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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 045 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 22 mars 2007

[Enregistrement électronique]

(0905)

[Traduction]

    La séance est ouverte.
    Ceci est la 45e séance du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, jeudi 22 mars. Au cours de la première heure, nous allons poursuivre l'étude que nous avons entreprise et au cours de la deuxième nous allons examiner un projet de rapport.
    Nous recevons aujourd'hui un professeur de l'Université Queen's, M. Douglas Bland, titulaire de la Chaire d'études en gestion de la défense de l'École des études politiques. M. Bland est un lieutenant-colonel dans les Forces armées canadiennes et il a servi à de nombreuses reprises en Europe et au Canada. Il est professeur associé à l'Université Queen's et coauteur de nombreux ouvrages et articles traitant des affaires militaires. Il concentre ses recherches sur l'élaboration et la gestion de la politique militaire aux niveaux national et international, l'organisation et le fonctionnement des ministères de la Défense, ainsi que les relations entre civils et militaires.
    Comparaît également, à titre personnel, M. Walter Dorn, professeur jusqu'à son congé sabbatique en 2006. Il a été coprésident du Département des études sur la sécurité au Collège des Forces canadiennes. Il est professeur au Département des sciences politiques et économiques du Collège militaire royal et enseigne au Centre Pearson pour le maintien de la paix. Il a une formation scientifique et ses recherches doctorales ont porté sur la détection chimique aux fins du contrôle des armements.
    Je pense que nous allons passer une matinée intéressante. Nous vous souhaitons la bienvenue à tous les deux.
    Je ne sais pas si vous avez déjà comparu devant le comité. Nous allons vous accorder du temps pour des déclarations liminaires, habituellement de 10 ou 15 minutes, ensuite de quoi nous procéderons à un premier tour de questions, qui sera de sept minutes par député.
    Bienvenue.
    Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs, de votre invitation à comparaître. J'espère pouvoir apporter une contribution positive à vos délibérations.
    Je dirai simplement quelques mots avant de me mettre à votre disposition. J'ai toujours préféré la période des questions à la période des discours.
    J'ai été invité et ai participé à de nombreux débats publics sur nos opérations en Afghanistan. L'une des questions, une question cruciale, que l'on me pose souvent est de savoir si le déploiement canadien en Afghanistan représente une politique judicieuse pour le Canada. Permettez-moi de vous donner les raisons pour lesquelles je réponds par l'affirmative.
    Premièrement, la mission contribue à quatre objectifs indissociables que la politique étrangère canadienne poursuit de longue date, à savoir, premièrement, repousser la défense du Canada et des Canadiens aussi loin que possible de nos côtes; deuxièmement, appuyer les Nations Unies et plus particulièrement soutenir l'autorité du Conseil de sécurité; troisièmement, préserver l'OTAN et l'alliance de l'OTAN avec des pays aux vues similaires, ce qui signifie à mes yeux renforcer l'alliance des démocraties libérales, laquelle est cruciale pour nos intérêts sécuritaires; et, objectif primordial, soutenir dans notre intérêt propre les intérêts sécuritaires raisonnables des États-Unis, sachant que l'Amérique est la source de notre bien-être économique et de notre sécurité nationale.
    Permettez-moi d'aborder une autre question qui est souvent soulevée directement ou indirectement dans ces réunions publiques, celle de savoir si nous devrions faire autre chose que combattre les talibans, ou — et c'est une deuxième ou une troisième question, je suppose — si nous devrions faire autre chose ailleurs. Ma réponse est celle-ci: l'assistance diplomatique et les opérations militaires canadiennes aujourd'hui en Afghanistan sont pleinement conformes aux politiques et aux actions menées par le Canada dans ces domaines au cours de la plus grande partie de notre histoire. Ceux qui croient ou choisissent de croire autre chose devraient se souvenir de l'opinion réfléchie de deux éminents canadiens qui étaient présents à l'acte de naissance des Nations Unies et de l'OTAN et qui ont jeté les paramètres fondamentaux de la politique étrangère canadienne de la première période, soit 1947 à 1950.
    Paul Martin senior, alors ministre des Affaires étrangères, dans un discours critiquant le déclin continu de la capacité militaire canadienne et la perte d'influence dans les affaires internationales en général et aux Nations Unies en particulier qui en résulte, a rappelé que dans les années 50:
... de nombreux pays éprouvaient un appétit de pouvoir sans en avoir les moyens, mais le Canada avait développé à la fois un appétit pour un nouveau rôle international et les moyens de le satisfaire.
    Un collègue de Cabinet de M. Martin, Brooke Claxton, ministre de la Défense nationale de 1947 à 1956, dans un discours prononcé au Parlement peu après la fin de la Seconde Guerre mondiale, a qualifié la participation du Canada à cette grande guerre de « guerre de libération » livrée au coude à coude avec des peuples qui avaient la « volonté d'être libres ». Plus loin dans ce même discours, il a posé le principe qui guidait les engagements internationaux du Canada, ou dont il espérait qu'il guiderait les engagements internationaux du Canada dans l'après-guerre. Nous serons disposés, a-t-il dit, « à exécuter tout engagement que nous prendrons volontairement en collaboration avec des pays amis ou dans le cadre de tout plan d'action collectif efficace » — et il a souligné « efficace » — « sous l'égide des Nations Unies ». Ce principe, pour paraphraser Mackenzie King, signifiait :« des engagements si nécessaires, mais pas nécessairement des engagements ».
(0910)
    Veuillez m'excuser, puis-je vous interrompre juste un instant?
    Madame Lalonde, vous ne recevez pas la traduction française?

[Français]

    Pendant un moment, il n'y a pas eu d'interprétation. Je ne sais pas si c'est un problème de son.

[Traduction]

    Très bien. Est-ce que ça va maintenant? Pourrions-nous avoir un mot en français?

[Français]

    Ça va.
    Cependant, on a perdu vos propos pendant un moment.

[Traduction]

    Très bien.
    Désolé. Veuillez poursuivre.
    Brooke Claxton voulait dire par-là — toujours selon l'optique de Mackenzie King et de cette période — que le Parlement déciderait quels engagements le Canada prendrait. Nous n'avions nulle obligation — l'OTAN était à peine formée à l'époque — et nous n'avions certainement nulle obligation envers une idée telle que le concept des Nations Unies et la sécurité collective. Nous n'étions pas des robots dans l'arène internationale.
    Ce sont là les deux grandes traditions de la politique étrangère canadienne — du moins lorsque nous avions un appétit à jouer un rôle international marquant et lorsque nous étions prompt à secourir et à accepter les sacrifices des guerres de libération livrées par des peuples ayant la volonté d'être libres. En Afghanistan aujourd'hui, comme c'était le cas de 1939 à 1945, de jeunes Canadiens sont engagés dans une guerre de libération en alliance avec et à la demande d'un peuple qui n'a cessé de manifester sa volonté d'être libre. Quels efforts et sacrifices pourraient être plus en accord avec les traditions de la politique militaire et étrangère du Canada?
    Ma crainte aujourd'hui, cependant, c'est que, hormis le petit noyau de Canadiens qui servent dans les forces armées ou dans le service étranger ou dans les organisations humanitaires gouvernementales etnon gouvernementales, les Canadiens ne soient guère enclins à jouer un rôle international dépassant les paroles creuses, même lorsque nous combattons aux côtés d'alliés pour secourir un peuple désireux d'être libre. Si vous n'en êtes pas convaincus, regardez donc qui s'enrôle et voyez l'état lamentable des Forces armées canadiennes — la conséquence de décisions gouvernementales prises au fil de nombreuses années de ne pas financer comme il se devait les capacités militaires canadiennes. Cela se reflète dans les propos de quelques politiciens de tout bord qui disent que nous ne finançons pas les Forces armées canadiennes, par exemple, parce que les Canadiens ne le jugent pas convenable de le faire.
    Ce que je veux faire ressortir aujourd'hui, c'est que si nous avons l'appétit de jouer un rôle international, et si nous pensons qu'il est dans notre intérêt de seconder d'autres qui combattent pour la liberté et une démocratie libérale, alors nous devons, pour reprendre l'expression de Paul Martin, nous donner les moyens de nos ambitions ou du moins de notre rhétorique. Mais je ne suis pas du tout sûr que les Canadiens aient conscience de ces traditions que j'ai mentionnées et je ne pense pas qu'ils aient grand appétit à jouer le rôle international qui était jadis celui du Canada dans le monde.
    L'Afghanistan, mesdames et messieurs, sera peut-être notre dernière cavalcade.
    Merci de votre attention.
    Merci, monsieur Bland.
    Monsieur Dorn.
(0915)

[Français]

    Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir invité à présenter mes idées devant ce comité.
    Mon ami et collègue Douglas Bland et moi avons beaucoup de respect l'un envers l'autre, mais nous avons des approches différentes.

[Traduction]

    Je vais vous offrir une perspective critique constructive. C'est l'approche que j'utilise lorsque j'enseigne aux officiers au Collège des Forces canadiennes, car je pense que nos militaires doivent apprendre à considérer leurs tâches selon des points de vue différents et critiques, afin de pouvoir peser les avantages et inconvénients de différentes stratégies.
    Au cours de l'entraînement, les soldats doivent apprendre à penser de la même façon. Durant l'instruction, ils doivent apprendre à penser différemment. Unité et diversité — ou diversité et unité — voila un principe clé de notre démocratie participative, comme vous le savez bien ici, au Parlement.
    Ma recherche et mon expérience intéressent principalement le maintien de la paix dans le cadre des Nations Unies et des opérations de paix, et je vais donc comparer notre action à Kandahar et à Kaboul à nos missions de maintien de la paix, ayant participé moi-même à certaines d'entre elles.
    La première conséquence de notre déploiement en Afghanistan est que le Canada est actuellement au point historiquement le plus bas de sa contribution au maintien de la paix par les Nations Unies. Paradoxalement, cela intervient à un moment où l'action de maintien de la paix des Nations Unies est au plus haut niveau historique. Nous ne déployons actuellement que 55 soldats sous le drapeau bleu des Nations Unies, alors que l'ONU a plus de 70 000 soldats sur le terrain. Les forces de police du Canada contribuent 50 p. 100 de plus que les forces armées. J'illustre cela dans le diagramme 1, qui montre le rang du Canada depuis 1991, lorsque nous étions le gardien de la paix numéro un, à travers les années 90, lorsque nous étions dans les 10 premiers, jusqu'à chuter au 59e rang, notre place actuelle dans le monde.
    Nous avons souvent été classés au premier rang depuis que Pearson a proposé la première force de maintien de la paix il y a 60 ans, un concept qui a pris racine et s'est développé à l'échelle internationale comme il l'espérait. Nous avons entamé une longue glissade. L'une des plus grosses chutes — pour redescendre à un quart de l'effectif — est intervenue il y a presque un an jour pour jour, lorsque nous avons fermé notre mission sur les hauteurs du Golan: 190 spécialistes de logistique ont quitté la mission onusienne, principalement à cause des besoins à Kandahar, et nous n'avons rien fourni aux Nations Unies qui soit le moindrement comparable.
    J'attire votre attention sur le diagramme 4, qui montre notre contribution en troupes, observateurs et forces de police au cours des dernières années. La forte chute en mars de l'an dernier est le déclin dont je parle actuellement.
    Il est clair que l'une des victimes de notre important déploiement en Afghanistan est notre contribution au maintien de la paix des Nations Unies, auquel Brooke Claxton et Lester Pearson et Paul Martin senior, que l'on vient de citer, étaient favorables et pour lequel ils cherchaient à faire davantage. Notre contribution recule non seulement sur le terrain mais aussi au QG des Nations Unies, qui doit superviser plus de 100 000 militaires et civils déployés sur le terrain.
    Il n'existe plus un seul officier canadien au Département des Opérations de maintien de la paix, où j'ai passé mon congé sabbatique l'an dernier. Ce département compte 70 officiers dans sa division militaire, mais pas un seul Canadien.
    Les Nations Unies connaissent actuellement une poussée de la demande de ses services de maintien de la paix. C'est ce que j'illustre dans le diagramme 5, qui montre le nombre des effectifs en uniforme sur le terrain depuis 1991. Vous voyez la courbe monter en flèche jusqu'à atteindre le chiffre record de 80 000 policiers militaires sur le terrain.
    Les Nations Unies ont cessé de demander des contributions au Canada, sachant que nous répondrons assurément non, le regard tourné vers l'Afghanistan. C'est doublement tragique car le maintien de la paix robuste, que les Nations Unies ont mis au point au fil des décennies, représente la direction vers une solution à long terme en Afghanistan. Les principes du maintien de la paix, éprouvés et consacrés par le temps, ont conduit au règlement de nombreux conflits apparemment insolubles, notamment les conflits intranationaux au Cambodge, au Mozambique, au Liberia, en Sierra Leone, dans l'ancienne Yougoslavie et au Timor oriental. Les belligérants ont fini par renoncer aux étiquettes simplistes d'ennemi ou de terroriste pour adopter un accord de paix, le seul moyen de construire une paix durable, surtout dans les conflits internes.
    Chaque fois que le maintien de la paix a dévié de ses trois principes fondamentaux, comme en Somalie en 1993, il en a résulté un désastre. Les trois principes fondamentaux du maintien de la paix sont l'impartialité, le consentement, et l'usage minimal de la force comme dernier recours.
    Voyons maintenant comment ces trois principes s'appliquent aujourd'hui à Kandahar.
    Premièrement, l'impartialité. L'impartialité n'existe pas à Kandahar. Nous avons un ennemi déclaré qui nous a été désigné par le président Bush, lorsqu'il a dit en septembre 2001 que les États-Unis ne feraient aucune distinction entre les terroristes et ceux qui les abritent. À l'époque, j'y ai vu la recette pour une guerre qui va s'élargissant et n'a pas de fin. Au lieu d'isoler al-Qaïda, le président Bush a étendu la guerre au régime du pays, nous donnant le premier changement de régime dans la guerre mondiale au terrorisme.
(0920)
    Les États-Unis n'ont pas cherché ni reçu la sanction des Nations Unies pour leur guerre contre le terrorisme ou l'opération conçue pour conduire cette guerre, l'Opération Enduring Freedom.
    Contrairement à la FIAS, l'OEF n'a pas la sanction onusienne. Le Canada est entré dans Kandahar sous la bannière de l'OEF. À partir de ce moment, nous ne pouvions plus être perçus comme impartiaux, objectifs ou ayant pour priorité l'intérêt de la population. Nous avons été assimilés de plus en plus à l'image projetée par les États-Unis dans le monde, celle d'un pays qui cherche à débusquer et défaire ses ennemis dans son intérêt national. Nous sommes devenus l'une des parties belligérantes et nous le restons bien que nous soyons actuellement déployés sous les couleurs de l'OTAN.
    Le deuxième principe est le consentement. Il n'y a pas d'accord de paix. Nous n'avons pas le consentement des principales parties au conflit à notre déploiement à Kandahar. Même le consentement de la population locale est douteux. Nous avons le consentement du gouvernement de l'Afghanistan, bien que de nombreux habitants du pays voient dans le président Karzai un dirigeant choisi par les États-Unis et légitimé par une élection dans laquelle ils n'ont pas voté.
    Sans gagner le coeur et les esprits des locaux, vous ne gagnerez jamais ni la guerre ni la paix, ni n'obtiendrez leur consentement à votre présence. Le Canada a pendant des décennies exhorté les parties à des conflits virulents un peu partout dans le monde à s'asseoir à la table de négociation de la paix, mais nous semblons incapables de le faire nous-mêmes.
    Troisièmement, l'utilisation minimale de la force comme dernier recours. À Kandahar, nous sommes clairement sur l'offensive. La posture n'en est pas une d'autodéfense ou de protection des civils. Elle est plutôt caractérisée par des opérations de nettoyage et des offensives à grande échelle dont les civils ne sont que trop souvent les victimes infortunées. Nous semblons produire autant d'ennemis que nous en tuons, en causant l'indignation de frères, de fils, de membres du clan et d'autres personnes déplacées qui vont combler les rangs décimés. Nous aussi perdons nos jeunes courageux, soit 45 soldats et un diplomate tombés sur le sol de l'Afghanistan.
    Nous avons perdu plus de soldats en Afghanistan au cours de notre déploiement là-bas qu'au cours de toute autre opération des Nations Unies pendant 60 ans. Ce n'était pas parce que le Canada avait une aversion au risque dans le maintien de la paix. Comme vous pouvez le voir à la dernière page du tableau, nous sommes toujours au deuxième rang pour ce qui est du niveau des pertes dans l'histoire du maintien de la paix par les Nations Unies. Mais la position que les Forces canadienne ont choisie à Kandahar — et c'était une décision consciente de ses dirigeants d'aller dans cette région et d'adopter la posture actuelle et de travailler sous le drapeau de l'Opération Enduring Freedom puis de l'OTAN — signifie qu'aux yeux de beaucoup nous sommes des agresseurs et non des défenseurs.
    Nous dévions de ces trois principes du maintien de la paix — impartialité, consentement et utilisation minimale de la force — à nos risques et péril. Quelle est la solution de rechange? Il ne sert à rien de critiquer sans proposer de meilleures solutions. Un maintien de la paix robuste comme celui que les Nations Unies ont pratiqué avec tant de succès ces dernières années sont une meilleure solution. Au Congo oriental, où j'ai récemment passé mon congé sabbatique, et en Sierra Leone et au Liberia, cette approche nous a appris des leçons utiles: premièrement, servir d'abord et avant tout la population locale, non seulement pour rallier les coeurs et les esprits à notre cause, mais assurer aussi que ses intérêts deviennent notre cause commune; deuxièmement, raccourcir la liste des adversaires du processus de paix, plutôt que de l'allonger; troisièmement, négocier pour la paix et toujours offrir une porte de sortie aux fauteurs de violence, sauf à ceux qui ont commis les crimes les plus odieux et qui doivent être renvoyés à la Cour pénale internationale ou à un tribunal spécial avec des garanties de procédure; quatrièmement, ne pas mettre dans le même sac tous ceux qui s'opposent à la présence internationale.
    En Afghanistan, cela signifie reconnaître que tous ceux qui s'opposent à la présence canadienne ne sont pas des terroristes talibans. Il existe beaucoup d'ancien moudjahidines de divers clans que l'Occident a jadis appuyés dans la guerre contre les envahisseurs soviétiques. Ils sont motivés par la défense de leur pays, pas par l'amour des talibans. Ils aspirent à vivre et à mourir comme les héros de leur folklore, que ces héros se soient distingués dans la lutte contre les colonisateurs britanniques ou les occupants soviétiques. Ils sont prêts à se sacrifier pour leur tribu ou leur pays.
    Bien entendu, pour reprendre une autre expression mackenzienne, c'est le combat si nécessaire, mais pas nécessairement le combat.
(0925)
    Le modèle actuel des Forces canadiennes, inspiré par le général Charles Krulak du Corps des Marines américain, est un concept de guerre à trois blocs. Dans le premier bloc, le Canada engage un combat à haute intensité contre les armées des États défaillants, pour reprendre les termes d'une affiche de recrutement récente de l'armée. Il faut bien savoir, et je le précise, que la guerre des trois blocs est impraticable et vouée à l'échec car on ne peut simultanément livrer une guerre offensive de haute intensité et entreprendre efficacement des tâches humanitaires et de reconstruction. C'est ce que l'on fait à Kandahar. À Kaboul, nous avions un modèle de maintien de la paix en ordre de marche.
    Les Nations Unies utilisent la force en dernier recours, lorsque toutes les négociations et tous les avertissements ont échoué. Je l'ai vu de mes yeux au Congo oriental en novembre 2006 lorsque la 81e et 83e brigades congolaises séditieuses ont tenté de capturer la ville de Goma. L'ONU a donné un ordre ferme à ces forces de s'arrêter à Saké. Lorsque cet avertissement n'a pas été écouté, les forces des Nations Unies et du gouvernement congolais ont stoppé l'avance au moyen d'hélicoptères d'attaque pilotés par des Indiens.
    L'OTAN n'a même pas encore commencé à parler ou à négocier avec ses adversaires à Kandahar, ni ailleurs en Afghanistan, à ma connaissance.
    L'ONU a tenté de créer un modèle praticable de gouvernement central d'union nationale à large base. Cette approche est parfois appelée l'approche du papier buvard: vous mettez en place un modèle qui fonctionne et qui s'étend petit à petit en fonction du consentement de la population locale, plutôt que de s'imposer soi-même dans la vie des gens. Avec ce modèle alternatif, vous étendez votre aire d'influence seulement là où vous pouvez réussir. Au fur et à mesure que les coeurs et les esprits vous deviennent acquis, les gens gagnent les secteurs sûrs et protégés, là où leurs voix sont écoutées, ou leurs droits sont respectés — particulièrement le droit à la paix — et où ils peuvent exprimer leur vote. Il faut édifier une capacité pour asseoir la dépendance et l'unité, et non susciter l'animosité. C'est ce qui fonctionne bien en République démocratique du Congo et il me semble que c'est le seul modèle qui puisse marcher à long terme en Afghanistan.
    D'aucuns rejettent les 60 années de maintien de la paix des Nations Unies comme un modèle désuet et démodé, et c'est ce que mon collègue a certainement fait dans le passé. Mais les opérations d'aujourd'hui sont réellement le résultat d'une évolution régulière et d'un apprentissage sur la base des leçons tirées de la sous-utilisation et surutilisation de la force. Un équilibre a finalement été trouvé dans maintes opérations des Nations Unies, mais dans les montagnes et les plaines de l'Afghanistan nous semblons devoir réapprendre ces leçons de façon douloureuse.
    J'appelle les approches possibles la méthode du faucon, la méthode de la colombe et la méthode du hibou. Les deux premières ne marchent pas. La méthode du faucon, à mon sens, est trop agressive et n'assurera pas la stabilité ou la paix à long terme. L'approche de la colombe — vouloir un retrait immédiat — n'est pas suffisamment musclée pour surmonter les désordres dans des zones de conflit violent. La méthode du hibou est la seule qui offre la sagesse de savoir quand et où s'engager. Nous devrions opter pour la méthode du hibou, ou le modèle du papier buvard, celui où l'on ne s'étale que lorsque le moment est propice.
    En outre, comme l'a dit le ministre des Affaires étrangères, l'honorable Peter MacKay, il y a deux jours, nous cherchons à restaurer le leadership du Canada dans le monde. Dans ce cas, nous devrions commencer là où nous sommes capables d'offrir un leadership solide et universellement reconnu comme tel. Bien entendu, nous devons continuer à faire des contributions substantielles à l'OTAN et au NORAD, mais s'il est une activité où nous excellons aux yeux du monde, c'est bien le maintien de la paix. Nous n'avons pas besoin de concurrencer les pays d'Asie du Sud pour le déploiement de troupes. Nous devrions nous montrer novateurs, utiliser notre savoir-faire spécialisé et notre matériel pour rendre plus efficace le maintien de la paix par les Nations Unies et rendre le monde plus sûr. Nous avons la technologie et le personnel qualifié qui font tellement défaut aujourd'hui aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies. Avec la multiplication de ces opérations, c'est là où il faut agir. C'est le modèle qu'il nous faut employer.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Merci.
    Nous allons ouvrir le premier tour de questions.
    Nous allons commencer avec M. Eyking.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier nos deux invités d'être venus nous rencontrer ce matin.
    Il ne fait aucun doute que la situation en Afghanistan représente l'un des plus gros défis auxquels notre pays est aujourd'hui confronté. Si nous allons être membre à part entière de l'OTAN, nous savons qu'il nous faut fournir une participation substantielle en Afghanistan, car c'est là le rôle majeur de l'OTAN en ce moment. Mais notre relation avec l'OTAN en Afghanistan est mise à rude épreuve et, comme vous l'avez déjà mentionné, on dit que nous sommes responsables de l'une des régions les plus difficiles de l'Afghanistan. Nous y consacrons des forces militaires considérables et pas assez d'aide, comparé à ce que font certains des autres pays. Il n'existe pas de stratégie de sortie claire pour nous et sur ce plan la communication ne passe pas entre nous et l'OTAN.
    Par ailleurs, pour ce qui est de la manière dont l'OTAN traite les producteurs de pavot en Afghanistan, le Conseil de Senlis a dit que nous devrions suivre une approche totalement différente de l'éradication du pavot. Le conseil propose quelques idées assez bonnes et constructives. Il dit que, puisque l'Europe consomme plus de la moitié des stupéfiants qui sortent d'Afghanistan — des stupéfiants illégaux — les pays d'Europe devraient acheter la récolte et l'utiliser pour fabriquer des médicaments. Il dit que cela contribuerait largement à nous attirer un peu de respect de la part des habitants de la région, au lieu d'aller détruire leurs cultures.
    J'ai trois questions. Premièrement, devrions-nous modifier notre rôle en Afghanistan? Deuxièmement, devrions-nous délimiter clairement avec l'OTAN notre engagement à long terme? Et troisièmement, les Européens devraient-ils prendre plus au sérieux la production d'opium et probablement suivre une stratégie différente?
    J'adresse mes questions à qui veut y répondre.
(0930)
    Monsieur Bland.
    Mon collègue et moi avons toujours des discussions intéressantes sur le maintien de la paix. Je trouve que c'est une excellente opération.
    J'ai passé une bonne partie de ma vie au sein de la plus grosse, la plus ancienne et la plus fructueuse opération de maintien de la paix du Canada, et elle s'appelle l'OTAN. Elle a libéré davantage de pays et davantage de peuples que toutes les autres opérations que les Nations Unies ont jamais imaginé, et elle nous a gardé en sécurité. Mais nous pourrons parler de cela une autre fois.
    Je suis un peu surpris que M. Dorn fasse l'éloge des talibans comme un mouvement scout de libération et d'assistance en Afghanistan.
    Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit.
    Ce n'est guère le genre de personne à donner en exemple aux Afghans. C'est pourquoi le gouvernement afghan a invité le Canada à faire la guerre contre ces éléments criminels de sa société.
    Enfin, lorsqu'on oppose le maintien de la paix à la guerre, l'opération au Congo est un très bon exemple du fait que le maintien de la paix n'est qu'une forme de guerre parmi d'autres ou une tactique différente. Lorsque le drapeau bleu n'a pas fait son effet au Congo, les Nations Unies ont employé des forces de combat, comme Walter l'a dit, avec des hélicoptères d'attaque, des explosifs et des munitions, tuant quantité de gens, dont des civils, comme cela se passe dans les autres États.
    Mais revenons, si je puis, aux questions.
    Je pense que le rôle des Forces canadiennes, du gouvernement canadien et des autres organisations en Afghanistan a évolué pour deux raisons. Il est entièrement raisonnable que la mission évolue avec le temps, comme l'ont fait nos missions en Corée, à Chypre et au Moyen-Orient et partout ailleurs au fil du temps, lorsque les circonstances changeaient. Lorsque les circonstances changeront en Afghanistan, pour le meilleur ou pour le pire, je m'attends à ce que tous les aspects de nos opérations évoluent en conséquence.
    Pour ce qui est de notre engagement envers l'OTAN, je pense que c'est une très bonne question. J'ai fait une communication il y a quelques jours à Ottawa même où j'ai dit qu'il est temps pour nous de repenser notre alliance avec l'OTAN, non pas l'alliance elle-même ou le traité, mais notre soutien aux Européens. L'Union européenne ne nous a pas aidés et elle ne nous aide pas avec nos engagements avec l'OTAN dans des lieux comme l'Afghanistan et peut-être le Darfour. Je prédis depuis de nombreuses années que notre prochaine grosse mission sera en Mozambique, ou peut-être même au Zimbabwe. Il nous faut y réfléchir.
    Pour ce qui est de la culture du pavot, j'ai travaillé accessoirement au cours de ces 10 dernières années sur le Plan Colombia, qui est la stratégie antidrogue conçue par l'Amérique latine et appuyée par les États-Unis en vue d'éradiquer la production de cocaïne dans la région. Plusieurs stratégies intéressantes ont été mises à l'essai. L'une consiste à substituer une autre culture. La deuxième consiste à éradiquer la culture. La troisième consiste à acheter la récolte. Il sort davantage de drogue de cette région à destination de l'Europe et des États-Unis que jamais auparavant ou qu'il y a 10 ans. Ces stratégies ne marchent pas parce qu'elles interviennent du mauvais côté du spectre. J'entends par là que le problème de l'opium n'est pas un problème d'offre, c'est un problème de demande.
    Le cultivateur afghan le plus primaire comprend les principes économiques de base. Il sait que s'il y a une demande pour son produit, il n'a qu'à cultiver ce produit pour gagner de l'argent. La demande du produit provient des États-Unis, de la Russie, de l'Inde, du Canada et de toute l'Europe. Si vous voulez enrayer la culture de l'opium, stoppez la consommation d'héroïne.
    Nous pourrions entrer dans tous les détails, mais si vous demandez à un paysans afghan de cultiver des carottes et si vous lui dites que vous allez favoriser la culture des carottes, il va cultiver des carottes, surtout si vous lui donnez de l'argent. Je ne veux pas comparer cela aux politiques agricoles canadiennes, mais il va cultiver des carottes et il va cultiver du pavot. Pourquoi ne le ferait-il pas? Il a un marché pour sa récolte.
    Réglons le problème de la demande.
(0935)
    Merci beaucoup, monsieur Bland.
    Madame Lalonde.

[Français]

    Merci.
    Merci beaucoup à vous deux. Je pense que c'est le premier débat aussi fondamental auquel on assiste. Cela me fait du bien.
    Monsieur Dorn, vous mettez en cause la stratégie de l'OTAN en Afghanistan. Le Canada ne peut y rester avec une stratégie différente. En réalité, n'est-ce pas la stratégie de la « lutte au terrorisme » que vous remettez en cause?
    Ma deuxième question vise à savoir si le changement de stratégie du Canada est lié très clairement à l'arrivée du général Hillier. Le changement de politique ne s'est pas produit avec l'arrivée des conservateurs, mais avec l'arrivée du général Hillier, qui a étudié trois ans aux États-Unis. Il y a une base militaire dans mon comté, alors j'ai de l'information. Le général Hillier a transformé l'armée et il a fait adopter la formule 3D, dont j'ai discuté chez nous, à la base. Si vous avez un peu de temps, j'aimerais que vous nous parliez de cela aussi. Selon moi, c'est impossible pour un soldat d'être un militaire qui envahit les maisons des natifs, puis, dans la même journée, de faire de la diplomatie, de la défense et de l'aide humanitaire. Je ne pense pas que ce soit compatible. En fait, vous dites que la guerre qu'on fait en ce moment est incompatible avec l'aide humanitaire.

[Traduction]

    Merci.
    Tout d'abord, je suis alarmé par les mots que mon collègue cherche à placer dans ma bouche. Je n'ai certainement pas décrit les talibans avec les termes qu'il a employés. J'ai dit que tous les combattants ne sont pas des talibans et qu'il est simpliste de considérer cette guerre comme une simple lutte contre les talibans, l'ennemi. C'est excessivement simpliste. Nous adoptons ce modèle à notre péril.
    Deuxièmement, je le contredis lorsqu'il affirme que l'OTAN a statistiquement libéré davantage de peuples que n'importe qui d'autre. Je peux compter mentalement un demi-milliard de gens auxquels les opérations des Nations Unies, au nombre de 62 dans l'histoire du monde, ont apporté la paix. Il faut se demander où l'OTAN a effectivement libéré des populations par son déploiement. Ni sur un plan ni sur l'autre cette affirmation ne correspond à la réalité.
    Pour ce qui est d'une contribution substantielle à l'OTAN, oui, absolument, nous devons fournir une contribution substantielle à l'OTAN et nous devons le faire pour le long terme. Il ne s'agit pas de dire que la stratégie globale de l'OTAN est totalement viciée, mais l'approche excessivement offensive utilisée dans le sud de l'Afghanistan est fautive. Elle est liée à la guerre globale contre le terrorisme, comme vous dites, car c'est la stratégie qui a été importée. Lorsque nous avons pris en main Kandahar, le plan de campagne a été conçu aux États-Unis et avalisé par Donald Rumsfeld. Cela faisait partie de la guerre mondiale contre le terrorisme, l'Opération Enduring Freedom. Je pense donc que nous sommes partis du mauvais pied. Nous aurions dû arriver avec une politique beaucoup plus impartiale, objective, consensuelle et d'usage minimal de la force plutôt que d'arriver sur une base offensive qui allait jeter le doute sur nos motifs.
    Le général Hillier a bien apporté avec lui le concept de la guerre des trois blocs. Il l'a ramené des États-Unis où, comme il l'a mentionné, il a passé beaucoup d'années, mais il l'a transformé en quelque chose qui ne correspond pas à l'idée initiale, comme nombre d'officiers américains me le disent. La guerre des trois blocs voulait décrire le dilemme dans lequel les États-Unis se sont retrouvés au cours de leur opération en Somalie, où leur objectif premier était de secourir la population et où ils se sont retrouvés amenés à combattre. Il y avait donc ce dilemme où l'on est acculé au combat. C'est l'approche du « combat si nécessaire », et en réagissant à l'attaque contre vous, tout d'un coup vous aliénez une partie de la population. C'est un problème complètement différent. Nous, nous arrivons en disant « Notre objectif stratégique est de combattre », alors que l'autre approche est celle du « combat si nécessaire, mais pas nécessairement le combat ». On ne livre combat qu'en tout dernier recours, avec un usage minimum de la force.
(0940)
    Merci, monsieur Dorn.
    Monsieur Bland, souhaitez-vous répondre à cela?
    Nous pourrions avoir un débat sur qui a libéré qui, mais si vous allez en Espagne et en Bulgarie et en Roumanie, tous les pays de l'Est, ils sont non seulement libérés, mais sont devenus des démocraties libérales.
    Une société civile.
    L'un des aspects que Walter met de l'avant est qu'il y a aujourd'hui — selon les statistiques que l'on accepte — quelque 70 000 ou 80 000 soit-disant gardiens de la paix dans le monde. Et c'est excellent. Tant mieux pour eux. Cela rapporte beaucoup d'argent à quantité de pays. C'est ainsi qu'ils paient leurs soldats.
    Mais on peut se demander, s'il y a tant de soldats disponibles, pourquoi devrions-nous y aller? Quantité de gens semblent vouloir faire ce travail. Et du côté du revers de la médaille, bien entendu, si les Canadiens veulent être présents partout et ont un appétit pour les affaires internationales, comme Paul Martin senior l'a dit, qu'ils mettent la main à la poche.
    Il n'y a aucune raison que notre pays, avec 32 millions d'habitants, n'ait qu'un effectif de 60 000 dans les forces armées. C'est ridicule. Nous pouvons faire une contribution beaucoup plus importante si nous épousons vraiment des idées comme le devoir de protéger.
    Pourquoi ne faisons-nous rien au Darfour? Eh bien, parce que les Nations Unies ne veulent laisser personne intervenir au Darfour. Le Conseil de sécurité a voté contre. En revanche, la mission en Afghanistan a été sanctionnée à deux reprises par un vote unanime du Conseil de sécurité des Nations Unies et en tant que mission de maintien de la paix des Nations Unies, utilisant les moyens opérationnels appropriés — les trois D et le CEMD.
    Le gouvernement libéral qui a nommé le général Hillier comme CEMD les yeux grands ouverts, selon mes conversations avec tous les ministres de la défense de l'époque et avec le premier ministre actuel avant qu'il soit premier ministre. Ils croyaient à l'approche des trois D non pas comme une guerre à trois blocs — et il ne faut pas confondre — mais ils croyaient, comme les Canadiens l'ont toujours pratiqué, que ce soit pendant la Seconde Guerre mondiale ou la Première Guerre mondiale ou la Guerre de Corée ou partout ailleurs et y compris lors des opérations de maintien de la paix des Nations Unies, qu'il faut combiner les opérations militaires, les opérations humanitaires et la diplomatie. Nous avons toujours fait cela. Ce n'est rien de nouveau.
    Mais ce qu'il faut savoir — et l'histoire ne n'en pas encore été écrite — c'est comment nous nous sommes retrouvés à Kandahar? Je vais vous le dire. Nous nous sommes retrouvés là parce que nous étions en retard. C'est une thèse valide. Le gouvernement à l'époque avait amplement d'occasions de déployer une équipe de reconstruction provinciale dans le nord, dans des régions pacifiques du pays. Le gouvernement a tergiversé, n'a rien fait, puis réalisé qu'il ne pouvait pas laisser tomber l'Afghanistan. Il a donc déployé une équipe de reconstruction provinciale dans une zone dangereuse, et ensuite il nous a fallu la protéger, et c'est ce que nous faisons depuis.
    C'est donc une longue histoire. C'est compliqué, ce n'est pas simple, et ce n'est pas un choix entre cette idée abstraite de la sécurité collective sous l'égide des Nations Unies ou quelque formule trois-D sortie du collège de guerre américain. C'est bien plus compliqué que cela.
    Merci, monsieur Bland.
    Monsieur Obhrai.
    Merci, monsieur le président. Je vais partager mon temps avec mon collègue, Wajid Khan.
    J'aimerais faire une remarque. Elle n'appelle pas de réponse.
    J'ai été au Congo; j'ai vu les opérations de maintien de la paix de l'ONU et leur impact sur tout, mais j'aimerais faire une mise au point. Walter a dit que la mission en Afghanistan n'était pas sanctionnée par les Nations Unies, si j'ai bien saisi. Je suis désolé, c'est purement une mission sanctionnée par les Nations Unies. C'est pourquoi nous sommes là, tout comme vous. Je sais qu'à un moment donné nous voulions que ce soit avec les Nations Unies, et la deuxième fois, lorsque nous n'aimions pas cela, nous avons simplement ignoré les Nations Unies. Mais je veux qu'il soit clair qu'il s'agit d'une mission sanctionnée par les Nations Unies.
    Là-dessus, je cède la parole à mon collègue.
    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue à vous, messieurs.
    Monsieur Bland, je rentre d'Afghanistan. Je suis au courant de l'opération au barrage de Kajaki. Est-ce une opération militaire? Je ne le pense pas. Elle vise à accroître l'électricité dans les provinces. C'est strictement une mission de développement.
    Je sais aussi qu'il y a trois sociétés — une société canadienne, une société américaine et une société indienne — qui sont prêtes à investir 1,8 milliard de dollars dans une mine de cuivre en Afghanistan. Je sais aussi qu'après l'Opération Medusa à Kandahar, les Canadiens réalisent plus de 100 projets. Le Japon et le Koweït construisent des routes, des routes au Kandahar. Lorsque vous contrôlez Kandahar, vous contrôlez l'Afghanistan. C'est un facteur psychologique. C'est donc un exemple parfait d'opérations militaires à Kandahar en même temps que sont réalisés 100 projets.
    En même temps, l'expansion de l'action du gouvernement, qui ne pouvait pas sortir de Kaboul pendant quelque temps... aujourd'hui ses membres voyagent avec l'équipe d'assistance stratégique, avec le colonel Dixon. Les ministres et sous-ministres de Kaboul se rendent dans 17 provinces.
    J'aimerais votre avis, monsieur Bland. S'agit-il d'une mission purement militaire? Est-ce une mission militaire plus une mission de développement? J'ai vu beaucoup, beaucoup d'autres exemples de développement en Afghanistan, notamment à Maharat, et dans tous ces endroits où l'on forme des centaines et des centaines de personnes, des hommes et des femmes, en leur fournissant des emplois — 120 $ à 150 $ par mois. Le salaire moyen était jadis de 10 $ par mois, il est maintenant de 30 $, et c'est donc quatre ou cinq fois plus, monsieur.
    Je pense que c'est un très bon exemple. Je connais l'Afghanistan. Je ne veux pas aller au Congo. Que dites-vous de cela, monsieur Bland?
(0945)
    Je pense que c'est une description assez juste de ce qui se passe.
    Si nous avons le temps, monsieur le président, j'aimerais me livrer à une petite réminiscence. Mon père a servi au cours de la Seconde Guerre mondiale dans des unités de combat en Italie, en Normandie et aux Pays-Bas. Il aimait raconter des histoires, avec ses copains de la Légion pendant ses vieux jours, où il parlait d'opérations de frappe aérienne trois-D. Il ne savait pas que c'est de cela qu'il s'agissait, mais aujourd'hui nous savons que c'est de cela qu'il s'agissait.
    Son unité de combat, lorsqu'il était aux Pays-Bas, par exemple, et c'était une unité d'artillerie, tirait des obus sur les emplacements allemands à grande distance, puis s'arrêtait et cuisinait un repas qu'ils servaient aux habitants du coin. Et dans leurs moments de loisirs ils construisaient des écoles, distribuaient des bonbons et avaient toutes sortes d'activités humanitaires. Les soldats font ce genre de choses et nos soldats le font particulièrement bien partout dans le monde. Il est naturel qu'ils fassent ce genre de choses.
    Si vous lisez le rapport de l'enquête sur la Somalie, vous verrez que les militaires du régiment aéroporté là-bas étaient particulièrement fiers des opérations qu'ils menaient où ils construisaient des écoles et aidaient les gens. La notion trois-D est enracinée dans nos traditions de politique étrangère et d'opérations militaires.
    J'aimerais revenir sur une question posée par quelqu'un sur les stratégies de sortie, et que tout le monde a en tête. Il y a un changement pratique et théorique aujourd'hui dans la conduite de la guerre dans nos sociétés. Jadis, on pensait que la guerre avait une cause immédiate. Il y avait un conflit d'une sorte ou d'une autre, puis une victoire ou une négociation pacifique sur les causes, et puis les gouvernements se mettaient d'accord — car toutes ces choses étaient faites par des gouvernements — et puis on arrivait à une paix et une démobilisation. Voilà le modèle de conduite de la guerre que nous connaissions depuis au moins 1914 et probablement avant.
    Nous sommes aujourd'hui dans une ère de ce que j'appelle la guerre continue. Il n'y a pas de stratégie de sortie car, par définition, on ne sort pas d'une guerre continue. Prenez la Palestine: les gens se battent entre eux, les gens se battent contre nos soldats et nos non-combattants. Ils sont des cibles, ils sont des boucliers, ils sont des victimes consentantes et ils sont des perpétrateurs.
    Un général britannique qui avait une longue expérience du maintien de la paix dans le monde entier a écrit récemment, dans un ouvrage merveilleux intitulé The Utility of Force, que ce sont là des guerres entre peuples. Ce n'est pas l'ancien modèle où quelqu'un commence une guerre et où les gouvernements négocient et mettent fin à la belligérance. Il n'y a personne pour négocier une fin. Nous sommes de plus en plus, comme en Bosnie et dans tous les Balkans, comme au Moyen-Orient, en Afrique et d'autres pays, impliqués dans des guerres continues qui n'ont pas d'issue. Nous ne savons pas encore comment traiter ces guerres entre peuples, où vous ne pouvez même pas décider — même si vous êtes le partisan le plus fervent du maintien de la paix onusien — avec qui vous gardez la paix.
(0950)
    Merci, monsieur Bland.
    Aviez-vous terminé, monsieur Khan?
    À cet égard, à quel moment le gouvernement local assume-t-il la responsabilité? Si nous intervenons en Bosnie, nous amenons le pays à un point où nous pensons avoir un certain contrôle. Et cela ne s'applique pas seulement à la Bosnie, mais aussi à d'autres conflits. À quel moment le conflit devient-il la responsabilité du gouvernement local? Il semble que trop souvent nous intervenons, nous remettons la situation aux mains des gouvernements, et la guerre repart.
    Cela fait partie de notre difficulté — du moins de la mienne — à décrire ces choses et à les penser.
    Monsieur le président, si je puis placer des mots dans votre bouche, ce que vous me décrivez, c'est l'ancien modèle. Nous cherchons un gouvernement avec lequel traiter. Avec quel gouvernement allons-nous traiter? Mais s'il n'y a pas de gouvernement?
    En Amérique latine, lorsque nous parlons de ces choses... En Colombie, par exemple, il y a un gouvernement, mais il y a de vastes espaces non gouvernés, où le gouvernement n'a pas de contrôle et où d'autres forces viennent s'installer. En Amérique latine, maintenant, nous voyons la transformation des gangs de rue, par exemple au Brésil, qui se muent de bandes de petits voleurs en organisations politiques. Ils se sont installés dans ces espaces non gouvernés.
    Nous avons affaire aujourd'hui, par exemple au Moyen-Orient, en Palestine et peut-être en Afghanistan, et certainement dans les guerres prochaines en Afrique, à de grands espaces sans gouvernement. Le modèle consistant à dire que nous allons monter une opération de maintien de la paix où nous allons parler avec ce gouvernement et cet autre gouvernement et nous interposer entre les deux — et Walter rectifiera si je me trompe... La mission que les Nations Unies ont envoyée en Palestine pour régler la guerre et observer la guerre a été envoyée en 1947. Elle est toujours là. Ce que font habituellement les Nations Unies, c'est renforcer le statu quo. L'ONU n'est pas adaptée à la nouvelle donne. Nous ne savons pas comment traiter cette sorte de guerre.
    Merci, monsieur Bland.
    Madame McDonough.
    Merci, monsieur le président. Je regrette beaucoup d'être arrivée en retard.
    Je m'excuse auprès de nos invités. Cela m'ennuie tout particulièrement que je n'aie pas entendu leurs exposés.
    Il me faut cependant dire qu'à vous entendre, monsieur Bland, bien que n'ayant pas été présente pour votre exposé, il me semble que vous ajoutez foi à l'argument au sujet de Kandahar et de la folie à laquelle nous nous trouvons mêlés.
    J'aimerais remercier M. Dorn pour le travail qu'il fait pour tenter de dissiper le mythe, qui est sans cesse servi à ceux qui demandent que les faits soient exposés et analysés, voulant que le maintien de la paix soit aujourd'hui l'affaire de mauviettes, que le maintien de la paix est voué au même sort que les dinosaures et le dronte de Maurice. Bien sûr, les faits indiquent tout le contraire. Ce qui est clair est que le Canada est un décrocheur quant à toute participation robuste aux initiatives onusiennes de maintien de la paix.
    J'aimerais revenir, très brièvement, sur une conversation que j'ai eue hier soir avec un ami canadien afghan qui vit au Canada depuis 17 ans, qui retourne en Afghanistan presque chaque année et qui revient tout juste de Kandahar et de Kaboul.
    J'ai eu l'occasion de lui demander quelles questions il poserait ici ce matin. Sa réponse pourrait se résumer ainsi: comment le Canada peut-il continuer de caractériser les talibans comme étant le diable incarné, dire que nous sommes là pour protéger la population, puis être tout à fait inconscient du nombre de civils qui se font tuer? Il a expliqué que s'il avait été tué à Kandahar lors de son séjour là-bas il y a quelques mois, il aurait été compté comme diable taliban, parce qu'il porte la barbe, est musulman et est Pachtoune.
    Son propos était qu'il est désespérément, je dis bien désespérément, important d'échanger avec les talibans et de reconnaître que l'exclusion de 10 millions de Pachtounes de tout processus décisionnel, de toute représentation effective, est une recette pour faire de Kandahar et de l'Afghanistan l'Iraq du Canada. J'aimerais connaître vos réactions à cela.
    J'aurais aimé qu'il ait pu être ici ce matin. S'il n'était pas en train de se tuer au travail pour gagner sa vie et venir en aide à sa famille à Kandahar, ç'aurait été une très bonne chose qu'il vienne nous éclairer à partir d'une perspective dont il est très peu question.
    J'aimerais vous demander de réagir à ses commentaires.
(0955)
    Très rapidement, étant donné que je suis professeur, j'adore corriger les erreurs de faits. La Palestine, c'était en 1948. Les Nations Unies n'ont pas voté contre le Soudan; l'ONU a en fait autorisé l'opération au Soudan. C'est le gouvernement soudanais qui est le problème.
    Je ne pense pas que les opinions cyniques de mon collègue quant aux motifs du monde développé pour sa contribution au maintien de la paix soient justes. Je pense que nombre de ces pays sont motivés par les beaux idéaux qui ont contribué par le passé au maintien de la paix.
    Si vous regardez ma liste de victimes, vous verrez que la moitié des pays qui se classent parmi les dix premiers pays pour le nombre de victimes dans le cadre d'opérations de maintien de la paix des Nations Unies sont des pays en développement et que l'autre moitié sont des pays développés. Le Canada, bien sûr, se classe au premier rang parmi les pays développés, et c'est l'Inde qui occupe le premier rang dans le monde en développement.
    Il y a pour l'Afghanistan une stratégie de sortie. Et c'est la même qui a été appliquée de manière très réussie dans nombre de conflits pendant les années 1990. Ce n'est qu'en Somalie que nous avons baissé les bras. Et nous avons décidé de poursuivre cette guerre sans fin, qui est peut-être un autre Iraq. Peut-être que ce que nous avons à Kandahar est une autre Somalie. La stratégie n'est tout simplement pas adaptée.
    L'OTAN a son propre modèle. Elle a des opérations de soutien de la paix. Il s'agit en fait d'un modèle de soutien de la paix très bien développé et qui a des bases doctrinales. L'OTAN a mené des opérations réussies de soutien de la paix en Bosnie et au Kosovo. Ce n'est pas comme si nous ne pouvions que recourir aux Nations Unies pour un modèle de maintien de la paix; l'OTAN possède un modèle.
    J'apprécie ce qui a été dit au sujet de la protection du barrage. C'est précisément ce genre de projets qu'il nous faut multiplier, dans un mandat de protection, au lieu de nous inscrire dans un mandat de recherche et de destruction.
    Je conviens que nos soldats exécutent extrêmement bien leurs activités d'extension sociale. Nous faisons mieux ce travail que les Américains. Je pense que nous sommes sans doute les meilleurs au monde pour ce qui est de l'établissement d'interactions avec les populations locales. Cela nous vient de notre culture bilingue et multiethnique ici au Canada.
    En ce qui concerne notre vision des talibans, la nôtre est à l'heure actuelle tout à fait trop simpliste, en effet. Si nous commencions à regarder les Pachtounes, les Daris et les différentes tribus, et tentions de tisser cette toile d'intérêts et de motifs... alors nous approcherions de la vérité. Ce n'est qu'en faisant ce travail que nous pourrons commencer à revenir à la question du gouvernement local, de la façon de déléguer des pouvoirs aux gens, surtout dans ces régions où le gouvernement central s'est avéré être corrompu, et que vous pouvez véritablement commencer à envisager, à l'échelle régionale, des façons pour les gens de commencer à s'aider eux-mêmes.
    Cela suppose leur confier davantage de pouvoirs, ce qui sous-entend partager le pouvoir. Cela signifie partager avec beaucoup de gens que nous classons aujourd'hui par erreur dans la catégorie des talibans. Cela veut dire partager le pouvoir avec des gens, dont beaucoup ne sont pas en faveur de notre politique actuelle, qui s'intéressent à leurs familles et à la vie des gens dans cette partie du monde.
    Merci, monsieur Dorn.
    Monsieur Bland, auriez-vous quelque commentaire à faire en la matière?
    Monsieur le président, cela fait de nombreuses années que je suis les opinions et les idées des députés, et je les respecte, et j'aime la plupart d'entre elles.
    J'ai, moi aussi, des anecdotes que je pourrais vous raconter, si nous disposions de beaucoup de temps, des histoires de gens de ces régions du monde, d'Afghanistan, qui viennent me voir et qui disent: « Que Dieu bénisse le Canada. Vous avez sauvé ma vie. Vous avez sauvé ma ferme. Vos soldats meurent pour nous. Nous voulons être libérés des dogmes religieux. Merci ». J'aimerais tant que ces gens soient ici pour s'entretenir avec le comité.
    Lorsque nous parlons de maintien de la paix — et, encore une fois, nous pouvons toujours avoir des discussions théoriques —, je ne trouve personne qui ait une définition de ce qu'est le maintien de la paix. Lorsque les opérations de maintien de la paix ont échoué lamentablement dans les Balkans, amenant la mort de milliers de gens — à Srebrenica, par exemple —, le maintien de la paix a commencé à s'habiller de termes comme robuste, musclé, et ainsi de suite. Je pense qu'il y a certainement place pour des opérations de type maintien de la paix dans le contexte de conflits armés. J'espère seulement que les gens ne vont pas confondre cela avec le maintien de la paix mythique.
    Pour ce qui est de négocier avec les talibans, peut-être que quelqu'un pourrait m'expliquer quelque chose. Si vous ne savez pas qui vous êtes en train de tuer et que vous les appelez talibans, alors avec qui allez-vous négocier? Comment faire pour savoir si vous négociez avec quelqu'un qui est taliban? Qui sont les talibans? Qui sont les dirigeants? J'ai un peu d'argent pour faire de la recherche. Je suis prêt à acheter un aller simple pour quiconque à la Chambre souhaite aller en Afghanistan et se promener dans les campagnes pour négocier avec les talibans.
    Parlant maintenant de façon plus sérieuse, j'aimerais qu'une personne occupant un poste de responsabilité rédige une liste de points de discussion. Qu'est-ce que vous allez négocier? Côté dur, est-ce que ce sera la commission d'abus contre seulement 50 p. 100 des femme du pays? Qu'allez-vous négocier lorsque quelqu'un a une arme braquée contre vous? Je dis, tout à fait sérieusement, qu'un papier sur une stratégie de négociation avec les talibans serait utile.
    L'autre point, bien sûr, est que cela ne nous plaît pas de taper sur des pays du tiers monde, et l'Afghanistan est, par définition, un pays du tiers monde. Alors pourquoi devrions-nous être là-bas en train de dire au gouvernement de l'Afghanistan de négocier avec des gens qui essaient de détruire leur pays et leur gouvernement? Je ne connais pas les réponses à ces questions. Peut-être que quelqu'un d'autre les connaît.
(1000)
    Merci, monsieur Bland.
    La parole sera maintenant à M. Goldring, pour une rapide question. Nous dépasserons peut-être légèrement 10 heures, si cela vous convient. Je sais que vous êtes quelques-uns à avoir plusieurs autres questions.
    Monsieur Goldring.
    Monsieur Bland, je pense qu'il est clair que notre gouvernement souhaite suivre une approche équilibrée à l'égard de la situation en Afghanistan, ainsi que dans d'autres régions du monde. Une partie de cet équilibre repose sur des éléments que vous avez évoqués dans les commentaires que vous avez faits tout à l'heure au sujet de l'état des forces armées. Ayant moi-même été membre de l'Aviation royale du Canada dans les années 1960, je constate une différence marquée entre la situation à l'époque et celle d'aujourd'hui. Nous avons cependant commandé des moyens de transport de charges lourdes et essayons de faire le rattrapage nécessaire.
    Je pense qu'il est bien reconnu, m'appuyant également sur nos réunions antérieures, que l'approche équilibrée exige, premièrement, votre sécurité, et que si cela suppose des forces militaires robustes, alors c'est précisément cela qu'il faut pour jeter les bases de votre étape de sécurité suivante, soit la surveillance policière, que ce soit le fait de forces policières internationales ou de la police du pays même. Je constate que nous faisons beaucoup de travail avec les forces de police afghanes, en les payant, par exemple, de façon à ce qu'elles puissent assurer ce service de façon continue.
    La troisième partie est la gouvernance, et c'est là-dessus qu'a porté toute notre discussion au sujet de la démocratie. Il semble qu'il y ait ici, en même temps — et ce dans le contexte de cette approche équilibrée —, un rôle très clair en vue d'amener une structure de gouvernance de type société civile et d'aider à l'instaurer dans les régions et communautés isolées afin que, le jour où les militaires repartent, il y ait une compréhension et un rapport beaucoup plus étroit entre ces régions isolées et le gouvernement central, et cela suppose aider les collectivités à établir les mécanismes requis et à reconnaître les avantages de la démocratie. Pourriez-vous dire quelques mots au sujet d'une telle approche équilibrée et de son importance?
    J'ai encore une autre petite question au sujet de l'unité pour la démocratie. Je pense que l'on a déjà discuté de la façon de nous y prendre. Comment intervenir sur ce plan? Cela se fait-il de gouvernement à gouvernement ou pas? Je pense que notre impression est que nous avons une unité qui est tout à fait indépendante de notre gouvernement, et la façon dont cela est structuré et formulé... L'objectif n'est pas que notre forme de gouvernance vienne supplanter la leur, mais plutôt de travailler au sein du pays pour essayer de structurer les choses et d'aider les gens à établir une société civile plus démocratique.
    Merci, monsieur Goldring.
    Monsieur Bland.
    Ce n'est pas pour jouer au professeur, mais lorsque je discute avec des étudiants et d'autres dans le cadre de réunions publiques et qu'ils me disent que les missions devraient être équilibrées, je rappelle toujours aux gens qu'équilibre n'est pas synonyme d'égalité. Vous pouvez avoir 2 000 soldats et 25 diplomates dans le cadre d'une mission, et cette mission serait équilibrée — à moins que vous ne pensiez que nous devrions avoir 25 soldats et 2 500 diplomates sur le terrain, auquel cas je serais perplexe.
    Je pense qu'il nous faut être justes dans ces délibérations. L'Afghanistan a eu quoi? Cinq ans pour rectifier le tir? Le pays a tenu des votes, les gens sont sortis et il y a eu universalité du droit de vote. Je pense que le pays doit faire quelque chose. Comme vous le savez, nous sommes ici face à une société dans laquelle, à certains égards, l'idée d'une démocratie libérale est tout à fait étrangère.
    Cela pourrait demander 20 ou 30 ans.
    Cela va demander très longtemps. Il a fallu longtemps à l'Allemagne, après la guerre, pour faire fonctionner les choses, et il s'agissait d'un État organisé et instruit qui avait au moins ses racines dans la démocratie libérale et dans la culture européenne. Ce n'est peut-être pas dans les cartes pour ces autres parties du globe. Peut-être qu'il ne leur faut pas faire cela. Mais il nous faut leur donner le temps de faire un tri. Leur montrer la voie et négocier la cession par eux de certaines choses ne fonctionnera pas.
    Pour revenir à l'idée d'équilibre et à la question de savoir s'il vous faut utiliser la force, faire appel à la police, ou employer telle ou telle autre méthode, encore une fois, d'un point de vue purement théorique, lorsque les gens parlent de sécurité et de défense dans un environnement difficile, pourquoi vouloir inscrire cette idée de mode de maintien de la paix dans les scénarios les plus difficiles qui puissent être imaginés? Pourquoi ne pas commencer dans une situation facile, comme par exemple Vancouver? Il suffirait de désarmer la police et de placer des gardiens de la paix entre les bons et les méchants.
    Dans nos sociétés, nous avons un équilibre entre la police, les tribunaux, les droits de la personne, les programmes sociaux, et tout le reste en vue de tirer au clair des problèmes très semblables que l'on constate dans les États défaillants, pour reprendre le terme à la mode. Sauf que, dans ces pays, les problèmes sont exagérés à chaque niveau — ceux de la sécurité, du bien-être social, des besoins humanitaires et des systèmes démocratiques.
(1005)
    Merci, monsieur Bland.
    Monsieur Patry.
    Thank you et merci beaucoup.
    Monsieur Bland, tous les conflits sont résolus par la négociation; aucun conflit ne sera jamais réglé sans négociation.
    Ma question est pour M. Dorn.
    Il n'y a aucune indication que ce conflit va prendre fin prochainement. Étant donné toutes les questions régionales interreliées qui intéressent l'Afghanistan, ne diriez-vous pas que le moment est venu pour toutes les communautés internationales d'entamer réellement, par le biais des Nations Unies, des discussions diplomatiques incluant le P-5, avec le Pakistan, l'Inde, l'Iran et, bien sûr, l'Afghanistan?
    Oui, l'ONU devrait faire plus en Afghanistan, mais elle est limitée du fait que tous les grands pays pouvant appuyer les Nations Unies soient en ce moment en train d'investir leurs ressources dans l'OTAN. Le problème est que nous n'obtenons pas suffisamment d'appui au sein des Nations Unies en faveur d'une action en Afghanistan. Les pays disent en gros que l'OTAN est le principal joueur et qu'ils veulent que cela passe par l'OTAN, et puisque comptent parmi ces pays trois membres permanents du conseil de sécurité, alors cela empêche une initiative d'envergure de la part de l'ONU.
    Je pense que nous devrions avoir là une force différente. En fait, je pense qu'un modèle serait que l'OTAN fasse le travail réellement dur lorsque cela est nécessaire et que les Nations Unies assurent la partie plus facile dans les différentes provinces.
    Pour répondre à la question de savoir comment négocier avec des gens dont vous ne savez pas s'ils sont ou non des talibans, eh bien, il s'agit de négocier avec tout le monde. Vous essayez de réunir tout le monde sous la même grosse tente. C'est en vérité un processus de loya jirga, sans exclusion. Il n'y a, dans ce contexte, aucun problème de négociation; il vous suffit de négocier avec les gens qui s'opposent à vous.
    Il existe beaucoup de définitions de ce qu'est le maintien de la paix, et l'ONU en a une très bonne. Ces définitions figurent dans des manuels scolaires et on les enseigne en salle de classe. La définition a été élargie. Ce n'est pas ce que c'était lorsque vous faisiez du travail de maintien de la paix. Les Nations Unies ont élargi la définition. Le maintien de la paix est devenu plus robuste. Il est devenu plus multidimensionnel et mieux en mesure de s'adapter aux conflits internes complexes pouvant survenir.
    Merci.
    Très rapidement, monsieur Bland.
    Si, en Afghanistan, 36 ou 37 pays sont en train de mettre leurs efforts derrière les opérations de l'OTAN et non pas celles des Nations Unies, cela est assez parlant. Ces pays ne sont pas remplis de gens idiots, de diplomates idiots et de politiciens idiots.
    Je n'ai jamais dit cela. Excusez-moi.
    Non, il n'a jamais dit cela.
    Monsieur Wilfert.
    Merci, monsieur le président.
    Je regrette d'avoir manqué votre exposé. J'étais à un petit-déjeuner de travail sur l'Afghanistan avec l'ancien ministre des Affaires étrangères d'Australie et d'autres.
    Très rapidement, je vous prie.
    Ma question est la suivante, et ce point a été soulevé en des termes des plus clairs.
    L'approche en ce qui concerne l'armée nationale afghane est différente de celle relativement à la police nationale. Si nous n'avons pas engagé — que l'on parle de notre gouvernement ou du gouvernement actuel — les ressources requises pour l'établissement d'une solide force policière nationale en Afghanistan — la plupart des policiers sont sous-payés ou alors ne sont pas payés du tout, et il y a quantité de problèmes en matière de formation, etc., et je pense que nous n'avions là-bas que six membres de la GRC et il y avait un type, s'il est toujours là, qui était originaire de l'Île-du-Prince-Édouard —, ma question pour vous est la suivante: comment pourrions-nous aborder autrement la situation?
    Si nous croyons que la sécurité est importante et qu'une fois les forces étrangères reparties il faudrait que la police nationale locale soit bien installée, que devrions-nous faire différemment avec nos alliés, etc., et avec le gouvernement afghan pour favoriser l'établissement, dans les villages de l'Afghanistan, de forces policières nationales solides et viables?
    Merci, monsieur Wilfert.
    M. Bland, puis M. Dorn.
    Monsieur le président, je pense que cette question est très valable, et il a été reconnu que dans ces genres de situation de conflit armé continu il vous faut des policiers parmi la population.
    J'espère que vous avez eu l'occasion de vous entretenir avec le brigadier-général David Fraser, qui a commandé nos forces en Afghanistan. Il reconnaît qu'il aurait voulu avoir le temps, l'argent et les ressources nécessaires pour travailler d'abord avec la police, et ils essaient maintenant de corriger la situation. D'après ce que je comprends, les États-Unis vont fournir des centaines de millions de dollars en vue de cet effort. Mais il s'agit là d'une leçon que nous avons tirée de situations du genre. Le travail policier, dans bien des coins du monde, et je suis certain que Walter sera d'accord avec moi, est une chose très délicate.
    Nous n'avons nous non plus pas suffisamment de policiers. Je pense que le comité de cet autre endroit sur la colline a recommandé hier l'ajout de 800 policiers pour les seuls aéroports. Ce serait une bonne chose d'envoyer 300 ou 400 membres de la GRC en Afghanistan, mais je ne pense pas que le Parlement ait voté quelque crédit du genre.
(1010)
    Monsieur Dorn.
    Oui, je pense que vous avez la bonne stratégie. Vous bâtissez là où vous pouvez bâtir, et nous devrions dépenser ces milliards là où nous savons que cet argent pourra porter fruit. Dans de nombreux cas, cela veut dire développer la capacité qui est là, et développement de capacités n'est pas synonyme de dépendance.
    Nous avons notre base dans la police nationale afghane, et nous avons beaucoup de chemin à faire. Mais il semble que nous dépensions avec précocité pour livrer la guerre et que de l'autre côté nous échouions lamentablement.
    Merci, monsieur Dorn.
    Je sais que lorsque nous nous sommes entretenus avec les différentes agences qui ont demandé des forces policières ou lorsque des forces policières se sont rendues là-bas, il y a eu des frustrations si l'on demandait aux policiers d'exécuter des procédures de type militaire et de combattre, au lieu que ce soit l'affaire des militaires. Ce que je veux dire par là est qu'il vous faut envoyer les militaires là-bas; vous instaurez alors une situation dans laquelle les policiers pourront s'occuper par la suite des choses.
    J'aimerais couvrir un ou deux aspects. Monsieur Bland, vous avez dit avoir prononcé il y a quelques jours un discours au sujet de l'OTAN et de l'Union européenne. Pourriez-vous en fournir le texte au comité?
    Oui, monsieur le président, je peux faire cela. Je suis en train de retravailler mon texte en vue de sa publication, mais je vous enverrai quelque chose.
    Merci, monsieur Bland.
    On lit dans vos notes biographiques, monsieur Dorn, que vous avez pris un congé sabbatique et que vous travaillez avec le Département des opérations de maintien de la paix des Nations Unies à New York. Vous y étudiez notamment les moyens technologiques d'assurer la patrouille des frontières. Nous sommes très préoccupés par la frontière entre la Pakistan et l'Afghanistan. Comme vous le savez, le ministre s'est rendu au Pakistan. Il a négocié et a discuté avec le gouvernement pakistanais pour voir ce qui pourrait être fait pour surveiller la frontière.
    Pourriez-vous nous donner une idée de nouveaux moyens technologiques novateurs qui permettraient peut-être d'assurer un meilleur contrôle de cette frontière?
    Oui, très rapidement.
    L'utilisation de satellites — nous allons très prochainement lancer le RADARSAT-2, qui assurera une couverture radar sans précédent, de jour comme de nuit, dans toutes les conditions climatiques, et qui permettra de surveiller les mouvements au sol avec une résolution de trois mètres.
    Nous sommes en train de nous équiper de véhicules aériens sans pilote qui peuvent être envoyés — les Américains en utilisent et nous en avons utilisés en Afghanistan. Ce sont d'importants outils.
    Puis, nous avons d'excellents radars de surveillance au sol, comme par exemple le Coyote, un véhicule de reconnaissance, qui pourrait être utile. Nous avons même des moyens souterrains: nous avons des géoradars qui sondent le sol à la recherche d'armes enterrées ou de fosses communes, si vous êtes à la recherche de sites d'atrocités. Puis il y a les capteurs sismiques qui nous avertissent lorsque des personnes ou des véhicules passent par un point donné. Grâce à de telles alertes avancées, nous savons que des forces combattantes approchent et nous pouvons utiliser nos moyens aériens pour faire le travail de reconnaissance puis lancer une mission d'interception.
    Merci, monsieur Dorn.
    Madame Barbot.

[Français]

    Il y aurait énormément de choses à dire au sujet de la rencontre que nous venons d'avoir. Ce qui me frappe à cette étape, c'est à quel point on nage dans l'euphémisme. On ne fait plus de guerres, on parle de missions de paix musclées.
    M. Bland nous a dit que l'armée avait toujours fait des opérations de charme auprès de la population. Toutefois, je pense qu'il existe une différence fondamentale entre partager sa nourriture avec les populations locales et voir à ce que celles-ci soient nourries convenablement pendant longtemps.
    Par ailleurs, le ministre MacKay est venu nous voir hier pour nous dire que le Canada voulait assumer le leadership dans la guerre en Afghanistan. Pourtant, à l'OTAN et à l'ONU, le Canada n'a pas de leadership; il a tout au plus une participation.
    Est-ce que cela éclairerait le débat si on pouvait au moins s'entendre sur la nécessité de faire la guerre dans certains endroits — même si je ne suis pas personnellement d'accord pour faire la guerre — et sur le moment où le Canada devrait intervenir dans les missions de paix? C'est manifestement là où nous avons le plus d'expertise et c'est sur quoi la population est d'accord.
    Il y a un autre élément auquel il faut faire attention actuellement plus qu'autrefois, et c'est le fait que la population en général est contre les interventions de guerre. On se trouve à mélanger un peu les choses en nous disant que nous passons à la formule 3D, alors qu'on sait très bien qu'on ne peut pas faire les trois choses en même temps.
    J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
(1015)

[Traduction]

    Merci, madame Barbot.
    M. Dorn, puis M. Bland.
    Il existe un spectre de force, et il nous faut trouver le bon point d'équilibre. Il n'y aura pas de point idéal, mais il s'agira de déterminer celui qui livrera les meilleurs résultats. Dans certains cas, nous sommes allés trop loin dans le spectre de la force, et dans bien des cas, si l'on regarde l'histoire des Nations Unies, l'ONU n'a pas utilisé suffisamment de force. Je pense que l'ONU a maintenant trouvé le bon point d'équilibre.
    À mon avis, dans la région de Kaboul, en Afghanistan, nous avons trouvé un bon point d'équilibre et avions un modèle qui fonctionnait. Mais lorsque nous nous sommes lancés à Kandahar, nous sommes allés si loin dans le spectre de la force que cela a en fait créé davantage d'ennemis que cela n'en a éliminés. L'important est donc de trouver le degré de force approprié.
    Le Canada a en la matière une énorme contribution à faire, car nous avons une expérience et du maintien de la paix et de la guerre. Nous avons une fière tradition de maintien de la paix et une fière tradition de combattant dans les guerres mondiales ainsi que dans la Guerre de Corée. J'estime que l'expertise que nous avons est essentielle et que les Nations Unies en ont beaucoup besoin, ce afin d'avoir ce type de mélange de capacités, étant donné surtout que nous parlons maintenant d'un type de maintien de la paix plus musclé.
    L'une des façons dont nous pouvons participer au leadership aux Nations Unies est de ne pas envoyer beaucoup de troupes sur le terrain. Nous ne pouvons pas concurrencer l'Asie du Sud, qui a en tout 25 000 soldats sur le terrain. Nous pouvons assurer de la valeur ajoutée en leur donnant des capacités technologiques. On en a tellement besoin. Un seul véhicule de reconnaissance aérienne peut remplacer tout un bataillon de soldats pour ce qui est du rayon qu'il peut couvrir, de ce qu'il permet de voir et de ce qu'il peut faire.
    Nous disposons de ces moyens. Tout simplement, nous sommes en ce moment en train de mettre tous nos oeufs dans le même panier, c'est-à-dire Kandahar. Nous n'avons plus d'oeufs à notre disposition en ce moment pour les Nations Unies. Nous avons un piètre total de 55 soldats, ce qui est honteux, vu notre tradition de longue date.
    Merci, monsieur Dorn.
    Monsieur Bland.
    J'encourage toujours mes étudiants à ne pas se laisser emballer par les mythes du maintien de la paix — par exemple, que le Canada a inventé le maintien de la paix et autres choses du genre. Ce n'est pas le cas.
    Walter a tout à fait raison de dire que nous possédons certaines compétences spécialisées. Mais c'est le cas de beaucoup de gens dans le monde. Les Norvégiens et les Scandinaves, les Indiens et les Pakistanais et quantité d'autres gens possèdent beaucoup d'expertise.
    Je suis d'accord avec lui pour dire que le Canada devrait offrir énormément d'aide technique à ces genres de missions. Mais devinez quoi? Le Parlement n'assure pas les fonds nécessaires. Il ne se passe rien du côté technique. Nos avions tombent du ciel. Nous avons peut-être une centaine de véhicules Coyote qui sont vieux de dix ans.
    Nous ne possédons pas le matériel que les gens pensent que nous avons. Je vous renverrais, si vous le voulez bien, à une étude que nous avons faite à l'Université Queen's, intitulée Le Canada sans forces armées?, étude qui a fait ressortir non seulement là où nos principales capacités reculent, mais, ce qui est plus difficile, là où nombre de nos principales capacités vont s'écraser avant que d'être remplacées.
    Nous avons la plus vieille flotte d'Hercules au monde. Y a-t-il quelqu'un ici qui se promène à bord d'avions vieux de 40 ans? Y a-t-il quelqu'un au Parlement dont les enfants se promènent en zone de guerre dans des camions vieux de 25 ans? C'est pourtant ce que vous faites. C'est ce que fait le Canada.
    Oui, nous devrions assurer plus. Je conviens que nous devrions assurer plus. Nous devrions être les spécialistes techniques pour les missions des Nations Unies. Nous pouvons faire toutes ces choses. Nous pouvons avoir de gros escadrons de communications et les hôpitaux pour les appuyer. Mais quelqu'un doit voter les crédits.
    Merci, monsieur Bland.
    Monsieur Casey, vous pourrez poser une petite question rapide, et nous bouclerons ensuite.
    Merci beaucoup. J'aime beaucoup la discussion.
    J'ai deux questions. L'une s'adresse à M. Dorn. Vous avez mentionné tout à l'heure que ce n'est pas une guerre contre les talibans. Qu'est-ce que c'est alors?
    Monsieur Bland, j'apprécie vraiment votre concept de conduite continue de la guerre. Je pense que vous avez raison là-dessus, mais êtes-vous en faveur de la mission en Afghanistan? Y voyez-vous une situation de guerre continue — non pas illimitée, mais pour une période indéterminée? Si vous contrôliez tous les leviers, que feriez-vous?
    Si je contrôlais tous les quoi, monsieur?
    Si vous contrôliez tous les leviers et tout le pouvoir, tant du côté militaire que du côté politique.
    Le ciel nous en préserve. Je suis universitaire.
    Je vous laisse répondre en premier. Il me faut réfléchir à ma réponse.
    Je pense que vu la façon dont nous combattons à l'heure actuelle, il s'agit d'une guerre contre les talibans. C'est ainsi que cela est perçu. Ce que nous avons, depuis le 11 septembre, lorsque Bush a fait cette déclaration disant qu'il n'y avait aucune distinction entre les terroristes et ceux qui les abritent, est une guerre contre les talibans, car le gouvernement taliban a abrité al-Qaïda. C'est pourquoi l'intervention a été une déclaration de guerre.
    Je me souviens avoir déclaré à midi, le 11 septembre, au Centre Pearson pour le maintien de la paix, que les États-Unis allaient attaquer l'Afghanistan. J'ai dit très clairement que, peu importe ce qu'ils apprendraient au sujet des événements du 11 septembre, il y aurait une attaque contre l'Afghanistan, et que le rôle du Canada était de modérer ce que ferait les États-Unis — c'était donc une guerre, et les opérations sont menées dans ce contexte, et nous faisons maintenant partie de cette guerre; nous sommes un des combattants. Nous sommes l'une des nations combattantes.
    Je ne pense pas que je serais d'accord pour dire que j'ai déclaré que ce n'est pas une guerre contre eux. Nous combattons comme s'il s'agissait d'une guerre contre les talibans, mais il n'est pas nécessaire qu'il en soit ainsi. Ce pourrait être une mission davantage impartiale, une mission du genre de celles que nous pourrions entreprendre à l'endroit de quiconque commet des violations en vertu d'une loi donnée. Vous avez dans un tel cas un processus beaucoup plus solide dans le cadre duquel mener des discussions plus larges, créant un organe qui est représentatif du peuple tout entier et pas simplement du gouvernement élu dans les territoires — où il s'est tenu un vote et où les gens étaient libres de voter.
(1020)
    Merci.
    Monsieur Bland, avez-vous décidé sur quels leviers vous tireriez?
    J'ignore si je voudrais être Rick Hillier, le premier ministre, ou aucun des deux. Ce sont dans les deux cas des fonctions épouvantables, en vérité.
    J'aimerais dire, à l'intention de ceux qui ont eu de la difficulté à m'entendre lors de ma déclaration,du fait de problèmes avec les microphones, que la réponse à votre première question donne un petit peu ceci. Lorsque les gens demandent si le déploiement de troupes canadiennes en Afghanistan est la bonne politique pour le Canada, la mission appuie quatre objectifs inséparables et de longue date de la politique étrangère canadienne, et qui sont: la défense du Canada aussi loin que possible de nos propres côtes; l'appui aux Nations Unies, et surtout de l'autorité du Conseil de sécurité; le maintien de l'OTAN et l'alliance de nations aux vues similaires; et, ce qui est le plus important, l'appui aux intérêts de sécurité raisonnables des États-Unis dans notre propre intérêt, les États-Unis étant la source de notre bien-être économique et de notre défense nationale.
    Si je contrôlais les leviers, les Canadiens n'aimeraient peut-être pas beaucoup cela, mais qui sait?
    Mais, sérieusement, les Canadiens aux niveaux politique et bureaucratique doivent comprendre que nous nous trouvons dans une situation que nous n'avons pas connue depuis fort longtemps, celle de devoir déterminer de quelle façon gérer une guerre. Les bureaucrates dans cette ville ne comprennent pas cela, et ils apprennent très lentement. Nous pouvons avoir des slogans comme les trois D, mais ce ne sont que des slogans. Il nous faut l'autre slogan, celui de « l'approche du gouvernement tout entier », dont certains d'entre nous parlons depuis longtemps, afin de réunir les efforts des ministères des Affaires étrangères, de la Défense, des Transports, de Corrections Canada — peut-être pas du ministère des Pêches et des Océans — et de tous les éléments du gouvernement afin que tous puissent travailler de façon cohérente dans le cadre d'une stratégie. Sauf tout le respect que je vous dois, la communauté politique canadienne n'a pas encore réussi à comprendre comment gérer une guerre qui est en train d'être menée dans l'intérêt très largement défini du Canada. Il nous faut faire cela.
    Il nous faut également mobiliser une part importante de nos ressources pour financer la police, la capacité militaire, la capacité diplomatique et la capacité humanitaire. Cela exige beaucoup d'argent et d'efforts. Pour ce qui est de cette conversation qui dure depuis des années — et Walter sera peut-être d'accord avec moi —, remontant jusqu'à l'intervention dans les Balkans au début des années 1990, le message n'est toujours pas passé. Nous ne comprenons toujours pas que ce sont là les guerres du présent et les guerres de l'avenir. Nous n'avons pas adapté la bureaucratie canadienne à cette constante des engagements à l'égard du maintien de la paix par l'OTAN et par les Nations Unies.
    Le maintien de la paix par les Nations Unies présente beaucoup de qualités, mais l'un de ses défauts est qu'il est en un sens toujours enlisé dans l'idée de conflits armés dirigés par des États, d'interventions entre États, et ainsi de suite. Beaucoup de pays, surtout dans l'Ouest, ne se sont pas habitués à l'idée que la guerre continue n'est pas anormale. Il ne s'agit pas de guerres asymétriques ou irrégulières; c'est la vraie guerre. C'est la nouvelle guerre régulière. Il nous faut donc réfléchir à la façon dont nous allons traiter de cela sur le plan politique, bureaucratique, et avec tous les instruments du gouvernement.
    Si je contrôlais les leviers, c'est cela que je ferais.
(1025)
    Merci, monsieur Bland.
    Je vous remercie tous les deux d'être venus. Cet échange a été bon. Nous avons entendu deux opinions différentes au sujet de certaines questions et nous avons eu une saine discussion. Nous vous sommes reconnaissants de vos commentaires, du temps que vous nous avez accordé et du fait que vous soyez restés un peu plus longtemps que prévu. Je sais qu'il avait été prévu une séance d'une heure et que vous êtes restés parmi nous pendant une heure et demie.
    Nous allons maintenant suspendre la séance, et nous reviendrons par la suite pour examiner un aspect d'un rapport.
    [La séance se poursuit à huis clos.]