FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent des finances
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 3 novembre 2005
Á | 1155 |
Le président (M. Massimo Pacetti (Saint-Léonard—Saint-Michel, Lib.)) |
Mme Margaret McGovern (directrice, Condition féminine et droits de la personne, Fédération canadienne des femmes diplômées des universités) |
 | 1200 |
 | 1205 |
Le président |
Mme Margaret McGovern |
Le président |
Mme Margaret McGovern |
Le président |
M. Greg deGroot-Maggetti (analyste, Politique socio-économique, Citizens for Public Justice) |
L'hon. Maria Minna (Beaches—East York, Lib.) |
Le président |
M. Greg deGroot-Maggetti |
 | 1210 |
 | 1215 |
Le président |
Mme Beverly Halls (prestataire d'aide sociale ayant une invalidité, Coprésident du Parent Action Network, Campagne Bas les Pattes!) |
Mme Sandy Shaw (représentante, Conseil de planification sociale de Hamilton, Campagne Bas les Pattes!) |
 | 1220 |
Mme Beverly Halls |
 | 1225 |
Le président |
M. David Pecaut (coprésident, Groupe de travail, Toronto City Summit Alliance, Modernizing Income Security for Working Age Adults) |
 | 1230 |
Le président |
Mme Susan Pigott (coprésidente, Directrice générale de St. Christopher House, Modernizing Income Security for Working Age Adults) |
M. David Pecaut |
 | 1235 |
Le président |
Mme Janet Leiper (présidente, Aide juridique Ontario) |
 | 1240 |
Le président |
Mme Kira Heineck (directrice générale, Coalition ontarienne pour de meilleurs services de garde d'enfants) |
 | 1245 |
 | 1250 |
Le président |
Mme Laura Samaroo (conseillière en régime de retraite, Watson Wyatt Worldwide) |
Le président |
Mme Laura Samaroo |
M. Keith Horner (consultant, Watson Wyatt Worldwide) |
 | 1255 |
· | 1300 |
Le président |
M. Charlie Penson (Peace River, PCC) |
M. Keith Horner |
M. Charlie Penson |
M. Keith Horner |
M. Charlie Penson |
Mme Janet Leiper |
M. Charlie Penson |
Mme Janet Leiper |
M. Charlie Penson |
Mme Janet Leiper |
M. Charlie Penson |
Mme Janet Leiper |
M. Charlie Penson |
M. David Pecaut |
· | 1305 |
M. Charlie Penson |
M. David Pecaut |
M. Charlie Penson |
M. David Pecaut |
M. Charlie Penson |
M. David Pecaut |
M. Charlie Penson |
M. David Pecaut |
Le président |
M. David Pecaut |
Le président |
M. David Pecaut |
Le président |
M. Charlie Penson |
M. David Pecaut |
Le président |
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Nord, NPD) |
Mme Sandy Shaw |
· | 1310 |
Mme Beverly Halls |
M. Greg deGroot-Maggetti |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Mme Kira Heineck |
· | 1315 |
Le président |
Mme Kira Heineck |
Le président |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
L'hon. Maria Minna |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Le président |
L'hon. Maria Minna |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
L'hon. Maria Minna |
· | 1320 |
Mme Margaret McGovern |
L'hon. Maria Minna |
Mme Margaret McGovern |
L'hon. Maria Minna |
M. David Pecaut |
L'hon. Maria Minna |
M. David Pecaut |
L'hon. Maria Minna |
M. David Pecaut |
L'hon. Maria Minna |
M. David Pecaut |
Mme Susan Pigott |
L'hon. Maria Minna |
Le président |
M. David Pecaut |
Le président |
CANADA
Comité permanent des finances |
|
l |
|
l |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 3 novembre 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
Á (1155)
[Traduction]
Le président (M. Massimo Pacetti (Saint-Léonard—Saint-Michel, Lib.)): La séance est ouverte. Je suis heureux d'accueillir tout le monde ici ce matin — je pense que c'est encore le matin. Merci d'avoir pris du temps dans votre journée pour venir déposer vos mémoires et comparaître devant le comité.
Nous poursuivons ici aujourd'hui, conformément à l'article 83.1 du Règlement, nos consultations prébudgétaires pour 2005.
Je vais accorder sept ou huit minutes aux différents groupes pour nous faire leur déclaration liminaire ou leur exposé. J'apprécierais beaucoup que vous respectiez l'horaire afin que les membres du comité puissent par la suite vous poser des questions.
Nous allons commencer par Mme McGovern, de la Fédération canadienne des femmes diplômées des universités.
Mme Margaret McGovern (directrice, Condition féminine et droits de la personne, Fédération canadienne des femmes diplômées des universités): Merci, monsieur le président.
La Fédération canadienne des femmes diplômées des universités (FCFDU) est heureuse d'avoir la possibilité de participer aux consultations prébudgétaires du gouvernement du Canada. C'est un plaisir pour la FCFDU de vous soumettre diverses questions qui, selon elle, pourront renforcer la structure sociale canadienne.
Une économie solide, un cadre financier sain et une stratégie durable en matière d'environnement constituent des objectifs importants qui doivent être privilégiés. Toutefois, la pratique qui consiste à surestimer les déficits et à sous-estimer les surplus pour ensuite utiliser cet écart et les surplus surprises pour rembourser la dette a eu de graves conséquences pour la viabilité des programmes sociaux. La FCFDU se demande si le résultat des consultations aura la même incidence sur les programmes qui touchent la vie quotidienne des Canadiens qu'au cours des années 1990.
La FCFDU est une organisation non partisane, bilingue et financièrement autonome qui représente les femmes diplômées d'université et qui compte plus de 10 000 membres réparties dans 122 clubs partout au Canada. La FCFDU est affiliée à la Fédération internationale des femmes diplômées des universités. Nous exhortons le gouvernement du Canada d'honorer ses engagements en ce qui a trait à la préservation des assises sociales du Canada et au respect des obligations internationales du pays. La Fédération est tout particulièrement préoccupée par les questions que voici.
Premièrement, la décision du Canada de séparer les soins de santé du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS), qui regroupait les soins de santé, les programmes sociaux et l'enseignement postsecondaire, constitue un changement important. La FCFDU applaudit à la décision du gouvernement de séparer le financement. Le financement des soins de santé semblait dominer le secteur. La Fédération espère que la séparation de ces fonds entraînera une plus grande responsabilisation des provinces s'agissant de dépenser de manière appropriée.
L'évolution démographique et la technologie ont toutes deux contribué à maintenir les soins de santé à l'avant-plan des préoccupations de la plupart des Canadiens. La fusion de l'ancien Régime d'assistance publique du Canada (RAPC) avait déjà entraîné des perturbations dans les dépenses sociales, perturbations qui ont nui aux femmes, en particulier les mères célibataires et les femmes à faible revenu qui n'ont pas une grande sécurité de revenu. Les politiques d'aide sociale et l'accès à l'aide juridique ont changé, de sorte que les femmes n'ont plus le soutien dont elles ont besoin.
La recherche fait ressortir que les disparités de revenu, la pauvreté et le manque d'éducation sont des déterminants essentiels de la santé. Il importe d'envisager sérieusement le financement de programmes et de services qui auront une incidence à long terme sur le bien-être et la santé des familles canadiennes et, en bout de ligne, sur les dépenses dans le domaine de la santé. Le moment est venu d'organiser un débat public sur ces questions afin d'en mettre en évidence leur importance.
Mesure recommandée: rétablir une garantie de prévisibilité, de durabilité et de stabilité du financement accordé à la sécurité du revenu, et tenir des discussions en collaboration avec les provinces et les territoires en vue d'aborder des questions d'intérêt commun. Le Transfert canadien en matière de programmes sociaux doit faire l'objet de débats et de participation publics.
L'enseignement postsecondaire est moins abordable qu'auparavant, les frais de scolarité ayant augmenté. Pourtant, le Canada a besoin de technologues et de travailleurs qualifiés. La première priorité d'un gouvernement devrait vraisemblablement être d'investir dans l'éducation. Les étudiants qui ont complété des études supérieures deviennent des citoyens informés qui ont un sens critique développé, qui sont capables d'analyser des problèmes, de chercher des solutions et d'utiliser les résultats obtenus dans le but de créer une société plus humaine.
Les pénuries dans les métiers spécialisés persistent, et cela pourrait entraîner une crise car les travailleurs hautement qualifiés vieillissent et il n'est pas certain qu'on parvienne à les remplacer. Une éducation de base et des efforts ciblant la littératie doivent demeurer une priorité si le Canada veut atteindre les objectifs qu'il s'est fixés dans le document intitulé Éducation pour tous.
Mesure recommandée: prendre les mesures nécessaires pour que l'éducation et la formation postsecondaires soient un agent catalyseur du programme d'éducation.
Les sommes destinées à l'apprentissage et à la garde des jeunes enfants, annoncées dans le dernier budget, constituent un bon début. Toutefois, il est urgent de mettre en place des établissements d'éducation préscolaire et de garde de jeunes enfants qui soient accessibles, abordables, réglementés et de bonne qualité. Seuls 8 p. 100 des fonds alloués pour les enfants ont été accordés à des services réglementés de garde d'enfants. La recherche montre que l'éducation préscolaire représente un investissement majeur dans l'économie future d'un pays.
Les femmes à faible revenu doivent travailler à cause des exigences économiques qu'elles vivent et elles doivent retourner plus tôt au travail parce qu'elles ne touchent que 55 p. 100 de leur salaire pendant leur congé parental, ce qui est insuffisant pour subvenir aux besoins de leur famille. C'est pourquoi des services de garde de qualité sont essentiels. Les réductions d'impôt n'ont pas aidé ces femmes à trouver un nombre suffisant de places en garderie pour leurs enfants. Le financement de l'apprentissage et de la garde des jeunes enfants est clairement insuffisant.
 (1200)
Mesure recommandée: accroître le nombre des établissements d'éducation préscolaire et de garde de jeunes enfants réglementés, accessibles, abordables et de bonne qualité; poursuivre la collaboration avec les provinces et les territoires dans le but d'établir une loi nationale sur la garde des enfants.
La FCFDU est heureuse de voir que le gouvernement du Canada s'est de nouveau engagé à collaborer avec les autres paliers de gouvernement en vue d'accroître le parc de logements canadien. Les membres de la Fédération estiment que la flexibilité des approches utilisées est essentielle pour que les familles qui n'ont pas les moyens de payer les loyers du marché puissent recevoir des allocations de logement ou avoir accès à un logement subventionné. Il a toutefois été établi qu'il faut 25 000 unités de logement par année pour répondre à la demande.
Mesure recommandée: la FCFDU appuie la promesse du premier ministre d'allouer 1,5 milliard de dollars de plus au logement dans le cadre du prochain exercice financier et encourage le gouvernement à poursuivre cette approche en vue d'éliminer le sans-abrisme.
Bien que la croissance de l'économie canadienne ait été plus rapide que celle des autres pays fortement industrialisés chaque année, sauf une, au cours des huit dernières années, la pauvreté chez les enfants demeure une sérieuse préoccupation. Malheureusement, l'engagement que le Canada a pris en 1989, dans le cadre d'une résolution unanime de tous les partis visant à mettre fin à la pauvreté chez les enfants d'ici l'an 2000, n'a pas été respecté. Constat intéressant, durant cette période, le taux de pauvreté infantile au Canada est demeuré le même, soit 15 p. 100, le plus élevé parmi l'ensemble des pays riches industrialisés. En comparaison, le taux du Danemark n'est que de 2,4 p. 100. Au Canada, un enfant sur six vit dans la pauvreté — chiffre qu'aucun Canadien n'est fier de citer.
Le Supplément de la prestation nationale pour enfants (SPNE), qui a été créé par le gouvernement du Canada à l'intention des familles à faible revenu, a permis d'aider les familles des travailleurs à faible revenu. Cette mesure est digne de mention. Toutefois, dans plusieurs provinces — représentant la majorité de la population canadienne — les familles qui reçoivent de l'aide sociale n'ont pas bénéficié de cette mesure. Les gouvernements provinciaux réduisent leurs versements d'aide sociale.
D'autre part, 70 p. 100 des personnes touchant le salaire minimum sont des femmes. Les femmes ne gagnent toujours que 73 p. 100 du salaire de leurs homologues masculins. La pauvreté touche plus de 50 p. 100 des mères chefs de famille monoparentale. Les femmes et jeunes femmes autochtones et immigrantes sont confrontées à des taux élevés de pauvreté qui les empêchent de progresser. Et lorsque les femmes sont pauvres, leurs enfants le sont aussi.
Mesure recommandée: s'attaquer sans plus tarder à la pauvreté chez les enfants et collaborer avec les provinces fautives en vue de l'élimination des mesures et des politiques punitives entourant le Supplément de la prestation nationale pour enfants.
La Charte canadienne des droits et libertés garantit l'égalité des femmes. Le Canada a par ailleurs signé deux documents importants consacrant les droits des femmes. Les membres de la FCFDU sont déçues que le Canada ait été cité par les Nations Unies dans le cadre de l'examen des progrès accomplis relativement à la CEDAW (Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes), en raison du taux de pauvreté disproportionnellement élevé relevé chez les femmes canadiennes. L'ONU a conclu que non seulement les mères vivant dans la pauvreté avec leurs enfants, mais également les femmes autochtones, les femmes immigrantes, les femmes plus âgées, les femmes de couleur et les femmes handicapées ont besoin de services sociaux. Il semble que le Canada fasse de la discrimination contre ces femmes.
 (1205)
Le président: Madame McGovern, vous pourriez peut-être conclure. Je constate que vous n'êtes pas encore arrivée au bout de votre mémoire, mais vous n'allez pas pouvoir en terminer la lecture dans le temps qui vous reste.
Mme Margaret McGovern: Dans ce cas, je me contenterai de souligner encore un autre point.
Le président: Allez-y.
Mme Margaret McGovern: Nous aimerions voir maintenu le registre des armes à feu car celui-ci est en train de faire ce qu'il est censé faire, soit réduire le nombre de personnes tuées. Beaucoup de gens sont d'ailleurs en faveur de son maintien.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant vous.
Le président: Merci. Nous vous sommes reconnaissants.
Nous allons maintenant entendre, au nom de Citizens for Public Justice, M. deGroot-Magnetti... ou Maggetti?
M. Greg deGroot-Maggetti (analyste, Politique socio-économique, Citizens for Public Justice): Maggetti — un bon nom italien.
L'hon. Maria Minna (Beaches—East York, Lib.): Monsieur le président, vous devriez être en mesure de prononcer cela. Écoutez, avec un nom comme Pacetti...?
Des voix: Oh! Oh!
Le président: Tout à fait, et cela ne fait que souligner le nombre de jours de séance que j'ai dans le corps.
Allez-y, et toutes mes excuses.
M. Greg deGroot-Maggetti: Merci, monsieur le président. Je ne vais pas vous forcer à essayer de prononcer le nom de mon collègue, Chris Pullenayegem. Nous sommes tous les deux ravis d'être ici pour participer à ces audiences prébudgétaires.
Quelques mots, pour commencer, au sujet de Citizens for Public Justice. Citizens for Public Justice est une organisation nationale non partisane qui se consacre à la promotion de la justice dans les affaires publiques canadiennes. S'appuyant sur ses membres partout au pays, CPJ répond à l'appel de Dieu en faveur de l'amour, de la justice et de l'intendance par le biais de la recherche, de l'éducation et de l'intercession. Nous sommes une organisation chrétienne, qui s'appuie sur sa foi pour intervenir en matière de politique publique.
Ces dernières années, nous avons concentré nos efforts sur la pauvreté infantile au Canada et les politiques à l'égard des réfugiés. Beaucoup de ce que nous allons dire va en fait, je suis ravi de pouvoir l'annoncer, reprendre les propos tenus par Mme McGovern au nom de la Fédération canadienne des femmes diplômées des universités. C'est moi qui vais faire notre exposé, après quoi M. Pullenayegem et moi-même nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
Permettez que je commence par vous entretenir de certaines recommandations budgétaires précises qui figurent dans notre mémoire, que vous avez tous reçu. Premièrement, nous recommanderions l'octroi automatique du statut de résident permanent aux personnes protégées, question dont nous vous entretiendrons davantage; la prise de mesures en vue de la création d'une économie qui offre un salaire minimum vital; l'augmentation des prestations pour enfants à 4 900 $ par enfant par an et la suppression de la récupération du Supplément de la prestation nationale pour enfants; la création d'un programme à long terme de logements abordables; et la poursuite de la création d'un programme national pour l'apprentissage et la garde des jeunes enfants.
Le cadre que l'on nous a donné en prévision de ces audiences tournait autour de la productivité. Je tiens à rappeler ici certains témoignages que le Comité des finances a entendus la dernière fois qu'il a étudié la question de la productivité et qui ont été repris dans son rapport intitulé « Stimuler la productivité pour relever le niveau de vie des Canadiens ». C'est ainsi que je vais citer Andrew Sharpe, directeur du Centre d'étude des niveaux de vie, l'un des principaux instituts du Canada pour l'étude des tendances de la productivité, qui a dit ce qui suit:
Cependant, la productivité n'est pas le fin du fin de la vie économique. Essentiellement, l'objectif consiste à améliorer la qualité de vie des Canadiens, ce qui est une notion beaucoup plus large que, disons, le PIB par travailleur ou le PIB par habitant. |
Citizens for Public Justice estime que le rôle du gouvernement s'étend au-delà de la simple question de la productivité. Aussi importante soit cette question, les gouvernements doivent être conscients des besoins différents des différentes personnes, collectivités et organisations, et doivent équilibrer et promouvoir leurs revendications publiques de manière que chacun puisse avoir la liberté de répondre à l'appel de Dieu et de s'acquitter des responsabilités qu'il lui a confiées. C'est là un principe qui sous-tend le travail et l'engagement de Citizens for Public Justice en matière de discussion sur la politique publique.
Permettez que je vous donne quelques exemples pour illustrer le fait que s'en tenir à la productivité est trop limitant. Je vous pose la question suivante: qu'a fait la croissance économique — l'augmentation du PIB par tête d'habitant — pour la lutte contre la pauvreté infantile au Canada? Eh bien, entre 1980 et 2002, le revenu par tête d'habitant est passé de 23 654 $ à 34 131 $, soit une augmentation de 44 p. 100 de notre niveau de vie. Et entre 1980 et 2002, le taux de pauvreté infantile du Canada est passé de 16,5 à 15,6 p. 100, soit une légère baisse de 1 p. 100. Il est en gros demeuré le même. Et compte tenu de l'augmentation de la population, davantage d'enfants canadiens ont en fait vécu dans la pauvreté.
La productivité est une question de croissance à long terme. Si l'on regarde le cycle économique, la pauvreté infantile monte et descend en fonction des fluctuations du chômage. Mais elle tourne autour de 15 à 20 p. 100 depuis 30 ans.
Des tendances plus profondes et plus troublantes se sont dessinées sur cette période, et l'on en voit les manifestations dans le sort connu par les nouveaux immigrants au Canada. En 1980, le taux de pauvreté infantile chez les nouveaux immigrants — c'est-à-dire les immigrants établis dans le pays depuis dix ans au moins — était de 20,2 p. 100. En 1990, ce taux était passé à 27 p. 100, et en 2000, le taux de pauvreté des enfants dans les familles de nouveaux immigrants avait atteint 32,7 p. 100, soit un enfant sur trois chez les nouveaux immigrants. Il est clair que toute cette croissance économique n'a pas bénéficié également à tous.
Si l'on accorde autant d'importance à la productivité, c'est, je pense, parce que l'on juge que cette croissance va bénéficier à tous. Or, ce que l'on constate montre que nous ne pouvons pas fonder les politiques sur l'hypothèse voulant qu'une marée montante soulèvera tous les bateaux. Les décisions budgétaires du gouvernement devraient viser à améliorer directement la qualité de vie des gens.
 (1210)
Si nous mesurons tous les engagements budgétaires en fonction de l'étalon des gains de productivité, ne dépenserons-nous de l'argent dans les domaines de la santé, de l'éducation et des enfants que s'il y a des données statistiques démontrant que cela permettra d'accroître la productivité? Est-ce que notre appui aux enfants, aux Autochtones canadiens, aux femmes, aux Canadiens handicapés et aux personnes âgées est conditionnel à leur contribution à l'accroissement de la productivité canadienne? Bien sûr que non. Clairement, certains des engagements que nous prenons en tant que nation seront fondés sur une justification économique du rendement du capital investi, mais nous prenons également des décisions fondées sur l'amour et l'engagement d'assurer la justice, de remplir nos obligations les uns envers les autres et de protéger l'environnement naturel.
C'est dans ce contexte que Citizens for Public Justice propose plusieurs recommandations en matière de politiques qui reconnaissent et servent le bien commun, y compris le bien-être économique du Canada.
Nous avons de recommandations visant à réduire les obstacles à l'établissement des réfugiés. Nous recommandons, tout d'abord, l'octroi automatique du statut de résident permanent aux personnes protégées et la suppression du processus à deux étapes de vérification de sécurité et de santé des revendicateurs du statut de réfugié se trouvant à l'intérieur du territoire. Cela amènerait une plus rapide intégration des réfugiés et contribuerait également à réduire les coûts publics occasionnés par les longues attentes liées à la deuxième ronde de vérifications prévue dans l'actuel système.
Nous proposons par ailleurs des politiques visant à créer une économie à salaires élevés, à porter le salaire minimum fédéral à un niveau correspond aux deux tiers du salaire horaire médian, à améliorer l'accréditation pour refléter les compétences des nouveaux immigrants acquises dans leur pays d'origine, à élaborer des programmes d'apprentissage ciblés pour combler les écarts en matière de normes de formation, et à élaborer des solutions aux obstacles à l'accès au marché du travail qui correspondent aux conditions locales et aux solutions émergeant au niveau municipal avec l'appui des gouvernements fédéral et provinciaux.
Encore une fois, nous nous ferons un plaisir de vous entretenir davantage de ces thèmes lors de la période de questions.
Nous recommandons des investissements en vue de réduire la pauvreté infantile au Canada, d'augmenter la Prestation fiscale canadienne pour enfants pour la porter à un maximum de 4 900 $ par enfant, et d'éliminer la récupération de la prestation auprès des familles bénéficiaires d'aide sociale. En ce qui concerne la création d'un programme permanent de logements abordables, j'ai pris bonne note des recommandations faites par un groupe qui a déjà comparu devant le comité, le National Housing and Homelessness Network, qui proposait que l'on utilise les profits de la Société canadienne d'hypothèques et de logement pour financer un tel programme.
Nous demandons au gouvernement de continuer d'oeuvrer à l'établissement d'un programme national d'apprentissage et de garde de jeunes enfants.
Nous pourrions également élargir notre perspective. La situation des nouveaux immigrants ne nous offre qu'une perspective quant aux raisons pour lesquelles la seule croissance économique ne suffit pas pour améliorer la qualité de vie de tous. Nous pourrions également nous attarder sur d'autres groupes dont la situation est inférieure à la moyenne: par exemple, les Autochtones, les familles comprenant des personnes handicapées et les familles monoparentales.
J'aimerais, en conclusion, vous soumettre quelques questions clés. Premièrement, quelles sont certaines des autres questions qui pourraient servir à encadrer ces questions au sujet des priorités budgétaires? Quelle incidence celles-ci auront-elles sur les plus marginalisées et les plus laissés-pour-compte au Canada? Que fera le remboursement de la dette pour améliorer les conditions de vie des groupes marginalisés? En quoi des mesures fiscales ciblées changeront-elles quelque chose pour ces personnes? Et quels investissements publics devront être consentis pour rétrécir l'écart sur les plans revenus et chances d'épanouissement entre les groupes marginalisés et les autres?
Merci.
 (1215)
Le président: Merci.
Nous allons maintenant entendre Mme Halls, de la Campagne Bas les Pattes!
Mme Beverly Halls (prestataire d'aide sociale ayant une invalidité, Coprésident du Parent Action Network, Campagne Bas les Pattes!): C'est en fait Mme Shaw qui va commencer.
Mme Sandy Shaw (représentante, Conseil de planification sociale de Hamilton, Campagne Bas les Pattes!): Bonjour, monsieur le président. Merci de m'accueillir ici aujourd'hui.
Je m'appelle Sandy Shaw et je vous présente ma collègue, Beverley Halls. Nous sommes ici aujourd'hui pour le compte de la Campagne Bas les Pattes!, ce dans le cadre de nos efforts visant la suppression de la récupération du Supplément de la prestation nationale pour enfants.
La Campagne Bas les Pattes! est un mouvement populaire ontarien qui adresse deux principales demandes au gouvernement fédéral et au gouvernement provincial, soit qu'ils mettent tout de suite fin à la récupération du Supplément de la prestation nationale pour enfants auprès des familles assistées sociales, et qu'ils financent les programmes de réinvestissement destinés aux familles à faible revenu à même d'autres ressources provinciales et fédérales.
La Campagne Bas les Pattes! a été appuyée par plus de 120 organisations. Nous avons distribué plus de 40 000 cartes postales au premier ministre de l'Ontario, M. McGuinty, et nous allons bientôt en envoyer au premier ministre.
Le Supplément de la prestation nationale pour enfants, ou SPNE, a été instauré en 1998 et vanté par le gouvernement du Canada comme étant une importante nouvelle mesure destinée à réduire la pauvreté chez les enfants. Malheureusement, peu de gens savent que le gouvernement fédéral a également négocié avec les provinces et territoires des ententes autorisant la récupération du SPNE dans le cas des familles et des enfants à l'assistance sociale. Seul le Nouveau-Brunswick et le Manitoba laissent les familles bénéficiant d'aide sociale garder la pleine valeur de la prestation. Les autres provinces et territoires récupèrent une partie ou l'intégralité des prestations dans le but de réduire les taux d'aide sociale.
Les Canadiens et leurs députés conviennent tous que le SPNE est une importante initiative fédérale de lutte contre la pauvreté des enfants. Cependant, dans bien des régions du Canada, nos enfants les plus vulnérables et leurs familles se voient refuser cette prestation.
Il y a deux principales raisons pour lesquelles le Comité des finances devrait être préoccupé par la récupération de cette prestation, notamment l'imputabilité et la transparence. La récupération compromet sérieusement l'efficacité du SPNE en tant qu'initiative fédérale de lutte contre la pauvreté des enfants. Près du quart des fonds versés par le gouvernement au titre du SPNE sont repris aux familles les plus pauvres par le biais de cette récupération d'aide sociale.
L'on fait croire à la population canadienne que toutes les familles pauvres profitent du SPNE. Dans le cadre de leur travail, les représentants de la Campagne Bas les Pattes! rencontrent souvent des personnes d'abord étonnées puis scandalisées d'apprendre que les familles assistées sociales sont privées de cette prestation supplémentaire SPNE. Ce qui est plus étonnant encore c'est la façon dont ces fonds sont réinvestis aux niveaux provincial et municipal. Par exemple, en Ontario, 65 p. 100 des fonds ainsi récupérés servent à financer le Supplément de revenu de l'Ontario pour les familles travailleuses ayant des frais de garde d'enfants. Il est clairement injuste de retirer aux familles assistées sociales de l'argent destiné à lutter contre la pauvreté pour financer des programmes auxquels ces familles n'auront pas accès.
Dans de nombreuses municipalités, il existe d'autres programmes auxquels peuvent recourir les familles assistées sociales, mais l'on ne peut pas s'attendre à ce que les familles qui ont déjà du mal à payer leur loyer et à nourrir leurs enfants aient à payer pour ces programmes. Nous estimons que ceux-ci devraient être financés directement et non pas en réduisant les prestations destinées aux plus pauvres des enfants.
Les gouvernements justifient souvent la récupération comme étant une mesure nécessaire pour promouvoir la participation à la population active. Cette justification n'est selon nous pas crédible et elle renferme de nombreuses hypothèses troublantes au sujet de familles vivant parmi nous. En Ontario, 20 p. 100 des familles touchées par la récupération de la prestation comptent déjà au moins un membre qui travaille. Les familles assistées sociales doivent surmonter des barrières complexes pour accéder au marché du travail. Le plus imposant est l'incapacité du marché du marché du travail de créer de bonnes possibilités d'emploi pour les parents qui ont des enfants.
D'autre part, dans nombre de ces familles, le premier titulaire de revenus souffre d'un handicap mental ou physique. La récupération est selon nous un mauvais instrument pour promouvoir la participation à la population active.
Nous demandons au Comité des finances de faire les recommandations suivantes: premièrement, le gouvernement fédéral doit montrer l'exemple en désavouant publiquement la récupération; deuxièmement, le gouvernement fédéral doit proposer aux provinces et territoires de renégocier l'accord sur la Prestation nationale pour enfants avec l'intention d'éliminer la récupération; troisièmement, à l'appui de cette demande de renégociation de l'accord sur la Prestation nationale pour enfants, le gouvernement fédéral doit offrir d'accroître son financement afin de garantir le maintien des programmes de réinvestissement; et, enfin, à défaut de s'entendre avec les provinces pour abolir la récupération du SPNE, le gouvernement fédéral devrait agir unilatéralement et modifier la Loi de l'impôt sur le revenu afin de permettre la consolidation de la Prestation fiscale canadienne pour enfants, qui est la prestation de base, et le Supplément de la prestation nationale pour enfants, créant ainsi une prestation unique de lutte contre la pauvreté chez les enfants.
Les effets de la récupération frappent de façon disproportionnée les mères seules, les familles autochtones, les parents handicapés et les familles membres de minorité visible. Nous espérons que vous nous appuierez en étant tout comme nous convaincus que la lutte contre la pauvreté chez les enfants assistés n'est pas moins importante que la lutte contre la pauvreté de tous les enfants de nos collectivités.
Merci.
 (1220)
Mme Beverly Halls: Bonjour, mesdames et messieurs. C'est tout un honneur pour moi d'être ici aujourd'hui.
Mon objectif est de vous livrer la réalité des parents canadiens qui voient ou qui ont vu leur prestation nationale pour enfants récupérée par leur municipalité. À cette fin, je vais vous engager dans une discussion abordée du point de vue d'une travailleuse en service social en Ontario qui est également chef de famille monoparentale à faible revenu.
Lorsque le gouvernement fédéral a fait l'annonce de la prestation nationale pour enfants et du nouveau défenseur des pauvres, j'ai pensé que c'était la lumière au bout du tunnel. Cependant, ma joie s'est transformée en rage lorsqu'il a été déterminé que chaque province récupérerait ou reprendrait l'argent donné aux familles.
En 2004, plus de 90 000 familles en Ontario ont vu leur SPNE retiré. Cela veut dire que plus de 65 000 enfants pauvres n'ont pas bénéficié de ce supplément. L'Ontario récupère depuis le tout premier jour chaque dollar versé, et cela est selon nous scandaleux. La plupart des familles assistées sociales ne gardent donc que 24 $ sur le montant total versé. Voilà pourquoi nous comparaissons ici devant vous aujourd'hui.
Pour mettre un peu les choses en perspective, une mère seule avec deux enfants aurait droit à 1 119 $ par mois, ce qui est clairement insuffisant pour vivre, étant donné le coût élevé du logement et tout ce dont des enfants qui grandissent ont besoin. Les familles qui sont touchées par la récupération vivent déjà dans une misère affreuse, et il est selon nous absolument scandaleux que l'on aille récupérer cet argent auprès d'elles.
Étant donné que le temps dont nous disposons est limité, je vais tout de suite vous parler de ce que j'ai fait dans l'exercice de mon métier de travailleuse de première ligne. Mon travail m'a permis de voir de nombreux clients qui n'ont pas accès à de la nourriture. Je suis chargée non seulement de les interviewer mais également de les défendre et d'essayer de trouver une solution globale à leur pauvreté. Nombre des clients disaient qu'ils utiliseraient l'argent supplémentaire pour acheter ce qui est nécessaire au bien-être de leurs enfants. La plupart des personnes à faible revenu sont préoccupées par le bien-être de leurs enfants. Les gens sont nombreux à considérer les pauvres comme des criminels à la petite semaine et des opportunistes. Ce n'est pas ce que j'ai vu en tant que travailleuse de première ligne. Ce n'est pas là la réalité de la pauvreté au Canada.
Les personnes qui connaissent un niveau de pauvreté aigu ou moyen sont nombreux à souhaiter pouvoir faire quelque chose pour lever les barrières auxquelles elles sont confrontées. Nombre d'entre elles ont cherché des solutions mais sont restées piégées vu que tout requiert de l'argent. Les pauvres ont besoin d'une chance et non pas de charité — d'une vraie possibilité de vivre, d'apprendre et de se tenir debout. La récupération est ainsi encore un autre affront qui vient écraser, avilir et mépriser les démunis. Cette récupération est une honte, étant donné surtout que les membres de notre société qui se vantent d'être à l'aise jouissent de quantité de possibilités de déductions aux fins de l'impôt, ce qui ne fait qu'augmenter encore leur accès à l'argent.
Pour moi, vivre avec la récupération a voulu dire faire beaucoup de compromis. Je fais des compromis quant aux soins médicaux qu'il me faut pour ma santé. Je suis sourde et je suis aussi handicapée, alors je suis chaque jour confrontée à des défis multiples. Vivre avec la récupération signifie que tout devient stratégie. Il m'arrive de pleurer car en tant que personne handicapée je suis piégée. Je suis piégée dans une pauvreté qui ne me laisse pas avancer sans pénalité. Je suis piégée du fait de savoir que mes enfants ne peuvent compter que sur moi pour subvenir à leurs besoins. Je suis piégée parce qu'il y a des limites à ce que l'on peut faire avec l'argent qu'on reçoit.
Je pense que toutes les personnes pauvres sont de formidables comptables. Si seulement l'on pouvait mieux les former afin qu'elles puissent travailler et faire quelque chose pour la société. Le peu dont vous disposez pour vivre sert à tant de choses différentes que vous accumulez par la force des choses toute une masse de connaissances pour pouvoir survivre au jour le jour sans perdre la tête.
C'est épuisant et frustrant. Les enfants ne méritent pas de vivre dans la misère noire que connaissent de nombreux pauvres. Il leur faut un financement qui aille directement à leur famille. Nos enfants ont besoin d'un régime alimentaire nutritif. Ils ont besoin d'un meilleur accès à des activités et manifestations, aux côtés de leurs pairs mieux nantis. Nos enfants ont besoin de participer dans la vie, et à l'heure actuelle les enfants pauvres n'y participent pas. Vous avez entendu parler aux nouvelles et ailleurs d'actes violents commis avec des armes à feu. Si vous y regardiez de plus près, vous verriez que lorsque le gouvernement de l'Ontario a commencé à récupérer cet argent...certains de ces mêmes enfants dont on parle au bulletin de nouvelles et ailleurs viennent de familles qui auraient bénéficié de cet argent. Cet argent ayant été repris, ces enfants n'ont pas pu suivre de programmes de karaté ou autre qui leur auraient permis d'exprimer leur colère de façon inoffensive.
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En conclusion, ce qui est le plus important dans la lutte contre la pauvreté est de faire un pas, et c'est pourquoi nous sommes ici. J'espère que le comité ici réuni saura encourager le gouvernement de l'Ontario à prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à la pauvreté en acceptant les recommandations que Mme Shaw vous a livrées il y a quelques instants pour le compte de notre groupe.
Je vous remercie beaucoup de votre temps.
Le président: Merci, madame Halls.
C'est maintenant au tour de M. Pecaut, du Task Force on Modernizing Income Security for Working Age Adults.
M. David Pecaut (coprésident, Groupe de travail, Toronto City Summit Alliance, Modernizing Income Security for Working Age Adults): La coprésidente et moi-même allons nous partager l'exposé. Merci beaucoup de nous avoir permis de comparaître devant vous aujourd'hui.
Notre groupe a été formé en septembre 2004 en tant qu'initiative conjointe de la Toronto City Summit Alliance et de St. Christopher House, ici à Toronto. La Toronto City Summit Alliance est un groupe ombrelle d'action communautaire qui réunit en son sein des dirigeants des milieux d'affaires, du secteur sans but lucratif, des pouvoirs publics, ainsi que des maires et d'autres intervenants de la région torontoise. Nous avons, au cours des dernières années, lancé plusieurs initiatives visant différents dossiers, comme par exemple l'immigration, la transformation de la région en un noyau de haute technologie, la relance de notre industrie touristique après la crise du SRAS, etc.
En avril 2003, nous avons déposé un plan d'action pour la région de la ville intitulé « Enough Talk ». Dans ce plan d'action, nous soulignions la question de la sécurité du revenu comme étant essentielle pour l'avenir de villes importantes comme Toronto. Nous y indiquions également que nous souhaitions nous y attaquer de façon plus ciblée à l'avenir. C'est ainsi qu'en septembre 2004 nous avons créé le Task Force on Modernizing Income Security for Working Age Adults.
Nous avons abordé notre travail à la manière d'autres initiatives de la Toronto City Summit Alliance: en d'autres termes, Susan et moi-même, oeuvrant aux côtés de nos collègues, avons réuni un groupe directeur ombrelle composé de quelque 50 dirigeants de la communauté des affaires, de la communauté sans but lucratif, de la communauté de lutte contre la pauvreté, y compris un certain nombre de personnes à faible revenu. Susan vous expliquera qu'avec l'appui de St. Christopher House nous avons réuni un groupe témoin de près de 40 personnes à faible revenu qui ont participé directement à l'élaboration des recommandations.
En plus du groupe directeur général, nous avons un groupe de travail qui comprend des dirigeants venus du Conference Board of Canada; de l'Institut C.D. Howe; de TD Economics, le groupe de Don Drummond; de Scotia Economics, avec Warrend Jestin; du Caledon Institute; des réseaux canadiens de recherche publique; et du Congrès du travail du Canada.
Je ne pense pas me tromper en disant qu'il est sans précédent que tous ces centres d'études et de recherche oeuvrent ensemble au sein d'un seul et même groupe de travail, et nous espérons que nous parviendrons à un consensus parmi tous ces groupes représentant une part importante des groupes de réflexion au Canada.
L'on dispose de preuves écrasantes que les politiques et programmes actuels sont loin d'atteindre leur objectif, qui est d'appuyer les adultes et de les amener à acquérir indépendance économique et participation continue à la population active. Je ne pense pas qu'il soit injuste de dire que le Canada a fait un bien meilleur travail s'agissant de traiter des besoins en matière de sécurité du revenu des personnes âgées, et, grâce à la prestation nationale pour enfants, un travail toujours meilleur face à la pauvreté infantile — bien qu'il reste encore beaucoup à faire en la matière. Mais ce sont les adultes en âge de travailler qui ont été largement ignorés dans notre stratégie de sécurité du revenu ici au Canada. Lors du lancement de ce groupe de travail par la City Summit Alliance et St. Christopher House, nous avons entrepris de faire une analyse très simple, du genre de celles que l'on gratterait au dos d'une enveloppe: que se passerait-il si la Ville de Toronto et la région du Grand Toronto vivaient aujourd'hui, en 2005, la récession que nous avons connue en 1993? Que se passerait-il si l'économie connaissait le même déclin qu'en 1993?
Bien sûr, depuis 1993, des changements énormes ont été apportés aux règles en matière d'assurance-emploi, au système de bien-être social en Ontario ainsi qu'à d'autres politiques de sécurité du revenu, y compris un vaste délestage des régimes de bien-être et de sécurité économique vers les municipalités ontariennes. Nous avons également constaté d'énormes changements au sein de la population active, notamment une hausse marquée du nombre de personnes travaillant à temps partiel et de celui des travailleurs autonomes, et une augmentation forte et continue du nombre d'immigrants arrivant dans la région du Grand Toronto.
Notre analyse laisse entendre que si nous vivions aujourd'hui la récession de 1993, il y aurait une insuffisance de 3 à 4 milliards de dollars dans les paiements de transfert qui auraient été versés en vertu des règles et de la structure du marché du travail de 1993. Aujourd'hui, ces personnes seraient toujours sans emploi, et elles continueraient de souffrir d'un manque de nourriture ou de logement, mais elles n'auraient pas ce système de transfert économique sur lequel s'appuyer.
Nous sommes en fait en train de mener dans nos grandes villes une vaste expérimentation fiscale. Et la ville de Toronto n'est pas seule dans cette situation. Les mêmes conditions valent pour Montréal, Vancouver et de nombreuses plus petites villes du pays. Nous sommes en train de mener une énorme expérience fiscale. Nous savons en fait ce que donnerait cette expérience dans le contexte d'un nouveau fléchissement économique: la réponse est que les choses iraient très très mal pour nos grandes villes et collectivités.
Nous sommes en train de finaliser un rapport qui comportera et une analyse du problème et un ensemble de recommandations pour le gouvernement fédéral, la province de l'Ontario ainsi que les municipalités de la région du Grand Toronto. Bien que n'étant pas un organisme national, nous avons tenté de tenir compte des ramifications des politiques nationales à l'échelle du pays. Ce que nous recommandons donc aujourd'hui, et ce que nous recommanderons dans notre rapport final au gouvernement fédéral, est un ensemble de politiques dont nous pensons qu'elles seraient tout à fait efficaces au Québec, dans l'Ouest, dans les provinces Maritimes et dans les petites et grosses collectivités, et qui viendraient en fait appuyer ce qui doit être fait dans les grosses agglomérations comme Toronto.
Nous avons, dans notre analyse, commencé par nous pencher sur la catégorie des personnes qui travaillent pour un revenu et constaté qu'à l'heure actuelle, en Ontario, le quart de tous les emplois paient moins de 10 $ de l'heure. Ce sont des emplois mal rémunérés. Une très grosse partie de la population active occupe donc des postes qui constituent pour la plupart un défi sur le plan économique, et cette situation va se maintenir dans un avenir prévisible. Bien sûr, cela ne tient pas compte des nombreuses personnes qui sont à un moment ou à un autre au chômage.
 (1230)
L'Ontario compte en tout quelque 600 000 adultes actifs vivant dans des ménages à faible revenu. Ce sont sur eux que nous nous sommes concentrés dans notre analyse, mais une situation semblable existe dans d'autres provinces.
L'important, en ce qui concerne ces 600 000 adultes faisant partie de ménages à faible revenu, est que s'ils vivent où que ce soit en région urbaine, quelle que soit la taille de la ville, ils ont du mal à joindre les deux bouts. Je pense que vous avez déjà entendu aujourd'hui, et que vous continuerez d'entendre, d'autres témoignages en ce sens — des témoignages très personnels qui sont, je pense, très importants dans le contexte de vos délibérations.
En ce qui concerne, maintenant, le cadre stratégique, — et notre mémoire traite de façon plus détaillée de notre rapport, qui devrait sortir d'ici la fin de l'année — il pourrait, pour ce qui est de l'Ontario, être très simplement résumé de la façon suivante. Le premier palier du filet de sécurité sociale est essentiellement l'assurance-emploi. Lorsqu'une personne perd son emploi, elle se tournera logiquement, pour commencer, vers l'AE. Aujourd'hui, seuls 38 p. 100 des Canadiens qui se retrouvent sans emploi sont couverts par l'AE, comparativement à 74 p. 100 il y a tout juste une décennie. Mais à Toronto, le chiffre pour la région du Grand Toronto est de 22 p. 100. Nous n'en sommes pas revenus lorsque notre analyse a fait ressortir cela.
En d'autres termes, dans la région du Grand Toronto, quatre sur cinq personnes qui se retrouvent chômeurs passent littéralement à travers les mailles du filet de sécurité. Seul un chômeur sur cinq se fait rattraper par le filet.
Vous êtes donc passé à travers le filet. Vous faites partie des 80 p. 100 de personnes qui deviennent chômeurs dans la région du Grand Toronto. Alors que faites-vous? Si vous avez besoin d'aide, vous recourez au régime d'assistance sociale, et la première chose que vous devez faire c'est réduire l'ensemble de vos biens, car vous n'êtes admissible à l'aide sociale qu'à partir du moment où vous n'avez plus en votre nom que des avoirs de moins de 600 $. C'est ainsi que le deuxième palier du filet de sécurité n'est pas un filet, mais bien un grand trou dans lequel vous plongez tout droit. Et lorsque vous essayez de vous sortir de ce trou, c'est alors que vous êtes confronté à tout un tas d'entraves mises en place par notre régime d'aide sociale provincial.
Certains de ces éléments ont été instaurés avec les meilleures intentions du monde: c'est le cas, par exemple, des prestations de soins de santé et dentaires et d'autres choses encore qui, lorsque vous êtes assisté social, deviennent des pièces maîtresses à l'appui du côté social de votre famille, mais sont aussi des obstacles très réels à votre réintégration du marché du travail. En fait, l'une des analyses qui m'a le plus étonné, moi qui viens du milieu des affaires, et qui a d'ailleurs étonné la plupart des gens d'affaires membres de notre groupe de travail, est une analyse faite par la Banque Toronto-Dominion et rendue publique il y a environ un mois — nous pourrons vous la fournir — et qui portait sur le taux d'imposition effectif marginal de la personne qui quitte l'assistance sociale pour accepter un emploi au salaire minimum. Ce taux est en définitive de plusieurs milles pour cent. En d'autres termes, vous perdez plusieurs fois votre revenu si vous quittez les rangs des assistés sociaux pour accepter un emploi au salaire minimum, ce du fait des prestations qui vous sont retirées et des impôts qu'il vous faudra payer.
Nous avons donc créé en Ontario un système très irrationnel — et je suis heureux de dire que certaines des autres provinces ne sont pas tout à fait aussi irrationnelles — , jalonné d'entraves, à un point tel qu'il est très difficile pour les gens de s'arracher au bien-être social pour aller travailler, ce qu'ils veulent faire.
Ce que j'aimerais faire maintenant c'est céder le micro à Susan Pigott, pour qu'elle pousse un petit peu plus loin l'analyse du problème. Je bouclerai ensuite avec nos recommandations.
Le président: Permettez que je vous aide là-dessus: je préférerais que vous boucliez, à moins qu'elle ne puisse le faire.
Mme Susan Pigott (coprésidente, Directrice générale de St. Christopher House, Modernizing Income Security for Working Age Adults): Je vais régler votre problème. Étant donné votre horaire serré, le fait que mon collègue ait fait un si bon travail et le fait qu'en tant que travailleuse sociale chevronnée je suis ravie d'entendre un membre bien en vue du monde des affaires torontois faire une analyse si juste de la situation, je ne vais rien en dire de plus. Je vais tout simplement rendre la parole à David pour qu'il passe très rapidement en revue nos recommandations, avant que nous ne manquions de temps.
M. David Pecaut: Je vous promets que je ne vous ferai plus jamais cela, Susan.
Les recommandations, très simplement, sont très profondes mais très ciblées. Nous croyons que le gouvernement fédéral, avec sa capacité fiscale et utilisant le régime fiscal fédéral, pourrait créer un tout nouveau crédit d'impôt remboursable intégré pour l'ensemble des Canadiens. Il comporterait deux volets. Le premier serait un crédit d'impôt remboursable de jusqu'à 1 800 $ par an, à la portée de tous. Il s'agirait du premier palier de sécurité du revenu au pays avant que ne s'enclenche le bien-être social ou quoi que ce soit d'autre. Son introduction se calquerait sur celle de la prestation nationale pour enfants.
Viendrait s'ajouter à cela un supplément de revenu pour les petits salariés, qui servirait à porter le revenu d'une personne travaillant à temps plein, au salaire horaire minimum, à au moins celui du plus pauvre des personnes âgées du pays, soit environ 14 500 $. À l'heure actuelle, si vous travaillez à temps plein au salaire minimum aux heures offertes, qui totalisent en général 31 heures par semaine, vous n'approcherez jamais de ce niveau.
Il me semble que bien que ce ne soit pas forcément le niveau qu'il nous faille viser pour le long terme, ce serait là une première étape très parlante et très utile. Ce crédit d'impôt serait conçu de façon à en aplanir l'incidence côté taux d'imposition marginal et c'est à partir de 21 600 $ que commenceraient à tomber certaines des autres choses, comme par exemple la PNE. Cela aiderait à établir un cadre de revenu égalitaire pour les gens.
Nous proposons en outre un certain nombre d'autres initiatives plus ciblées, visant l'AE et ainsi de suite. Mais c'est là notre principale recommandation.
 (1235)
Le président: Merci, monsieur Pecaut.
C'est maintenant au tour d'Aide juridique Ontario. Allez-y, je vous prie.
Mme Janet Leiper (présidente, Aide juridique Ontario): Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité. Bonjour, and good afternoon.
Nous sommes ici aujourd'hui car il y a un besoin croissant d'aide juridique en matière civile au Canada. Il y a également une plus grande sensibilité à la nécessité d'offrir de l'aide juridique en matière civile. Il existe à l'heure actuelle à l'échelle du pays des différences régionales dans la façon dont l'aide juridique en matière civile est offerte, mais il n'y a pas une seule collectivité au pays qui ne compte pas des résidents ayant besoin de services d'aide juridique en matière civile.
Les ruptures de mariage, le chômage et les maladies débilitantes ne respectent aucune frontière. Ce sont là des sources de souffrance humaine qui amènent les gens à avoir besoin d'aide pour obtenir remplacement du revenu, sécurité de logement et conseils. Nous avons beaucoup de chance au Canada, car nos lois, notre Constitution défendent toutes nos valeurs canadiennes et le filet de sécurité sociale dont David a si éloquemment parlé.
Si votre usine ferme, il y a l'assurance-emploi. Si vous êtes un locataire vulnérable, vous ne pouvez pas être expulsé injustement de votre logement. Si vous divorcez, les besoins de vos enfants seront examinés par un tribunal dans le cadre d'une instruction équitable. Mais qui parle au nom des handicapés, des malades, des analphabètes et de ceux qui ne connaissent pas le langage des tribunaux? L'aide juridique en matière civile donne de la vie tout l'entrelacs de règlements, de lois et de procédures. C'est la clé qui ouvre la porte pour un si grand nombre de personnes.
Pourquoi en avons-nous besoin? Nos lois sont de plus en plus complexes et nos clients, qui ont les besoins les plus grands, font souvent face à de nombreux problèmes qui s'enchaînent et se chevauchent. Ils ont besoin d'aide pour démêler les effets de ces problèmes.
Cet état de choses est très bien décrit par Erin Murray, une jeune étudiante à l'Université de Toronto, qui poursuit des études de droit ainsi qu'une maîtrise en travail social. L'été dernier, Erin a travaillé dans une clinique juridique étudiante financée par le Fonds d'aide juridique et administrée par l'Université de Toronto. Elle a travaillé avec des clients dans la division des droits de l'enfant.
Voici ce qu'elle a dit:
... cela m'a encore plus ouvert les yeux à la réalité quotidienne des personnes vivant dans la pauvreté dans cette ville. Ce qui m'a peut-être le plus frappée est la complexité de chacune de ces vies, et la façon dont les questions juridiques sont presque toujours entremêlées à d'autres questions, comme par exemple le sans-abrisme, l'abus de drogues et d'alcool, des problèmes de santé mentale et de violence familiale... Je n'ai cessé d'être étonnée de voir dans quelle mesure, s'agissant d'une affaire pénale ou de droit de la famille, il était également nécessaire d'explorer d'autres aspects de leur vie résultant de leur lutte contre la marginalisation sociale et la pauvreté. |
Ce sont là de précieuses leçons pour nous — et pour elle, en tant que future membre de cette profession et en tant que personne pouvant offrir des services aux vulnérables parmi nous.
En Ontario, nous avons pu offrir certains services d'aide juridique en matière civile par le biais d'Aide juridique Ontario. Nous sommes un système de prestation de services à modèle mixte. Cela veut dire que nous avons des avocats-conseil à l'interne qui offrent, par exemple, des services en droit de la famille. Nous émettons également des certificats que des clients peuvent aller porter à un avocat du secteur privé qui les représentera de façon traditionnelle. Nous avons une série de cliniques d'aide juridique communautaire, 79 en tout, éparpillées en Ontario, qui offrent des services de base en droit des pauvres: revenus de remplacement, conflits entre propriétaires et locataires, invalidité, conseils et renvoi. Ces cliniques sont rattachées à un vaste réseau d'autres organisations communautaires et elles offrent également des services d'éducation juridique publique.
Elles ne sont pas en fait tenues de représenter chaque personne qui franchit la porte, mais elles peuvent fournir renseignements, dépliants explicatifs et dire « Voici quels sont vos droits ». Nous avons une clinique spécialisée, appelée Justice for Children and Youth, qui distribue des petites cartes énumérant les droits dont jouissent les enfants et que ceux-ci peuvent garder dans leur poche — très original. Nous offrons également en Ontario des services civils de santé mentale pour ceux dont la liberté est assujettie à certaines restrictions.
Or, même ici dans cette province, où il se fait beaucoup de travail novateur en matière d'aide juridique et où l'on offre une gamme de services que l'on ne retrouve pas dans toutes les provinces, nous vivons nous aussi, comme le reste du pays, une croissance côté besoin et complexité des affaires. Nous voyons défiler devant nos tribunaux un nombre toujours croissant de personnes qui ne sont pas représentées. Le tribunal est un lieu où les gens doivent mettre de l'ordre dans leurs affaires, mais les litigants non représentés ralentissent le processus, le rendent plus lourd pour tout le monde, et c'est une expérience très angoissante pour ceux qui sont là sans être représenté par un avocat.
L'évolution démographique est en train de venir augmenter le bassin de personnes qui auront besoin d'aide juridique. Le nombre de personnes du troisième âge en Ontario va augmenter de 17 p. 100 au cours des cinq prochaines années, ce qui créera des besoins supplémentaires côté pensions d'invalidité, droits de pension, etc.
La juge en chef du Canada nous a lancé à tous le défi d'envisager les services d'aide juridique comme étant un service public essentiel. L'été dernier, elle a prononcé un discours à l'occasion d'une conférence de l'Association du Barreau. Elle a déclaré à l'assistance que les juges canadiens font état d'un nombre croissant d'affaires qui se déroulent sans l'aide d'un avocat-conseil. Le coût élevé de conseils juridiques, la disponibilité limitée d'avocats prêts à travailler bénévolement et l'aide juridique insuffisante demeurent autant de facteurs qui limitent l'accès public à une représentation juridique.
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L'aide juridique en matière civile s'inscrit dans une responsabilité partagée reconnue. J'écoutais le groupe précédent, et il y a eu une question au sujet de domaines de compétence. Le discours du Trône de septembre 2002 engageait le gouvernement fédéral à oeuvrer aux côtés des provinces en vue d'un renouveau de l'aide juridique afin que les Canadiens puissent avoir accès à une représentation par avocat. Il existe un solide engagement national à l'égard de la prospérité et de l'élimination de la pauvreté infantile, même à l'échelle internationale. Vous avez entendu d'autres parler des engagements internationaux que nous avons pris en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Il est important de se rappeler que non seulement l'aide juridique en matière civile réduit l'incidence de la pauvreté, mais elle peut aider les gens à dépasser cette dernière. Bien des fois, lorsque les gens divorcent, ils se trouvent plongés dans la période la plus financièrement difficile de leur vie, mais ils peuvent passer outre. Il y a une mère d'élève à l'école que fréquente mon enfant qui est passée par une période très difficile. Elle a été représentée par l'aide juridique. Elle n'aurait jamais eu les moyens de se payer un avocat, mais aujourd'hui elle travaille et elle se débrouille fort bien. C'est une histoire que l'on voit sans cesse répéter. Grâce à l'aide de nos services, les gens peuvent passer à autre chose dans leur vie. Nous le constatons chez des hommes qui sont blessés au travail et qui ont besoin de soutien du revenu et de services de réadaptation. Tous ces services sont le propre de communautés démocratiquement en santé.
Tout comme c'est le cas de l'aide juridique en matière pénale et pour les réfugiés, l'aide juridique en matière civile est véritablement une responsabilité partagée. Elle est partagée du fait de l'intérêt fédéral à l'égard de questions telles la situation des Autochtones, la pauvreté infantile, la situation de la femme, le divorce, l'assurance-emploi, et le logement. Elle est partagée du fait de l'intérêt provincial en matière de droits civils et de propriété et d'administration de la justice.
Un investissement fédéral substantiel dans l'aide juridique en matière civile est réellement une occasion à saisir. Différences régionales et valeurs communes ne sont pas incompatibles. Une aide juridique fédérale en matière civile pourrait bénéficier au Canada et à l'ensemble des Canadiens et constitue l'étape logique suivante dans le cadre d'un investissement qui a commencé avec des investissements dans les domaines pénal et de l'immigration. Une telle aide résulterait en des décisions meilleures, une confiance accrue dans nos tribunaux et une administration plus efficiente de la justice. Cela bénéficierait aux intéressés et à tous les Canadiens qui souhaitent que nos institutions soient efficaces, tant en principe que concrètement.
Vous trouverez exprimées dans notre documentation les voix de trois clients. Je vais vous en livrer encore une autre, trouvée dans le numéro de cette semaine d'Ottawa Xpress sous le titre « An SOS from the courts » (Un SOS des tribunaux). C'est l'histoire de Sherry Phillips, une mère chef de famille monoparentale de 39 ans, qui a été frappée d'un trouble nerveux. On lui a annulé son assurance-invalidité et ses prestations au titre du RPC, dont elle avait besoin pour vivre, et elle s'est pour la première fois de sa vie trouvée obligée de recourir au bien-être social. Elle décrit dans l'article le stress qu'elle a vécu et qu'elle a trouvé presque insupportable. Fort heureusement, elle a pu obtenir de l'aide auprès de l'une de nos cliniques d'aide juridique communautaire à Ottawa, et elle a réussi. Elle n'aurait pas pu le faire sans aide.
Nous ne pouvons que conclure en citant des paroles prononcées par l'honorable Roy McMurtry, juge en chef de l'Ontario:
Nous vivons dans une société hautement sophistiquée avec un sens hautement développé de la nécessité d'interventions positives pour protéger les droits et libertés fondamentaux des défavorisés et veiller à ce qu'il y ait un accès permanent aux droits et libertés dont nous disons qu'ils sont essentiels à une société civile, compatissante et juste. |
L'aide juridique est peut-être le plus important mécanisme dont nous disposions pour transformer en réalité le rêve de droits égaux. En effet, nos lois et libertés ne seront jamais qu'aussi fortes que la protection qu'elles confèrent aux membres les plus vulnérables de la société.
Merci.
Le président: Merci, madame Leiper.
Nous allons maintenant entendre Mme Heineck, de la Coalition ontarienne pour l'amélioration des services de garde d'enfants.
Mme Kira Heineck (directrice générale, Coalition ontarienne pour de meilleurs services de garde d'enfants): Bonjour. Merci de nous donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui.
La Coalition ontarienne pour l'amélioration des services de garde d'enfants a été fondée en 1981. Nous plaidons la cause de services de garde d'enfants réglementés, universellement accessibles, sans but lucratif et de qualité élevée pour la province de l'Ontario et le Canada. Depuis notre création, en notre qualité d'organisation d'intervention non partisane, nous pressons les gouvernements qui se sont succédés d'apporter des améliorations aux services de garde d'enfants dans l'intérêt des enfants et des familles, ce encore une fois à l'échelle et de la province et du pays.
Comptent parmi nos membres des représentants de plus de 500 organisations issues de nombreux secteurs ainsi que de programmes et de groupes de garde d'enfants communautaires de partout dans la province. Nous sommes par ailleurs membres de l'Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfant (ACPSGE) et je suis la représentante ontarienne de notre organisation au sein de son conseil.
La coalition définit l'apprentissage précoce et la garde d'enfants comme étant un programme non obligatoire qui appuie le développement et l'apprentissage optimal des enfants âgés de zéro à 12 ans, et qui permet en même temps aux parents de travailler, d'étudier, de s'occuper d'autres membres de leur famille et de participer à leur collectivité. Il fournit également soutien et ressources pour aider les parents à devenir des participants actifs dans l'apprentissage précoce de leurs enfants et favorise l'égalité des femmes.
L'exposé que nous allons vous faire aujourd'hui s'inspire d'un mémoire qu'a soumis l'ACPSGE au Comité permanent des finances de la Chambre des communes. Nous approuvons et endossons intégralement sa reconnaissance du fait que le Canada commence à progresser en matière d'apprentissage et de soins en bas âge et nous tenons à féliciter tous ceux qui ont joué un rôle en ce sens. Je pense qu'il est très important de reconnaître que nous vivons une période excitante qui présente des possibilités réelles en matière d'apprentissage et de soins pour les enfants en bas âge et que tous devraient y être sensibles. Il y a quelques années à peine, nous venions à ces audiences de comité pour parler de la nécessité de commencer à investir dans les services d'apprentissage et de garde destinés aux jeunes enfants au niveau fédéral, alors il est très enthousiasmant de venir ici aujourd'hui vous parler de ce que nous pouvons maintenant faire de ces investissements pour les améliorer.
Nous voyons aujourd'hui en Ontario les bienfaits découlant des récents engagements fédéraux. Nous avons constaté la création de plus de 800 nouvelles places en service de garde d'enfants réglementé au cours des derniers mois seulement et il est prévu que 25 000 nouvelles places soient créées d'ici la fin de l'année 2007. Nous n'en sommes encore qu'aux débuts, mais il s'agit là d'un très important premier pas.
L'Ontario compte aujourd'hui 1,2 million d'enfants âgés de moins de 12 ans dont la mère fait partie de la population active, mais il n'y a que 200 000 places en service de garde réglementé. Cela veut dire que nous ne couvrons à l'heure actuelle qu'environ un enfant sur dix qui aurait besoin de services de garde. Autre indicateur de la situation actuelle en Ontario, 74 p. 100 des mères ayant des enfants âgés de trois à cinq ans font partie de la population active. C'est pourquoi nous insistons ici aujourd'hui sur la façon dont les services de garde d'enfants peuvent contribuer à la croissance de la productivité canadienne. Nous pensons que les services de garde d'enfants sont une solution dans au moins deux des volets dans lesquels le comité permanent dit qu'il importe d'agir, soit le capital humain et le capital physique. Je vais m'attarder un petit peu là-dessus.
Pour ce qui est d'investir dans le capital humain, nous pensons que l'amélioration de la croissance de la productivité au Canada exige une main-d'oeuvre qualifiée. Il a été prouvé que des services de garde d'enfants accessibles, abordables et de qualité élevée favorisent l'acquisition de compétences liées au marché du travail, la formation et l'apprentissage continu, surtout chez les femmes. Les services de garde d'enfants favorisent bien sûr également le développement d'une main-d'oeuvre hautement qualifiée pour l'avenir.
Il n'y a aucun doute qu'il y a un écart entre les places disponibles et le nombre d'enfants dont la mère fait partie de la population active. Je vous ai dit à quoi ressemble la situation en Ontario; au Canada, le chiffre est d'environ 15 p. 100. Nous ne disposons que de suffisamment de places pour environ 15 p. 100 des enfants — exception faite du Québec, bien sûr.
La productivité du Canada dépend largement des mères actives avec de jeunes enfants, qui contribuent annuellement 53 milliards de dollars au PIB du Canada. Cette dépendance ne fait qu'augmenter du fait des pénuries de main-d'oeuvre qualifiée qui avaient été largement prédites, fait que le comité permanent ici réuni a reconnu en demandant aux répondants de songer à des mesures qui pourraient être prises pour encourager les citoyens à s'engager dans le travail plutôt que dans les loisirs et à investir dans l'acquisition continue du savoir. Je pense qu'il est instructif de se rappeler les paroles prononcées plus tôt cette année par David Dodge, gouverneur de la Banque du Canada: la première étape en vue de l'amélioration des compétences est de bâtir une excellente infrastructure pour le développement des jeunes enfants. Nous ne saurions être davantage d'accord.
L'investissement dans le capital physique est lui aussi important. Investir dans le capital physique sous forme de services de garde d'enfants communautaires, comme d'écoles et de bibliothèques, contribue à faire en sorte que les collectivités soient accueillantes. Des services de garde d'enfants inclusifs et intégrés dans les communautés véhiculent des valeurs d'harmonie sociale, économique, culturelle, ethnique et d'égalité des sexes, valeurs auxquelles les Canadiens attachent de l'importance. Ils contribuent à établir l'équité entre tous les enfants et peuvent aussi servir de main tendue aux Néo-Canadiens, en appuyant leur participation à la société et en favorisant le respect de leur patrimoine et de la culture des autres.
En plus d'être accessibles, inclusifs et de qualité élevée, les services de garde d'enfants doivent être liés à d'autres services de soutien communautaires financés par les deniers publics, comme la santé et l'éducation — et nous sommes très heureux de constater que c'est cette orientation qui a été choisie par l'Ontario avec son programme Meilleur départ — et correspondre aux besoins et priorités de la collectivité.
Selon l'information disponible, le meilleur moyen d'atteindre tous ces objectif est de s'engager à élargir les services de garde d'enfants dans le secteur sans but lucratif; or, de nombreuses collectivités au pays ne disposent pas des moyens requis pour planifier et offrir de tels services communautaires. Nous recommandons donc l'établissement de ressources et de mécanismes de soutien ciblés réservés au développement de cette importante infrastructure communautaire dans le cadre de l'initiative fédérale.
 (1245)
Bien que l'investissement public dans les services de garde à l'enfance passe par les dépenses de programme — et nous en traitons directement dans nos recommandations — la façon dont ces deniers publics sont dépensés est elle aussi d'une importance primordiale. Des régimes efficaces d'apprentissage et de garde destinés aux jeunes enfants ne seront possibles que dans le contexte d'une solide stratégie publique, et la superposition de nouveaux crédits sur la mosaïque actuelle ne livrera pas les résultats voulus pour les enfants et les familles, ni ne produira les rendements économiques escomptés.
Il est deux questions importantes. Il y a, tout d'abord, le financement public direct, en d'autres termes le financement direct au programme de garde d'enfants. Nous croyons que c'est là le meilleur moyen d'établir des liens clairs entre investissement public et résultats publics. Bien sûr, les services de garde d'enfants doivent s'appuyer sur une approche universelle.
Une action ciblée sera toujours requise dans certaines communautés pour minimiser, bien sûr, les obstacles à l'accès. Cependant c'est une assise universelle qu'il importe d'établir en tout premier lieu, sans quoi les critères utilisés en vue de la distribution des fonds publics aux enfants et aux familles à risque passeront toujours, à plusieurs égards, à côté de la cible. Je me ferais un plaisir de vous entretenir davantage de cela pendant la période des questions.
Enfin, des approches ciblées ne régleront rien au fait que des services de garde d'enfants de qualité ne sont pas à la portée de la majorité des familles ayant de jeunes enfants. En Ontario, selon l'endroit où vous vivez et l'âge de votre enfant, il peut vous en coûter jusqu'à 10 000 $ par an pour une place dans un service de garde d'enfants de qualité. Les adultes citent souvent le coût des services de garde d'enfants comme étant l'une des principales raisons pour lesquelles ils tardent à avoir des enfants ou alors en font moins, ce qui contribue au recul du taux de natalité du Canada.
Je vais maintenant rapidement résumer nos recommandations. Elles s'inscrivent dans deux volets, le premier étant la politique publique et la reddition de comptes. J'aimerais sous cette rubrique insister sur la recommandation voulant que l'on élabore une loi veillant à ce que tous les enfants canadiens aient accès à des services d'apprentissage et de garde de jeunes enfants de qualité au sein de leur collectivité et à ce que le secteur sans but lucratif prenne de l'expansion. Ce sont là les deux éléments que nous aimerions voir enchâsser dans une loi fédérale. Nous aimerions également voir renforcer les exigences en matière de reddition de comptes publique aux niveaux provincial et territorial en vue de l'inclusion du dépôt de rapports publics devant les assemblées législatives.
Pour ce qui est de l'investissement public, nous pensons que le gouvernement fédéral devrait augmenter son actuel engagement financier. Ce financement doit être maintenu à long terme et des ressources et soutien supplémentaires sont nécessaires pour répondre aux besoins des Autochtones ainsi que des régions rurales et isolées et pour bâtir des services destinés aux enfants d'âge scolaire. Vous n'êtes sans doute pas sans savoir que l'actuel plan fédéral ne vise que les enfants âgés de zéro à six ans.
L'objectif est de porter le financement annuel pour la garde d'enfants consenti aux provinces et aux territoires à 5 milliards de dollars d'ici cinq ans et à 10 milliards de dollars d'ici 15 ans. Si l'on se sert de l'actuel financement de 925 millions de dollars comme base, il faudra augmenter annuellement d'environ 900 millions de dollars, sur plusieurs années, le financement fédéral. Cela résulterait en un engagement fédéral de l'ordre de 1,825 milliards de dollars en 2006.
Merci beaucoup.
 (1250)
Le président: Merci, madame Heineck.
Nous allons maintenant entendre, pour le compte de Watson Wyatt Worldwide, M. Markham...?
Mme Laura Samaroo (conseillière en régime de retraite, Watson Wyatt Worldwide): C'est en fait moi qui vais commencer. Je ferai appel à un moment donné à Keith Horner, et ce sera ensuite Ian qui sera à votre disposition pour répondre à vos questions.
Le président: Il n'en demeure pas moins que vous ne disposerez que de sept minutes.
Mme Laura Samaroo: Nous ferons vite.
Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité. Merci de l'occasion qui nous est ici donnée de comparaître devant vous.
Notre démarche consiste à proposer un modeste changement fiscal destiné à favoriser un meilleur financement des régimes de retraite complémentaires et, ce faisant, à contribuer à un accroissement de la productivité au Canada. Ian Markham et moi-même représentons les services de conseil en matière de retraite de Watson Wyatt Worldwide, un cabinet-conseil international. Keith Horner, conseiller indépendant possédant plus de 20 années d'expérience à la Direction de la politique de l'impôt du ministère fédéral des Finances, a collaboré avec nous à l'élaboration de cette proposition.
Je tiens à préciser que notre proposition a fait l'objet d'un communiqué spécial de Watson Wyatt, publié le 2 mai 2005. Nous avons résumé ce communiqué dans le mémoire présenté au comité le 1er septembre dernier. Dans ce même communiqué, nous avions invité les employeurs à nous faire part de leurs réactions face à la modification fiscale proposée.
Je vais maintenant demander à Keith Horner de vous exposer notre proposition et d'en décrire l'incidence prévue.
M. Keith Horner (consultant, Watson Wyatt Worldwide): Merci, Laura.
Notre proposition concerne le traitement fiscal accordé aux régimes de pension complémentaires. Ces régimes offrent des prestations en sus de celles qui sont disponibles en vertu des régimes de pension agréés ou RPA. La plupart des employeurs offrant un régime de pension agréé offrent également des régimes complémentaires, ce en partie pour compenser le fait que les plafonds des régimes agréés autorisés par la loi les régissant sont beaucoup moins élevés au Canada que dans d'autres pays auxquels nous livrons concurrence dans notre recherche de travailleurs hautement qualifiés.
Par exemple, en 2005, les plafonds pour les régimes enregistrés au Canada sont inférieurs d'environ 60 p. 100 à ceux en vigueur aux États-Unis et au Royaume-Uni. En conséquence, les régimes complémentaires sont un élément essentiel dans la compétitivité des conditions de rémunération offertes au Canada.
En vertu des règles fiscales, les prestations de retraite complémentaires peuvent être offertes de deux façons. La première méthode est celle d'une base non provisionnée, dans un cadre de répartition. La deuxième est une base provisionnée par anticipation, au moyen de cotisations à une convention de retraite. Je souligne en passant que les fonctionnaires — et j'en étais — et les députés sont visés par une convention de retraite. Vous n'êtes peut-être pas au courant; c'est une chose très technique. La convention de retraite, ou CR, est définie dans la Loi de l'impôt sur le revenu. Lorsqu'il a été instauré en 1986, le régime des CR avait pour objet de permettre le provisionnement des prestations complémentaires mais sans offrir les avantages du report d'impôt qu'offre l'épargne dans les RPA et les REÉR.
La mécanique d'une CR est la suivante. Les cotisations à une CR, comme les autres formes de rémunération, sont déductibles pour l'employeur. Par contre, une taxe spéciale de 50 p. 100 est appliquée aux cotisations et au revenu de placement gagné chaque année. Cette taxe spéciale est remboursée à mesure que les prestations sont versées. Les prestations sont alors imposées à titre de revenu ordinaire du participant.
À cause de ces règles assez complexes, le rendement après impôt de l'épargne investie dans une CR correspond à peu près à la moitié du rendement avant impôt; par exemple, si le rendement avant impôt est de 8 p. 100, le rendement après impôt est alors de 4 p. 100.
Le problème que nous aimerions voir régler est le suivant: à 50 p. 100, le taux de la taxe sur les CR est bien plus élevé qu'il ne le faut pour supprimer les avantages du report d'impôt. Il était déjà élevé au moment de l'instauration du régime en 1986, mais il l'est beaucoup trop aujourd'hui, maintenant qu'on a sensiblement réduit les taux d'imposition sur le revenu de placement des particuliers et sur le revenu des sociétés.
Pour vous donner un ordre de grandeur, dans son estimation de la valeur actualisée des dépenses fiscales liées à l'épargne investie dans les RPA et les REÉR, le ministère des Finances utilise un point de référence. Si l'on utilise ce même point de référence et vise un taux d'imposition neutre des fonds de pension complémentaire, le taux serait d'environ 31,4 p. 100 au lieu de 50 p. 100. Un tel niveau assurerait un traitement fiscal neutre, et notre proposition consiste simplement à ramener l'actuel taux d'imposition sur les CR de 50 p. 100 à ce taux d'environ 31,4 ou 33 p. 100. Nous sommes conscients des enjeux transitoires concernant l'incidence de cette modification applicable aux CR existantes, mais nous laissons cet aspect aux bons soins du ministère des Finances.
Quels avantages cela procurerait-il? En bref, pour les employeurs comme pour les employés, la baisse du taux d'imposition des CR réduirait les coûts qui, à l'heure actuelle freinent la productivité. Les entreprises qui utilisent à l'heure actuelle les CR pour provisionner les pensions complémentaires verraient une réduction des coûts de main-d'oeuvre qui font qu'elles sont à l'heure actuelle moins concurrentielles.
La principale conséquence de la taxe élevée sur les CR est cependant que peu d'employeurs, dans le secteur privé surtout, provisionnent par anticipation leurs prestations de retraite complémentaires. En gros, les CR ne sont guère utilisées sauf dans le secteur public, où les coûts sont moins une préoccupation.
 (1255)
Un récent sondage de Watson Wyatt a révélé que seuls 21 p. 100 des employeurs offrant des régimes de retraite complémentaires provisionnent leur CR. Les promesses de prestations non provisionnées sont nettement risquées pour les employés et cela occasionne des coûts divers. Dans certains cas, les employeurs ne peuvent tout simplement pas embaucher les employés qu'ils voudraient du fait du risque. Dans d'autres cas, ils doivent bonifier le salaire pour compenser le risque lié au régime de retraite.
Le résultat net de ces effets est que le taux d'imposition inutilement élevé des CR est tel qu'il est plus difficile pour les employeurs canadiens d'attirer et de garder les gestionnaires et les autres employés hautement qualifiés dont ils ont besoin pour être concurrentiels et pour innover et croître.
Comme le sait le comité,la recette de l'augmentation de la productivité au Canada repose sur une main-d'oeuvre et des cadres hautement qualifiés. La réduction du taux d'imposition des CR contribuerait à la réalisation de cet objectif. Cela augmenterait par ailleurs l'épargne disponible pour appuyer l'investissement national en encourageant les gens à faire davantage d'économies.
J'aimerais conclure en disant que Watson Wyatt a utilisé cette note de service spéciale qu'a mentionnée Laura pour sonder les employés l'été dernier quant à leur réaction à un tel changement. Ce sondage a révélé que la majorité des employeurs augmenteraient leur provisionnement de leurs régimes de retraite complémentaires si le taux d'imposition était modifié. Certains employeurs amélioreraient également leurs prestations de retraite et augmenteraient l'admissibilité à ces dernières.
Nous convenons que la réduction du taux d'imposition des CR entraînerait une certaine baisse des recettes publiques, du moins à court terme. Nous ne sommes pas en mesure d'en évaluer précisément le coût, mais nous sommes convaincus qu'il serait faible et qu'il serait largement compensé par les avantages économiques à long terme de la mesure proposée.
Merci beaucoup.
· (1300)
Le président: Merci, monsieur Horner.
Nous allons passer tout de suite aux questions des membres du comité.
Je tiens à rappeler aux témoins que les députés ne disposent que de cinq minutes pour poser leurs questions, et cela inclut les réponses. Si vous pouviez vous en tenir à des réponses brèves, les députés vous en seraient reconnaissants, car cela leur permettrait de poser davantage de questions.
Monsieur Penson, êtes-vous prêt?
M. Charlie Penson (Peace River, PCC): Merci, monsieur le président.
J'ai trois questions, une pour chaque groupe. Avec cinq minutes pour les questions et les réponses, je ne suis pas convaincu que cela fonctionne...
Monsieur Horner, vous avez dit qu'il y a un taux d'imposition de 50 p. 100 et qu'il y a par la suite remboursement dès le début du versement de prestations. Quel est le problème? Expliquez-moi pourquoi c'est un problème — aussi rapidement, mais avec autant de précision, que cela vous est possible.
M. Keith Horner: Il faudrait faire tous les calculs, mais, comme je l'ai mentionné, si vous prenez le taux de rendement des économies investies dans le régime, s'il est, par exemple, de 8 p. 100, si vous placiez donc de l'argent dans un REÉR, une fois tous les impôts payés, vous auriez un taux de rendement de 8 p. 100. Et c'est là la subvention; en gros, il n'y a pas d'impôt sur le rendement.
Si vous investissiez ailleurs, avec un crédit d'impôt pour dividendes ou autre, vous verriez votre investissement imposé à un taux d'environ 31 p. 100. Avec la CR, vous payez des impôts d'environ 50 p. 100 sur votre rendement. En conséquence, cela n'est pas très intéressant pour...
M. Charlie Penson: Ce que vous dites, en gros, c'est que depuis son introduction en 1986, il y a eu un dérapage, et que pour que l'effet soit neutre, il faudrait que le taux soit de 31 p. 100.
M. Keith Horner: En gros, oui.
M. Charlie Penson: Très bien.
J'aimerais maintenant passer à Mme Leiper. J'aimerais savoir, premièrement, quel est le pourcentage du travail d'aide juridique qui est fait de façon bénévole et, deuxièmement, si vous avez une estimation de ce que coûterait la demande que vous faites ici aujourd'hui au comité.
Mme Janet Leiper: Je vais commencer par la première question. L'aide juridique n'est pas un service bénévole; il s'agit pour un avocat d'offrir un service juridique complet à un tarif de beaucoup réduit. Nous faisons un tout petit peu de travail bénévole... Il y a une tradition de travail bénévole au Barreau, mais nous avons également en Ontario une nouvelle organisation, appelée Pro Bono Law Ontario, qui sert les personnes qui ne seraient pas admissibles à l'aide juridique. Nous oeuvrons dans des volets très limités du droit. Si vous êtes un artiste, par exemple, avec peu ou pas de revenu et que vous avez besoin d'aide avec, disons, un contrat, alors il y aura peut-être, au sein du cabinet, des avocats spécialisés en droit des contrats et qui seraient prêts à vous offrir leurs services gratuitement.
M. Charlie Penson: Vous n'avez donc pas d'idée quant au pourcentage dont il serait question ici?
Mme Janet Leiper: S'agissant du volume des services bénévoles qui sont offerts?
M. Charlie Penson: Oui.
Mme Janet Leiper: S'agissant de services formels, cela représenterait moins de 10 p. 100. Nous servons près d'un million de personnes par an, et le mouvement de consultation juridique gratuite en Ontario est très petit et spécialisé.
M. Charlie Penson: Et votre estimation du coût de votre proposition?
Mme Janet Leiper: À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral consent environ 110 millions de dollars pour les volets pénal et revendication du statut de réfugié. Le coût annuel de l'aide juridique en matière civile à l'échelle du pays est évalué à environ 300 millions de dollars. Nous chercherions à obtenir environ le tiers de cela auprès du gouvernement fédéral.
M. Charlie Penson: Merci.
J'aimerais maintenant passer à M. Pecaut. Je vois dans votre proposition que vous parlez d'entre 600 000 et 1 million de personnes en Ontario qui appartiennent à cette catégorie de personnes à faible revenu. S'agissant d'essayer d'établir ce que coûterait votre proposition, quel chiffre utilisez-vous? Pourriez-vous nous donner une idée approximative du coût des première et deuxième propositions que vous nous avez recommandées?
M. David Pecaut: Oui. Nous sommes en fait justement en train de faire du travail de chiffrage très détaillé. Nous sommes ravis de l'engagement du ministère fédéral des Finances: dans le cadre d'un processus plutôt unique, nous lui fournissons en fait nos hypothèses et c'est lui qui fait le travail de modélisation à l'interne. Si vous le voulez, nous pourrions vous fournir une estimation très détaillée des coûts d'ici six semaines.
Nous prévoyons également que le remboursement de TPS soit enchâssé dans ce crédit d'impôt remboursable. À l'heure actuelle, seule une portion du remboursement de TPS — la majorité, mais non la totalité — va aux ménages à faible revenu, alors il y aura certaines économies d'impôt de ce côté-là. Il y aura également une épargne fiscale du fait de l'effet du marché gris, car tout le monde devra faire une déclaration d'impôt afin de pouvoir bénéficier de ces crédits, et c'est ainsi que seront intégrées au système des personnes qui ont certains revenus. Cela aura donc également des retombées positives.
Mais nous aurons une comptabilisation très détaillée d'ici six semaines environ.
· (1305)
M. Charlie Penson: Serait-il juste de dire que ce serait de l'ordre d'un milliard de dollars environ par programme?
M. David Pecaut: Cela va définitivement se chiffrer dans les milliards plutôt que dans les millions, mais nous croyons qu'il y aura également d'importants avantages sur les plans de l'économie et de la productivité, et nous allons eux aussi les chiffrer.
M. Charlie Penson: Avez-vous envisagé l'autre possibilité, qui serait d'augmenter l'exemption personnelle de base? Comme vous le savez, le seuil pour les versements d'impôt au fédéral est aujourd'hui de 8 700 $, et il va sous peu passer à 10 000 $. Si cette exemption était portée à 20 000 $, comment cela se comparerait-il à votre proposition?
M. David Pecaut: Il s'agit là d'une autre façon d'aborder le problème. La raison pour laquelle nous l'avons écartée est qu'il s'agit d'un instrument peu nuancé, et environ 80 p. 100 des avantages de l'augmentation de cette première tranche d'imposition reviendraient à des personnes qui ne sont pas à faible revenu. Si donc l'argent fédéral disponible est limité, comme nous supposons que c'est le cas, alors nous tenons vraiment à ce que soit ciblé ce quart des Canadiens qui sont véritablement des travailleurs à faible salaire ou des gens désireux de travailler.
M. Charlie Penson: D'un autre côté, lorsque vous envoyez de l'argent au gouvernement pour ensuite vous le faire rembourser, il se produit certaines fuites au passage, non?
M. David Pecaut: Il y en a toujours, mais dans ce cas-ci, je pense, en intervenant dans le cadre de la structure fiscale fédérale, vous obtiendriez une assiette fiscale très efficiente et qui, très franchement, pourrait ensuite être reproduite par les provinces. Je pense qu'il y a eu un appui assez intéressant en faveur de cette idée de la part de certaines provinces.
M. Charlie Penson: C'est une proposition intéressante, monsieur Pecaut, mais j'ai également entendu des gens de l'autre côté dire qu'ils préféraient que cet argent reste dans leur poche pour qu'ils puissent décider eux-mêmes quoi en faire, pour éviter toute fuite. Il y a donc différentes façons d'aborder la chose, mais je tiens à vous remercier de votre proposition.
M. David Pecaut: Merci. Et nous vous ferons parvenir ces estimations. Dès qu'elles seront prêtes, nous les enverrons au comité.
Le président: Le seul problème est qu'il nous faut déposer notre rapport d'ici le début du mois de décembre.
M. David Pecaut: Nous pensons en fait que les estimations devraient être prêtes d'ici là.
Le président: Oui, mais nous allons rédiger notre rapport au cours des deux prochaines semaines.
M. David Pecaut: Il est possible que nous ayons ces estimations à temps.
Le président: D'ici demain... peut-être?
Des voix: Oh! Oh!
M. Charlie Penson: J'ai 1 milliard de dollars pour le premier programme et 1,4 milliard de dollars pour le deuxième. Est-ce à peu près cela?
M. David Pecaut: Peut-être, lorsqu'on y ajoute le remboursement de TPS; ce n'est certainement pas moins que cela, mais nous vous reviendrons là-dessus.
Le président: Merci, monsieur Penson.
Madame Wasylycia-Leis.
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Nord, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à vous tous. Quel formidable aréopage et quelle masse de connaissances pour nous aider dans notre travail.
Je vais commencer par la question de la récupération. Il me semble, d'après ce que vous avez dit, que cette récupération est dépeinte comme étant quelque chose qui aidera les gens à réduire leur dépendance à l'égard de l'aide sociale, mais qu'en fait elle fait tout le contraire. Elle prend de l'argent aux assistés sociaux, argent qui pourrait peut-être les aider à s'arracher à l'aide sociale, car ils s'en servent pour couvrir les nécessités de la vie... et au lieu de cela, on prend cet argent et on l'investit dans les familles de travailleurs à faible revenu. Il s'agit donc en définitive d'une politique qui a l'effet contraire à l'effet recherché, n'est-ce pas?
Deuxièmement, pensez-vous que c'est également ce qui va se passer avec l'argent en provenance du remboursement de la taxe sur l'essence? Le projet de loi C-66 est ce projet de loi qui est censé remettre de l'argent aux familles à faible revenu pour compenser le coût élevé du carburant. Connaissez-vous un mécanisme qui pourrait empêcher qu'il y ait récupération de ce côté-là également?
Mme Sandy Shaw: Je pense qu'il s'agit d'outils d'intervention, et le problème est que l'on ne sait pas très bien à quoi ils vont servir. La PNE était censée pallier la pauvreté infantile, mais vient se rattacher à cela la notion qu'en récupérant de l'argent l'on pourra également encourager la participation à la population active. Nous croyons qu'il s'agit d'un bon instrument pour réduire la pauvreté chez les enfants. Il existe des preuves que la pauvreté infantile a reculé et une bonne partie des progrès ainsi réalisés ont été attribués à la prestation dont bénéficient certaines familles. Mais les familles assistées sociales ne reçoivent pas cette prestation.
Pour ce qui est de l'idée que cette récupération favorise la participation continue à la population active, nous n'y croyons pas. Comme vous l'avez dit, il existe des obstacles multiples et complexes à l'abandon de l'aide sociale par les familles en faveur d'une activité rémunérée, et ces incitatifs de type carotte et bâton ne sont pas très efficaces.
En ce qui concerne les remboursements de taxes sur l'essence et d'autres mécanismes de versement d'argent aux familles assistées sociales, je vais simplement vous raconter une histoire qui est arrivée récemment à Toronto. Une femme y a trouvé, enfermée dans des sacs, une quantité incroyable d'argent, quelque chose comme un demi-million de dollars. Elle a rendu l'argent et la banque lui a remis 2 000 $ à titre de récompense. Elle s'est tout de suite inquiétée du fait qu'elle était à l'assistance sociale et qu'elle ne serait donc pas autorisée à garder les 2 000 $.
Je trouve que c'est là un exemple parlant de ce que vivent les gens qui reçoivent de l'argent du gouvernement pour quelque chose d'une main et qui voient cet argent récupéré, repris par la main d'un autre palier de gouvernement pour quelque autre fin.
· (1310)
Mme Beverly Halls: Pour conclure, tout argent que vous recevez, même s'il s'agit d'un cadeau d'un ami, est considéré comme un revenu. Les provinces peuvent donc accorder de l'aide et les provinces la reprendre.
M. Greg deGroot-Maggetti: En réponse à la première question, au sujet de la Prestation nationale pour enfants, ce qui me frappe c'est que l'une des conclusions importantes du projet Modernizing Income Security for Working Age Adults est qu'en fait certains des obstacles majeurs à l'emploi pour les personnes désireuses de quitter les rangs des assistés sociaux sont des choses comme l'accès à des prestations d'assurance-maladie complémentaires, à des prestations d'assurance-maladie et à l'assurance dentaire. Vu que le parent qui garde sa prestation nationale pour enfants ne constate que très peu de différence dans son revenu, là n'est pas le plus gros obstacle. Les vrais obstacles ne sont donc pas tant du côté du revenu que du côté des prestations complémentaires.
Je vous soumets que toute l'hypothèse derrière l'autorisation de la récupération de la prestation nationale pour enfants repose sur une méconnaissance des obstacles à la transition de l'aide sociale à l'emploi.
Pour ce qui est de la question du remboursement de la taxe sur l'essence, j'imagine que la question que j'aurais est la suivante: le projet de loi précise-t-il que ce remboursement de taxe ne doit pas être compté comme un revenu aux fins du calcul des prestations d'aide sociale? Il me semble que ce serait très important que cela y figure.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Très bon conseil. Je ne pense pas que ce soit le cas, alors je vais surveiller cela.
Pendant que nous en sommes à la question de la réalisation d'une bonne analyse de tout ce cycle des personnes qui s'efforcent de régler leurs problèmes de sécurité financière et qui, comme beaucoup l'ont dit, souhaitent vraiment s'arracher au programme de sécurité du revenu — parce qu'elles veulent travailler — il me semble que l'une des façons d'y parvenir est de veiller à ce que soit en place un bon programme de garde d'enfants. Au moment même où nous sommes vraisemblablement sur le point de voir instauré un système national de garderie sans but lucratif, nous nous faisons bombarder par la droite, et tout particulièrement par les Conservateurs à la Chambre, qui prétendent que cela n'offre pas de choix aux femmes. La droite est en train de mener une dure lutte contre l'idée même d'un tel système.
Kira, vous pourriez peut-être simplement faire quelques commentaires là-dessus et essayer de démonter, une fois pour toutes, cette idée que l'on supprime le choix — au moins aux fins du compte rendu, car M. Penson n'est plus dans la salle.
Mme Kira Heineck: C'est une très bonne question, et je vous remercie de l'occasion que vous me donnez d'en traiter.
Il me faudrait cependant préciser au départ que la coalition appuie la suppression de la récupération. En Ontario, comme l'a souligné mon collègue, près de 60 p. 100 du Supplément de revenu de l'Ontario pour les familles travailleuses ayant des frais de garde d'enfants sont financés par l'argent ainsi récupéré, mais ce n'est pas pour autant que l'on peut dire qu'il s'agit de services de garde d'enfants. Ces versements de supplément ne sont assujettis à aucune condition, et ils peuvent servir à des services de garde d'enfants ou à autre chose. Nous ne les considérons pas comme étant un investissement provincial dans la garde d'enfants. Il s'agit d'un vestige de l'ancien gouvernement, et nous aimerions voir cela changer également.
Pour répondre à votre question, vous avez raison, il y a de ceux qui jugent que les besoins des familles en matière de garde d'enfants sont le mieux servis par des crédits d'impôt. Nous appuyons l'augmentation des investissements dans les différents mécanismes de soutien à la famille, y compris des programmes de congé de maternité et de paternité améliorés, mais un crédit d'impôt ne sert aucunement à bâtir un système. Il n'assure pas l'accès universel, qui est l'un des principes de base de l'actuel investissement fédéral dans les services de garde d'enfants. Les crédits d'impôt n'exigent pas non plus une reddition de comptes suffisante quant à la façon dont sont dépensés les deniers publics. Encore une fois, je trouve que l'exemple du Supplément de revenu de l'Ontario pour les familles travailleuses ayant des frais de garde d'enfants est très clair en la matière. Il s'agit d'une mesure fiscale destinée à satisfaire les besoins de garde d'enfants des familles, à offrir aux familles le choix quant à la façon dont elles veulent assurer la garde de leurs enfants, mais, encore une fois, elle n'assure pas que les services de garde d'enfants soient véritablement assurés par ce supplément.
Il y a bien sûr également, dans l'argument avancé par la droite, une supposition qu'il y a de nombreuses femmes et mères actives qui voudraient rester à la maison ou qui pourraient rester à la maison. Nous savons que là n'est pas la réalité de la plupart des familles au Canada. En fait, l'économie, comme je l'ai souligné dans notre mémoire — et d'autres, j'en suis sûre, ont dit la même chose avant moi — est extrêmement dépendante de la participation des femmes à la population active. Leur contribution annuelle au PIB se chiffre à plusieurs milliards de dollars. Si les femmes devaient toutes du jour au lendemain rester à la maison, nous en ressentirions les effets.
· (1315)
Le président: Ce ne sont pas que des femmes qui restent à la maison.
Mme Kira Heineck: Non, je suis d'accord avec vous. Je dis simplement que l'hypothèse...
Le président: Veillons à ce qu'il y ait une certaine égalité ici.
Merci, madame Wasylycia-Leis...
Mme Judy Wasylycia-Leis: N'avez-vous pas entendu que M. Loubier m'a accordé ses cinq minutes?
L'hon. Maria Minna: Non, je ne le pense pas.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Maria et moi-même devrions nous les partager entre nous.
Le président: Vous les partagez.
Madame Minna.
L'hon. Maria Minna: Merci.
Si vous voulez, vous et moi pourrions nous partager ses cinq minutes.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Oui, absolument.
L'hon. Maria Minna: Très bien. Bonne idée.
J'aimerais moi aussi revenir sur la question de la récupération, car en plus d'être un aspect de la question, c'est pour moi quelque chose de très personnel. J'étais l'une des huit députés d'un comité — baptisé le comité « faites payer les riches » — qui, en 1996, a lutté fort, a poussé fort et a fait du lobbying auprès de Chrétien pour établir cela. Je pense que cela a été officiellement établi, en vérité, en 1997 ou en 1998, mais l'impulsion initiale est venue lorsqu'on a augmenté de 250 millions de dollars le crédit d'impôt pour enfants. Le comité demandait 500 millions de dollars et le premier ministre d'alors s'était engagé à apporter une augmentation de 650 millions de dollars dans le budget suivant et de 850 millions de dollars par la suite, et c'est ainsi que cela a été établi.
Il me faut vous dire la colère que je ressens aujourd'hui à l'inclusion de la récupération, alors que nous avons enfin ce projet de lutte contre la pauvreté chez les enfants. Beaucoup de ce que l'on a vu résulte de pressions exercées par les provinces. Et je suis d'accord avec vous, je n'ai pas à dire qu'il nous faut éliminer cela: c'est déjà trop tard aujourd'hui, car il aurait fallu éliminer cela il y a bien longtemps. Je pense que ce devrait être là l'une de nos principales recommandations. Il faut que cela se fasse au plus vite.
J'aimerais m'adresser brièvement aux représentantes de la Fédération canadienne des femmes diplômées des universités et revenir sur les commentaires que vous avez faits au sujet du registre des armes à feu. J'ai beaucoup apprécié entendre vos propos car, je peux vous le dire, l'opposition officielle s'est engagée dans sa plate-forme à révoquer cette loi si le parti est élu. Je pense que mon collègue ici présent pourra vérifier cela pour nous. Je trouve que c'est une chose absolument et totalement inacceptable. Je pourrais vous entretenir dans le détail des raisons pour lesquelles ce parti veut faire cela, mais le député s'en chargera lui-même à un moment ou à un autre.
Je vous remercie donc de soulever cette question, car l'on n'en a pas parlé depuis longtemps, et il importe que les gens en fassent état.
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Mme Margaret McGovern: Puis-je faire un simple commentaire?
L'hon. Maria Minna: Oui.
Mme Margaret McGovern: Nous avons à ce sujet de très profondes convictions. Comme vous le savez, dès 1989, notre organisation a réagi très vivement au meurtre de ces 14 jeunes femmes à l'université. L'une des choses que je n'ai pas pu dire et que je ne parviens pas à comprendre est que, oui, je comprends que trop d'argent y a été consacré, mais le registre est maintenant en place, et il fonctionne bien. Même les chefs de police du Canada y sont favorables.
Je peux vous donner quelques statistiques intéressantes. En 1989, année de son établissement, 74 femmes ont été tuées par balle. En 2001, seules 32 femmes ont été tuées — c'est toujours trop, mais c'est moins de la moitié.
L'autre chiffre intéressant fourni par Statistique Canada est que seule la moitié des propriétaires d'armes à feu au Canada appuient le registre des armes à feu, mais que 77 p. 100 des personnes vivant avec eux y sont favorables. J'ai trouvé cela très intéressant.
L'hon. Maria Minna: Vous avez tout à fait raison, et je vous remercie d'avoir fait cette déclaration en public. C'est très juste.
J'ai beaucoup de questions. Tous les exposés ont été formidables, mais j'aimerais poser une question à M. Pecaut. Je suis vraiment ravie de voir le monde des affaires s'intéresser au dossier de la pauvreté.
J'ai siégé au conseil du bien-être en 1983, à l'époque de notre rapport sur les mythes et les réalités de l'État providence. Nous n'avions à l'époque pas fait appel au milieu des affaires, mais d'après ce que vous nous dites, les choses ne semblent pas avoir beaucoup changé.
J'aimerais comprendre un petit peu plus clairement le crédit d'impôt remboursable et les suppléments. Si je vous pose la question, c'est qu'au sein du comité de la politique sociale que je préside pour mon caucus il y en a beaucoup qui préconisent un seuil de 15 000 $ — en d'autres termes, si vous gagnez 15 000 $ ou moins, alors vous ne payez automatiquement pas d'impôt. Ce n'est pas la même chose que l'exemption personnelle, qui est accordée à tous; il s'agirait ici de vos revenus. Moi, je dis que le seuil pourrait être de 20 000 $, mais l'on pourrait de toute façon commencer par 15 000 $.
Premièrement, pourriez-vous me dire ce que vous en pensez? Deuxièmement, j'aimerais que vous m'expliquiez un petit peu mieux comment fonctionneraient le crédit d'impôt et le supplément de revenu.
M. David Pecaut: Il me semble qu'une des recommandations sur lesquelles se penche le comité ici réuni va dans le même sens.
L'hon. Maria Minna: En effet.
M. David Pecaut: Si l'on ne fait qu'augmenter l'exemption personnelle, alors la très grande majorité des avantages reviendront aux personnes à revenu supérieur ou en tout cas à des personnes qui ne sont pas pauvres.
L'hon. Maria Minna: Excusez-moi, mais il ne s'agit pas d'une exemption personnelle.
M. David Pecaut: Non, je sais. Si je vous comprends bien, ce que dit votre groupe et ce que nous disons visent les mêmes choses: votre groupe recommande qu'au départ toute personne gagnant moins de 15 000 $ n'ait à payer aucun impôt.
L'hon. Maria Minna: C'est exact.
M. David Pecaut: La raison pour laquelle nous avons conçu ainsi la chose est que cela aurait exactement cet effet-là sur le plan pratique, mais ce serait progressif, de façon à maintenir la progressivité relative du régime fiscal, d'un bout à l'autre, et à veiller à ce que la plus grosse partie de l'argent aille à ceux et celles qui gagnent le moins. Ainsi, les personnes qui gagnent le salaire minimum — vous savez, pour peut-être 70 ou 80 heures par mois — en bénéficieraient le plus.
Nous pourrions vous expliquer le fonctionnement plus dans le détail, si vous voulez, mais c'est là la logique qui sous-tend l'idée.
Les deux mécanismes seraient intégrés de façon invisible. En définitive, en faisant votre déclaration d'impôt, vous demanderiez les deux suppléments en même temps, c'est-à-dire le crédit d'impôt remboursable et le supplément de revenu. Nous avons travaillé avec les gens des Finances et ils pensent que cela pourrait être fait de façon très transparente. Comme je l'ai dit, cela viendrait compléter des initiatives de soutien semblables du côté des gouvernements provinciaux.
Mme Susan Pigott: Je pourrais peut-être ajouter une chose. Ce ne serait pas très différent, d'un point de vue technique fiscale, du modèle de SV/SRG que nous avons pour les personnes du troisième âge, et en vertu duquel vous avez une base, puis un supplément flottant. Nous estimons qu'il s'agit là d'un moyen très efficace et non stigmatisant de verser de l'argent aux personnes âgées.
Au fur et à mesure que le régime fiscal sera plus technologiquement en mesure de réagir aux circonstances personnelles changeantes des gens, nous pensons qu'il y aurait vraiment lieu d'examiner de plus près le potentiel du régime fiscal pour ces différentes choses.
L'hon. Maria Minna: J'approuve, bien sûr, le concept. Ce que l'on est en train d'envisager ici c'est l'introduction d'un supplément de revenu garanti, d'un revenu d'un genre ou d'un autre. Ce n'est pas comme cela qu'on l'appelle, mais c'est en gros... et je suis d'accord, je pense que nous visons la même chose; c'est tout simplement que nous l'abordons de façon légèrement différente. Je ne dis pas que l'une ou l'autre méthode est meilleure. J'aimerais cependant voir votre documentation, car je pense qu'il serait bon que je montre cela à mon comité.
Le président: Merci, madame Minna.
La Fédération canadienne des contribuables a comparu devant le comité, et je pense qu'elle nous a demandé de faire porter l'exemption de 10 milliards à 15 milliards de dollars. Je pense que le coût pour les Finances aurait été de l'ordre de 25 milliards de dollars. Si vous passez à 20 000 $, je pense que cela viendrait doubler le montant. C'est un montant incroyable. Je pense donc que le comité serait heureux de se pencher sur toute suggestion en la matière.
M. David Pecaut: Notre proposition coûterait beaucoup moins cher. Et pour répondre également à la question de M. Penson, il s'agit d'une façon très rentable de mettre de l'argent aux mains de...
Le président: Je tiens à remercier le groupe de témoins. Le temps dont nous disposons est limité, et cela est malheureux, mais c'est ainsi que doit se dérouler l'exercice auquel nous nous adonnons.
Merci encore du temps que vous nous avez accordé. Il nous faut clore cette réunion. Merci de vos exposés et bonne journée à tous.
La séance est levée.