:
Avec plaisir. Merci beaucoup, monsieur le président. Et merci à tous les membres du comité de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui.
La mission menée en Afghanistan attire beaucoup d'attention au Canada, et elle est chère aux Canadiens, car ils y ont engagé beaucoup de ressources et de nombreux principes sont en jeu. Mais c'est aussi une mission dans laquelle les intérêts et capacités de certaines des plus grandes organisations internationales du monde sont fortement engagés.
C'est un vrai plaisir de comparaître avec mon collègue James Appathurai, autre Canadien qui représente pour sa part l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, et en ma qualité de représentant de l'ONU, qui a une longue et fière histoire en Afghanistan. Cette histoire remonte à la fin des années 1940, à l'époque où les tout premiers programmes de l'ONU, et surtout de ses agences spécialisées, y ont été déployés.
Je reviendrai tout à l'heure sur le rôle de l'ONU dans ce pays, mais je soutiens que le rôle et l'efficacité de l'ONU dans le monde comme agent de changement, comme réseau qui appuie l'édification de l'Afghanistan, sont vraiment mis à l'épreuve et que, dans bien des cas, je le soutiens au nom de mes collègues de l'ONU, l'organisation s'en tire honorablement.
Bien entendu, l'ONU ne vaut que ce que valent ses États membres. Même chose pour l'OTAN. Le Canada, qui est depuis longtemps engagé profondément dans la définition des mandats de l'ONU et aide l'organisation à obtenir des résultats, a un rôle central à jouer. Les investissements que le gouvernement a annoncés hier dans la reconstruction, le développement et le renforcement des capacités, voilà exactement ce dont l'ONU a besoin de la part des principaux États membres si elle veut soutenir les Afghans et donner des résultats à la communauté internationale en Afghanistan.
Je commence donc par féliciter le Canada — non seulement son gouvernement, mais aussi sa société — de son engagement important et croissant à l'égard d'une des grandes causes internationales de notre temps: le développement et la reconstruction de l'Afghanistan après un quart de siècle de conflits.
Je parle du Canada comme société, car sa présence là-bas prend tous les visages. Les organismes du gouvernement chargés de la politique internationale sont très présents, bien sûr, mais il y a aussi des ONG canadiennes, des experts canadiens, des entreprises privées canadiennes, des familles canadiennes. Il ne faut pas oublier la société civile qui a évidemment des liens solides avec l'Afghanistan, rebâtissant des vies brisées, aidant à reconstruire des localités, à relancer le développement, à consolider la paix, à renouveler les institutions de l'Afghanistan d'aujourd'hui.
Je suis très fier, comme Canadien, de pouvoir vous dire que ce rôle du Canada et des Canadiens au sein de la famille des Nations Unies demeure très en vue et fort apprécié à tous les niveaux de la société afghane.
La mission ne s'est jamais résumée à détruire des bases terroristes. Elle est devenue un terrain d'essai essentiel pour le défi de l'édification d'un pays, un moyen de savoir si la communauté internationale veut vraiment appuyer la lutte contre la pauvreté et soutenir l'émergence de nouvelles institutions dans un pays qui, bien honnêtement le mérite largement, après 25 ans de graves conflits.
Il importe de signaler au départ que nos réalisations en Afghanistan, à ce jour, sont déjà appréciables. En 2001, l'accès aux soins de santé était négligeable, voir inexistant dans certaines régions. Aujourd'hui, 85 p. 100 de la population a accès à des services de santé de base.
En 2002, l'économie afghane valait environ 3,4 milliards de dollars américains. Telle est l'estimation que faisaient les institutions financières internationales de la taille de l'économie légale, en dehors de l'économie du pavot, en 2002. En 2006, on l'estimait à 7,9 milliards de dollars américains. Autrement dit, la taille de l'économie légale a plus que doublé en seulement cinq ans. Cette croissance a été plus vigoureuse que celle de l'économie illégale, qui demeure tout de même très inquiétante, et c'est une question sur laquelle il faudrait revenir dans nos échanges.
En 2002, le revenu par habitant en Afghanistan n'était que de 150 $US. C'est la meilleure estimation. Il dépasse aujourd'hui les 300 $US. Le commerce avec l'Iran et le Pakistan voisins est en plein essor.
Prenons le seul cas du Pakistan. Sous les Talibans, le commerce bilatéral entre le Pakistan et l'Afghanistan, dans la dernière année où il y a des données, était de 25 millions de dollars, ce qui est dérisoire pour des pays qui ont une frontière de plus de 2 000 kilomètres. En 2006, ces échanges ont dépassé le milliard et demi de dollars et il est probable que, en 2007, on dépassera les 2 milliards et atteindra peut-être les 2,5 milliards de dollars.
La devise afghane a été réformée et reste stable. L'inflation est faible. Le budget afghan est équilibré et les revenus augmentent de plus de 30 p. 100 par année depuis trois ans. Des milliers d'écoles ont été construites ou rouvertes, ce qui permet à 5,4 millions d'enfants d'étudier, un record national. Et il y a surtout un nombre record de filles qui vont aujourd'hui à l'école en Afghanistan, ce qui est important sur le plan international.
L'Afghanistan a connu la période la plus active de son histoire en construction de routes. De nouvelles lignes de transmission sont en construction. Elles donneront un approvisionnement en électricité suffisant à Kaboul d'ici 2008 et aux grandes villes du Sud, dont Kandahar, d'ici 2009.
La pauvreté qui demeure un obstacle abject au progrès de tant d'Afghans fait souvent oublier l'importance de ces progrès. Pour nous, c'est l'un des petits drames de l'histoire afghane jusqu'à maintenant: cette évolution, ces belles réalisations et les améliorations dans la vie des Afghans ne sont pas assez reconnues à l'étranger et, à dire vrai, dans les populations qui méritent le plus de savoir que leur intervention a porté fruit.
Cela comprend, bien sûr, le Canada et son opinion publique. On ne fait pas état de ces résultats. Les rapports de votre comité, du gouvernement, ont aidé à faire connaître ce qui se passe. À dire vrai, les médias ne nous ont pas aidés autant que nous le voudrions. C'est là une difficulté persistante dont nous pourrions peut-être discuter au cours de la séance d'aujourd'hui.
Tous ne font pas le choix de se réjouir d'avoir maintenant 30 $ par mois pour vivre au lieu de 10 $. Mais telle est la réalité des Afghans. Ils sont pauvres, mais ils ont deux ou trois fois plus d'argent, dans bien des cas, qu'il y a quatre ou cinq ans. Pour eux, il y a de quoi se réjouir. Ce progrès, cette amélioration, après 25 ans de dégradation, est le signe que les choses changent.
Personne n'est satisfait. Il n'y a personne en Afghanistan qui vous dira que les Afghans ont reçu assez. Personne ne vous dira que toute l'assistance — ni même la majorité de l'assistance — a été efficace. Nous continuons à apprendre, mais notre action a des effets, et des résultats concrets en témoignent.
[Français]
Pour les Afghanes et les Afghans, ces chiffres comptent. Ils ont généré et soutenu un niveau d'espoir au sein de la population afghane, qui reste un des ingrédients essentiels de notre engagement. Ils démontrent que la paix et une vie améliorée sont des possibilités réelles pour les Afghans, et on a bon espoir de pouvoir améliorer davantage leur sort, de concert avec la communauté internationale.
Néanmoins, il y a des groupes qui tentent encore de démontrer que le conflit ne tire pas à sa fin. En 2001, le régime des Talibans n'a pas été démantelé; il a tout simplement été repoussé au-delà des frontières de l'Afghanistan et oublié en quelque sorte jusqu'en 2002-2003.
[Traduction]
Depuis cinq ans, les Talibans ont récupéré et, jusqu'à un certain point, se sont réorganisés. Ils ont trouvé de nouvelles sources de financement et renoué avec d'anciens alliés.
L'an dernier, dans le sud du pays, alors que s'opérait la transition entre la direction américaine et l'OTAN, les Talibans ont entrepris de contester l'autorité de l'État à Kandahar, de montrer que l'Afghanistan revenait en arrière, en 1999 et même en 1994, première année où le phénomène des Talibans a commencé à être vraiment connu en Afghanistan, à l'époque où les filles ne pouvaient aller à l'école, où une justice sommaire sévissait dans tout le pays au plus flagrant mépris des procédures et des droits de la personne, où des terroristes se sont emparés de ce pays très important et ont étendu leur influence dans le sud de l'Asie et le monde entier.
En septembre 2006, la réponse de la communauté internationale a été l'opération Médusa, réaction militaire traditionnelle à un ennemi obstiné de la paix. Ce fut le premier combat au niveau de la brigade dans l'histoire de l'OTAN. La bataille a été livrée et gagnée surtout par les Canadiens, avec le solide soutien des alliés et l'aval du Conseil de sécurité de l'ONU.
L'opération a changé le climat d'insurrection dans le sud de l'Afghanistan. Elle a redonné espoir, rallié les tribus, démoralisé les Talibans. Elle a fini par donner des routes, des emplois et des projets de développement rural aux districts de Panjwai et de Zherai qui, à cette époque l'an dernier, commençaient à devenir des refuges pour les Talibans, des bases pour mener des opérations dans d'autres régions. Bref, l'opération Médusa a permis au gouvernement afghan de reprendre l'avantage dans ce mortel affrontement des volontés avec des Talibans qui renaissaient.
En décembre, le président Karzai a passé cinq jours dans la province de Kandahar, la période la plus longue depuis son arrivée au pouvoir. Son ministre du Développement rural a visité les collectivités touchées par les affrontements. Dans les semaines écoulées entre les deux, le directeur national afghan de la sécurité a réalisé des avancées contre les réseaux qui facilitaient les attentats suicides à Kandahar, à Khowst et à Kaboul. Toujours en décembre, le mollah Akhtar Usmani, numéro trois des Talibans, a été tué au cours d'une opération de l'OTAN.
Médusa a donc été un tournant dans l'histoire récente de la sécurité en Afghanistan et dans le sud du pays. Ceux qui, dans ces opérations, ont appuyé l'Afghanistan, les soldats de l'armée nationale afghane et le gouvernement afghan méritent qu'on leur reconnaisse un énorme crédit, car ils ont montré à un ennemi tenace que l'OTAN prend les choses au sérieux, que la sécurité régnera dans le sud de l'Afghanistan coûte que coûte et que notre engagement général, depuis l'ONU jusqu'à l'OTAN et aux États membres, demeure extrêmement ferme.
La sécurité n'est pas tout. La réussite d'opérations comme Médusa a ouvert la voie à un processus de développement bien engagé. Le Pacte pour l'Afghanistan, conclu à Londres en janvier et au début de février 2006, est un cadre unique pour structurer les efforts de 60 pays, de toutes les principales institutions financières internationales et de toutes les grandes organisations à l'appui de la construction du pays. On a constaté au cours de l'année écoulée que les repères et les objectifs exposés dans le Pacte étaient les bons, qu'il valait la peine de s'y tenir, qu'ils sont emblématiques du projet de construction nationale que tous veulent réaliser en Afghanistan.
Ce n'est pas un hasard si nombre de ceux qui interviennent après des conflits dans d'autres régions du monde ont cherché à reproduire le Pacte de l'Afghanistan pour rassembler et orchestrer les efforts internationaux — à Haïti, en Iraq et dans d'autres régions du monde —selon des principes semblables à ceux que nous essayons de respecter et d'appliquer en Afghanistan.
L'ONU reste au coeur de cet effort. Elle a des effectifs de plus de 5 000 personnes sur place. Ce fait est mal connu au Canada et à l'extérieur de l'Afghanistan, car on tend à mettre l'accent sur l'OTAN, sur la mission militaire. Mais ces effectifs sont des civils, et ils font partie de la mission politique la plus importante de l'ONU. C'est également une mission intégrée, conjuguant les compétences de plus de 20 organismes, programmes et fonds de l'ONU pour relever les défis aux côtés des Afghans, notamment dans les localités rurales où vivent la majorité des Afghans au jour le jour.
Ces cinq dernières années, l'ONU a dispensé jusqu'au tiers de l'assistance destinée à l'Afghanistan. Elle a surveillé la tenue des élections, réalisé des projets de développement rural, appliqué, même au cours des insurrections de la dernière année et même dans le Sud touché par la guerre, des programmes d'inoculation pour lutter contre les maladies les plus terribles qui ont affecté les enfants afghans.
Ces réalisations ont eu leur prix. Comme tous ceux qui travaillent en Afghanistan aujourd'hui, le personnel de l'ONU est exposé à des risques. Mais nous estimons tous que ces risques en valent la peine, compte tenu des résultats que nous pouvons obtenir, de la présence que l'ONU et d'autres organismes civils peuvent maintenir et même renforcer dans tout le pays, y compris à Kandahar et dans les provinces voisines, au début de 2007, grâce aux succès militaires de 2006, dont nous nous sommes tous réjouis.
Il reste d'énormes défis à relever en Afghanistan. La sécurité est le premier, et nous devrions prendre le temps voulu au cours des échanges pour définir la nature de ce défi et nous interroger sur les solutions possibles aujourd'hui.
Le défi du développement reste très lourd. Même si son PIB a doublé, l'Afghanistan demeure l'un des pays les plus pauvres de la planète. La pauvreté n'est plus grave que dans quelques rares pays d'Afrique.
C'est toutefois la gouvernance qui, au-delà des défis de la sécurité et du développement, sera la clé du succès. Des institutions ont été mises en place à Kaboul. Les ministères fonctionnent bien au niveau central, dans au moins une institution gouvernementale sur trois, d'après une estimation approximative, mais ils ne fonctionnent pas toujours au niveau infranational, au niveau de la province ou du district. Il faut que ce soit là un point essentiel de l'intervention internationale si nous voulons que ce grand projet aboutisse.
La primauté du droit est une autre grande priorité en 2007. Ce principe est au coeur de la réforme en cours au ministère de l'Intérieur, mais il faut aussi un appui beaucoup plus grand et substantiel pour le bureau du procureur général et le système judiciaire. Nous espérons que le Canada et d'autres pays, grâce à des engagements semblables à ceux qui ont été annoncés hier, participeront à la définition de ce programme, qui est forcément lié au défi de la lutte contre les stupéfiants. Le secteur des drogues est la meilleure preuve qu'il existe toujours aujourd'hui une faiblesse, une vulnérabilité dans l'État afghan, que le fait qu'il n'a pu par le passé se maintenir comme État a des conséquences, que nos réalisations demeurent encore incomplètes.
Monsieur le président, je vais m'arrêter là et céder la parole à mon collègue, mais j'ai hâte de répondre à vos questions.
:
Je vais essayer de respecter la limite de temps. À l'OTAN, nous sommes plus disciplinés qu'on ne l'est à l'ONU.
Des voix: Oh, oh!
[Français]
Permettez-moi aussi de vous remercier de nous accueillir ce matin. C'est un grand plaisir pour moi. C'est la première fois que je rends visite à ce comité.
Comme l'a dit Christopher, mon ami et collègue, c'est une question primordiale pour le Canada. C'est aussi primordial pour l'OTAN: c'est notre priorité ultime. Cela démontre — je le dis entre parenthèses — combien l'OTAN a changé.
Mes notes, dans une proportion de 50 p. 100, contiennent les mêmes statistiques que Christopher a données au sujet de l'éducation, des infrastructures qui ont été construites. Chaque semaine, nous recevons au conseil deux pages portant sur les progrès du développement. J'ai dans mon bureau des plans, des cartes. Il y a cinq ans, je n'avais que les Balkans. Tout d'un coup, j'ai toute l'Asie du Sud.
Nous entretenons une profonde relation avec l'ONU. C'est la sécurité du XXIe siècle.
[Traduction]
Je vais souligner rapidement quatre points. Il sera plus agréable de discuter ensemble que de m'entendre parler.
Il faut répondre à trois ou quatre questions. Notre présence là-bas sert-elle toujours un intérêt national? Cet intérêt est-il aussi fort qu'au moment où nous nous sommes engagés? Il est très clair que c'est le cas.
Il y a cinq ans, avant l'éviction des Talibans, j'ai fait quelques recherches. L'Afghanistan était devenu le refuge de groupes extrémistes d'au moins 24 pays, qui s'entraînaient tous dans des camps bien financés et dotés du personnel voulu. Nous ne pouvons en faire abstraction. Il y avait Al-Qaïda, bien sûr, et ses 3 000 combattants de 13 pays arabes, des groupes extrémistes de Russie, du Pakistan, de la Chine, de la Birmanie, de l'Iran, de l'Asie centrale et de plusieurs pays d'Extrême-Orient. Tous combattaient pour les Talibans tout en appliquant leur propre programme politique chez eux. L'Afghanistan était la grande gare du terrorisme, des extrémistes arrivant tous les jours et repartant mieux entraînés et plus extrémistes que jamais.
Ce sont ceux que nous combattons aujourd'hui, et nous ne pouvons l'oublier. Ils voudraient reprendre le pouvoir. Avec le recul, on le voit à la perfection, et seulement cinq années ont passé. Je le répète sans cesse, en tout cas comme porte-parole de l'OTAN. Il est facile d'oublier, mais nous ne pouvons pas nous le permettre. L'OTAN a accepté comme mandat de l'ONU de prévenir ce retour au pouvoir, et elle s'acquitte de ce mandat.
Deuxièmement, pouvons-nous gagner et sommes-nous en train de le faire? Voilà une question essentielle pour la population des 37 pays qui fournissent des troupes. Je peux parler pour eux, car c'est la question que le public pose. Pouvons-nous y arriver? Chris a montré clairement que, en fonction des indicateurs importants, nous progressons. La vie des Afghans s'améliore. Ils ont plus d'argent. L'accès aux soins de santé est meilleur que dans tous les pays africains sauf l'Afrique du Sud, et c'est beaucoup, compte tenu de la situation où était le pays, il y a cinq ans. On en est à 83 p. 100. Ma femme dirige une ONG. Elle me dit que c'est inouï. L'ONU a réalisé des progrès phénoménaux sur ce plan-là.
Vous avez entendu d'autres chiffres. Pour bien faire le point, disons que, d'après nos renseignements, 17 000 projets de reconstruction et de développement sont actuellement en cours, dont 1 000 sont réalisés par l'OTAN. Les dépenses se chiffrent par milliards.
Sur le plan de la sécurité, nous avons créé l'armée nationale afghane, qui n'existait pas il y a cinq ans et qui compte aujourd'hui 30 000 soldats, déployés et engagés dans tout le pays. C'est essentiel pour nous, car les forces nationales de sécurité sont notre stratégie de retrait. La lutte sera longue. Les Talibans ne seront pas réduits à néant en trois ans. Il y aura des insurrections pendant longtemps à cause de toutes les raisons que nous avons données, comme les drogues et la frontière avec le Pakistan. Mais il faut que les Afghans mènent leur propre combat. Quand ils pourront le faire, nous pourrons nous retirer, pas avant. Voilà la réalité.
La contribution des pays de l'OTAN compte jusqu'à maintenant des dizaines de milliers d'armes légères, des millions de munitions, 110 transports de troupes blindés et une douzaine d'hélicoptères. Nous avons engagé de petites équipes dans des bataillons afghans qui ont été déployés pour les aider à faire leur travail. Comme vous le savez, les États-Unis se sont engagés à verser 8,6 milliards de dollars pour aider à constituer les forces nationales de sécurité afghanes. C'est notre stratégie de retrait. Nous avons comme objectif une armée nationale afghane de 70 000 soldats.
La police nationale afghane est un élément très faible. Ce qui attire les Talibans, c'est qu'ils peuvent s'implanter dans des régions non gouvernées, sans structure, sans ordre public, sans police efficace. Même si la population dit ne pas beaucoup aimer les Talibans, elle préfère la structure à l'anarchie. Elle se rabat sur les Talibans faute de mieux.
Nous devons donc établir une présence gouvernementale locale, et cela, c'est la police. L'armée intervient pour combattre, mais n'assure pas le service de police local. L'UE et l'ONU travaillent sur la question, mais pas l'OTAN, qui est indéniablement touchée, tout de même.
Première conclusion: nos efforts visant à aider les Afghans à construire un pays et un avenir meilleurs rapportent, mais il faudra sûrement un effort soutenu et bien coordonné à long terme. C'est ce que Chris fait.
Les attentes sont grandes, parmi les Afghans, qui veulent voir des résultats concrets. Ils ont entendu parler des milliards de dollars promis, et ils veulent des résultats. Nous devons faire de notre mieux pour les leur donner.
Deuxième question: nos forces suffisent-elles, et les autres alliés font-ils leur part? Voilà une question fort délicate au Canada. À l'OTAN, nous répondons oui aux deux questions, en général. Si on tient compte de la réalité des 37 pays, la réponse est oui aux deux questions.
Avons-nous tout ce que nous voulons? Non. Vous n'entendrez jamais un officier de l'OTAN satisfait. Mais cette année, nous avons énormément renforcé la puissance de combat à la disposition du commandant de l'ISAF.
Depuis le sommet de Riga, il y a trois mois, nous avons ajouté plus 7 000 soldats à la mission globale de l'ISAF. Et à peu près toutes ces troupes peuvent être utilisées un peu partout. Il n'y a pas de restrictions d'ordre géographique. La plupart sont affectées dans le Sud.
Bien sûr, ce sont les États-Unis qui ont fait la plus grande contribution, avec la 10e division Mountain, suivie par la 183e aéroportée.
Le Royaume-Uni vient d'annoncer l'envoi d'effectifs de 1 500 soldats, en plus des 500 qu'il avait déjà ajoutés.
Ce sont les grands participants. Il y a aussi les forces spéciales norvégiennes et les forces spéciales d'autres pays qui n'ont pas rendu la chose publique. Je dois donc me taire. Les Danois ajouteront d'autres troupes. Les Allemands approuveront probablement le déploiement de six Tornado, avec les 500 personnes qui vont avec. Nous avons aussi d'autres UAV qui arrivent, et d'autres aéronefs de transport provenant de divers pays. Les Australiens vont doubler leur contribution, la faisant passer à 1 000 soldats, avec 250 autres personnes pour les forces spéciales et le transport.
Je fais cette énumération pour montrer que, ces trois derniers mois, les repères ont beaucoup changé. En coulisse, le gouvernement du Canada a réclamé avec beaucoup d'insistance que les alliés fassent plus, et ils ont répondu à l'appel. Le Canada a acquis beaucoup de crédit à l'OTAN à cause de ce qu'il fait sur le terrain. Il a une voix qui se fait mieux entendre que lorsque je suis entré au service de l'alliance. On écoute le Canada parce qu'il a payé là où cela comptait. Nous utilisons ce crédit très intelligemment pour obtenir ce que nous voulons pour progresser.
Quant au financement de la reconstruction et du développement, comme Chris l'a dit, l'annonce que le gouvernement a faite hier est exactement ce dont nous avons besoin. Faut-il davantage? Oui. Plus d'hélicoptères, plus d'avions de transport. Nous devons continuer d'insister. Mais le ministre O'Connor et le général Hillier ont dit hier qu'ils étaient généralement satisfaits de ce qu'il y a maintenant sur le terrain. Ils ont beaucoup insisté. S'ils expriment cet avis, c'est que cela veut dire quelque chose.
Je parle de la suppression des restrictions. Nous avons obtenu un engagement au sommet de Riga. Les 26 alliés, et même les 37 ont accepté un principe: si un autre allié est en danger, où que ce soit dans le pays, ils s'y rendront si le commandant de l'ISAF le demande. C'est une manifestation essentielle de solidarité. Il y a quelques semaines, les Français ont déployé des Mirages pour assurer un soutien aérien rapproché aux troupes canadiennes. Ils sont intervenus en dehors de leur propre territoire et ont tué beaucoup de Talibans pour sauver la vie de nos soldats. Ils ont prouvé qu'ils étaient disposés à le faire. C'est bien.
Je saute tous les éléments dont Chris a déjà parlé pour m'attarder à trois domaines sur lesquels la communauté internationale va renforcer ses efforts ou doit le faire.
Il y a d'abord la gouvernance. Chris l'a dit, c'est absolument essentiel.
Deuxièmement, le Pakistan. Tant que nous ne nous attaquerons pas au problème des renforts qui franchissent la frontière, notre action ne sera pas assez efficace. Les gouvernements du Canada, des États-Unis et de bien d'autres pays entretiennent une étroite collaboration avec les Pakistanais. Ils doivent être un élément de la solution.
Je crois que le ministre MacKay leur a proposé les compétences du Canada pour la défense d'une frontière longue et dangereuse.
Des voix: Oh, oh!
M. James Appathurai: Enfin, il y a les stupéfiants, le cancer de ce pays. Ils financent les Talibans, car les Talibans, tout comme la mafia, protègent ce secteur et prélèvent leur part des profits, Le problème touche directement la sécurité et nous avons donc intérêt à nous y attaquer. C'est faisable. Voici des chiffres.
Dans les années 1980, le Pakistan était le plus grand producteur d'héroïne au monde; 70 p. 100 de l'héroïne venaient de ce pays, qui produisait 900 tonnes de pavot par année. En 1997, le pays en produisait 24 tonnes, et en 1999, deux tonnes. C'est le pays voisin. C'est donc faisable.
Vous ne devez donc certainement pas conclure qu'il faut renoncer, les laisser cultiver le pavot et l'acheter parce que vous ne croyez pas qu'on peut s'attaquer au problème. C'est faisable, et cela s'est fait en Turquie et en Thaïlande.
Autre point: l'approche globale, comme on dit à l'OTAN, ou les trois D. Autrement dit, le problème des stupéfiants montre bien qu'on ne peut se contenter de détruire les cultures et compter réussir de cette façon. Il faut un système de justice, un réseau policier et de nouveaux moyens de subsistance.
Agencer tous les éléments, comme l'OTAN et l'ONU — tout cela est nouveau pour nous — c'est comme légiférer pour dire qu'il faut s'aimer: c'est une bonne idée, mais il ne suffit pas de le dire. C'est un bel objectif, mais c'est un travail difficile.
L'approche canadienne, qui consiste à équilibrer tous les éléments et à les intégrer, est absolument essentielle. À l'OTAN, nous apprenons petit à petit. Je crois que l'ONU est un peu plus avancée que nous sur le plan, mais nous y arriverons.
Dernier point: les sondages. Dans la presse, on a l'impression — comme je suis porte-parole, je sais que la presse est capable de fausses interprétations — que les Afghans ne veulent pas de nous, qu'ils aiment bien les Talibans ou que le gouvernement perd des appuis. Ces cinq dernières années, il y a eu trois grands sondages, seulement trois, ceux d'Altai Consulting, de la Fondation pour l'Asie et de la BBC. Si on établit la moyenne, on constate qu'environ 75 p. 100 de la population est toujours fermement en faveur des forces étrangères. Chris peut certainement en témoigner. L'appui au gouvernement élu atteint environ 80 p. 100, ce qui est très élevé. Les Afghans, après seulement cinq ans, acceptent que le régime démocratique est la seule solution. Et 3 p. 100 d'entre eux souhaitent le retour des Talibans: 3 p. 100. Autant dire que c'est statistiquement négligeable. Personne ne veut que les Talibans reviennent en Afghanistan. La plupart des gens ont l'impression que leur vie s'améliore.
Ces chiffres sont réconfortants. Nous progressons, nous faisons en sorte que ça marche.
J'ai d'autres points à aborder, notamment sur ce que cela signifie pour l'OTAN, mais passons plutôt aux questions, monsieur le président.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
On m'a déjà présenté. Je m'appelle Gord Steeves et, par le hasard des choses, je suis président intérimaire de la Fédération canadienne des municipalités.
Je suis en compagnie de Brock Carlton, directeur de la politique internationale et du développement. Sont également présents le chef de direction intérimaire, Jean-François Trépanier, et le directeur des politiques, Richard Smith.
Les membres du comité ne le savent pas forcément, mais la Fédération canadienne des municipalités regroupe quelque 1 500 administrations municipales des quatre coins du Canada. Nos membres représentent environ 90 p. 100 de la population canadienne. Par sa structure, notre organisation a pour principale vocation de préconiser au nom municipalités canadiennes des politiques et des mesures de développement. Elle a également deux autres composantes qui s'occupent de développement durable et, évidemment, du développement international. C'est du reste ce qui explique notre présence aujourd'hui.
Ce que je voudrais faire aujourd'hui, monsieur le président, c'est formuler quelques observations, après quoi je passerai le relais à Brock Carlton pour le reste, si cela vous convient.
[Français]
Je voudrais vous remercier de me donner l'occasion de faire une présentation devant ce comité.
La question du développement démocratique est un thème important qui exige réflexion et compréhension. Le développement de la démocratie dans les pays étrangers exige une diligence et un engagement, ainsi qu'une concentration sur les questions pratiques qui amélioreront la vie des gens afin qu'ils puissent voir, en termes concrets, pourquoi la démocratie apporte une meilleure qualité de vie.
[Traduction]
À titre de président intérimaire de la Fédération canadienne des municipalités et de conseiller de Winnipeg, je suis, comme nous le sommes tous, une expression de l'expérience démocratique canadienne. Dans les instants qui vont suivre, nous voudrions donner notre opinion sur le développement démocratique et surtout expliquer que nous sommes convaincus que ce développement ne peut se réaliser si on ne s'intéresse pas à l'administration et à la gouvernance locales.
Dans ces quelques minutes, nous parlerons de ce que fait l'administration locale, des tendances qui influencent notre conception du monde, de la façon dont le Canada, par l'entremise de la FCM, a répondu et pourrait mieux répondre à cette nécessité de mettre l'accent sur l'administration locale comme facteur clé du développement démocratique à l'étranger.
Avant de passer à notre exposé, je voudrais vous livrer une réflexion. Comme vous le savez peut-être, les municipalités ont été les premières manifestations de la démocratie chez nous. Saint John, au Nouveau-Brunswick, première ville constituée au Canada, a été fondée en 1785, et Montréal a tenu ses premières élections en 1833. Expression canadienne de la démocratie, nos valeurs et principes sont le fruit des expériences des villes et localités de tout le pays et de toute notre histoire, et, comme vous le verrez, mettre l'accent sur la gouvernance et les administrations locales est un moyen pratique et fécond de faire rayonner nos valeurs démocratiques et nos principes dans le monde entier.
En développement international, il faut parler d'abord d'administrations locales, de gouvernance locale sous l'angle du développement démocratique. L'UNESCO définit la gouvernance comme l'ensemble des règles, processus et comportements par lesquels la société sert ses intérêts, utilise ses ressources et exerce son pouvoir. Nous croyons que les administrations locales ont plusieurs caractéristiques qui sont essentielles dans toute démocratie. Comme vous le savez peut-être, ces administrations — je suis sûr que certains membres du comité ont fait partie d'administrations municipales — ouvrent un espace public permettant aux administrés de participer aux décisions qui touchent leur collectivité.
À la base, ces administrations favorisent très bien la participation des femmes, des minorités ethniques et d'autres groupes sous-représentés dans le processus démocratique. À cause de la proximité, elles aident à bâtir la confiance envers les institutions locales, à garantir que ces institutions sont viables et servent les administrés au quotidien, et à créer un contexte propice au développement. Elles sont aussi un partenaire local plus fort et favorisent le dialogue, la coordination et la coopération entre les gouvernements.
Nous croyons aussi que des administrations locales efficaces ne sont pas possibles sans une gouvernance locale forte, transparente, responsable pour aider à créer les règles et processus locaux et pour jouer le rôle d'animateur auprès des groupes locaux afin de canaliser les ressources et l'énergie pour les administrations locales.
La gouvernance locale, à la différence des autres ordres de gouvernement, peut mobiliser les pouvoirs locaux, les décideurs, les praticiens, les groupes communautaires et les administrations locales. Elle est plus enracinée dans la réalité sociale, politique et économique des collectivités, grandes et petites. Selon nous, elle est un peu plus responsable, transparente et représentative des collectivités locales, aide à mobiliser leurs ressources et leurs actifs, fournit des services et produit des résultats concrets sur le terrain, dans les secteurs qui ont l'impact le plus direct sur la vie des gens. Elle peut aussi reproduire les réussites pour le bien de toute la collectivité et créer des réseaux municipaux de mise en commun des connaissances pour que d'autres régions et pays imitent ces réussites.
Maintenant qu'il est établi que l'administration locale a un rôle clé à jouer dans la gouvernance locale et donc le développement démocratique, tournons-nous vers ces enjeux dans le contexte international. Nous constatons que l'urbanisation rapide exerce une énorme pression sur les administrations locales, qui doivent offrir toutes sortes de services. La capacité des institutions locales d'assurer des services est essentielle à la réalisation de nombre des objectifs de développement du millénaire définis par l'ONU et que les cités et villes sont des actifs précieux et des facteurs clés de la prospérité nationale et internationale. Les cités et villes sont toutefois conscientes que les plus grands défis sociaux sont locaux. Une gouvernance locale efficace est essentielle à une solide interdépendance sociale et économique entre les zones rurales et urbaines.
L'empreinte des villes sur l'environnement est de plus en plus importante. Environ 78 p. 100 des GES viennent des petites zones urbaines qui ne représentent que 2 p. 100 de la masse terrestre.
Quelques enjeux clés caractérisent la réaction de l'administration municipale dans ce contexte. Il est très important que le comité soit au courant de certaines des tendances que nous avons observées.
D'abord la coordination des politiques et programmes. Des réseaux municipaux surgissent pour faciliter une action mondiale. Les Cités et gouvernements locaux unis, le Forum du Commonwealth sur les administrations locales et l'Association internationale des maires francophones ne sont que quelques exemples de ces organisations qui naissent pour améliorer les réseaux entre les administrations locales.
Il existe un meilleur appui pour la gouvernance au niveau infranational. Les donateurs — Banque mondiale, Banque interaméricaine de développement, PNUD, DflD — appuient de plus en plus les ordres infranationaux de gouvernement. Nous en avons vu un exemple saisissant et convaincant dans les régions touchées par le tsunami.
Les administrations municipales se révèlent être acteurs internationaux. Dans le monde entier, des villes prennent l'initiative et donnent une dimension mondiale à leurs efforts visant à promouvoir le commerce, à attirer des investissements, sans oublier l'immigration, l'innovation, les échanges culturels et politiques et la coopération internationale. Des villes comme Londres deviennent chefs de file mondiaux en matière de transports; des villes comme New York ont pris des mesures sur le plan de la sécurité sans attendre l'aide de l'État ou du gouvernement fédéral. Même au Canada, Toronto, Montréal et Vancouver sont en train de devenir des entités distinctes.
Dans ce contexte international, la réponse du Canada a consisté à travailler avec les municipalités par l'entremise de la FCM au cours des 20 dernières années. Nous gérons actuellement dix programmes en Afrique, en Asie et en Amérique latine. Le budget annuel des programmes s'établit actuellement à 12 millions de dollars, et 35 employés sont affectés à ce travail. En 20 ans, nous avons travaillé dans 44 pays d'Afrique, d'Asie, d'Amérique latine et des Antilles, et nous travaillons actuellement avec 18 pays. Nous collaborons avec plus de 2 500 bénévoles municipaux et, actuellement, il y a 15 praticiens municipaux bénévoles pour chaque jour civil.
Le fait est anecdotique, mais en ce moment, nos projets font intervenir non seulement des bénévoles municipaux, mais aussi des ressources communautaires. Par exemple, Drayton Valley, en Alberta, travaille avec la Tanzanie. En plus du renforcement de la capacité de l'administration municipale, des groupes locaux de Drayton Valley soutiennent un établissement pour orphelins du sida et aident à établir une fondation pour que d'autres puissent verser de l'argent à la collectivité en ayant l'assurance qu'il sera géré de façon transparente et responsable.
Monsieur le président, ce modèle a été reproduit dans une foule de villes et de localités de tout le Canada. Le gouvernement fédéral s'appuie sur les ressources municipales pour mobiliser toute la capacité que les municipalités peuvent offrir, des collectivités s'allient avec les clubs Rotary locaux, les Jaycees et les Chevaliers de Colomb et offrent ce genre de ressources à des régions en développement d'une manière ciblée, responsable et très concrète.
Là-dessus, je cède la place à Brock, qui a également quelques mots à vous dire.
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Merci. Je vais parler pendant quelques minutes de notre façon de travailler et faire quelques observations sur des leçons tirées de l'expérience. Puis, comme on nous y a invités, je vais présenter des recommandations que, selon nous, le comité devrait étudier.
Gord a parlé des relations entre collectivités, mais je souligne que notre travail va au-delà de la collaboration entre collectivités et municipalités. Nous abordons un pays et travaillons avec lui au niveau national sur une stratégie qui encadre ensuite les initiatives entreprises auprès des collectivités et municipalités.
Si je peux me permettre, je vais présenter un portrait du Ghana, exemple de pays où nous concentrons nos efforts. La FCM a travaillé avec l'association nationale ghanéenne. Ensemble, nous avons élaboré une stratégie de développement local au Ghana. Ce n'est pas la stratégie de la FCM, mais celle de l'association nationale au Ghana. Puis, dans le cadre de la stratégie, nous travaillons avec nos membres et les Ghanéens avec les leurs pour choisir des municipalités susceptibles de collaborer au sein des partenariats dont Gord a parlé il y a quelques minutes. Dans le contexte de la stratégie nationale, les municipalités établissent des relations officielles selon un cycle de deux ans. Elles travaillent sur des questions très pratiques comme la gestion financière, la gestion des déchets solides et toutes les autres questions clés dont les municipalités s'occupent chez elles.
Ce qui importe vraiment ici, c'est que nous ne bâtissons rien, pas de routes, pas de ponts, que nous n'aménageons pas des décharges de déchets solides. Nous travaillons en fait sur des éléments de gouvernance. Nous essayons de voir avec l'administration, avec le conseil, comment gérer les services municipaux plus efficacement, comment mobiliser la collectivité dans une démocratie, dans une gouvernance locale plus efficace, de sorte que l'action de la municipalité concorde avec les objectifs et les intérêts de la société dans son ensemble. C'est aussi un élément important pour assurer une certaine équité et faire participer les groupes pauvres et marginalisés aux discussions sur la façon dont l'administration municipale sert les intérêts collectifs.
Tout cela se fait dans le cadre national. Si un pays, par exemple le Ghana, a une stratégie de réduction de la pauvreté ou de développement national, notre travail s'intègre à ce contexte national également. Comme Gord l'a dit plus tôt, il est inévitable, lorsque des municipalités aident des partenaires à l'étranger, que les collectivités canadiennes mettent la main à la pâte et travaillent avec les collectivités du Ghana ou d'autres pays.
Gord a signalé que nous étions engagés dans ce travail depuis 20 ans. Nous avons tiré beaucoup de leçons de cette expérience, et nous voudrions en signaler quelques-unes au comité.
D'abord, un développement démocratique efficace, une gouvernance efficace suppose qu'on travaille à l'intérieur du système existant. Comme je l'expliquais à l'instant, nous allons sur place travailler avec des partenaires nationaux et locaux, dans le contexte des programmes et stratégies du gouvernement national, à l'intérieur du système. Il s'agit aussi de travailler avec les institutions existantes et non d'en créer de nouvelles de notre cru. Nous appuyons le renforcement des institutions existantes et leur capacité de répondre aux besoins de la collectivité.
Ce type de travail n'est pas rapide. Il faut du temps. Il faut établir des relations, ce qui exige des engagements durables. Les municipalités qui s'engagent dans le travail de développement le font, comme je l'ai dit, selon des cycles de deux ans, mais le plus souvent, ces cycles recommencent plusieurs fois. Au bout de deux ans, il y a une évaluation, un rajustement du partenariat entre les deux parties, et le travail se poursuit. Dans certains cas, cela dure depuis 10 ou 15 ans. Le développement est tout à fait abordé dans une optique à long terme.
L'élément fondamental, c'est que ce sont des partenariats entre praticiens, entre secteurs. Dans le jargon du développement, on pourrait parler de communauté de pratiques en administration municipale. Nous amenons le secteur municipal canadien à travailler avec le secteur municipal du Ghana, du Guyana ou de quelque autre pays. Il ne s'agit pas simplement de l'assistance technique d'un consultant ayant une compétence particulière qui vient faire un travail, mais d'une municipalité et de sa collectivité qui travaillent avec une autre municipalité et ses administrés. Ces relations vont bien au-delà des échanges techniques. Ce sont vraiment des partenariats entre les praticiens canadiens et leurs homologues de l'étranger, et ces partenariats visent à résoudre les problèmes qu'ils ont désignés entre eux comme des priorités.
Autre élément: c'est un travail entre pairs. Lorsque nous allons à l'étranger, nous n'amenons pas des spécialistes du développement qui passent deux semaines en Ouganda, produisent un beau rapport et reprennent l'avion pour aller ailleurs faire un autre rapport. Nous amenons ceux qui font le travail au Canada. Ils travaillent comme bénévoles et discutent avec ceux qui font le même travail à Kampala, à Nairobi ou ailleurs. Ce sont ceux qui font concrètement le travail. Ils amènent une expérience canadienne concrète. Ils ne disent pas: nous faisons ceci au Canada, c'est comme cela qu'il faut faire, faites comme nous, mais plutôt: nous avons une certaine expérience, grâce à laquelle nous sommes parvenus à un certain développement au Canada; comme c'est très pratique, nous pouvons travailler et vous aider à résoudre vos problèmes dans votre contexte, d'une manière qui est sensée pour votre collectivité. L'approche repose donc sur le travail concret des praticiens.
Cette formule stimule aussi beaucoup une expérience d'apprentissage en collaboration. Les réseaux dont Gord a parlé, comme les Cités et gouvernements locaux unis, le Forum du Commonwealth sur les administrations locales, etc., offrent beaucoup d'occasions de mettre en commun les acquis et d'avoir les échanges qui donnent les avantages mutuels si importants dans ce type de partenariat.
Pour conclure, monsieur le président, nous soumettons quatre recommandations à l'étude du comité.
D'abord, il faut reconnaître que les groupes infranationaux, les municipalités dans notre cas, sont très importants pour le développement démocratique, qui n'est pas le fief exclusif des parlements et des cadres législatifs nationaux. Il y a aussi une place pour l'ensemble du système et la gouvernance locale, et pour les administrations municipales qui font partie de ce système.
Deuxième recommandation: il nous semble important que les programmes appliqués par le gouvernement du Canada par l'entremise de l'ACDI permettent aux Canadiens de participer à ce travail, pour que les municipalités canadiennes ou leurs praticiens de la démocratie puissent travailler avec leurs homologues étrangers très concrètement. C'est très important.
Troisième point important: il ne suffit pas de faire participer des organisations canadiennes à ce qui se passe à l'étranger; il faut que l'ACDI et les ministères fédéraux à vocation internationale soient prêts à faire participer des organisations canadiennes comme la FCM à leur réflexion, à leurs stratégies, à leur travail d'élaboration de politiques sur les positions du Canada à l'égard des enjeux relatifs au développement à l'étranger et à d'autres intérêts du Canada. La FCM et d'autres organisations peuvent contribuer au débat sur les positions du Canada dans ces dossiers.
Ma dernière recommandation porte sur un document qui a été distribué aux membres du comité. Il s'agit du Programme mondial de gouvernance locale. Selon nous, cette approche permettrait à la FCM et au gouvernement du Canada de collaborer de façon beaucoup plus cohérente pour mettre en commun l'expérience municipale canadienne, la gouvernance et la démocratie locale au niveau international. Dans l'état actuel des choses, nous collaborons avec l'ACDI à divers projets, mais il n'y a aucune continuité durable. Les projets vont et viennent, mais il n'y a aucune stratégie, aucune perspective à long terme pour faire contribuer le secteur municipal au service des intérêts du Canada à l'étranger. Selon nous, appuyer ce programme mondial serait un moyen de favoriser une approche cohérente de la participation des administrations municipales canadiennes et de la prise en compte des intérêts internationaux canadiens à l'étranger.
Pour revenir sur la même question, je dirai que, si nous prenons du recul par rapport au niveau local et considérons les projets que nous réalisons ou les pays avec qui nous finissions par travailler, beaucoup de décisions se prennent à partir de l'analyse du contexte des divers pays. Quelle est la structure démocratique? Les municipalités ont-elles un mandat suffisant pour agir, de façon que, si nous travaillons avec elles, elles pourront profiter de cette capacité et offrir des services efficaces? Nous faisons une analyse. Ce n'est guère différent de l'analyse que l'ACDI réalise pour choisir les pays où elle travaille.
Quant au plus grand obstacle pour le Programme mondial de gouvernance locale, je dirai brièvement que c'est l'ACDI, mais je dois faire une mise en garde. Une explication s'impose. C'est que l'ACDI n'a pas une organisation qui facilite la réalisation de ce genre d'idée. Nous proposons de réunir en un seul ensemble cohérent tous les travaux que nous accomplissons dans différents pays. C'est très difficile pour l'ACDI, parce qu'elle est très divisée entre différents bureaux régionaux et programmes-pays. Déjà maintenant, nous essayons de nous entendre avec l'ACDI pour intégrer une partie du travail en Afrique dans un cadre plus large, et les entretiens avec l'Agence sont très difficiles.
La deuxième partie de la réponse, c'est que l'ACDI n'a pas, à la Direction générale des partenariats, l'argent nécessaire pour les administrations locales. L'ACDI est toujours très axée sur les zones rurales. Elle essaie de se réorienter, mais c'est très lent.
À propos des 12 millions de dollars, le Programme mondial de gouvernance locale est un effort de rationalisation d'une partie de notre travail pour en faire un programme cohérent, comme je l'ai dit. Nous sommes arrivés au chiffre de 12 millions de dollars à partir d'une analyse des budgets existants, en évaluant l'activité nécessaire pour les déplacements, etc., mais sans tenir compte du temps des bénévoles. Nous y sommes arrivés à partir de notre expérience: comment établir un réseau mondial, travailler au niveau local avec les municipalités, travailler au niveau national avec les associations nationales dans des pays choisis sur chaque continent et rassembler ces joueurs au niveau mondial pour favoriser la mise en commun des acquis.
Nous allons en Europe dans une semaine et demie pour rencontrer des organisations semblables à la FCM: des Néerlandais, des Britanniques, quelques Belges, les Norvégiens, les Scandinaves et quelques Français. Mais il n'y a en réalité que deux pays au monde qui font ce travail de façon importante: le Canada, avec la FCM, et les Pays-Bas, avec l'équivalent de la FCM, la VNG. Où que nous nous rencontrions, il est entendu et reconnu par tous nos pairs, la Banque mondiale et d'autres que le Canada et les Pays-Bas sont en-tête pour ce qui est de la participation des administrations municipales à la coopération internationale.
Dernière question: les jeunes. Un certain travail se fait avec les jeunes, surtout dans le cadre des programmes de lutte contre le VIH/sida en Afrique. Nous travaillons avec des programmes locaux qui font participer les jeunes à des ligues de football ou à d'autres activités sportives qui se prêtent à la diffusion d'information sur le VIH/sida, dans un cas donné, mais il se fait aussi du travail sur d'autres modes d'intégration à la collectivité. Dans la mesure du possible, nous offrons un programme de stages dans lequel, avec des fonds de l'ACDI, nous pouvons recruter des jeunes du milieu de la vingtaine qui veulent faire une carrière liée à notre travail — urbanisme, architecture, par exemple — et leur proposer des stages de six mois à l'étranger, dans les pays où nous travaillons.