ils ont de l'argent, notamment pour couvrir les dépenses médicales, ce qui cause aussi certains problèmes. La politique actuelle exige qu'un immigrant de la classe économique ait un solde bancaire d'environ 10 000 dollars canadiens. Or, les familles des étudiants étrangers ont déjà investi beaucoup d'argent dans les études de ces étudiants avant qu'ils arrivent au Canada, et elles doivent payer le double des frais, parce que des droits différents s'appliquent dans leur cas. C'est donc difficile pour ces étudiants de demander à leurs familles la somme additionnelle de 10 000 $ pour satisfaire à l'exigence du solde bancaire. Nous croyons que cette politique cause des problèmes aux étudiants étrangers et que cette exigence devrait être abolie.
De plus, les examens médicaux exigés pour l'immigration s'élèvent à environ 300 $. Nous croyons que les examens médicaux ne devraient plus être exigés puisque, lorsqu'ils demandent leur visa d'étudiant avant même d'arriver au Canada, les étudiants doivent subir des examens médicaux complets dans leur propre pays.
Les étudiants victimes de discrimination raciale ne sont pas encouragés à s'établir au Canada; quand une personne connaît de mauvaises expériences, elle ne souhaite pas rester au Canada.
On compte plusieurs centaines d'étudiants étrangers à l'Université du Nouveau-Brunswick à l'heure actuelle. Il y a environ cinq universités au Nouveau-Brunswick.
À (1005)
Nous aimerions demander au comité de recommander que l'administration des universités ou des établissements d'enseignement adopte une politique distincte et explicite sur le racisme.
À l'heure actuelle, la Loi sur l'immigration exige qu'un nouvel immigrant sorte du Canada et revienne pour faire estampiller son passeport , afin de pouvoir immigrer, ce qui est coûteux pour les étudiants. Cette politique devrait donc être modifiée et les étudiants devraient pouvoir obtenir des visas au bureau d'immigration local.
Nous recommandons également que la taxe d'établissement de 975 $ soit abolie pour les étudiants étrangers et que l'on tienne compte davantage de leurs moyens financiers
Le Canada a besoin d'un plus grand nombre d'immigrants pour répondre aux besoins du marché du travail, et nous croyons que les étudiants étrangers qui souhaitent s'établir ici en permanence devraient être encouragés à le faire. Par conséquent, il importe de simplifier les procédures d'immigration et de les rendre plus abordables pour eux.
Nous sommes ravis des modifications apportées récemment à la politique d'immigration à l'égard des étudiants étrangers. Nous nous réjouissons de la nouvelle politique sur les programmes coopératifs, qui permettent d'agencer expérience de travail et études.
Merci beaucoup.
Le président: Merci.
Monsieur Siksay.
M. Bill Siksay: Merci, monsieur le président. Je ne suis habituellement pas le premier intervenant, alors je suis un peu surpris.
Merci beaucoup, monsieur Deka, de votre exposé. Vous avez soulevé des questions importantes, en particulier concernant les difficultés financières que connaissent les étudiants.
Vous avez parlé des droits exigibles pour l'établissement. J'ai posé beaucoup de questions à ce sujet. Le président et moi avons eu quelques discussions à savoir si ces droits agissaient comme une taxe d'entrée ou comme la taxe d'entrée agissait au Canada. Ce n'est peut-être pas aussi grave que l'était la taxe d'entrée, mais ces droits ont le même effet pour bon nombre de personnes, c'est-à-dire qu'ils limitent leur capacité d'immigrer au Canada et de s'y établir, parce qu'ils représentent une dépense importante. J'appuierais donc certainement l'abolition de ces droits pour l'ensemble des immigrants au Canada, de manière à avoir une politique plus juste et à aider les gens à s'établir ici.
Vous avez également mentionné la discrimination raciale et la nécessité d'adopter des politiques explicites dans les campus du Nouveau-Brunswick. Je suis surpris que ces politiques n'existent pas déjà et j'espère qu'on appuiera leur adoption.
Je sais que le gouvernement fédéral vient d'injecter une certaine somme d'argent dans la lutte au racisme, ce qui est bien. Malheureusement, comme dans de nombreux autres domaines, nous ne sommes pas encore revenus aux programmes de lutte au racisme qui existaient dans l'administration fédérale avant que les libéraux n'effectuent leurs compressions dans les années 90. Le gouvernement conservateur de M. Mulroney faisait davantage à ce chapitre que ce que l'on fait à l'heure actuelle, et je crois qu'il faut revenir à cela, parce que le comité a entendu à maintes reprises que ce problème persiste encore partout au pays et il faut s'y attaquer. Il s'agit donc d'une proposition importante et j'espère que les universités vous entendront.
Nous avons entendu des témoignages très intéressants ici, par exemple des représentants de la ville de Toronto qui nous ont parlé de leur programme de diversité, et on nous a présenté des suggestions très claires sur la façon de combattre le racisme dans notre pays, et je crois que ces témoignages ont été très utiles.
Je comprends vos préoccupations lorsque vous dites qu'il faut quitter le Canada pour obtenir un visa. Je me demande si vous pouvez parler davantage de cette façon de procéder, comment les gens vivent cela et ce que cela représente pour certaines personnes.
À (1010)
M. Kumud Deka: Oui. Merci.
Dès qu'ils obtiennent leurs documents, ils sortent du Canada. Ils prennent une voiture, traversent la frontière puis reviennent au pays après avoir roulé un kilomètre ou deux. Cette façon de faire est vraiment inutile et elle est coûteuse, parce que les étudiants doivent louer une voiture ou franchir la frontière, ou ils doivent se rendre à Buffalo, de l'autre côté du pont, puis ils reviennent. C'est une procédure inutile.
Si les étudiants pouvaient faire estampiller leur visa au bureau local, ce serait bien pour eux.
M. Bill Siksay: C'est drôle, je n'avais pas réalisé que cette pratique existait toujours. Elle était plus fréquente jadis, j'imagine. Lorsque j'étais adjoint de circonscription il y a de nombreuses années, les responsables de l'immigration en parlaient. Les gens traversaient la frontière, faisaient le tour du drapeau américain et revenaient pour obtenir leur droit d'établissement. J'ai toujours pensé que c'était une procédure ridicule qui ne devait pas exister au Canada. Je vous remercie également d'en parler.
M. Kumud Deka: C'est bien. C'est comme une nouvelle tradition lorsqu'une personne entre au Canada. Aux États-Unis, lorsque vous obtenez votre citoyenneté, je crois que vous changez de vêtements. C'est un geste symbolique qui donne à la personne le sentiment d'être un nouveau citoyen du pays. C'est bien, en général.
Mais du point de vue financier des étudiants, je crois que cette pratique devrait être abolie. S'ils obtiennent leur citoyenneté après avoir séjourné au Canada pendant deux ou trois ans, ils peuvent instaurer une tradition quelconque parce qu'ils font de l'argent lorsqu'ils peuvent travailler au Canada.
M. Bill Siksay: Vous avez également parlé du sentiment d'isolement qu'éprouvent les étudiants étrangers sur les campus et de la nécessité d'établir des centres d'accueil. Les universités du Nouveau-Brunswick n'ont-elles pas des centres d'accueil ou des centres pour les étudiants étrangers? C'est le cas en Colombie-Britannique.
M. Kumud Deka: C'est que les étudiants étudient et n'ont pas le temps de chercher à établir des liens avec d'autres ou à prêter attention à un nouvel étudiant.
Ce serait utile si les centres communautaires... À l'heure actuelle au Nouveau-Brunswick, à Fredericton, il existe un organisme multiculturel, mais il s'adresse à tous ceux qui viennent de l'extérieur du Canada. Les pays d'Asie du Sud ont une culture de base et des traditions en commun et se ressemblent donc davantage. Il y a des personnes âgées qui vivent ici à Fredericton et qui comprennent mieux ce que vivent les étudiants lorsqu'ils quittent leurs pays, leurs parents et tout le monde; ces personnes sont plus mûres, et il y a d'autres facteurs. Elles peuvent apporter un meilleur soutien aux étudiants et les aider davantage à s'adapter, en leur montrant la région, en parlant du Canada, de sa culture et de ses traditions, et en faisant autres choses. C'est très utile. Le plus tôt les étudiants connaissent la culture, le plus tôt ils s'intègrent à la société. Ils prennent aussi confiance en eux pour pouvoir entrer sur le marché du travail ou s'intégrer à la population.
À (1015)
M. Bill Siksay: C'est juste. Toutefois, il n'y a rien sur le campus...
M. Kumud Deka: Il y a un centre sur le campus, mais c'est plus formel et ce n'est pas très chaleureux. En général, les étudiants aiment se retrouver dans un milieu chaleureux, parce qu'ils viennent de quitter leur foyer, leur pays et leurs amis.
M. Bill Siksay: D'accord. Merci beaucoup.
Le président: Merci.
Monsieur Temelkovski.
M. Lui Temelkovski: Je serai très bref, monsieur le président.
Je ne comprends pas l'estampillage des passeports, cette procédure.
M. Kumud Deka: Si une personne demande à immigrer au Canada alors qu'elle se trouve au pays, pour compléter les procédures elle doit sortir du pays et y revenir.
M. Lui Temelkovski: À titre d'immigrant admis?
M. Kumud Deka: Oui.
M. Lui Temelkovski: D'accord.
Il y a une autre chose, très brièvement, avec l'autorisation du président.
Vous recommandez que CIC envoie une réponse à chaque demandeur dans un délai de quelques semaines.
M. Kumud Deka: Oui.
M. Lui Temelkovski: Quelle est la réponse habituelle?
M. Kumud Deka: Dans certains cas, les gens ne reçoivent aucune nouvelle des procédures d'immigration pendant des années, pendant un an ou deux. Ils ignorent ce qui se passe. Ils envoient simplement leur formulaire et ils n'ont aucune nouvelle par la suite. C'est une procédure plutôt obscure. Après un an ou deux, ils reçoivent une lettre leur disant qu'ils doivent envoyer des documents plus récents, qu'ils essaient encore une fois d'envoyer. Ça prend environ six mois. Même si l'adresse a changé, ça prend environ six mois pour réacheminer cette lettre à la personne concernée. Ça prend donc beaucoup de temps.
Alors s'ils savent dans les semaines qui suivent quels autres documents ils doivent fournir, ils peuvent les obtenir très rapidement. Ils peuvent immigrer plus rapidement que s'ils attendent un an avant d'avoir des nouvelles.
M. Lui Temelkovski: Serait-ce suffisant d'envoyer une lettre disant que les documents ont été reçus, ou est-ce que les gens s'inquiètent que leurs documents ne sont pas parvenus au bureau?
M. Kumud Deka: Oui, ils reçoivent cette lettre disant que leur demande a été reçue. Ils reçoivent ce...
M. Lui Temelkovski: Un accusé de réception.
M. Kumud Deka: Oui, un accusé de réception, mais ils ignorent ce qui se passe et ce dont ils auront besoin.
S'ils pouvaient obtenir un rapport en ligne tous les mois ou des nouvelles leur disant qu'ils doivent soumettre d'autres documents, ils pourraient les obtenir plus rapidement, ce qui faciliterait les choses.
M. Lui Temelkovski: Merci.
À (1030)
Le président: Merci beaucoup.
Y a-t-il d'autres questions?
D'accord, je vous remercie d'avoir comparu devant nous. Nous allons produire un rapport, et ce rapport vous sera envoyé.
Merci beaucoup.
À (1018)
À (1030)
Le président: Nous allons reprendre nos travaux.
Monsieur Cole.
M. Hollis Cole (président, Association des ingénieurs et des géoscientifiques du Nouveau-Brunswick): Bonjour.
Merci beaucoup, monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du comité. Je m'appelle Hollis Cole et je suis ingénieur. Je représente aujourd'hui l'Association des ingénieurs et des géoscientifiques du Nouveau-Brunswick.
Établie en 1920, l'AIGNB réglemente et régit l'exercice des professions d'ingénieur et de géoscientifique au Nouveau-Brunswick conformément à la Loi sur les professions d'ingénieur et de géoscientifique de 1999. L'AIGNB compte plus de 4 500 membres et est associée avec le Conseil canadien des ingénieurs, le CCI, qui a été fondé en 1936 et qui représente environ 160 000 ingénieurs au Canada. Notre association est aussi membre du Conseil canadien des géoscientifiques professionnels.
Je vais vous parler un peu de moi. Je travaille bénévolement pour l'association. J'en ai été le président en 1997-1998, et j'ai également été président du Conseil canadien des ingénieurs en 2002-2003. À l'heure actuelle, je travaille à titre de président de ADI Group, une firme de consultants en conception et en construction établie ici au Nouveau-Brunswick. Nos effectifs comprennent une centaine de professionnels.
Je suis accompagné aujourd'hui de Andrew McLeod, directeur exécutif de l'Association des ingénieurs et des géoscientifiques du Nouveau-Brunswick, qui pourra répondre à toutes vos questions.
J'ai accepté avec plaisir l'invitation de me présenter devant le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration pour vous parler de nos efforts de collaboration en vue de faciliter l'intégration à notre profession d'ingénieurs formés à l'étranger. Nous visons essentiellement deux principaux objectifs : rendre le processus d'immatriculation plus rapide et efficace, sans toutefois abaisser les normes d'admission ou porter atteinte à la sécurité de la population.
Je vais vous donner un bref aperçu du fonctionnement de notre profession. L'AIGNB est tenue, par une loi provinciale, de réglementer l'exercice des professions d'ingénieur et de géoscientifique, de régir ces professions, d'établir et de maintenir des normes de connaissance et d'aptitude parmi ses membres et d'établir et de maintenir des normes d'éthique professionnelle parmi ses membres.
Comment faisons-nous cela? Nous le faisons de manière à servir et à protéger l'intérêt du public.
Que fait la loi? Elle exige que vous soyez membre de l'association pour exercer la profession d'ingénieur ou de géoscientifique au Nouveau-Brunswick ou pour adresser une demande en vue de travailler à ce titre dans la province. Vous ne pouvez utiliser le titre d'ingénieur à moins d'être membre. C'est la même chose pour l'avocat qui veut pratiquer le droit.
Quelles sont les deux principales conditions à remplir pour faire une demande d'immatriculation? La première touche à la formation et la deuxième, à l'expérience.
Concernant l'évaluation de la formation, les programmes d'ingénierie de divers établissements d'enseignement au Canada sont reconnus par notre organisation nationale, le CCI, au nom de l'AIGNB et des autres organismes d'attribution de permis provinciaux et territoriaux. Ces programmes reconnus respectent nos normes, que nous établissons. Un finissant confirmé d'un programme reconnu remplit automatiquement la condition de l'immatriculation relative à la formation. Si la personne réussit un programme et que cette réussite est confirmée par l'université, elle peut demander son accréditation au titre de la formation.
L'exigence relative à l'expérience de travail, qui est passée à quatre ans au Canada, est certifiée par des membres de l'association, qui affirment connaître le travail du candidat.
Vous pouvez dire ou penser que ces deux étapes peuvent être relativement faciles pour une personne qui a étudié et a acquis de l'expérience au Canada. Eh bien, certains disent que ce n'est pas facile, mais nous disons que c'est relativement facile d'obtenir l'immatriculation.
À (1035)
Le processus de validation de la formation et de l'expérience est cependant différent pour les personnes à l'extérieur du système canadien. Lorsqu'un autre système est reconnu—c'est-à-dire lorsque notre association ou d'autres jugent que l'aboutissement final du système en question est équivalent aux normes canadiennes—le processus de vérification devient également relativement facile.
Cependant, dans bien des cas, ce n'est pas facile, comme vous l'avez probablement entendu dire. Outre les nombreux défis que la personne formée en génie à l'étranger doit relever, le noeud du problème est de savoir comment on évalue—c'est bien le mot évaluer et non pas accéder comme c'est écrit dans mon mémoire—un système d'enseignement et d'expérience différent qui n'est pas considéré équivalent aux normes canadiennes. À cela s'ajoutent des différences linguistiques et culturelles qui peuvent créer tout un problème à la fois pour les associations et les ingénieurs étrangers.
Le Canada accueille des immigrants depuis longtemps, et des permis pour exercer la profession d'ingénieur dans notre pays sont attribués à des personnes formées en génie à l'étranger depuis des années. Pourtant, depuis quelque temps, les médias et des particuliers font de plus en plus état de cas d'ingénieurs étrangers qui n'arrivent pas à obtenir un permis d'exercice ou à se trouver un emploi dans le domaine au Canada. Ce qu'on raconte est-il fondé? Peut-être que oui dans certains cas et que non dans d'autres.
On ne peut pas travailler ici sans avoir de permis d'exercice ou porter le titre d'ingénieur. C'est difficile d'obtenir un emploi en génie sans permis d'exercice. En fait, la situation n'est pas différente pour d'autres professions, à notre avis.
Que ce qu'on rapporte soit fondé ou non, notre association, le Conseil canadien des ingénieurs et ses membres constituants, nos associations jumelles, prennent ces questions très au sérieux. Notre organisme national, le CCI, joue depuis longtemps un rôle dans le processus de sélection des immigrants. En 1981, nous avons signé un protocole d'entente avec le Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada, en vertu duquel notre profession conseillait la Commission et les immigrants potentiels dans le cadre d'un processus d'évaluation. Depuis l'entrée en vigueur du nouveau règlement, nous ne le faisons plus vraiment.
Cependant, en 2002, quand j'étais président du Conseil canadien des ingénieurs, avec l'appui de l'ancien ministère des Ressources humaines et Citoyenneté et Immigration Canada, nous avons lancé le projet « De la considération à l'intégration »—qu'on a appelé FC21 pour abréger. Le projet en trois étapes est issu d'une conscientisation aux défis que les ingénieurs étrangers doivent relever pour obtenir un permis d'exercice et un emploi en génie au Canada, et de la nécessité d'améliorer les processus d'immigration et d'établissement des immigrants de manière à mieux intégrer leur savoir à l'économie nationale.
Deux des trois étapes du projet sont réalisées. Le travail de la première étape consistait à comprendre le cheminement des ingénieurs étrangers, à examiner les règles provinciales et territoriales en matière d'attribution du permis d'exercice et à discuter avec les employeurs. À l'étape 2, le comité directeur, dont les membres avaient différentes formations, pas seulement en génie, a analysé les renseignements recueillis pour déterminer les améliorations à apporter au processus d'intégration, et il a tenté de dégager un consensus à propos des solutions possibles.
Nous espérons qu'à l'étape 3, les organismes d'attribution de permis d'exercice et le CCI vont travailler avec leurs partenaires pour mettre en oeuvre les recommandations formulées à l'étape 2. Ces recommandations ont été approuvées à l'unanimité par le conseil d'administration du Conseil canadien des ingénieurs en 2004.
À (1040)
Les ingénieurs étrangers ont autant de problèmes de langue et de culture que de difficultés à obtenir un permis d'exercice ou un emploi et, donc, les recommandations, dans le rapport dont j'ai parlé, avaient une portée considérable. Nous avons formé une série de tables rondes regroupant différents organismes qui, à l'issue des discussions, ont conclu que le manque de ressources financières et humaines constituaient le principal obstacle à la mise en oeuvre des recommandations. Nous avons constaté que le meilleur moyen de surmonter cet obstacle était d'établir un partenariat avec d'autres intéressés et de mettre à profit ce qui avait déjà été fait.
Nous avons remarqué que la participation des employeurs était importante et qu'il fallait améliorer la coordination entre les programmes. Il faut aussi tenir compte du rôle important que joue la langue pour permettre aux ingénieurs étrangers de trouver et de conserver un emploi ainsi que d'obtenir un permis d'exercice.
Je dois dire que ni notre association ni les autres associations ne semblent vouloir jouer un rôle de premier plan à l'échelle nationale. C'est à l'association nationale de le faire. Nous sommes tous—c'est du moins le cas de notre association—déterminés à poursuivre l'initiative et prêts à établir des partenariats pour mettre en oeuvre nos recommandations.
Je vais vous donner une idée de certaines des recommandations formulées à l'étape deux. Elles traitent de quatre domaines d'intérêt : la recherche et l'information; la culture et la langue; l'octroi du permis d'exercice; et l'emploi.
Nous pensons qu'il faut mettre en oeuvre un mécanisme d'approbation provisoire au sein des organismes de réglementation—chez nous—qui indiquera aux employeurs que le requérant répond à toutes les exigences d'attribution de permis, sauf celle concernant l'année d'expérience canadienne. Toutes nos associations sont d'avis qu'il faut au moins une année d'expérience au Canada pour comprendre la façon de travailler et les lois en vigueur, notamment, avant d'avoir le plein droit d'exercice. Nous estimons que c'est applicable et que cela peut donner aux employeurs l'assurance que les ingénieurs étrangers peuvent avoir un permis d'exercice.
Nous avons aussi recommandé que des mesures soient prises à l'extérieur du pays afin d'accélérer le processus après l'arrivée d'un diplômé au Canada.
Nous sommes d'avis qu'il faut élaborer et établir des normes linguistiques pour que les diplômés étrangers maîtrisent suffisamment bien le français ou l'anglais, non seulement pour travailler mais aussi pour se débrouiller tout au long du processus.
Il est important pour nous de mettre sur pied une base de données exacte et à jour de diplômes et d'établissements de génie reconnus qui sera utilisée systématiquement. Pour une petite association comme la nôtre, il peut être très difficile de déterminer si la formation et l'expérience acquises à l'étranger correspondent aux normes canadiennes. Il faudrait envisager d'autres systèmes pour évaluer la compétence professionnelle des requérants.
Nous avons aussi recommandé de déterminer quels éléments du processus d'attribution de permis peuvent être réglés et mis en oeuvre avant l'immigration.
Vous allez tous convenir, je pense, que les membres de notre profession ont contribué à assurer la croissance du Canada. Nous avons travaillé avec le gouvernement du Canada dans ce dossier et nous allons continuer de le faire. Nous voulons établir de nouveaux moyens plus efficaces d'évaluer les ingénieurs étrangers dans le cadre du processus d'attribution des permis. Grâce à notre projet FC21 et à des ententes liant l'évaluation de la formation d'immigrants potentiels aux exigences d'obtention du permis, nous surmontons les difficultés et cherchons à simplifier le processus. Il y a encore du travail à faire.
Nous pensons avoir pris l'engagement de faciliter l'intégration des ingénieurs étrangers. Nous avouons cependant avoir encore des étapes à franchir. Nous ne croyons pas qu'il faille changer de fond en comble notre système. D'autres systèmes connaissent aussi leurs difficultés et je crois avoir donné l'exemple de celui des États-Unis dans mon mémoire. Ce n'est pas seulement un problème pour les ingénieurs étrangers, c'en est aussi un pour les Canadiens.
À (1045)
Aux États-Unis, vous devez subir un examen de huit heures sur les principes fondamentaux du génie et un autre examen de huit heures sur les principes régissant l'exercice de la profession. Personnellement, il y a 30 ans que je suis sorti de l'université et je peux vous dire que ce ne serait pas une mince affaire pour moi que de subir ces examens.
Nous sommes disposés et engagés à améliorer notre système et à intégrer les ingénieurs étrangers dans notre profession. Nous avons besoin d'aide. Nous voulons participer au processus gouvernemental.
Nous demandons que, dans son rapport final, votre comité recommande d'inclure la profession d'ingénieur dans son processus de sélection des immigrants. Nous pourrions ainsi établir le lien entre la profession d'ingénieur et les ingénieurs étrangers. Nous pourrions leur fournir de l'information exacte et leur indiquer comment leur formation et leur expérience sont évaluées dans le cadre du processus d'attribution du permis d'exercice. Ces renseignements leur permettraient de se familiariser avec le processus d'attribution propre à l'exercice du génie au Canada et de mieux se préparer à immigrer au Canada. Les ingénieurs étrangers pourront ainsi prendre des décisions éclairées et éviter des déceptions à leur arrivée au pays.
Nous voulons nous assurer que les nouveaux Canadiens qualifiés sont dûment accrédités et ont toutes les chances de s'intégrer à la profession du génie au Canada. Tout comme le gouvernement du Canada, nous sommes persuadés que des approches novatrices et bien coordonnées pour établir et reconnaître les titres et compétences vont rehausser la valeur des immigrants qualifiés et vont, en bout de ligne, améliorer le niveau de vie au Canada.
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Cole.
Nous allons maintenant passer aux questions; les intervenants ont droit à cinq minutes, ce qui comprend les questions et les réponses.
Monsieur Jaffer.
M. Rahim Jaffer: Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Cole, de votre exposé et de votre mémoire que je trouve très détaillés. Votre contribution va nous aider à préparer notre rapport dans quelques semaines.
J'aimerais avoir quelques précisions. Vous dites à la fin de votre document qu'il serait plus facile pour ceux qui veulent immigrer au Canada et qui ont acquis une expérience et des compétences à l'étranger si nous changions le processus de façon à ce qu'ils puissent, à partir d'une mission ou d'une ambassade étrangère, savoir exactement à quoi s'attendre pour n'importe quelle profession, que ce soit le génie, la médecine ou autre chose. Je crois que ce serait fort utile. Vous proposez que nous rendions cela possible.
Comment cela pourrait fonctionner d'après vous? Devrait-on seulement faire en sorte que nos agents d'immigration soient mieux outillés pour les aider, ou avez-vous d'autres idées sur la façon de procéder?
M. Hollis Cole: Ce serait certes utile que les agents aient l'information ou sachent où l'obtenir. Je pense que cela s'est déjà fait et se fait probablement encore dans une certaine mesure, mais nous pouvons assurément faire mieux.
Nous avons l'information. Quand les gens présentent une demande dans les bureaux étrangers, nous avons besoin d'en savoir plus sur leurs antécédents, leurs études et leur expérience. Parfois, c'est plus difficile et long de les obtenir. Donc, nous aider à les obtenir contribuait largement à améliorer le processus.
M. Rahim Jaffer: Vous recommandez aussi de mettre en oeuvre un mécanisme d'approbation provisoire au sein des organismes de réglementation qui indiquerait aux employeurs que le requérant répond à toutes les exigences d'attribution du permis, sauf celle concernant l'année d'expérience canadienne. Nous avons entendu différents sons de cloche au sujet de cette année d'expérience au Canada. C'est souvent très difficile pour les diplômés étrangers qui arrivent au Canada d'acquérir cette année d'expérience.
J'aimerais que vous me disiez comment nous pouvons régler ce problème, d'après vous. Quelle sorte d'incitatif le gouvernement fédéral pourrait-il établir pour permettre à ces immigrants d'acquérir cette expérience, que ce soit sur le plan fiscal ou autrement? Qu'en pensez-vous? Ou est-ce un mythe? Arrivent-ils en fait à se tailler une place une fois qu'ils ont fait leurs preuves?
À (1050)
M. Hollis Cole: Dans l'ensemble, ce ne sont pas seulement les ingénieurs étrangers qui ont ce problème. Même les diplômés de notre propre université y sont exposés parce que les employeurs cherchent des gens ayant certaines compétences et certains antécédents.
Nous acceptons dans notre association des membres stagiaires, comme on les appelle, à leur sortie de l'université. Je crois que c'est utile pour eux auprès des employeurs. Si nous pouvions indiquer aux employeurs que ces immigrants vont obtenir un permis d'exercice après un an, et que c'est tout ce qui leur manque, les employeurs en embaucheraient plus.
Il reste qu'il y aura toujours des employeurs qui vont vouloir des candidats capables d'apposer leur sceau sur leurs dessins; c'est tout de même une mesure que notre association peut prendre. Nous allons toujours vouloir essayer d'aider les employeurs, mais c'est une des choses qui nous semble plus facile à faire. Nous pouvons indiquer que cette personne va pouvoir obtenir un permis d'exercice après cette année d'expérience.
Il ne fait aucun doute que nous pourrions faire davantage à ce sujet.
M. Rahim Jaffer: Puis-je poser une autre question?
Le président: Il vous reste une minute.
M. Rahim Jaffer: Un ingénieur est venu témoigner devant nous à Edmonton. C'était un ingénieur agréé qui avait deux diplômes dans le domaine. Comme on recherche des ingénieurs, surtout dans le nord de l'Alberta, il craignait que des techniciens étrangers, dont l'expérience et les compétences n'ont pas été vérifiées, soient recrutés comme ingénieur. Comme la demande est grande, ils se font embaucher sans qu'on vérifie s'ils ont les compétences voulues.
Ce problème devrait-il nous inquiéter, ou est-ce une situation exceptionnelle? À votre connaissance, y a-t-il des aspects que nous devrions examiner à ce sujet?
M. Hollis Cole: Je dirais que ce n'est pas un problème particulier au Nouveau-Brunswick. J'imagine que c'en est peut-être un plus important en Alberta.
Il est certain que, pour notre association, la nécessité d'avoir un permis d'exercice et d'être un membre en règle d'une association est important. Évidemment, certains employeurs ne tiendront pas compte de cette exigence, si je puis dire. Ils pensent que, même si ce ne sont pas des ingénieurs agréés, ils peuvent quand même exercer leur métier.
C'est un problème. La façon de déterminer vraiment l'expérience et les compétences nous préoccupe dans le processus d'octroi des permis. On entend dire qu'il y a des chauffeurs de taxi qui sont ingénieurs. Peut-être que c'est vrai, mais nous n'avons probablement pas été en mesure de le vérifier. Ce sont peut-être des techniciens, comme vous dites, et ils n'ont pas une formation équivalant aux normes canadiennes.
C'est une situation qui nous inquiète. C'est à nous d'examiner le processus pour éviter ce genre de chose, mais je suis sûr que cela arrive parfois.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Siksay.
M. Bill Siksay: Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Cole, pour votre exposé de ce matin.
J'ai plusieurs questions à vous poser.
Nous avons déjà entendu le CCI parler du projet « De la considération à l'intégration ». Un énorme travail a été abattu pour essayer de comprendre la situation des ingénieurs diplômés de l'étranger.
Si je comprends bien, il s'agit d'un processus en trois phases. Les deux premières sont faites et nous en sommes à la troisième, soit les recommandations, mais il semble que le processus soit paralysé.
Vous avez parlé de la nécessité de ressources financières et humaines, vous avez dit que les organismes provinciaux et territoriaux ont manifesté un certain intérêt, mais que personne n'est prêt à prendre l'initiative pour le présenter au niveau national, pour le faire avancer et pour donner suite à ces recommandations.
Pouvez-vous nous dire un peu plus ce qu'il faudrait en fait? Quel genre de ressources s'imposent, ressources financières et humaines? Qu'est-ce qui empêche, maintenant que la recherche est faite et que les recommandations sont proposées, la mise en place de tout le processus?
À (1055)
M. Hollis Cole: Je sais qu'une demande de financement a été faite, mais je ne sais pas où elle en est.
Les associations individuelles n'ont pas la capacité de le faire à l'échelle nationale. Nous savons que notre organisme national s'en occupe, mais il ne peut pas le faire seul. Il ne s'agit pas uniquement d'une question de financement, car on a besoin de beaucoup plus de données, nous le savons bien. Nous devons travailler en partenariat avec plusieurs personnes, notamment le gouvernement bien sûr, sans compter les employeurs. Il faut prévoir pas mal de coordination à cet égard.
Je ne dirais pas vraiment que le processus est paralysé. Je ne pense pas qu'il ait démarré, mais nous avons besoin de ressources; il ne s'agit pas uniquement d'argent, mais de personnes. Il faut que d'autres s'engagent avec nous. Nous pouvons prendre l'initiative, mais je ne pense pas que nous puissions tout faire nous-mêmes.
M. Bill Siksay: Pouvez-vous me parler du système d'accréditation et d'attribution du permis d'exercice de la profession qui existe actuellement? Quand est-il apparu? Est-ce un phénomène récent? Connaissez-vous l'historique du système?
M. Hollis Cole: Je ne peux pas vous donner d'année exacte, mais le CCI est doté de ce que nous appelons le BCAPI, le Bureau canadien d'accréditation des programmes d'ingénierie, qui, si je ne me trompe, a été créé au début des années 50. Nous accréditons donc des programmes des divers établissements du pays depuis quelque 50 ans, ce qui est assez long. D'après nous, ce système fonctionne très bien. Nous avons quelque 35 établissements qui offrent des diplômes dans des programmes accrédités et qui se classent tous dans les 100 premiers en Amérique du Nord; je pense que c'est un système assez bon.
M. Bill Siksay: Ce système découle-t-il des préoccupations pour la sécurité du public ou l'intérêt du public? Pourquoi, dans les années 50, avons-nous adopté ce système d'accréditation et d'attribution du permis d'exercice de la profession? Y a-t-il eu de gros problèmes d'ingénierie ou y a-t-il eu des gens dans l'industrie dont les études n'étaient pas d'un niveau suffisamment élevé?
M. Hollis Cole: Nous avons simplement pensé que l'association, au niveau provincial ou territorial, devait disposer d'un meilleur moyen pour évaluer les études de nos requérants. Nous recherchions une norme applicable à l'échelle du pays.
Le Nouveau-Brunswick peut attribuer un permis d'exercice de la profession à un diplômé d'UBC qui a suivi un programme accrédité, tout comme nous pouvons le faire dans le cas d'un diplômé de l'UNB.
M. Bill Siksay: Savez-vous pourquoi le Canada a mis au point un système où les compétences professionnelles sont examinées à part des diplômes universitaires? Dans de nombreux autres pays, les deux sont combinés.
M. Hollis Cole: Nous sommes convaincus qu'il s'agit d'une façon simple et efficace d'évaluer les études. Les universités en conviennent, mais cela a pris un certain temps. Il n'est pas nécessaire d'avoir un programme accrédité, mais toutes en ont maintenant. Nous avons toujours exigé de l'expérience qu'il a toujours fallu vérifier. Dans notre système, toute personne a besoin de quatre références, dont trois provenant de membres de notre association.
Nous n'avons pas uniquement un bureau d'accréditation mais aussi un bureau des compétences qui établit des normes nationales pour l'exercice de la profession. Aux États-Unis, le système est complètement différent. Leurs bureaux d'État sont nommés par le gouverneur, essentiellement. Ici, nous sommes autoréglementés et avons une coordination beaucoup plus marquée dans tout le pays. Je crois que notre système d'accréditation est supérieur. D'après ce que j'ai vu lorsque je me suis rendu dans les organisations américaines, je peux dire que leurs examens posent de nombreux problèmes contrairement aux nôtres. Notre système est très bon et il est reconnu à l'échelle du pays, ainsi que dans le monde entier.
Á (1100)
Le président suppléant (M. Rahim Jaffer): Merci, monsieur Siksay.
Nous passons maintenant à M. Temelkovski.
M. Lui Temelkovski: Monsieur Cole, un ingénieur d'une province peut-il travailler dans une autre sans avoir à demander une autre attribution du permis d'exercice?
M. Hollis Cole: Oui, très facilement. Les associations présentent quelques excentricités mineures, mais je peux me voir facilement attribuer un permis d'exercice de la profession dans n'importe quelle province du pays, y compris au Québec. Je ne parle pas le français, mais je peux obtenir un permis d'exercice dans cette province à court terme, jusqu'à trois ans maximum. Si je veux rester plus longtemps, il faut que je puisse fonctionner en français; mais ce n'est pas un problème, vraiment. Il est certainement facile de passer d'une province à une autre.
M. Lui Temelkovski: Bien.
Vous avez dit qu'il y avait pénurie d'ingénieurs au Canada.
M. Hollis Cole: Notre profession affiche un taux de chômage très bas, cela a toujours été le cas et continue de l'être.
Il se pose certainement des problèmes à l'échelle des régions. Vous pouvez entendre dire au Nouveau-Brunswick que des diplômés déclarent ne pas pouvoir trouver d'emplois. Eh bien, peut-être ne peuvent-ils pas trouver d'emplois dans leur domaine au Nouveau-Brunswick, mais s'ils sont prêts à déménager, ils trouveront des emplois, cela ne fait aucun doute, à mon avis.
M. Lui Temelkovski: Il est prévu donc à l'avenir que vous aurez besoin d'ingénieurs, lorsque les baby-boomers vont prendre leur retraite, j'imagine. Est-ce le plan?
M. Hollis Cole: Absolument. Nous avons actuellement besoin d'ingénieurs et ce besoin va aller croissant, selon moi.
M. Lui Temelkovski: Est-ce que les écoles d'ingénieurs s'efforcent d'augmenter les inscriptions ou de rehausser le statut des ingénieurs, ou va-t-il falloir dépendre des ingénieurs formés à l'étranger?
M. Hollis Cole: Dans tous les cas de figure, je pense qu'il va falloir dépendre dans une certaine mesure des ingénieurs formés à l'étranger, cela ne fait aucun doute. Il n'y a tout simplement pas suffisamment de Canadiens qui s'intéressent à l'ingénierie.
M. Lui Temelkovski: Les problèmes des logements en copropriété endommagés à la suite de fuites d'eau en C.-B. s'expliquent-ils pas des normes insuffisantes, ou par des ingénieurs formés à l'étranger ou encore par des gens qui se sont fait passer pour des ingénieurs?
M. Hollis Cole: Je ne suis pas entièrement au fait de cette situation. J'ai entendu beaucoup de rumeurs.
J'aimerais dire qu'il ne s'agit pas vraiment d'un problème d'ingénierie. Ce problème aurait pu être facilement évité et je ne sous-entend absolument pas qu'il ait été causé par des ingénieurs formés à l'étranger. Je ne crois pas que c'était vraiment un problème d'ingénierie, mais plutôt un problème de construction. On a voulu adopter une autre façon de faire qui n'avait pas été examinée comme il l'aurait fallu.
M. Lui Temelkovski: Merci.
Le président suppléant (M. Rahim Jaffer): Merci, monsieur Temelkovski.
Nous passons maintenant à Mme Guergis.
Mme Helena Guergis: Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier MM. Cole et McLeod d'être ici. Comme notre comité l'a entendu à de nombreuses reprises, nous savons que le gouvernement fédéral doit jouer un plus grand rôle dans le processus de reconnaissance des compétences acquises à l'étranger. C'est pourquoi nous parcourons tout le pays.
Nous avons entendu des histoires d'horreur et des histoires de succès et, d'après ce que je retire de votre exposé et de celui d'autres témoins, des progrès ont été faits dans le domaine de l'ingénierie ainsi que dans votre profession. Vous avez fait des efforts importants, qui peuvent servir d'exemple. Je vous en félicite donc. Pourquoi pensez-vous que votre profession prend la direction des opérations à cet égard?
M. Hollis Cole: Peut-être est-il naturel pour nous de nous tourner vers l'avenir et d'essayer de faire en sorte que les choses progressent. Nous aimons être novateurs et nous aimons que les choses se fassent ou se fassent d'une meilleure façon. Nous sommes connus comme étant des bâtisseurs d'infrastructures qui appliquent de nouvelles idées. Selon nous, le Canada a véritablement besoin d'ingénieurs diplômés à l'étranger. Si nous voulons améliorer l'économie nationale, il va falloir amener ces gens et les intégrer dans notre système pour les rendre productifs, de quelque manière que ce soit.
Comme je le disais, j'étais président du CCI lorsque nous avons lancé le projet « De la considération à l'intégration ». Même si ce n'était pas une tâche ardue, elle était loin d'être facile non plus. Nous avons dû obtenir l'accord de nos 12 organismes territoriaux et provinciaux à cet égard. Nous avons rencontré à Halifax des fonctionnaires fédéraux pour leur montrer que nous allions aller de l'avant. C'est ainsi que nous avons obtenu notre premier financement.
Á (1105)
Mme Helena Guergis: Il est indiqué ici—et vous l'avez dit dans votre exposé—que jusqu'à tout récemment, le CCI jouait un rôle dans le processus de sélection des immigrants.
M. Hollis Cole: C'est exact; nous nous sommes occupés d'un nombre assez important de dossiers, je crois jusqu'à 30 000 dans n'importe quelle année donnée pour ce qui est de l'évaluation des compétences des gens voulant immigrer au Canada. Nous examinions leurs compétences et leur donnions des conseils afin de déterminer s'ils pouvaient être acceptés dans notre processus d'attribution du permis d'exercice de la profession; nous leur parlions des difficultés que cela pouvait représenter; nous ne le faisons plus.
Mme Helena Guergis: Pouvez-vous expliquer davantage pourquoi?
M. Hollis Cole: Eh bien, je ne n'en suis pas vraiment sûr.
Tout le processus a changé. Autant que je sache, certaines professions ont été ciblées. Je ne sais pas si c'est le mot exact, mais c'est ce qui s'est produit en réalité, et la profession d'ingénieur en était une. Je ne crois pas que les choses ont véritablement changé; il s'agit d'études de base uniquement et non pas d'études spécialisées à l'heure actuelle.
Lorsqu'il a été décidé qu'il n'était plus nécessaire d'évaluer les compétences, nous avons en quelque sorte disparu de l'équation, alors que nous pensons que nous devrions être très présents. Nous sommes ceux qui pouvons le faire, vu que nous sommes les organismes d'attribution du permis d'exercice de la profession.
Le président suppléant (M. Rahim Jaffer): Merci, madame Guergis.
J'aimerais remercier nos témoins d'aujourd'hui. J'aimerais simplement faire une observation, il est bon de voir que votre association, vos collègues, à l'échelle nationale et provinciale, ont été très actifs au cours de nos séances. Vos observations sont bien appréciées tout comme le travail que votre association essaie de faire pour régler la question de l'accréditation. J'espère que nous pourrons continuer à travailler ensemble afin d'améliorer la situation.
Vous recevrez un exemple de notre rapport, une fois qu'il sera terminé, d'ici une ou deux semaines, je l'espère.
Collègues, nous levons la séance pendant cinq minutes pour que les nouveaux témoins puissent s'installer.
Merci.
Á (1108)
Á (1112)
Le président: Je déclare la séance ouverte de nouveau.
Monsieur Okana, pouvez-vous faire votre exposé, en l'espace de sept minutes, ce serait bien. Nous passerons ensuite aux questions. Vous pouvez commencer.
[Français]
M. Cyprien (Syp) Okana (membre, Conseil d'administration, Association multicuturelle du Grand Moncton, Conseil multiculturel du Nouveau-Brunswick): Bienvenue au Canada.
Monsieur le président, je m'appelle Cyprien Okana. Je suis maître en administration des affaires de l'Université de Moncton, président de Okana-Solutions Marketing et membre du Conseil multiculturel du Nouveau-Brunswick.
Cette initiative aurait dû commencer en Asie, cette initiative aurait dû commencer en Amérique du Sud, cette initiative aurait dû commencer en Afrique, de façon à vous donner un portrait général de l'immigration.
Le Canada est un pays d'immigration. L'ouverture constante du Canada à l'immigration fait de l'immigration une tradition bien ancienne. Il n'y a qu'à penser à l'accueil réservé aux Irlandais lors de la famine au XIXe siècle. Il n'y a qu'à penser à l'accueil réservé aux Chinois, aux boat people, aux Libanais, aux investisseurs de Hong Kong, aux Yougoslaves, qui sont venus dernièrement. Donc, pour le Canada, l'immigration n'est pas un phénomène contemporain, malheureusement.
Dans les années 1960, environ 70 p. 100 de nos immigrants provenaient de pays dits traditionnels. Aujourd'hui, cette tendance s'est inversée: 70 p. 100 de nos immigrants proviennent de pays dits non traditionnels. Par là, je sous-entends l'Asie, l'Afrique, l'Amérique du Sud et l'Europe de l'Est également. Mais recevoir ces gens venus d'ailleurs n'est pas facile. Entre la pleine acceptation et la tolérance paresseuse, les bonnes intentions ne suffisent pas. Différentes valeurs se heurtent. À la fois souhaitée et redoutée, l'immigration fait donc de notre monde une réalité à renégocier pour la paix d'aujourd'hui et la vie de demain.
La question de la non-valorisation des titres académiques canadiens détenus par les étrangers et de la non-valorisation des titres académiques non canadiens ou de l'expérience étrangère va au-delà des simples faits de l'accessibilité à l'emploi ou à la profession. Elle est le fruit d'une conjugaison de facteurs, notamment le refus de l'interculturel de la part d'un noyau dur de notre intelligentsia et les facteurs économiques. Je parle de refus de l'interculturel puisque même si l'immigrant ou l'étranger possède des titres académiques canadiens, même s'il obtient l'équivalence, son sort est entre les mains de l'employeur.
Je sais de quoi je parle, mesdames et messieurs. Je vous prie de vérifier tout cela. J'ai le diplôme du Nouveau-Brunswick, maître en administration des affaires. Voici l'expérience, les lettres et les réponses des employeurs. Vous connaissez bien la situation du Nouveau-Brunswick. La faiblesse économique, les taux de chômage élevés et les faibles niveaux de scolarité ne font qu'accroître le repli identitaire.
Selon les données publiées [...] par Statistique Canada, les employeurs accordent aujourd'hui moins de valeur à l'expérience acquise à l'étranger. Au début des années 1960, chaque année d'expérience acquise à l'étranger entraînait une hausse de 1,5 p. 100 des revenus, alors que cette statistique a chuté à 0,3 p. 100 à la fin du millénaire. |
En conséquence, messieurs et mesdames, cette situation a des répercussions sur la santé des immigrants, sur leur famille et sur la situation économique.
Le problème chronique de la sous-utilisation des compétences des immigrants coûte environ 2 milliards de dollars chaque année à l'économie canadienne.
Les [...] chiffres compilés par Statistique Canada [...] indiquent que les immigrants admis au Canada, même s'ils sont souvent plus qualifiés que les travailleurs nés au Canada et que les immigrants des cohortes précédentes, réussissent moins bien d'un point de vue économique. Par exemple, le salaire des nouveaux arrivants masculins, qui correspondait en 1980 à environ 89 p. 100 du salaire des travailleurs nés au Canada, a chuté à 77 p. 100 en 2000. |
Le pourcentage d'immigrants au chômage est également à la hausse. En 1981, le taux de chômage des immigrants était en deçà de celui des travailleurs nés au Canada (7,1 p. 100 par rapport à 7,9 p. 100). Vingt ans après, le chômage chez les nouveaux arrivants dépasse de façon significative celui des Canadiens (12,7 p. 100 par rapport à 7,4 p. 100). Ce problème, auparavant considéré comme transitoire, semble donc devenir chronique. |
C'est ce qu'en dit Mme Bouchard.
Á (1115)
Comme solution, mesdames et messieurs, je propose la création d'un secrétariat national sur l'immigration. Ce secrétariat serait composé de députés, de chercheurs, de représentants d'immigrants de différents groupes ethniques, d'organismes multiculturels représentatifs, de représentants des associations professionnelles et bien d'autres.
Son mandat serait d'abord de s'assurer de l'intégration professionnelle des immigrants et des citoyens canadiens d'origine étrangère ayant des diplômes canadiens, surtout dans la fonction publique. Vous avez certainement le rapport « Faire place au changement dans la fonction publique fédérale », soumis en 2000, je pense.
Il devrait également servir de source d'informations aux immigrants, aussi bien avant qu'après leur arrivée. Ainsi, avant son arrivée au Canada, un immigrant pourrait avoir une meilleure connaissance de ce qu'il doit faire s'il désire occuper un emploi particulier. Dans le cas où il devrait suivre des cours supplémentaires pour se qualifier au Canada, il pourrait même décider d'opter pour une formation à distance.
Il créerait des programmes de formation dans plusieurs domaines professionnels qui permettraient aux immigrants, une fois arrivés au Canada, de se perfectionner ou de combler des lacunes dans leur profil de compétences. De telles initiatives pourraient ressembler aux nouveaux programmes de formation relais que le gouvernement ontarien a mis en place.
Ensuite, il créerait des programmes subventionnés de stages et de mentorats qui permettraient aux nouveaux arrivants d'acquérir une expérience canadienne.
Enfin, il fournirait des études sur le marché de l'emploi en fonction des professions.
En somme, messieurs et mesdames les députés, j'estime qu'il est également important de réfléchir sur ce que deviennent les étudiants étrangers que nous retenons ou les Canadiens d'origine étrangère, tels que les médecins et les ingénieurs, que nous avons fait venir et qui sont aujourd'hui chauffeurs de taxi ou livreurs de pizzas. Si l'immigration est présentée sous son aspect utilitaire, c'est-à-dire motivée par la baisse de natalité, il faudra alors élaborer des programmes qui favorisent et facilitent l'accomplissement de ces tâches. Actuellement, certains pays regrettent l'immigration utilitaire. Si l'immigration est présentée comme un projet de société, il faudra accepter de partager certains de nos acquis.
Nous sommes tous convaincus, monsieur le président, que le marché du travail est de plus en plus compétitif. Il exige souvent que les travailleurs aient une formation universitaire et une expérience professionnelle. En développant des outils qui permettent de mieux reconnaître les compétences des immigrants acquises à l'étranger ou bien ici, au Canada, nous favorisons non seulement leur intégration mais également la vitalité économique. Le grand défi est celui de savoir si le Canada veut réellement des immigrants.
Merci, monsieur le président.
Á (1120)
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Nous passons maintenant aux questions et réponses.
Helena.
Mme Helena Guergis: Merci, monsieur le président.
Monsieur Okana—votre nom fait penser à « Canada »—merci beaucoup d'être ici.
Vous avez commencé à parler du sujet dont nous sommes saisis aujourd'hui, notamment que la reconnaissance des compétences acquises à l'étranger devrait commencer dans d'autres pays. Je voudrais vous donner la possibilité de parler un peu plus de ce point.
Désolée, je n'ai pas compris ce qu'était votre profession, je sais que vous nous avez montré tous vos dossiers.
M. Cyprien (Syp) Okana: Je suis consultant en marketing et je suis à mon compte.
C'est mon dossier. J'ai déjà présenté ce dossier pour dire que j'avais besoin de trouver un autre emploi. C'est la lettre que j'envoie aux employeurs et c'est la réponse que je reçois à l'occasion. C'est comme ma bible pour le monde de l'emploi. Comme je l'ai déjà dit, si une personne qui détient un diplôme canadien... mais quel est le cas d'une personne qui n'a pas de diplôme canadien? Peut-être...
Á (1125)
Mme Helena Guergis: D'accord.
Vous recommandez la création d'un secrétariat, ce qui est une proposition fort intéressante. On nous a recommandé de mettre sur pied une agence qui serait entièrement responsable de l'emploi des immigrants. J'imagine, d'après votre recommandation, que vous seriez probablement en faveur d'une telle approche. L'information que vous nous donnez ainsi que vos propositions et recommandations d'aujourd'hui faciliteront ce processus, si nous décidons d'adopter pareille idée, qui, à mon avis, est bonne.
Pouvons-nous revenir aux autres pays et à votre proposition, à savoir que le processus devrait commencer là-bas? Votre recommandation au début de votre exposé est très bonne—excellente—puisque vous dites que le processus aurait dû commencer dans d'autres pays. Proposez-vous peut-être d'identifier les gens avant qu'ils ne viennent au Canada et de travailler avec eux là-bas?
M. Cyprien (Syp) Okana: Je propose que ce comité pourrait peut-être commencer en Asie ou en Afrique, ne serait-ce que pour savoir...
Mme Helena Guergis: Oh, le comité?
M. Cyprien (Syp) Okana: Oui, pour savoir comment fonctionne l'immigration dans ces pays. Si vous avez un aperçu de l'immigration, vous serez plus à même de comprendre la situation à laquelle sont confrontés les immigrants au Canada—vous en saisirez l'essentiel, ou le gros de nos recommandations.
Mme Helena Guergis: D'accord, merci.
M. Cyprien (Syp) Okana: Je vous en prie.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Siksay.
M. Bill Siksay: Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Okana, pour votre exposé.
Le concept de secrétariat est intéressant. Certains ont parlé d'un centre d'information sur les compétences professionnelles au Canada. La Chambre est saisie d'une motion d'initiative parlementaire, présentée par un député libéral, qui proposait initialement la mise sur pied d'un secrétariat. À la dernière minute, elle a été modifiée pour supprimer la recommandation relative au secrétariat, ce qui a été une véritable déception pour beaucoup d'entre nous qui voulions appuyer cette idée dans le cadre d'une motion à la Chambre des communes. Il est à espérer que le comité puisse également l'envisager.
Il semble important de prévoir un groupe qui travaillerait sur la question. Nous ne cessons d'entendre dire que tel ou tel ministère s'y intéresse, que ce gouvernement s'y intéresse et que le gouvernement provincial et cette association professionnelle—il semble pourtant que tout le monde travaille chacun de son côté et que personne n'a un aperçu global de la situation. Je pense qu'un secrétariat pourrait permettre de le faire. Alors qu'il est difficile de recommander une autre forme de bureaucratie, et nous ne voulons pas qu'un tel secrétariat le devienne, il apparaît clairement que des gens tombent entre les mailles du filet parce qu'ils n'obtiennent pas la formation voulue. C'est l'un des problèmes et je crois qu'un secrétariat permettrait de le régler.
J'aimerais vous poser une question au sujet de ce que d'autres disent, à savoir que l'immigration de la catégorie de la famille est très importante, pour le bonheur des gens au Canada. En même temps, nous entendons parler d'immigrants professionnels qui sont très malheureux au Canada, car leur travail et leur vocation ne sont pas reconnus dans notre pays.
Avons-nous changé nos programmes d'immigration de telle façon que trop d'accent est mis sur les diplômes professionnels et les études et pas assez sur la catégorie de la famille? Faudrait-il essayer de repenser les choses? Lorsque nous donnons beaucoup de points pour les études ou un diplôme professionnel alors que ces immigrants ne peuvent pas travailler au Canada, notre système de points ne les induit-il pas en erreur? Faut-il donc repenser le système d'immigration davantage en faveur des familles et moins en faveur des études et de ces autres genres d'exigences et faut-il modifier le système de points?
Si vous voulez répondre en français, pas de problème.
[Français]
M. Cyprien (Syp) Okana: Je vais peut-être citer une étude du Conference Board du Canada, qui reconnaît que les minorités visibles ont des problèmes. Laissez-moi vous lire cela. D'abord, on parle de « l'importante contribution des minorités visibles à la croissance du PIB canadien. » Ensuite, on dit:
Leur contribution aurait été encore plus grande n'eût été d'un écart salarial par rapport aux autres Canadiens. L'écart entre leur salaire moyen et la moyenne canadienne était de 11 p. 100 en 1991. En 2000, il s'élevait à 14,5 p. 100. |
C'est un peu la difficulté actuelle des minorités visibles. Comme je l'ai dit au début, 70 p. 100 des gens qui arrivent ici viennent de régions pauvres. On se rend compte que dans ces régions pauvres, le pourcentage des minorités visibles est également élevé. Cela pose un grand problème.
Personnellement, comme je l'ai dit, je pense qu'il faut éduquer l'intelligentsia, l'intellectuel canadien. En effet, aucune université dans le monde ne peut octroyer un diplôme en médecine à quelqu'un qui n'est jamais allé à l'école. Aucune université dans le monde ne peut octroyer un diplôme d'ingénieur à quelqu'un qui n'est jamais allé à l'université. Cette intelligentsia s'est regroupée de façon à défendre un peu son pain par rapport à d'autres personnes qui viennent. Le grand défi qu'il reste au Canada est de s'asseoir, par l'entremise de ce secrétariat, et de mettre chacun face à sa responsabilité de façon à redresser la situation. N'oublions pas qu'il y a d'autres pays qui sont en train de chercher des universitaires ou des intellectuels, comme le Canada est actuellement en train de le faire par le biais de l'immigration.
Si nous ne faisons pas l'effort d'ouverture vis-à-vis de ces gens qui cognent à notre porte ou de ces gens qui, après avoir obtenu le diplôme canadien, acceptent de rester ici, je pense que, dans les années à venir, nous serons confrontés à un déficit intellectuel et de recherche. Ces gens ne viennent pas les mains vides. Ils viennent avec une grande connaissance.
Á (1130)
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Temelkovski.
M. Lui Temelkovski: Merci, monsieur le président.
Désolé, j'ai manqué votre exposé, mais je lirai la transcription avec beaucoup d'intérêt.
J'aimerais poursuivre dans la foulée de Bill qui a posé une question au sujet des compétences acquises à l'étranger. Vous dites que l'intelligentsia du Canada pourrait comprendre qu'un doctorat obtenu n'importe où au monde et décerné à la fin de ces études postsecondaires, etc., mais même au Canada, nous avons des ingénieurs qui obtiennent leurs diplômes d'une école donnée, tout comme des médecins. Nous évaluons les universités, même au Canada, et elles n'obtiennent pas toutes la même cote, si bien que les compétences acquises à l'étranger doivent être examinées ici avant que quiconque ne se voit décerner un doctorat ou un diplôme d'ingénieur qui lui permettrait d'exercer sa profession. Ce n'est pas parce que nous ne croyons pas qu'ils ont fini leurs études ou qu'ils n'ont pas étudié; c'est parce que, la façon de voir les choses... Il est même plausible que les ingénieurs de la côte Ouest pratiquent la profession d'une façon différente que ceux de la côte Est, sans parler des autres régions du pays.
En convenez-vous?
Á (1135)
[Français]
M. Cyprien (Syp) Okana: Si j'ai bien compris, vous me dites que vous comprenez les professionnels qui refusent l'accréditation ou qui, du moins, prennent du temps à l'accepter. Il est vrai qu'on peut les comprendre, dans un certain sens. Cependant, ce que je propose, c'est que les gens reconnaissent d'abord qu'un diplôme d'ingénieur, qu'il soit obtenu en Inde, au Pakistan, au Canada, en France ou en Belgique, a presque la même finalité.
Peut-être la démarche est-elle différente dans certains cours. Peut-être y a-t-il une adaptation à faire. L'étude des sols africains, par exemple, peut être différente de l'étude des sols canadiens ou des sols indiens. Dans un tel cas, comme je l'ai proposé, par l'entremise du secrétariat, on pourrait informer le candidat de façon à ne pas créer chez lui des attentes aussitôt qu'il arrive ici.
Il faudra tout de même une certaine ouverture de la part de ces ingénieurs ou de ces corporations, de façon à ce qu'on ne sente pas qu'il y a un blocage. Les gens devraient plutôt sentir que ceux qui sont en face d'eux reconnaissent leur valeur et qu'ils sont prêts à travailler avec eux pour faire face aux difficultés. Dans certains cas, ce n'est pas ce que l'on ressent. Par exemple, il y a des médecins qui disent que le taux de réussite des médecins canadiens à certains examens qu'ils passent serait faible. C'est comme s'il y avait deux poids, deux mesures. Tel est mon point de vue.
[Traduction]
M. Lui Temelkovski: Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Jaffer.
[Français]
M. Rahim Jaffer: Merci pour votre présentation. J'ai entendu beaucoup de suggestions. Je crois qu'il y a des suggestions très claires et très pertinentes par rapport à l'étude que fait notre comité.
Je veux seulement vous poser une question. Vous dites qu'il est très important de mettre en place des incitatifs pour que les employeurs embauchent des gens avec une éducation internationale afin de leur donner la chance d'avoir une expérience canadienne. Vous donnez des exemples de problèmes que vous avez eus pour trouver des employeurs qui vous offrent la chance de travailler ici. D'après votre expérience, avez-vous des suggestions? Quels types d'incitatifs pourrions-nous mettre en place pour encourager les employeurs canadiens à offrir une chance aux gens dont l'éducation est internationale?
M. Cyprien (Syp) Okana: Merci beaucoup.
Je suggérerais que le gouvernement fédéral serve d'exemple. Dans le rapport intitulé « Faire place au changement dans la fonction publique fédérale », on a proposé énormément d'avenues pour modifier un peu l'image de la fonction publique canadienne de façon à mieux l'adapter à la réalité canadienne.
Lorsque je rencontre des employeurs ou des gens qui travaillent en ressources humaines, je me dis souvent qu'ils devraient faire un tour dans la rue Main — c'est la rue principale à Moncton —; il n'y a aucun Noir à la réception.
Vous, les femmes, lorsque vous voyez qu'il y a une femme à la Cour suprême du Canada, quelle réaction avez-vous? Les femmes me disent souvent qu'elles sont fières. C'est presque exactement la même situation que moi. Si je vois un Noir qui est assis à la réception d'une banque, d'une caisse ou d'un bureau, cela me donne envie de dire que si cette personne y est arrivée, je peux y arriver, moi aussi. Toutefois, la situation actuelle ne s'y prête pas. On se rend compte que non. Il y a une certaine barrière, une certaine incompréhension.
Mine de rien, si les gens viennent ici, c'est un peu parce que le gouvernement fédéral leur lance une invitation. Quand M. Chrétien disait que le Canada était un bon pays, c'était une invitation directe aux gens qui étaient à l'étranger et qui entendaient que le Canada était un pays où il faisait bon vivre. Quand McDonald's fait sa publicité, les gens vont manger là. Les politiciens ou d'autres, par le biais des recherches, font la même chose. Les gens viennent parce qu'il y a une invitation. Il faut les accueillir.
Le grand défi est d'éduquer, d'informer, de bousculer peut-être les traditions au sein de la fonction publique. Toutes les fois que j'y pense, je me dis que c'est l'homme ou l'individu qui est à la base des difficultés.
Vous vous souvenez certainement de la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme. Que disait-on? Que les Québécois ayant le même titre académique que les autres n'avaient pas accès à l'emploi. À l'Université de Moncton, au Nouveau-Brunswick, en 1962, les étudiants ont marché pour la reconnaissance. Mais aujourd'hui, pourquoi tous ces gens qui ont revendiqué les mêmes choses ne mettent-ils pas en application ce qu'ils ont revendiqué? Pourquoi n'aident-ils pas? Pourquoi ne comprennent-ils pas la situation dans laquelle les immigrants se retrouvent?
En somme, c'est le gouvernement fédéral ou le gouvernement provincial qui devrait être le leader. L'immigration devient actuellement un enjeu important. Dans la province, il y a des comités qui se forment pour voir comment attirer les immigrants. Tout cela vient avec des enveloppes budgétaires. Il faudra, à un certain moment, imposer une politique d'ouverture. Il faudra décider que cet argent permettra de créer x emplois pour les immigrants ou pour les Canadiens d'origine étrangère. Ainsi, il y aurait des comptes à rendre à la fin de chaque année pour l'argent que le gouvernement fédéral dépense dans les provinces ou les régions.
Si une mesure de ce genre n'est pas prise, nous reviendrons encore ici l'année prochaine.
Á (1140)
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup, monsieur Okana.
Je me pose une question. Vous avez dit que nous n'avions qu'une seule femme à la Cour suprême, n'est-ce pas?
Á (1145)
[Français]
M. Cyprien (Syp) Okana: Je faisais un parallèle. En tant que Noir, si je vois, par exemple, que le garde du corps du premier ministre est un Noir, cela va me redonner confiance et espoir. De la même façon, si les femmes voient qu'il y a une femme à la Cour suprême, elles ressentiront de l'espoir et une certaine fierté.
Actuellement, la situation ne se prête pas vraiment à cela. Nous sommes là à croupir, même si nous avons l'expérience et l'éducation nécessaires. Par contre, s'il y avait des mesures incitatives, par exemple à la fonction publique, je crois que cela encouragerait les immigrants et les minorités à persévérer.
[Traduction]
Le président: D'accord; aux fins du compte rendu, nous avons quatre femmes à la Cour suprême et la juge en chef est une femme, même s'il a fallu pas mal de temps avant que cela ne se produise.
Vous avez tout à fait raison, je pense, de dire que l'image du pays ne se reflète pas dans la bureaucratie, dans la fonction publique, aux échelons supérieurs en particulier. C'est une idée que nous essayons de faire avancer, mais les choses ne se produisent pas assez rapidement. Je pense qu'il va falloir continuer de faire avancer les choses. Les membres de notre comité ont fait pareilles observations aux fonctionnaires que nous avons reçus, en disant qu'il vaut peut-être mieux avoir des antécédents canadiens français ou canadiens anglais. C'est un point qui nous préoccupe.
J'aimerais vous remercier pour votre exposé. Nous vous enverrons un exemplaire de notre rapport. Malheureusement, nous avons un problème de compétence que nous devons vraiment régler, car il est inacceptable d'avoir un tel gaspillage des cerveaux dans notre pays. Un de nos défis, bien sûr, c'est que les provinces ont compétence en matière d'associations professionnelles. Nous devons donc travailler avec les provinces et, par leur entremise, avec les associations professionnelles pour faire en sorte d'attirer les meilleurs, ce que nous disons que nous essayons de faire, pour qu'ils n'aient aucun problème à prendre part à l'économie de notre pays.
Encore une fois, merci beaucoup pour votre exposé.
Sur ces paroles, la séance est levée et reprendra cet après-midi.