Nous avons quorum, mais nos invités ne sont pas là.
Je demande aux membres du comité de prendre rapidement le rapport du comité directeur. Nous allons étudier les travaux du comité.
Il s'agit de la séance 49 du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, le jeudi 19 avril 2007.
Je vais demander aux membres du comité de prendre le dixième rapport du comité directeur du sous-comité.
Le comité directeur s'est réuni mardi. Nous présentons ces propositions et invitons le comité à les ratifier. Cela aiderait les attachés de recherche et la greffière à se préparer pour les témoins qui comparaîtront plus tard.
Premier point: il est proposé que le premier rapport du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international soit renvoyé au sous-comité jusqu'à ce qu'il ait terminé ses discussions sur la question.
Le premier rapport portait sur la production de documents. Il s'agissait du rapport Burton. Ce rapport a été remis, et le sous-comité en a demandé la version non revue, avec les renseignements protégés qui l'accompagnaient. Le ministère a répondu qu'il produirait le rapport, mais non les renseignements protégés. Il s'inquiète de la sécurité; il faut protéger le nom de personnes qui se trouvent en Chine. Il a donc refusé. Que je sache, le sous-comité étudie encore la question.
Comme il est toujours saisi de la question — il a accueilli des représentants des Affaires étrangères et un conseiller juridique —, le comité directeur a recommandé le renvoi du rapport au sous-comité.
Y a-t-il consensus sur cette question? D'accord.
Des voix: D'accord.
Le président: Deuxième point. Le comité devrait obtenir un avis juridique pour déterminer la meilleure façon d’agir avant d’examiner plus à fond le deuxième rapport du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Il s'agissait du rapport sur une motion portant que nous fassions une sorte d'enquête criminelle sur le principal procureur dans l'affaire Zahra Kazemi et que nous essayions de porter des accusations contre lui. Le comité propose que nous demandions un avis juridique.
D'accord?
Des voix: D'accord.
Le président: Point suivant. Que le rapport provisoire sur le développement démocratique soit distribué aux membres le lundi 23 avril 2007 et que le comité se réunisse pour étudier ce rapport les 1er et 3 mai 2007.
D'accord?
Des voix: D'accord.
Le président: La recommandation suivante veut que le comité rencontre le président de l’Assemblée de la République portugaise le 3 mai 2007, entre 11 heures et 11 h 30.
D'accord?
Des voix: D'accord.
Le président: La recommandation suivante propose que le comité invite Paul Meyer, ambassadeur du Canada au désarmement, à comparaître dès que possible.
D'accord?
Des voix: D'accord.
Le président: La recommandation qui vient ensuite porte sur une invitation aux organisations de la société civile à comparaître concernant le Rapport annuel sur les opérations effectuées en vertu de la Loi de 2005 sur les accords de Bretton Woods et des accords connexes.
D'accord?
Des voix: D'accord.
Le président: Très bien.
Nos invités ne sont toujours pas là.
Madame McDonough, je vous en prie.
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Merci, monsieur le président.
Je comprends l'esprit dans lequel la motion est présentée. Il s'agit de veiller à ce que le Canada ait une très solide présence à l'étranger et d'éviter que sa diplomatie ne soit touchée. Je peux donner au député l'assurance que le gouvernement a tout à fait l'intention d'assurer une solide diplomatie dans ses missions à l'étranger pour présenter sa politique étrangère.
Le problème, comme dans le cas de la motion précédente, c'est qu'aucune décision n'a été prise. Le gouvernement du Canada ne s'est pas prononcé. Ces mesures font continuellement l'objet d'examens. Il y a constamment des études sur l'ouverture et la fermeture de missions.
Comme aucune décision n'a été prise... La motion dit: « au sujet de la décision de fermer ». Aucune décision n'a été prise, monsieur le président. S'il est décidé de fermer ou d'ouvrir des missions, vous pourrez fort bien présenter la motion de nouveau pour savoir pourquoi il y a eu des fermetures, etc. Si une décision n'a pas été prise, si rien n'a été fait, pourquoi présenter une motion qui suppose qu'une décision a été prise?
La motion dit que le gouvernement a pris une mesure alors qu'il ne l'a pas fait. Il est très difficile d'appuyer la motion, puisque aucune mesure n'a été prise.
Quant au reste de la question — y aura-t-il ou non des missions qui seront ouvertes ou fermées —, les députés ont fait partie du gouvernement. Ils savent que le gouvernement étudie constamment ces choses-là.
Je le répète, qu'on présente de nouveau cette motion quand la décision de fermer des consulats aura été prise, si jamais elle est prise.
Selon moi, la motion n'est pas vraiment pertinente, puisque aucune décision n'a été prise, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président.
Il y a plus d'un an que M. et Mme Ianiero ont été brutalement assassinés, et justice n'a pas encore été faite.
D'après le procureur de Quintana Roo, deux personnes de Thunder Bay, Cheryl Everall et Kimberly Kim, seraient toujours des témoins de première importance. Ceux d'entre vous qui ont vu l'émission W-FIVE, l'autre soir, savent qu'il est très clair et même irréfutable qu'il n'en est rien. En ce moment, ces dames sont des otages dans leur propre pays, craignant de voyager. Elles redoutent d'être mises en détention, jetées en prison à cause de ce qui, selon moi et en toute déférence, a été une enquête mexicaine bâclée, et je conteste les allégations des autorités mexicaines voulant que des Canadiennes soient responsables, ce qui n'est pas le cas.
Ces deux personnes ont demandé au ministre ou à plusieurs ministres de blanchir leur réputation. Elles ne savent pas si leur nom figure sur une liste d'interdiction de vol. Elles ignorent si elles peuvent voyager. Il incombe au comité de demander à ces ministres de nous fournir à la première occasion des réponses à ces questions, réponses que ces personnes n'ont pu obtenir jusqu'à maintenant.
C'est une parodie. Le gouvernement doit protéger les Canadiens et servir les intérêts canadiens à l'étranger. Dans ce cas-ci, il a manqué à ses obligations. Je crois que, dans l'intérêt non seulement de ces deux dames, mais aussi de la famille Ianiero, le gouvernement devrait insister le plus possible auprès des autorités mexicaines et que nous devrions immédiatement laver la réputation de ces deux dames qui, sans qu'elles aient quoi que ce soit à se reprocher, ont été pointées du doigt par les autorités mexicaines, alors que tous les indices vont dans une autre direction.
Sauf votre respect, monsieur le président, j'ai présenté cette motion pour inviter les deux ministres à venir ici répondre à ces questions, ce qui servira les intérêts de la justice dans cette affaire.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
D'abord, je présente mes condoléances et mes respects à M. Ianiero au sujet de cet incident tragique, et aussi aux deux jeunes dames. Nous comprenons, et nous prenons cette affaire très au sérieux.
Il s'agit de citoyens canadiens. Comme vous le savez, le gouvernement et le ont dit à maintes reprises qu'ils défendraient les citoyens canadiens. Nous allons nous investir complètement dans ce dossier pour veiller à ce que les droits des citoyens canadiens soient protégés selon les lois du Canada et non selon celles d'un autre pays.
Comme mon collègue l'a signalé, il y a bien des choses qui échappent aux compétences du gouvernement du Canada. Elles relèvent des autorités mexicaines. Celles-ci poursuivront leur enquête, et nous ne pouvons pas nous y ingérer.
L'émission W-FIVE, toutes les autres émissions et les conférences de presse sont des bons moyens d'attirer l'attention sur cette affaire. Cela ne présente aucun problème. Toutefois, du point de vue du gouvernement, il est absolument impossible de dicter leur conduite aux autorités mexicaines.
Ce que nous pouvons faire et ce que nous avons fait, c'est établir des contacts entre le ministre et le et les représentants mexicains du plus haut rang pour leur demander de faire justice le plus rapidement possible. Nous avons des contacts constants au plus haut niveau. Nous avons proposé nos services pour faciliter l'enquête, mais les autorités mexicaines ont décliné notre offre.
Mon ministre et le sont en contact avec les familles.
Vous avez tout à fait raison de dire que ces dames sont dans l'incertitude. Il faut les innocenter le plus rapidement possible pour qu'elles puissent continuer de mener une vie normale et tourner la page sur cet épisode.
Nous nous occupons de l'affaire. Comme vous le savez, la diplomatie internationale exige que nous travaillions en coulisse et exercions des pressions sur le gouvernement du Mexique pour qu'il mène l'enquête de la façon la plus juste possible.
Je répète encore ce que le a dit. Le Canada va défendre les droits des citoyens canadiens à l'étranger. Voilà ce que nous allons faire.
Le ministre a comparu à de nombreuses reprises, mais le convoquer ici ne fera pas avancer le dossier. Comme je l'ai dit — et les députés ici présents qui ont fait partie du gouvernement le savent —, il est beaucoup plus efficace de travailler en coulisse avec le gouvernement pour trouver une solution rapide.
Il ne s'agit ici en aucun cas de refuser d'agir ou de respecter l'intention qui sous-tend la motion. L'approche suivie a le même objectif que la motion. Nous voulons l'atteindre, et nous poursuivrons nos efforts.
Nous estimons que nous serions beaucoup plus efficaces en exerçant discrètement des pressions sur le gouvernement du Mexique, mais nous ne devons pas oublier que c'est le gouvernement du Mexique qui a compétence. Malheureusement, ce crime, qui n'aurait jamais dû avoir lieu, a été commis dans un autre pays, et c'est un autre gouvernement qui a compétence. Le Canada n'a aucun pouvoir légal. Rien ne l'autorise à intervenir dans un autre pays pour lui dicter sa conduite.
Par contre, le Canada peut exercer une influence, faire des démarches, demander qu'on règle le problème au plus tôt.
Comme je l'ai dit, à ce stade-ci, le gouvernement a une approche différente. Même si nos députés vont voter contre la motion, cela ne veut aucunement dire que nous n'avons pas de bonnes intentions et que nous ne tentons pas de régler le problème. Nous travaillons d'arrache-pied pour atteindre les mêmes objectifs que vous, des objectifs qui sont communs à vous, à nous et à eux. L'approche est légèrement différente, c'est tout.
Je dois dire que j'ai trouvé assez consternant d'entendre cette explication, ces raisons pour lesquelles il ne convient pas que des députés s'intéressent à cette question dans le cadre du Comité sur les affaires étrangères et le développement international.
Je ne peux m'empêcher de penser que la même argumentation a été utilisée à des moments divers pour démontrer que nous ne devrions pas nous intéresser à l'affaire Maher Arar, que nous ne pouvions rien faire auprès du gouvernement de Syrie, qui agit à sa guise, ou que nous ne pouvions pas intervenir auprès du gouvernement américain, qui agit aussi comme il l'entend, qu'il fallait régler le problème autrement.
Je tiens à appuyer la motion et l'intention qui la sous-tend, mais je voudrais proposer un amendement mineur favorable. J'espère qu'il sera perçu comme tel, mais je m'inquiète un peu du libellé. Nous demandons que les ministres compétents comparaissent pour répondre à des questions sur les meurtres. Je ne suis pas sûre que nous puissions même envisager de leur poser des questions à ce sujet.
Ce que nous souhaitons, je crois, c'est que les ministres comparaissent à la première occasion devant le comité pour répondre à des questions — et c'est là mon amendement favorable — sur « les efforts du gouvernement visant à obtenir justice relativement », et on reprend le texte actuel, « aux meurtres de Dominic et Nancy Ianiero à Cancun, au Mexique ».
Je fais cette proposition pour deux raisons, au fond. Qu'il s'agisse de la famille Ianiero, qui demeure dans une détresse profonde et totale, ou des deux dames de Thunder Bay, dont la vie est un enfer depuis que, de façon tout à fait inadmissible et injuste, elles font l'objet de soupçons, les députés ont la responsabilité absolue de s'occuper de cette affaire.
Ce n'est pas un problème qu'on peut résoudre en intervenant à la période des questions. Cela ne permet que de rappeler l'affaire au gouvernement et de maintenir la pression. Ce que nous souhaitons, c'est faire toute la lumière: qu'a-t-on fait, et que peut-on faire qui n'a pas été fait? C'est notre responsabilité à l'égard de tous ceux qui vivent dans ce genre d'incertitude.
Je recommande donc à tous les membres du comité ce modeste amendement favorable qui appuie l'intention traduite par la motion et en maintient le reste du contenu.
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Il s'agit probablement de l'affaire consulaire la plus importante qui soit, au moment le plus important de nos relations avec le Mexique. La famille de Dominic et de Nancy Ianiero — dont un membre était ici aujourd'hui, M. Anthony Ianiero — et celles qui ont été injustement mises en cause, Cheryl Everall et Kimberly Kim, qui sont également là aujourd'hui, ont droit à une explication complète, correcte et transparente de ce qui s'est passé et de ce qui a mené les responsables mexicains à clore ce dossier.
Le Mexique croit peut-être que l'affaire est close, mais ce n'est pas l'avis des parlementaires canadiens. Au nom de l'intérêt des deux pays, puisque plus d'un million de Canadiens vont au Mexique chaque année, on a exprimé la crainte, qu'il s'agisse de l'affaire Ianiero, de l'affaire Shawn Potts ou de l'affaire Brenda Martin, que nos efforts consulaires et diplomatiques ne soient pas satisfaisants, si nous agissons derrière des portes closes.
L'ancien président du Mexique a maintenu l'opinion du procureur général de Quintana Roo, malgré sa propre enquête policière qui a innocenté Mmes Everall et Kim, et il a déclaré que, à son avis, ces deux Canadiennes sont coupables du meurtre horrible de ces Canadiens.
Comme vous le savez, je me suis occupé un certain temps des affaires consulaires et pas une seule fois, au cours des deux ou trois ans où j'ai fait ce travail, on n'a posé aux Communes une question portant expressément sur une affaire dont je m'occupais. Pourtant, on a posé bien des questions au ministre. Dans les 30 secondes d'une question et d'une réponse, nous ne pouvons obtenir le genre de réponse à laquelle nous avons manifestement droit, si nous voulons continuer d'améliorer nos efforts au Mexique. Il est important que le Mexique dise tout, dans cette affaire, mais il faut par ailleurs reconnaître qu'il est dans l'intérêt du Canada de continuer à donner à ses citoyens l'assurance d'un minimum de protection et de sécurité lorsqu'ils se rendent dans ce pays.
Au dire de tout le monde, il n'y a pas lieu de s'étonner que les capacités d'enquête de la plupart des agents mexicains laissent à désirer et que leur travail soit caractérisé par la négligence, si bien qu'ils sont incapables de protéger les Canadiens et encore moins leurs propres citoyens. Je n'ai aucun mal à parler de la jurisprudence mexicaine et à dire que nous ne pouvons intervenir dans le système du Mexique, mais cette formule ne peut servir de prétexte pour que les Canadiens soient livrés à eux-mêmes, avec une visite consulaire occasionnelle ou les belles paroles qu'on entend souvent dans ces affaires importantes.
Non seulement j'appuie la motion de M. Wilfert, mais je crois aussi qu'elle donne aux ministres l'occasion rêvée d'expliquer une fois pour toutes ce qui a été fait et ce qui devrait l'être, et de répondre aux questions concernant la possibilité que les efforts diplomatiques du Canada aillent jusqu'aux protestations diplomatiques, comme l'ont proposé hier Mmes Everall et Kim.
J'ignore les réponses. Je sais que, jusqu'ici, les efforts diplomatiques ont échoué. On a laissé tomber des Canadiens et il est possible qu'on cause du tort à notre réputation, à nos relations commerciales et à notre secteur touristique avec le Mexique. Ce n'est pas dans l'intérêt du Mexique et certainement pas dans celui du Canada.
Il est extrêmement important que nous fassions la lumière sur cette question avec les deux ministres compétents, étant donné tout ce qui s'est dit. Il ne suffit pas de prétendre qu'on a des contacts aux plus hauts niveaux. Il faut s'interroger sur ce que les Canadiens attendent le plus, c'est-à-dire un gouvernement qui est prêt à les défendre lorsqu'ils éprouvent des difficultés. Si le ministre a pris des mesures, il pourra les expliquer. Il pourra peut-être aussi recevoir, grâce à la sagesse des nombreux députés qui siègent au comité depuis des années, des recommandations sur ce qu'il faut faire à l'égard du Mexique.
Mon collègue, M. Obhrai, a parlé avec ferveur de ce qui s'est fait. Je voudrais lui préciser, au cas où il n'aurait pas vu la conférence de presse, hier, que le ministre n'a pas respecté son engagement de communiquer avec les familles. Il y a au ministère des Affaires étrangères un groupe solide de personnes très dévouées qui travaillent inlassablement dans les services consulaires, mais elles ne peuvent pas faire leur travail si elles n'ont pas un soutien politique. Selon moi, il faut qu'il y ait des efforts bien meilleurs et mieux coordonnés. Cela aussi pourrait ressortir de l'étude de cette affaire.
Nous ne voulons pas, à l'égard du Mexique ou de quelque autre pays, qu'on répète ce qui aurait pu se faire aux premières étapes. Par exemple, il devrait y avoir un protocole avec les représentants mexicains pour permettre au Canada de collaborer à l'enquête dès le départ, comme il le fait avec tant d'autres pays. Les éléments de preuve ont été compromis au point que non seulement nous n'avons pas su qui a tué Dominic et Nancy Ianiero, mais que nous avons aussi laissé planer des doutes sur l'intégrité et l'innocence de Canadiennes, ce qui me semble à la fois injuste et répréhensible.
Je dis à tous les Canadiens qui écoutent, qui ont vu se dérouler cette affaire, qu'il est grotesque que nous n'ayons rien fait. Comme je l'ai prédit en février 2006, nous n'allons probablement jamais connaître le fin mot de cette histoire. Depuis l'incident, 14 ou 15 mois ont passé. Il me semble clair que, si nous ne nous y prenons pas correctement dès le départ, nous n'allons jamais y arriver.
Je ne suis pas là pour blâmer le ministre, mais pour lui dire qu'on aurait pu faire plus. Qu'il permette à ses agents consulaires de faire un meilleur travail; qu'il leur donne les ressources et la stature politique voulues. Et surtout, dans l'intérêt des deux pays, intensifions nos relations diplomatiques mutuelles pour que cela ne se reproduise plus, au nom de la justice.
:
Merci, monsieur le président.
Je suis vraiment désolé de mon retard. Cela n'arrive pas souvent. Comme vous l'avez dit, j'ai eu un accident mineur en venant ici. Je suis parti de chez moi bien plus tôt, mais je n'ai malheureusement pas pu arriver à l'heure.
Je vais parler très brièvement de la situation en Afghanistan et j'espère que nous aurons ensuite des échanges.
Comme vous le savez, l'Afghanistan se compose de différents groupes ethniques et de régions diverses.
[Français]
C'est un pays riche en histoire et en événements qui traverse une période turbulente, laquelle dure, malheureusement, depuis très longtemps. Ce pays a toujours été au centre des invasions des régions voisines. Ce qui se passe maintenant est en quelque sorte une suite de ces événements.
On se rappelle en particulier ce qu'on appelle « le grand jeu », qui a duré de la fin du XIXe siècle jusqu'au début du XXe siècle, où les empires, russe et anglais, se confrontaient. La situation d'aujourd'hui est, évidemment, la suite de ce qui s'est passé depuis l'invasion par l'Union soviétique et, par la suite, l'invasion par les États-Unis. Tout cela dans le contexte de ce qui s'est passé après le 11 septembre 2001 et des événements qui ont suivi la fin du régime des talibans.
[Traduction]
Si nous voulons vraiment comprendre ce qui s'y passe maintenant et comment prévenir des erreurs comme celles que, probablement, nous allons commettre à l'avenir, il faut reconnaître les erreurs du passé. J'en ai énuméré un certain nombre. La première, à mon avis, est l'invasion de l'Afghanistan, en 2001. Nous aurions dû nous abstenir. Nous aurions pu nous attaquer autrement au problème des Talibans et d'Al-Qaïda. Malheureusement, ce n'est pas ce que nous avons fait.
La deuxième erreur a été la célébration victorieuse des néo-conservateurs à Washington. Ils ont dit que, désormais, tout était possible, maintenant que les Talibans n'étaient plus au pouvoir, et qu'on pouvait passer à un deuxième pays.
La troisième erreur des Américains a été l'invasion de l'Iraq, ce qui a détourné l'attention de la communauté internationale des problèmes de l'Afghanistan.
Quant aux problèmes d'aujourd'hui, il y a peut-être lieu de s'en soucier davantage. Le premier que je peux signaler est l'absence d'institutions viables. En Afghanistan, les institutions — pour ce qu'on y trouve qui puisse être qualifié d'institution — sont extrêmement faibles. Les Afghans doivent vraiment renforcer leurs institutions. Il y a eu des élections, mais les instances qui ont été créées sont très faibles, et il faut les renforcer.
Ce qu'il faut, c'est une administration très forte et efficace. Cela n'existe pas là-bas, et c'est l'une des causes des nombreux problèmes que nous éprouvons. D'autres institutions à renforcer sont liées à la sécurité, à l'armée, à la police, etc.
À mon sens, l'enjeu principal consiste à améliorer les conditions de vie des Afghans. Les Talibans ont pu s'imposer à cause des échecs des autres, des moudjahiddins et les autres. On dirait que, en Afghanistan, les mêmes cycles se répètent. Il y a donc une accumulation d'erreurs commises par un certain nombre de pays et les institutions en Afghanistan. Je dois souligner que ces erreurs ne font que renforcer la position des Talibans dans le pays.
[Français]
Il faut absolument renforcer dans ce pays la confiance populaire. Cette confiance était très forte, mais elle est malheureusement en train de s'éroder. Il faut renforcer la confiance populaire pour avoir un avenir meilleur, à la fois sur le plan matériel et sur le plan de la sécurité. Comme Canadiens, nous connaissons très bien les problèmes liés à la sécurité dans ce pays, mais également ceux qui concernent la vie quotidienne, tant individuelle que collective, des Afghans.
La lutte pour renforcer cette confiance fait face à de sérieux obstacles. Un certain nombre de raisons expliquent cette situation. La première est l'incompréhension des priorités de l'Afghanistan. Je pense que la démocratie, la liberté individuelle et les concepts de cette nature sont extrêmement importants. Cependant, on a instauré en Afghanistan une sorte de démocratie de façade, au lieu de développer la sécurité d'abord et d'établir ensuite des institutions en fonction de cette réalité.
Le deuxième élément très important, qui affaiblit davantage l'Afghanistan depuis octobre 2001, est la corruption excessive. Le succès qu'ont connu les talibans aux dépens des moudjahidines au début des années 1990 était justement lié à la corruption et à la lutte au sein des moudjahidines. C'est exactement ce qu'on voit encore aujourd'hui en Afghanistan. Il n'y a pas de cohésion entre les ministres. Il y a des problèmes.
Le troisième élément est lié à la pauvreté de la majorité et à la richesse de certains. Les écoles font face à une situation difficile. Il faut répondre aux besoins de cette réalité, dont le salaire des enseignants, des policiers et des autres employés du gouvernement.
Le quatrième élément est lié à la liberté politique et des médias. Ces libertés sont aujourd'hui remises en question par le gouvernement et par les excès des forces policières de ce pays.
Le cinquième élément est que le gouvernement actuel et la présence internationale, y compris celle du Canada, sont trop dépendants, à mon avis, des seigneurs de la guerre. Ce sont ces personnes qui ont détruit l'Afghanistan et facilité l'émergence des talibans. On assiste aujourd'hui à la répétition du même problème.
La sixième difficulté est liée au problème de la drogue auquel fait face tant l'Afghanistan que la région. Finalement, il y a une absence de coordination au niveau macro en ce qui a trait à la sécurité et au développement.
Je vais m'arrêter ici. Il y aurait d'autres sujets de discussion, mais j'y reviendrai plus tard.
:
Merci, monsieur le président, et merci aux députés. C'est un honneur de m'adresser aujourd'hui aux députés pour parler d'un sujet important, actuel et délicat comme celui de l'Afghanistan et le rôle du Canada dans ce pays tourmenté.
Je ne suis pas un spécialiste de l'Afghanistan comme Barnett Rubin. Je ne suis pas historien, bien que je porte le titre de professeur. Je suis un journaliste qui s'intéresse à l'Afghanistan et à bien d'autres pays d'Asie depuis des années, depuis que j'ai traversé ce territoire accidenté en 1961, réussissant à peine à franchir le col de Khyber sur des routes aussi inexistantes alors qu'aujourd'hui. En 1966, ce qui semble bien lointain, j'ai écrit la première série d'articles sur l'Afghanistan dans un journal canadien, le Globe and Mail.
J'ajoute que, comme journaliste, j'ai l'habitude de poser des questions et de rendre compte de discours et non celle de faire des discours et de répondre à des questions. Néanmoins, il me semble très important de dire au départ que, à mon avis, les journalistes ont la responsabilité et le droit de dégager un consensus sur toute situation, et j'essaie de le faire. Je n'essaie pas d'exprimer une opinion, pour reprendre le mot qui est employé d'habitude.
Ce matin, je voudrais signaler des éléments pertinents de l'histoire de l'Afghanistan et des pays voisins, éléments qu'on ignore ou qu'on a oubliés, étant donné l'impact tragique sur la vie de courageux soldats canadiens, dont certains ont perdu la vie.
L'Afghanistan a été au centre de ce que les Britanniques ont appelé « le grand jeu » pour protéger le Raj en Inde contre l'impérialisme russe. J'ai écrit un livre intitulé The Greater Game: India's Race with Destiny and China.
L'Afghanistan est un élément clé dans le grand jeu, le conflit dans de nombreux pays entre des peuples libres et tolérants et les terroristes internationaux. Les pays démocratiques et ceux qui voudraient le devenir, près ou loin, subiront une lourde défaite dans le grand jeu si l'Afghanistan, la crédibilité du Canada et l'efficacité de l'OTAN sont perdus.
Pendant plus de 1000 ans, l'Afghanistan a été la porte d'entrée de l'Inde pour les conquérants et les aspirants conquérants, depuis l'époque d'Alexandre le Grand. Les Afghans sont des hommes de tribu tenaces qui abordent naturellement les étrangers, les farenghi, avec suspicion depuis que Genghis Khan a failli rayer l'Afghanistan de la carte, au XIIIe siècle. Trois fois, au XIXe siècle et au début du XXe, les Afghans ont infligé la défaite aux conquérants britanniques, qui ont néanmoins fait de ce pays une zone tampon classique pour assurer une protection contre les impérialistes russes en Asie centrale.
Lorsque les Britanniques ont quitté l'Inde et que le sous-continent a été subdivisé, en 1947, le Pakistan, avec la North West Frontier Agency rendue célèbre par Kipling, est devenu le voisin oriental de l'Afghanistan. Les Pachtounes, appelés Pathans au Pakistan, vivent de part et d'autres de la ligne Durand, tracée par les Britanniques pour diviser les deux pays. La Russie n'a jamais renoncé à ses desseins sur l'Afghanistan. Le Pakistan a fait du contrôle de l'Afghanistan son plus grand objectif territorial, après celui du contrôle de la vallée du Cachemire, occupée par l'Inde.
Au milieu des années 1960, toutefois — et je crois qu'il est important de remonter jusque-là pour des raisons que je vais résumer brièvement — l'Afghanistan a fait ses premiers efforts pour entrer dans le monde moderne. Avec une incrédulité justifiable, j'ai vu les Afghans, sous la conduite du roi Mohammed Zaher Chah, construire des routes, permettre aux femmes, surtout à l'Université de Kaboul, de ne pas porter le voile et même tenir des élections parlementaires constitutionnelles, mais sans partis politiques. Le Canada, les États-Unis, l'Union soviétique se disputaient les projets d'aide économique. Mais une série d'événements tragiques ont ramené brutalement les Afghans au Moyen-Âge: un coup d'État appuyé par les Soviétiques a renversé le roi progressiste en 1973; en 1978, un coup d'État communiste appuyé par les Soviétiques a réussi; lorsque les communistes afghans au pouvoir se sont effondrés, les forces soviétiques ont envahi l'Afghanistan, à la fin de 1979; une décennie d'insurrection par les moudjahiddins, armés par les États-Unis, a contraint les Soviétiques à se retirer en 1989; trois autres années de guerre contre un régime communiste brutal ont été suivies d'une guerre civile entre les moudjahiddins victorieux.
Le Pakistan a alors créé une armée d'extrémistes islamistes pachtounes bornés, les Talibans, qui, dès 1996, avaient conquis la majeure partie du pays, ce qui a mené à une invasion régulière, sans résistance, des terroristes d'Al-Qaïda dirigés par Oussama ben Laden.
Enfin, le 9 septembre 2001, dans ce qui laissait peut-être présager ce qui allait se produire aux antipodes deux jours plus tard, Ahmed Shah Massoud, le combattant légendaire de l'Alliance du Nord, qui avait infligé la défaite à l'Armée rouge dans la vallée du Panshir, au nord-est de Kaboul, et qui avait empêché la conquête totale de l'Afghanistan par les Talibans, a été tué par un attentat suicide.
Après les attentats terroristes du 11 septembre, les Afghans se sont rapidement adaptés au grand jeu. Leur pays n'a eu en commun avec le World Trade Center que la dévastation. Mais ils ont saisi l'occasion de se défaire du régime fanatique des Talibans, qui a été détruit, avec le quartier général mondial d'Al-Qaïda, par une invasion provisoire dirigée par les États-Unis, avec la participation de troupes canadiennes, dont la FOI 2.
En 1989, un miracle a sauvé l'Afghanistan du régime soviétique. En 2001, un second miracle l'a sauvé du régime des Talibans.
Les Afghans ont toujours du mal à rebâtir un pays que sir Henry Rawlinson, premier occidental à donner une description détaillée du pays, a qualifié en 1875 de « simple ramassis de tribus »: les Pachtounes, les Tadjiks, les Ouzbeks, les Turkmènes, les Hazaras, descendants de Genghis Khan.
Ces tribus armées étaient maintenues ensemble symboliquement par Zaher Chah, le roi réformateur qui, en 1933, après l'assassinat de son père, avait accédé au trône pachtoune de Durrani, qui remontait à 1747. En 2002, à l'âge de 87 ans, il a convoqué la Loya Jirga, ou grand rassemblement des tribus afghanes, qui a confirmé le choix d'Hamid Karzai, chef de tribu très instruit, parent de Zaher Chah, comme dirigeant du gouvernement afghan. Karzai a ensuite été élu président. Il est venu au Canada en septembre dernier.
Les Afghans ont entrepris leur marche vers un mode de gouvernement démocratique en élisant un parlement, toujours sans partis politiques et en reconnaissant l'égalité des femmes. Néanmoins, les rivalités tribales persistent. Les seigneurs de guerre contrôlent certaines régions du pays. La corruption est endémique. Le commerce de l'opium est prospère. Le pis de tout, c'est que le Pakistan a redonné vie aux Talibans, élément clé qu'il ne faut jamais oublier. Il tolère des bases d'insurgés pachtounes et des refuges pour les dirigeants d'Al-Qaïda, qui ont transporté leur quartier général mondial de Kandahar à Karachi et à Quetta.
En septembre 2003, il était clair, lorsque le général Pervez Musharraf est venu à Ottawa, que l'affrontement entre les troupes canadiennes et les forces talibanes était inévitable. Les Canadiens quittaient Kaboul pour assurer la stabilité et la reconstruction dans les provinces. Les combattants talibans — formés, armés, organisés et conseillés par l'ISI, l'Inter-Services Intelligence des militaires du Pakistan — retournaient nombreux en Afghanistan.
Trois ans plus tard, en septembre 2006, les troupes canadiennes, avec un soutien aérien américain, britannique et néerlandais, ont remporté une victoire décisive dans le plus gros affrontement survenu en Afghanistan depuis la fin de 2001. Des centaines d'insurgés talibans ont été tués dans le district de Panjwai, près de Kandahar, base initiale du mouvement, et des centaines d'autres ont fui vers le Pakistan.
La guerre en Afghanistan vient d'entrer dans une nouvelle phase critique. Les deux parties ont promis des offensives printanières, mais les Talibans semblent éviter les grands affrontements et comptent sur les bombes placées en bordure des routes et les attentats suicides pour affaiblir la volonté des forces de l'OTAN.
L'OTAN, tout en formant les soldats et les policiers afghans, redouble d'efforts pour gagner l'appui des villageois afghans en apportant des améliorations à leur milieu et en offrant une protection militaire. Les deux éléments sont nécessaires. En Afghanistan, la reconstruction est impossible sans la force armée. C'est un fait.
Les effectifs canadiens de 2 500 personnes ont joué un rôle majeur, et je dirais même magnifique, en Afghanistan. Le Canada s'est engagé à poursuivre ce travail difficile jusqu'en 2009 — je sais que, pour la suite, il y a controverse; aussi, je vais laisser cela de côté — et se dote de meilleurs chars blindés pour résister aux bombes des Talibans. Si le Canada se retirait avant que l'Afghanistan ne soit sûr et stable, l'impact sur toutes les forces de l'OTAN et le gouvernement afghan serait catastrophique, à un moment où les États-Unis, la Grande-Bretagne et l'Australie — qui n'est pas membre de l'OTAN — augmentent leurs effectifs sur le terrain.
Pour répondre à la question qu'on pose le plus au sujet de la présence des troupes canadiennes en Afghanistan, je dirai que oui, cela vaut la peine. Si l'Afghanistan tombe de nouveau sous le régime des Talibans, une combinaison meurtrière de terrorisme islamiste et de militarisme pakistanais gagnera le sud et le centre de l'Asie et rendra de nouveaux conflits inévitables, que la situation au Moyen-Orient continue de se dégrader ou non.
Il faut plus que la patience et la compréhension, mais ces deux éléments sont nécessaires. Il faut exercer des pressions économiques et peut-être militaires sur Musharraf, au Pakistan, pour écarter les Talibans. Le gouvernement Karzai doit combattre la corruption et relâcher ses liens avec les seigneurs de guerre tribaux. Le Canada et ses alliés ont besoin de temps pour infliger la défaite aux Talibans, rebâtir un Afghanistan libre et gagner le grand jeu.
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Monsieur le président, je vais partager mon temps de parole avec M. McTeague. Je pose tout de suite une question.
[Français]
Merci beaucoup. Vous avez dit au début qu'il faut parler des erreurs du passé si on veut essayer de trouver...
[Traduction]
Vous dites que nous devons admettre nos erreurs du passé si nous voulons savoir et comprendre ce que nous devrions faire à l'avenir.
Même chose pour M. Van Praagh, qui nous a parlé de l'histoire du pays. Si nous comprenons cette histoire, nous pouvons essayer de trouver une solution. Vous avez parlé de porte d'entrée, de zone tampon entre la Russie et l'Inde, mais ma question porte sur le Pakistan.
Nous savons que le président Musharraf du Pakistan ne contrôle pas ses frontières. Il ne contrôle ni le Sud, ni le Nord. C'est dire que, en un sens, dans le secteur pachtoune de Quetta, au Pakistan, il n'y pas de gouvernement, pas de présence du gouvernement central. On laisse les gens contrôler leur secteur.
Vous avez parlé de la ligne Durand et toutes ces autres questions. Que pouvons-nous faire pour essayer de trouver une solution? Je crois comprendre que nous pouvons faire tout notre possible en Afghanistan, mais que, si les Talibans contrôlent tout de même ce secteur et vont jusqu'à Kandahar, il pourrait y avoir un effet domino dans tout l'Afghanistan, et il faudrait tout recommencer depuis le début.
Estimez-vous qu'il serait bien d'avoir une conférence internationale pour la région même? Il nous faut la participation de la Russie, de la Chine, de l'Iran, de tous les pays du P-5 et de l'Union européenne. Qu'en pensez-vous? Je n'entrevois pas de solution diplomatique pour l'instant.
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Vous avez soulevé deux questions, en fait.
La première concerne le Pakistan. Selon moi, il ne fait pas de doute que le Pakistan est la source du mal: les Talibans. Il a créé les Talibans, et il continue... Même lorsque l'Alliance du Nord était aux portes de Kaboul, en 2001, il essayait de stopper — et il a réussi pour un temps — le bombardement des Talibans, et il a essayé de dicter sa conduite au nouveau gouvernement afghan à l'époque.
Comme vous le dites, le danger, maintenant, est qu'il y a des zones tribales où les troupes pakistanaises sont allées et qui ne sont pas contrôlées. Comme d'habitude, Musharraf — comme il l'a fait dans le dossier du Cachemire, mais je ne vais pas entrer là-dedans — joue double jeu dans le dossier de l'Afghanistan. Voici ce qu'il dit: je sais que les Talibans sont dangereux, je vais m'attaquer à eux, et nous avons du reste subi de lourdes pertes. Par ailleurs, il a peur; il veut rester au pouvoir et sait qu'il y a dans son pays des éléments qui veulent l'éjecter. C'est une dictature militaire. En même temps, il encourage et il continue d'armer...
Sans l'aide de l'armée pakistanaise, les Talibans n'auraient pas pu commencer à faire ce qu'ils ont fait sur le plan militaire. Il est vrai que les Pakistanais ont... il n'y a pas que la tribu pachtoune. Tout le mouvement compte de nouveaux adhérents; il y a des Ouzbeks, et il y a les Pachtounes des deux côtés de la frontière. En vérité, tout cela correspond à l'objectif du Pakistan, qui essaie de déborder Musharraf, mais Musharraf essaie tout de même d'agir. Il s'agit de contrôler l'Afghanistan, comme ils disent, en tant que zone tampon contre l'Inde.
Il faut exercer le maximum de pression sur Musharraf. Les Américains ont beaucoup tardé à le faire. Ce n'est pas un secret que le Canada et les Pays-Bas, ensemble, essaient depuis quelques mois d'exercer des pressions économiques. Nous n'en savons pas très long là-dessus, parce que c'est resté très discret. Et maintenant, Bush intervient. Mais nous ne savons pas au juste de quel type de pression il exerce, et je crois qu'il faut beaucoup de fermeté pour contraindre le Pakistan à...
Votre deuxième question porte sur une conférence internationale. En principe, c'est bien. Je ne suis pas sûr que ce soit le bon moment. Je préférerais attendre jusqu'à... En ce moment, les Talibans pourraient prétendre être une force majeure. Je préférerais qu'ils essuient encore quelques coups durs et souffrent un peu plus et qu'ils soient nettement des perdants avant qu'une conférence internationale n'ait lieu.
Les Talibans auront des partisans. Au Pakistan, il y aura des éléments de l'ISI et des militaires qui les appuieront.
La question de l'Iran ne semble pas logique. Bien des choses ne semblent pas logiques. L'Iran est chiite, on le sait. Les Talibans sont sunnites. Mais nous savons maintenant, depuis quelques jours, que, selon des preuves de plus en plus nombreuses, il y a des armes conçues et fournies par l'Iran qui sont trouvées non seulement en Iraq, mais aussi en Afghanistan.
En principe, c'est une bonne idée de tenir une conférence, mais je ne suis pas sûr que ce soit le bon moment.
Au fond, le Pakistan joue un rôle important et un sale rôle. Tout le monde parle de la responsabilité du Pakistan, mais personne ne fait rien. Il faudrait agir, et les Américains et d'autres — les Canadiens et la communauté internationale en général — ont beaucoup d'influence là-bas.
Il ne faut pas avoir peur et dire que, si on exerce des pressions sur ce gouvernement, il va s'effondrer et que ce sera encore pire ensuite. On n'en est pas encore là. Il faut exercer des pressions sur le président, et on ne le fait pas.
Demandez aux soldats néerlandais ou canadiens en poste dans le Sud et le Sud-Est, et ils vous diront que la frontière est ouverte. Il n'y a personne pour contrôler les allées et venues. On circule librement.
Il faut vraiment s'attaquer à la question pakistanaise avec plus de fermeté. La conférence régionale a trop tardé. Elle aurait dû avoir lieu plus tôt; elle devrait avoir lieu maintenant. Si elle ne se tient pas, il y aura probablement encore plus d'interventions nuisibles en provenance des pays voisins.
Je ne suis pas vraiment convaincu que l'Iran joue un rôle très négatif en Afghanistan. Qu'on aille en Iraq et qu'on le demande aux Iraqiens. En fait, je cite le général Richards, qui a parlé du rôle positif de l'Iran dans la région et de la nécessité de le faire participer. Lorsque je lui ai demandé, en octobre 2006, pourquoi cela ne se faisait pas, il a répondu: « Certains de nos amis ne le veulent pas. » Il n'a pas précisé, mais tout le monde peut deviner de qui il s'agit.
La conférence régionale est extrêmement importante, et elle devrait avoir une autre composante — le Canada devrait le réclamer — soit l'organisation d'une conférence islamique.
Si nous devons établir des contacts... Mon collègue parle des Chiites, des Sunnites, de toutes ces questions. Au fond, je ne crois pas que, dans le cas de l'Afghanistan, ce soit un facteur important. Mais l'organisation d'une conférence islamique internationale pourrait être un apport constructif car les pays musulmans — il y en a 57 — seraient mobilisés et fourniraient des troupes. Pourquoi faut-il s'en remettre uniquement aux Canadiens, aux Américains, aux Néerlandais, aux Britanniques, entre autres?
Je termine en disant que, dans beaucoup de pays musulmans, la situation qui existe en Afghanistan est perçue comme une conspiration anglo-saxonne, une conspiration blanche, peu importe le qualificatif.
Il faut donc faire participer ceux qui peuvent apporter quelque chose de constructif.
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Tout d'abord, il faut mettre les seigneurs de guerre face à leurs responsabilités. Ils sont à l'origine des talibans et à la source des malheurs avec lesquels nous devons vivre aujourd'hui. Tout cela peut se faire dans le cadre de ce que M. Patry mentionnait plus tôt, c'est-à-dire une rencontre régionale avec les composantes afghanes, évidemment. Tant et aussi longtemps que ces seigneurs de guerre ne reconnaîtront pas leurs responsabilités, ils continueront de penser que le peuple afghan leur doit énormément. Selon le discours qu'ils tiennent, ils ont sauvé l'Afghanistan de l'Union soviétique. C'est leur façon de voir la situation.
Si on retourne en arrière et qu'on s'arrête à ce qu'était la situation des seigneurs de guerre dont on parle aujourd'hui, on constate qu'ils n'étaient rien du tout face aux talibans. Ces derniers contrôlaient le territoire, sauf 3 p. 100 de celui-ci qui était sous le contrôle de Ahmad Shah Massoud et ses collègues, dans le nord du pays. Comment ces gens sont-ils devenus aussi importants?
Dans le cadre de l'invasion, les Américains ont cru avoir besoin d'eux, malheureusement. C'était une lecture très erronée de la situation, imposée par des gens comme Zalmay Khalilzad et les autres. Selon ces derniers, il fallait composer avec ces gens. Or, ce sont des criminels, et les Afghans vous le diront, mais ces criminels font aujourd'hui partie du pouvoir. Comment peut-on s'attendre à ce que des criminels deviennent des justiciers? C'est tout simplement impossible.
Par ailleurs, qui sont les talibans? Ils ne sont pas vraiment à l'image du mollah Omar ou autres personnages médiatisés. On parle d'un vaste éventail de personnes ayant leur propre interprétation de ce qu'est l'islam. Cela ne signifie nullement que tous les talibans avaient la même perception de la situation et cherchaient la même chose. Ainsi, dans certaines régions, des ex-talibans qui sont maintenant gouverneurs accomplissent des travaux extraordinaires. C'était un mouvement, et non un individu; ce n'était pas fondé sur des principes solides comme dans un parti. C'était un mouvement dans lequel il y avait toutes sortes de personnes, y compris des gens qui font aujourd'hui de bonnes choses pour le pays.
Je pense que la réconciliation nationale n'est pas une mauvaise idée, mais il faut faire attention de ne pas tomber dans un piège. En Afrique du Sud, ça a fonctionné, mais le contexte était différent. En Afghanistan, il faut entreprendre un dialogue national, bien sûr, mais il faut rappeler leurs responsabilités aux seigneurs de guerre et les renvoyer à la maison, afin que le pays arrive à se développer.
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Une ou deux observations. J'ai dit qu'il y avait eu deux miracles: les Afghans se sont débarrassés des Soviétiques, puis des Talibans. Honnêtement, il y en a un autre: la plupart des Afghans — je crois qu'on peut dire « la plupart » — acceptent les Canadiens, les Américains, les Australiens, les Néerlandais et les Danois dans leur pays, alors qu'ils n'aiment pas les étrangers. Et ils ont d'excellentes raisons de ne pas les aimer.
L'une des choses que mon collègue a dites à propos des pays islamiques... Il y a de terribles antagonismes entre ces pays et divers groupes à l'intérieur de ces pays. Et je ne suis pas sûr que les Afghans accepteraient des ressortissants de certains de ces pays.
Des questions se posent à propos de l'OTAN, bien sûr, et de ce qu'elle fait. Cela fait surgir une question plus importante qui va bien au-delà de l'Afghanistan, mais ce pays est le test clé. L'OTAN essaie de sortir de l'Europe et a commencé à le faire en intervenant avec succès dans l'ex-Yougoslavie.
La force de stabilisation de l'OTAN en Afghanistan, qui est autorisée par l'ONU et dont nous faisons partie, est une structure de commandement. S'il n'y a pas de résultats, je pense que l'OTAN pourrait songer à se retirer. Si son intervention est fructueuse, je crois que nous aurons créé un modèle qui permettra à l'OTAN d'intervenir de nouveau dans des situations graves à l'intérieur d'autres pays et d'y jouer un rôle constructif.
J'en reviens au Pakistan. Les Russes reviendront, si on les laisse faire, et les Afghans se méfient d'eux plus que de quiconque. Il faut établir la confiance, et nous savons que c'est très difficile. Nos gens se font tuer à cause de cela. Mais nous devons aider les villageois et en même temps mener des actions militaires au besoin pour éliminer ceux qui sont à l'origine des problèmes.
N'oublions pas qui sont les Talibans. Leur principal objectif, leurs principales armes, ce sont les attentats suicides, les bombes posées au bord des routes. Leurs cibles de prédilection sont les écoles, surtout les écoles pour filles. Lorsqu'ils étaient au pouvoir, ils ont confiné les femmes dans leur foyer, les ont privées de leurs emplois, les ont obligées à se couvrir complètement et à se cacher, et ils ont détruit des monuments bouddhistes témoins de l'histoire de la région. Ce sont des fanatiques.
Il y aura toujours des fanatiques parmi nous, dans toutes les sociétés. Nous venons d'en voir un excellent exemple en Virginie. Mais dans ce cas, tellement de choses dépendent d'une intervention internationale efficace. Nous sommes sur la bonne voie, d'après moi, mais la tâche sera difficile.