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Merci, monsieur le président. Bonjour à tous.
Je souhaite remercier le comité d'avoir invité l'Institut Nord-Sud à lui faire part de son avis sur les questions soulevées par le rapport annuel du gouvernement sur les institutions de Bretton Woods, soit le FMI et la Banque mondiale.
Laissez-moi d'abord vous expliquer pourquoi les organisations multilatérales comme le Fonds monétaire international et la Banque mondiale sont si importantes.
Le monde d'aujourd'hui est confronté à de nombreux problèmes, dont certains sont des urgences ou des crises en devenir. Ces urgences comprennent la pandémie de VIH/sida et d'autres problèmes de santé qui touchent les pays et les populations les plus pauvres du monde; le spectre de la dévastation causée par les changements climatiques; les conflits locaux et les menaces de guerres régionales, ou pire; des dettes considérables qui s'alourdissent aux États-Unis, en Asie et en Europe, et qui menacent la stabilité financière de l'économie internationale; des disparités croissantes et significatives entre les riches et les pauvres; conséquence d'une mondialisation inéquitable.
Il est impossible de résoudre un seul de ces problèmes par l'aide bilatérale, la diplomatie ou l'intervention militaire. Ce sont des problèmes trop vastes et trop complexes, même pour les États-Unis, le pays le plus riche et le plus puissant du monde. Des problèmes d'ampleur internationale exigent une réponse multilatérale. En d'autres mots, les problèmes les plus pressants d'aujourd'hui exigent que les organisations multilatérales, comme les Nations Unies et les institutions qui découlent de Bretton Woods, jouent un rôle clé dans leur résolution. Ce rôle consistera à mobiliser les ressources des plus à même dans le monde d'apporter de l'aide et de les allouer à ceux qui éprouvent les besoins les plus pressants.
Évidemment, il y a un piège. Pour être efficaces et efficientes, les organisations multilatérales doivent être constamment surveillées, évaluées et doivent rendre compte de leurs activités, de leurs politiques et de leurs résultats. Pour ce faire, les pays membres doivent constamment faire preuve de vigilance et de prudence, par le biais de leurs représentants au sein de ces organisations.
Cependant, la reddition de comptes des organisations multilatérales commence avec nos représentants, par exemple, avec le rapport du ministère des Finances sur les organisations de Bretton Woods, mais elle ne s'arrête pas là. En effet, il est essentiel que ces rapports servent de tremplin à des discussions plus vastes, non seulement sur l'efficacité de ces institutions, mais également sur leur pertinence et leur légitimité.
Les parlementaires et la société civile des pays membres doivent participer à ces discussions pour déterminer non seulement si ces institutions font les choses correctement, mais plus fondamentalement, si elles font les bonnes choses. Généralement, les fonctionnaires ne posent pas ces questions-là.
Laissez-moi vous donner deux exemples. Le rapport indique qu'il y a bien moins de pays qui contractent des prêts auprès du Fonds monétaire international, ce qui mine la viabilité financière de l'organisation. La plupart des pays emprunteurs du Fonds sont les pays les plus pauvres de la planète, qui ont besoin d'une aide au développement à long terme, et non d'une aide à la balance des paiements à court terme, pour laquelle le FMI a été créé. Pourtant, le FMI ne se considère pas comme une agence de développement, ce qui a créé des tensions considérables entre cette institution et la Banque mondiale et a engendré des problèmes de coordination entre les deux institutions — problèmes dont nous n'entendons pas beaucoup parler dans le rapport.
Le rapport fait allusion au fait que les fonctionnaires recherchent des solutions financières aux déficits du FMI, mais ceux-ci ne se posent pas les questions les plus fondamentales : le FMI devrait-il continuer d'exister? Le cas échéant, doit-on complètement redéfinir sa mission et son mandat?
Mon second exemple porte sur l'émoi que l'on a observé récemment au sujet de la présidence de Paul Wolfowitz à la Banque mondiale. J'aimerais parler du processus de sélection du président de la Banque mondiale et de son homologue, le directeur général du FMI.
Même si le rapport indique que le Canada préconise un processus de sélection ouvert, transparent et fondé sur le mérite, mais, à l'heure de vérité, la tradition perdure. Dans ce cas, les États-Unis choisissent traditionnellement un président pour la Banque mondiale et les autres pays approuvent le candidat américain. Paul Wolfowitz, nommé il y a deux ans et demi par le président George W. Bush, était un choix très controversé et ce n'était certainement pas la personne la plus appropriée pour ce poste.
Si M. Wolfowitz démissionne, et beaucoup pensent qu'il le devrait — moi y compris — le prochain président devra être choisi à l'issue d'un processus ouvert, transparent et fondé sur le mérite. Ce changement exigera énormément de pressions de parlementaires et de la société civile des pays membres. Les fonctionnaires à Washington, à Ottawa et dans les autres capitales ont peu de chance de réussir cette entreprise sans une telle pression externe.
Enfin, j'aimerais ajouter que le Canada a la possibilité de faire une contribution différente au FMI et à la Banque mondiale de ce qu'il peut faire par les agences onusiennes et les autres organisations multilatérales. Les conseils d'administration du FMI et de la Banque mondiale comptent 24 directeurs exécutifs, dont la plupart représentent un groupe ou un ensemble de plusieurs pays. Le directeur exécutif du Canada représente aussi l'Irlande et la plupart des pays du Commonwealth et des Caraïbes. De la même façon, notre ministre des Finances, lorsqu'il s'adresse au comité décisionnaire du FMI et de la Banque chaque printemps et chaque automne, représente ses homologues de l'Irlande et des Caraïbes
En d'autres mots, le Canada a une clientèle Nord-Sud composée de pays développés et de pays en développement, ce qui lui permet, s'il en fait le choix, de jouer un rôle plus inclusif dans ces institutions en exprimant et en soutenant les positions des pays en développement qu'il représente. Les autres présidents des comités de ces organisations n'ont généralement pas cette possibilité. Le Canada ne peut parler au nom d'un autre pays aux Nations Unies, où il ne représente que le Canada.
Je vais conclure. Nous accueillons favorablement cette possibilité d'avoir une discussion sur les institutions financières internationales, mais les questions sont nombreuses et complexes. Pour leur rendre justice, le comité permanent devrait s'assurer que ces discussions se fassent plus régulièrement et qu'elles soient plus approfondies. Un sous-comité permanent des institutions financières internationales pourrait être recréé, ou encore un comité qui surveillerait toutes les institutions multilatérales de coopération économique et sociale. Les institutions multilatérales, à mon avis, sont trop importantes pour que nos fonctionnaires en soient les seuls responsables, aussi compétents et consciencieux soient-ils. Si l'on veut que ces organisations fassent les bonnes choses et les fassent bien, les parlementaires et la société civile doivent jouer un rôle plus important dans l'élaboration de leurs politiques, leurs activités et leurs incidences.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Pour commencer, je voudrais féliciter le ministère des Finances de son rapport très informatif sur les opérations visées par la Loi sur les accords de Bretton Woods et je voudrais aussi remercier les membres du personnel de l'Initiative d'Halifax pour la fiche d'analyse dans laquelle on félicite le ministère des Finances d'avoir considérablement amélioré son rapport.
Dans le temps dont je dispose, je propose de faire des observations au sujet de trois des objectifs du Canada abordés dans le rapport.
Le premier point porte sur la contradiction entre l'objectif canadien d'améliorer l'efficacité de l'aide et les conseils en matière de programme d'action qui sont habituellement donnés par le FMI. En juin dernier, je lisais un article rédigé par un collègue africain concernant les politiques du FMI. Dans une phrase omise dans le rapport on dit :
Dans le cas de la Zambie, le FMI n'a pas permis au gouvernement d'employer davantage de travailleurs de la santé malgré le fait que le gouvernement canadien était disposé à payer leur salaire pour les cinq prochaines années.
J'étais stupéfait. Est-ce que cela pouvait être vrai? Est-ce que le FMI empêchait vraiment le Canada de payer les travailleurs de la santé dans un pays où 17 p. 100 de la population adulte est atteinte du VIH?
J'ai décidé de me renseigner à ce sujet et j'ai communiqué avec un certain nombre de collègues en Zambie. Ce que j'ai découvert était déconcertant. Non seulement l'ACDI avait de la difficulté à dispenser de l'aide, mais c'était le cas également du ministère du Développement international du Royaume-Uni, du Fonds des Nations Unies pour l'enfance, et de l'Organisation mondiale de la santé. Cela faisait partie d'un problème plus vaste.
Je me suis demandé si la Zambie était peut-être un cas exceptionnel. Malheureusement, ce n'est pas le cas. Le FMI a commandé une étude à son propre bureau d'évaluation indépendante pour examiner les allégations selon lesquelles les programmes du FMI bloquaient la disponibilité de l'aide en Afrique. Dans ce rapport, on a examiné les activités du FMI dans 29 pays africains de 1999 à 2005. Les résultats de cette étude sont tout à fait choquants. L'étude révèle que le FMI n'a permis que 28 p. 100 des augmentations prévues pour l'aide soient dépensées, tandis que le reste, soit 72 p. 100 sont retenus à titre d'épargne publique. En d'autres termes, seulement 3 $ environ pour chaque tranche de 10 $ en augmentation d'aide annuelle ont pu être dépensés. Le reste, 7 $, a été mis de côté en tant que réserve internationale ou épargne nationale.
La principale raison pour laquelle le FMI ne permet pas davantage de dépenses publiques, même en provenance de donateurs internationaux, est son acharnement à combattre l'inflation. Les pays qui avaient un taux d'inflation en dessous de 5 p. 100 étaient autorisés à dépenser 8 $ pour chaque tranche de 10 $ d'aide. Les pays dont le taux d'inflation était au-dessus de 5 p. 100 étaient limités à des dépenses de seulement 1,50 $ pour chaque tranche de 10 $ d'aide promise. La plupart des économistes nous disent qu'une inflation modérée, c'est-à-dire un taux d'inflation de 10 à 20 p. 100 ne nuit pas au développement économique. Quoi qu'il en soit, les programmes du FMI qui limitent trop les dépenses publiques en disant que c'est pour combattre l'inflation nuisent au développement. Je pense qu'un point faible du rapport du Canada sur les institutions de Bretton Woods c'est qu'il n'aborde pas la question, et nous ne savons pas quelle position il prend à l'interne dans les débats au sein des institutions de Bretton Woods.
La deuxième question sur laquelle j'aimerais faire des observations est la priorité que le Canada dit accorder à la promotion du développement durable. Cette priorité est contredite par l'appui de la Banque mondiale à l'extraction des combustibles fossiles dans les pays en voie de développement, ce qui mène à une augmentation des émissions de gaz à effet de serre et à cause des changements climatiques. Le Canada, avec d'autres pays du G8, a demandé à la Banque mondiale de mettre en place un cadre d'investissement pour le développement de l'énergie propre. La bonne nouvelle, c'est que la Banque mondiale fait des progrès. Cependant, elle commence à partir d'une position très difficile. Entre 1992 et 2004, la Banque mondiale a accordé quelque 28 milliards de dollars en financement à des projets liés au combustible fossile. C'était 17 fois plus que le financement pour des projets d'énergie renouvelable et d'efficacité énergétique.
La bonne nouvelle, c'est que cela a commencé à changer. Au cours de l'exercice 2005, la Banque mondiale a en fait accordé davantage d'argent pour l'efficacité énergétique et l'énergie renouvelable que pour les combustibles fossiles. Cependant, au cours de l'exercice 2006, nous avons vu encore une fois un recul, les dépenses pour les combustibles fossiles ont augmenté de 93 p. 100 tandis que les dépenses pour l'énergie renouvelable et l'efficacité énergétique n'ont augmenté que de 46 p. 100. Nous avons donc encore beaucoup de progrès à faire.
J'espère que le Canada pourra souscrire aux conseils que l'on retrouve dans l'examen qu'a fait la Banque mondiale sur l'industrie d'extraction, dans lequel on demandait l'élimination progressive des dépenses pour l'extraction des combustibles fossiles et que la Banque mondiale consacre plutôt ses ressources à l'énergie renouvelable, à la conservation et aux technologies d'énergie propre.
La troisième et dernière question que j'aimerais commenter est la priorité du Canada qui consiste à réformer le FMI en vue de renforcer le réseau financier international. Roy a déjà abordé cette question.
Ce que j'aimerais faire, c'est placer cette question dans un contexte plus général. Étant donné précisément que le FMI limite la capacité des nations souveraines à prendre leurs propres décisions, il y a actuellement une tendance en Asie, en Afrique et en Amérique latine vers le développement de nouvelles institutions qui ne seraient pas visées par les accords de Bretton Woods. Par exemple, en Asie, on parle d'un fonds monétaire asiatique qui serait contrôlé par les pays asiatiques. En Afrique, il est question d'une monnaie africaine et d'une banque centrale africaine. En Amérique latine, cinq pays ont déjà pris des mesures pour mettre en place une banque du Sud qui prendra leurs propres réserves de monnaies et s'en servira pour ses propres priorités en matière de développement.
Le gouverneur de la Banque du Canada, M. Dodge, a dit qu'il y a tellement de soupçons à l'égard du FMI que ce dernier n'est plus le meilleur organisme pour encourager un environnement monétaire stable. C'est pour cette raison que les pays en voie de développement prennent de telles initiatives.
Loin d'être alarmé par tout cela, le Canada devrait se réjouir de ces initiatives des pays du Sud et encourager les pays souverains à prendre la direction de leurs propres finances et à mettre en place des institutions qui répondent à leurs propres besoins.
Je vous remercie, monsieur le président.
Pour commencer, je voudrais vous remercier de m'avoir permis de m'adresser à vous aujourd'hui en ajoutant que c'est un véritable honneur pour moi.
Comme le disent depuis quelques mois un grand nombre d'observateurs assidus de la situation en Afghanistan, le processus d'édification de l'État afghan est arrivé à son point de bascule. La plupart des Afghans n'ont pas encore reçu le dividende de paix qui leur avait été promis par les dirigeants afghans et les dirigeants étrangers à la suite de l'effondrement du régime taliban. Ayant entendu parler d'un genre de plan Marshall pour leur pays, les Afghans en général avaient commencé à espérer la fin de la violence et de la pauvreté endémique qui caractérisaient leur existence depuis une vingtaine d'années. Or, nous sommes maintenant en 2007, et le changement le plus flagrant dans le quotidien de la plupart des Afghans est la montée de l'insécurité et la croissance d'une administration publique qui est de plus en plus considérée comme prédatrice, envahissante et corrompue. Cet état de choses a alimenté un sentiment de plus en plus aigu de pessimisme et de désenchantement qui a conforté des mouvements factieux comme les talibans.
À l'heure actuelle, nombreux sont les Afghans, de Kaboul à Kunduz et Kandahar, qui imaginent que les talibans vont revenir au pouvoir, non pas qu'ils aient un regain de ferveur pour l'idéologie intégriste talibane, mais parce qu'ils ont le sentiment que les événements militent pour eux, que les protagonistes de la communauté internationale perdent peu à peu intérêt et que le régime Karzai est faible et chancelant. Les Afghans ont le sens pratique : après 23 ans de guerre civile, ils ont appris à se ranger du côté du vainqueur. À mesure que les talibans s'enhardissent, un nombre croissant d'Afghans, pour survivre, choisissent de se rapprocher d'eux. Nous constatons déjà ce genre de choses dans le Sud, où certains Afghans commencent à parler avec nostalgie de la paix et de la sécurité relatives qui régnaient sous les talibans.
Certes, lorsqu'ils sont arrivés au pouvoir en 1996, les talibans ont joui d'une certaine popularité parce qu'ils apportaient la sécurité et qu'ils désarmaient les chefs de guerre, ceux-là même qui allaient reconstituer leurs fiefs dans la foulée de l'opération Enduring Freedom, et qui sont aujourd'hui bien installés au gouvernement.
Comme le montrent fort bien les reportages sur l'Afghanistan, il n'est plus possible de dire que la sécurité dans ce pays est celle d'un « environnement post-conflit ». Contrairement à ce qui était le cas les années précédentes, la violence ne se limite pas à la ceinture pachtoune, qui est le coeur du pays taliban. Constat troublant en 2006, les régions du pays qui, jusque-là, avaient été stables, et notamment la province de Wardak dans le centre de l'Afghanistan, ont commencé à souffrir d'une montée en puissance de l'insécurité. La province de Wardak était l'une des régions les plus stables de l'Afghanistan en 2003 et en 2004 mais, en 2006, les Nations Unies se sont trouvées contraintes d'interrompre tous les déplacements sur les axes principaux en raison du risque d'attaques.
Il suffit de comparer les chiffres des actes de sédition en 2005 et 2006 pour comprendre la gravité du problème. En septembre 2006, on enregistrait en moyenne chaque mois 600 actions séditieuses ou actes de terrorisme, alors qu'en 2005, ce chiffre n'était que de 130 en moyenne. En 2006, il y a eu 139 attentats-suicides en Afghanistan, une augmentation très marquée par rapport aux 27 de l'année précédente. Enfin, les actions séditieuses ont fait plus de 3 700 victimes en 2006, soit un peu plus de quatre fois plus qu'en 2005.
La mauvaise gouvernance, surtout au niveau subnational, quelque chose qui, jusqu'en 2006, avait peu retenu l'attention des bailleurs d'aide, a été un des principaux facteurs à l'origine de l'insécurité. La police, qui est le principal point de convergence entre l'État et la société, est un bon exemple de la déconfiture de l'État afghan actuel. Il n'existe en Afghanistan aucune institution plus corrompue et plus dysfonctionnelle que la Police nationale afghane. Depuis 2002, au lieu d'être une solution, la police est une source constante d'insécurité pour les collectivités partout en Afghanistan. Un pourcentage important de la population considère la police avec un sentiment de crainte mêlée de rancune. Lorsqu'un Afghan traite avec la police, c'est souvent pour payer un pot-de-vin ou des taxes illégales. Les policiers commettent de plus en plus d'actes criminels, depuis les enlèvements contre rançon jusqu'au pillage de banques. En novembre 2004, la Commission indépendante des droits humains de l'Afghanistan affirmait que 15 p. 100 de toutes les violations des droits humains qui lui avaient été signalées étaient le fait de policiers. Les violations les plus fréquemment rapportées sont la torture, et le refus de poursuivre des meurtriers.
La corruption est largement répandue dans la police et environ 80 p. 100 des membres des corps policiers se livreraient au trafic de drogue. Une majorité de policiers restent loyaux envers les commandants locaux plutôt qu'envers le ministère de l'Intérieur. Expression éloquente de l'ampleur de la corruption et l'omniprésence des factions dans la police, un haut gradé de la police afghane m'a dit en juin 2006 qu'il ne fait confiance qu'à 27 seulement des quelque 1 500 policiers stationnés dans toute la province de Helmand.
Les émeutes de Kaboul sont la preuve la plus claire de la déconfiture du processus de réforme de la police pourtant appuyé par la communauté internationale. En effet, non seulement les policiers ne sont-ils pas parvenus à calmer les émeutiers, qui ont littéralement mis la capitale à sac, faisant au passage au moins 17 morts, plus de 190 blessés et des millions de dollars de dégâts, ils se sont même joints à eux. Les rares officiers qui se sont opposés aux émeutiers ont montré, ce faisant, qu'ils étaient insuffisamment préparés, et de loin, et qu'ils manquaient à la fois de matériel et de la formation nécessaires pour contrôler des foules.
Voilà qui m'amène à l'axe porteur de mon propos, le processus de réforme du secteur de la sécurité, la RSS, c'est-à-dire l'effort qui est déployé pour reconstruire l'architecture de sécurité de l'État afghan. Non seulement la RSS est-elle la pierre angulaire du processus d'édification d'un État afghan, elle représente également la stratégie de désengagement de la communauté internationale. Ce n'est que lorsque l'État afghan aura le monopole du recours à la force sur tout le territoire national que les conditions seront propices à un retrait des forces internationales.
Même si des progrès importants ont déjà été effectués ces cinq dernières années pour faire avancer le processus, et notamment la formation de plus de 30 000 soldats de l'Armée nationale afghane, ainsi que le désarmement et la démobilisation de 60 000 miliciens, plusieurs problèmes demeurent néanmoins, et je vais aborder trois d'entre eux.
Le premier est ce que j'appellerais un glissement insidieux vers la facilité dans la mise en oeuvre des réformes.
La RSS n'est pas seulement un processus destiné à former et à équiper les forces de sécurité; elle a également pour but d'inculquer des principes démocratiques modernes comme le respect des droits humains, de faire en sorte que les institutions qui travaillent pour la sécurité rendent compte de leurs actes aux pouvoirs civils démocratiques, et d'instaurer un État de droit. Or, en Afghanistan, ce processus a été presque exclusivement consacré à renforcer l'efficacité des forces de sécurité dans leurs activités. Tous les efforts déployés pour reconstruire le système judiciaire et réformer les ministères dont la tâche est d'administrer et de contrôler les forces de sécurité, en l'occurrence les ministères de la Défense et de l'Intérieur, ont été entrepris presque incidemment. Déjà, nous pouvons constater les répercussions néfastes de cette façon de faire, notamment avec la corruption omniprésente qui règne au ministère de l'Intérieur et qui afflige la moindre composante des services de police.
Le deuxième dilemme fondamental est ce que j'appellerais le problème de la volonté politique.
Le gouvernement afghan n'a pas toujours fait preuve de la volonté nécessaire pour entreprendre les réformes difficiles et pourtant nécessaires pour faire progresser le processus d'édification d'un État afghan. Cela apparaît particulièrement clair dans le parallèle entre la corruption et le trafic de drogue. On sait fort bien qui, au gouvernement — et parfois même au plus haut niveau du ministère — a ses entrées dans le monde de la drogue, et pourtant ces gens restent en poste. Cela est vrai également en ce qui concerne le problème des groupes armés illégaux. La communauté internationale finance le processus de désarmement, de démobilisation et de réintégration le plus coûteux de l'histoire, mais nombreux sont les membres haut placés du gouvernement qui, néanmoins, ont toujours leurs propres milices. Selon certains chiffres, jusqu'à 60 p. 100 des députés entretiendraient des liens avec des groupes armés illégaux, et cela malgré l'existence d'une disposition de la loi électorale qui aurait pourtant dû leur interdire de poser leur candidature en raison de l'existence de ce genre de lien.
Quel est donc le message que cela envoie au peuple afghan auquel on veut parler de lutte contre la drogue et de démilitarisation? Les Afghans ne prendront jamais ces processus au sérieux, jamais ne feront-ils confiance au gouvernement en général, tant et aussi longtemps que les règles ne seront pas les mêmes pour tout le monde. Peut-être faudrait-il absolument, pour favoriser les processus de lutte contre la drogue et de démilitarisation et donner plus de légitimité à l'État aux yeux de la population, s'en prendre désormais à du gros gibier, à des cibles très en vue. Le problème est qu'une telle approche est diamétralement opposée au style de leadership du président Karzai qu'on pourrait qualifier d'accommodant.
Au lieu de faire face aux problèmes profondément ancrés au sein de son propre gouvernement, le président Karzai a préféré rejeter sur le Pakistan l'essentiel du blâme pour la crise que connaît actuellement son pays dans le domaine de la sécurité. Certes, le Pakistan est l'une des plus graves menaces pour la sécurité de l'Afghanistan. La talibanisation des régions tribales sous administration fédérale, qui offrent aux insurgés une base d'opération pour leurs attaques contre les gouvernements et les cibles étrangères en Afghanistan, de même que la position ambiguë du régime Moucharraf au sujet des talibans, Moucharraf condamnant ceux-ci publiquement tout en leur offrant clandestinement son appui, sont les principaux moteurs de la rébellion.
Il est clair que le gouvernement pakistanais doit être sollicité beaucoup plus vigoureusement pour qu'il mette un terme au double jeu qu'il joue en Afghanistan. Cela dit, il est peut-être temps aussi que la communauté internationale exige davantage du gouvernement Karzai. L'image du méchant ne devrait pas pouvoir détourner l'attention des échecs du gouvernement Karzai et des problèmes de sécurité indigènes de l'Afghanistan.
L'Afghanistan et son gouvernement reçoivent de l'aide et de l'assistance, le plus souvent sans aucune condition. Peut-être faudrait-il maintenant rendre cette aide conditionnelle de manière à favoriser l'avènement de réformes difficiles. Si une chose est claire, c'est qu'offrir ainsi autant de ressources pour les aider alors que la classe politique dirigeante ne s'engage que du bout des lèvres à l'endroit des principes fondamentaux du processus représente non seulement un gaspillage, mais risque même d'exacerber encore la corruption et l'instabilité.
Le dernier problème dont je vous entretiendrai aujourd'hui est celui que j'appellerais l'absence de justice. À l'heure actuelle, la primauté du droit est lettre morte dans la plus grande partie de l'Afghanistan en raison surtout de la décrépitude actuelle du système judiciaire. C'est une évidence que de dire, dans le domaine de la reconstruction post-conflit, que peu importe que la police soit bien entraînée, si le système judiciaire ne fonctionne pas, celle-ci ne peut pas jouer son rôle.
Lord Paddy Ashdown, haut représentant pour la Bosnie entre 2002 et 2006, a dit un jour que l'une des leçons les plus importantes qu'il avait tirées de son passage en Bosnie était que la justice devait passer devant tout le reste. Si le système judiciaire n'est pas fonctionnel, la sécurité est impossible, on ne peut pas lutter contre la corruption, on ne peut pas non plus doter l'économie nationale d'un système de réglementation efficace.
Il semble bien que ceux qui sont en train de bâtir un État afghan n'ont pas compris la leçon. En 2005, et c'est toujours vrai aujourd'hui, moins de 3 p. 100 du financement du RSS allait à la justice et à ses institutions. Il n'est donc pas étonnant qu'aujourdhui, plus de 90 p. 100 des causes soient entendues par des instances coutumières ou officieuses plutôt que par les tribunaux afghans.
Pour la population afghane en général, la justice coûte cher, elle est corrompue et complètement déconnectée de la réalité locale. Les tribunaux sont à peine capables de fonctionner dans certaines régions du pays puisqu'il n'y a aucune infrastructure de base, aucun matériel, aucun juriste de métier. Combien de fois ai-je entendu parler de criminels qui avaient été arrêtés par la police pour être relâchés peu de temps après parce qu'il n'y avait aucun tribunal pour les juger, parce qu'il n'y avait pas de prison pour les y enfermer.
J'ai essayé aujourd'hui de vous montrer qu'on a effectivement jeté les fondements d'un État démocratique en Afghanistan, mais que ces fondements sont fragiles et branlants. De plus en plus, les Afghans sont désenchantés par un gouvernement incapable de leur donner les produits de base qu'ils sont en droit d'attendre de lui, un gouvernement dominé par les chefs de guerre et les trafiquants de drogue, un gouvernement miné par la corruption. Les émeutes de Kaboul en 2006 ont non seulement révélé à quel point les Afghans étaient désenchantés par la lenteur des changements, mais aussi à quel point tout le processus d'édification d'un État afghan pouvait véritablement imploser à la moindre occasion.
Pour le gouvernement afghan et la communauté internationale, l'un des plus gros problèmes de l'année qui s'annonce sera d'arriver à combattre cette insécurité croissante, un combat qui exige qu'on accorde un surcroît d'attention au processus de réforme du secteur de la sécurité. Les 8,6 milliards de dollars que les Américains viennent d'engager pour la RSS vont littéralement défibriller tout le processus, mais le problème du secteur de la sécurité en Afghanistan n'est pas uniquement un problème de ressources insuffisantes. Un changement de stratégie s'impose pour mettre en adéquation les objectifs à court et à long terme du processus. Tout ce qui est fait pour renforcer l'efficacité des forces de sécurité dans leurs activités doit s'accompagner d'autres actions destinées à permettre au gouvernement de mieux contrôler et administrer ces mêmes forces et de créer une infrastructure juridique et judiciaire avec laquelle elles pourront travailler.
À l'heure actuelle, à bien des égards, le système ne fait que rendre plus efficientes et efficaces des forces de sécurité essentiellement corrompues et factieuses. Il faut que le processus s'emploie à modifier la culture du secteur, et cela c'est un processus à long terme.
Pour la plupart des bailleurs d'aide, la réalité dérangeante est qu'il faudra un engagement massif pendant cinq à dix ans encore pour consolider les gains déjà acquis et empêcher l'État de tomber encore une fois dans la déchéance.
Cela ne veut pas dire pour autant que les forces militaires étrangères vont devoir affronter pendant dix ans encore une rébellion dont l'intensité est comparable à ce qu'on connaît aujourd'hui; si on procède aux investissements nécessaires dans le développement, la gouvernance et la RSS, le volet sécurité du projet d'édification d'un État afghan pourrait plutôt diminuer graduellement pour finir par disparaître totalement au profit de son développement et du volet diplomatique.
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Merci, monsieur Sorenson.
J'ai une déclaration assez courte que je vais vous lire rapidement.
Les opinions sur l'Afghanistan que je vous livre aujourd'hui sont fondées sur mon expérience personnelle relativement unique de ce pays où j'ai travaillé pour le gouvernement du Canada et pour d'autres.
Je suis actuellement directeur exécutif de Peace Dividend Trust, une fondation sans but lucratif créée par un groupe de diplomates, d'entrepreneurs et de travailleurs de l'aide dans le seul et unique dessein de travailler avec les Nations Unies et d'autres organismes internationaux à New York, en Afghanistan, au Soudan, et dans le cadre d'autres missions de maintien de la paix pour rendre les opérations de paix et les opérations humanitaires plus efficaces, plus efficientes et plus équitables.
Avant cela, de 2002 à 2004, j'étais le directeur adjoint de la Direction de l'Asie du Sud, au ministère des Affaires étrangères où, pourrait-on dire, j'ai assisté à la création, en quelque sorte, de notre approche triple D pour l'Afghanistan. Dans le cadre de mes fonctions, je m'occupais principalement de la coordination des activités du ministère de la Défense nationale, du ministère des Affaires étrangères et de l'ACDI pour l'établissement de notre ambassade à Kaboul.
PDT a actuellement deux projets en cours en Afghanistan. Dans les deux cas, nous nous intéressons principalement au fait qu'une très faible proportion seulement de l'argent provenant de la communauté internationale pour l'Afghanistan est dépensée en Afghanistan. Les dépenses opérationnelles des donateurs et des organismes internationaux pourraient servir à stimuler la reprise économique si elles privilégiaient l'achat de produits locaux et le recrutement de personnel afghan mais cette occasion est à toute fin pratique ratée. Il y a un nouveau consensus parmi les pays en développement pour dire que la croissance économique est le fondement de la paix et de la stabilité.
Notre projet des marchés publics, financé au départ par l'ACDI et qui reçoit maintenant également des fonds du Royaume-Uni et des États-Unis, a un mandat simple. Nous trouvons des fournisseurs afghans locaux, et nous formons les entrepreneurs afghans afin qu'ils puissent soumissionner pour des contrats internationaux afin de répondre aux besoins des forces de la coalition et des organismes internationaux — y compris les organismes canadiens — qui s'approvisionnent à l'heure actuelle à l'extérieur de l'Afghanistan, particulièrement à Dubaï.
Cela peut sembler banal, mais je vous assure qu'en accroissant les dépenses locales, on a une incidence majeure sur l'économie; cela crée des emplois. Des garçons qui autrement installeraient des bombes artisanales travaillent dans des usines et paient des impôts au gouvernement afghan qui fait face à de nombreuses difficultés.
Notre second projet achève. Il s'agit d'un projet de recherche sur les incidences économiques qui est sans précédent et que nous réalisons pour le compte du ministère des Finances de l'Afghanistan. Il est financé par le gouvernement britannique. Les donateurs, y compris le Canada, ont pris plusieurs engagements dans le cadre du Pacte pour l'Afghanistan, notamment d'avoir plus souvent recours à du personnel et à des entreprises afghans, mais à ce jour, personne n'a jamais essayé de déterminer précisément combien d'argent est injecté dans l'économie locale.
Nous avons maintenant produit les premières comparaisons entre les pays donateurs qui leur seront remises la semaine prochaine par le ministre afghan des Finances lors du Forum sur le développement de l'Afghanistan.
J'aimerais mentionner quatre choses au sujet de la situation en Afghanistan et du rôle du Canada.
Premièrement, le Canada fait une contribution positive. Le Canada a raison d'être présent en Afghanistan, mais nous devons être préparés, comme M. Sedra l'a dit, à nous engager à long terme, et il y a encore beaucoup de secteurs où nous pouvons apporter des améliorations.
D'abord et avant tout, le Canada fait une contribution positive et il y a de nombreuses réussites. Au début de la semaine, le ministre du Développement et le CRDI étaient les hôtes d'une réunion à Ottawa où se sont rassemblés tous les grands ONG canadiens présents en Afghanistan. Pendant cette réunion, on aurait pu croire qu'il s'agissait d'un pays différent de celui dont on parle tous les jours dans les journaux. Le message de ces organismes qui travaillent à Kaboul, à Kandahar et ailleurs était unanime, à savoir que tous les jours les investissements canadiens produisent un effet tangible, direct et positif dans la vie des Afghans. Que ce soit par le microcrédit, les soins de santé, la justice ou le développement du secteur privé, l'argent de l'ACDI et des organismes canadiens a un effet impressionnant en Afghanistan.
Notre propre projet, le projet des marchés publics que j'ai déjà mentionné, est également un succès remarquable. Au départ, nous voulions accroître les dépenses locales à Kaboul de 5 millions de dollars. Je suis heureux de pouvoir vous dire qu'après neuf mois nous avons pu injecter 46 millions de dollars dans l'économie locale, par exemple, en aidant l'armée américaine à acheter de l'eau à Kaboul plutôt qu'à Dubaï. Cela a permis de créer des milliers de nouveaux emplois pour les Afghans. Sans vouloir me vanter, cela nous place au sixième rang parmi les pays donateurs pour l'incidence économique directe que nous avons en Afghanistan, devant les Pays-Bas.
Les activités de l'ACDI en Afghanistan constituent une autre réussite. J'ai mentionné le rapport que nous avons préparé pour le ministre afghan des Finances sur l'incidence économique des pays donateurs. Il montrera que parmi tous les donateurs, l'ACDI est celui qui a le plus de répercussions sur l'économie locale pour chaque dollar dépensé.
Malheureusement, ces réussites passent inaperçues, éclipsées qu'elles sont par les controverses politiques.
Le Canada a raison d'être en Afghanistan. L'influence relative du Canada à Kaboul est unique, et je me permets de le dire en tant qu'ancien diplomate. Cette influence multiplie l'effet de notre investissement.
Contrairement à la plupart des autres missions postérieures à un conflit, le Canada est l'un des principaux intervenants à Kaboul. Cela s'explique en partie par l'importance de notre engagement, mais c'est aussi attribuable à l'efficacité de notre approche triple D et du leadership dont font preuve des personnes comme l'ancien ambassadeur du Canada, Chris Alexander, qui a maintenant quitté le service extérieur pour travailler pour les Nations Unies, le général Hillier et le général Andrew Leslie.
Si vous croyez que le Canada a une valeur ajoutée unique à offrir au monde et au développement, c'est là où nous avons assez d'influence pour le faire. Nous n'aurons pas plus d'influence ailleurs. Mais, comme le disait M. Sedra, nous devons être prêts à rester à long terme, pour que cet effet se transforme en un progrès durable.
Bâtir un pays c'est, par définition, s'engager dans un bourbier. Il n'est pas possible d'établir la paix, l'ordre et le bon gouvernement en un seul exercice financier, ni même en plusieurs. C'est un douloureux processus qui connaîtra des reculs, qui coûtera de l'argent, qui prendra du temps, qui prendra même des générations. Si nous nous retirons trop tôt, notre départ aura des conséquences et notre investissement sera perdu.
Les événements récents au Timor oriental en sont la preuve. J'ai participé à une mission des Nations Unies au Timor pour l'aider à réaliser son indépendance en mai 2002 et je dois avouer que j'étais parmi ceux qui se sont précipités à l'aéroport le lendemain de l'indépendance pour quitter le Timor, rappelant l'exode après la chute de Saigon. Maintenant, la collectivité internationale a été obligée de renvoyer au Timor plus de gens et plus d'argent pour refaire le travail qu'ils avaient déjà fait de 1998 à 2002. Le général Leslie nous a prévenus que le Canada devra rester en Afghanistan pendant 20 ans. Je crois que la tâche que nous nous sommes donnée obligera la collectivité internationale à rester dans ce pays encore beaucoup plus longtemps. Honnêtement, si la tâche était facile, nous n'y serions pas aujourd'hui.
Le Canada peut prendre des mesures pour accroître son influence en Afghanistan. L'approche triple D — développement, diplomatie et défense — doit continuer à aller de l'avant. Les plans récents visant à installer dans les mêmes locaux les fonctionnaires et le personnel de l'ACDI, du MDN et du MAECI au cours des prochains mois méritent d'être applaudis. Mais il faut également dire que le gouvernement britannique l'avait déjà fait tout de suite après le 11 septembre. En effet, à la fin de septembre 2001, le gouvernement britannique a rassemblé les représentants du Foreign Office, du Ministry of Defence, du DFID, dans une seule pièce et c'est ce que nous faisons maintenant. Dans le même ordre d'idée, la nomination de David Mulroney au MAECI et de Stephen Wallace à l'ACDI, comme principaux coordonnateurs en Afghanistan, contribuera grandement à rationaliser et à améliorer l'influence du Canada. Cela aussi, on aurait dû le faire il y a longtemps.
Il est important de dire aussi que l'ACDI, le MAECI et le MDN ne sont pas de vastes bureaucraties qui ont d'abondantes ressources et un grand nombre de personnes à affecter à l'Afghanistan, contrairement, par exemple, au USAID, au Pentagone et au Département d'État. Cependant, je tiens à souligner qu'il y a un avantage à être petit. Lorsqu'on a une petite bureaucratie, on peut coordonner les activités mieux et plus rapidement, on peut être souple et réagir rapidement à un environnement dynamique en pleine évolution comme c'est le cas en Afghanistan. Mais — et c'est un gros « mais » — sans coordination, nous ne sommes ni agiles ni rapides, nous sommes simplement petits.
J'aimerais également encourager le Canada à avoir davantage recours aux produits et services afghans pour appuyer nos opérations militaires. Le Canada a eu jusqu'à présent un influence positive sur l'économie, mais il pourrait s'approvisionner davantage auprès de fournisseurs locaux et avoir davantage recours à des organismes afghans pour acheminer l'aide.
En conclusion, j'aimerais dire que le Canada est au bon endroit au bon moment pour faire sa marque dans le monde. Nous sommes sur la bonne voie, mais nous devons être prêts à persévérer jusqu'à la fin. Cela prendra beaucoup de temps, mais nos efforts seront récompensés.
Merci.
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Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à vous messieurs d'être venus. Je voulais simplement dire pour commencer que mon parti et moi sommes tout à fait d'accord avec vous, à savoir que le Canada a un rôle absolument clé à jouer en Afghanistan aujourd'hui et pendant encore longtemps, peut-être 20 ans ou plus.
La grosse inquiétude que nous avons et que partagent, je crois, beaucoup de Canadiens, c'est que nous nous sommes mis dans une situation désastreuse au Kandahar et que cela menace notre efficacité et notre rôle dans tous les autres domaines où les besoins sont énormes.
Je commencerai avec vous, monsieur Sedra. Vous dites qu'en fait parmi les éléments essentiels à la reconstruction du pays — et je sais que vous vous spécialisez dans les questions de sécurité — il faut insister sur la primauté du droit, les droits de la personne et la justice. Toutefois, à Kandahar, nous nous sommes associés étroitement tout d'abord à Opération « Liberté immuable », qui est l'antithèse de la justice, des droits de la personne et de la primauté du droit.
En fait, il s'agit essentiellement d'une mission de revanche et de représailles à laquelle nous nous sommes contentés d'adhérer et dans laquelle nous avons perdu toute identité. Nous pouvons parler autant que nous voulons du fait que nous sommes Canadiens, que nous avons des priorités différentes, des valeurs différentes, des façons de faire les choses différentes. Maintenant, nous avons pris rang au sein d'une force internationale, etc., mais la réalité est qu'il est très difficile de nous sortir d'une situation qui pousse de plus en plus de monde dans les bras des talibans.
Deuxièmement, nous nous inquiétons aussi beaucoup d'être devenus étroitement associés à la corruption qui est tellement généralisée, jusqu'aux échelons supérieurs du gouvernement de Karzai, qu'encore une fois, nous nous retrouvons, pour différentes raisons, associés à une grande source de craintes et d'insécurité pour la population en Afghanistan et en particulier à Kandahar.
Je vous poserai deux questions à l'un et à l'autre, après vous avoir dit combien nous nous inquiétons d'être incapables dans une telle situation de jouer les rôles importants que nous devrions jouer. Parlons de notre effort diplomatique car vous avez l'un et l'autre parlé de l'importance de ces trois D et du lien étroit qui existe entre les trois. N'avons-nous pas fait en sorte qu'il est extrêmement difficile que l'on nous considère un partenaire crédible dans une diplomatie robuste en nous associant d'un côté à Opération « Liberté immuable » et, de l'autre, à un gouvernement Karzai corrompu, si bien que les gens ne peuvent pas nous considérer comme un intermédiaire honnête qui pourrait avoir un point de vue équilibré des choses?
Deuxièmement, j'aimerais savoir ce que vous pourriez avoir à dire sur le fait qu'il n'y a pratiquement aucun effort diplomatique général important permettant de mettre en présence les différentes parties à ces conflits dont la complexité est immense. N'est-ce pas un problème lorsqu'on exclut autant de parties, qu'il s'agisse de tribus — comme les Pacthounes — ou des régions? Il semble qu'il n'y ait rien à quoi nous puissions être crédiblement associés sur le plan diplomatique, qu'il ne se fasse pas grand-chose que l'on pourrait qualifier de diplomatie globale?
Je suis désolée. Je sais que c'est une question vaste mais je serais très intéressée par vos réactions.