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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 010 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 13 juin 2006

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    La séance est ouverte. C'est la séance numéro 10 du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
    Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous avons le plaisir, cet après-midi, de recevoir une délégation de l'Initiative des puissances moyennes. Au nom de mes collègues, je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie d'avoir bien voulu vous joindre à nous.
    Le comité a rencontré pour la première fois une délégation de l'Initiative des puissances moyennes en 1999, peu après avoir terminé un rapport important sur les politiques du Canada concernant la non-prolifération et le désarmement nucléaire. Malgré quelques divergences d'opinions, tous les membres du comité partagent l'objectif de réduire la menace des armes nucléaires. Il reste d'importants défis à relever à cet égard. Il y a eu des progrès dans la réduction du nombre d'armes nucléaires dans le monde, mais le nombre de pays qui possèdent ces armes a augmenté. De plus, le système destiné à empêcher d'autres pays de les obtenir doit être renforcé.
    Je sais que vous avez tous déjà témoigné devant ce comité et que vous apportez un vaste éventail d'expérience pertinente, que ce soit à la tête d'un gouvernement, au Parlement, dans la diplomatie sur le contrôle des armements ou au sein d'une ONG. Nous avons hâte d'entendre un résumé de vos observations, après quoi nous passerons aux questions.
    Nous avons de nouveau le plaisir d'accueillir au nombre de nos invités d'aujourd'hui, la très honorable Kim Campbell, ancien premier ministre du Canada; l'honorable Doug Roche, président; Thomas Graham, ambassadeur et président, Bipartisan Security Group et Jonathan Granoff, président, Global Security Institute. Vous êtes les bienvenus. La parole est à vous. Nous nous réjouissons de votre présence parmi nous aujourd'hui.
    Merci beaucoup, monsieur le président et membres du comité permanent. C'est un plaisir pour moi d'être ici une nouvelle fois au nom de l'Initiative des puissances moyennes.
    Je serai très brève. Nous avons eu l'occasion de parler à certains d'entre vous hier soir, mais je voudrais aussi céder le micro à mes collègues qui possèdent une grande expertise technique dans ce domaine.
    Très brièvement, il faut bien comprendre que pour un bon nombre d'entre nous, les armes nucléaires ne sont pas uniquement associés à la guerre froide, un problème que nous pensions réglé lorsque le mur de Berlin est tombé. Nous voyons maintenant que, dans le contexte des questions de sécurité du XXIe siècle, et surtout du terrorisme international et des menaces de sources non étatiques, les armes nucléaires sont malheureusement toujours au centre de l'agenda de sécurité. Elles sont au centre de cet agenda à cause de la lenteur avec laquelle les grandes puissances nucléaires se débarrassent de leur arsenal nucléaire. C'est surtout vrai pour les États-Unis et l'ancienne Union soviétique, la Russie, qui est bien entendu devenue l'héritière de l'arsenal nucléaire de pays comme l'Ukraine qui y ont eux-mêmes renoncé. Il y a également des difficultés du côté de l'agenda de la non-prolifération dans le monde. C'est attribuable, en grande partie, au fait que bien des gens ne comprennent pas l'importance de régler le problème des armes nucléaires et la menace que cela représente encore pour nous.
    D'une part, on peut dire que le Traité de non-prolifération nucléaire a été un grand succès, car s'il n'avait pas été conclu, s'il n'avait pas été négocié, il y aurait sans doute actuellement une quarantaine ou une cinquantaine de pays qui posséderaient des armes nucléaires. Si vous pouvez imaginer cette situation dans le contexte du monde d'aujourd'hui avec des États en déroute, des acteurs non étatiques désireux de mettre la main sur ces armes et le genre de menace que cela poserait, vous comprendrez que même si la situation est difficile aujourd'hui, elle serait bien pire si nous n'avions pas ce traité.
    L'Initiative des puissances moyennes poursuit deux objectifs. L'un d'eux est de faire comprendre que c'est toujours un problème qui exige l'attention de tous les législateurs qui s'intéressent aux questions de sécurité et il s'agit aussi de rappeler à ce comité -- même si ce n'est pas nécessaire -- de la façon la plus amicale qui soit, le rôle très important que le Canada a joué depuis le début du régime de non-prolifération en le soutenant et en étant l'un de ses architectes. Le Canada a sans doute été le premier pays à accepter volontairement de ne pas être une puissance nucléaire alors que nous aurions été parfaitement capables d'en être une puisque que nous ayons participé au Projet Manhattan après la Seconde Guerre mondiale. Le Canada a certainement l'autorité morale nécessaire pour se faire le champion de cette cause et nous l'avons fait très efficacement au fil des ans. Notre message est que, premièrement, c'est toujours une question très importante et que, deuxièmement, nous aidons le gouvernement du Canada et les législateurs qui représentent un lien très important avec le public. Nous allons continuer à demander que le Canada joue un rôle de premier plan pour rendre ce régime efficace au cours des années à venir.
    Je voudrais maintenant céder la parole à mon collègue, Thomas Graham. Vous avez reçu les biographies. Nous allons être très brefs et nous ne les répéterons pas.
(1535)
    Merci, madame Campbell, pour votre témoignage.
    Je voudrais simplement mentionner la présence du ministre des Affaires étrangères et lui souhaiter la bienvenue. Il est assis à l'arrière de la salle. Nous apprécions toujours les visites de notre ministre.
    Désolé pour cette brève interruption, monsieur l'ambassadeur. La parole est à vous.
    Je serai également bref afin de laisser beaucoup de temps pour des questions et un dialogue. Suite à la déclaration de l'ancien premier ministre, je voudrais simplement ajouter quelque chose à ses propos.
    William Perry, l'ancien secrétaire à la défense des États-Unis, a déclaré récemment qu'à son avis, il y avait plus de 50 p. 100 de chances qu'une arme nucléaire éclate sur le sol américain au cours des 10 prochaines années. Cela pourrait aussi bien arriver en territoire canadien, car les terroristes frappent là où ils voient une occasion de le faire. Le sénateur Sam Nunn, l'ancien président du Comité du Sénat américain sur les services armés, a écrit en 2004 qu'à cause des missiles nucléaires stratégiques à longue portée qui restent en état d'alerte de déclenchement immédiat 15 ans après la fin de la guerre froide au cours de laquelle ils n'ont servi absolument à rien si ce n'est à menacer notre existence commune, nous pourrions -- et ce sont ses paroles -- « déclencher une véritable apocalypse ».
    L'ambassadeur Paul Nitze, l'architecte de la politique américaine à l'égard des armes nucléaires depuis de nombreuses décennies, a écrit dans le New York Times, en 1999, vers la fin de sa vie, un article dans lequel il dit que les armes nucléaires présentent une menace plus grande que jamais et qu'il est temps de les éliminer complètement de la planète.
    Comme l'a dit Mme Campbell, le Traité de non-prolifération nucléaire est aujourd'hui au centre de la sécurité mondiale. Il a empêché qu'il y ait actuellement dans le monde une quarantaine d'États possédant des armes nucléaires, ce qui voudrait dire que tous les conflits risqueraient d'être des conflits nucléaires et qu'il serait impossible d'éviter que ces armes ne tombent entre les mains des terroristes étant donné qu'elles seraient très répandues. Si ce n'est pas arrivé, c'est principalement grâce à la négociation de ce traité, à son entrée en vigueur en 1970 et à sa prolongation pour une période indéfinie en 1995.
    Néanmoins, ce traité est le fruit d'un marchandage; nous ne l'avons pas obtenu gratuitement. Les États qui possèdent l'arme nucléaire, soit les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, la Russie et la Chine, se sont engagés à prendre des mesures de désarmement visant à l'élimination ultime des armes nucléaires. Les principales mesures à prendre ont été clairement définies au cours des négociations. Ces mesures sont: une interdiction complète des essais nucléaires dans le monde, une réduction draconienne des arsenaux nucléaires, un traité interdisant la production de matieres servant à la fabrication de bombes nucléaires et des garanties juridiques aux termes desquelles les États nucléarisés se sont engagés à ne jamais utiliser d'armes nucléaires contre les États non nucléarisés signataires du traité. C'est le moins qu'on pouvait attendre des partenaires du traité.
    Trente-six ans plus tard, aucun de ces engagements n'a été tenu. Cette partie du contrat n'a pas été remplie. L'autre engagement pris par les États nucléarisés concernait le partage de la technologie nucléaire pacifique. En échange, le reste du monde, soit plus de 180 pays, se sont engagés à ne jamais acquérir d'armes nucléaires. Mais c'était un marchandage et les États nucléarisés n'ont pas tenu leurs engagements. On ne sait toujours pas s'ils le feront et c'est le sujet de notre mémoire sur l'IPM.
    C'est maintenant l'autre volet de l'entente qui commence à s'effondrer, et cela en partie à cause de cette longue inaction. La Corée du Nord s'est retirée du traité et on estime qu'elle a construit neuf ou dix armes nucléaires. Et vous êtes tous au courant de la crise iranienne. On croit que l'Iran cherche à se doter d'armes nucléaires. Ce ne sont pas les seules situations de ce genre. Il y a aussi l'Inde, le Pakistan, le Brésil, l'Ukraine et d'autres pays qui pourraient poser des problèmes.
(1540)
    En outre, la demande d'énergie augmente de façon exponentielle à l'échelle mondiale et cela va faire appel à l'énergie nucléaire. Mais cette énergie ne peut pas être utilisée efficacement en l'absence d'un régime solide de non-prolifération nucléaire qui apportera les garanties nécessaires.
    D'autre part, le monde d'aujourd'hui est entièrement différent de celui que nous avons connu au cours des siècles passés. Pour la première fois, pratiquement depuis le Moyen Âge, aucun État ne menace une autre grande puissance. C'est plutôt la dégradation de l'ordre mondial caractérisée par 50 à 70 États en déroute ou défaillants et la montée du terrorisme international qui représentent une menace. Dans la situation extrêmement dangereuse où nous nous trouvons, il est de la plus grande importance que ce traité, le Traité de non-prolifération nucléaire, soit ranimé et renforcé et que les principaux engagements qui ont permis de négocier le traité soient entièrement tenus.
    Le Canada est depuis longtemps un chef de file sur ce dossier auquel il a apporté une contribution très importante par le passé. J'espère vivement que cela continuera.
    Merci.
(1545)
    Merci, monsieur l'ambassadeur.
    C'est au tour de M. Granoff.
    Merci, monsieur le président, et membres du comité. C'est un honneur pour moi que de prendre la parole devant vous.
    Je voudrais seulement parler des propositions pratiques contenues dans notre mémoire pour réduire la menace et améliorer la sécurité. Chacune d'elles devrait être évaluée en fonction de ses propres mérites. Autrement dit, si elles ne réduisent pas la menace, si elles n'augmentent pas la sécurité et si elles ne favorisent pas le renforcement du traité, elles ne devraient pas être retenues. Par contre, si elles remplissent ces critères, je pense qu'il faudrait les appuyer. Examinons chacun d'elles en fonction de ces critères.
    La première priorité est un traité interdisant la production de matières fissiles. Ce traité a été proposé par les États-Unis à la conférence sur le désarmement qui a eu lieu en mai dernier. Si vous examinez l'historique du traité, vous remarquerez que c'est ce qui avait été préconisé dès le début du processus, à l'occasion de la conférence de prolongation de 1995, et de nouveau lors de l'examen de 2000. Tout ce que nous disons c'est qu'il faut interdire la production d'uranium et de plutonium hautement enrichis pouvant servir à fabriquer des armes et renforcer le régime de vérification pour s'assurer que cette interdiction est respectée, pour faire l'inventaire des stocks et veiller à ce que ces matières ne tombent pas entre les mains d'acteurs non étatiques ou de terroristes.
    Est-ce réalisable? La commission chargée d'enquêter sur les armes de destruction massive sous la direction de Hans Blix a conclu que oui. Le groupe d'experts des matières fissiles dirigé par Frank von Hippel, qui était le conseiller scientifique du National Security Council, des États-Unis, estime que c'est possible. Pratiquement tous les experts sont du même avis.
    Cela peut-il être efficace à 100 p. 100? Nous ne le saurons jamais, mais il vaut certainement mieux avoir un régime de vérification limité que de ne pas en avoir du tout. Le régime d'inspection a été efficace en Iraq. Il a aidé à désarmer Saddam Hussein et à bien faire comprendre que ces matières sont bannies.
    La deuxième proposition est directement reliée à la première: c'est la vérification et le renforcement des contrôles. Il y a un traité entre les États-Unis et la Russie qui s'appelle le Traité de Moscou et qui prévoit que le nombre d'armes nucléaires devra être réduit à environ 2 200 en l'an 2012. Le régime d'inspection du Traité START, que mon collègue l'ambassadeur Graham a aidé à négocier sous le gouvernement de George Bush père, prend fin en 2009. Après cela, les coupes envisagées dans le Traité de Moscou également connu comme le Traité SORT ne feront l'objet d'aucune vérification.
    À mon avis, un instrument juridique qui dépend seulement de la bonne volonté des parties ne suffit pas à apporter à la communauté internationale la sécurité à laquelle elle a droit. Je crois que tous les êtres humains de la planète ont le droit de savoir que ces réductions sont apportées et que les superpuissances se dirigent vers un monde plus sûr.
    Où en est maintenant la confrontation entre la Russie et les États-Unis? Chacun de ces pays a encore plus de 3 000 têtes nucléaires en état d'alerte de déclenchement immédiat, ce qui laisse à un décideur quelques minutes seulement pour décider du sort de l'humanité entière jusqu'à la fin des temps. Je ne crois pas qu'un seul être humain devrait avoir une telle responsabilité sur les épaules. En fait, en janvier 1995, un satellite météorologique qui se trouvait au large des côtes de Norvège a été pris pour le lancement d'un Trident et Boris Eltsine n'a eu que quelques minutes pour décider s'il devait utiliser ou non les armes nucléaires dont il disposait.
    Nous suggérons de séparer les ogives nucléaires de leur vecteur et de réduire le niveau d'alerte. Nous n'avons aucune bonne raison de vivre avec cette épée de Damoclès au-dessus de la tête. Plus de 96 p. 100 des armes sont en la possession de ces deux pays.
    N'oubliez pas que la plupart de ces armes ont des mécanismes de déclenchement de la taille des bombes qui ont été larguées sur Hiroshima et Nagasaki. Leur capacité de destruction dépasse l'imagination. Toute utilisation de ces armes aurait sur notre civilisation des conséquences écologiques et physiques imprévisibles.
    En ce qui concerne le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, 176 pays, dont le Canada, l'ont ratifié. Ce nombre donne beaucoup de poids à l'opinion publique. Les États-Unis ont signé le traité, mais ne l'ont pas ratifié et plusieurs autres pays sont dans la même situation. Comme le Canada a déjà pris de solides engagements à cet égard, nous l'exhortons à pousser à la roue pour que tout le monde ratifie le traité.
    Pourquoi s'agit-il d'une mesure qui augmentera la sécurité? Parce que si les pays ne peuvent pas faire d'essais nucléaires, ils ne peuvent pas miniaturiser ces armes, ils ne peuvent pas les placer dans des missiles balistiques intercontinentaux. Également, cela fait comprendre que ces armes ont perdu de leur utilité politique et c'est aussi important que le reste.
(1550)
    La dernière proposition, mais non la moindre, est la garantie de non-utilisation. Sa raison d'être est très évidente. Pour obtenir la prolongation du traité pour une période indéfinie en 1995, on a promis aux pays non nucléarisés que s'ils acceptaient la prolongation du traité, ils ne seraient pas menacés par des armes nucléaires. Sinon, cela revient à dire à ces pays qu'ils doivent accepter de ne jamais se doter d'armes nucléaires, mais qu'ils resteront sous la menace de ces armes. Ce serait d'une injustice évidente.
    La conséquence d'injustices aussi flagrantes est l'instabilité et s'il est une chose dont nous avons besoin en ce qui concerne le nucléaire, c'est bien la stabilité. L'appel à l'élimination des armes nucléaires est une obligation juridique. C'est une obligation juridique en vertu du traité, mais ce sera difficile à obtenir. Je vois cela comme un point de compas. Ce point indique le but visé et pour l'atteindre il faut réduire l'utilité politique des armes nucléaires. Nous proposons une carte qui nous aidera à nous rendre à l'endroit visé et chaque pas que nous ferons pour y arriver contribuera à renforcer la sécurité dans le monde. De plus, tous ces objectifs ont été appuyés par le gouvernement canadien et la plupart des pays du monde. Ils sont à la fois très modérés, réalisables et pratiques.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Granoff.
    Sénateur Roche.
    Je serai très bref, car je sais que vous voulez passer aux questions.
    Monsieur le président, lorsque vous avez ouvert la séance, vous avez attiré l'attention sur le rapport que le comité a produit en 1999 et je me réjouis de voir que vos deux analystes compétents sont toujours avec vous. Ce rapport marquait une étape importante dans l'examen des politiques visant les armes nucléaires. Il a eu pour effet d'amener le Canada à obtenir que l'OTAN réexamine ses politiques à l'égard des armes nucléaires. Nous attachons donc beaucoup d'importance à vos travaux.
    Cela fait maintenant cinq fois que nous comparaissons devant vous. C'est notre cinquième visite depuis 1999. Nous adressons nos félicitations au gouvernement du Canada pour le leadership dont il a fait preuve sur la scène internationale dans le dossier des armes nucléaires.
    Monsieur le président, nous devons nous attaquer directement à cette question. Le Secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi Annan, a déclaré il y a quelques jours à peine, que le monde se dirige comme un somnambule -- et c'est l'expression qu'il a employé -- vers la possibilité d'une catastrophe nucléaire à cause de la prolifération des armes nucléaires et parce que ceux qui les possèdent tardent à s'en débarrasser. L'Initiative des puissances moyennes lance donc une nouvelle fois un appel au parlement canadien, à votre comité et au gouvernement du Canada pour qu'ils se prononcent dans les tribunes internationales en faveur d'une approche multilatérale énergique pour résoudre le problème des armes nucléaires.
    Nous ne disons pas qu'un pays peut s'en charger à lui tout seul. C'est un dossier très lourd et très complexe. Mon collègue vient de parler de Hans Blix, l'inspecteur en chef des armements, en Iraq, qui a ensuite dirigé une commission internationale sur les armes de destruction massive et dont le rapport a été publié la semaine dernière. Quand on lui a demandé, dans une interview télévisée, laquelle de ses 60 recommandations était la plus importante, il a répondu que le plus important c'était d'obtenir un traité interdisant complètement les essais nucléaires afin de mettre un terme à la course aux armements. C'est donc une de nos principales recommandations.
    Vous trouverez dans le mémoire que nous avons préparé à votre intention des recommandations qui correspondent à celles de M. Blix. Les nôtres sont ce que vous pourriez appeler une version abrégée et s'appliquent particulièrement au gouvernement du Canada à qui nous demandons de charger ses diplomates d'unir leurs efforts à ceux des États aux vues similaires. Il y a environ 25 États avec lesquels l'Initiative des puissances moyennes travaille et qui veulent tous la même chose. Ils veulent le traité d'interdiction complète des essais nucléaires. Ils veulent un traité pour interdire la production de matières fissiles. Ils veulent l'abaissement du niveau d'alerte des armes nucléaires. Ils veulent une vérification. Il faut donc que les pays travaillent ensemble pour promouvoir un agenda international.
    Je ne suis pas d'accord pour dire qu'il ne se passe rien dans ce domaine ou que c'est trop difficile. Absolument pas. Le mouvement contre les armes nucléaires a commencé avec la prolongation indéfinie du Traité de non-prolifération des armes nucléaires en 1995 et la Cour internationale de justice a déclaré en 1996 que tous les États avaient l'obligation de conclure des négociations visant à éliminer les armes nucléaires. Tous les États signataires du Traité de non-prolifération ont pris, en l'an 2000, un engagement sans équivoque à l'égard de 13 mesures concrètes.
    La feuille de route a donc été tracée. Nous ne marchons pas à l'aveuglette. Nous savons exactement ce qu'il faut faire. Ce qu'il faut maintenant c'est que les États aient la volonté politique d'unir leurs efforts pour que les mesures essentielles qui sont soulignées dans ce mémoire soient prises. C'est le travail de l'Initiative des puissances moyennes.
    Monsieur le président, je vous remercie de nous recevoir. Nous vous remercions de nouveau pour le travail que le Canada a accompli et nous sommes prêts à répondre à vos questions.
(1555)
    Je remercie la délégation. M. Granoff a mentionné à plusieurs reprises les conséquences politiques ou l'intérêt politique de prendre ces mesures.
    M. Patry est l'un des membres du comité qui étaient là en 1999. Si je regarde autour de moi, il est peut-être le seul. Il est ici depuis longtemps.
    Le rapport qui avait été produit à l'époque s'intitulait Le Canada et le défi nucléaire: réduire l'importance politique de l'arme nucléaire au XXIe siècle. Il reste donc très pertinent.
    Nous allons commencer par l'opposition. Monsieur Wilfert, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup et je remercie nos témoins d'être venus aujourd'hui.
    Je me demande parfois si nous nous sommes beaucoup éloignés de ce que visait le sénateur Hubert Humphrey, l'un des architectes du Traité de non-prolifération, en 1963, lorsqu'il a présenté le traité au Sénat. Il a été signé en 1963.
    Vous avez mentionné un certain nombre de questions. La première chose sur laquelle je suis certainement d'accord c'est qu'il faut que le gouvernement adopte une approche diplomatique multilatérale. C'est extrêmement important. C'est une spécialité pour laquelle nous nous sommes fait connaître et que nous devons certainement continuer.
    J'aimerais aborder brièvement certaines questions.
    Premièrement, en ce qui concerne le traité interdisant la production de matières fissiles, comme vous le savez, les choses en sont au point mort depuis une dizaine d'années. Comment sortir de cette impasse? Nous possédons certainement une certaine expertise dans ce domaine, mais les États-Unis, entre autres, ont fait preuve de réticence ou ont même refusé de faire le lien avec le reste, que ce soit le désarmement nucléaire ou la militarisation de l'espace, par exemple. Existe-t-il des solutions novatrices que nous pourrions envisager avec d'autres pays pour nous sortir de cette impasse?
    La question des acteurs non étatiques est évidemment très importante dans le climat international actuel en ce qui concerne la vente de technologies et de composantes pouvant servir à fabriquer des armes nucléaires. J'ai lu votre mémoire, mais je ne sais pas si vous avez abordé cette question en détail. Peut-être pourriez-vous dire au comité comment nous pourrions aborder le rôle des acteurs non étatiques dans la communauté internationale.
    Pour ce qui est de toute la question du traité avec la Corée du Nord et l'Iran, comme vous l'avez dit, nous savons que la Corée du Nord possède sans doute jusqu'à neuf armes, mais les pourparlers entre les six puissances ne mènent nulle part. Les Nord-Coréens sont le fier-à-bras que personne n'ose affronter directement. On ne semble pas donner beaucoup d'encouragements aux Nord-Coréens ou aux Iraniens étant donné les activités de ceux qui possèdent des armes. Si ces derniers ne sont pas prêts à suivre certaines règles, les autres se demandent évidemment pourquoi ils devraient le faire.
    Dans la communauté internationale, nous parlons souvent des pays qui signent le Traité de non-prolifération pour avoir accès à la technologie nucléaire. Ils peuvent ensuite se retirer du traité et reconstituer leur arsenal. Nous avons certainement vu des cas de ce genre par le passé. Pourriez-vous en parler un peu plus?
    Enfin, étant des parlementaires, nous nous intéressons toujours à l'élargissement des pouvoirs des parlementaires. Je félicite d'ailleurs le gouvernement d'avoir aidé à organiser le forum de l'IPM sur l'article VI, ici, en septembre. Vous pourriez peut-être dire au comité comment les parlementaires ou les membres du comité peuvent jouer un rôle, car je suis convaincu que, quelle que soit notre affiliation politique, nous devrions jouer un rôle à cet égard en tant que parlementaires.
    Désolé, monsieur le président, mais il fallait que je pose ces questions.
    Merci, monsieur Wilfert. Avec ces six questions, vous avez laissé une minute et 10 secondes à nos amis pour répondre. Et j'accorderai à Mme Lalonde exactement le même nombre de minutes qu'à vous.
    Nos invités pourraient-ils répondre?
    Je vais répondre en une minute et 10 secondes.
    Premièrement, pour ce qui est d'interdire la production de matières fissiles, les États-Unis n'ont jamais été vraiment d'accord là-dessus ces dernières années. C'est une chose que l'on demande depuis 36 ans et de façon explicite depuis 10 ans. À mon avis, la meilleure chose à faire dans l'immédiat, c'est de travailler avec les États aux vues similaires et aussi de discuter avec les Américains. Ils ont déposé un traité qui ne prévoit aucune vérification. Nous devons leur faire comprendre que c'est quelque chose de vérifiable et qu'ils devraient réexaminer leur position.
    Deuxièmement, en ce qui concerne les acteurs non étatiques, c'est une très sérieuse menace. C'est pour cela que nous luttons contre le terrorisme nucléaire et le terrorisme perpétré avec des armes de destruction massive. D'importants efforts sont déployés dans ce sens avec la participation de nombreux pays. Le Canada y participe et nous faisons de notre mieux. Néanmoins, dans le monde d'aujourd'hui où pullulent les États en déroute et défaillants, c'est une tâche très difficile.
    Je crois qu'il y a une solution pour la Corée du Nord. Les pourparlers n'ont mené nulle part, mais le principal problème est qu'ils s'éternisent. Maintenant que la Corée du Nord possède ces dix armes, la question est de savoir si elle sera jamais prête à les céder. Cela reste à voir.
    Je pense que les événements ont pris une tournure favorable en Iran. Les États-Unis ont accepté de participer aux négociations. Les cinq membres permanents participent aux négociations, plus l'Allemagne. Je pense qu'ils vont dans la bonne direction. L'Iran a manifesté au moins un certain intérêt. La situation me semble plus positive qu'elle ne l'était ces derniers mois.
    En réalité, il n'y a qu'un seul pays qui se soit joint au traité et qui s'en soit retiré après avoir fait l'acquisition de la technologie nucléaire. La Corée du Nord est un pays étrange; même Billy Graham le dit. Je ne pense pas que ce problème soit universel.
    En ce qui concerne le forum sur l'article VI, je vais céder la parole à M. Roche.
(1600)
    Nous avons besoin d'une réponse très brève.
    Une question a été posée au sujet du retrait. Des propositions ont été faites à cet égard à la dernière conférence d'examen. Si un pays se retire du traité, il doit renoncer aux privilèges qu'il a acquis conformément à l'article VI qui autorise une utilisation pacifique. Cela empêcherait donc qu'un pays profite des privilèges accordés par l'article IV pour obtenir la technologie qui lui permettra de se doter d'un arsenal nucléaire et ensuite de se retirer.
    Je trouve très regrettable que la conférence d'examen ne se soit même pas penchée sur la question. Je me fais l'écho du Secrétaire général qui a jugé honteux qu'aucune déclaration finale ne soit faite à cette conférence ou au sommet pour résoudre cette question.
    Il y a une façon pratique d'y remédier et c'est ce que les principales puissances moyennes ont proposé.
    Merci, monsieur Granoff.
    Madame Lalonde, six minutes, s'il vous plaît.

[Français]

    Merci beaucoup à vous d'être ici.
    Expliquez-nous pourquoi il n'est pas utopique de penser qu'en 2010, tous les pays du monde pourraient accepter de se donner les moyens d'éliminer les armes que Hans Blix appelle les armes de terreur, c'est-à-dire les armes nucléaires. Pourquoi, n'est-ce pas utopique de penser qu'on peut avoir un traité efficace?

[Traduction]

    Je ne pense pas que ce soit utopique. Ce qu'il y a d'intéressant ici c'est qu'un grand nombre des défis que le monde d'aujourd'hui va devoir relever sont très alarmants tel que le réchauffement de la planète, les changements climatiques et ce genre de choses.
    Nous avons la capacité de résoudre la question nucléaire. Les matières nucléaires sont vérifiables et retraçables. Si nous en avons la volonté politique, nous pourrions nous débarrasser de cette menace pour notre sécurité. L'un de nos objectifs est de remettre cette question au centre des préoccupations, car si elle n'est pas résolue, il s'agit d'une grave menace. En fait, nous avons la capacité d'y remédier; ce n'est pas au-dessus de nos moyens.
    Je ne pense pas que ce soit utopique, mais je pense que cela exige une volonté politique et qu'il faut aussi rappeler aux gens que c'est toujours important. Parfois, ceux d'entre nous qui ont déjà un certain âge oublient que les gens plus jeunes, qui n'ont pas connu les mêmes problèmes, ne se rendent nécessairement compte de leur importance. Nous devons constamment en reparler et c'est pourquoi l'Initiative des puissances moyennes revient à la charge année après année. Les gens, et surtout les parlementaires, ont de nombreux sujets de préoccupation. Nous devons leur rappeler que nous pouvons résoudre ce problème, mais seulement si nous cherchons sérieusement à le faire.
(1605)
    Je suis tout à fait d'accord avec le premier ministre pour dire que ce n'est pas utopique et que c'est possible. Je crois que de sérieux efforts seront déployés pour y parvenir avant longtemps.
    Madame Lalonde.

[Français]

    Je pensais que vous en mettriez davantage. Je voulais vous provoquer un peu. Personnellement, je crois profondément à cela.
    Je vous pose ma deuxième question. Aussi longtemps que les États-Unis n'accepteront pas de faire des efforts en ce sens, croyez-vous que l'on sera capable d'empêcher l'Iran, la Corée du Nord et tous les autres pays, par exemple Israël, de cacher des armes ou d'en fabriquer?

[Traduction]

    Les lauréats du Prix Nobel de la paix en ont parlé de façon très directe. Ils ont déclaré:
Certains pays ne peuvent pas dire que les armes nucléaires sont bonnes pour eux, mais pas pour les autres. Le fait que les États dotés d'armes nucléaires soient incapables de respecter leur engagement juridique de négocier l'élimination des armes nucléaires contenu dans le Traité de non-prolifération est le principal facteur qui contribue à la prolifération de ces armes.
    Hans Blix a récemment décrit la situation au National Constitution Center, aux États-Unis, lorsqu'il a présenté le rapport de la Commission Blix. Il a dit que les parents ne pouvaient pas avoir un cigare à la bouche lorsqu'ils disaient à leurs enfants de ne pas fumer.
    Autrement dit, tant que les cinq membres permanents continueront de dire qu'ils ont besoin des armes nucléaires et tant que l'OTAN, la force militaire la plus puissante de l'histoire mondiale, continuera de dire que ces dispositifs, dont un seul a une puissance de feu plus importante que toutes les armes jamais utilisées dans l'histoire de l'humanité... Les gens oublient ce dont ils parlent. Il est question ici d'armes susceptibles d'annihiler la vie humaine dans des proportions catastrophiques. Si ces armes sont nécessaires pour assurer la sécurité des États qui possèdent des forces classiques énormes, quel message envoie-t-on aux autres États qui seront de plus en plus en mesure d'obtenir ces armes à un coût de plus en plus bas?
    Pour cette raison, nous disons qu'il est légalement obligatoire et légalement possible de réduire l'arsenal nucléaire. Est-il possible de le faire du jour au lendemain? Bien sûr que non. Voilà pourquoi nous disons que chaque pas que nous faisons dans cette voie renforce notre sécurité. Ce n'est pas utopique. C'est tout à fait pratique et réaliste.
    Merci, monsieur Granoff.
    Y a-t-il quelqu'un d'autre?

[Français]

    Mon temps est-il écoulé?

[Traduction]

    Il vous reste 30 secondes de plus.

[Français]

    Avez-vous des conseils à donner au Canada relativement à l'utilisation du CANDU? Le Canada peut vendre le CANDU pour des raisons civiles, mais ce dernier peut être utilisé à d'autres fins.
    Je répondrai en anglais, si vous le voulez bien.
    Oui, bien sûr.

[Traduction]

    Nous sommes certains qu'Énergie atomique du Canada limitée applique les normes les plus strictes en ce qui concerne les réacteurs CANDU.
    L'Initiative des puissances moyennes ne prend pas position sur l'efficacité de l'énergie nucléaire. Nous reconnaissons plutôt que le Traité de non-prolifération garantit aux États l'accès à l'énergie nucléaire. Nous estimons donc que l'Agence internationale de l'énergie atomique et ses installations d'inspection doivent être renforcées et mieux financées que ce n'est actuellement le cas.
    Mais en ce qui concerne les réacteurs CANDU, nous n'avons pas pris position à ce sujet.
    Nous allons passer à M. Van Loan et ensuite à M. Marston.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Bien sûr, le Canada a toujours beaucoup compté sur l'architecture internationale du contrôle des armes nucléaires pour protéger et sauvegarder sa propre sécurité. Je pense que tout le monde s'entend là-dessus. En cas de doute, les quatre priorités que vous avez énoncées dans votre rapport correspondent aux actes et aux politiques de notre gouvernement.
    Je dirais ceci: je suis inquiet d'entendre dire que la prolifération vient du fait que les puissances nucléaires ne se sont pas encore entièrement désarmées. Ce genre de propos revient presque à excuser ou justifier les activités de prolifération. Je crois qu'il faut veiller à ne pas encourager ce genre de choses ou à apporter ce genre de justification, car cela peut favoriser la prolifération.
    Si c'était le cas, en réalité, les activités de prolifération les plus inquiétantes ont eu lieu au moment où le désarmement a le plus progressé du côté des puissances nucléaires permanentes. Par ailleurs, nous constatons également que les pires problèmes de prolifération se sont produits en dehors des pays signataires du Traité de non-prolifération, chez ceux qui se sont retirés, sauf peut-être à l'exception de l'Iran, bien entendu, qui en fait partie, mais qui le défie.
    Pour ce qui est des pays en dehors du traité dans lesquels nous avons constaté une prolifération, je ne suis pas certain d'avoir trouvé dans votre rapport la réponse à ces graves difficultés. Même si nous suivions toutes les voies que vous tracez, je ne suis pas sûr que nous allons résoudre les problèmes que suscite la prolifération dans ces pays. Je me demande si quelqu'un a quelque chose à proposer à ce sujet.
(1610)
    De quels pays parlez-vous?
    De tous les pays qui ont contribué à la prolifération, la Corée, par exemple, qui s'est retirée du traité et des pays qui n'y ont jamais adhéré.
    Prenons la Corée. Si les suggestions concernant les dispositions de retrait avaient été en vigueur, cela aurait réglé le problème de la Corée. Nous en avons tiré la leçon. Je pense que certaines des suggestions…
    Il y a aussi le cas des pays qui n'ont jamais signé. Est-ce exact?
    En plus de la Corée du Nord, qui s'est désistée, trois pays n'ont pas signé le Traité de non-prolifération des armes nucléaires: l'Inde, le Pakistan et Israël.
    Pendant de nombreuses années, l'Inde a contesté le régime de non-prolifération nucléaire en disant qu'elle y adhérerait uniquement si elle constatait la bonne foi des pays qui se sont engagés sur la voie du désarmement. L'Inde a dit qu'elle représentait le sixième de la population mondiale et que tant que les armes nucléaires seraient un instrument de puissance, elle n'y renoncera pas avant d'être certaine que les progrès du désarmement sont universels.
    C'est exactement la justification dont j'ai parlé. En réalité, nous assistons à un important mouvement vers le désarmement depuis une dizaine d'années.
    Il y a eu un énorme mouvement sur le plan quantitatif, mais l'engagement n'a pas été vraiment total. Je suis entièrement d'accord avec vous pour dire que la prolifération est une mauvaise chose à tous les égards.
    M. Blix a très bien décrit la situation. Il a dit que les armes nucléaires étaient très dangereuses entre les mains d'États irresponsables, mais qu'elles étaient dangereuses entre les mains de n'importe qui et qu'un État qui est raisonnable cette année ne le sera pas nécessairement à l'avenir.
    Nous ne disons absolument pas que l'incapacité des États nucléarisés d'agir rapidement justifie la prolifération. Nous disons seulement que pour renforcer le régime de non-prolifération, il faut prendre les mesures de réduction de la menace qui apporteront une plus grande sécurité aux puissances nucléaires. Le processus de réduction de la menace renforcera également le régime de non-prolifération et nous conduira dans la bonne direction, si bien que ce ne sont pas vraiment des concepts opposés.
    Monsieur Van Loan, la situation est la suivante: les 27 000 armes nucléaires qui existent dans le monde constituent un volcan. Les autres pays comme la Corée du Nord et l'Iran sont les explosions à la surface de ce volcan. Le volcan peut entrer en éruption n'importe quand et c'est ce que nous craignons.
    Naturellement, nous voulons empêcher tout pays quel qu'il soit d'obtenir des armes nucléaires, un point c'est tout, mais il n'est pas réaliste de croire qu'au XXIe siècle, d'autres pays ne voudront pas se doter d'armes nucléaires comme instruments de pouvoir si les États nucléarisés ne respectent pas eux-mêmes les obligations juridiques que leur confère le Traité de non-prolifération. Voilà où se situe le problème.
    Nous devons faire respecter les obligations que confère le traité en insistant, comme l'a fait la Cour internationale de justice, pour que les puissances nucléaires entament des négociations qui conduiront à l'élimination des armes nucléaires. Personne ne prétend que cela pourra se faire du jour au lendemain, car c'est impossible en pratique. Mais si les puissances nucléaires n'entament pas le processus pour montrer leur bonne foi -- c'est le mot utilisé dans l'article VI -- elles montreront au monde que les armes nucléaires sont effectivement importantes pour le pouvoir politique.
    À mon avis, les résultats permettent de dire qu'il y a eu une réduction importante, que cela témoigne d'une certaine bonne foi et que c'est positif. Je ne veux pas m'étendre trop longtemps sur cet aspect. Je préfère parler de ce qu'on peut faire pour les pays en dehors du régime. Je ne pense pas vraiment que le Pakistan et l'Inde se sont regardés et se sont dit que la menace venait de la Russie ou des États-Unis. Je ne suis pas certain qu'Israël pense que la menace vient de la Chine. Il y a sans doute d'autres raisons pour lesquelles les pays considèrent les armes nucléaires comme une source de pouvoir. S'ils sont en dehors du régime, que peut-on faire pour les mettre au pas? C'est la question que je vous ai posée. Je n'ai pas trouvé la réponse ici. Y a-t-il une réponse?
(1615)
    L'existence de ces trois arsenaux nucléaires non réglementés en dehors du TNP pose un problème depuis de nombreuses années. Il y en a maintenant un quatrième en Corée du Nord. Les mesures à prendre de ce côté-là devraient avoir la première priorité. L'accord que les États-Unis a négocié avec l'Inde résulte, du moins en partie, de cet effort.
    Personnellement, j'ai de sérieuses objections à l'accord sous sa forme actuelle, mais j'appuie son objectif qui est d'essayer d'intégrer l'Inde dans le régime international de non-prolifération.
    Le Pakistan et Israël sont des cas très difficiles, mais j'ai écrit un article sur la façon dont on pourrait procéder. Il a été publié dans le Bulletin of the Atomic Scientists, en 2004. Nous n'avons pas le temps d'en parler maintenant, mais je crois qu'il y a des solutions diplomatiques qui pourraient amener ces pays à entrer au moins en relation avec le régime de non-prolifération. Ils ne vont pas renoncer à leur arsenal du jour au lendemain. Nous pourrions les amener à établir une relation avec le régime et leur faire accepter une certaine réglementation et certaines limites.
    Si cela vous intéresse vraiment, je vous enverrai une copie de cet article.
    Oui, monsieur Graham, peut-être pourriez-vous envoyer au comité une copie de ce rapport.
    M. Thomas Graham: Je vais le faire.
    Le président: Nous passons à M. Marston.
    Je tiens à remercier la délégation d'être venue ici aujourd'hui. C'est un rappel et aussi un espoir pour ceux d'entre nous qui ont vécu la crise des missiles il y a plus de 40 ans, qui sont restés des nuits sans pouvoir dormir et à qui cela ravive beaucoup de souvenirs.
    Voici ce qui m'inquiète. Nous parlons de la Corée du Nord et de l'Iran qui suscitent de grandes craintes. S'agit-il pour eux d'armes politiques, d'instruments de pouvoir comme vous l'avez dit? Ou pense-t-on que ces pays pourraient soutenir des acteurs non étatiques qui pourraient s'attaquer à l'Amérique du Nord? C'est ce que la plupart des gens craignent à l'heure actuelle.
    Merci, monsieur Marston.
    Monsieur Graham.
    La plupart des gens craignent que des acteurs non étatiques puissent utiliser des armes nucléaires contre le continent nord-américain. Je pense que c'est une inquiétude bien réelle. Cela m'inquiète depuis des années. Cela pourrait se produire de bien des façons. L'ancien président Clinton disait que le moyen le plus facile serait d'insérer une arme nucléaire dans un ballot de marijuana et qu'elle entrerait sans aucun problème. Elle pourrait arriver en pièces détachées et être assemblée ici.
    La première ligne de défense est le renseignement. Nous ne devrions pas réduire le budget du renseignement. C'est vraiment la première ligne de défense. En deuxième lieu, nous devons collaborer le plus possible avec les autres pays pour contrer ce genre de tentatives, savoir ce qui se passe et empêcher que cela n'arrive. Cela dit, si nous ne renforçons pas le Traité de non-prolifération pour en faire un instrument mondial, si nous n'éliminons pas les matières fissiles en Russie, si nous ne faisons pas quelque chose pour remédier à la situation extrêmement dangereuse au Pakistan, si nous ne faisons pas quelque chose du côté des États en déroute et défaillants dans le monde, cela finira par se produire.
    Monsieur Marston, votre question est extrêmement importante. En l'an 2000, à l'occasion de l'examen du TNP, les États parties au traité se sont penchés sur la question de l'utilisation des armes nucléaires par des terroristes. Ils en sont venus à une conclusion qu'ils ont écrite dans leur document. Les 188 États ont tous souscrit à la phrase suivante: « …la seule garantie absolue contre l'utilisation d'une arme nucléaire est l'élimination des armes nucléaires ». Et c'est ce que nous voulons souligner au gouvernement canadien qui se préoccupe, à juste titre, des questions de sécurité. Le gouvernement canadien devrait se préoccuper notamment de l'acquisition et de l'utilisation d'armes nucléaires par des terroristes.
(1620)
    Je suis d'accord avec ce que le sénateur Roche vient de dire. Pour la gouverne du comité, il y a aux États-Unis beaucoup de gens, d'anciens très hauts fonctionnaires des gouvernements Reagan et Bush père qui partagent cette opinion. Il y a eu une série de réunions et de tentatives pour voir s'il était possible de réunir une masse critique permettant de prendre des mesures sérieuses pour l'élimination de ces armes. Je vous recommande de lire -- et je vais également l'envoyer au comité -- un article d'opinion de l'ambassadeur Max Kampelman, qui était le négociateur du président Reagan sur les armes nucléaires et qui va dans ce sens.
    Merci, monsieur Graham.
    Monsieur Marston, il vous reste une minute.
    En fait, je voulais surtout savoir si l'on avait évalué ces pays, la Corée du Nord et l'Iran, pour établir si ces armes nucléaires étaient à leur seul usage ou s'ils étaient prêts à soutenir des forces non gouvernementales ou des terroristes.
    Je pourrais vous donner mon opinion personnelle à ce sujet, qui vaut exactement ce que je ferai payer au comité pour l'avoir.
    Dans le cas de la Corée du Nord, je pense qu'elle y voit un moyen de survivre. Pour ce qui est de l'Iran, je pense que c'est une arme de prestige.
    J'ajouterais qu'à mon avis il est important de comprendre que si une arme en provenance d'un de ces pays se retrouvait entre les mains d'un terroriste, cela susciterait des représailles extraordinaires contre ce pays. Ce serait un énorme risque à prendre. Même l'Afghanistan s'est attiré une intervention militaire massive simplement pour avoir abrité Ossama Ben Laden alors qu'il n'y avait pas d'armes nucléaires en jeu. Un État prendrait un risque énorme s'il pensait pouvoir fournir ce genre d'armes à un groupe terroriste sans que personne ne s'en rende compte.
    C'est davantage une question de vol, d'utilisation accidentelle ou d'activités comme ce qui s'est passé, par exemple, avec A.Q. Khan, au Pakistan, et c'est très inquiétant.
    Merci, madame Campbell.
    Monsieur Obhrai. Et je me suis trompé, car M. Obhrai était là en 1997 et 1999 et il a participé également à la production de ce rapport.
    Monsieur Obhrai.
    Merci. je vous remercie de l'avoir remarqué.
    Bien sûr, nous avons dîné ensemble hier et nous avons discuté de la situation en Union soviétique. Mais ce qu'il faut surtout souligner ici c'est que l'Initiative des puissances moyennes est une bonne initiative. Elle est irréprochable. Personne ne pourrait être contre l'élimination des armes nucléaires, surtout dans le contexte de la question dont vous venez de parler, celle des terroristes qui pourraient mettre la main sur des armes nucléaires ou des États en déroute qui pourraient en obtenir.
    Cependant, la situation évolue dans une direction différente, plus précisément du côté des cinq membres permanents à qui le TNP confère les obligations que vous venez de mentionner et qu'ils n'ont pas respectées. Cela influence les autres pays et la France a déclaré récemment qu'elle n'hésiterait pas à se servir d'armes nucléaires en cas d'attaques terroristes.
    La Chine vient de déclarer qu'étant donné l'accord nucléaire et la coopération entre les États-Unis et l'Inde, elle commencerait à coopérer avec le Pakistan pour faire la même chose. On voit donc apparaître soudainement d'autres aspects des relations entre les membres de ce petit groupe.
    L'accord entre l'Inde et les États-Unis est assez intéressant si vous l'examinez de plus près. Vous dites que les Américains veulent que les Indiens adhèrent aux autres accords comme le Traité de non-prolifération. Néanmoins, le problème est que la direction… Je crois sincèrement que la direction que les États-Unis ont prise vis-à-vis de l'Inde a été dictée par leurs intérêts personnels et n'avait rien à voir avec l'élimination des armes nucléaires. C'était purement dans leur intérêt personnel, mais vous dites que le mouvement est amorcé.
    Compte tenu de tous ces faits nouveaux qui vont dans une direction entièrement différente de celle dont nous avons discuté ici aujourd'hui, que pensez-vous de la situation? Devons-nous centrer notre attention sur ce qui se passe ou devons-nous en tenir compte et nous demander comment rendre le monde plus sûr compte tenu de ces nouvelles réalités?
(1625)
    La façon dont vous percevez la direction prise dépend évidemment de l'endroit où vous vous trouvez. Par exemple, les États-Unis ont dit que nous avions besoin d'un traité pour interdire la production de matières fissiles. Le reste du monde doit dire qu'il est d'accord, que c'est la voie à suivre et que nous devons procéder à des vérifications. Ainsi, nous pourrons nous protéger en empêchant les terroristes d'obtenir ces matières.
    Les mesures qui renforceront notre sécurité et les mesures susceptibles d'affaiblir le régime sont très proches les unes des autres à l'heure actuelle. Autrement dit, un traité entre les États-Unis et la Russie qui n'est pas vérifiable sape la légitimité du droit international. Mais un traité vérifiable la renforcera. Par conséquent, la question de la vérification, une question sur laquelle le Canada possède une certaine expertise et dont il s'est fait le champion, revêt énormément d'importance.
    Si l'accord avec l'Inde était associé à l'interdiction de la production de matières fissiles, à un traité sur l'interdiction complète des essais nucléaires et à l'engagement de l'Inde à se conformer à l'article VI du TNP, ce qui l'entraînerait dans le processus de réduction et d'élimination des armes nucléaires, ce serait une mesure positive. Par contre, si ces éléments ne sont pas là, cela s'attaque au coeur du régime. Nous sommes donc à un tournant décisif.
    Le Secrétaire général des Nations Unies a déclaré, il y a quelques semaines, que nous sommes à la croisée de deux routes dont l'une consolidera la sécurité multilatérale fondée sur l'état de droit tandis que l'autre compromettra ce régime. Nous sommes arrivés à un point où les décisions qui seront prises détermineront notre avenir de façon irréversible. Nous demandons à tout le monde de chercher à consolider les normes qui renforceront notre sécurité.
    Merci, monsieur Granoff.
    Nous allons passer à M. Patry. Vous n'avez que deux minutes.
    La conférence d'examen de 1995 s'est bien déroulée. En l'an 2000, il y a eu un consensus utile. En 2005, l'échec a été total. Ce qui se passera dans cinq ans, dans quatre ans, en 2010, personne ne le sait. Dieu seul le sait.
    Je voudrais savoir comment la communauté internationale peut agir contre les pays qui ont signé le TNP pour se doter de la technologie nucléaire à des fins civiles et qui peuvent simplement se retirer du traité? Voilà ma question.
    J'ai une deuxième question concernant le traité interdisant la production de matières fissiles. Bien sûr, vous en avez parlé. C'est une de vos quatre priorités. Vous avez dit qu'il faut:
Insister sur la nécessité d'amorcer des négociations pour un traité interdisant la production de matières fissiles et offrir l'expertise canadienne en matière de vérification.
    Nous en avons tous entendu parler.
    Ma question à ce sujet est la suivante: vous avez dit aussi:
Dans le but de profiter de la perspective analysée ci-après, les pays de moyenne puissance devraient explorer des façons inventives pour surmonter cette impasse.
    Que voulez-vous dire? Pourriez-vous m'expliquer quelles sont ces façons inventives, car les choses n'ont pas l'air de bouger pour le moment.
    Merci, monsieur Patry. Je vais essayer de répondre brièvement à vos questions.
    Tout d'abord, vous avez mentionné la prochaine conférence d'examen du TNP, en 2010. L'Initiative des puissances moyennes estime que le TNP ne pourra pas résister à deux échecs de suite. La conférence a été un échec en 2005. Que faisons-nous pour y remédier? Quelles sont les initiatives inventives comme vous l'avez demandé?
    En ce qui nous concerne, nous avons lancé un forum sur l'article VI auquel participent 25 États ayant des vues similaires. Ce sont des États non nucléarisés et qui partagent les mêmes vues. Ils veulent donner suite à l'agenda que nous avons décrit ici. Nous leur fournissons une tribune. Nous nous sommes réunis aux Nations Unies en octobre dernier et nous sommes allés à La Haye, aux Pays-Bas, en mars, pendant deux jours. Avec l'appui du gouvernement du Canada, nous nous réunirons ici à la fin septembre.
    Je mentionnerais en passant à M. Wilfert -- je vous dois une réponse au sujet des parlementaires -- que tous les membres du comité recevront une invitation à participer au forum sur l'article VI les 28 et 29 septembre. La réunion sera inaugurée la veille par Hans Blix, l'auteur de cet excellent rapport.
    Enfin, pour ce qui est du retrait, nous voulons être sûrs que l'échappatoire que contient le traité sera fermée. Cette échappatoire permet aux États de se servir de la technologie nucléaire qu'ils obtiennent grâce au traité pour fabriquer une bombe. Nous voulons y mettre un terme. La seule façon d'obtenir la coopération des États qui ont le droit inaliénable d'acquérir la technologie pour produire de l'énergie nucléaire et la seule façon de supprimer cette échappatoire est que les grandes puissances montrent qu'elles respectent également leurs engagements. Le traité pourra survivre uniquement grâce à un juste équilibre dans la mise en oeuvre des responsabilités vis-à-vis du désarmement et vis-à-vis de la non-prolifération.
(1630)
    J'ajouterais simplement que mon collègue, M. Graham, a mentionné aujourd'hui qu'il y avait aussi de nouvelles technologies qui permettaient de produire de l'énergie nucléaire sans favoriser la prolifération. C'est peut-être une chose que nous devrions inclure dans le régime pour le protéger, car vous avez soulevé un excellent argument.
    C'est exact, monsieur le président. Il y a un nouveau type de combustible nucléaire qui ne permet pas de fabriquer des armes. Il y aura bientôt de nouveaux types de réacteurs nucléaires qui ne favoriseront pas non plus la prolifération. La technologie progresse donc de façon positive.
    Merci infiniment d'être venus. Tous les membres du comité reconnaîtront sans doute qu'une heure ne suffit pas pour ce genre de sujet. Nous avons donc apprécié également de pouvoir passer un peu de temps avec vous hier soir.
    Nous nous ferons un plaisir de vous recevoir une nouvelle fois et nous avons hâte de vous revoir en septembre. Merci d'être venus.
    Je dois également mentionner que Tom Hockin, l'ancien ministre du Commerce extérieur, vient d'entrer dans la salle. Bienvenue à notre comité.
    Nous allons suspendre la séance et nous la reprendrons dans quelques minutes, alors ne vous éloignez pas trop.
(1632)

(1637)
    Nous reprenons la séance.
    Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous étudions le rôle du Canada lors d'interventions internationales complexes, en mettant l'accent sur les efforts du Canada en Haïti.
    Nous avons le plaisir de recevoir aujourd'hui Robert Miller, directeur exécutif du Centre parlementaire et Joseph Kira, directeur de programme, Canada.
    Bienvenue à notre Comité des affaires étrangères et du développement international. Nous aimerions que vous nous fassiez un exposé d'environ 10 à 15 minutes. Ensuite nous passerons aux questions.
    La parole est à vous. Bienvenue.
    Merci, monsieur le président.

[Français]

    Nous sommes heureux d'avoir cette occasion de témoigner devant le comité. C'est un grand plaisir pour moi parce que j'ai travaillé pendant près de 10 ans à titre de conseiller auprès du comité à l'époque où il était connu sous le nom de Comité permanent des affaires extérieures et de la défense nationale.

[Traduction]

    Notre présentation d'aujourd'hui est composée de deux parties: je commencerai par présenter certaines des leçons apprises par la communauté internationale au cours d'interventions complexes et les principes pour renforcer les parlements des États communément appelés « en sortie de crise » ou « fragiles ». Mon collègue, Joseph Kira, vous décrira ensuite notre expérience de la préparation du terrain pour un programme de soutien au Parlement haïtien. Je donnerai ensuite une brève conclusion en soulignant l'importance de l'engagement canadien au niveau parlementaire en ce qui concerne les interventions complexes et particulièrement en Haïti.
    Je dirais d'abord que le Centre parlementaire salue l'initiative du comité de procéder à l'étude sur les interventions dites complexes, particulièrement en ce qui concerne Haïti. Des situations comme celle de Haïti sont particulièrement complexes d'au moins trois manières qui sont importantes pour les décideurs.
    Premièrement, elles exigent un grand éventail d'interventions, dont la sécurité, le développement et la diplomatie. C'est une chose que nous savons tous. Deuxièmement, ce sont des situations extrêmement imprévisibles à cause de nombreuses formes d'insécurité et d'instabilité politique. Elles sont particulièrement imprévisibles pour la population du pays, mais aussi pour ceux qui y travaillent, car des opérations qui autrement seraient normales deviennent risquées et dangereuses. Enfin, elles comportent généralement des risques élevés pour les pays qui interviennent, y compris le Canada.
    Pour mieux nous situer, le Centre parlementaire a été établi en 1968 pour appuyer le Parlement du Canada dans les domaines de politique liés aux relations internationales. Comme je l'ai mentionné, j'ai été conseiller de ce comité pendant près de 10 ans.
    Au début des années 1990, nous avons commencé à entreprendre des programmes de soutien aux parlements à l'échelle internationale et de tels programmes sont actuellement en cours en Asie, en Afrique, en Europe de l'Est, au Moyen-Orient et dans les Amériques. Dans le cadre de ce travail, nous nous sommes trouvés dans divers pays qui ont vécu un conflit interne et souffert d'une longue instabilité politique. Ce sont par exemple le Cambodge, l'Éthiopie, le Liban et la Serbie. Récemment, notre travail, qui est soutenu en grande partie par l'Agence canadienne de développement international, nous a menés au Soudan et maintenant en Haïti.
    Avant de parler du cas de Haïti, j'aimerais parler un peu du contexte international dans lequel se situe ce travail. Les membres du comité ne connaissent que trop bien les échecs de l'engagement international dans les États en déroute et fragiles. Ce qui est moins connu est le fait que certaines leçons apprises sur la façon de mener de telles interventions ont été tirées de cette expérience extrêmement pénible. Le défi est de mettre ces leçons en pratique d'une manière plus efficace et continue.
    Au cours des prochaines minutes, j'aimerais attirer votre attention sur les deux documents que nous avons présentés au comité. Le premier est un document de l'OCDE qui résume les principes pour un bon engagement international dans les États fragiles également connu sous le nom de « Learning and Advisory Process on Difficult Partnerships ». Je le cite parce que le Canada a été un participant actif dans l'élaboration de ces principes et a préparé une étude de cas sur Haïti.
    Je voudrais aborder brièvement quelques éléments de ce document. Il y a d'abord l'importance du contexte.
    Une des leçons tirées des interventions passées est qu'il est impossible d'appliquer les mêmes règles et les mêmes expériences à toutes les situations. Dans le domaine dans lequel nous travaillons, il est particulièrement important de reconnaître les différentes contraintes de capacité et de volonté politique. La communauté internationale accorde beaucoup d'attention au renforcement de la capacité, mais trop peu au renforcement de la volonté politique. Bien entendu, un projet centré sur le Parlement devra en tenir compte.
(1640)
    La deuxième chose que je veux souligner c'est qu'il faut se concentrer sur le renforcement de l'État comme objectif principal. Pour paraphraser le document, le renforcement de l'État repose sur trois piliers: la capacité des structures de l'État à exercer des fonctions de base qui consistent à fournir une infrastructure, des services d'éducation et de santé aux citoyens; la légitimité et la responsabilité; et la capacité de fournir un environnement propice à un bon rendement économique. Sur ces piliers de la reconstruction de l'État, la légitimité et la responsabilité exigent davantage d'attention qu'elles n'en reçoivent habituellement.
    Le troisième principe sur lequel j'insisterais est l'importance d'une cohérence entre les organismes gouvernementaux donateurs. Pour prendre l'exemple du Canada, cela veut dire entre les divers éléments du gouvernement canadien. Des liens étroits sur le terrain entre les sphères économique et sociale de sécurité politique requièrent également une cohérence des politiques dans l'administration de chaque joueur international. Notre commentaire ici est que ce principe doit s'étendre aux joueurs gouvernementaux et non gouvernementaux comme le Centre parlementaire car dans ces États, un grand nombre de programmes de reconstruction et d'engagement sont mis en oeuvre non pas par le gouvernement, mais par des acteurs non gouvernementaux.
    Le quatrième principe de l'intervention dans ces États sur lequel j'insisterai est qu'il faut agir rapidement, mais en restant engagé suffisamment longtemps pour qu'il y ait une chance de réussite. L'aide aux États fragiles doit pouvoir être souple et à court préavis. Le développement de la capacité dans les institutions de base exige normalement un engagement d'au moins 10 années. Notre commentaire est que les processus décisionnels des donateurs sont généralement trop lents pour satisfaire aux besoins des interventions complexes et les délais de projets sont trop courts.
    Après avoir énoncé ces principes généraux, j'aimerais parler brièvement des lignes directrices sur l'amélioration du rôle des parlements dans la construction de la paix et la prévention des conflits. Il y a là trois choses que je voudrais souligner.
    Premièrement, après des conflits, des élections ne devraient jamais être envisagées comme une stratégie de retrait pour les joueurs de l'extérieur. Les élections font partie d'un processus qui contribue à l'avancement de la gouvernance démocratique et peuvent devenir vides de sens si le soutien pour les institutions démocratiques comme les parlements nationaux est inadéquat ou mal pensé. Notre commentaire ici est que même si la situation s'est quelque peu améliorée, la communauté internationale consacre toujours une quantité disproportionnée d'attention et de ressources aux élections comparé à ce qui est consacré au renforcement de la capacité des institutions démocratiques comme les parlements.
    Deuxièmement, après des conflits, les institutions parlementaires demeurent souvent faibles en ce qui concerne l'autorité exécutive, les groupes armés et les acteurs non étatiques. Établir un gouvernement démocratique efficace exige que ce déséquilibre soit corrigé. Les joueurs de l'extérieur ont un rôle à jouer pour ce qui est de permettre le renforcement opportun des parlements.
    Je dois mentionner que lorsque la communauté internationale a créé son accord-cadre pour Haïti, au départ, on ne s'est pas du tout intéressé à la reconstruction du Parlement ou au rôle crucial que le Parlement pouvait jouer pour atteindre certains des grands objectifs de la stratégie. C'est le Canada qui a signalé cet oubli et qui s'est dit prêt à appuyer des mesures en ce sens.
    Troisièmement, et c'est le dernier point, les parlements élus de façon légitime offrent aux divers joueurs sociétaux, dont les femmes et les groupes minoritaires, un forum où ils peuvent présenter leurs préoccupations et où celles-ci peuvent être intégrées aux processus de dialogue, de reconstruction et de résolution de conflits.
    Mon commentaire est que les programmes de soutien des parlements doivent porter une attention particulière à l'élargissement et à l'intensification de la participation des pauvres et des marginalisés. Bien entendu, c'est particulièrement important dans un pays comme Haïti où les pauvres représentent la majorité, mais il ne faut pas partir du principe que les institutions représentatives vont nécessairement prêter une attention particulière à ces groupes.
    Après cette introduction générale, je voudrais maintenant céder la parole à mon collègue qui parlera plus précisément de Haïti.
(1645)
    Très bien, et nous voulons avoir beaucoup de temps pour les questions, si possible. Nous avons un vote à 17 h 30 et la sonnerie va commencer à retentir. Alors ne l'oubliez pas.
    Allez-y, monsieur Kira.

[Français]

    J'aimerais prendre un instant pour remercier le comité de nous avoir invités à comparaître devant lui.
    Un aspect crucial de notre démarche en Haïti est de puiser dans les enseignements qui proviennent d'une centaine de projets menés dans des dizaines de pays. Une de ces leçons est qu'il faut offrir son concours et son expertise dans le respect des spécificités historiques, culturelles et politiques propres aux pays dans lesquels nous intervenons. S'il y a un pays où cet impératif s'impose de lui-même, c'est bien Haïti.
    Comme le rappelait récemment le nouveau premier ministre de la République d'Haïti, cela fait déjà 20 ans qu'Haïti s'enlise dans une transition sans fin. Nous espérons de tout coeur que le gouvernement de coalition, composé de ministres provenant d'une demi-douzaine de partis politiques que le premier ministre est appelé à diriger, saura sortir Haïti de son enlisement. Toutefois, la tâche ne sera pas facile. Comme le soulignait l'économiste de renom Jeffrey Sachs, conseiller spécial du secrétaire général des Nations Unies, dans un rapport récent, la nouvelle législature et le nouveau gouvernement haïtiens héritent de difficultés si graves sur le plan économique et social que cela pourrait rapidement miner l'autorité de l'État haïtien et compromettre sa capacité à gouverner.
    Le nouveau gouvernement vit actuellement une lune de miel. Combien de temps cela durera-t-il? Personne ne peut le prédire. Toutefois, un fait demeure: la population haïtienne a élu un Parlement minoritaire avec tout ce que cela peut comprendre d'incertitude et d'imprévisibilité sur le plan politique.
    En attendant de tenir un deuxième tour électoral pour 13 sièges à la Chambre des députés et pour 3 sièges au Sénat, 18 partis politiques sont actuellement représentés à la Chambre des députés, et 8 au Sénat. Le parti l'Espwa, qui compte le plus grand nombre d'élus dans chacune des deux chambres, a fait élire 19 députés et 11 sénateurs, des chiffres qui pourraient légèrement changer au lendemain du deuxième tour pour les sièges qui restent à combler. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Gérer les attentes et les priorités d'autant de partis politiques dans une même législature ne sera pas une mince tâche, tant pour le leadership parlementaire que pour l'exécutif, surtout dans un environnement et une culture politique traditionnellement réputés volatils et conflictuels.
    Pendant les années de la dictature duvaliériste, la réputation du Parlement haïtien était celle de faire-valoir du régime. Par la suite, les crises politiques successives et l'instabilité sociale et politique qu'elles ont générée ont touché les acteurs parlementaires haïtiens directement et, ce faisant, n'ont pas permis aux institutions parlementaires d'évoluer et de jouer normalement leur rôle constitutionnel. Ce à quoi le public haïtien a eu droit fut un spectacle désolant dont les acteurs et les institutions parlementaires faisaient soit les frais ou ont été eux-mêmes pris dans des machinations politiques qui finissaient, la plupart du temps, par faire avorter la législature.
    Les institutions parlementaires ont besoin de stabilité, de temps et d'espace. Cela veut dire pas de coup d'État, pas d'insurrection armée ni de crise grave avec l'exécutif, afin qu'elles se développent et prouvent à la population haïtienne qu'elles peuvent jouer leurs rôles constitutionnels sur le plan de la représentativité, du contrôle et de la législation. Encore faudrait-il que les Haïtiens non seulement comprennent lesdits rôles, mais qu'ils puissent également mieux cerner comment le travail et le fonctionnement parlementaires les affectent dans leur quotidien, en commençant par la ratification du choix du premier ministre, du maintien de son gouvernement et de l'examen du budget.
    Je voudrais citer quelques éléments et priorités du Centre parlementaire en Haïti. Sur le plan institutionnel, les besoins et les défis sont nombreux. Tout d'abord, il y a les infrastructures. Les bâtiments qui abritent les locaux du Parlement de la République d'Haïti sont en mauvais état et sont si exigus que les parlementaires n'ont pas tous droit à leur propre bureau. Il y a ensuite des besoins criants sur le plan des équipements et de l'expertise technique, tant à la Chambre des députés qu'au Sénat. Il est clair que dans la première phase d'un appui à accorder au Parlement, l'accent sera mis sur les besoins immédiats et urgents tels que déterminés avec le partenaire haïtien.
(1650)
    Qu'il soit question des employés affectés au service de transcription et de rédaction des délibérations des commissions et des séances plénières des deux chambres, qu'il soit question de ceux qui sont affectés au service des archives et de la rédaction des projets de loi ou qu'il soit question de ceux qui travaillent à la sécurité, les compétences du personnel devraient faire l'objet d'une évaluation spécialisée et d'un programme de formation intensif visant à renforcer le professionnalisme de tous les services des deux chambres du Parlement.
    L'autre défi que la coopération internationale a dû traditionnellement relever en Haïti a été de s'assurer de la volonté politique d'acteurs clés, que ce soit au niveau du Parlement, de l'exécutif ou des partis politiques, de collaborer ensemble afin d'apporter les changements nécessaires au bon fonctionnement et à la bonne gestion du Parlement.
    Par exemple, on sait que traditionnellement, le recrutement et la gestion des ressources humaines se font sur une base politique. Il n'y a pas de système de dotation pour la fonction publique parlementaire comme on l'entend ici, au Canada. Favoriser de telles pratiques, qui ne sont pas basées sur le mérite, a des répercussions évidentes sur la qualité des professionnels et des cadres qui sont recrutés par les secrétaires généraux des deux chambres du Parlement.
    Même si le leadership parlementaire actuel le voulait, force est de reconnaître que ces pratiques bien ancrées dans les moeurs politiques et administratives des institutions publiques ne seront pas faciles à changer, surtout dans le contexte d'un Parlement minoritaire.
    L'approche du Centre parlementaire consiste à travailler en collaboration et en partenariat avec le partenaire haïtien qui, selon toutes indications, entend s'approprier le leadership des efforts à consentir sur le plan du développement et du renforcement de sa capacité parlementaire et législative. Dans un premier temps, le projet du Centre parlementaire devra, comme je l'ai mentionné plus tôt dans ma présentation, rapidement démontrer sa capacité à répondre, dans la mesure du possible, aux besoins immédiats et urgents du partenaire haïtien. Je dis bien dans la mesure du possible, car comme agence d'exécution, nous devons respecter certaines balises et nous devons rendre des comptes à l'ACDI.
    Conformément à ce que nous avons entendu et appris pendant les trois missions que nous avons effectuées en Haïti, l'un des axes de notre intervention se situera au niveau de la formation du personnel administratif du Parlement et des parlementaires eux-mêmes, en mettant l'accent sur le travail qui se fait en commission parlementaire.
    Aussi, compte tenu de la relation traditionnellement difficile entre l'exécutif et le Parlement, nous pensons pouvoir offrir une contribution utile dans ce domaine, que ce soit, par exemple, au niveau du travail qui est fait en commission parlementaire ou au niveau des rapports que fait l'exécutif au Parlement.
    Un autre volet de notre intervention consiste à offrir notre concours au leadership parlementaire haïtien dans ses efforts visant à assurer une plus grande ouverture des institutions parlementaires aux citoyennes et aux citoyens, avec pour objectif de redonner au Parlement une crédibilité et une reconnaissance dont il a tant besoin.
    Finalement, il importe de se rappeler que malgré ses manques de moyens et ses difficultés, Haïti demeure une nation très fière, tout particulièrement de ses faits d'armes historiques. Les circonstances actuelles ne devraient pas nous faire oublier l'attachement profond des autorités haïtiennes à leur souveraineté nationale et aux institutions qui l'incarnent, tel que le Parlement. C'est en étant pleinement conscient de cet état de fait que s'inscrit la démarche du Centre parlementaire, qui en est une d'accompagnement et d'appui aux priorités déterminées de concert avec les autorités parlementaires haïtiennes.
(1655)

[Traduction]

    Monsieur le président, merci infiniment.
    Pour gagner du temps, nous nous ferons un plaisir de répondre maintenant à vos questions. Au cours de la discussion, nous aurons l'occasion de souligner l'importance d'une collaboration étroite avec le Parlement canadien. Merci beaucoup.
    Merci.
    Je tiens également à vous remercier pour ce rapport très complet, pour votre document très détaillé. Je sais que cela va déjà nous aider.
    Nous sommes prêts à passer aux questions.
    Monsieur Patry, allez-y, s'il vous plaît.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais poser une question assez rapidement afin de donner la chance à mon collègue d'en poser une.

[Traduction]

    Merci beaucoup.

[Français]

    Je tiens à féliciter les membres du Centre parlementaire du travail qu'ils effectuent. Je pense qu'ils font preuve d'un grand professionnalisme. Je suis président de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie. Cet organisme met sur pied des ateliers d'orientation pour des parlementaires d'autres pays qui ne sont pas en conflit, mais qui se relèvent de certains conflits.

[Traduction]

    Monsieur Miller, vous avez parlé un peu du PNUD dans votre exposé. Et vous avez dit que « Après des conflits, les institutions parlementaires demeurent souvent faibles en ce qui concerne l'autorité exécutive ».

[Français]

    M. Kira, pour sa part, a utilisé les mots suivants: « Aussi, compte tenu de la relation traditionnellement difficile entre l'exécutif et le Parlement [...] » On sait très bien que 18 partis politiques siègent au Parlement haïtien actuellement. Malgré cela, les deux chambres ont quand même accepté la nomination du premier ministre Jacques Édouard Alexis et, par la suite, on a élu les deux présidents des deux chambres de façon assez rapide, ce qui ne s'était pas vu depuis des lunes.
    Les parlementaires peuvent s'entraider et le présent comité peut faire sa part. Toutefois, en Haïti, les membres de l'exécutif sont nommés par le premier ministre et doivent faire rapport au Parlement. Il y a vraiment une différence de nature entre l'exécutif et le Parlement.
    De quelle façon allez-vous vous assurer que l'exécutif fasse vraiment son travail et aide les parlementaires à faire le leur? On a beau aider le Parlement, si l'exécutif, en d'autres mots les ministres, ne fait pas son travail, on n'ira nulle part.
    Brent, voulez-vous poser une question?

[Traduction]

    Merci à vous d'être venus.
    J'ai eu une merveilleuse expérience avec le Centre parlementaire lorsque j'ai fait partie d'une petite délégation canadienne qui est allée observer les premières élections à la Douma, en Russie, en 1996, sous la direction de Peter Dobell. Je ne sais pas s'il fait toujours partie du Centre, mais Peter Dobell a fait un excellent travail. Le Centre a bien soutenu le nouveau Parlement russe. En fait, du personnel canadien était en poste à la Duma, si je ne m'abuse.
    Par les diverses situations que vous avez connues dans le monde, quelle est celle qui s'apparente le plus au défi à relever en Haïti en faisant appel aux connaissances et à l'expérience du Centre?
    Avez-vous l'impression que la fonction publique, les parlementaires élus et les sénateurs d'Haïti sont prêts à accueillir le Centre pour bénéficier pleinement d'un transfert de connaissances sur des choses qui peuvent sembler secondaires, mais qui sont néanmoins importantes telles que le hansard, la gestion des comités et les principes essentiels de l'administration d'un parlement?
    J'aimerais beaucoup savoir comment vous envisagez cela.
(1700)
    Merci, monsieur St. Denis.
    Nous allons passer à M. Miller et ensuite à M. Kira.
    Je voudrais répondre très rapidement à l'observation et à la question de M. Patry.
    Les relations entre le pouvoir exécutif et le Parlement peuvent être un échec soit parce que le Parlement devient trop soumis au pouvoir exécutif, comme nous le voyons dans certains pays, ou à l'inverse parce que le Parlement et le pouvoir exécutif sont à couteaux tirés comme cela s'est parfois passé en Haïti, ce qui a été suivi de la dissolution du Parlement, et ainsi de suite.
    La solution qui s'offre à nous pour faire notre travail -- et nous l'avons trouvée assez efficace dans plusieurs pays -- c'est de travailler avec des comités parlementaires comme celui-ci et de profiter de tout ce que fait le comité pour établir des voies de communication et des relations entre le Parlement et les fonctionnaires du gouvernement. Je ne sais pas dans quelle mesure nous pouvons promouvoir le dialogue au plus haut niveau entre le gouvernement et le Parlement. Nous en avons eu l'occasion à une ou deux reprises, mais tant que nous ne sommes pas sur le terrain, tant que nous n'avons pas établi de relations et que nous n'avons pas commencé à renforcer la confiance, c'est très difficile à faire. Mais cela fait partie de nos programmes.
    Pour répondre à votre question concernant notre expérience antérieure et l'usage que nous pouvons en faire en Haïti, très sincèrement, il n'y a rien de comparable à la situation dans laquelle nous nous trouvons en Haïti. Je dirais que la meilleure comparaison qu'on puisse faire c'est lorsque nous avons commencé à travailler avec le Parlement du Cambodge au début des années 90. Le Cambodge connaissait le même problème de dévastation des ressources humaines que celui que Joseph et nos collègues ont constaté au Parlement lorsqu'ils sont allés en Haïti. De nombreux Cambodgiens avaient été tués ou avaient quitté le pays et commençaient à revenir peu à peu. Mais même là, il y avait une meilleure infrastructure en place lorsque nous avons commencé notre travail.
    Je dirais que c'est là une nouvelle expérience tout à fait unique pour le Centre parlementaire et que nous l'abordons avec beaucoup d'humilité et de prudence, car nous en sommes conscients.
    Pour répondre à votre deuxième question, tout semble indiquer jusqu'ici que les Haïtiens se réjouissent de l'assistance canadienne et apprécient particulièrement que le Canada ait choisi le Parlement, entre autres institutions, pour centrer son soutien. Nous nous attendons à ce que les présidents de la Chambre des députés et du Sénat nous réservent également un bon accueil la semaine prochaine lorsque nous visiterons le pays.

[Français]

     J'aimerais simplement compléter la réponse à votre question, monsieur.
     Le président et le premier ministre actuels se sont entendus pour créer un nouveau poste ministériel, celui de ministre délégué auprès du Premier Ministre chargé des relations avec les parlementaires. Cela donne le ton. C'est une question d'attitude. Le gouvernement lui-même est composé de gens venant d'une demi-douzaine de partis politiques différents. Ce nouveau ministre délégué auprès du Premier Ministre chargé des relations avec les parlementaires s'appelle Me Joseph Jasmin, que nous avons eu l'occasion de rencontrer à quelques reprises. C'est un homme qui a déjà été parlementaire lui-même à une époque où le Parlement et l'exécutif étaient à couteaux tirés. On croit que cela favorisera des relations plus intéressantes que dans le passé.
(1705)
     Merci, monsieur le président.
    Messieurs, bonjour.
    Au cours des dernières semaines, plusieurs témoins sont venus nous parler du climat de corruption et d'impunité qui sévit en Haïti. Je me dis que vous allez probablement être confrontés, même dans une institution parlementaire, à ce climat de corruption et d'impunité.
    Comment prévoyez-vous surmonter cette difficulté? D'abord, y avez-vous pensé?

[Traduction]

    Je répondrai en deux mots que c'est avec la plus grande prudence. C'est un domaine dans lequel nous avons malheureusement eu beaucoup d'expérience. Comme vous l'avez dit, le Parlement n'est pas à l'abri de la corruption dans les institutions publiques de ces pays. Ce que nous cherchons à faire, et c'est ce qui contribue, selon nous, à l'utilité du travail du Centre parlementaire, c'est donner l'exemple en montrant comment nous travaillons. Nous allons établir sur place un bureau qui sera géré par des Haïtiens -- comme nous le faisons ailleurs dans le monde -- et ils seront reliés aux systèmes administratifs et financiers du Centre parlementaire.
    Ce que nous laissons derrière nous est un petit exemple de la façon dont les institutions devraient être administrées si elles veulent devenir efficaces. Vous avez raison de dire que c'est un des problèmes les plus graves que pose la gouvernance en Haïti, et le président Préval l'a reconnu.
    En plus de la façon dont nous gérons nos propres affaires, notre Centre travaille depuis une dizaine d'années au renforcement des réseaux interparlementaires de lutte contre la corruption. Nous servons de secrétariat à une organisation internationale qui a été mise sur pied par le Parlement canadien. Elle s'appelle GOPAC et elle est présidée par John Williams. Nous avons un réseau régional en Afrique qui s'appelle APNAC et qui fait un travail similaire. Nous voyons la possibilité d'établir des liens entre ces réseaux et les parlementaires d'Haïti. C'est un problème très complexe.

[Français]

    Qu'est-ce qu'on peut faire, messieurs, en tant que parlementaires? Vous avez souligné certaines petites actions. Est-ce que nous pouvons aller plus loin, nous, en tant que parlementaires canadiens? Pouvons-nous aider? Autre que de participer à un comité bilatéral ou à un comité Canada-Haïti, qu'est-ce qu'on peut faire?

[Traduction]

    Je me réjouis que vous ayez posé la question, car elle me permet de terminer mon exposé.
    Comme nous le disons, nous en bénéficions. Le Centre parlementaire est une petite institution dont la capacité dépend dans une large mesure de ses relations avec le Parlement du Canada et les assemblées législatives provinciales. Au fil des années, nous avons travaillé en collaboration étroite avec l'Assemblée nationale du Québec, l'Assemblée législative de l'Ontario et trois ou quatre autres assemblées législatives provinciales.
    Ce que nous cherchons à faire dans le cadre du projet en Haïti et de façon plus générale, c'est à approfondir et élargir cette collaboration. Un ancien greffier de la Chambre des communes, Bob Marleau, est devenu le président de notre conseil d'administration. Il a proposé d'établir des relations, qu'il qualifie de privilégiées, entre le gouvernement du Canada et notre travail sur la scène internationale pour apporter une aide concrète et pratique aux parlements prioritaires du monde entier.
    Je vais vous donner un petit exemple sur lequel je termine mon exposé.
    On nous a dit, au cours de nos missions, qu'un des défis que doit relever le nouveau gouvernement d'Haïti est la signature d'un certain nombre d'accords internationaux y compris des accords commerciaux. L'une des priorités des Haïtiens est d'essayer de nouer des relations plus étroites avec leurs voisins des Antilles, mais en général, leurs relations internationales ont beaucoup souffert au cours des 20 dernières années.
    Nous disons que le comité pourrait peut-être se jumeler à un comité équivalent de la Chambre des députés d'Haïti. Je sais que vous avez vos propres responsabilités, mais ce jumelage qui permettrait un certain mentorat et pourrait apporter une aide technique à l'occasion, quand ce serait possible, serait quelque chose de très utile. Votre comité possède une vaste expérience dans le domaine du commerce, entre autres, et il semble bien que ce sera un des comités importants de la Chambre des députés et du Sénat haïtiens.
    Ce n'est qu'un petit exemple, mais un exemple important des façons dont une puissante institution parlementaire peut venir en aide à une institution qui se trouve dans une situation diamétralement opposée.
(1710)
    Merci, monsieur Miller.
    Monsieur Goldring, vous avez cinq minutes.
    Merci, messieurs, d'être venus témoigner ici aujourd'hui.
    En lisant votre rapport et en vous écoutant nous en parler, cela m'a rappelé ma dernière visite en Haïti. Il y a plusieurs choses qui ont retenu mon attention et qui nous porteraient certainement à croire qu'il est plus difficile qu'il n'y paraît en surface de ramener la démocratie après les dernières élections.
    Je pense que les élections étaient en soi révélatrices en ce sens que les élections présidentielles ont eu un très grand taux de participation tandis que la participation a été relativement faible, de 30 p. 100, pour les élections parlementaires qui ont suivi. Cela a quand même été un succès par rapport aux élections précédentes. Un taux de 30 p. 100 signifiait, comme le président Préval nous l'a dit lors de notre entretien privé avec lui, que les citoyens comprenaient ou ne comprenaient pas le rôle des parlementaires et ce qu'ils pouvaient faire pour contribuer au gouvernement en Haïti. Par le passé, le Parlement avait préféré critiquer que d'appuyer les bonnes initiatives et les bonnes mesures.
    Je pense que cela confirme ce dont on avait déjà parlé au sujet des programmes de soutien de la démocratie en Ukraine, en Russie et dans de nombreux autres pays. Ces pays ont un taux d'alphabétisme très élevé alors qu'en Haïti il est extrêmement faible. Cela semble confirmer qu'il faudrait peut-être aller beaucoup plus loin pour soutenir la gouvernance qu'en agissant seulement au niveau du Parlement. Il faudrait rejoindre directement les collectivités et les écoles afin que les enfants et la prochaine génération comprennent le rôle que leur parlement peut jouer.
    Également, Joseph, nous avons discuté quant à savoir si dans le cadre de leur programme de formation, les députés participeraient à des assemblées publiques ou des réunions de ce genre pour bénéficier des expériences de nos parlementaires sur la façon d'avoir des échanges avec les citoyens. C'est pour que la collectivité puisse être convaincue de l'utilité d'un parlement et pour que les députés puissent transmettre ces renseignements au gouvernement central. Mais je ne vois rien à ce sujet dans ce document.
    Ma question concerne donc davantage les budgets dont vous disposez et je voudrais savoir si vous voudriez faire ce genre de choses si vous disposiez d'un budget plus important. Avez-vous les ressources nécessaires pour pouvoir intervenir utilement, aussi bien auprès des citoyens qu'auprès du Parlement, et de quel budget annuel auriez-vous besoin pour l'année qui vient, les deux prochaines années ou les quatre années à venir.
    Très brièvement, nous en sommes toujours aux démarches administratives auprès de l'ACDI, qui finance le programme, et nous sommes en train d'établir un budget. L'argent ne manque pas. Dans le domaine du développement, les gens se plaignent souvent que le manque d'argent est une source de problème. Dans le domaine de la gouvernance, ce n'est pas vraiment le plus gros problème. C'est surtout une question d'efficacité, de choisir les bonnes choses à faire et d'amener vos partenaires à souscrire au processus.
    Ce projet dispose d'un budget de 5 millions de dollars pour trois ans, ce qui constitue une bonne somme d'argent pour se livrer à ce genre d'activités. Cela devrait comprendre les activités visant à établir des relations entre les parlementaires, surtout ceux de la Chambre des députés et leurs circonscriptions.
    Je vais demander à Joseph de vous en parler un peu, car c'est une question qu'il a souvent abordée avec moi à son retour de mission en Haïti, y compris celle à laquelle il a participé avec vous il y a quelque temps.
(1715)
    Ces 5 millions de dollars proviennent-ils de l'ACDI? Cela fait-il partie des 42 millions de dollars qu'ils avaient?
    Je l'ignore. Je suppose que cela fait partie de l'enveloppe globale, mais pour ce qui est du Parlement, j'ai l'impression que la réalisation de ce projet pourrait prendre quatre ou cinq ans et que cet argent ne devrait pas être déboursé très rapidement.
    Allez-y, Joseph, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup pour cette question, monsieur Goldring.
    Pour répondre à votre question, nous avons essayé de tenir compte du fait que nous avons maintenant en Haïti un gouvernement nouvellement élu tant au niveau du Parlement qu'au niveau du pouvoir exécutif. Une des raisons pour lesquelles nous n'avons pas précisé davantage certaines des idées dont nous avons discuté au cours des mois écoulés, c'est parce que nous voulions être certains de ne pas donner à nos partenaires haïtiens l'impression que nous leur proposions une solution toute faite. Nous voulons plutôt montrer que ce sera un travail en commun et que nous serons également là pour écouter ce qu'ils ont à nous dire.
    Nous avons une bonne idée de ce que les Haïtiens pourraient certainement utiliser comme instruments et comme mécanismes. Néanmoins, Haïti est une nation souveraine et sa souveraineté est aussi une institution. C'est également ce qu'on nous a fait comprendre et nous devons y être très sensibles, d'autant plus que nous sommes passés d'un gouvernement de transition à un gouvernement légitime et souverain.
    Ne devrions-nous pas présenter cela comme un atout supplémentaire? Je crois sincèrement que si nous intervenons seulement au sommet, auprès du Parlement, l'impact sera très limité. Ne devrions-nous pas dire qu'il faudrait sans doute donner un cours à ce sujet dans les écoles pendant un certain temps et même sensibiliser les médias et le public aux avantages que cela pourrait avoir?
    Merci, monsieur Goldring.
    Très rapidement.
    Je dirais très rapidement que les projets comme ceux que nous entreprenons peuvent inclure ce genre d'éléments, mais qu'ils dépendent d'autres projets, d'autres programmes qui peuvent être réalisés par le Canada ou d'autres donateurs.
    Le Canada joue depuis longtemps, peut-être plus longtemps que tout autre grand pays donateur, un rôle en Haïti au niveau des collectivités. Nous avons d'excellentes organisations non gouvernementales canadiennes, comme CCE qui est basée à Montréal, qui se sont taillé une solide réputation internationale et travaillent en Haïti depuis 35 ans. Cette organisation comprend très bien ce qui se passe au niveau des collectivités.
    Une des choses que nous avons explorées est la possibilité d'établir un partenariat avec ces organisations en leur disant que nous voulons trouver des moyens d'aider les députés à rejoindre les citoyens et en leur demandant si nous pouvons utiliser leurs ressources, leurs connaissances et leur expérience pour établir des liens.
    Merci, monsieur Miller.
    Monsieur Marston, s'il vous plaît.
    C'est peut-être seulement un manque de connaissances de ma part, mais je suis frappé… En ce qui concerne le nombre de partis politiques différents qui ont été élus, quel était leur niveau de préparation? Donnent-ils l'impression d'aller tous dans la même direction? Ou manquent-ils largement de préparation?
    Ensuite, à propos de ce que M. Goldring a dit au sujet de l'éducation des citoyens, en vous écoutant, j'ai l'impression qu'on cherche avant tout à éduquer les nouveaux élus. Toutefois, étant donné qu'il risque d'y avoir des dissensions compte tenu du grand nombre de partis, les gens risquent de se méfier et de penser que nous appuyons un groupe particulier. Est-ce que c'est le cas?
    Nous sommes toujours très prudents de bien préciser que nous soutenons l'institution du Parlement et non pas tel parti ou tel autre. Par conséquent, nous allons travailler avec tous les parlementaires, quel que soit leur parti.
    Vous avez raison de dire que les dissensions sont un facteur critique. Là encore, il y a sur le terrain des organisations qui ont travaillé avec les partis politiques haïtiens. Nous pensons pouvoir nous associer à elles. Dans ce domaine, l'efficacité repose largement sur la collaboration. N'importe quelle organisation, y compris le centre, ne peut se charger que d'une petite partie du casse-tête. Comme vous le savez parfaitement, la gouvernance est quelque chose de très complexe.
    Une fois que nous serons établis sur le terrain, ce que nous sommes en train de faire, nous pourrons commencer à nouer ce genre de relations.
(1720)
    Merci, monsieur Miller.
    Il vous reste du temps, monsieur Marston.
    Non, ça va.
    Monsieur Van Loan.
    Dans votre mémoire, vous parlez des trois missions que vous avez accomplies. Quand était-ce?
    La première était en décembre, la deuxième en mars et la troisième en avril.
    Par conséquent, elles ont toutes eu lieu récemment.
    Oui.
    Le Canada est intervenu en Haïti pendant de nombreuses années, à peu près à trois reprises -- c'est la troisième, je crois -- dans l'espoir de sortir le pays de ses difficultés. En ce qui concerne les deux premières fois, savez-vous si le Canada a fait quelque chose du côté du Parlement?
    Un peu.
    Comment cela a-t-il été fait, qui s'en est chargé et pourquoi cela a-t-il ou n'a-t-il pas marché?
    En fait, nous avons un document très intéressant sur les leçons apprises qui a été préparé par un ancien légiste de la Chambre des communes du Canada qui a passé trois ans...
    Et où est-il?
    Nous allons le déposer au comité.
    C'est exactement ce que nous recherchons.
    Nous le déposerons au comité.
    Cette intervention n'a pas été un succès.
    Je vais demander à Joseph de vous dire ce qu'il a appris au sujet de ce qui s'est passé pendant une des missions.
    Lorsque vous parlez des deux premières fois, voulez-vous dire la première, après Duvalier et ensuite après Aristide, après son retour il y a 10 ans?
    Oui.
    Je ne peux pas vraiment parler de l'intervention après Duvalier, car c'était très confus. Il y a peut-être eu deux ou trois coups d'État en moins de deux ou trois ans, si bien que c'était vraiment la pagaille. C'est donc difficile à dire. Il y avait beaucoup d'animosité entre les différentes factions. Je pense que le Canada était là et qu'il a apporté son soutien, mais il y avait aussi les réalités sur le terrain qu'il était pratiquement impossible de gérer.
    Pour ce qui est de la deuxième intervention, il y a 10 ans, il y a effectivement eu une tentative. C'est un Canadien qui gérait ce projet en Haïti. Je crois que c'était un projet financé par USAID avec des experts canadiens. Cela n'a pas été une réussite et d'autres interventions ont échoué à cause de la situation causée par le mouvement Lavalas et la fracture de ce mouvement. Il y a eu beaucoup de machinations politiques en coulisse. Même si Préval était le président, M. Aristide était à l'arrière-scène. Toute cette dynamique a rendu la situation et les conditions impossibles à gérer.
    Les parlementaires eux-mêmes ne cherchaient pas à développer leurs institutions à cause des luttes politiques qui avaient lieu et le Parlement a été dissout deux ans après le début de la législature. Je pense donc que ce sont les conditions politiques qui n'ont pas permis de travailler.
    Si je considère qu'il s'agit des symptômes, peut-on dire que la cause de l'échec a été un manque de volonté politique pour procéder à des réformes? Est-ce une condition nécessaire et est-ce ce qui manquait à l'époque?
    Absolument. Je suis d'accord.
    Avez-vous l'impression que cette volonté politique qui n'était pas là avant est maintenant présente?
    Votre impression et l'impression que Joseph a eue suite à une réunion à laquelle il a participé avec les parlementaires qui faisaient partie de la délégation avec le président élu Préval et depuis, pendant sa visite ici, c'est que certaines des leçons de la première administration Préval ont été retenues et qu'on a compris que ce genre de rivalité entre partis et la confrontation entre le Parlement et le gouvernement n'étaient profitables pour personne. Tout le monde poursuit ses propres intérêts, mais d'une façon qui nuit aux intérêts de tous.
    Est-il possible de traduire cela dans un environnement politique un peu plus constructif? C'est certainement une condition préalable pour le succès de notre projet. C'est nécessaire. Si ces conditions n'existent pas, il sera très difficile, voire impossible de renforcer les capacités comme nous cherchons à le faire. En pareilles circonstances, vous pouvez jouer un certain rôle en essayant de favoriser le dialogue ou la communication entre les factions, mais la possibilité de renforcer la capacité institutionnelle est très limitée.
    Nous espérons vivement que l'environnement sera plus positif et constructif qu'il ne l'était il y a 10 ans et que l'engagement international et la situation dans le pays seront un peu plus stables, que le consensus est plus large, mais nous verrons si c'est vrai ou non au cours des trois prochaines années ou même plus tôt.
(1725)
    Merci, monsieur Miller.
    Soyez très bref, monsieur Patry.

[Français]

    Monsieur Kira, vous avez parlé d'élections. Savez-vous quand aura lieu le deuxième tour? Se déroulera-t-il en même temps que les élections municipales? Vous ne savez pas encore?
    En effet. Pour le moment, plusieurs scénarios sont possibles.
     Il y a un très grand nombre de partis politiques. Au Parlement, aucun des partis n'a la majorité, même pas celui de M. Préval, qui est pourtant le premier en importance. Le rôle des parlementaires est complètement méconnu de la population. C'est aussi le cas au Canada.
    Si la population ne voit pas de changement à l'intérieur du pays, ne croyez-vous pas que la vraie opposition viendra de la rue?

[Traduction]

    Merci monsieur Patry.
     Allez-y très rapidement, monsieur Kira.

[Français]

    Ma réponse est oui.

[Traduction]

    C'était rapide.
    Une très petite question Madame Lalonde.

[Français]

     Plusieurs questions du genre ont été posées. Il reste que l'ancien professeur d'histoire en moi se rappelle que chaque fois qu'un pays évolue vers la démocratie, il commence, soit avec un seul parti, soit avec 48 partis. En outre, chacun d'entre eux a la conviction que sa position prévaudra.
    Quand on commence en politique, on est fier de pouvoir dire qu'on appartient au parti gagnant. C'est vrai, n'est-ce-pas? Pourtant, il faut en arriver à accepter de remporter des portions de victoire, quitte à en remporter d'autres la fois suivante. Autrement, on peut en venir à se cramponner à ses positions. Regardez-nous: il a fallu nous résoudre à voter pour le mauvais budget des conservateurs! En fin de compte, la démocratie suppose la tolérance et la capacité de continuer, même lorsqu'on n'a pas gain de cause.
    Je me demandais s'il y avait moyen, sans choquer ces gens ou prétendre leur montrer notre soi-disant savoir-faire, de travailler à ces questions. Pensez-vous qu'il soit possible, voire utile, de préparer des sessions à cet effet? Je lance la question à tout hasard.

[Traduction]

    Je vous ferais observer que le Canada a des antécédents politiques récents montrant les avantages d'une fusion des partis politiques dont il pourrait faire profiter Haïti. Cela a certainement eu des effets positifs aux yeux d'un des partis politiques.
    Oui, un certain nombre d'institutions travaillent au développement des partis politiques et c'est une des choses qu'on leur fait toujours valoir: si vous continuez d'avoir 48 partis minuscules, le pouvoir exécutif continuera à dominer l'Assemblée législative. C'est le résultat.

[Français]

    C'est exact.

[Traduction]

    Une des deux parties a la haute-main sur tout et l'influence du Parlement reste marginale.
    Je ne sais pas si Joseph pense que les partis politiques sont vraiment engagés dans un processus qui leur permettrait de s'unir et de commencer à réduire leur nombre.

[Français]

    On sait bien que les votes, ça s'achète. Il faudrait qu'il n'y ait pas de corruption.
    Je crois que votre question rejoint celle de M. Van Loan. Il s'agit en effet de volonté politique.
    M. Miller a fait une suggestion, à savoir que ce comité soit jumelé au comité parlementaire haïtien en matière d'affaires internationales. Ces gens auront besoin d'aide concernant toutes sortes de conventions, protocoles et traités internationaux. Ils ne savent pas trop comment s'y prendre.
     Vous avez de l'expérience et vous pourriez, entre autres, leur prouver que dans un comité composé de divers partis politiques, les gens peuvent travailler ensemble de façon constructive sans être continuellement à couteaux tirés.
(1730)

[Traduction]

    Monsieur Van Loan, j'ai une brève réponse à vous donner au sujet de la volonté politique.
    Pour ce qui est de la volonté politique, il s'agit également de voir si les dirigeants politiques sont intéressés à changer la façon dont ils recrutent leur personnel, par exemple. Si le personnel ne les sert pas bien, comme nous l'avons entendu dire, c'est peut-être à cause de la façon dont il est recruté. Ces personnes sont recrutées sur des bases politiques et peut-être faudrait-il donc changer cela. C'est un problème, car cela ne fait pas partie des pratiques administratives du pays. C'est un problème, mais cela fait également partie de la volonté politique.
    Merci.
    J'ai une question, mais M. Patry a une observation. Alors il va faire une observation très brève.

[Français]

    J'aimerais poser une question à M. Kira.
    Vous et M. Miller avez parlé de jumelage. Pourriez-vous nous faire savoir si les parlementaires haïtiens sont intéressés?

[Traduction]

    Merci.
    La sonnerie nous appelle au vote, mais j'ai une question. Il y a une partie de votre exposé qui me fascine et je vais y revenir.
    C'est la partie où vous parlez des trois piliers du renforcement de l'État. Vous dites qu'il faut se concentrer sur le renforcement de l'État comme objectif principal. « Le renforcement de l'État repose sur trois piliers: la capacité des structures de l'État à exercer les fonctions de base… » C'est le premier pilier du renforcement de l'État. Vous parlez de l'infrastructure, de la santé, peut-être de la magistrature, de la sécurité, de toutes ces choses. Si vous prenez Haïti, le pays est défaillant dans tous ces domaines.
    Le deuxième pilier est « la légitimité et la responsabilité ». Nous avons appris aujourd'hui que les députés ne comprennent pas vraiment quelles pourraient être leurs responsabilités et que c'est peut-être la raison pour laquelle nous pourrions nous jumeler. C'est peut-être la raison pour laquelle nous pouvons intervenir. Cela donne l'impression que le deuxième pilier est très branlant. S'il n'y a pas de responsabilité ou de légitimité, ce pilier suscite beaucoup de doutes.
    Le troisième pilier est « la capacité de fournir un environnement propice à un bon rendement économique ». Je ne vois aucun pilier debout en Haïti. Où irait la majorité de vos ressources si vous commenciez par construire un de ces piliers? À quel pilier les ressources de l'ACDI ou du groupe parlementaire dont vous faites partie seront-elles consacrées? Vous dites aussi que « le projet du Centre parlementaire devra, comme je l'ai mentionné plus tôt dans ma présentation, rapidement démontrer sa capacité à répondre dans la mesure du possible… » En réalité, il n'y a aucun pilier qui tienne debout. Vous dites que le projet doit « rapidement démontrer sa capacité à répondre aux besoins immédiats et urgents du partenaire haïtien. Je dis bien dans la mesure du possible car, comme agence d'exécution, il y a certaines balises que nous devons respecter et des comptes que nous devons rendre à l'ACDI ».
    Quelles sont ces balises que vous devez respecter si vous avez des comptes à rendre à l'ACDI?
    Il y a toutes sortes de règles financières qui régissent la façon dont l'argent est dépensé et dont nous opérons sur le terrain. Lorsque nous parlons de besoins immédiats, il s'agit de besoins très concrets. Par exemple, il serait impossible de tenir une réunion comme celle-ci dans les édifices du Parlement haïtien aujourd'hui. Les gens n'ont pas la possibilité matérielle de se réunir. Nous espérons pouvoir trouver des moyens de les aider dans ce domaine avec d'autres donateurs.
    Pour répondre à votre première question, je dirais que les deux priorités les plus importantes dans des pays comme celui-là sont la sécurité et la pauvreté. Il va falloir agir rapidement pour rétablir la loi et l'ordre dans une situation chaotique et, deuxièmement, répondre aux besoins de gens désespérément pauvres, car ils peuvent contribuer à l'insécurité. Dans la mesure où nous pouvons exercer une influence, ce sont des questions sur lesquelles nous espérons amener le Parlement à centrer son attention.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Je veux simplement ajouter que le discours du premier ministre Préval est très bon. On devrait le distribuer au comité.
(1735)

[Traduction]

    Je vous remercie infiniment d'être venus. Nous l'apprécions. Nous apprécions ce document.
    La séance est levée.